KIBLIND Magazine 76

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KIBLIND Magazine Numéro À quoi tu joues ?


Conception et réalisation : QUAI # 3 pour la Société du Grand Paris 2 mail de la Petite Espagne 93200 Saint-Denis − Mai 2021

BANDE DESSINÉE ILLUSTRATION GRAPHISME ANIMATION

APPEL À CANDIDATURE INTERNATIONAL POUR LA CRÉATION DE FRESQUES PÉRENNES DANS LES GARES DU GRAND PARIS EXPRESS

JUSQU’AU 15 SEPTEMBRE 2021 PLUS D’INFORMATIONS SUR SOCIETEDUGRANDPARIS.FR/ ILLUSTRERLEGRANDPARIS




KIBLIND Store Illustrations à emporter

La collection de posters Détours de France, imprimée en risographie par KIBLIND Atelier, s'enrichit avec 12 nouvelles destinations. Venez les découvrir en exclusivité à partir du er 1 juillet à la librairie Artazart et sur kiblind-store.com De haut en bas, de gauche à droite, une sélection de visuels des précédentes éditions de Détours de France : Thomas Hayman - Nice / Paul Sirand - Bonifacio / Emma Roulette - Lyon, la colline de la Croix-Rousse Clément Vuillier - Pic du Midi / Clément Thoby - Paris, Parc des Buttes-Chaumont / Anna Popescu - Le Havre


👀 ÉDITO — 6 KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

Il est venu, le temps des cathédrales de sable, des parasols volant au vent et des slips de bain outranciers. C’est l’été, les amis, celui qui alanguit l’esprit et permet à l’ennui d’être roi. Sensation agréable à ses débuts mais qui prend vite les allures d’une bête immonde. Il nous prend et nous étouffe, cet ennui, sur nos corps sans défense, étalés et vulnérables sur la serviette. Ces vacances tant attendues tourneraient-elles au fiasco, faute d’une activité cérébrale minimale ? Mais, attends, est-ce que je m’étais pas acheté ce truc à la con... Portés par un fol espoir, nous fouillons le tote bag, plongeons la main au milieu des clés, des clopes et des clémentines et, tout d’un coup, les nerfs se relâchent. C’est bien la douceur granuleuse du mauvais papier que touchent nos doigts. Il est là, le TV 7 Jeux qui nous sauvera tous. Ils sont là les jeux dont nous ignorons l’existence les dix autres mois de l’année. Des occupations à la fois absurdes et impossibles, pour lesquelles tout juste quelques photos vieillies de stars inconnues nous sont jetées en pâture pour nous séduire. Mais on les adore ces photos de Carole Laure et Bernard Montiel, on les adore les logimages, les lettramots, les mots casés, sans oublier les télégrilles. Le jeu nous a retiré la tête hors de l’eau et pour ça on l’en remercie. Hommage, donc, avec ce Kiblind à jouer où nous triturerons cette manie inexplicable avec ce qu’il faut d’illustration pour faire péter les codes.

On ne pouvait pas faire une spéciale jeu sans que la couverture soit elle-même l'occasion de s'amuser déjà un peu. L'œuvre de Jisu Choi est donc un Cherche-et-Trouve dans la plus grande tradition de Charlie et ses copains. Ce qu'il faut trouver ici ne sont pas des gens mais bien des jeux. Louchez donc à la recherche des parties en cours de : → TETRIS → CHI-FOU-MI → BEACH BALL → BILBOQUET → MOTS CROISÉS → RUBIK'S CUBE → SOLITAIRE → JE TE TIENS TU ME TIENS PAR LA BARBICHETTE → BEER PONG → DONJONS & DRAGONS → SUDOKU → RING OF FIRE → EDWARD 40 HANDS Et si vous rouillez vraiment sur la plage ou sur votre canapé, sachez qu'à 41 reprises, des éléments de notre couverture apparaitront lors de votre lecture , disséminés à l'intérieur du magazine. Scruter bien et fort, mais quand même, n'oubliez pas de lire ce qu'on a écrit.

Directeur de la publication : Jérémie Martinez / Direction Kiblind : Jérémie Martinez - Jean Tourette - Gabriel Viry Comité de rédaction : Maxime Gueugneau - Elora Quittet - Jérémie Martinez Team Kiblind : Alizée Avice - Guillaume Bonneau - Agathe Bruguière - Allan Chéron - Alix Hassler - Mathilde Neto Solène Pauly - Justine Ravinet - Charlotte Roux - Phoebe Stubblefield - Jean Tourette - Olivier Trias - Gabriel Viry Contributeurs : Laurence Leveneur-Martel, Yann François, Archi Chouette Réviseur : Raphaël Lagier Direction artistique : Kiblind Agence Imprimeur : Musumeci S.p.A. / www.musumecispa.it Papier : Le magazine Kiblind est imprimé sur papier Fedrigoni / Couverture : Symbol Freelife E/E49 Country 250g / Papier intérieur : Arcoprint Milk 100g, Arena natural Bulk 90g Typographies : Kiblind Magazine (Benoît Bodhuin) et Lector (Gert Wunderlich) Édité par Kiblind Édition & Klar Communication. SARL au capital de 15 000 euros - 507 472 249 RCS Lyon. 27 rue Bouteille - 69001 Lyon / 69 rue Armand Carrel - 75019 Paris - 04 78 27 69 82 Le magazine est diffusé en France et en Belgique. www.kiblind.com / www.kiblind-store.com ISSN : 1628-4146 Les textes ainsi que l’ensemble des publications n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Tous droits strictement réservés. Merci à Matthieu Sandjivy. THX CBS. Contact : magazine@kiblind.com


Concours international Concours étudiant Studio Kargah Michiel Schuurman Fanette Mellier Michel Lepetitdidier Raphaël Garnier Chantal Jacquet DEMO festival Formes de collaboration Club Collecte Le prix unique du livre Prospectives graphiques

Le Signe Centre National du Graphisme 1 Place Émile Goguenheim 52000 Chaumont 03.25.35.79.01 France @lesigne_cndg

wwww.cndg.fr


👀 SOMMAIRE — 8 KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

6

Édito / Ours

8

Sommaire

10

In the mood feat. Jisu Choi

20

Intro À quoi tu joues ?

24

Invitation Laurence Leveneur-Martel Jeux TV, À vous de jouer

28

En couverture : Jisu Choi

34

Créations originales À quoi tu joues ?

45

Playlist : Thierry Beccaro

46

Dossier - L'art de l'enfance

52

Invitation Yann François De Tetris à Picross : le jeu vidéo et l’amour du « rien »

56

La Ludothèque improbable : Archi Chouette

58

Imagier - Les Intrus de Bastien Contraire

69

Sélection Kiblind

80

Square2


jeu vidéo

animati

o 3D D B n illustratio

n

L’ÉCO LE DES M ÉTIER S DU D ESSIN

> formation initiale - 5 ans pour se spécialiser en édition multimédia, cinéma d’animation ou jeu vidéo - 3 ans pour se spécialiser en dessin 3D - 2 ans pour se spécialiser en storyboard et layout (rentrée 2021, à Angoulême) En fin d’études, les étudiants accèdent à un job dating réunissant 60 entreprises.

> formation continue - l’illustration jeunesse - la création de décors sous Photosphop - l’illustration vectorielle sous Illustrator - la mise en couleur en bande dessinée - le stop motion - animation en volume - le storyboard

Lucie Amet, étudiante de 4e année édition multimédia

Intermittents, artistes-auteurs : une prise en charge de ces formations est possible, interrogez-nous ! Organisme de formation référencé

> cours du soir Réunion d’information : lundi 6 septembre à18h. 1 rue Félix Rollet, Lyon 3e métro ligne D - Monplaisir Lumière tél. : 04 72 12 01 01 www.cohl.fr


👀 IN THE MOOD — 10 KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

IN THE M D Vous croiserez dans cette entrée quelques objets illustrés rencontrés par bonheur ces derniers mois lors de nos pérégrinations visuelles. Vous serez accompagnés par des de notre couverture réalisée par l'incroyable illustratrice Jisu Choi.


👀 11 — IN THE MOOD

POSTER A2 ■

« Falowce » Poster → Par Zuzanna Piwnik instagram.com/misspiwnik.dr

BALLON ■ → Laura Kopf X Hoopers colors laurakopf.com hooperscolors.fr

MIXTAPE ■

Mix de Synths of The World pour Rhapsodise → Artwork par Natalia Pawlak instagram.com/ halinqapawl instagram.com/ rhapsodise__

VASE EN PAPIER MÂCHÉ ■

→ par Bebhinn Eilish etsy.com/ie/shop/ BebhinnsArtShop

REVUE ■ Reliefs n°13 - Prairies → Couverture par Jade Khoo reliefseditions.com

ZINE ■ Source Material par Franchise thisisfranchise.com

KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

VINYLE ■ Kontakt (EP) de Matthias Zimmermann (Back Office Records) → Artwork par Antoine Durufle instagram.com/antoine.durufle instagram.com/mattzimmermann


👀 IN THE MOOD — 12

AFFICHE ■ Exposition Clean → Par Elvis Barlow Smith elvisbarlowsmith.com

VINYLE ■

Enter The Zenmenn de the Zenmenn (Music From Memory) → Artwork par Bráulio Amado badbadbadbad.com instagram.com/theezenmenn

VINYLE ■

KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

Mémoires d’éléphant #03 → Artwork par Ram Han instagram.com/ram__han instagram.com/cracki. records

TAPIS ■

« The Essence of a furniture store » → Par Daukante daukante.com/shop

JEU DE TAROT ■ → Par Lorraine Pochet etsy.com/fr/shop/PopocheStore


👀 13 — IN THE MOOD

VINYLE ■ → JEE-OOK CHOI https://www.instagram.com/jeeeoook

Depuis son QG de Séoul, l’illustratrice Jee-Ook Choi dessine quelques-unes des plus jolies pochettes de disques qu’il nous ait été donné de croiser. Il était temps qu’on s’y intéresse de plus près. Salut Jee-Ook, tu as fait pas mal de pochettes d’albums. Peux-tu nous en lister quelques-unes ? Tout a commencé avec la pochette pour l’album Once de Peggy Gou. J’ai ensuite réalisé la pochette de Moment puis j’ai travaillé pour différents artistes signés sur le label de Peggy Gou, Gudu, dont Brain de Palma. À côté de ça, j’ai aussi fait une pochette pour Devotion de Dan récemment (qui n’a rien à voir avec le label Gudu). Quelles sont les musiques ou les artistes qui t’inspirent quand tu dessines ? Quand je travaille sur une pochette de vinyle en particulier, j’écoute la musique de l’artiste qui a fait l’album. Je passe la musique en boucle et j’essaie de m’imprégner de l’imagerie qui en ressort. J’ai l’habitude d’écouter des musiques qui collent avec l’atmosphère des projets sur lesquels je travaille. Ces temps-ci, j’écoute aussi beaucoup d’artistes coréens. Quel était le brief pour réaliser la pochette de Brain de Palma ? J’ai compris que le « cerveau ananas » était leur symbole. Il voulait qu’il soit intégré dans la création. Lorsque j’ai écouté leur musique, je me suis dit que je devais faire apparaître ce symbole de façon onirique. J’ai donc imaginé des cocktails doux et frais, submergés par l’eau. Peux-tu décrire la façon dont tu l’as travaillé techniquement ? Le premier brouillon n’est pas très différent de la version finale. J’avais pensé dessiner un serpent au lieu d’une baignoire, mais il avait déjà été utilisé pour un album précédent. Je me suis posé la question d’y ajouter une personne ou non, mais finalement, je me suis dit que c’était mieux de montrer une scène sans personne. Sinon, je dessine sur une tablette graphique donc je travaille du début à la fin sur un ordinateur, avec Photoshop. J’ai essayé pas mal de couleurs différentes avant d’arriver à trouver la palette qui me plaisait. Pour toi, quelles sont les plus belles pochettes de vinyles de tous les temps ? Il y en a tellement, mais je trouve la pochette de Currents de Tame Impala toujours aussi cool quand je la vois. Elle me rappelle Unknown Pleasures de Joy Division. Je pense que c’est dû à l’esprit 70s /80s.

REVUE ■ Hors série Socialter - Libérer le temps → Couverture par Vladimir Hadzic socialter.fr

LIVRE ■

SWEAT-SHIRT ■

« I’m nervous » → Par Bobbi Rae bobbirae.co.uk

KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

Glossary of Undisciplined Design spectorbooks.com


👀 IN THE MOOD — 14

ZINE ■

YELOYOLO https://yeloyolo.eu Ainsi est faite la vie : certaines aventures se terminent et d’autres éclosent à peine. Comme c’est quand même vachement plus intéressant de se tourner vers le présent, on a donc demandé à la toute jeune maison d’édition Yeloyolo de nous raconter ses ambitions les plus secrètes. Salut Steven & Marco, pouvez-vous nous raconter la naissance de Yeloyolo et son ambition ? Hello Kiblind ! Yeloyolo, c’est à l’origine un studio de design graphique, Zerozoro. Et puis, petit à petit, l’idée de réaliser des projets plus personnels, en dehors des contraintes, qui mettent aussi plus en avant notre pratique du dessin, de l’illustration, du dessin de typographies aussi. Ce qui n’est pas toujours si évident dans les projets du studio.Du coup, on envisage vraiment Yeloyolo comme un terrain de jeu, un espace où on peut s’amuser, expérimenter, etc. Parlez-nous de votre premier ouvrage Regards croisés/Gekreuzte Blicke… Regards croisés/Gekreuzte Blicke, c’est une idée qui était depuis longtemps dans nos têtes et qui, par manque de temps, n’avait jamais vu le jour. On l’a réalisé avec Luna-Shirin Ragheb, une journaliste franco-allemande qui vit à Leipzig. Du coup, c’était amusant de mettre en scène les particularités de nos cultures respectives à partir du principe du livre (les images qui se décomposent et se recomposent), et de raconter quelque chose sur ces échanges. On voulait aussi faire un objet un peu original : couverture jaune embossée, intérieur en riso quatre couleurs, assemblé à la main (pour que tous les exemplaires soient différents), etc. On s’est vraiment fait plaisir sur la fabrication. Quel est votre prochain projet ? On a plusieurs projets en cours, on ne sait pas encore exactement lequel on va sortir en premier. Mais un autre livre est déjà presque fini, on travaille aussi sur une petite série d’animations. On vous en dira plus le moment venu ! Tous vos ouvrages vont-ils être bilingues ? Il y a de grandes chances pour que la plupart de nos projets futurs soient bilingues. Pas forcément allemand/français mais peut-être italien, anglais, espagnol ou khmer. Ça dépendra du contexte. La langue ne sera pas forcément autant au centre du projet comme dans Regards croisés/Gekreuzte Blicke mais on trouve ça intéressant de travailler entre plusieurs cultures. Steven est d’origine cambodgienne, moi d’origine espagnole, je vis un peu entre Paris et Leipzig, on travaille souvent à Venise, tout ça nourrit forcément nos projets. Les éditions Yeloyolo vont-elles vraiment être yolo ? Haha, il y a de grandes chances, oui. L’idée initiale était vraiment de se trouver un espace pour s’amuser et donner vie à des projets personnels, du coup ça risque vraiment d’aller dans ce sens oui… (Vous noterez que le nom Yeloyolo est une déclinaison du nom du studio : Zerozoro, avec une touche d’insouciance en plus bien entendu.)

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VINYLE (non commercialisé) ■

Vinyle de Bosco Rogers adapté d’un carré © Hermès pour la soirée SilkMix → Artwork par Anne-Margot Ramstein instagram.com/annemargotramstein instagram.com/ boscorogers

CHAUSSETTES ■

→ Ninja Xpert ninjaxpert.bigcartel.com


👀 → CHAE BYUNG-ROK instagram.com/chae_byungrok/ Ah la Corée, voilà une terre fertile en matière d’excellents graphistes et illustrateur·rices. En sa capitale se trouve Chae Byrung-rok, un graphiste des plus pointus qui met un point d’honneur à créer un langage universel via ses créations mûrement réfléchies.

15 — IN THE MOOD

POSTERS ■

Hello Chae ! Quand as-tu commencé le graphisme ? Cela fait 15 ans que je fais du graphisme, mais j’ai vraiment commencé à trouver mon propre style il y a 10 ans. Quelles sont tes inspirations en typographie et en design graphique ? Je suis très intéressé par les objets en trois dimensions comme l’architecture et l’artisanat. Je trouve ça intéressant de pouvoir décomposer et analyser des structures. Tes posters sont caractérisés comme des œuvres d’« excellence typographique », qu’est-ce que ça veut dire ? La typographie est pour moi l’élément visuel le plus important dans le graphisme. Elle incarne le sens essentiel du message plutôt que sa partie fonctionnelle. Quel serait ton projet de rêve en design ? J’aimerais avoir une exposition qui exprime mon univers graphique de façon large, plutôt que de devoir se limiter à une taille ou à une quantité d’œuvres sur un seul thème (comme l’état de la nature et de la société). En plus de ça, je m’intéresse beaucoup aux textures et je travaille sur pas mal de projets dans ce sens ces derniers temps.

VINYLE ■

Once de Maxwell Farrington & Le SuperHomard → Artwork par Guillaume Pinard instagram.com/pinardguillaume instagram.com/mfarrington_lesuperhomard

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AFFICHE ■ Festival Formula Bula → Artwork par Cizo formulabula.fr


👀 IN THE MOOD — 16

CÉRAMIQUE ■ → AMY VICTORIA MARSH yayvm.com

Une théière avec une casquette, une femme sous une couverture algue, il ne nous en fallait pas plus pour tomber amoureux des céramiques de l’artiste anglaise AmyVictoria Marsh. On est allés lui demander comment la magie opère. Salut Amy, qui es-tu ? Je suis une illustratrice faisant des dessins et de la céramique et travaillant le bois. Je travaille dans mon studio à Salford, « The Engine House », depuis trois ans maintenant. J’y suis entourée de 10 autres créatifs. J’enseigne aussi à l’Université de Salford. Je dessine en m’inspirant de mes voyages au Japon et des événements sans grand intérêt de la vie quotidienne. Quand as-tu commencé à faire de la céramique et pourquoi ? Mon travail a toujours eu tendance à pencher vers la 3D ; en venir à la céramique était donc un chemin assez naturel pour moi. Récemment, j’ai expérimenté l’argile qui sèche à l’air libre et des pièces de bois mais ces matériaux ne m’ont pas vraiment satisfaite. Je me suis lancée dans un cours de poterie en 2015 pour apprendre les bases et depuis ça, j’apprends tout par moi-même. Peux-tu nous expliquer les étapes, du premier dessin à l’œuvre finale ? Le processus est assez rapide. J’ai d’abord en tête l’idée d’une illustration ou d’une céramique et j’attends qu’elle soit assez concrète pour la réaliser sur papier. C’est rare que j’explore différentes façons de faire sur mon carnet. La plupart du temps, je visualise la chose dans ma tête et j’y vais franchement. Je construis ensuite la pièce avec de l’argile, je la fais chauffer dans le four à céramique, je la vernis et ça donne un objet joli et brillant dont je suis contente. Quels autres objets produis-tu ? Mes illustrations se retrouvent parfois sur du bois ou du tissu. J’ai aussi produit des pin’s en émail. J’aime beaucoup imprimer des posters aussi. Mais ce que je trouve le plus satisfaisant, c’est de faire à partir de mes dessins des objets palpables, qui ne se limitent pas à un bout de papier. Quel serait ton projet de rêve ? Quelque chose de grand ! Comme un meuble ou peindre la façade d’un immeuble.

AFFICHE ■ Festival Sonic Protest → Artwork par Matthieu Morin instagram.com/matieu.morin sonicprotest.com 0

édition 17

BD (projet de fin d’études) ■

F ESTI VAL

BO

AFFICHE ■ Film La Fièvre de Maya Da-Rin → Artwork par Jean Mallard jeanmallard.com

RD

E LU

U M M U SI C

Es gibt nur uns de Moritz Wienert moritz-wienert.de

ST AE

sonicprotest.com

PARISAUTOURAILLEURS

ARTWORK MATTHIEU MORIN / LA BELLE BRUTE

KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

DU 24 JUIN AU 11 JUILLET


👀 AFFICHE ■ → Par Caroline Laguerre Affiches signées et numérotées carolinelaguerre.bigcartel.com

VINYLE ■ Les Mystères de Lorient de Il est Vilaine → Artwork par Apollo Thomas apollothomas.com ilestvilaine.bandcamp.com

CHEMISE ■ → José Quitanar x Mira Mikata instagram.com/josequintanar_artist instagram.com/miramikatistudio

AFFICHE ■

« Ceramics » Poster → Par Manne Jalilian mannejalilian.com

Fake Fruit de Fake Fruit (Rocks in Your Head Records) → Artwork par Pamela Guest instagram.com/ pamelaguest_ instagram.com/ therealfakefruit

PORTE-BOUGIE FLEUR ■

→ Par Jay Daniel Wright jaydanielwright.com

KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

VINYLE ■


KIBLIND Magazine → 73 → Meilleurs amis

16.10.2020 – 22.08.2021 Exposition, Lyon

un refuge en terre malgache

Design graphique : KIBLIND Agence

y a k a M

👀👀


👀

MAIS C’EST QU

TO IL EXISTE

vidéo

de mariage

IT UN JEU ?

RELIEZ LES JEUX

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c

POIN E HILO

LEURS DATES DE CRÉATION

le Chatrang, premier jeu d’échec

1370

Scrabble

1920

Oxo, le premier jeu vidéo Monopoly le jeu royal d’Ur, premier jeu de plateau le jeu de cartes Minecraft

-3000 av. JC 2011 -2600 1935 Ve siècle ap. JC

la toupie

1948

le Beach-Volley

1952

RÉPONSES :

S'il est si difficile à définir, c’est parce que le jeu est un état d’esprit, une disposition de l’imaginaire, une dimension à part dans laquelle on entre et on sort, plus que quelque chose de cartésien. Tout acte du quotidien peut en fait se transformer en un jeu pour la personne qui est ouverte à le recevoir comme tel. Ainsi, un parent désespéré va réussir à faire enfin manger ce foutu petit pot Bledina en utilisant le subterfuge suranné de la cuillère-avion à son enfant. Et bam, grâce au côté ludique du jeu, même le petit pot chou-fleur - canard devient délicieux. Le jeu est un objet culturel. Il n’est pas perçu de la même façon selon les pays. Il s’adapte aux us et coutumes, porte en lui des idées, des visions du monde culturellement construites. Il est rarement neutre et permet d’ancrer des valeurs, des manières d’envisager les relations humaines ou encore les rapports de domination. Qu’il soit une disposition de l’esprit ou une activité concrète et palpable, le jeu a un début et une fin et au bout du chemin se trouve souvent un sentiment de plaisir. Il peut se déclencher à tout moment. Il est une temporalité à part, en dehors du réel.

Le Chatrang → Ve siècle ap. JC, Scrabble → 1948, Oxo → 1952, Monopoly → 1935, Le jeu royal d’Ur → -2600, Le jeu de cartes → 1370, Minecraft → 2011, La toupie → -3000, Le beach-volley → 1920

rtes e, les ca En Europ bolisent le m à jouer sy et le valet. ne roi, la rei Le 22 octobre 1793, la nce, s en Fra ai n, M Convention interdit les évolutio ant la R ur d signes de royauté et de rois, s le at on ab féodalité. nt leurs qui laisse vertus x au Le bonnet phrygien s ce la p es. remplace la couronne, un révolutionnair soleil éclipse la fleur de lys. Puis des jeux furent imprimés remplaçant les rois par des génies, les dames par des libertés, les valets par des égalités).

En 2003, le Penta gone utilise le jeu de cartes comme outil de propagande au près des soldats US , en remplaçant les figures classiques par les commandants irakiens. Saddam Husse in devient pour le plaisir de tous, un as de pique.

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I LES CARTES E C R QU À JOUER... I E M IT L A L PO À A L E D

sportif

ard de has

Depuis toujours, l’être humain semble avoir joué. Que ce soit avec la nature, des outils, des objets du quotidien, des osselets, ou encore des dés.

e

de plage

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DEPUIS QUAND JOUET-ON ?

de société l de rôle d'alcoo

L P

FA

il peut être :

D E JE U X

EN

Selon Roger Caillois dans son essai Les Jeux et les hommes, le jeu est « une activité libre, séparée des autres activités humaines, incertaine, improductive, soumise à des règles, fictive et gratuite ».

UN TAS DE TY T U

S PE

OI

Notre cher Larousse lui-même déraille face à cette question d’apparence ordinaire en nous proposant pas moins de 12 définitions. On le comprend, il existe une infinité de jeux différents et les classer objectivement relève du défi. Parlons déjà de son sens général. Le jeu est donc, selon le Larousse, une « activité d'ordre physique ou mental, non imposée, ne visant à aucune fin utilitaire, et à laquelle on s'adonne pour se divertir, en tirer un plaisir ».

19 — INTRODUCTION

« À QUOI TU JOUES ? », voilà une question qui peut être posée autant par un mouflet de façon naïve en voyant son petit camarade manipuler des objets étranges dans la cour de récré que par Sneazy, avec un ton un peu plus direct dans la chanson qui porte le même titre. Innocente ou légèrement plus agressive, cette question amène des réponses qui peuvent couvrir tout le champ des possibles. Elles peuvent aller de « euh, non j’ai rien fait, excuse » à un « je joue au palet breton » franc du collier. Vous vous en doutez, ce n’est pas de Sneazy qu'on va parler ici mais bien du jeu, le vrai, le fou, le palpitant, le pluriel, l’international.


👀 INTRODUCTION — 20

CH I F FR ES 5

1 France

X U A S O O 3 Allemagne R É C ID V C 4 Espagne A X S U E E 5 Italie D J

P

2 Angleterre

O T

Le temps consacré aux jeux vidéo est estimé à 7 heures par semaine dans le monde et en France, en progression de +20% en un an d’après Limelight Network En Angleterre, terre de tous les possibles, on peut parier sur :

OD

200 millions

LE DUO GAGNANT

C’est le nombre d’unités du jeu vidéo Minecraft vendues jusqu’à aujourd’hui, faisant de lui le jeu vidéo le plus vendu de tous les temps.

399 461 €

En France, on vend presque un jeu de société toutes les secondes.

C’est la somme coquette empochée par Gregory Caubet, un professeur de krav-maga toulousain, en ayant misé sur 21 matchs sur Winamax

Le jeu de société le plus vendu en 2020 est le jeu PIGEON PIGEON

ur du la coule la Reine e d u a chape

MONOPOLY - 250 millions de ventes SCRABBLE - 150 millions de ventes

ment l’effondrer Eiffel u o T de la

JEU E A UX X CON À LA

at un comb ns io rp o c s e d

N°1

jouer snob et a voulu se la u je le Si i. ique de rd n pa tité astronom ont bien raiso che une quan on des jeux tr à Et les Anglais r ne ue ei jo pl jetant en l’esprit que de de s . C’est po ps re intello en nous m et te un max de ns, quel plaisir font gaspiller faites us fiches questio us no no i i qu qu , r us ou e bonj e. Oui, vo re simples comm s notre flamm ettez de mett nous déclaron us nous perm no i qu en e us vo êm à ceux-là que , nt re actifs m s heures dura pression d’êt prisonniers de e et d’avoir l’im nt dédiées. us pa en ux nos cervea ent vous so pages qui suiv vacances : les

CHAMPIONS! Le Championnat du monde de cracher de bigorneau : un homme, un bigorneau en bouche animé par un seul but, celui de battre le record de cracher de bigorneau détenu par le valeureux Alain Jourdren en 2011 qui a envoyé le machin à 11,04 m. Chapeau l’artiste.

of Legends monde de League Le Championnat du anisé par org uel ann fessionnel est un tournoi pro Summoner's Cup de f la cle la à c ave s Riot Game s d'un million ant prix allant à plu 32 kg et un import de dollars US.

P M I C Y P T L Q F K W E L

H L O V G Z B Y D S E O T U

D A N T O A L X A K X D I P

E M J G S I R T E T G E T A

S L C H I F O U M I R V B X

H Q P E B X L C X D P W A G

B I L B O Q U E T W L M C O

A M X D C Y W G C A R T E S

E V P U T B H V O H W C D L

T S H L I W A L S B E V T R

C D I R A K O J G C L S A X

TOP 3 D (ET DO ES N C

E X D X A Y I J C D A L P M

ES BIL DÉ NDE O M

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G W Y L D N X A E A S B U E

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KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

cherche et trouve dix jeux à la con

au vembre 2017 Le samedi 4 no bert Naudi de Ro ire ita rs centre unive ndama le “French Ke Foix a eu lieu t le an ns pe m co  ré Tournament” a, variante am nd ke de ur meilleur joue du bilboquet.

2 HATOFUL BOYFRIEND 1 I AM BREAD C’est l’histoire déchirante d’une banale tranche de pain qui rêve d’évoluer dans la société et de devenir enfin ce qu’elle a toujours voulu être : un toast. Votre alias virtuel : vous devenez une tranche de pain de mie prête à tous les sacrifices pour sortir de la cuisine et aller voir le monde.

Pigeons, colombes, perruches : le prestigieux St. PigeoNation’s Institute est peuplé de volatiles prêts à tout pour vivre leur vie comme ils l’entendent. Votre alias virtuel : vous êtes l’unique étudiante humaine de l’Université et devez faire d’un de vos camarades à plumes votre âme sœur, tout en ne séchant pas les cours, bien évidemment. 3 GOAT SIMULATOR Vous êtes une chèvre et vous faites ce que vous voulez.


👀 TRUE AMERICAN DRINKING

Dans l’épisode 20 de la série New Girl, le personnage de Jess incarné par Zooey Deschanel et ses petits camarades newyorkais inventent un jeu d’alcool devenu culte - bien qu’un peu compliqué - appelé le « True American Drinking ». Les règles : 1 → Construisez un château avec une table

au milieu et des meubles sur lesquels sauter autour 2 → Placez une bouteille d’alcool autour de la table et alignez 4 rangées de canettes de bière autour d’elle 3 → Créez 4 zones dans la pièce 4 → Définissez le nombre de canettes qui peuvent être utilisées en tant que pions 5 → Par équipe, commencez le jeu en lançant la phrase un, deux, trois, JFK 6 → Déplacez-vous dans le sens des aiguilles d’une montre et en restant perché sur les meubles 7 → Trouvez un moyen de déplacement pour les autres joueurs comme les techniques du dénombrement, de l'achèvement d'une citation ou de la détermination des points communs 8 → Retirez un pion du château (une canette de bière) du centre de la table 9 → Attendez que quelqu’un gagne

Si vous n’avez rien compris, c’est normal, vous êtes déjà bourré.e : allez voir sur internet.

BEER PONG

Dans chaque bon road movie américain contemporain, le beer pong se joue avec l’accessoire US indispensable : le « red cup », ce fameux verre rouge où il est quasiment interdit de verser de l’eau. Objet culte de cuite, ces larges gobelets sont produits par Solo Cups qui a le monopole de leur production depuis les années 70 et qui dit avoir choisi cette couleur en particulier car elle stimule les sens et titille l’excitation de la fête. PIM PAM C’est le nom que la France a donné au Ping Pong, sans réel succès car personne ne s’en souvient. Étrange, ça sonne pourtant.

T F L É C H É S

☹ À ce jour, aucun auteur de mots croisés n’a encore été admis à l’Académie française.

+ 10 % de ventes

de mots croisés pendant l’été

MOTS FLÉCHÉS

MOTS CROISÉS On s’y perd mais les mots fléchés sont en fait des mots croisés, les deux peuvent donc se dire. La seule différence visible entre les deux types de jeux repose sur le fait qu’on trouve des cases noires dans les mots croisés. LES AUTEURS DE MO TS FLÉCHÉS, UN MÉTIER DE PLUS EN PLUS RARE Apprendre le dico par cœu r n’aura pas suffi, les auteur.rices de mots fléc hés ne font pas le poids face à l’intelligence artificielle. Dès les années 1990, de puis sants logiciels ont été développés dans le but de concevoir des grilles parfaites et de leur adjoindre des définitions toutes façonné es en piochant dans un stock de millions de définitions récupérées via d’anciennes parutions. En trois lettres : NUL

10 000 000

de cahiers de jeux sortent de la principale fabrique de grilles de mots française chaque année pour aller rejoindre les tabacs presse et les librairies

la con s jeux à e d r u s cdotes

4 ane

B

I

IX

N G O

À une époque, le bingo était connu comme un jeu de société apparenté au loto constitué de grilles où sont écrits plusieurs numéros. Aujourd’hui, et particulièrement dans le jargon d’éternels assoiffés, le mot dit Bingo est avant tout un jeu d’alcool déclinable à l’infini dont le principe est de boire une gorgée dès qu’un mot ou une phrase en particulier se fait entendre. Récemment, c’est le bingo qui se jouait pendant les allocutions d’Emmanuel Macron qui a fait le plus de ravages. Espérons que « Nous sommes en guerre » n’équivalait qu’à une gorgée.

ILLE

TFL C + NE ÉCHE = T O JACKP

été d’échecs a ris, la vente Pa rie à sé la ux je de l2 Chez Trol la diffusion r 10 après multipliée pa me sur Netflix. Da Le Jeu de la illions de gistré 2,5 m s.com a enre s de novembre 2020. oi Le site ches m embres au tes de jeux nouveaux m illions d’adep plus de 13 m t . ai ée pt nn m l’a co Il de ligne à la fin d’échecs en

ESCARGOT → SERPENT → GRENOUILLE Parfois, pas besoin de matériel pour jouer. Deux mains suffisent. Le chifoumi est un jeu qui peut surgir à tout moment de la vie, il est rarement prévu. Il est souvent utilisé à des fins utiles et permet de mettre un terme à des débats houleux grâce à la magie du hasard. Grâce à lui, vous serez par exemple enfin fixé sur qui de vous et de l’autre joueur doit aller descendre la poubelle.

On pensait son nom imbattable tant il est joli, or, la concurrence est rude. Laissez, nous vous présenter le Trouduc sous toutes ses formes, à l’international :

Le jeu pierre-papier-ciseaux a été cité pour la première fois de le livre Wuzazu écrit par l’auteur chinois Xie Zhaozhi. Le jeu aurait été créé à l’époque de la dynastie chinoise Han, soit environ 220 ans après JC.

Angleterre → Scum, Asshole, Rich Man Poor Man, Bum, Propriétaire, Emperors et Scum

Il a ensuite été très populaire au Japon sous le nom de sansukumi-ken, où il se joue alors avec des symboles d’animaux.

Australie → Warlords, Scumbags Allemagne → Einer ist immer der Arsch Hongrie → Hübéres (vassal) Pays Bas → Sluitspieren, Klootzakken

LA RÈGLE La grenouille (le pouce) l’emporte contre l’escargot empoisonné (le petit doigt), l’escargot empoisonné gagne contre le serpent (index) et le serpent contre la grenouille.

KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

Aussi étonnant que cela puisse paraître, le beer pong, a été inventé en pleine déglingue. C’est à la fin des années 50, à l’université Dartmouth située à Hanover, dans l’État du New Hampshire, que se sont jouées les premières parties. L’université deviendra ensuite le QG des joueurs les plus aguerris et fera de cette discipline son fer de lance.

O

DANS LE M

BOIR

E

JEUX À BOIRE ☺ → JEUX À BOIRE ☺ → JEUX À BOIRE ☺ → JEUX À BOIRE ☺ → JEUX À BOIRE ☺ → JEUX À BOIRE ☺ → JEUX À BOIRE ☺

L

À

M

Baladez-vous sur la plage de Juan-lesPins et regardez autour de vous. Là, solidement vissé à leurs chaises, un petit nombre de plagistes s’affairent, stylo à la main, à écrire frénétiquement des mots sur des petits magazines. Vous les avez repérés, bravo. Ce sont d’authentiques spécimens de flécheurs, également appelé les cruciverbistes. « Fléchés évasion », « Fléchés 100% détente », « Les Jeux de l’été », la promesse est aguicheuse et elle fonctionne. Pour ces plagistes, l’esprit est autant en vacances que les corps chauds en train de cramer au soleil. Le temps ne se compte plus, seule la trouvaille du juste mot compte.

21 — INTRODUCTION

X

S JEU E


👀 INTRODUCTION — 22

PIONNIERS

SUR MA ROUTE Nous aurions pu citer le roman de Jack Kerouac à une lettre près, mais on a préféré que vous ayez la chanson de Black M dans la tête quand vous lirez ce titre. Vous voyez, il y a des moments comme ça où l’on s’amuse d’un petit rien.

De quels jeux se sont échappés ces 3 types de pions ?

Monopoly

Mastermind

Le nain jaune

Plusie ur à prat s exemples de jeu iquer dans c x inté ressan e cont ts exte

LE JEU DES COULEURS → choisir une couleur, compter toutes les voitures qui dépassent ayant cette couleur

C’est d’ailleurs ce que les gens normaux cherchent souvent à faire lorsqu’ils sont enfermés entre les quatre portières d’une voiture : s’amuser. Parce qu’avouons-le, on s’emmerde pas mal en voiture.

LE JEU DES STARS → citer un prénom, chacun doit citer à son tour une star qui porte ce prénom jusqu’à ce que le stock de stars soit épuisé

CAP D'AGDE BEAC

AMÉRIQUE

H-VO

On m'appelle l'OVNI

KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

OB

JET FIÉ NON IDENTI

C’est en jouant à s’envoyer un couvercle en 1937 avec son oncle puis des moules à tarte avec sa femme Lucie un peu plus tard que Walter Frederick Morrison a une illumination. Sûr du potentiel de sa découverture, il se met à vendre des « moules à gâteaux » volants pour 25 cts sur les plages californiennes. Après plusieurs expérimentations, l’inventeur sort le « Pluto Platter », un disque aux lignes plus épurées qui vole mieux qu’une tôle à tarte (et peut-être accessoirement qui évite d’assommer tous les joueurs). En 1957, la compagnie Wham-O rachète l’invention et c’est ainsi que naquit le « Frisbee ».

→ Textes : E. Quittet avec l’aide d’A. Chéron → Mise en page : G. Bonneau

1976 le premier tournoi professionnel voit le jour

PÊCHE MIRACULEUSE

1987 les joueurs se battent pour décrocher le titre de champion du monde sur la plage d’Ipanema au Brésil 1996 Le Beach-Volley devient un sport olympique Si Mickey est évidemment un petit LE CLUB copain tout droit MICKEY débarqué des States, les inoubliables Clubs Mickey sont eux une invention française. C’est l’éditeur français et as du marketing Paul Winkler qui a eu l’idée d’implanter les premiers clubs Mickey sur les plages françaises en 1935. Son but ? Divertir les enfants avec tout un tas de jeux et ainsi donner à la jeunesse le goût du sport et de l’effort. Son vrai but ? Vendre un max de Journal de Mickey.

LE JEU DU SILENCE → jeu très fun souvent à l’initiative des parents qui en ont ras la casquette d’entendre les gamins brailler depuis le départ sur la banquette arrière.

Bon, il y avait au ssi le jeu déchirer qui consi un bout stait à de boulette mouillée Voici, à en faire une e camtar d t à le ca n ’à côté à a l’aide d’u rder sur le sarbaca n ne, mais effaceu il n’est p as sans d ranger.

L

LEY 1920 Le Beach-Volley apparaît sur les plages de Santa Monica 1947 le premier tournoi officiel est organisé

On ne les remercie pas assez, mais c’est bien grâce aux Américains que nous pouvons faire autre chose sur la plage que juste s’empiffrer de chouchous ruisselants d’huile sans bouger le petit doigt. Mais bon, c’est pas mal aussi comme activité.

LE JEU DES PLAQUES D’IMMATRICULATION → trouver un mot qui commence par chaque lettre inscrite sur la plaque d’immatriculation du boug de devant

Fin 2020, le constructeur japonais Nintendo a annoncé le “résultat d’exploitation le plus élevé jamais enregistré de 2,37 milliards d’euros pour la période d’avril à septembre 2020”. + 209 % d’augmentation de son bénéfice par rapport au premier semestre 2019 31 millions d’unités d'Animal Crossing   : New Horizons vendues au 31/12/2020

LE CO Aller chercher les gens UP DE GÉNIE qui rouillent sur leurs canapés en plein confinement pour les amener rouiller ailleurs : sur une île déserte qu’ils auront eu l’impression de vraiment créer. La fiction et la réalité se confondent, notre île devient notre refuge, notre petit coin de nature.

PALMARÈS Ce pactole a été empoché grandement grâce au succès du jeu vidéo Animal Crossing et de la console indispensable à sa pratique : la Nintendo Switch. Si Denis Brogniart a sans doute convaincu quelques téléspectateurs de Koh Lanta grâce à sa bombe et sa pêche miraculeuse montrées dans la pub, juste avant l’émission, la raison n° 1 de cet engouement est naturellement le Covid.

76 823 478 957 bars communs pêchés 3 mots prononcés par Cousette

12 h accumulées à écouter parler Thibou

578 098 567 biftons lâchés à ce capitaliste de Tom Nook Il était temps d’éteindre la console et de repasser au diabolo.


👀 23 — INTRODUCTION

01 Vous venez d’arriver à la plage → Vous vous installez sur votre transat et vous apprêter à lire votre magazine préféré

02 Cinq amis se sont invités chez vous ce soir. Vous avez l’après-midi pour leur préparer un repas

→ Vous vous précipitez vers le bar pour commander une piña colada

→ Quelle parfaite occasion pour ressortir le plat à baeckeoffe et cuisiner un bon plat du terroir

→ Vous sortez le journal du matin pour vous tenir informé des actualités brûlantes du jour

→ Vous avez déjà appelé le Istanbul Kebab pour réserver 6 royal sauce blanche pour 20h

→ Vous écoutez le bruit des vagues, malheureusement gâché par les hurlements du gamin d’à côté.

→ Un petit tour au primeur et à l’épicerie bio et le tour est joué. Ce soir, ce sera purée de rutabaga et émulsion safran-basilic.

04 Votre meilleur ami vous propose in extremis de l’accompagner à « la nuit des musées » ce soir, vous êtes partant.e ? → Ça tombe mal, il y a le Grand Concours des animateurs ce soir sur TF1, mais vous y ferez sûrement un saut après

→ Puisque ces bougres ne vous avaient pas prévenu avant, ce sera simple et efficace : salade César pour tout le monde

05 Entre le plat et le dessert à l’anniversaire de Roger, votre jeune cousin Enzo vous supplie de faire un TikTok avec lui.

→ Ça fait un an que vous l’attendiez celle-là, vous ne la rateriez pour rien au monde

→ Allez, ça part direct sur un lip sync sur « Vroum Vroum » de Moha K

→ Vos potes vous attendent déjà à 18h pour l’happy hour du bar Le Moderne, c’est mort

→ C’est quoi Toc toc ?

→ L’art tout ça, c’est sympa quand c’est Stéphane Bern qui en parle mais toute une nuit à regarder des tableaux, non merci

07 Le sport qui vous correspond le plus, c’est : → La pelote basque, un sport indémodable et ancré dans l’histoire → Vous ne dites jamais non à un petit foot improvisé

→ Pourquoi pas, ça peut être drôle, il faut bien s’adapter à notre temps → Jamais de la vie vous ne vous laisserez corrompre par cette application maléfique, ­et tant pis pour Enzo

08 Cela fait déjà deux heures que vous essayez de monter ce fichu meuble Fkanbluj dont la construction s’apparente à un casse-tête

→ Le sport, c’est un concept un peu lointain pour vous

→ Vous chassez vos mauvaises pensées puis reprenez la notice depuis le départ

→ La course, en plus, il paraît que ça améliore les capacités cérébrales

→ Vous savez qu’on arrive à tout avec de la patience, alors vous gardez votre calme et vous réessayez encore et encore → Tant que le meuble tient debout, même s'il manque une pièce, ça fera l’affaire → Vous le ramenez au magasin et vous achetez un autre meuble sur Le Bon Coin

RÉPONSES

03 Quel est votre radio préférée ? → Votre cœur balance entre FIP et des petits radios locales associatives comme Radio Canut → Chérie FM, la seule radio où l’on comprend les paroles → Fun Radio. Vous n’oublierez jamais la retransmission du concert de Dj Snake à Tomorrowland → France Bleu. En particulier l’émission du club des lève-tôt le dimanche matin et les chroniques historiques

06 Au Trivial Pursuit, quelle est la catégorie dans laquelle vous excellez ? → Arts et littérature → Divertissement → Sports et loisirs → Géographie

09 Le facteur s’est trompé et a déposé par inadvertance le numéro de Voici de la voisine dans votre boîte aux lettres → Vous le remettez immédiatement dans la boîte aux lettres de la personne à qui il était destiné → Vous l’emportez discrètement chez vous et en feuilletez toutes les pages. Ah tiens, Jenifer a eu un troisième bébé ? → Vous le gardez pour découper des trucs dedans et en faire un collage → Vous ouvrez le magazine direct sur le dossier d’été, celui où on doit deviner à qui appartiennent les paires de fesses

10 L’objet qui ne vous quitte jamais, c’est : → Votre porte-clef décapsuleur → Le mousqueton pour attacher solidement vos clefs à votre passant de ceinture → Une paire de lunettes de soleil KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

→ Un carnet où noter toutes vos idées

Vous aimez faire la fête et vous ne vous en privez pas. « Carpe Diem » est votre mantra et vous hésitez presque à vous le faire tatouer derrière la nuque. Le beer pong est pour vous la définition du jeu parfait : il vous donne l’impression de faire du sport tout en étanchant votre soif et en socialisant. Et puis dans le système de récompense, la bière au bout du bâton, c’est quand même vachement plus intéressant qu’une satanée carotte.

La modernité, les nouvelles technologies, les Snapchat et les trottinettes électriques, à d’autres ! Vous menez une vie simple, sans compromis, droit dans vos bottes. Vous n’avez pas de temps à perdre pour des futilités. De temps à autre, vous n’êtes tout de même pas contre un peu de divertissement, tant qu’il ne vient pas embuer votre cerveau. Le Snake est fait pour vous, le Nokia 6110 qui l’accompagne saura ne pas vous inonder de notifications et de pubs infernales pour que vous ne vous concentriez que sur l’essentiel : faire que ce *** de serpent arrête de se mordre la queue et de se taper tous les murs.

Pour vous, la culture générale est essentielle, alors votre curiosité vous pousse à vous intéresser à tous les domaines : vous êtes autant capable de citer le titre du dernier prix Goncourt que d’énumérer les pièces qui constituent un voilier ou de donner le nombre d’enfants d’Angelina Jolie. Les mots fléchés ont été inventés pour vous. Alors courez donc dans votre tabac presse préféré acheter le hors-série Mots fléchés 100% summer, installez-vous confortablement sur votre chaise de plage Lafuma et donnez tout.

Vous ne dites jamais non à un tour au musée en journée. Le soir venu, c’est à des concerts que vous vous rendez avec plaisir, peu importe si le public n’est constitué que de 10 personnes. De nature calme et créative, votre vie est rythmée par votre pratique d’activités obscures auxquelles peu de gens s’intéressent, ce qui ne vous dérange pas franchement. Le bilboquet saura combler votre soif d’originalité et entretenir votre patience à toute épreuve, sans que jamais vous ne perdiez la boule.

LE SNAKE

LE BILBOQUET

LE BEER PONG

LES MOTS FLÉCHÉS


👀 INVITATION — 24

NTOEILSEIV … À vous de jouer !

KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

Maître de conférences en science de l’information et de la communication à l’Université de Toulouse Capitole, Laurence Leveneur-Martel a fait des jeux télévisés son dada en leur offrant même une thèse dédiée en 2009. Pour notre bon plaisir, elle nous replonge dans leur histoire trépidante.


👀 25 — INVITATION KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

Vous l’entendez ? Si, si, écoutez ! C’est comme une petite musique de fin d’après-midi, une parenthèse reposante au sortir de la sieste : « consonne, voyelle, consonne…/ sept lettres… pas mieux… ». C’est la litanie familière d’un jeu qui relève du culte ou de la religion, celui dont chacun connaît l’exceptionnelle longévité, le célèbre Des chiffres et des lettres. Cette messe, orchestrée par les indéboulonnables Bertrand Renard, Arielle BoulinPrat, officiée par Laurent Romejko, digne successeur de Patrice Laffont, se fonde sur une formule éprouvée et très simple, qui emprunte aux principes du scrabble et les associe au calcul mental. Une idée sortie du fertile esprit d’Armand Jammot, dans la continuité d’une autre de ses créations, Le mot le plus long [1965-1970]. Près de cinquante ans que l’on joue, vissés à nos fauteuils ou à nos canapés, à recomposer des mots et à trouver le bon compte… Depuis 1972, Des chiffres et des lettres est l’archétype du jeu qui a réussi à faire jouer son public, en titillant le goût prononcé que nous avons depuis toujours pour les jeux de lettres. Prenez le principe de l’anagramme par exemple, il est au cœur de nombreux jeux télévisés comme Motus [19902019] ou La Roue de la fortune [1987-1997 pour la première version]. Pour passer le temps, on joue avec des mots croisés, des définitions, on se remémore les subtilités de l’orthographe française, dans des programmes qui font parfois appel à des vedettes, comme Le Francophonissime [19691980], ou Les Jeux de vingt heures [1976-1986]. Pour les nostalgiques de l’école, il y avait même la dictée annuelle des Dicos d’or [19862006], agrémentée d’une série de questions portant sur l’étymologie, la grammaire ou la littérature. Autant de jeux qui n’exigent finalement rien d’autre qu’un crayon, du papier, et un savoir généralement prodigué par l’école. Faire jouer le téléspectateur chez lui, par différents moyens de communication, n’a rien de nouveau… Très tôt, l’écran de télévision devient support de jeu. En 1953, le jeune téléspectateur du Jeu de la grille est invité à décoder un message affiché sur l’écran du récepteur, à l’aide d’une grille découpée dans un journal de programme. Dans les années 1960-1970, on multiplie les procédés de split screen, de division de l’écran, et d’incrustations diverses, afin d’afficher les questions, les lettres, les chiffres, pour nous indiquer, visuellement ou par des jingles sonores, le temps qui s’écoule, les en-


👀 INVITATION — 26 KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

chaînements des manches… Le jeu se regarde autant qu’il s’écoute. Le téléphone devient rapidement un moyen de nous impliquer en direct. En 1950, le standard téléphonique SVP récolte déjà les nombreux appels des téléspectateurs qui doivent départager, dans l’émission Prix de beauté, les sosies de Mona Lisa, Brigitte Bardot, Diane de Poitiers, etc. En 1969, jaillit de façon éphémère sur les écrans l’Arbalète de Noël, un programme quotidien d’une quinzaine de minutes, présenté par Guy Lux, qui permet aux téléspectateurs, alors munis d’un téléphone, de diriger à distance le tir d’une arbalète. Pour cela, un viseur adapté à l’objectif d’une caméra est dirigé par un caméraman dont on a pris soin de bander les yeux. Ce dernier doit suivre les indications données par des concurrents au téléphone qui jouent quand même pour 3 millions d’anciens francs ! Bref, l’écran de télévision devient littéralement un « téléviseur ». Mais de toutes les formules qui permettent de nous faire jouer chez nous, il en est une qui donnera lieu à d’innombrables formats : c’est la devinette. Deviner implique de trouver la réponse cachée derrière un indice. D’ailleurs pour ceux qui s’en souviennent, de quoi étaient faits les premiers interludes télévisuels, les fameux Petits trains [1962-1964] destinés à nous faire patienter entre les programmes ? De rébus, en somme des mots cachés derrière des images ! Tout le monde se souvient du cultissime Schmilblic [1969-1987] : là encore, il s’agit de deviner la nature d’un objet présenté sous la forme d’une photographie tronquée. Simplissime et efficace… La devinette fonde la plupart des jeux qui s’apparentent à des quizz, avec des questions plus ou moins difficiles. Bien sûr, Télé-Match [1954-1961], La Tête et les Jambes [1958-1959/1975-1978], Gros Lot [1957-1961], ou depuis 1998, Questions pour un champion, impliquent de rivaliser avec l’érudition de candidats spécialistes, devenus pour certains de véritables vedettes… À défaut de s’y mesurer, on peut au moins apprécier de les regarder, disséquer leur émotion, vivre la compétition par procuration. Qui se lasserait de scruter les autres ? Mais ce principe doit se doubler, dans le jeu télévisé, de la possibilité de participer autrement que par identification. Alors les questionnaires se font de moins en moins pointus, ils renvoient à l’actualité, à la culture populaire, s’adressent aux enfants comme aux adultes (Qui veut gagner des millions), permettent de désigner Le maillon faible


👀 KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

Visuels dans l'ordre d'apparition : Des chiffres et des lettres Le mot le plus long Motus La Roue de la fortune Les Jeux de vingt heures Prix de beauté, l’Arbalète de Noël Questions pour un champion Le maillon faible Les Z’amours Tournez-manège Le Juste prix Allo Quiz Star Six

27 — INVITATION

[2001-2007] … À défaut de culture générale, c’est la connaissance de l’autre qu’on éprouve dans certains jeux de « dating » (Ordinacoeur [1988-1989], Les Z’amours, Tournez-manège [1985-1993]). Et quitte à deviner quelque chose, autant que ce soit Le Juste prix [1987-2001]. Bref, le quotidien l’emporte. Alors imaginez ce qu’il se passe lorsque des producteurs décident de combiner le téléphone, ce formidable outil de liaison entre la télévision et son public, au principe de la devinette, dans des quizz aux questions très bêtes. Cela sonne – c’est le cas de le dire – les débuts de la « call TV », un anglicisme qui désigne ces jeux dont le rôle est de remplir les grilles de programmes sur des tranches horaires généralement peu suivies. Implantée en Europe dès 1995 par le groupe Endemol, la call TV permet, en plus de produire des émissions à très faible coût, de les rentabiliser rapidement par les appels téléphoniques et SMS surtaxés. En France, ce genre fait son apparition au début des années 2000 dans un contexte publicitaire difficile. Les principales chaînes suivent la tendance : Canal+ avec Maxibouche [1987] et Essaye Encore [2002-2003], TF1 avec Allo Quiz [2001], remplacé en mars 2004 par On va faire des euros, France 3 avec Décrochez vos vacances [2002-2003]. Dans la même veine, M6 propose Mission 1 million [2000], Star Six [2002-2009] et Tubissimo [2002-2004], véritables jeux de remplissage mélangés à des clips qui lui permettent, en plus, de répondre aux obligations contractuelles de diffusion d’œuvres musicales que lui impose le CSA. Aujourd’hui, ce sont les grilles des chaînes de la TNT que ces programmes ont rempli, avec les reprises de formats anciens, à défaut de concepts plus élaborés ou innovants, et surtout plus couteux à développer. Les producteurs flattent nos egos avec des questions ineptes, jusqu’au jour où l’on choisira de passer le temps autrement, en demandant le remboursement de nos appels aux chaînes par exemple…


KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

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Jisu Choi EN COUVERTURE — 28


KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

Jisu Choi a ce super-pouvoir d’illustrer la réalité avec une incroyable minutie, en particulier en ce qui concerne l’architecture et les environnements urbains, tout en restant dans son monde à elle. Un peu comme si l’illustratrice coréenne, croisée une première fois sur la toile pour son travail pour l’agence OMA, pouvait à l’envi créer des univers parallèles. Les producteurs du génial Parasite, Palme d’or 2019 du festival de Cannes, l’ont bien compris en lui confiant la réalisation de la sublime jaquette de leur DVD (que nous ne pourrons pas montrer ici pour des questions de droits…). Son projet personnel, Corner for Rent, témoigne de cette fabuleuse faculté à sublimer le réel en se donnant elle-même un maximum de contraintes. C’est sans doute pour elle un moyen d’assouvir à sa façon sa boulimie de voyages et sa soif de découvertes, en passant des heures à imaginer et reconstruire avec talent le monde dans lequel on vit. 29 — EN COUVERTURE

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Corner for rent Personal work, 2018


Quels sont les projets importants à tes yeux ? Le premier projet qui me vient en tête est justement la bande dessinée expérimentale de voyage que j’ai faite à mes tout débuts. Après avoir terminé environ 200 pages de dessins avec l’envie un peu compulsive de dessiner par moi-même (sans avoir aucune arrière-pensée sur ce que cela pouvait m’apporter par la suite), cela m’a fait prendre conscience que j’aimais beaucoup dessiner d’une part, et que je pouvais le faire pendant longtemps sans souci. Le second projet est une illustration architecturale en collaboration avec OMA, une agence spécialisée dans l’architecture et l’urbanisme. C’était ma première opportunité de réaliser une illustration d’architecture pour des professionnels. Par la suite, c’est, je pense, sur la base de cette réalisation que j’ai pu faire beaucoup de travaux commerciaux liés à ce domaine, qui me passionne. Pour terminer, je citerai un travail personnel que je fais chaque mois, appelé Corner for Rent. Il s’agit d’un projet personnel de construction d’un coin de pièce imaginaire différent chaque mois. Les images sont ensuite imprimées au format carte postale et distribuées gratuitement aux librairies ou cafés indépendants locaux. Au début, j’ai commencé avec de très petites quantités (environ 50 exemplaires), mais le mois dernier par exemple, plus de 500 exemplaires ont été distribués en raison de nombreuses demandes. C’est un projet qui m’apporte une bouffée d’air frais quand je me perds dans les méandres des commandes commerciales.

Peux-tu nous en dire un peu plus sur ton parcours ? Je viens de Corée où j’ai passé des diplômes en graphisme et en animation. J’ai une vraie passion pour le voyage. Je suis donc allée dans de nombreuses villes au cours des dix dernières années pour découvrir le monde qui m’entoure et, sur la base de cette expérience très enrichissante, je me suis concentrée dans mon travail sur des architectures ou des espaces singuliers, hors norme. Le véritable commencement de ma carrière professionnelle en tant qu’illustratrice est aussi en lien avec le voyage. J’ai réalisé une première bande dessinée un peu expérimentale sur le voyage, éditée par une maison indépendante. Les premières années, je vivais surtout de la vente de livres et d’affiches autoproduits sur des festivals ou des foires d’illustration. Aujourd’hui, la grande majorité de mon travail est consacrée à des commandes pour des entreprises.

À quoi tu joues ? Je suis assez compétitrice mais absolument pas douée pour les jeux compliqués. Quand on m’embarque dans des parties de jeux à plusieurs, en général, je perds… Vu que ça me met en colère, je préfère généralement les jeux de puzzle auxquels je peux jouer seule, comme le solitaire classique ou 2048 en jeux vidéo.

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EN COUVERTURE — 30

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Gender Equality Library poster commission work, Client: Scenery of Today, 2019 A gas station Personal work, 2016

A motel Personal work, 2016


A room at the top Personal work, 2020

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Time difference Personal work, 2020

"Je me plonge complètement dans une illustration en imaginant une scène, une disposition spatiale déjà dessinée dans mon esprit. C’est un peu comme jouer aux Sims dans un univers que j’aurais moi-même créé."

31 — EN COUVERTURE

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Spain in my 30 Travel drawing book, 2020

The course Personal work, 2020


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Namsangol Hanok Village - Project detail: 2020 Chuseok festival poster illustration, 2020 Namsangol Hanok Village.

Honford Star publisher -The cover illustration of the novel "TOWER" by Bae Myung Hoon, 2020 Honford Star publisher. EN COUVERTURE — 32

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Qu’est-ce qui t’attend dans les semaines et mois à venir ? Je termine actuellement les illustrations d’un livre sur lesquels je travaille depuis un an. Et je prépare aussi une série personnelle de grands formats pour la Biennale d’architecture et d’urbanisme de Séoul qui aura lieu en septembre. J’ai eu la chance d’être pas mal occupée cette année avec de nombreux projets super excitants. Lorsqu’ils seront terminés, je crois que je vais prendre quelques jours pour ne rien faire et me reposer dans la villa familiale en bord de mer (c’est l’un de mes endroits préférés).

Si tu devais choisir cinq personnages de l’univers du jeu, de l’illustration pour faire une super colocation, qui choisiras-tu ? À vrai dire, il faut envisager de nombreuses options pour constituer une belle équipe ! Mais je crois que je préfère les gens qui sont sympa avec les autres… Je mettrais bien la coopération et la capacité d’adaptation comme traits de caractère principaux. Je choisis donc le génie d’Aladdin, Peter de Antman, Madeleine cookie de Cookie run Kingdom, Dragonite de Pokémon et évidemment Kirby de Kirby’s Dream Land.

Que penses-tu du web et des outils comme Instagram permettant de diffuser les images à travers le monde ? Grâce à ces outils, on peut être « connue » et communiquer auprès de nombreuses personnes sans contraintes d’espace mais aussi parfois sans réel fondement. C’est quand même étrange de se dire que des gens qui sont censés ne jamais m’avoir rencontrée puissent finir par avoir un avis sur moi ou mon travail. Parfois je me dis que c’est même triste de faire partie des nombreuses images qui se déversent et circulent sur le web. Ces images peuvent se déplacer rapidement et loin grâce à Internet, mais en même temps, elles sont aussi rapidement oubliées. Pour être honnête, je préfère me concentrer sur des travaux, des sujets, un environnement avec lequel je suis familière, dans lequel j’ai grandi. Mais je suis encore jeune et je dois sans doute m’adapter à ces nouveaux outils et leurs conséquences sur le monde de l’illustration.

Comment construis-tu tes illustrations à la fois très ancrées dans le réel et parfois complètement fantasmagoriques ? Je me plonge complètement dans une illustration en imaginant une scène, une disposition spatiale déjà dessinée dans mon esprit. C’est un peu comme jouer aux Sims dans un univers que j’aurais moi-même créé. En fait, je crois que d’une certaine façon, mes dessins témoignent d’une envie débordante de faire plein de choses. Il y a tellement de choses que je ne peux pas faire ou avoir, à cause des contraintes spatiales ou économiques, que j’utilise l’illustration pour soulager ce désir en dessinant des trucs, plein de trucs.

→ Interview : J. Martinez → jisuchoi.net

Joongang Ilbo - An article illustration on the history of urban development in Seoul, 2020 Joongang Ilbo.

"À vrai dire, il faut envisager de nombreuses options pour constituer une belle équipe ! Mais je crois que je préfère les gens qui sont sympa avec les autres… Je mettrais bien la coopération et la capacité d’adaptation comme traits de caractère principaux."

33 — EN COUVERTURE

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👀 CRÉATIONS ORIGINALES — 34

CRÉA TIONS ORIGI NALES Nous sommes dans un numéro spécial jeux, alors, mon gars, on va faire des jeux. Mais à notre manière. Fini d’aller perdre sa vie dans les Relay, finies les imageries rincées sorties tout droit des catalogues La Redoute des années quatre-vingt-dix, finis ces jeux où l’on doit connaître la date de baptême de David Hallyday pour pouvoir aller jusqu’au bout. On a pris les choses en main.

KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

Pour cette fois, Kiblind n’a pas demandé des illustrations évoquant le thème mais des illustrations qui soient le thème. Ainsi les neuf artistes ayant réalisé les créations originales des pages suivantes avaient chacun un jeu précis à conceptualiser et à dessiner. Vous trouverez donc en feuilletant les pages suivantes : un rébus par Aless MC, un jeu de l’oie par Pierre André, des devinettes illustrées par Joseph Levacher, un coloriage magique par Flore Delage, une énigme par Xavier Bouyssou, des mots en K à trouver par Éponine Cottey, un labyrinthe par Hiu Yu Ong, les sept différences par Choi Haeryung et enfin, des suites logiques par José Quintanar. Ouf. Merci à tous ces artistes d’avoir bien voulu répondre à cette commande un peu spéciale et on espère que vous allez galérer, un peu, mais pas trop, juste ce qu’il faut pour se divertir devant ces jeux traditionnels décapés et enjolivés.


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alessmc.ca

KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

Aless MC | Rébus

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KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

Pierre André | Jeu de l'Oie

instagram.com/pierre___andre

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👀 37 — CRÉATIONS ORIGINALES

instagram.com/joseph_levacher

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Joseph Levacher | Devinettes illustrées


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Flore Delage | Coloriage magique

instagram.com/floredelage

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instagram.com/xavierbouyssou

KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

Xavier Bouyssou | Enigme

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KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

Éponine Cottey | Le "K" illustré

cargocollective.com/eponinecottey

CRÉATIONS ORIGINALES — 40

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👀 41 — CRÉATIONS ORIGINALES

instagram.com/hiu.yu.ong/

KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

Hiu yu Ong | Labyrinthe "see you on the other side"


KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

Choi Haeryung | 7 erreurs

instagram.com/teummmm

CRÉATIONS ORIGINALES — 42

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43 — CRÉATIONS ORIGINALES

instagram.com/teummmm

KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

Choi Haeryung | 7 erreurs

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👀 CRÉATIONS ORIGINALES — 44 KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

José Quintanar | Suites logiques "Everyday around boundary" josequintanar.com


👀 45 — PLAYLIST

Pendant près de trente ans, Thierry Beccaro a roulé sa bosse sur France 2 en œuvrant quotidiennement à la présentation de l’émission culte Motus. Après avoir vu des boules se faire tâter un million de fois et avoir entendu les inventions de mots les plus incongrues de France, c’est désormais du côté du théâtre et de la littérature que l’ex-présentateur ­­­ de jeux TV s’est rangé. Pour ce numéro Jeux, on lui a demandé de nous donner sa playlist idéale en 10 morceaux.

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Ça, c’est quelqu’un que j’aime beaucoup, qui est ambassadeur de l’Unicef comme moi et que j’ai eu la chance de rencontrer : Oxmo Puccino. J’étais fou de bonheur. Il a écrit un titre qui s’appelle « Artiste », c’est un de ses premiers et il résume vraiment bien la vie de toutes ces personnes qui essayent de chanter, de faire de la comédie, du cinéma… Je me suis retrouvé dans ce titre.

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Il vient de sortir un album et de faire une reprise qui m’a vachement surprise, il s’agit de « Via con me » de Paolo Conte. Il en a fait quelque chose de très différent, ce n’est pas une pâle copie. On sent que c’est un hommage à Paolo Conte et je pense que c’est très joyeux et c’est bien. On s’imagine rouler sur la Côte d’Azur en voiture, la fenêtre ouverte en l’écoutant et prendre son pied.

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Je trouve qu’en ce moment, il serait sympa de réécouter cette chanson de Daniel Balavoine qu’on ne connaît pas très bien, c’est « Lipstick Polychrome ». J’ai un souvenir assez fort de quand l’hélicoptère de Balavoine s’est écrasé pendant le Paris -Dakar. Je trouve que « Lipstick Polychrome », c’est vraiment ce qu’Indochine a un peu tenté il y a quelques années avec « Troisième sexe ». C’est une ode à une évolution du monde qui est en train de se faire en ce moment. À réécouter pour le plaisir.

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C’est un petit clin d’œil à un slow mémorable qui était chanté par Billy Paul et puis, pour cette voix insensée, ce destin incroyable. Elle a quelque chose qui n’appartient qu’à ce qu’on a nommé le club des 27.

Il y a un artiste que je soutiens comme je peux qui est dans la lignée des Biolay, de L’Affaire Louis’ Trio, il s’appelle Marvin Jouno. Il a écrit une chanson qui s’appelle « On refait le monde » dans son dernier album, Sur Mars. Les jeunes qui écoutent ce morceau aujourd’hui devraient s’y retrouver par rapport à la période qu’on vient de traverser. Il exprime une certaine colère de la jeunesse qui se sent délaissée et qui constate avec pas mal d’amertume le monde qu’on est en train de lui laisser. Il a pas encore le succès qu’il mérite mais je croise les doigts pour lui.

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C’est non seulement un titre formidable mais ça me rappelle tellement le clip qui est en fait un plan-séquence où on voit la chanteuse qui avance dans la rue. C’est vraiment un titre que j’aime. C’est important pour moi que la musique me provoque un sentiment, que ce soit de la joie, de l’émotion ou de la tristesse.

Je ne vais pas souvent voir des concerts, mais la seule que je suis allé voir il y a pas longtemps, c’est Diana Krall. C’est pour moi une voix exceptionnelle, un personnage très très particulier sur scène. Ça ne semble pas très généreux, mais c’est très efficace et professionnel. Elle a une voix magnifique et c’est vraiment le jazz que j’aime, avec le moment pour la contrebasse, le moment pour la guitare, le moment pour le saxo.

Ce titre est sur son dernier album Grand Prix et je le trouve formidable. Interlagos, c’est le nom d’un circuit au Brésil et c’est indirectement un hommage à Ayrton Senna. Je crois que Benjamin Biolay était un grand fan. Il y a quelque chose de bien mélancolique comme souvent chez Biolay. J’aurais pu prendre « Les Cerfs-Volants » ou d’autres, mais j’ai pris cet extrait qui est magnifique.

→ Propos recueillis par : É. Quittet → Mise en page : G. Bonneau

KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

Parlons chanteur français, et celui-là, je l’aime beaucoup. Il avait créé le morceau « Les Parfums de sa vie » qui avait été un gros tube. Il a aussi écrit pour Johnny Hallyday. La chanson « Ultra Marine » est une chanson d’amour comme on rêverait d’en écrire et d’en chanter le dimanche soir quand on est avec son ou sa bien-aimé·e et que les jours paraissent trop courts.

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Je vous emmène à New York avec Billy Joel. Billy Joel, il a composé une chanson qui est une espèce de New York un peu nostalgique, rêvé, du week-end, « New York State of Mind ». Dans la chanson, il dit que tout le monde se tire le week-end, mais lui ce qu’il aime c’est prendre son journal tranquillement à la terrasse d’en bas. C’est une pépite.


👀 DOSSIER — 46 KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

I

Matthias Malingrëy bosse pour Astrapi, Popi et Milan, entre ls sont comme ça, les jeunes : lire du latin dans autres. Un connaisseur, donc, qui a ses facilités : « J’ai un dessin le coin sombre d’une cave ne les palpite pas suffisamment rond et simple pour faire rigoler un petit sans trop de plus que ça. Ce qu’ils aiment, eux, c’est rire, difficulté. » Parce que, dans un jeu, le dessinateur est là pour faire passer la pilule avec de l’humour et de la fantaisie. Sinon, l’enfant se s’amuser, découvrir et apprendre. Grâce à une retrouve devant une page aussi sexy qu’un tableau Excel. « Une fois connaissance poussée des gens de moins de 12 ans, qu’ils ont rédigé leur jeu, on te renvoie une maquette en blanc avec des pages où on a juste des indications écrites type “là, il nous faut l’édition jeunesse s’en est aperçue et abreuve nos un labyrinthe, là il nous faut ci ou ça” ». Après, c’est à lui de rendre poupons de jeux en tout genre, dans les magazines la page attractive pour que l’enfant s’y arrête, qu’il trouve les dessins ou livres d’activités, prompts à les faire marrer sympas et que l’esthétique le séduise. Évidemment, les magazines, bien que laissant une grande liberté aux artistes, répondent tout comme à les faire réfléchir. Mais ces petits-là de même à quelques demandent encore tant et plus. Au-delà du pur impératifs, dus notamment à leur lectorat et à la mission aspect ludique, ils veulent du beau, du vivant, in ss de « J’ai un qu’ils se donnent. « Il faut et du coloré. Et l’illustration arrive alors pour suffisamment rond ler que ça soit très lisible et go les ravir. Comme nous le dit Rémi Chaurand, que ça ne soulève pas de simple pour faire ri question auxquelles un de rédacteur chez Bayard Presse (pour Astrapi un petit sans trop adulte ne pourrait pas surtout) : « On sait qu’ils ne font pas tous les répondre simplement. Il difficulté » faut que ce soit ultra-inclusif jeux, mais qu’ils s’arrêtent tous dessus, car aussi. T’as toujours une on travaille beaucoup l’illustration. Ils doivent maman avec une poussette, passer un bon moment à feuilleter les pages des gens de toutes les couleurs, des gens plus ou moins vieux, des gens handicapés, pour que tous les enfants puissent s’y retrouver. » de jeux, même s’ils ne les font pas. » Le dessin est En dehors de ça, le dessinateur a carte blanche. À lui de savoir, un donc un acteur primordial dans la fabrication de peu, parler le langage de l’enfant. Matthias Malingrëy le connaît, apparemment, même s’il ne sait pas trop pourquoi. « L’idée c’est ces jeux. Toute la question est de savoir comment on dessine les jeux, comment on arrive à se spécialiser dans les rébus, les labyrinthes et autres cherche-et-trouve et comment on travaille dans les contraintes qui sont celles de l’édition jeunesse. Comment on se met, plus prosaïquement, à la place d’un enfant de 5 ans. Parce que, si vous en avez croisé y a pas trop longtemps, vous savez que c’est vraiment chelou, un enfant de 5 ans. On est allé voir les illustrateurs Matthias Malingrëy et Vincent Pianina ainsi que le rédacteur Rémi Chaurand pour qu’ils nous révèlent les trucs qui se cachent derrière la magie des jeux pour gosses.


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Matthias Malingrëy, Astrapi n°973.

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Rémi Chaurand Ce que j’aime bien, c’est inventer des jeux quand on n’en a pas. LE PING-PONG POÊLE, par exemple. Parce qu’on a toujours une table, des livres posés sur la tranche pour faire un filet et des poêles. Une balle et hop, une ou deux poêles par personne ça fait donc des raquettes. Soit on joue pour gagner et compter les points, soit on joue tranquille pour bien faire sonner les poêles et faire de la chouette musique.

Cool, mais quand on est son propre rédacteur, comment ça se passe ? Vincent Pianina s’est lui débrouillé tout seul comme un grand pour faire son propre Cahier d’activités le plus nul, paru en 2018 aux éditions du Centre Pompidou. « En fait, c’était pas mon idée de base. C’est les éditions Pompidou qui m’ont contacté. Moi, j’en avais jamais fait, je leur ai dit que je ne savais pas faire ça. » Pourtant, il est là, il est beau, il existe ce cahier d’activités. « Ils m’ont dit : “On te laisse carte blanche, sous quel angle pourrais-tu faire un cahier d’activités ?”

ce soit « L’idée c’est que temps rigolo et en même êtement, lisible. Après, honn dire je ne saurais pas te ste. » ju comment on tombe

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que ce soit rigolo et en même temps lisible. Après, honnêtement, je ne saurais pas te dire comment on tombe juste. » Alors, Matthias ne se pose pas trop de questions au moment de se mettre à la planche à dessin. « On est dans l’illustration, donc y a pas à aller chercher de second degré ou de choses trop compliquées. Si on t’appelle, c’est parce qu’on sait ce que tu fais. » Même le voisinage de quelques spécimens ne l’aide pas plus que ça. « J’ai deux filles de trois et cinq ans à la maison, mais je ne leur demande pas forcément de validation. C’est plus la rédaction qui valide. Eux savent te dire ce qui convient aux enfants. »


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Matthias Malingrëy

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Je jouais avec mes frangins au Coco Crazy ou bien aux Petits Gloutons. Je les avais un peu oubliés et mes garçons y rejouent depuis peu chez mes parents, le bon plaisir des retrouvailles. Mais je me souviens surtout de Rap Rat ! Un jeu de plateau où tu suivais les indications d’un rat rappeur sur une cassette vidéo... « Rap rat, rap rat, le-le- le-le roi du rap ! ». L’enfer.

est lui Vincent Pianina s’ mme ul co débrouillé tout se e son un grand pour fair tés tivi propre Cahier d’ac 2018 le plus nul, paru en aux éditions du Centre Pompidou.

Cette proposition m’a plu car si c’était juste pour faire des jeux “normaux”, ça ne m’aurait pas intéressé. Des jeux normaux, j’en ai fait pour Astrapi, J’aime Lire, Pomme d’Api, etc. mais on est juste là pour être une main qui sait dessiner pour que ce soit joli. Pour une fois, la possibilité de mettre mon grain de sel dans le jeu en lui-même, pas juste son esthétique, m’a beaucoup interpellé. » Alors, il est allé mettre sa grosse patte dans la conception des jeux et a essayé de ménager la chèvre et le chou entre sa créativité débordante et la fonction même de l’objet. « Pendant tout le livre, les activités ne marchent pas. Mais ça ne pouvait pas être juste une parodie de cahier d’activités, ça a ses limites. J’ai quand même tenu à ce que ce soit des vraies activités qu’on puisse vraiment faire. Toute la difficulté du livre, et c’est ce qui était le gros du travail, c’était de trouver une idée d’une activité foirée et de trouver un moyen de quand même faire une activité mais pas celle qui était prévue au départ. » Malgré le décalage affiché, la mission reste pourtant la même : que l’enfant réussisse les activités et qu’il s’y amuse. « Mon objectif était que les enfants puissent vraiment pratiquer le cahier. Il faut se mettre à la place de l’enfant, essayer de réfléchir comme lui. Et ensuite, il faut tester avec de vrais enfants. J’ai demandé à des voisins, aux éditrices, je suis allée au Musée de Poche (espace d’exposition pour enfants à Paris, ndlr) où Pauline a proposé mes jeux via des ateliers. »

Le cahier d'activités le plus nul de Vincent Pianina sorti aux éditions Pompidou.


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À gauche : Matthias Malingrëy, Astrapi n°937.

Si la régression qu’est le retour à l’enfance peut parfois être considérée comme mauvaise (comme dans le milieu médical), elle est clairement un but à atteindre dans certaines professions. Nous ne parlerons pas ici de l’émotion positive éprouvée par Michel Sarran lorsqu’il déguste un plat « régressif » dans Top Chef mais bien de celle recherchée par les illustrateur·rices et les journalistesauteur·es jeunesse lorsqu’ils observent des enfants. Pour le journaliste jeunesse, l’objectif n° 1 est en effet le suivant : se mettre à la place de l’enfant pour savoir comment lui parler. Pas fastoche alors de déconstruire un cerveau humain où s’entretissent une quantité astronomique de nœuds gordiens, gentiment formatés par cette bonne vieille « vie d’adulte », faite de déclarations en ligne sur impots.gouv. fr

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Ci-dessous : Cherche et trouve issu du livre Le secret très secret du maître du secret de Vincent Pianina.

paraître simples de prime abord, mais qui sont le fruit de nombreux ajustements, relectures, allers-retours, et d’une volonté pédagogique infaillible. Dans le cas d’Astrapi, une des premières règles à respecter pour créer un bon jeu est de faire qu’il soit adapté et compréhensible autant pour un enfant de 7 ans que de 11 ans. « Nos lecteurs sont extrêmement pointus, parfois plus que les adultes, ils ne laissent rien passer. Ils ne veulent pas être déçus car ils donnent leur confiance au magazine ». Pour ce faire, l’équipe de rédacteurs respecte un bon nombre de contraintes dont un équilibre

Rémi s’est d’abord es s étud embarqué dans de est de médecine puis te de devenu trompettis r la ge jazz avant de plon ns la tête la première da . se littérature jeunes

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et d’achats de galettes de riz bio et sans gluten. Pourtant, certains n’ont même pas besoin de faire d’efforts pour replonger dans cette époque précieuse où les déclarations étaient seulement adressées à la maîtresse d’école et où le gâteau Prince avait quand même vachement moins un goût de polystyrène. C’est le cas de Rémi Chaurand, concepteur-rédacteur chez Astrapi (Bayard Presse) : « moi, dans ma poche, j’ai des billes et des toupies, et j’ai 50 balais », nous confesse le journaliste, un sourire en coin. Touche-à-tout un tantinet indécis, Rémi s’est d’abord embarqué dans des études de médecine puis est devenu trompettiste de jazz avant de plonger la tête la première dans la littérature jeunesse. Quand on lui demande de nous expliquer comment, l’auteur parisien nous répond : « Parfois, on entre dans la presse jeunesse parce qu’on a cette faculté de savoir parler aux enfants et ensuite, on s’adapte au journalisme. Il faut avoir ça en soi. Une appétence pour cet univers enfantin. » Grand lecteur et grand enfant, Rémi se retrouve donc à écrire pour Astrapi, puis rapidement, à en concevoir les jeux. Des jeux adressés aux 7-11 ans qui pourraient


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Vincent Pianina

KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

Il y en a tellement. Dans les jeux auxquels je joue depuis longtemps, il y a Pandémie, il y a Les Colons de Catane. Dans les jeux plus récents, j’aime énormément Wingspan (un jeu avec des oiseaux), Parks, 7 Wonders. Au-delà du jeu, je trouve ça vraiment stimulant d’ouvrir une boîte et de découvrir tout ce petit matériel : les cartes, les sabliers, les tuiles, etc. J’ai beaucoup de jeux que je ne trouve pas beaux.

Ci-contre : Matthias Malingrëy, J’apprends à lire n°254. Page de droite : Activité extraite du cahier d'activités le plus nul de Vincent Pianina

optimal entre les différents contenus du magazine. « Il y a tout d’abord des contraintes temporelles : on dessine le désert en été et on fait les jeux olympiques d’hiver en hiver. On fait gaffe aussi au contre-pied de notre dossier principal. Si c’est un truc très psy/ compliqué, on essaie de s’éclater dans les jeux. Si ça parle des Vikings, on essaie de ne pas faire des jeux sur les Vikings car on considère qu’ils en ont eu assez. » « Il y a également un truc important sur lequel on bosse nous, à Astrapi, ça s’appelle les intelligences. » Ainsi, chaque jeu doit venir titiller, l’air de rien, un type d’intelligence bien

précis. Celles-ci peuvent être logicomathématiques, verbales et linguistiques, visio- spatiales, musicales et rythmiques, interpersonnelles et kinesthésiques, etc. « Ce qui est important aussi, c’est la faisabilité », ajoute le journaliste. « On se demande si le son fonctionne, la liaison, et au bout de trois phrases de rébus, on a tendance à être hyper- sympa avec soi-même. Mais le copain rédacteur qui corrigera derrière n’hésitera pas à dire qu’il ne comprend rien ». Lorsque le jeu est créé, les informations doivent toutes être vérifiées : c’est le travail des intransigeants secrétaires de rédaction.

« Nos lecteurs sont tus, extrêmement poin s le e parfois plus qu nt rien adultes, ils ne laisse t pas passer. Ils ne veulen ent donn être déçus car ils leur confiance au magazine »

Une fois les coquilles corrigées, c’est au tour du graphiste d’apporter sa relecture et de faire prendre sa forme au jeu. À la fin de cette chaîne bien huilée intervient enfin l’illustrateur·rice, celui qui saura donner envie au chérubin de s’arrêter sur le jeu, même quelques secondes. Il s’agit donc ici de mettre le paquet sur l’esthétique des jeux : « On travaille beaucoup sur le joli, le rigolo, il faut que ça foisonne. ». Dans le cas d’Astrapi, celui qui sélectionne le joli est Stéphane, le directeur artistique. « On a besoin d’une richesse. On ne peut pas


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« On ne fait pas per toujours du truc su De que. arty, super graphi gros s temps en temps de lâché u pifs, du trait un pe ça si i, ss c’est bien au  » correspond au jeu.

→ Textes et propos recueillis par : É. Quittet & M.Gueugneau → Mise en page : A. Avice

KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

tourner qu’avec deux-trois illustrateurs. L’enfant ne doit pas se dire qu’il a déjà fait les jeux, alors Stéphane cherche beaucoup de gens différents avec des styles différents. » Les rédacteurs, bien rodés à la tâche, font eux aussi des propositions d’illustrateur·rices en fonction de l’univers des jeux, en s’autorisant quelques sorties de route. « On ne fait pas toujours du truc super arty, super graphique. De temps en temps des gros pifs, du trait un peu lâché c’est bien aussi, si ça correspond au jeu. » Reconnaissant volontiers que la place en bout de chaîne où siège le dessinateur n’est pas la plus évidente et créative, Rémi et son équipe mettent un point d’honneur à ce que « les illustrateur·rices s’éclatent aussi un peu à dessiner ». « On essaie de laisser l’artiste le plus libre possible car sinon, c’est pénible pour lui. Mais ce sont des jeux, ça laisse donc moins de liberté que s’il fallait illustrer une poésie par exemple. » Lorsque le petit être qui a élu domicile dans votre foyer ouvre les pages d’un magazine pour en raturer frénétiquement tous les jeux, c’est donc une ribambelle d’acteurs à qui l’on offre le sentiment « du travail bien fait ». Qu’ils les pensent, les écrivent ou les illustrent, chacun d’entre eux remplit un rôle essentiel : celui d’émerveiller un paquet de gamins et l’air de rien, de les éduquer à chaque page, un peu plus. C’est un peu comme le concept de la courgette planquée dans le gâteau au chocolat finalement : on ne la sent pas mais elle est bonne pour la santé.


👀 INVITATION — 52 KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

De Tetris à Picross : le jeu vidéo et l’amour du « rien » Journaliste jeux vidéo chez JV et professeur de game studies à l’école ICAN de Paris, Yann François a, au choix, une manette ou un stylo au creux de la main. Fort de son expérience incontestable en gaming, il nous explique ici le succès de ces jeux vidéo à l’apparence simpliste qui arrivent toujours à nous entraîner dans la spirale infernale de la rouille.


👀 53 — INVITATION KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

Il est de bon ton de considérer le jeu vidéo comme le passeport idéal vers des mondes grandioses, des expériences de plus en plus spectaculaires, des récits de plus en plus fleuves. Mais ce serait là oublier son essence première : celle d’une abstraction pure, faite de quelques pixels, qui n’a pas besoin de plus pour nous faire passer des heures avec lui, pour le seul plaisir de jouer. Souvenons-nous de 1972 et Pong, premier à ouvrir le bal du loisir virtuel de masse : un fond noir, deux segments disposés aux deux extrêmes de l’écran en guise de raquettes et un point blanc en guise de balle suffisaient à simuler une compétition de tennis de table, et à affoler la Terre entière. Un phénomène commercial et culturel qui se doublait d’une leçon spatiale : parce qu’il a le pouvoir de nous affranchir des contraintes physiques de la réalité, le jeu vidéo peut faire d’un simple écran la surface de tous les possibles ludiques. Une leçon qu’a parfaitement comprise Alexey Pajitnov, 12 ans plus tard. Etudiant de l’académie soviétique des sciences à Saint-Pétersbourg, ce dernier n’a qu’un rêve : prouver que l’informatique peut rendre les gens heureux, et les aider à mieux se comprendre. Pour ce faire, il programme un jeu inspiré du puzzle traditionnel, mais réadapté aux permissivités offertes par les machines de calcul. Dans un espace rectangulaire et vertical, le joueur doit manipuler des formes géométriques (tetrominos) qui chutent vers le sol, pour former une ligne complète, seul moyen pour libérer un espace qui risque vite d’être saturé, sous peine de game over. Il ne faut pas plus à Tetris pour franchir les frontières de l’URSS, pour devenir, au mitan des années 1980, un culte qui va occuper tous les écrans (le plus célèbre étant celui de la Game Boy) et pour gagner le statut de jeu vidéo le plus vendu de l’histoire. Derrière le minimalisme trompeur se cache le plus redoutable des envoûtements, cet équilibre parfait entre réflexion et réflexe de survie qui n’a jamais fini de nous happer dans sa spirale diabolique. La preuve : le jeu continue aujourd’hui de se décliner sous de nouvelles formes et de nouveaux supports : multijoueur (Tetris 99), VR (Tetris Effect), la « tetrismania » ne cesse de prouver que le gameplay le plus simple peut encore rivaliser avec les mastodontes les plus sophistiqués du AAA. Car Tetris reste fascinant pour une autre raison : celle de s’offrir en miroir sociologique de


👀 INVITATION — 54 KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

ses contemporains. Comme l’a démontré la chercheuse Janet Murray dans son ouvrage Hamlet on the Holodeck, le jeu de Tetris serait le symbole parfait de la société moderne, de son anxiété à s’imposer un surmenage permanent, et de son fantasme désespéré de l’exorciser, comme on fait le vide dans cet espace de jeu miniature. Tetris et jardin zen : même combat, en définitive. Libération mentale que Microsoft prendra aussi très au sérieux, en choisissant d’intégrer dans toutes ses versions de Windows de nombreux mini-jeux, pour contrebalancer la densité et le sérieux des outils bureautiques qui régulent nos journées de travail. Le Démineur, le Solitaire (modernisation du jeu de patience, vieux de plus d’un siècle) sont autant de passe-temps virtuels que des centaines de millions d’utilisateurs ouvrent quotidiennement dans l’espoir d’une bulle de respiration salvatrice entre deux impératifs professionnels. Et que dire de Snake, vieux jeu d’arcade incarné par un serpent glouton, que Nokia a ressuscité dans les années 1990 sur sa gamme de portables (le mythique 3310), et qui a sauvé de nombreux collégiens de l’ennui en salle de classe ? En plus de s’imposer comme phénomène générationnel, Snake a prophétisé une migration progressive, et logique, du jeu minimaliste vers son nouvel Eldorado : l’écran nomade. Une diaspora dont Nintendo fut un des pionniers, au moyen de nombreux casse-tête numériques de haute volée. Outre Tetris, la firme japonaise a investi très tôt dans l’adaptation vidéoludique de loisirs sur papier, à commencer par le Logimage, cet exercice qui consiste à façonner patiemment les contours d’un dessin, en noircissant les cases d’une grille organisée scientifiquement en codes chiffrés. Premier de la lignée, Mario Picross (1989) fait de son héros plombier et de ses joueurs des apprentis archéologues, œuvrant patiemment à décrypter ces hiéroglyphes d’un nouveau genre, en Champollion minutieux. En cela, Picross se fait la parfaite métaphore de tous ces jeux à l’insignifiance mensongère : tous sont en réalité de nouveaux langages à décoder, qui nous hypnotisent par la poésie de leur grammaire


👀 KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

Visuels dans l'ordre d'apparition : Pong (1972), Tétris (1984), Tetris Effect (2018), Démineur (1989), Solitaire (1990), Snake (2000), Mario Picross (1995), Candy Crush (2012), You Must Build (2015), Grindstone (2019).

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secrète. Comme l’écrit Mathieu Triclot dans sa Philosophie des jeux vidéo : « Jouer, c’est d’abord essayer à tâtons plusieurs stratégies avant de tomber sur quelque chose qui donne satisfaction et qui pourra être reproduit par la suite. En effet, ce n’est pas tant la mise en œuvre d’une stratégie en soi qui procure du plaisir que ce moment de recherche à tâtons d’une stratégie gagnante. » Et cette stratégie revêt aujourd’hui toutes les formes, même les plus incongrues, pour nous aider à surmonter les diverses épreuves du quotidien, de la salle d’attente médicale au transport en commun. Il n’y a qu’à se pencher sur le succès phénoménal d’un Candy Crush, et sa capacité à hypnotiser ses joueurs avec sa grille de bonbons colorés qu’il met en scène comme une orgie visuelle permanente, comme on regarderait, fasciné, le pop-corn en train d’éclater à l’infini dans une poêle. Aujourd’hui, le « match-3 » (genre dont est issu Candy Crush) apparaît comme la quintessence de ces jeux minimalistes, qui font souvent du « rien » une recette imparable, à condition d’y injecter une dose suffisante d’inventivité et d’hybridation. Parmi nos préférés, citons tout d’abord You Must Build a Boat et sa relecture du jeu de rôle. Au cœur d’une pyramide remplie de menaces et trésors en tout genre, il faut aider notre avatar à se battre et ouvrir des trésors, en alignant le plus rapidement possible les bonnes combinaisons de cases identiques sur une grille en mutation permanente. Mais aussi Grindstone, une de ses plus récentes émulations disponibles sur smartphones et consoles. Aux commandes d’un guerrier viking qui doit survivre à des vagues de monstres colorés et placés en échiquier, le joueur doit respecter une logique impérieuse (attaquer les monstres de la même couleur pour faire des combos) pour enchaîner les massacres et « tracer » sa voie vers la sortie, en pillant si possible le plus de trésors sur ses victimes. D’une simplicité enfantine, Grindstone devient ce gouffre chronophage qui nous happe corps et âme, grâce à des règles et une difficulté qui savent patiemment se durcir sur la longueur. Quelle meilleure manière de rappeler que le jeu vidéo n’aura jamais besoin de plus qu’un espace de poche et un temps extensible à l’infini pour nous piéger dans ses innombrables miroirs aux alouettes.


👀 LA BIBLIOTHÈQUE IDÉALE — 56

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Soviet Kitchen, édité par Igiari C’est un jeu où on prépare des plats pour l’armée de l’URSS. Il fonctionne avec une appli où il faut recréer des couleurs sans avoir le droit de parler et de montrer ses cartes de couleur. Par exemple, on a une choucroute saucisse à faire, elle est vert très très foncé, il faut qu’on se débrouille pour que chaque joueur réussisse à tour de rôle à jouer une carte de couleur pour avoir le résultat escompté. C’est très what the fuck pour le coup et c’est assez original.

Micromacro – Crime City, édité par Spielwiese C’est un des meilleurs jeux de l’année, c’est une grosse vente chez nous en ce moment. Le côté improbable de ce jeu-là, c’est le mélange entre un « Où est Charlie » et un jeu d’enquête. À l’intérieur du jeu se trouve une très grande carte de ville avec plein de petits personnages. Le but est de résoudre les crimes et donc de chercher les criminels sur cette carte et de remonter le fil de l’histoire en les voyant à plusieurs moments de leurs journées pour voir ce qu’il s’est passé. C’est un jeu d’observation très original, un mélange auquel on n’aurait pas forcément pensé mais qui fonctionne hyper bien.

Deadlines, édité par Débâcle Jeux C’est un jeu où on va classer les événements dans l’ordre chronologique, sauf que là, ce qu’on classe, ce sont des personnes décédées. On va classer leurs dates de naissances, leurs dates de décès et leurs durées de vie. Il peut aussi y avoir des bonus si la célébrité est morte dans des circonstances particulières, par exemple, Lady Di. Si le joueur arrive à se rappeler la manière dont elle est morte, il arrivera à grappiller des points supplémentaires. C’est très fun, malgré le thème borderline. On a aussi un côté culturel ici où c’est sympa de se remémorer les œuvres des célébrités.

Exploding Kittens, édité par Asmodée C’est un jeu où tu dois empêcher des chatons d’exploser. Il y a un paquet de cartes au milieu de la table. Quand on pioche une carte, il faut espérer ne pas tomber sur le chaton explosif parce que sinon, ça te pète à la gueule et t’as perdu la partie. Avant de piocher, la personne a le droit de jouer autant de cartes qu’elle veut. Ces cartes peuvent permettre de sauter un tour, de forcer un autre joueur à piocher plusieurs fois, etc. Il faut tout faire pour ne pas piocher ce chaton explosif, c’est un peu le principe de la roulette russe, en beaucoup moins mortel. Le côté improbable de ce jeu, c’est par ses illustrations et par le thème qui est complètement barré avec des blagues dans tous les sens.

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Tokyo Train, édité par Cocktail Games Dans le genre jeu un peu débile, Tokyo Train, c’est un jeu qui se joue en équipe. Il va toujours y avoir deux joueurs dans l’équipe, un joueur qui incarne le contrôleur de train japonais et l’autre, les passagers du train. Les touristes se sont mal placés dans le train japonais et le contrôleur doit leur expliquer comment ils doivent se repositionner sauf qu’ils ne parlent pas la même langue, donc ils ne se comprennent pas. C’est comme un jeu de taquin, on doit déplacer des tuiles qui ressemblent à des passagers dans le bon ordre. Comme la communication ne peut pas être faite convenablement, le contrôleur va utiliser un charabia qui ressemble vaguement à du japonais, tout en faisant des gestes et l’autre joueur va avoir une carte avec la correspondance des mouvements et du langage. Tout le monde joue en même temps, donc c’est le gros bordel autour de la table, tout le monde gueule dans tous les sens et le thème est complètement con, donc il a sa place dans ce classement.

La Ludo thèque improbable


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d'Archi Chouett e

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Antre du jeu de société dans notre chère bourgade de Lyon, la boutique Archi Chouette aide à alimenter les folles soirées jeux des Lyonnais depuis plus de 10 ans. Pour ce numéro spécial jeux, on est allés alpaguer un de ses vendeurs un jour de semaine pour lui demander les 5 jeux de société les plus improbables autour de lui. C’est Lenny, fin connaisseur et conseiller de vente depuis 2018, qui a eu la gentillesse de se prêter au jeu.


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IMAGIER L'intrus

On profite des quelques pages qui suivent pour passer un peu de temps avec Bastien Contraire. La pause n’est pas gratuite : Bastien est un gars qui s’y connaît en petits jeux visuels et tours de passe-passe graphiques. Fondateur de la maison d’édition Papiers Gâchés et créateur du Fanzines Festival !, il se distingue également grâce à ses livres pour enfants et notamment la série Les Intrus, publiée chez Albin Michel. Il reprend ici le principe de ces livres et vous invite à chercher l’intrus au milieu d’une manipulation de modules jouant avec votre regard comme Messi avec le ballon rond.


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É AT I F R C S R U O C ENTS L UN CON A T S E N U X JE E S T I N É AU

10 000 euros de dotations Appel à candidatures jusqu’au 4 juillet avosmarquesafld.fr



Print par Maxime Gueugneau

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> Sélection Kiblind Tout est i a r v ZOOLOGIE ■ On est tour à tour fasciné, horrifié, décontenancé

→ Tout est vrai de Giacomo Nanni, parue chez Ici Même, 208 pages, 26 € → icimeme-editions.com

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par la folie dont est capable l’humanité. Rien n’est pourtant moins facile à observer. D’aucuns la regardent depuis un comptoir en zinc, d’autres essaient de la théoriser. Pourtant, à chaque atrocité, nous restons tous les bras ballants. Giacomo Nanni tente une autre direction et choisit dans Tout est vrai un point de vue peu commun : celui d’une corneille. Les résultats sont un petit miracle de justesse et de subtilité. Après Acte de Dieu, dans lequel l’auteur italien (et parisien) faisait parler aussi bien les hommes que les animaux et les objets, Giacomo Nanni place cette fois le narrateur en hauteur avec les réflexions d’une corneille qui traverse aussi aisément le temps que l’espace. Échappée du tournage des Oiseaux d’Hitchcock, où elle faisait déjà état de son intelligence aussi bien que de sa fourberie, elle se retrouve à Paris. On la suit sur le chemin d’une écolière, au domicile d’un policier et au parc des Buttes-Chaumont, lieu d’entraînement de djihadistes préparant les attentats de Charlie Hebdo. Elle y livre son regard sur notre espèce, sur la sienne, compare, observe et tranche sans pitié. Giacomo Nanni nous offre ses yeux, mais sait parfois en sortir pour inclure quelques éléments d’histoire, celle avec un grand H et celle qu’on oublie parfois. Il y a beaucoup de détours dans ce Tout est vrai, mais jamais inutiles pour lire dans notre passé récent les folies de l’âme humaine. À cette narration en zig-zag, l’auteur ajoute le brio de son dessin. Comme pour son récit, Giacomo Nanni ajoute des éléments disparates pour réaliser un tout cohérent et diablement intelligent. Grand amateur de la trame, il superpose ici les couches de couleurs simples, joue avec les ombres et un trait discret pour former de grandes compositions qui nous apparaissent plus vraies que le réel lui-même. Avec des pièces semblant appartenir à mille puzzles différents, il parvient à offrir une composition complexe mais cohérente et surtout, un regard neuf sur les événements tragiques de ces dernières années. Une grande leçon de fond et de forme pour une très grande bande dessinée.


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emmanuel lantam GROS BISOUS RÉALISTES

SANGLANT ■ Il serait faux de dire que nous sommes totalement impartiaux face aux BD d’Alex W. Inker. Oui, ce Emmanuel Lantam est diplômé en 2014 de l’École des Métiers du Cinéma type a clairement le chic d’Animation d’Angoulême. Depuis, il travaille dans pour nous embobiner et l’industrie du dessin animé. Il cultive en parallèle une pratique oui, nous en redemandons personnelle du dessin. à chaque fois. Nous aimons plonger avec l’auteur GROS BISOUS de Panama Al Brown et Emmanuel Lantam dessine à partir de photographies abandonnées. d’Un travail comme les Ce livre réunit trois tranches de vies tirées de sa collecte de souvenirs autres dans des milieux au anonymes. minimum louches, qu’il RÉALISTES collection n 2 met en lumière avec la 12,50�€ grâce du lutteur : engagé, sans fard, mais avec ce brin de poésie qui emporte le tout. Il remue la crasse, dessine le bizarre et fait parler la vermine avec un amour tellement fort de ses personnages et de son histoire que tout reflète l’admirable. Fourmies la Rouge est son nouvel album, et il ne fait pas mentir nos impressions passées. Le 1er mai 1891, dans la ville industrielle de Fourmies, la journée s’annonce à la fois belle et orageuse. Une partie des ouvriers compte bien la chômer et en profiter pour porter ses revendications face à un patronat qui ne l’entend pas de cette oreille. La gendarmerie est sur les nerfs et le maire fait appel à la garde républicaine pour calmer les esprits. Celle-ci tirera dans le tas et fera neuf morts. Est-ce parce qu’il s’agit là de son histoire la plus personnelle ? Parce qu’elle remue les terres de son passé familial ? Toujours est-il que les émotions affleurent à chaque page de Fourmies la rouge, avec notamment un dessin qui se fait plus tremblant, moins net que dans ses derniers albums, comme si l’auteur se faisait le contemporain de la tragédie en adoptant un trait de circonstance. Alex W. Inker vibre de ces instants fatidiques et nous avec, dans une bande dessinée qui monte en intensité à mesure que la catastrophe annoncée se concrétise. On ne lâche pas Fourmies la rouge, on subit, on s’inquiète et on pleure avec ces ouvriers qui ne demandaient rien d’autre que des conditions décentes et qui ne reçurent que la baïonnette. La force du livre est là : retrouver l’atmosphère de ces annéeslà, nous faire ressentir les injustices du passé et nous plonger dans l’histoire industrielle d’un pays qui en conserve encore les cicatrices. Comme à son habitude, Inker nous fout la tête dans le seau et on en redemande. → Fourmies la rouge, d’Alex W. Inker, éditions Sarbacane, 112 pages, 19,50 € → editions-sarbacane.com Gros-Bisous-Couverture-OK2.indd 2

KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

SOUVENIRS ■ Après une première salve très prometteuse à la mi-2019, les éditions Réalistes sont de retour dans le jeu. La maison parisienne fondée par Charles Amelin, Ugo Bienvenu et Cédric Kpannou sort à la mi-juin, et avec un peu de retard dû à une certaine pandémie, cinq nouveaux livres dont on attendait beaucoup. Eh bien, nous ne sommes pas déçus. Outre les nouvelles performances d’Ugo Bienvenu (Développement durable), Frédéric Poincelet (Le Palais) et de Jonathan Djob Nkondo (En Paix), faisant déjà partie Pour celui qui cherche, il n’est pas rare de roster, trouver des photographies Réalistes accueille les efforts de du abandonnées au coin d’une rue. Les fins de brocantes et les restes Josselin Facon (Malavelle, scénarisé par de déménagements offrent aussi de bonnes prises. Ugo Bienvenu) et Emmanuel Lantam, dont La collection d’Emmanuel Lantam commence en 2009, lorsqu’il dans une poubelle une ledécouvre Gros Bisous est l’objet de ce petit texte. trentaine de photos prises en soirée dans les années 1990. Pour l’avouer humblement, nous avons 2019 est une bonne année, il y fait l’acquisition de deux lots consédécouvert quents. Mariages, anniversaires, à l’occasion de Gros Bisous le vacances : des albums entiers où l’on peut observer des d’Emmanuel individus travail Lantam que nous ne et leur famille au fil du temps. Il lui vient l’envie de dessiner connaissions pas. Pauvres de nous. Car à partir de cette matière et d’en faire un livre. à l’attaque de ce premier livre, c’est bien le talent de dessinateur du jeune Parisien qui nous la coupe. À un style réaliste (évidemment), Emmanuel Lantam joue des grands aplats noirs, d’une unique couleur primaire et de la trame grise pour donner à chacune de ses images la puissance nécessaire. Il faut dire que c’était une obligation, Gros Bisous reprenant le principe d’un album souvenir, le type de livre où chaque moment compte. À côté de ses travaux récurrents dans l’animation, Emmanuel Lantam possède ce hobby étonnant de recueillir des photos souvenirs d’inconnus, pour les redessiner ensuite. Il en fait ici l’objet même de l’ouvrage, mélangeant les clichés abandonnés issus de trois familles différentes. En les assemblant de manière muette, il crée une existence nouvelle, avec son lot de joies et de peines, dans un espace difficilement identifiable entre fiction et réalité. Vertigineuse tentative de créer la vie, Gros bisous vient également bousculer les fondations de la bande dessinée en choquant son système de narration. Ce faux album de souvenirs devient alors un réel objet artistique, aussi touchant dans le fond qu’intelligent dans la forme.

GROS BISOUS

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→ Gros Bisous d’Emmanuel Lantam, éditions Réalistes, 164 pages, 12,50 € → realistes.fr


l’homme propret qui voit débouler un vieil ami prêt à foutre en l’air son train-train. Sauf qu’il ne s’agit pas d’une navrante comédie US, mais d’une BD de Max Baitinger. Et que ça change tout. Par exemple : c’est d’enfer. Ainsi, nous lisons les aventures de P., célibataire serviable et plus ou moins trentenaire qui aime le café minutieux et les choses rangées à leur place. Bien contre son gré, il accueille Röhner, un ancien copain, peut-être, sûrement, sorti d’on ne sait où. Évidemment, le parasite est équipé de gros sabots et d’un manque de savoir-vivre exponentiel. Naturellement, P. est du genre à ne pas savoir dire non et les explosions de voix ne lui vont pas au teint. Alors, la situation perdure et le cerveau de P. se met à bouillir fort. Jusqu’à faire exposer les frontières du réel et de l’imaginaire. Si Max Baitinger a choisi un scénario de type éculé, il ne le fait pas par hasard. C’est tout simplement qu’il colle à merveille avec son style de dessin, une ligne claire ultra-graphique qui s’accommode facilement des coups de sang. Enfermé par sa timidité et face au sans-gêne de son ami, P. ne trouve que dans son esprit les moyens de sa délivrance. Le trait suit cette courbe ascendante : parti d’une élégance froide, il vient casser sa propre géométrie pour devenir fou, intenable, irréel. Face au texte resté courtois, le fantasme trouve ici son moyen d’expression idoine grâce aux géniales trouvailles de Max Baitinger. Et comme dans le récit, la routine de la bande dessinée se retrouve explosée façon puzzle.

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→ Röhner de Max Baitinger, L’Employé du Moi, 216 pages, 16 €. → employe-du-moi.org

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MATELOTS ■ Sans transition aucune, nous voilà au beau milieu de l’océan. Un homme triangle et un autre en forme de huit sont sur un bateau. Celui-ci ne bouge plus et ceux-là discutent de leur état. Quelques lignes et la couleur bleue figurent la mer quand un trapèze fait lieu de navire. De cette situation famélique, Delphine Panique tire le fil et se retrouve avec une pelote propre à rhabiller tout l’équipage. Un beau voyage paru chez Misma raconte une traversée statique, un mouvement de l’esprit et du trait plutôt que des corps. On connaît bien Delphine Panique, son trait minimal et son grand pouvoir d’imagination ayant déjà fait des merveilles chez Cornélius (Le Vol nocturne), Les Requins Marteaux (L’Odyssée du vice), Gallimard (Les Classiques de Patrique) et chez Misma, déjà (Orlando, En temps de guerre). Pour ce retour à la maison de ses débuts, l’autrice semble être allée encore plus loin dans le contraste qui la définit. Au statisme de ses héros, la voilà qui oppose une propension à raconter, digresser, partir loin du huisclos premier entre un capitaine et son second. Le beau voyage n’est pas celui de ses protagonistes, mais bien celui des mots qui évoquent et des trouvailles graphiques qui subliment, qu’on parle ici d’îles improbables, de créatures monstrueuses ou de vrais enjeux politiques. Sous la forme de strips légers et on ne peut plus classiques, Delphine Panique donne les pleins pouvoirs à la force narrative de la BD, brisant les contraintes apparentes pour faire travailler l’imaginaire. L’humour omniprésent vient lier tout ça et donne à ce tour de force du 9e art les allures d’une BD guillerette au format simple. Or, c’est tout le contraire dont il s’agit. Car il s’agit bien ici d’une œuvre d’autant plus impressionnante qu’elle se présente sans artifice. Quelques traits, peu de personnages, pas de couleurs, mais le talent emporte tout. Et nous amène clairement ailleurs. → Un beau voyage de Delphine Panique, éditions Misma, 324 pages, 19 € → misma.fr

ENCOMBRANT ■ On part là sur la bonne vieille histoire de

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Un beau e g a y o v

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UOS

DÉSOLATION ■ Bonjour et bienvenue dans

un monde qui s’est méchamment cassé la binette. C’est pas faute d’avoir prévenu mais ça y est, on y est : il n’y a plus personne et les paysages ressemblent à une vaste friche où subsistent quelques traces sinistres de notre passage. C’est le décor de UOS, nouvelle sortie de Benjamin Adam qui vient faire suite à Soon, réalisée en collaboration avec Thomas Cadène et paru il y a grosso modo un an et demi chez Dargaud. Dans cet environnement peu ragoûtant, il reste tout de même un homme, un ancien employé d’une centrale laissée à l’abandon. Celui-ci ressent pourtant toujours le besoin d’y retourner, jour après jour, pour écrire, à l’aide d’inscriptions à la fois anecdotiques et essentielles, ce qu’il se rappelle du monde d’avant. Comme l’homme préhistorique avant lui, il relate les (plus ou moins) hauts faits de sa civilisation lors de cérémonies qui confinent au religieux. Que faire de ces 40 pages ? Les contempler, en premier lieu, puisque Benjamin Adam sort là ses plus beaux pinceaux pour nous fournir en larges illustrations muettes, au jeu de couleurs détonnant. Au milieu d’elles, ce vert surpuissant, malsain qui rappelle un passé omniprésent, alors qu’il n’y a plus de demain et à peine d’aujourd’hui. La BD, muette, laisse à ces dessins le soin d’installer une atmosphère où la tristesse et la consternation surplombent tout. Mais n’y a-t-il pas aussi, dans ce personnage qui inscrit le passé comme on est en mission, une sorte d’espoir ? La volonté de dire, d’écrire, coûte que coûte, avec les maigres moyens à disposition – intellectuels et techniques –, est semble-t-il le dernier reliquat d’humanité. Se souvenir et transmettre, voilà l’essentiel, ce qui durera jusqu’à la fin. Tel est ce que semble nous dire UOS, cette ode, malgré tout, à l’humanité dans ce qu’elle a de plus beau : sa capacité à raconter. → UOS de Benjamin Adam, éditions 2024, 40 pages, 26,50 € → editions2024.com

l o v n E ’ L PRIMORDIALE ■ Un peu moins de trois ans après leur dernière excursion dans le manga et L’Homme sans talent de Yoshiharu Tsuge, les éditions Atrabile rebelotent. Grand bien nous fasse, car voilà un nouveau pan de l’histoire de la BD japonaise qui nous est offert sur un très gros plateau. En près de 500 pages, la maison suisse nous dévoile les univers multiples de l’étoile filante du Gekiga : Kuniko Tsurita. Avec ce recueil parcourant les seize et trop courtes années de la carrière de l’autrice décédée à 37 ans, Atrabile fait mieux qu’une rétrospective, elle donne à voir un combat. L’Envol est l’histoire d’une artiste qui a dû se battre contre la misogynie, contre les tiroirs dans lesquels on a voulu l’enfermer, contre la routine de la création et contre la maladie qui la terrassera. Comme Yoshiharu Tsuge ou Shigeru Mizuki, Kuniko Tsurita fait partie de la galaxie Garo, du nom de la revue alternative qui explosa les codes du manga japonais au milieu des années 1960, notamment en promouvant le genre Gekiga, faisant la part belle à l’introspection plutôt qu’aux aventures pures. Pourtant, à l’inverse de ses congénères masculins, la reconnaissance fut difficile, voire inexistante. Faisant preuve d’un courage absolu, elle a su imposer à ses contemporains un style de manga qui brisa les frontières du genre, dans tous les sens du terme. Renonçant à faire uniquement du Shojô (manga pour fille), elle a multiplié les formes et les styles, empruntant à l’humour aussi bien qu’à la science-fiction, à l’onirisme tout autant qu’à la critique sociale. Non, L’Envol n’est pas un recueil fait d’un seul bois. Il parcourt les différents chemins pris par Kuniko Tsurita, selon les époques, les envies et les remises en question permanentes de la dessinatrice. Le trait évolue tout autant que les obsessions de Tsurita et souligne en cela la réflexion omniprésente de la créatrice sur son art. Elle a dessiné ce qu’elle avait envie, quand elle avait envie, faisant fi des convenances et des classifications qui pesaient lourd, à ce moment-là, dans la société japonaise. Elle laisse ainsi une œuvre plus libre que jamais, aux beautés d’autant plus impressionnantes qu’elles sont sincères, soulignant en creux les insuffisances d’un manga alors aux prises avec une culture du divertissement. L’Envol est tout à la fois la présentation d’une artiste unique mais aussi de chemins de traverse, passionnants, qu’elle a su emprunter.

KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

→ L’Envol de Kuniko Tsurita, éditions Atrabile, 496 pages, 30 € → atrabile.org


Illustrez votre série d’humour préférée, gagnez 2 week-ends 100 % séries pour 2 personnes et l’exposition de votre création au coeur du festival. SÉRIES MANIA se déroulera du 26 août au 2 septembre 2021 à Lille. Infos & Règlement seriesmania.com + kiblind.com

DERNIERS JOURS POUR PARTICIPER !


👀 SÉLECTION PRINT — 74 KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

Baby Fesse BIENVENUE ■ Il y a quelques mois à peine – et nous vous en parlions ici – nous croisions Melek Zertal pour sa première bande dessinée éditée en France, la remarquable Sleepless, parue aux éditions Fidèle. Eh bien figurez-vous qu’elle squatte à nouveau les étals de nos librairies préférées. On ne lui en veut surtout pas. De plus, la proposition est cette fois d’un tout autre genre puisque Baby fesse est le 26e volume de la légendaire collection BDCul des Requins Marteaux. Du fion, donc. Mais qu’on ne s’y trompe pas, l’exploration de nos vices n’est pas le seul intérêt de ce nouvel album. Comme toujours, Les Requins Marteaux jouent sur la corde sexuelle pour proposer in fine de la bande dessinée libérée, un exercice de style comme une cour de récré, dans lequel les artistes invités peuvent appuyer à fond sur tous les boutons. Et c’est ce que fait ici Melek Zertal dont le talent brut s’accorde bien avec le lâcher-prise permis par le projet. Son héroïne, Nejma, est une jeune femme perdue qui s’installe à Los Angeles pour oublier une rupture douloureuse. Elle y rencontrera des copines, une ville à l’ultraconsumérisme absurde et, enfin, le grand amour friqué dont elle rêvait. On retrouve ici l’autrice telle qu’on la connaît, telle qu’on l’adore. Dessinatrice merveilleuse, on se délectera des quelques plans de Los Angeles qu’elle sème ici ou là mais aussi de son coup de crayon sans gêne où une sorte de naïveté adolescente se mêle à une maîtrise totale. Son sens de la mise en scène est bien présent, lui aussi, faisant de Baby fesse un régal de découpage qui enchaîne les fondus, les stop-motions ou les grands panoramas. Enfin, on se délecte encore et encore des obsessions de Melek Zertal, si rares dans la bande dessinée indépendante. Le luxe, la mode, l’inclusivité, le féminisme et la fascination pour la vie facile sont les thèmes chouchous de Melek Zertal que l’on retrouve ici emmêlés les uns aux autres, avec les curseurs poussés au maximum. L’autrice parisiano-constantinoise s’est ainsi emparée avec jubilation des possibilités de la collection et s’est placée avec grâce au milieu des nombreux talents qui font de BDCul l’une des aventures éditoriales les plus intéressantes du moment.

→ Baby fesse de Melek Zertal, parue aux Requins Marteaux, 184 pages, 14 € → lesrequinsmarteaux.com


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Le Secret très secret du Maître t e r c e s u d

x u e l l i e v r Me PLAISIRS ■ Ce petit livre de Gay Welgerif est

un de ces objets qui viennent faire fondre le cœur dès le premier regard. Avec sa couverture aux allures de dessin d’enfant, son titre ultra-positif et ses couleurs chatoyantes, il est possible que votre visage esquisse un sourire niais et que vos yeux se décorent de quelques étoiles. Merveilleux interpelle immédiatement quiconque est à la recherche d’esthétique nouvelle et de mignonnerie absolue. Et le feuilletage ne décevra pas, avec ses animaux esquissés d’un coup de pinceau et son message aussi utopique que rassurant : tout le monde est merveilleux, quoi qu’il fasse, quoi qu’il soit. Les enfants, comme les grands, ont vraiment besoin de ce genre de livre. → Merveilleux de Gay Wegerif, éditions MéMo, 32 pages, 13 € 9:HTLANF=WUXWWV: → editions-memo.fr Génial ! Cette année pour les vacances, tes parents t’envoient pour une semaine dans la Vallée du SECRET ! Tu dois absolument en profiter pour rencontrer le fameux Maître du SECRET, ou bien tu t’en mordras les doigts de pied.

Si ça se trouve vous allez devenir copains et il voudra bien te dire le secret, à toi... Allez, c’est décidé : d’ici dimanche, tu connaîtras le SECRET !

18 €

s’il vous plaît.

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75 — SÉLECTION PRINT

OIN DES KIDZ C LE

CHUT ■ Rien à voir avec le fait qu’il soit interviewé quelques pages avant, mais quand même Vincent Pianina est très fort. Il prouve son don pour la facétie et les images marquantes avec ce nouveau projet aux allures d’épopée absurde en période de colonie de vacances où un garçon doit absolument percer un secret dont on ne connaît pas vraiment l’importance. Reprenant à sa sauce les esthétiques moyenâgeuses, il produit ici un livre aux illustrations pleines et foisonnantes, dont les couleurs éclatantes ne sont pas le moindre des atouts. Le Secret très secret du Maître du secret allie ainsi à la folie et à l’humour de son propos un travail graphique remarquable qui nous fera replonger encore et encore dans ses pages, à la recherche de la LE SECRET moindre trouvaille. → Le Secret très secret LUNDI du Maître du secret de TRÈS SECRET Vincent Pianina, Éditions Thierry MaDU MAÎTRE gnier, 48 pages, 18 € DU SECRET → editions-thierry-magnier.com Une fois au Camp d’Été, après l’appel du matin, tu enfournes dans ton sac-banane : • une brique de jus de pomme • des barres de céréales • un paquet de chewing-gums

Quand tout le monde est occupé à jouer à la balle aux prisonniers, tu t’évades.

TA QUÊTE COMMENCE ! Tu as une semaine pour trouver le Maître du SECRET.

k e r ie h g g e S V n Jea ur et ses amis s e n o p s i a es ma d BOUM ■ Nous sommes

→ Veggie et ses amis de Philippe UG, Éditions des Grandes Personnes, 14 pages, 13,50 € → editionsdesgrandespersonnes.com

KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

ravis de retrouver, dans Jean-Shrek a peur des maisons, la folie d’Émilie Gleason. Très à son aise dans la nouvelle collection Coco Comics des éditions L’Articho, où le mot liberté n’est pas vain, Émilie Gleason appuie sur tous les boutons de son imagination et nous sort une histoire aussi impossible que le nom de son héros. Jean-Shrek se voit prophétiser une mort par chute de maison et entame un voyage pour fuir le danger. Un voyage au cours duquel il se prendra quelques remarques bien senties et apprendra que les gens ne se rangent pas dans des cases. Le trait vivace et les couleurs éclatantes d’Émilie Gleason font clairement le taf pour faire vivre un joli moment en absurdie. → Jean-Shrek a peur des maisons d’Émilie Gleason, L’Articho, 52 pages, 6 € → articho.info

MISE AU VERT ■ Il est peu de bonheurs plus grands que celui de découvrir un nouveau livre de Philippe UG. Graphiste admirable, illustrateur adorable et maître sans conteste de l’art du pop-up, il nous envoûte encore une fois avec Veggie et ses amis, sorti chez Les Grandes Personnes. Il s’agit d’un pop-up plutôt humble dans sa réalisation mais fort dans son déluge de couleurs et la liberté prise de laisser l’imagination s’égarer. Avec sa petite galerie de monstres végétariens, Philippe UG nous ravit deux fois : par la beauté de ses compositions et par cet espoir qu’il nous offre de faire manger des légumes à nos enfants.


👀 SÉLECTION ANIMATION — 76

Les films de Jean-Charles Mbotti Malolo

MOVE ■ Un peu jetlagué par cette année bizarre, le festival international du film d’animation d’Annecy a néanmoins réussi à souffler ses 60 bougies en ce joli mois de juin. Un beau chiffre pour un rendez-vous annuel qui compte parmi les plus grandes manifestations internationales en la matière, dont l’affiche a été signée par Jean-Charles Mbotti Malolo, un artiste qu’on aime bien, et qui aime danser entre image fixe et animée.

Jean-Charles Mbotti Malolo est né dans la région lyonnaise dans les années 80. Illustrateur donc, mais aussi réalisateur, il raconte des histoires dont le thème principal est le mouvement. Sans doute à cause de sa passion pour la danse, qu’il a rencontrée très tôt et qui se glisse toujours gracieusement dans son travail à travers le ballet des images qu’il enchaîne avec une grande fluidité. « La danse et l’animation, c’est la même chose pour moi : une question de mouvement ». C’est cette découverte intime qui l’a poussé à intégrer l’école Émile Cohl dans la spécialité animation, « pour raconter des histoires ». Durant ses années d’études, il travaille beaucoup son dessin, son trait, sa technique et apprivoise l’image fixe d’abord sur papier, avec le crayon et la gouache. Un apprentissage qui le situe davantage du côté « artisanal » de l’art animé, plus proche de l’édition que du digital. Et quelques années plus tard, en 2007, il sort de l’école avec les félicitations du jury et un film de fin d’étude, Le Cœur est un métronome, témoignage sincère de son parcours, entre danse et dessin, qui raconte sa propre histoire, à travers la relation d’un père et de son fils. Il est récompensé l’année suivante en recevant le Prix du meilleur premier film au festival d’Hiroshima, ce qui marque son entrée sur la scène internationale du cinéma d’animation.

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Le Cœur est un métronome (2007 Le Sens du toucher (2014)

Confronté à l’impossibilité de faire un choix professionnel entre ses deux passions, il va choisir de ne pas choisir. Côté danse, il intègre en 2008 la compagnie Stylistik comme danseur-interprète, et deviendra par la suite chorégraphe pour le collectif La Piraterie. Côté animation, il va d’abord produire des décors pour d’autres réalisateurs, en se lançant en parallèle dans l’écriture d’un nouveau film, Le Sens du toucher. Et en 2010, Jacques-Rémy Girerd le contacte pour travailler sur les décors de son long-métrage Tante Hilda ! au studio Folimage. « En arrivant à Folimage, j’ai vraiment découvert le milieu de l’animation, entouré de professionnel qui m’ont donné de l’élan pour mon travail personnel. Je travaillais sur Tante Hilda ! et durant les temps de pause je baignais dans l’état d’esprit du studio, entouré de collègues avec lesquels je pouvais parler de mon projet personnel au coin d’une table, montrer les premières ébauches des personnages que je venais de peindre à la gouache, prendre leurs avis, leurs conseils, et avancer plus vite. » Et en effet ça s’accélère : présenté au Carrefour de la Création du festival d’Annecy l’année suivante, son projet de film est lauréat du Prix Arte France ; Folimage se positionne alors naturellement pour le produire ; et deux ans plus tard, en 2014, le film est terminé. « C’est grâce à ce film, Le Sens du toucher, que j’ai pu commencer « à exister » en tant qu’auteur et réalisateur de film d’animation. » Les choses s’enchaînent de belle manière, assez musicalement. Pendant qu’il était en train de finaliser et peaufinait son film, Amaury Ovise de Kazak Productions le contacte pour une autre commande : Please Please Please, un film sur James Brown et Salomon Burke, dans l’univers graphique de Simon Roussin. Sur le papier, c’est génial. Mais l’angle narratif ne lui plaît pas. On lui propose alors de participer à l’écriture ; et ce qui était au départ un film de commande, est devenu un film personnel. Finalement rebaptisé Make It Soul, le court-métrage fait le tour des festivals et rentre même dans le cercle très fermé des nominés aux Césars en 2020. Ce genre de chemin entraîne une certaine visibilité. Aussi Marcel Jean, le délégué artistique du festival d’Annecy, ayant adoré Make It Soul, invita ses auteurs de réaliser à quatre mains l’affiche de l’édition 2020. Un beau travail qui malheureusement n’eut pas l’exposition qu’il méritait, à cause des événements que l’on sait. La proposition fut alors généreusement reconduite en 2021, et JeanCharles Mbotti Malolo se retrouva finalement en solo pour l’exercice. « Simon était trop occupé sur un projet de BD. Alors j’ai ressorti mes pinceaux, j’ai pris du temps, pour peindre, renouer avec l’illustration. » Ce qui nous amène à l’affiche d’aujourd’hui.

Animation par Jean Tourette

→ Les films de Jean-Charles Mbotti Malolo sont visibles sur Kiblind.com → Filmographie : Le Cœur est un métronome (2007), Le Sens du toucher (2014), Waves (2015), Make It Soul (2018), Short cut North by Northwest (2018), Ex aequo (2021)

Affiche du Festival d'Annecy 2021 Make It Soul (2018)



👀 SÉLECTION MUSIQUE — 78

Musique par Elora Quittet

Claude Violante

VIOLANTE DOUCEUR ■ Sorcière vaudou des temps modernes, Claude

Violante a trouvé la combinaison idéale pour envoûter tous les humains qui croiseraient son chemin. Avec ses chants semblant lointains qui pourtant, touchent notre coeur là, tout près, l’artiste accomplit l’exploit de dompter de froides lignes de synthés modulaires pour les rendre sensibles. Après plusieurs EP plutôt dirigés vers la synthpop, Claude Violante se laisse aller à des compositions électroniques douces traversées par une pop poétique et un soupçon de R’n’B, laissant sa voix, toujours en tension parfaite avec la musique qu’elle accompagne, compléter la magie. Traversée tant par les chants de sirène dans « Hey Lover » que par des envolées breakcore dans « Pro », Water Signs est une œuvre hybride, celle d’un futur idéalisé où humain et machine s’acoquinent de la plus jolie des façons et se nourrissent l’un l’autre. Si le futur s’annonce aussi doux, nous, on veut bien accélérer le temps. → Water Signs (EP) de Claude Violante • disponible via Santé Records → https://santerecords.bandcamp.com

Liila

INTROSPECTIF ■ C’est pendant un séjour dans un

monastère bouddhiste que Danielle Davis et Steven Whiteley décident de créer un projet ensemble. Stimulé par l’expérience si particulière de l’écoute de la musique vécue dans ce contexte, le duo traduit alors ses sentiments débordants à travers des sonorités. Par la force du sacro-saint Ableton et de leur créativité, les deux Américains originaires de Portland composent leur premier album, Soundness of Mind. Des samples et des boucles de synthétiseurs sont utilisés comme base de leur œuvre, vite complétés par des instruments acoustiques enregistrés à domicile. Les percussions tonales qui viennent nous titiller les sens dès l’ouverture de l’album annoncent un enchevêtrement de mélodies ambient où la parole serait de trop, tant les textures et fragments sonores narrent à eux seuls une histoire à la saveur exquise. Un album introspectif qui est tout autant une thérapie pour celui qui l’écoute.

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→ Soundness of Mind de Liila • disponible via Not Not Fun Records → liilasounds.bandcamp.com

h c t i Nik

MIXTURE ■ Grâce à plusieurs EP, le producteur de musiques électroniques Nikitch a su apprivoiser l’objet son et explorer les diverses pistes que celui-ci lui offrait. Après l’avoir retourné dans tous les sens pour trouver la forme qui s’imbriquerait le mieux avec sa personnalité, l’artiste lyonnais savait exactement là où il voulait aller : vers un mélange hybride où la house, la musique classique, le hip-hop et le jazz ne sont que des styles parmi tant d’autres à exploiter. Ces inspirations multiples se font ressentir dès le morceau d’ouverture de Chromatism. Pensé comme l’ouverture d’une pièce d’opéra, il vient directement planter le décor avec des sons minimalistes et grandioses. 2’05’’ auront donc suffi à nous embarquer dans la cadence millimétrée de ce premier album. Le voyage se fait ensuite naturellement, nous faisant pencher du côté du Nu Jazz avec l’ultra-entraînant « Vibin » puis tailler la route tranquillement avec les sonorités cristallines de « Solarism ». On connaîtra aussi des détours plus bruts et directs comme dans « Rejected » et « Digital Happiness », qui ne feront que rendre le périple encore plus excitant.

→ Chromatism de Nikitch • sortie le 24 septembre via Casamance Records → casamanceprod.com

r a h t Lo L’ENTRE DEUX ■ « Distortion est un album de guerre d’un monde

dystopique » : le communiqué de presse annonce la couleur. Avec son premier album, Nathan Herveux aka Lothar conte les petits et grands malheurs de notre génération, utilisant le médium de l’album pour tenter de trouver des échappatoires à ce foutu bordel. Se voulant aussi porteur d’espoir, Distortion est un début de thérapie, celle où Lothar nous propose de « faire de ses mots notre armure » dans « Dans le noir ». Un album parsemé de fous élans instrumentaux où guitares saturées et batteries un tantinet énervées traduisent un sentiment d’urgence et de colère. Nous rappelant autant les chants faussement naïfs de La Femme que l’énergie primitive de LCD Soundsystem, Distortion est une cavalcade douce-amère, qui ne cherche pas à lisser la réalité et qui, étrangement, nous parle à tous. →Distortion de Lothar • disponible via Spinnup

Jarom il Sabor

PLURIELLE ■ Producteur ultra-

prolifique, Loïk Maille aka Jaromil Sabor nous offre le triomphant Mount Vision, un album confirmant la minutie de l’artiste originaire de Bordeaux. Réalisé par lui seul, de l’arrangement à la production, pendant pas moins de trois ans, ce sixième album regroupe un nombre impressionnant d’influences allant de la folk au garage rock en passant par la jangle pop. Pour nous dissuader d’entrée de le ranger dans la vaste et restrictive case « pop », Jaromil Sabor agrémente le premier morceau de son album « On My Mind » d’une transition baroque au violon et ouvre avec lui la porte d’un monde enchanteur où toutes les fantaisies sont les bienvenues. À l’instar du piano lumineux qui habite « Red Sun » et des quelques notes d’harmonica qui se faufilent dans « Sailin’ on the Piper Maru », bon nombre d’instruments peuplent l’imagerie de Mount Vision, dont la voix de son auteur dessine la parfaite narration. → Mount Vision de Jaromil Sabor • sortie le 9 juillet chez Howlin Banana Records, Permanent FREAK et Safe In The Rain Records → howlinbananarecords.com / permanentfreak. bandcamp.com / safeintherain.bandcamp.com

Diana Hutch & Val Nacho DÉCLARATION ■ Construit comme un concept album, Jennifer est l’histoire

d’une rencontre en quatre morceaux : de l’euphorie des premiers instants à l’envie d’ailleurs. Composé par les deux Lyonnais Diana Hutch & Val Nacho – dont la relation pendant l’enregistrement de cet album n’a connu, elle, aucun vacillement –, ce premier EP se joue des modes, des époques et des références. S’autorisant un solo de guitare qu’on croirait échappé d’une station Rock FM des années 80 dans « Sucré Salé », des notes de guitare funky à la Parcels dans « Tes silences » comme des nappes de synthé brumeuses et langoureuses dans « Désir des îles », les deux multi-instrumentistes inventent un univers qui leur ressemble, pointilleux et intemporel à la fois. Histoire racontée par la voix suave de Diana Hutch et celle, plus cristalline, de Val Nacho, Jennifer est autant une déclaration d’amour à sa protagoniste qu’à la pop française au sens large. La désuète, la moderne, la commerciale, l’indépendante. → Jennifer (EP) de Diana Hutch & Val Nacho - sortie le 2 juillet via Calmos Records → instagram.com/calmosrecords


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Exposition des diplômés 2020 École supérieure d’art et design de Saint-Étienne

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👀 SQUARE — 80 KIBLIND Magazine → 76 → À quoi tu joues ?

SQUARE² SQUARE² est une nouvelle BD originale publiée chaque dimanche sur le compte Instagram de KIBLIND. Le principe : Chaque semaine pendant un mois, un artiste que nous avons choisi dessinera un strip qui doit respecter les règles graphiques suivantes : Un carré central / 4 côtés / 4 cases / 4 couleurs imposées. Après María Medem, voici l'interprétation du génial et absurde Simon Bailly.

SQUARE² • Chapitre 2 - Partie 3/4 Simon Bailly À suivre sur : instagram.com/kiblind_magazine


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Tigre Bock est distribuée dans de nombreuses villes en France

Une création originale d’Owen Davey pour Tigre Bock, en partenariat avec Kiblind


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