Bakchich N° 30

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Apéro sommaire

Philippe valet devant l’actionnaire

l'humour, politesse du desespoir

apéro

Les faits saillants de l’actualité P.3 Affaire Woerth-Bettencourt. L’ex-ministre du Budget ne pouvait rien ignorer des tambouilles entre le photographe François-Marie Banier et la richissime propriétaire de L’Oréal. P.3 À France Inter, ça Val-dingue dans tous les sens. Les producteurs sont mécontents et le disent. P.4 Le tour de passe-passe du gouvernement pour éponger la dette sociale du pays.

E

n ce mois de juin, il y a 24 ans, Coluche mourait. Sa fin violente, cruelle, a été à l’origine d’une légende : « Coluche a été assassiné. » Faux, évidemment, mais la disparition du clown est une affaire grave, voire tragique. L’emploi d’humoriste est un métier dangereux. Quand Stéphane Guillon qualifie Éric Besson de félon pitoyable, Guillon dit la vérité, il doit être exécuté. Et tant pis si le même est devenu, d’après le sondage réalisé par LH2 pour Bakchich Hebdo, « l’humoriste politique le plus insolent » et le plus populaire auprès des Français (lire ci-dessous et notre dossier pages 10 et 11). On trouve toujours quelqu’un pour tirer le cordon de la guillotine, un traître de préférence. Philippe Val, directeur de France Inter, nommé à ce poste par Nicolas Sarkozy, en est un. Autrefois amuseur, avec des textes impitoyables parlant de révolution, Val est passé du bon côté de l’assiette, là où la soupe est meilleure. Habile pour le président de la République que de laisser aux mains sales d’un « homme de gauche » la charge de bâillonner Stéphane Guillon et Didier Porte, des hommes libres. Le Président sait que les repentis comme Val sont le meilleur grain qui fait pousser l’ordre. Voulant justifier une forfaiture, on trouve toujours un forgeron pour en tremper l’alibi, ici Alain Finkielkraut, philosophe de télé, est à l’enclume : « Les humoristes, comme les Guignols, qui méprisent la politique, sont un danger pour la démocratie. » À moins que l’humour soit « la politesse du désespoir » à voir s’ébrouer les Besson, Val et autres Finkielkraut ✹ jacques-marie bourget

filouteries Nos enquêtes et nos dossiers

les trophéEs Les prophètes de la semaine

Dans un entretien optimiste pour le quotidien 20 Minutes, en novembre 2009, l’avant-centre des Bleus, Nicolas Anelka rêvait : « Peut-être que, dans six mois, Domenech sera le boss… et plus personne ne pourra l’insulter ! » Il y a quinze jours, c’est Patrice Evra qui rappelait son rôle de capitaine à France Football : « Je veille à la bonne santé morale du groupe. (…) C’est facile car nous avons un groupe sain. » Comme l’a rappelé le champion du monde 1998, Emmanuel Petit, « le football n’est pas une science écrite ». Ni parlée.

sondage. les humoristes préférés des français

Q

uelle ironie ! Bouté hors de France Inter, Stéphane Guillon est plébiscité par les Français comme le plus insolent des humoristes politiques (lire pages 10 et 11). Il arrive en tête de notre sondage LH2-Bakchich Hebdo, avec 28 % des voix toutes catégories confondues, devant Anne Roumanoff et Laurent Gerra, qui recueillent chacun 14 % des voix. Une pole position occupée quels que soient l’âge, le sexe, la catégorie socioprofessionnelle ou les affinités politiques des sondés. Avec quelques nuances toutefois : Guillon est préféré des cadres (37 %) que des ouvriers (24 %), des hommes (32 %) que des femmes (25 %), des sympathisants de gauche (33 %) que de droite (28 %). Sans grande surprise, Laurent Gerra cartonne parmi les personnes âgées (19 %) et plutôt de droite (18 %), quand

Les héros de la semaine

Roumanoff fait une percée chez les prolos (17 %) et le peuple de gauche (16 %). Une place dans le trio de tête que l’institut de sondages explique par une forte présence dans les médias. Anne Roumanoff sur France 2 et Laurent Gerra sur RTL.

On se serait presque inquiété. En 2008, sur la planète, les personnes avec un patrimoine supérieur à 1 million de dollars (hors résidence principale) n’étaient « plus » que 8,6 millions contre 10,1 l’année précédente. Mais dans l’étude annuelle « World Wealth Report » publiée par Merrill Lynch et Capgemini, on apprend qu’en décembre dernier, le monde abritait à nouveau 10 millions de millionnaires. Autre bonne nouvelle, le rapport « Global Wealth 2010 » indique que la répartition des richesses est la même qu’avant la crise : 1 % des foyers de la planète possèdent à nouveau 38 % de la richesse privée mondiale. Ouf, les riches sont de retour !

éviction

Dans le ventre du peloton figurent Nicolas Canteloup (10 %) et Laurent Ruquier (8 %). À la traîne, Christophe Alévêque (4 %) et Didier Porte (4 %). Lanterne rouge, Yann Barthès (2 %). À noter que, pour les 18-25 ans, Barthès atteint la troisième marche du podium, avec 11 %. Pas de quoi s’en faire puisque, comme le dit le dicton : « Les sondages, c’est comme les monokinis, ça donne une idée, mais ça cache l’essentiel. » L’essentiel, c’est l’éviction de Guillon ✹ louis cabanes

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a Avec 28 % des voix, Stéphane Guillon arrive en tête de notre sondage réalisé

par LH2 au téléphone, les 18 et 19 juin, sur un échantillon de 1 001 personnes.

2

Bazar

environnement, médias, conso, sport, pipoles…

P.9 Afrique du Sud. Visite de Khayelitsha, le plus grand township du pays. P.10-11 Notre sondage exclusif sur les humoristes politiques préférés des Français. Portraits des huit candidats au titre remportés par Stéphane Guillon. P.12 M6, la chaîne surveille de près ses éléments de langage pour ne pas angoisser les clients.

Le prix Pulitzer de la semaine

La société pétrolière BP n’en finit pas de s’empêtrer dans sa communication. Le week-end dernier, c’est la participation du patron, Tony Hayward, à une régate de luxueux voiliers en Angleterre qui a fait scandale. Courageusement, les journalistes du magazine interne au groupe ont réussi à trouver, en Louisiane, des témoignages élogieux d’un entrepreneur local de fruits de mer (« Il n’y aucune raison de haïr BP ») et d’un responsable du tourisme (« BP a toujours été un grand partenaire valorisant »). Vous reprendrez bien un doigt de pétrole ? ✹

Mot à Mot

n llo Gui

28 %

P.5 Bertrand Delanoë et sa politique sociale à Paris. Trucs et astuces de M. le maire pour cacher son incurie. P.6-7 Le dossier de la semaine. En Floride, après le désastre écologique de la marée noire, pèse une nouvelle menace : les ultra-conservateurs du Tea Party, emmenés par Sarah Palin. P.8 Retraites, les parlementaires diront-ils adieu à leurs privilèges ?

« Si les événements tels qu’ils sont rapportés par la presse sont exacts, ils sont inacceptables. » Ainsi trancha coach Nicolas, depuis Saint-Pétersbourg. J’ai cru qu’il sifflait les hors-jeu de ses équipiers, dont l’un fait raquer aux contribuables 12 000 euros de cigares (Christian Blanc), l’autre magouille un permis de construire abusif (Alain Joyandet), et deux autres semblent avoir touché du blé de Mme L’Oréal (Éric Woerth et Valérie Pécresse). Eh bien non, notre

Bakchich Hebdo N°30 | du samedi 26 juin au vendredi 2 juillet 2010

tsar parlait des écarts de langage d’un grand dépendeur d’andouilles soi-disant avant-centre (Nicolas Anelka). Si, comme le dit Finkielkraut, toujours aussi subtil, l’équipe de France est « la génération caillera », que dire de l’équipe Sarko ? Foin des euphémismes à la Domenech : 12 000 euros de cigares sur fonds publics, cela s’appelle du vol, et le coupable, un voleur. Pire, s’il en rembourse 3 500 au titre de « consommation personnelle », c’est soit un cynique de haut vol, soit un blaireau absolu. Et l’autre, celui qui vole pas sur Air France, son mas provençal et ses hectares à Grimaud, où deux mètres carrés coûtent une année de Smic, c’est un outil de travail, ou juste pour pouvoir aller à Mougins en vélo se taper un pastaga-sauciflard chez Hortefeux?

Culture

bouquin, cinéma, musique, bédé…

P.14 Tournée, Mathieu Amalric tombe la veste et les masques.

P.15 Raymond Domenech,

champion toutes catégories de la communication.

Reste la mémé aux milliards, qui ne s’est donné que la peine de naître et d’arroser l’UMP. Vautrée depuis 88 ans dans ses milliards gagnés par la sueur des autres, elle met un point d’honneur à voler le fisc avec des comptes en Suisse, une île aux Seychelles, la Légion d’honneur donnée par le docteur Kouchner et les conseils de Mme Woerth. Et si on nationalisait son magot, qui pèse à peu près ce que ce que rapportera le recul de l’âge de la retraite ? Hélas ! Cigare au bec, plume dans le fion et Rolex au poignet, Blanc, Joyandet, Bettencourt et ses potes de Neuilly n’ont pas la moindre idée de ce qu’est une retraite de 700 euros gagnée à bosser pendant toute une vie. Et ça, c’est vraiment inacceptable ✹

jacques gaillard


Apéro

Banier pisté par le

chef scoop Val perdu…

fisc depuis deux ans bettencourt L’ex-ministre du Budget, Éric Woerth, ne peut rien ignorer, malgré ses dénégations, des tambouilles entre le photographe et Liliane Bettencourt, la richissime propriétaire de L’Oréal.

D

urant l’hiver 2008, les Allemands four nissaient à Bercy une liste de cinq cents Français « touristes fiscaux » au Liechtenstein. Parmi eux, comme Bakchich devait le révéler le 15 mars 2008, figuraient David Douillet et François-Marie Banier. Le premier, qui déposa plainte contre notre site, fut condamné à nous verser 3 000 euros (ce qu’il n’a toujours pas fait). Le second se fit plus discret. En effet, le ministère des Finances décida, début 2008, d’éplucher les comptes de deux cents de ces contribuables suspects, dont ceux de François-Marie Banier. L’ensemble de son dossier fut donc transféré de la perception du VIe arrondissement, où réside le photographe, à la Direction nationale des vérifications des situations fiscales (DNVSF). Sous ce sigle, se cachent les plus fins limiers du fisc, connus pour passer au scalpel les fortunes des particuliers. Un vérificateur, D.C., réceptionna le dossier de Banier. Lequel dossier n’a toujours pas réintégré, deux ans après, les armoires des contrôleurs du VIe arrondissement. Un enterrement fiscal est si vite arrivé.

échanges entre Liliane Bettencourt et ses conseillers, publiés par nos excellents confrères de Mediapart. Qu’y apprend-on ? Le 7 avril 2009, Patrice de Maistre, « l’expert » ès évasion, explique à la milliardaire : « Banier vous a fait mettre l’île d’Arros dans une fondation pour lui (...) Banier vous a pris 20 millions pour les mettre dans une nouvelle fondation », apparemment au Liechtenstein.

panique à l’élysée

Plus tard, le 23 octobre 2009, le même Patrice de Maistre expliquait à la milliardaire : « Il serait bien que vous récupériez officiel-

lement votre île d’Arros. Vous savez que cela appartient au Liechtenstein. » Autant de tractations illégalles, passibles du délit de blanchiment, d’après un arrêt de la Cour de cassation de février 2008, que le fisc connaît fatalement, après deux ans d’enquêtes sous l’autorité d’Éric Woerth. Un peu gênant, alors que l’épouse du ministre a conseillé la milliardaire pour la gestion d’une partie de sa fortune. Tout récemment, Nicolas Sarkozy a convoqué son ministre. Le chef de l’État, paraît-il, est sorti fort inquiet de cet entretien. On le serait à moins ! ✹ nicolas beau

Passionnante est la lecture, sous cet éclairage, de certains

messe

l’adieu des paras au trouble bigeard

V

ous avez combattu avec le général Bigeard ? » « Oui, en Algérie. » Le vieil homme a la voix nouée, il renifle, je sens que je l’incommode, je n’insiste pas. C’est pas la joie d’enterrer un mythe. Chez les paras, Bigeard, c’était Dieu. Un dieu né en Indochine, où il fit preuve d’un courage peu suspect d’être humain. Dans la triste cathédrale de Toul, lundi 21 juin, la mort d’un de ses héros a ressuscité l’empire colonial. Plein de vieilles choses m’entourent, à commencer par cet antique para aux yeux humides. « Qu’estce qu’il fout là, Giscard ? » Ça, il l’a dit un peu fort, le banc regarde ses pompes. L’émotion est plus forte que lui, je lui file mon mouchoir. À son regard, je comprends qu’il ne m’aimera pas plus pour

autant, j’ai pas eu la chance de connaître les colonies. Il a les boules, l’ancien. Sa France est morte et tous ses potes la rejoignent. Pour le commun, Marcel Bigeard, c’est la torture en Algérie, c’est Aussaresses qui l’a balancé. Ici, en Lorraine, c’est un lieu de mémoire à lui tout seul. Tous les politiques de la région sont là, au milieu de centaines de paras en uniforme.

placard à médailles

L’évêque tente de réveiller dans son homélie une époque qui n’existe plus, tout comme Bigeard appelait au réarmement moral d’un pays qu’il voyait tomber en déliquescence. Adieu ma France, tu n’es plus celle que j’ai connue, nous a-t-il laissé en testament. Drôle de bouquin. Il y dépeint une nation endormie, prête à se faire bouffer toute crue par l’islamisme, incapable de se préparer à l’affrontement. Car, à 94 ans, il préparait encore la guerre, en vrai général. Que restera-t-il de lui ? Des cendres éparpillées dans le ciel de Dien Bien Phu. On est invités à sortir, le placard à médailles me rend mon mouchoir, je le lui laisse. Le cercueil sort, Giscard le regarde, songeur. Une maman à son fils : « Lui aussi, il aura un hommage national, il était Président, avant » ✹ renaud chenu

lara mace

Royal Air Force

Bougrab paie l’addition

liechtenstein

«

Stéphane Guillon (2 millions d’auditeurs) viré de l’antenne, Didier Porte itou, des émissions sucrées, et six salariés recalés ! En guerre contre cette gestion autocratique, journalistes et producteurs font circuler, depuis plusieurs semaines, des courriers contre la direction. Le 31 mai, la Société des producteurs se demandait, dans une lettre interne : « La direction nous considère-t-elle comme des ennemis ? » Et enchaînait : « Certains se sont vu demander leur CV, alors qu’ils assurent des émissions régulières depuis des années (...) Ceux qui, osant se défendre a La belle époque où Val et en évoquant leur professionnalisme, ont été son ami Font s’en prenaient dédaigneusement renvoyés à leur nullité virilement à François Léotard. d’une phrase : “mieux vaut avoir un univers que du professionnalisme.” » Menacée de se faire sucrer son émission, Kathleen Evin, la présidente de la Société des producteurs, qui défendait bec et ongles Val quand il avait osé comparer Bakchich à Je suis partout, a démissionné de son poste de présidente. Mieux vaut tard… La rédaction, de son côté, a voté la semaine dernière une motion contre Philippe Val, à propos de la grille de rentrée. Val pourra toujours se consoler en jouant un air de guitare sous les fenêtres de son amie Carla ! ✹

À peine nommée à la tête de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde), Jeannette Bougrab, qui a fait voter une délibération visant à doubler son salaire, risque de voir, dès la rentrée de septembre, ses attributions noyées dans un plus vaste ensemble – qui réunirait toutes les administrations publiques en charge de la lutte contre les discriminations. Cet organisme pourrait avoir comme présidente… Fadela Amara. La secrétaire d’État chargée de la politique de la Ville lorgne en effet du côté de ce « nouveau machin ». Car, remaniement oblige, elle ne fera probablement pas partie du prochain gouvernement. Nicolas Sarkozy lui reprocherait de n’avoir pas assez pacifié les relations entre lui et la banlieue, désormais terrain de chasse favori de son ennemi Dominique de Villepin. Jeannette Bougrab, fidèle militante UMP, fera-t-elle les frais de leur haine ?

Al-Rahma défie le CSA

En mars 2010, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a demandé à Eutelsat, dont dépend le satellite Atlantic Bird A4, de mettre un terme à la diffusion de la chaîne égyptienne Al-Rahma, en raison du contenu antisémite de celle-ci. Or, à ce jour, rien n’a été fait. Al-Rahma a commencé à diffuser en novembre 2007, grâce à un financement de départ provenant d’Arabie saoudite. Le cheikh Muhammad Hassan est le propriétaire de la chaîne, laquelle est dirigée par son frère Mahmoud Hassan. Al-Rahma diffuse des appels à l’extermination des Juifs, décrits comme les descendants des singes et des porcs, des serpents et des vipères, et qualifiés de « pires ennemis des musulmans », juste après Satan. Sympa.

Vice-présidente de l’Internationale socialiste, Ségolène Royal s’est rendue à New York les 21 et 22 juin pour le congrès de l’organisation. Au menu des discussions : « Les priorités sur l’économie mondiale. » Pour mieux préparer ses fiches, elle a voyagé au côté de son compagnon, André Hadjez, en business class. À 3 454 euros le billet par personne, aller-retour. Entre bons camarades, elle a fait profiter de sa virée à son dir’ cab’ de région, Alexandre Godin. Qui a dû se contenter de la classe éco, à 1 027 euros le billet. Quand on vous dit que c’est la crise…

Jolie mêlée au « Monde »

Les trois candidats à la reprise du groupe Le Monde (le trio Perdriel-Prisa-Orange, le trio Pigasse-Niel-Bergé et Robert Monteux, patron du groupe Le Revenu) ont présenté leurs projets à tour de rôle devant les sociétés de personnel, avant le vote de la puissante Société des rédacteurs du Monde (SRM), attendu le vendredi 25 juin. Le tout avant le conseil de surveillance du lundi 28. Il reste peu probable qu’un candidat obtienne les deux tiers des voix des rédacteurs, nécessaires lors du vote de vendredi. Et la situation pourrait s’enliser une partie de l’été. Parfois ombrageux, les journalistes du quotidien du soir ne veulent pas de Denis Olivennes, bras droit de Perdriel, qui passe pour un ami du couple Sarko-Carla et qui a surtout plombé le Nouvel Observateur. Perdriel pourrait donc tenter de passer en force, en rachetant, avec les Espagnols de Prisa, les 17 % de Lagardère. Sinon, la dernière solution envisagée résiderait dans un regroupement des forces. Selon certaines sources, le trio Perdriel-PrisaOrange pourrait alors accueillir Mathieu Pigasse et même Pierre Bergé – ce qui permettrait de diversifier le capital, tout en donnant une minorité de blocage aux différentes sociétés de personnel. Reste à savoir si Perdriel, après avoir tenté de séduire la belle, ne préférera pas se retirer, après avoir fait ses comptes. Car la danseuse, vingt-cinq millions de pertes cette année, coûte fort cher ! ✹

du samedi 26 juin au vendredi 2 juillet 2010 | Bakchich Hebdo N°30

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Apéro dette sociale

le tour de passe-passe du gouvernement Sous prétexte d’une réforme des retraites à long terme, le gouvernement renfloue les caisses à court terme et endette lourdement les générations futures. Pour comprendre le jeu de bonneteau auquel le gouvernement se livre, il est nécessaire de se pencher sur ces acronymes : FRR et Cades.

L

dette ! Avec elle devait s’éteindre aussi la Cotisation au remboursement de la dette sociale (CRDS), chargée de la financer. Mais tous les gouvernements ont profité de cette caisse pour se défausser de leur dette sociale. À tel point que la Cades, à ce jour, est endettée de plus de 93 milliards d’euros. Pour rembourser, la Cades émet des obligations et paie des intérêts (plus de 28 milliards depuis sa création). Le déficit de la Sécu se

s’est livré le gouvernement, le voici. Lors de sa présentation de la réforme des retraites, Éric Woerth a annoncé que « les actifs du FRR seront transférés à la Cades ». Le temps urge. Début 2011, la Cades doit reprendre 61 milliards de dettes sociales (Assurance maladie et vieillesse cumulées pour l’année 2009-2010). Or, la loi interdit au gouvernement d’endetter à nouveau la Cades sans lui attribuer de recettes supplémentaires. Où trouver les sous ? Augmenter la CSG et/ou la CRDS ? Bien trop impopulaire ! Woerth est un malin: le transfert des 34 milliards du FRR permettra de financer la dette sociale sans douleur. Enfin, pour le moment.

e Fonds de réserve des retraites (FRR) a été créé par le gouvernement Jospin en 1999 pour faire face au choc du papy-boom et ainsi pallier le déficit des retraites de 2020. L’argent du FRR provient essentiellement d’une partie des recettes des privatisations et du prélèvement social sur les revenus du patrimoine. La loi interdit d’utiliser ces recettes avant 2020. À ce jour, le FRR possède 34,5 milliards d’euros. Presque la moitié de cette somme est placée en Bourse, sur les marchés d’actions. C’est un fonds de pension public, mais qui sait prendre des risques. Lors de la crise de 2008, ce fonds a perdu en quelques mois plus de 3 milliards d’euros. Le reste de la somme est placé en obligations d’État, le FRR est donc engagé aussi sur la dette grecque, pour presque rien, 200 millions d’euros – une paille… Le FRR se flatte d’avoir une gestion diversifiée, donc sûre. Le FRR confie des mandats de gestion à toute la planète financière, d’HSBC à Axa en passant par a “Lighten the debt. Brighten the future.” “Alléger la Barclays, et même Lehman la dette. Éclairer l’avenir.” La Cades, organisme Brothers, à qui le Fonds avait gouvernemental finançant la dette accumulée par le donné 195 millions d’euros à système de santé, incite les Anglo-Saxons à investir investir ! dans le trou de notre Sécu…comparée à un diamant.

diamant

La Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), elle, ressemble à cette bonne vieille vignette automobile. Créée en 1996 par Alain Juppé pour rembourser le trou de la Sécu, il était prévu que la Cades meure en 2009, à la fin du remboursement de sa

vend ainsi dans le monde entier. Pour vanter ses placements, la Cades s’offre parfois des pubs dans la presse étrangère (voir notre document). On comprend pourquoi elles ne sont pas diffusées en France : le trou national comparé à un diamant ! Or, le tour de passe-passe auquel

Les annonces d’Éric Woerth, selon lesquelles le FRR « ne serait pas dissous et continuerait à gérer ses actifs », ne sont destinées qu’à embrouiller les esprits : cet argent sera bel et bien utilisé immédiatement. Jean-Jacques Jégou, sénateur UMP et président du conseil de surveillance de la Cades, le confirme : « Les fonds du FRR seront utilisés dès 2011. » Pour le député socialiste Gérard Bapt, également membre du conseil de surveillance de la Cades, la manœuvre est claire : « Tout ce qui est fait en ce moment ne sert qu’à repousser les augmentations de CSG et de CRDS à l’automne 2012. » Car, au final, l’argent du FRR n’épongera pas l’océan de dettes que la Cades doit reprendre (Sécurité sociale 2011 plus tous les déficits des retraites jusqu’en 2018). Les 34 milliards du FRR ne garantiront pas non plus à la Cades de conserver l’excellence de sa signature sur les marchés. Le gouvernement dilapide les bijoux de famille et creuse les déficits… encore et toujours ! ✹ leslie varenne

bab’ el web Quand y a pas d’gène…

En changeant, le mois dernier, son slogan « La beauté sera votre entrée » en « Les votes seront votre entrée », Tres-select.com a calmé les associations anti-discriminations. L’objectif est pourtant resté le même : sélectionner, pour la soirée du 25 juin, les 600 plus belles et beaux internautes. Une soirée interdite aux moches ? « Le critère du physique n’est pas notre but », se défendaient les organisateurs face aux critiques. Dans le dossier de presse, Tres-select.com se fait pourtant le plaisir de rappeler l’ancien concept : « Très Sélect (…) est vue par certains comme la soirée réservée aux plus beaux. » Pas d’handicapé, aucun grassouillet et peu de binoclards ont d’ailleurs été plébiscités… Moins hypocrite mais plus obscène, le site de rencontres Beautifulpeople.com, qui interdit « les moches », vient d’annoncer l’ouverture d’une banque de sperme pour les internautes « souhaitant avoir de beaux bébés ». Là où il y a gène (de la bêtise), il y a connerie ✹

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embrouilles

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« Échos » système

Bouthan train

L’info. « L’Expédition RTL : le Bouthan », publicité dans le Monde, 21 juin. Le décryptage. Le quotidien du soir assure la promotion d’une initiative de RTL dont il est partenaire. « Chaque mois, une destination sur un point du globe où se joue notre avenir », explique l’encart. Manque une précision divertissante à la publicité pour cette série de reportages : le partenariat avec Total. Pour mémoire, son lancement avait provoqué une fronde des journalistes de RTL. Si le partenariat court toujours, le Monde, lui, aura préféré l’oublier.

Infotainment

L’info. « Contrairement à d’autres, on n’a jamais eu de mise en demeure pour une émission quinze jours après son lancement. Je ne crois pas que les jeunes soient attirés par le trash. », Nonce Paolini, PDG de TF1, le Parisien, 22 juin. Le décryptage. Le grand manitou de la première chaîne dit vrai. TF1, qui s’apprête à diffuser la saison 4 de Secret Story, ne fait pas dans le trash. Et le CSA ne s’y trompe pas. Aucune mise en demeure adressée à Paolini pour atteinte à la dignité humaine ces derniers mois, comme ce fut le cas récemment pour l’émission Dilemme, sur W9. Non, TF1 préfère les mises en demeure pour « manquement à l’honnêteté de l’information ». Comme ce fut le cas à de multiples reprises ces derniers temps : fausse annonce de la mort d’un enfant en direct, fausse image de l’Assemblée pendant l’examen de la loi Hadopi et de la loi Loppsi… Au point que Catherine Nayl, la patronne de l’info, fraîchement décorée de la Légion d’honneur, a été convoquée au CSA pour s’expliquer. De quoi, effectivement, donner la leçon.

L’info. « La charte éthique des Échos », les Échos, 21 juin. Le décryptage. La rédaction de cette charte était une promesse de LVMH au moment du rachat… il y a plus de deux ans et demi. Nicolas Beytout peut s’enorgueillir d’être celui qui a retardé la signature du texte. Ses interventions télévisées, à la saveur éditorialisante, n’ont cessé d’agacer les rédacteurs, qui lui reprochaient de se définir comme un représentant de la rédaction alors qu’il n’est « que » représentant de l’actionnaire. Désormais, s’il tient à l’exercice journalistique cathodique, Beytout ne devra plus faire mention de sa fonction aux Échos, mais simplement de son nom. C’est tout bête. C’est Beytout.

Fayard de vivre

L’info. « Numéro 1 des ventes. Déjà plus de 100 000 exemplaires », clame la pub des éditions Fayard à propos du nouvel opus de Jacques Attali, Tous ruinés dans dix ans ? Dette publique : la dernière chance, paru le 19 mai. Le décryptage. Selon Edistat, qui établit des statistiques de ventes, celles de l’ouvrage ne s’élèveraient qu’à 57 000 exemplaires, ce qui n’est certes pas si mal. Mais on est loin des 100 000 exemplaires. Fayard se garde bien de préciser s’il s’agit d’exemplaires vendus ou imprimés. Un grand classique…

L'union fait la Corse

L’info. « Robert Feliciaggi n’avait rien d’un voyou », Corse Matin, 23 juin. Le décryptage. Dans un dossier consacré au grand banditisme sur l’île de Beauté, le quotidien revient sur l’itinéraire de Robert Feliciaggi, ancien maire de Pila-Canale, mort assassiné en 2006, et précise qu’il n’a rien d’un voyou. Amusant quand on sait qu’il fut un proche de Jean-Gé Colonna, dernier parrain corse, de Charles Pasqua – ce qui lui valut d’être mis en examen pour financement illégal du RPF – ou encore de Michel Tomi, lequel a géré de nombreux établissements de jeu en Afrique. Bref, rien d’un voyou ✹


Filouteries paris La politique sociale de Bertrand Delanoë se porte bien, merci. Pour « créer » des logements sociaux, la Ville rachète à tour de bras des immeubles, qui, de fait, deviennent « sociaux ». Magique ! Quant aux cantines scolaires, elles mettent en exergue de criantes inégalités.

Social, les trucs et astuces de delanoë

Q

des démunis au cœur de la ville ui l’eût cru, les qui vit à Paris, faite de bourgeois marchands de pas bobos et aussi de bobos. Un n’est pas commode. Ainsi, des smibiens parisiens exemple, un immeuble acheté par cards installés dans un immeuble ne sont plus des la Ville, rue de Washington, près social de l’avenue Kleber ont vite agents du mal, des des Champs-Élysées, est devenu décampé, incapables de payer les éventreurs prêts à « social » du simple fait de son tomates au tarif du coin : 12 euros vous couper l’eau, rachat par la collectivité, alors le kilo. Les marchands de biens l’électricité, et à jeter un élevage que quelques baronnes vivent de la nouvelle vague proposent, toujours dans de beaux apparts eux, plutôt que d’organiser les de rats dans votre cage d’escaliers. de 150 mètres carrés. ghettos à pauvres, d’établir une En décembre 2000, cette corpora« mixité horizontale », comme tion, autrefois honnie, a loupé le Les experts qui ont la moins mauau XIX e siècle. Dans chaque coche. Le vote de la loi de solidarité vaise langue ont l’impression que, par le biais du logement, immeuble vendu et rénové, on et renouvellement urbain (SRU), consacre un étage au logement rédigée par le cabinet de Lionel Delanoë veut garder son électorat, social, ce qui ne signifie pas, rasJospin, alors Premier ministre, chéri et bien captif. Surtout, ne surez-vous, que des Maliens vont permettait aux pas faire entrer acteurs privés La mairie de Paris préempte trop de Verts croiser Alain Minc dans l’ascenseur. de s’associer au dans le fruit, 80 % des logements Autre proposition des privés : public. L’occan i f avo r i s e r sion d’un partele retour des prendre en charge la rénovation mis en vente dans la ville. nariat saisie au prolos naguère des immeubles mis sur le marché. vol par les proexclus. Et ce Pourquoi diable ? Parce que, chifmoteurs, mais pas par les « rénon’est pas la politique des HLM, fres en mains, ces privés-là vous vateurs marchands de biens ». font du rénové 50 % moins cher où le renouvellement n’existe pas, L’arrivée des socialistes à la que ce que paye Delanoë pour avec un « surloyer » limité à 50 %, mairie de Paris fut une Berezina le même service. Rue de Passy, qui va modifier la sociologie de la pour les marchands de biens : la Ville a refusé de racheter un capitale. Tant pis si la promesse immeuble rénové par le privé au Delanoë a asséché le marché d’un soir d’élection – baisse des de l’immobilier de la capitale, loyers et accessibilité au logetarif de 5 500 euros le mètre carré où 80 % des immeubles mis en ment pour le plus grand nombre pour, finalement, le fignoler elle– n’est pas tenue. Même dans le vente sont préemptés par la ville. même à… 11 000 euros ! Pas grave, XVIIIe arrondissement, l’un des De 2001 à 2005, la mairie a financé l’argent fait le bonheur, et Paris 18 622 logements, dont 10 % seuderniers carrés populaires de sera toujours Paris ! ✹ lement furent du neuf. Résultat, Paris, qui ne compte que 17,93 % JACQUES-MARIE BOURGET de logement social, contre les plus de biens, plus de marchands, 25 % promis et votés par le PS ou presque. La corporation désire parisien. maintenant faire pierre comwww.bakchich.info Amis Parisiens, ne soyez donc mune avec Bertrand Delanoë, Les mystères de la Ville lumière pas effrayés, riches et riches, qui, d’après ces repentis, pourrait dévoilés par Bakchich : ou pas pauvres, nous allons peifaire mieux et plus pour Paris. nardement continuer de vieillir Le Parti socialiste a pris l’Hôtel http://minu.me/2kus ensemble. Il faut dire que mettre de Ville avec un déficit d’au moins 100 000 logements sociaux – certains parlent du double. Bien possible, dans un domaine où on évite avec constance de tenir des statistiques fiables. Puisqu’il est difficile de construire, en ix-huit millions de repas servis, 110 000 gamelles à remplir raison de l’opposition des Verts, chaque jour : les cantines scolaires des écoles parisiennes sont qui veulent une capitale potaun « sujet majeur », déclarait Bertrand Delanoë en 2007, à l’aune gère, et de la droite, qui la veut des élections municipales de 2008. Pour autant, nos chères têtes blondes haussmanienne, Delanoë décide sont loin d’être toutes inscrites au label bio… deux choses. D’abord, acheter En avril 2006, un rapport d’audit de l’Inspection générale de la ville de tous les immeubles mis en vente, Paris épinglait les cantines des écoles de la capitale. Celles des plus puis, en matière d’architecture, pauvres surtout. Dans le XXe arrondissement, « le risque d’intoxication construire plus haut, du genre alimentaire par défaut d’hygiène rigoureuse y est réel », relevait le rapport. Toujours dans le XXe, « des peintures écaillées ou poussiéreuses » 50 étages. Pour l’instant, les tours sont constatées dans 68 % des sites visités. sont encore dans les cartons, alors que les achats cartonnent. Si ça continue, la Ville possédera cantines scolaires Paris. Mais régler le problème signifierait investir, par exemple, dans de nouvelles enceintes réfrigérées. Lesquelles « mettraient en péril l’équilibre Hélas, la politique d’achat massif fragilisé de la trésorerie des caisses des écoles concernées », notait encore du PS parisien, si elle fait monter artificiellement la statistique des le rapport d’audit. Car, si les caisses des écoles des quartiers chics se logements dits « sociaux », a surportent bien, celles des arrondissements les plus pauvres sont largement déficitaires. Essentiellement parce que leur trésorerie dépend tout pour conséquences de figer et pour moitié de l’argent que les parents d’élèves versent pour un ticket le marché et le type de population

pour bien manger, mieux vaut être friqué

D

repas. À titre de comparaison, 61,16 % des familles du XXe arrondissement s’acquittent d’un tarif réduit, contre 7,75 % dans le VIe… Or, la mairie de Paris, qui contribue pour l’autre moitié à la trésorerie des caisses des écoles, ne compense pas ces inégalités. Que s’est-il passé après la sortie du rapport ? Le maire de Paris a demandé un audit supplémentaire, spécifiquement sur les « très préoccupantes » cantines du XXe arrondissement. D’après le service de presse de la caisse des écoles du XXe – qui dépend de la mairie –, Delanoë leur aurait ensuite versé des « subventions extraordinaires » (dont le montant reste mystérieux). Puis, le 10 mai 2010, Bertrand Delanoë a pondu une délibération, histoire d’harmoniser, dans tout Paname, les tarifs des tickets de cantines. De 15 centimes d’euros pour les plus pauvres à 5 euros pour les plus riches. Ce qui évitera aux arrondissements favorisés de faire payer à leurs smicards plus qu’ils ne le peuvent. Qu’on se rassure, une cuisine centrale, où serait préparée la nourriture de l’ensemble des cantines scolaires du XXe et qui serait gérée par la caisse des écoles de l’arrondissement, devrait ouvrir ses portes à l’horizon 2011-2012. Pour sûr, l’égalité entre les enfants est un thème auquel Delanoë est attaché ✹

anaëlle verzaux

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la floride tentée par états-unis La Floride, État américain vivant essentiellement du tourisme, est un révélateur de son pays. Du vote de ses citoyens dépend souvent la couleur du Président, comme avec Bush en 2000. Carnet de voyage au cœur d’un État prompt à céder aux sirènes des ultra-conservateurs du Tea Party.

L

a saison touristique en Floride démarre avec le Memorial week-end du 31 mai. À cause du « loop current », le courant en boucle, susceptible de rabattre fin mai les nappes de pollution pétrolière du golfe du Mexique vers le détroit de Floride, l’alarme rouge est déclenchée sur toutes les côtes du « Sunshine State ». C’est que l’industrie touristique dégage tout de même 60 milliards de dollars de chiffre d’affaires par an en Floride : 7 % du budget de l’État. De quoi s’inquiéter des dérives de la nappe mazoutée vers les plages de sable blond, après les vagues du chômage et de la crise immobilière liées à la grande récession de 2008… Pourtant, il reste encore des visiteurs en Floride, à l’aéroport de Melbourne, où nous prenons tous le même bus Greyhound argenté aux flancs décorés d’un lévrier en pleine course, le fameux logo cher à Jack Kerouac (qui habitait non loin d’ici, chez maman, à Orlando). Mais, en 2010, les voyageurs n’ont plus rien à voir avec les beatniks qui peuplaient le classique Sur la route.

Discussion politique impromptue Nous sommes une petite dizaine de passagers, propres sur nous, à tendre nos billets. Un vieux touriste polonais heureux d’avoir enfin découvert Disneyland – le « Magic Kingdom » d’Orlando –, des accros du téléphone portable originaires des îles Caraïbes, une jeune mère haïtienne avec son bébé, un DJ noir taciturne de Fort Lauderdale, un

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certain Mike, taxidermiste à la retraite dans le Panhandle, le nord-ouest conservateur de l’État, puis, plus improbables, un ornithologiste sino-américain, Lee, et sa collègue floridienne hispanique, Anita, herpétologiste… Nous savons tout très vite les uns sur les autres, car, comme des cancres, nous nous sommes installés au fond du bus. Il fait moite. Les palmes qui bordent la nationale 1 se balancent mollement dans la brise maritime. Pour Mike, moustaches blanchies d’Astérix le Gaulois, l’air d’être revenu de tout : « Ce qui nous tombe dessus est tout de même de la politique SOCIALISTE. » Il a lancé le mot qui fâche, puis continue de verser l’huile sur le feu : « Our governor has gone too Washington » (littéralement : « Notre gouverneur est trop devenu un politicien de Washington »). Face à la colère populaire contre le gouvernement qui « a sauvé Wall Street et laissé tomber Main Street », le gouverneur républicain Charlie Crist, 53 ans, en poste dans des fonctions publiques depuis plus de dix ans, a soudain décidé de changer d’affiliation. Il se présente au Sénat en novembre 2010 sous l’étiquette indépendant. La raison de son changement de casquette ? Il a eu le malheur de s’afficher aux côtés d’Obama, sur une photo souvent reproduite, arborant un trop large sourire. Cela lui avait valu les foudres du Tea Party, ce mouvement populiste partisan du conservatisme fiscal et du moindre État. Au même moment le doublait sur sa droite un candidat plus cynique, plus photogénique, Marco Rubio, jeune avocat républicain de 39 ans surfant avec habileté sur la nouvelle vague de colère anti-Washington. Charlie Crist peut-il être réélu sans l’aval des redoutables polémistes du Tea Party, de la télé réac Fox News, ou de Rush Lim-

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baugh, l’animateur de radio tout-puissant qui fait et défait les politiciens à la droite de la droite ? Mike a jeté sa bombinette l’air placide. « Quand il n’y a plus d’argent dans les caisses de l’État, il faut moins de gouvernement », insiste-t-il. Anita contreargumente : « Il y a des choses que seul un gouvernement peut faire. Comme de protéger nos côtes des compagnies pétrolières pollueuses ou de procéder au nettoyage quand le mal est fait. » Mike secoue doucement la tête de désapprobation. La chasse aux excès de Washington est sans conteste le sport de tous les commentateurs. Le Tea Party est chez lui du côté de Pensacola. Anita, dans mon angle de vision, bout de colère. Sa sensibilité d’écolo, de gaucho, de fille d’immigrée, tout se rebiffe en elle devant ce discours. Lee, l’autre étudiant, n’a même pas enlevé son iPod de ses oreilles.

Le Tea Party est de la partie « Je suis enregistré comme indépendant, poursuit Mike, mais les gens sont fatigués de ces politiciens qui donnent tout aux banques sans s’occuper une seconde de ce qui arrive aux pauvres pendant ce temps-là. » Cette dernière phrase calme Anita, l’herpétologiste. Elle ne peut qu’être d’accord. Elle-même vient d’une famille défavorisée qui s’est saignée aux quatre veines pour l’envoyer à la fac. Mais elle laisse son voisin de siège poser la question de bon sens qu’elle appelle : « Pourquoi se tourner vers la droite quand on a de gros problèmes sociaux ? » Quelques jours plus tard, un éditorial de Paul Krugman, prix Nobel d’économie 2009, apporte la réponse dans le New York Times. Une récente étude vient de prouver « une étonnante corrélation entre performance économique et extrémisme politique dans les nations développées ». Aux États-Unis, comme en Europe, les périodes de basse croissance économique tendent à être associées à un vote renouvelé pour la droite et les partis politiques nationalistes. « La droite gère mieux l’argent, c’est ça ? Malgré le surplus de la balance des paiements laissé par le gouvernement de Bill Clinton et les caisses laissées vides par Bush II pour réduire les impôts des riches et mener une guerre injustifiée ? » demande d’un ton très calme Anita, la future spécialiste des animaux à sang froid. « Non, répond Mike tout aussi calmement,

mais on a besoin de gens plus jeunes, avec des vues plus anti-establishment. Beaucoup de choses doivent être changées. Washington ne représente plus le pays. Pour tout cela, le Tea Party est une bonne chose. » Le Tea Party, cette troupe de faux insurgés se prétendant sans affiliation, est en fait un nouvel extrémisme de droite qui a le vent en poupe et a su attirer les feux des projecteurs sur lui et sa fameuse tête de file, Sarah Palin. « Le Tea Party de Sarah Palin, vous voulez dire ? » intervient Lee, qui a enfin ôté ses écouteurs pour se joindre à la discussion improvisée. « C’est en fait simplement une pollution de l’environnement politique américain, introduite par mégarde par John McCain… Au même titre que le python de Birmanie ou le dragonhead dans les rivières du pays. » Mike est parti aux toilettes sans prendre la peine de répondre. Il est d’une contrée où l’on ne se laisse pas emporter par ses émotions. Dehors, on imagine bien le paysage de canaux et de marais envahi d’espèces colonisatrices venues de l’autre bout du monde. La Floride, avec ses températures subtropicales dans le nord et tropicales dans le sud, est devenue un cas d’école de désastre écologique. On considère que les ouragans successifs ont relâché dans l’environnement de nombreuses espèces d’animaux de vivariums ou de zoos privés, dont certaines se sont développées avec un tel succès qu’elles devraient être considérées comme une authentique biopollution. Anita est partie faire une recherche dans les Everglades sur l’espèce de reptiles la plus célèbre parmi ces envahisseurs : le python de Birmanie. La


le populisme Miami est la plus grande surface Floride abriterait au fond de ses métropolitaine de Floride marécages une population de alors que Jacksonville plusieurs milliers de ces repa quasi le double de tiles géants, dont tous les population : 805 000 médias américains se sont habitants pour saisis, comme titres de 424 000 Miamiens ! leurs journaux locaux ou de leurs émissions Miami l’hispanique télévisées. Un python vo t e d é m o c r a t e, de 2,5 mètres a défrayé quand Jacksonville la chronique il y a peu la blanche plutôt en s’échappant de sa républicain : l’équicage d’un zoo privé, et libre démographique a étranglé un enfant de des quatre grandes zones 2 ans. Selon le New York urbaines du pays explique Times, cet incident avait que la Floride (18,33 millions d’habitants) soit un mené à une expédition « Swing State », autrement punitive de six semaines, dit un champ de bataille élecqui avait effectivement décimé la population de toral (« Battle State ») ! En 2000, pythons locale. Mais le George W. Bush avait battu problème a dépassé Al Gore grâce à la Floride. tout entendement, À l’époque, Katherine et la solution n’est Har ris, secrétaire pas près d’être d’État de Floride trouvée, dans (alors gouvernée la mesure où par Jeb Bush, les touristes frère de George), demandent mainavait sans vergogne tenant à voir… du biaisé l’élection. Il python ! avait fallu recompter En fait, selon Lee, manuellement tous les Sarah Palin devrait être bulletins de vote de Palm Beach, a Sarah Palin. considérée comme le python de dont la perforation n’était pas complète. Birmanie : une pollution politique relâchée Harris avait obtenu l’obstruction puis l’arrêt de ce processus fastidieux grâce à dans l’environnement américain, que le l’intervention de la Cour suprême. Cela statut de « célébrité » aurait rendue aussi avait permis d’accorder à Bush les votes riche que toxique. Mike le taxidermiste ne floridiens, le consacrant ainsi vainqueur semble pas ébranlé par ces tergiversations de l’élection présidentielle. de « grosses têtes », mais il apprécie leurs histoires naturelles. À West Palm Beach, nous changeons d’autobus. À la place de Mike le réac, nous avons « Tina » et une copine qui montent dans le bus. « Tina » est le surnom de la méthamphétamine, le crystal meth, qui ravage les campagnes pauvres du pays, la Le Greyhound galope sur les rampes de drogue de choix des « petits Blancs », et qui béton qui nous mènent vers une autoroute a la particularité de détruire les gencives à cinq voies plongeant au-dessus du bras de ses consommateurs, après avoir détruit de mer. On voit des îles huppées ou leur milieu familial. Un accro à la méthamdes quartiers urbains au bord de phétamine est visiblement monté à bord et canaux. Des navires de plaiva directement s’asseoir à la place libre à côté de moi. Mon voisin de siège ne reste sance complètent les maipas tranquille une minute. Il se roule des sons envahies de végécigarettes qu’il va fumer compulsivement tation tropicale. Cela dans les toilettes et en revient encore plus sent le mythe gladéchaîné, parlant en rafales dans son télémour moderne… phone. Heureusement, il descend à Fort Dans les caisses Lauderdale. du Trésor floridien, l’argent des riches ne tombe qu’avec par-

Capitale de l’Amérique du Sud

cimonie. Le laisser-faire fiscal attire tous les O.J. Simpson et Tiger Woods du pays… Bienvenue dans le Sunshine State ! Des acheteurs internationaux feraient légèrement remonter les cotes immobilières. Selon les gazettes et les blogs locaux, ils viendraient en masse faire leur marché, citant des hommes d’affaires italiens qui, à vingt, auraient acheté tout un immeuble à Epic, dans le centre de Miami, chaque appartement se vendant 1,8 million de dollars, pourvu de grands espaces, d’une vue sur la mer, de concierges, de spas et d’un room-service digne des grands hôtels… Miami vend du rêve, à l’instar de SaintTropez ou de Hollywood. Elle est la capitale de toutes les capitales d’Amérique du Sud à ce titre, et les coffres de ses banques s’en portent bien. Elle a su attirer le marché de l’art haut de gamme grâce à son association avec la ville de Bâle lors du rendez-

vous annuel d’Art Basel. À l’image de son quartier Art déco et de Miami Beach, en perpétuelle réinvention, la ville s’asperge de glamour et d’ouverture d’esprit. Mais il suffit d’une seule marée noire pour se retrouver englué. Les oiseaux de Floride le savent bien ✹ patrick érouart ILLUSTRATIONS de SARAH FOUQUET

Miami, hispanique et démocrate

Aprés Fort Lauderdale, notre lévrier argenté de bus se lance dans l’écheveau des rocades de Miami. Nous longeons rapidement la zone sans foi ni loi de C-9 (pour canal 9), où les derniers immigrants viennent créer leurs commerces illicites, commentent en chœur le Miami Herald et le New Times du jour (l’équivalent du Village Voice pour New York). On y évoque sur six pages les « labs » souterrains et les abattoirs clandestins où se revendent les chevaux volés aux quatre coins de l’État ! Il fait un soleil tropical et le paysage urbain est devenu très spectaculaire.

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Filouteries Le cinéaste tati: un modèle pour sarko

confidences Sarko fermé…

De 40 membres, Sarkozy voudrait réduire le gouvernement à 30, lors du prochain remaniement, prévu entre octobre 2010 et début 2011. Cible prioritaire : les secrétaires d’État qui ont fait leur temps, comme Jean-Marie Bockel à la Justice, Nora Berra aux Aînés ou Fadela Amara à la Ville. Fin de « l’ouverture », donc, et retour à une équipe de campagne resserrée pour 2012.

… et Big Brother

Les visiteurs du soir de l’Élysée ont posé la question à Nicolas Sarkozy : « Pourquoi ne sanctionnes-tu pas les ministres qui posent problème ? » « Ce qu’ont fait certains me choque énormément, c’est écœurant, c’est lamentable, a-t-il convenu, mais je ne peux pas bouger pendant le débat sur les retraites. Je vois tout, je note tout, j’écoute tout, et, le moment venu, il y aura des sanctions. » Dans son collimateur : Rama Yade et sa sortie sur les Bleus, Christian Blanc et ses cigares onéreux, et Alain Joyandet et ses permis de construire abusifs.

Wauquiez visionnaire

le monde est devenu foot L’HUMEUR DE PROBST Jean-François Probst, ex-conseiller de Jacques Chirac, de Charles Pasqua ou de Jean Tiberi, commente l’actualité. J’ai été jadis abasourdi par le pouvoir du Comité national olympique et sportif français (CNOSF). J’ai vu que le fonctionnement de ce machin pouvait s’inspirer, s’il le faut, de méthodes mafieuses pour favoriser ses intérêts ou ceux de ses amis. Et voilà qu’Evra, le capitaine des Bleus, ne cherche pas à savoir pourquoi le ballon ne va pas au fond des buts, mais qui dans son groupe est « la taupe ». Comme à Palerme. Un jour, je suis allé déjeuner au siège de la Fédé. Dans les couloirs, ça sentait le maquereau, on croisait des dirigeants proxénètes, des manageurs proxénètes, et des journalistes du même métal. Affreux, affreux ! Visiblement, depuis quinze ans, le ménage n’a toujours pas été fait à fond. Prenez ce bon monsieur Valentin, directeur de la Fédé qui pleure et démissionne en direct d’Afrique du Sud : je l’ai connu directeur de cabinet de Jean-Louis Debré, à l’Assemblée. Ce poste prépare-t-il vraiment à la maîtrise de l’aile de pigeon ? Le mal est à la tête du système, chez les tireurs de ficelles. Trop de fric tue le jeu, et il est obscène de voir aujourd’hui le monde des « pros » lancer une OPA sur l’équipe de France ! Ces Bleus-là, De Gaulle les aurait laissés rentrer à pied.

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Sarko est comme Franck Ribéry, il court après tous les ballons sans lever la tête. Il a raison parce que ça flingue. Rien de tel que de balancer un pote pour se libérer une meilleure place. En politique, le slogan est : « Sortez les sortants. » Alors la photocopieuse fume comme un cigare.

Dans une note sur les classes moyennes remise par Laurent Wauquiez, secrétaire d’État à l’Emploi, au bureau politique de l’UMP, celui-ci établit le constat que « la crise les a beaucoup fragilisés ». C’est tout ? « Sans compter que certaines mesures comme le bouclier fiscal ont pu susciter chez les classes moyennes le sentiment d’être oubliées au profit des plus riches. » Quand c’est un cadre de la majorité qui le dit…

Jean-François Copé-coller

Énième provocation envers Sarko. Jean-François Copé, qui ne cache plus ses ambitions présidentielles pour 2017, continue de faire vivre son club, Génération France, en dehors de l’UMP. Au point d’organiser un forum, le 28 juin, à l’Assemblée, sur le thème : « Travailler mieux pour gagner plus ensemble. » Ça ne vous rappelle rien ?

Mais, à l’Élysée, personne ne jette un œil sur la misère qui monte. Que l’option Marine Le Pen devienne un vote de « rupture », cette fois contre les riches, Kaiser Sarkoko s’en fout, sûr de pouvoir, le moment venu, déjeuner avec Dominique de Villepin, dîner avec François Bayrou et valser avec Marine. Certes, il a tous les médias en main, mais, en 1995, Balladur ne les avait-il pas ? Avec le pataquès Bettencourt (lire page 3), je sens monter une odeur d’affaire Stavisky… Pas grave, l’important est que TF1 ait bien filmé les jambes de Carla, posée sur sa chaise, à Londres. L’appel du genou ou l’appel du 18 Juin, c’est kif-kif ✹ www.bakchich.info

Jean-François Probst vous stimule ? Dégustez ses chroniques Web : http://minu.me/1vbh

Super Ayrault

À huis clos pour discuter de leur retraite, les députés socialistes ont voté cette fois portes ouvertes, mardi 22 juin, la reconduction de Jean-Marc Ayrault à la tête du groupe parlementaire. À l’unanimité, et pour une treizième année consécutive ! Sans candidat en face. « Ça s’est fait à la Kim Jong-il, à l’applaudimètre ! » bruisset-on dans les couloirs. Il y a deux ans, Arnaud Montebourg avait bien tenté de le détrôner avant d’être lâché par les proches de Laurent Fabius. « Aubry se contente de ce consensus mou. C’est un enthousiasme de façade », confie une huile de l’Assemblée ✹

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retraites

les députés dépités

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uatre députés de la majorégime général. « Les députés n’ont rité et quatre députés pas à avoir d’avantages, relève un de l’opposition se sont de ses proches, la vie n’est simple réunis pour la première pour personne, il n’y a pas de fois, mercredi, autour du présiraison qu’elle le soit plus pour les dent de l’Assemblée nationale, représentants de la nation. » Bernard Accoyer. L’objectif  : se Il n’empêche. Marylise Lebranchu, faire hara-kiri en sabrant dans députée PS du Finistère et leurs retraites ! C’est que l’affaire membre du groupe de travail sur Boutin est passée par là. L’anles retraites, l’a un peu mauvaise. cienne ministre a dû renoncer à Elle craint que la suppression de la somme de 9 500 euros pour une la double cotisation ne ferme la porte de l’Assemblée aux salariés mission. Et Fillon de réclamer des « efforts » de la part des politiques. du privé. « Le retour à l’emploi non Au pilori, donc, la double cotisapublic est souvent très difficile, tion, qui permet à un élu de toucette mesure risque d’empêcher des vocations. Il faudrait garder cher, à partir de 60 ans, une allocala double cotition vieillesse de sation le temps 1 500 euros après La double cotisation du premier seulement cinq des députés va être mandat, sinon ans de mandat, n’aurons quand le citoyen supprimée. Certains râlent. nous plus que des lambda a du fonctionnaires à mal à obtenir le même gain après quarante ans l’Assemblée », argumente-t-elle, de labeur. Cette allocation des tout en remarquant que ceux députés passe à 6 000 euros après qui clament haut et fort qu’ils 22,5 ans de « bons et loyaux » sersont pour la suppression de la double cotisation ont déjà tous vices rendus à la France dans le leurs points ! Quant au cumul confort du Palais-Bourbon… Cette double cotisation devrait salaire de ministre-retraite parêtre supprimée, et le cumul des lementaire, l’ancienne ministre émoluments publics avec la de la Justice estime qu’il devrait retraite parlementaire, plafonné. être suspendu pendant l’exercice Jean-Marc Ayrault, anticipant d’une fonction gouvernementale, les remontrances des Français, le ministre retrouvant automatin’a pas hésité, avant la réunion, quement son siège de député en à aller voir Bernard Accoyer pour quittant le gouvernement. Bref, la l’assurer du soutien du groupe réforme se fera, mais avec quelsocialiste pour l’alignement des ques grincements de dents ! ✹ retraites des députés sur celles du florence muracciole

Pas touche au trésor des sénateurs ! Dans une note sur « les retraites des sénateurs de 2008 », le directeur du budget du Sénat, Patrick Baudry, veillait à préserver la cagnotte des sénateurs : 1,29 milliard d’euros. Un magot financé par les élus via une caisse maison qui leur permet de toucher une retraite à taux plein en l’espace de deux à trois mandats. Soit, ajoutée à la cotisation par répartition, 4 320,19 euros net. Limiter, par un contrôle de l’État, cet avantageux système de cotisation ? L’« effet » serait « épouvantable » pour les sénateurs, aux dires du gardien du trésor (voir notre document). Une autre note de la même année permet de comprendre ce tel effroi. Si 77 des 343 parlementaires de la Chambre haute touchent plus de 4 000 euros de pension par mois, deux ont droit à plus de

10 000 euros et 86, à une fourchette allant de 6 000 à 10 000 euros. Pourquoi ? Privilège de l’âge ! Multipliez les mandats et vous augmenterez d’autant vos pensions. Merci qui ? La Caisse de retraites des sénateurs ! Ce pactole arrose aussi le personnel du palais du Luxembourg : 8 607,39 euros pour un « conseiller classe exceptionnelle avec 40 annuités » et 3 609,55 euros pour un « agent de deuxième grade ». Avec leurs 1 670 euros et 1 877 euros respectifs, les retraités de la SNCF et de la RATP peuvent aller se rhabiller. Voilà l’inégalité de traitement entre régimes spéciaux. En attendant, Gérard Larcher, président du Sénat, « étudie l’hypothèse » de la suppression de cette double cotisation. Et sinon, la nuit du 4 août et l’abolition des privilèges, c’est bientôt, non ? ✹ l. c.

a En 2008, le directeur du budget du Sénat s’inquiétait d’une éventuelle limitation du système de double cotisation des retraites des sénateurs.


Bazar afrique du sud Non loin de la cité emblématique du Cap s’érige Khayelitsha, le plus grand township du pays arc-en-ciel. Un endroit où la fin de l’apartheid n’a pas vraiment effacé les inégalités héritées de la ségrégation, et où les Blancs ne se rendent que bien accompagnés. Reportage.

Plein Cap sur la misère de

Khayelitsha D

ix heures, un de ménage, des surveillants de dimanche matin. collèges. » Le moment d’hoDe son expérience, Steven a retiré norer le Seigneur. un livre – Khayelitsha – et un sevrage : « Fini l’alcool, la cigaLa house music lanrette. Je suis même devenu végécinante sature les tarien. » Changement de régime baffles. Quatre caisses de bière en après des mois passés dans les guise de chaises. Autant de boushebeens, à avaler du brandy dès teilles de Castle, la bière locale 8 heures du matin. L’ordinaire – moins appréciée que la Black Label, dont les publicités s’affidu township, où le houblon se touche à moins de 10 rands chent partout au-dessus des bara(environ 1 euro) et la musique ques en taule. Un shebeen parmi à moins de 1 rand. Quant à la des centaines d’autres tavernes, plus ou moins clandestines, de nourriture, optionnelle, elle vide Khayelitsha. Ici, ce n’est pas la aussi peu les bourses qu’elle rembanlieue du Cap, ni même ses plit la panse. Grillades à foison. suburbs. Ici, nous nous trouvons Les entrecôtes sont découpées dans son township, à 45 minutes comme des parts de pizza. « Ce de la ville. Khayelitsha a grandi n’est pas l’alcool qui me manque, en parallèle, et ni les aspects la fin de l’aparcrades. C’est la Le township a sa vie, theid ne l’a pas chaleur. » Celle radicalement des discusinconciliable avec celle du transformé… autour Cap : « Ici, c’est l’Afrique. » sions « Beaucoup de d’un verre sous les taules des personnes qui shacks, ces cabanes scotchées avaient déménagé vers la périles unes aux autres jusqu’à l’hophérie du Cap sont revenues au township », s’amuse Steven rizon. Devant Table Mountain, la Otter, 36 printemps, Blanc, et exville propre et européenne, une Marseille australe. Derrière, à résident des lieux. Une expérience perte de vue et jusqu’à l’aéroinhabituelle. Les Umulungu, les port, les plaines Capeflats. Blancs, ne fréquentent que peu le township. Ou alors accompaMoquette au sol, verres entrechognés. L’ancien journaliste ne qués, clopes qui tournent. Déjà 11 heures, et aucune envie de nous lâche pas du regard et prend s’en aller. Malgré les décharges à garde à où l’on met les pieds. Nous ciel ouvert – partie intégrante du croisons deux bars avant de nous paysage local –, malgré les routes poser. « Sûr pour nous ? » « Je ne défoncées ou les eaux usées qui peux rien te promettre », éludent se déversent à même la rue. Ou les patrons. Rades zappés. malgré les toilettes communes, Un an passé à Khayelitsha, quelobjets d’une guerre entre la ques mois dans le plus huppé municipalité de l’Alliance démoLittle Park, où le gouvernement cratique et l’ANC. La ville a prode l’ANC a fait émerger une posé des toilettes collectives pour classe moyenne noire. Plutôt cinq familles. L’ANC a exigé des basse : « Des vigiles, des femmes

WC pour chaque famille. Agacée par la démagogie du gouvernement central, l’édile Helène Zille a tranché. À la mairie revient la pose des toilettes, à l’ANC les murs autour. Et Khayelitsha de se consteller de toilettes à l’air libre. Démarche un peu siphonnée qui fait encore sourire nos compagnons de shebeen. Autour de Steven, ses ex-camarades de bringues. Aussi ravis de le retrouver qu’étonnés de le voir sobre. Minda, agent de gardiennage, qui gagne 160 rands par mois et en dépense 35 en transports. Owen, électricien au chômage, passé par l’île Maurice, aussi à l’aise en anglais que peut l’être un journaliste français… Plus habitué à l’afrikaans, la langue de l’apartheid, qu’à celle du colonisateur, l’anglais. Plus africaine, malgré tout. Et plus usitée dans ces bidonvilles que dans l’européenne Cape Town. Le soleil tape, les bières se vident et les potes rappliquent, attirés par ces Français de passage, qu’ils plaignent pour leurs Bleus. « Pas grave, Marseille est champion. » Sourires en coin. La Coupe du monde n’occupe qu’une petite part de la discussion. « Nous sommes fiers de l’accueillir, et peut-être que l’argent dépensé par le gouvernement sera à un moment reversé. » Moue dubitative. Au moins, Coca-Cola, sponsor officiel du « Good Game », s’affichet-il gaiement. Pas une enseigne qui n’ait son panneau flambant neuf. Agrémenté du logo officiel Fifa World Cup. « La ganja est facile à trouver, vous en voulez ? » Les verres passent. Steven résiste au flot de la tentation. « Il ne faut pas romantiser la misère. Dire qu’ici ils n’ont rien mais qu’ils sont heureux, pour, au final, ne rien faire pour eux. » Le township a sa vie, inconciliable avec l’ambiance aseptisée du Cap. Deux mondes incompatibles en l’état. « Ici, c’est l’Afrique. » Une énergie débordante. Et l’ivresse humaine. This is Africa… ✹ xavier monnier www.bakchich.info

Les reportages et le “off” de nos envoyés spéciaux en Afrique du Sud: http://minu.me/2jvc

l’important, c’est le combat la mauvaise foi de monnier paraît que les Bleus, longtemps Iontlreclus dans leur hôtel de Knysna, rendu visite à un bidonville du coin.

Histoire de toucher de la main – une coutume irlandaise selon certains – la réalité sud-africaine. Peut-être même ont-ils eu à croiser d’éminents représentants de la plus grande communauté rasta du pays bafana, qui a établi son camp de base à Knysna, dans cette magnifique province de l’Eastern Cape. Des légendes urbaines plus belles que la saga sans élan de l’équipe de France de football. Car comment croire que ces jeunes godelureaux ont eu l’heur de se pencher sur les soucis d’un pays qui a eu

l’insigne honneur d’accueillir leurs exploits (lire également page 15) ? En s’asseyant dans le moindre shebeen du plus petit township, les joueurs français auraient, à coup sûr, élargi leur horizon. Une bonne rasade d’alcool dès 10 heures, une engueulade à 11, une saine explication à 12 et un dégobillage à 13. Puis une belle gueule de bois d’une demi-journée. La vie, ici, sans faux. Ni semblants ni fuyants. Et une fierté aussi. De penser que l’important n’est pas la lutte, mais le combat. Mal inspirés, les footballeurs Français n’ont posé qu’un pied dans un bidonville. Les Bleus ont raté bien plus que leur compétition ✹

Saga

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I

humour À la question « Selon vous, quel est l’humoriste politique le plus insolent actuellement en France ? » les Français ont placé Stéphane Guillon en tête des huit personnalités proposées. Ça tombe bien, France Inter vient tout juste de le virer. Portrait du lauréat et de ses dauphins. l y a vingt-cinq ans, Coluche et Le Luron une petite saucisse avec plein de fayots autour. » Un se mariaient pour « le meilleur et pour peu plus au bord de l’assiette, c’est Laurent Ruquier, le rire ». Aujourd’hui, être humoriste chiffonnier du jeu de mots, et Nicolas Canteloup, politique, c’est prendre le risque de se l’imitateur d’Europe 1, qui ont obtenu vos votes. faire plaquer pour pas un rond. Triste Avec respectivement 10 et 8 % des voix. Non loin de époque. Stéphane Guillon qui se paye Strauss-Kahn là veille Christophe Alévêque, le culotté calotin qui et Besson, Didier Porte qui rêve brûle un cierge chaque année pour d’ébats avec Sarko. Pour la sainte Sarko au Fouquet’s. Seuls Val et Hees pensent radio apostolique France Inter, Et, fort heureusement, cette mauvaise graine se reproduit. Le jeune c’en était trop. Excommunication ! encore que l’insolence Heureusement que les Français et décapant Yann Barthès, du Grand donne des insolations. sont là, eux qui, dans leur divine Journal de Canal+, fait son entrée bonté, ont placé Guillon en tête dans le saint des saints. Pour apprédes gredins de l’irrévérence, dans un sondage LH2cier ces têtes qui vous contemplent, Bakchich vous Bakchich Hebdo. Avec 28 % des voix ! Seuls Philippe livre leurs huit fiches d’identité. Wanted pour quelques-uns, vantés par les Français… ✹ Val et Jean-Luc Hess pensent encore que l’insolence donne des insolations. dossier réalisé par la rédaction Et le soleil tape fort, puisqu’on retrouve, deuxièmes ex æquo, Laurent Gerra et Anne Roumanoff, avec www.bakchich.info 14 %. Elle qui s’était permis, en 2008, cet impair à propos du Président : « Avant, en France, on avait la Un dossier à suivre toute cette semaine sur Bakchich.info gauche caviar, maintenant on a la droite cassoulet :

stéphane guillon 46 ans, né à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine). Débuts. Stéphane Guillon a suivi les cours de théâtre de Jean-Laurent Cochet (qui fut notamment le professeur de Jacques Villeret) durant trois ans. Puis il a tourné dans des cabarets, faute de décrocher la lune. Ce furent d’abord « vingt ans d’humiliations parmi les loqueteux du show-biz », résume-t-il. En 2003, il entre à France Inter, dans l’émission le Fou du roi, de Stéphane Bern. En 2004, il fait ses premiers pas à Canal +. Deux ans après, il rejoint, sur la même chaîne, l’émission de Thierry Ardisson, Salut les Terriens. Depuis 2008, il chronique dans la matinale de France Inter animée par Nicolas Demorand. Son contrat n’a pas été reconduit par Philippe Val (patron d’Inter) et Jean-Luc Hees (boss de Radio France), qui sont eux-mêmes fréquemment la cible de l’humoriste. Actu. Stéphane Guillon pourrait être accueilli par JeanJacques Bourdin, sur RMC : « Stéphane Guillon, oui, pourquoi pas ! Il a ses erreurs, ses excès, mais il a aussi sa liberté d’expression, et vous savez à quel point j’y suis attaché ; surtout, il a du talent. Mais je ne sais pas quels sont ses projets », a-t-il confié à Bakchich, le 22 juin. Public. Stéphane Guillon est très populaire. Il remplit toutes ses salles. Régulièrement, le théâtre Dejazet, à Paris, doit refuser du monde. Business. Il gagne très bien sa vie. Canal+ lui verse 9 000 euros par… semaine ! Et France Inter le paie 350 euros par papier. Ses spectacles, qu’il produit lui-même, lui rapporteraient gros. Haut fait. « Au sein de cette émission… excusez-moi, je retire le mot “ sein ”, pour ne pas réveiller la bête », lance-t-il en parlant de Dominique Strauss-Kahn, le président du Fonds monétaire international, qui avait fait scandale en octobre 2008. DSK était alors la cible d’une enquête pour népotisme dans le cadre de relations intimes avec une subordonnée. Citation. Débarqué de France Inter, il a présenté, mercredi 23 juin, sa dernière chronique. Il a déclaré, tel un prince : « France Inter, une entreprise de gauche, qui licencie comme la pire entreprise de droite. » Tête de Turc. Éric Besson. Le 22 mars 2010, sur France Inter, Guillon présentait le ministre de l’Immigration comme « une taupe, un espion dormant » du Front national chargé d’infiltrer le gouvernement de Nicolas Sarkozy. À « l’œil de fouine et [au] menton fuyant ». Jean-Luc Hees s’en était excusé auprès du ministre.

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Laurent gerra 43 ans, né à Mézériat (Ain). Débuts. Dans des cabarets lyonnais puis à Paris avec Laurent Ruquier, dans son émission Rien à cirer, au début des années 90, sur France Inter. Public. Catalogué artiste de « droite », il réunit tous les matins près de 1,75 million d’auditeurs sur RTL. Business. 2,7 millions d’euros cumulés en 2009 (spectacles et DVD), selon Challenges. Haut fait. Son imitation de Chirac en 1999, quelques minutes avant les vœux présidentiels, eut plus d’échos que les mots du grand Jacquot. Auteurs. Ses sketchs sont coécrits par Jean-Jacques Peroni, membre des Grosses têtes, tendance anar de droite. Citation. « Comparer un journaliste à Marc-Olivier Fogiel, c’est comme comparer Albert Londres à JeanMarc Morandini. » Bide. La diffusion de Laurent Gerra flingue la télé sur M6, le 7 février dernier : 9 % de parts de marché. Tête de Turc. Les rappeurs . « Je trouve plus intéressant de m’attaquer aux intouchables, comme les rappeurs, que de faire une blague sur Mireille Mathieu ! » Et Canal+. « Canal+, la chaîne des beaufs qui croient qu’ils n’en sont pas. » Dérapages (in)contrôlés. Imitant Le Pen, sur RTL en 2008, en train de parler du Prophète, la rédaction fut menacée de fatwa. Gerra dut présenter ses excuses.

Anne roumanoff 44 ans, née à Paris. Débuts. En 1987, Anne Roumanoff passe des ban cs de SciencesPo, où elle côtoie Lau rence Parisot, Arnaud Jean-François Copé, Montebourg et à ceux de La Classe, sur FR3, où ont débuté Palmade, Bigard … L’humoriste, qui « a pris des cours de théâtre de 12 ans à 22 ans », présente son premier spectacle au théâtre des Blancs-Manteaux. Public. Elle est plébis citée par les plus de retraités. Une conséq 50 ans et les uence de ses passages dans Vivement dimanche prochain, de 2007 à 2009 ? Depuis l’été 2009, Rou manoff a des chronique s dans les médias de Lagardère : le Jou rnal du dimanche (di ffusé à 390 000 exemplaires) et Europe 1, Les Inédits le lun di (1,4 million d’auditeurs) et Samedi Roumanoff (1,056 milli on). Business. En 2009, ses recettes de DVD et de spectacles atteignent Citation. « En France 1,9 million d’euros. , on avait la gauche caviar, maintenant on soulet : une petite sau a la droite cascisse et plein de fay ots autour. » (Vivement chain du 6 janvier 200 8) dimanche proHaut fait. En janvier 2 008, son sketch chez Drucker sur la rencon (« Ils avaient jamais tre Carla-Sarkozy vu ça à EuroDisney : Bla nche Neige qui épouse un rapide succès sur le nain ») connaît le Web (plus de 8 mill ions de visionnages). Auteur. Bernard Mabill e, ancien auteur de Le coécrit ses sketches Luron et habitué des chez Drucker. Grosses Têtes, Tête de turc. Nicolas Sarkozy : « Moi, je lui croissance, déjà qu’il fais pas confiance pou r relancer la n’a pas réussi la sie nne. » Mais l’humoris « Avec la crise, les te de préciser : gens se sont tellement moqués de lui qu’il dev de trouver un angle ori ient difficile ginal. » Auto-censure ? « Non, jamais ! Mais tout ce qui touche à la religi “touchy”, mais je ne désespère pas de trouve on, c’est très r l’angle. »

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didier porte

oup nicolas cantel (Gironde). 43 ans, né à Mérignac e, l’embauche Pompadour, en Corrèz de Med b Clu Le . Débuts en 1991. En , ion tat iteur d’équi en tant que GO et mon de l’info pour é par les Guignols 1995, il est recrut ui. imiter la voix de Nag t davantage Gerra, Canteloup fai t ren Lau me Com . ». Plus de Public ite dro « à public classé sa Revue recette auprès d’un de s teurs l’écoutent lor Vivement 2, 1,62 million d’audi nce Fra Sur Europe 1. llions mi de presque à 8 h 45 sur 3,5 Michel Drucker, réunit xième Deu e dimanche prochain, de rné tou gue lon moyenne. Sa s en smi ran de téléspectateurs en Ret 4 767 000 500 000 spectateurs. de Nantes a attiré ect dir en couche aurait séduit é fus dif cle cta spe son 2, prime sur France llions a été estimé à 4,6 mi téléspectateurs. ffaires de Canteloup d’a e ffr s. chi nge le lle 9, Business. En 200 on le magazine Cha cles, séminaires), sel tonne pas aux imitations masculines et d’euros (DVD, specta can se ne oup ire, Cantel e Alliot-Marie. Haut fait. Très popula ne Bachelot ou Michèl ely Ros al, se que Roy ne olè Ség bord je suis. Je pen brocarde allègrement gens sachent de quel les que pas t fau ne Citation. « Il rire. » e et Christophe entielle pour faire la neutralité est ess Joly, Jean-Lou Chaffr ne pha Sté re, viè eri Cav pe Auteurs. Philip s des é, et les intervention Duthuron. llies io, il est très entour sai rad la ses À r s. rce ôlé amo ntr dés à vent Dérapages (in)co broanimateurs tendent sou il nd qua t les plus acides. Surtou re El ier n-P Jea de ew rvi carde l’inte e à l’antenne. kabbach, qui le précèd

laurent ruquier

52 ans , né à Com piè gne (Oise). Débuts. Huit ans de Culture Pub sur M6, puis des chroniques télé et médias sur France Inter. Public. Apprécié des senior s qui n’ont pas renoncé aux bar ricades de leur jeunesse, il est aussi aimé des jeunes hir sutes qui refusent le libéra lisme. Journaliste depuis 198 4, il a fait les belles heu res de France Inter avant d’ê tre forcé à quitter la statio n. Il a pourtant assuré le pic d’audience tous les jours au Fou du Roi, après le journa l de midi (2 millions d’auditeu rs). Il se produit toute l’année en one man show à tra vers la France. Business. En bon marxiste, il se plaint de ses faibles revenus, mais ses collègues le disent plein aux as (10 000 euros mensuels en 200 7 selon l’intéressé). Haut fait. Viré d’Inter en 1996 après s’en être pris à Johnny H., il l’est à nou veau en juin 2010 pour un « J’enc… Sarkozy » suggéré avec insistance à Dominique de Villepin pendant sa chroni que matinale. Tête de Turc. Le « comique » Arthur, qu’il ridiculise pour la nullité de ses specta cles, ce qui lui vaut un procès. Des limites ? « Tenter de rester digne en dénonçant l’indignité. »

47 ans, né au Havre (Seine-Maritime). Débuts. Il anime des émissions sur des radios locales du Havre dès 1983 avant de se produire au Caveau de la République, à Paris, à 24 ans. Un an plus tard, il écrit des chroniques pour Jean Amadou sur Europe 1, avant de collaborer avec Jacques Martin à l’émission Ainsi font, font, font… sur Antenne 2. Public. Sur Europe 1, où il officie depuis 1999, On va s’gêner réunit 1,62 million d’auditeurs en semaine ; à la télé, On n’est pas couché est suivi en moyenne par 1,8 million de 36 ans, né à Chambé téléspectateurs. ry (Savoie). Débuts. Il entre à Can Business. Sa société Ruq Prod accomal+ en 2002 pour l’émission + Clair, puis pagne de jeunes talents tels que rejoint Le Grand Journal de Michel Deniso Michael Gregorio, Gaspard Proust ou t en 2004. Public, audience. Suivie Jonatan Cerrada… s par 2,3 millions de personnes en Haut fait. Imposer Steevy en chronimoyenne (10 % de parts de marché), queur politique. ses interventions créent fréquemme Influences. Il n’a d’yeux que pour nt le buzz sur Internet. Pierre Doris, maître de l’humour noir Producteur. KM Productio ns, Michel Denisot et et comédien, qui a notamment influencé Renaud Le Van Kim Pierre Desproges et Jean Yanne. Haut fait. Traque les à-côtés des séquences Tête de Turc. Jean-Pierre Elkabbach, de com bien calibrées des politique s : discours copiés-collé son ancien boss à Europe 1, qui n’aps, Sarkozy qui pique un stylo au pré sident roumain… Sarko Ier préciait guère On va s’gêner. Pour le ne l’aime guère, et même Frédér ic Lefebvre a dû reconn dixième anniversaire de l’émission à aître que « c’est souvent de mau vai se l’Olympia, il avait remercié tous ses foi, mais bien vu ». Auteurs. Au moins six journalistes et deux aut patrons sauf lui. eurs travaillent avec lui, en plus des journalistes Dérapages (in)contrôlés. Le 6 octobre complices à Canal+. 2009, dans On va s’gêner, Pierre BéniDérapages (in)contrôlé s. Barthès participe, chou, un de ses chroniqueurs, avait même à son insu, à la construction de l’image et du « stor traité les Polonais d’antisémites. ytelling » des politiques. Au risque ,mais pourquoi pas, de les Avant de se faire rappeler à l’ordre sympathiques ? De l’art rendre d’égratigner tout le mon par le CSA. de sans porter l’estocade.

yann barthès

christophe alévêque ne-e t46 ans, né au Creu sot (Saô Loire). par LauDébuts. En 1992, il est repéré a tout On r, cire à rent Ruquier. Rien est, êque Alév ner… s’gê va On yé, essa télé s sion émis ses depuis, de toutes o. et radi nique Actu. Depuis qu’il n’a plus de chro excluacre cons se il as, médi les dans sivement à la scène. e les Citation. « L’humour, c’est comm e, plui la pas rête n’ar ça s, lace essuie-g r. » ance mais ça permet d’av Bedos, Influences. Coluche, Desproges, el et Laur on, Keat Chap lin, Bust er Hardy… il préHaut fait. Le 30 décembre 2009, ce 2 : Fran sur s eure 13 h de JT le sente rênes les d pren a Obam « Janvier : Barack nde à immo on pris une é, ruin pays d’un régler… faire fermer, des guerres à se tape qui Noir un re enco t c’es Bref, le boulot de merde. » DailymoBides. Ses éditos vidéos sur sième troi la à sté tion n’ont pas rési Il ozy. Sark las Nico de at mand du année en n igno d’Av ival est entarté au fest nt son ocha repr lui f ecti coll un par 2007 « hygiénisme de la révolte ». Sar koz y Têt es de Tur c. Nic ola s anne « Je lène Ségo (« Z ébul on » ) et sme tali capi le , lise L’Ég l. Roya d’Arc » sa avec e boît en ller et les femmes. (« A rie ange boul la à r alle e comm t c’es femme, . ») avec une baguette sous le bras dans une es somm us « No e. nsur toce L’au re-feu couv un avec censure sournoise is. » souc de coup beau ure proc me qui moral l’on où ce espa ier « La scène est le dern r. » cuse s’ex à pas n’a

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Bazar échos des cabas

m6

la petite chaîne qui descend

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laquelle les journalistes ont eu le l est de bon ton, ces derniers temps, de pointer les audiences plaisir de recevoir la visite de Brien baisse de TF1. Bakchich gitte Lech, sociologue et ancienne n’est d’ailleurs pas le dernier directrice de la prospective d’Euro média à le faire. En revanche, RSCG. Pour l’occasion, cette derplus rares sont ceux qui soulinière s’est fendu d’un petit speech gnent les difficultés de l’éternelle sur les sujets consacrés à la crise, assurant que les téléspectateurs, « petite chaîne qui monte », M6. La études d’opinion à l’appui, faute à l’influence de Nicolas de en avaient cure. Comprenez, Tavernost, patron du groupe, et l’audience en véritable pape berne, c’est le du PAF ? TouEn mai, M6 a connu trop-plein de jours est-il que les chiffres ne crise. Il s’agirait son plus mauvais score mentent pas. En pour d’audience depuis un an. désormais mai, la chaîne a les journalistes connu son plus de la chaîne de mauvais score d’audience depuis causer « récession ». Un mélange août 2009, avec une moyenne de des genres divertissant, entre journalisme et communication. 10,2 % de parts de marché. Et les Rien ne dit que les journalistes éditions d’information, notamaient suivi ces conseils à la ment le « révolutionnaire » 19 h 45, lettre. Toutefois, on peut noter peinent à combler leur retard que, entre le 8 et le 14 juin, le sur la concurrence. Aux grands maux, les petits remèdes. 19 h 45 n’a pas consacré un seul Le 4 juin, les journalistes de la sujet à la crise économique (les rédaction étaient convoqués seuls encore visibles sont sur M6 par Vincent Régnier, directeur Replay, le site de rattrapage de la délégué à l’information de M6, chaîne). « pour une présentation des Contactées, la rédaction en chef audiences des JT et une étude sociodu 19 h 45 et la direction de l’inforlogique sur l’évolution des compormation n’ont pas souhaité nous répondre. La Société des journatements des Français ». Et Régnier listes n’a pas fait mieux. Et pour de préciser, dans sa convocation : cause. Elle n’existe plus ✹ « et donc de nos téléspectateurs… » Une courte conférence durant simon piel

le suicidé et le ministre écolo façon nicolino Auteur, entre autres, d’un ouvrage sur les pesticides, Fabrice Nicolino tient un blog sans concessions sur l’environnement, Planète sans visa. l n’y a pas que les salariés de France Iqu’est Télécom. Non. Même si l’acte ultime le suicide emporte avec lui une

H&M habillée pour l’hiver

« Bien sûr, moralement et selon nos valeurs, nous estimons être responsables de nos fournisseurs et de leurs sous-traitants. » La marque H&M, qui a des soucis depuis qu’elle s’est installée dans la partie palestinienne de Jérusalem, est très fière d’afficher sur son site un « code de bonne conduite ». Elle décrit par exemple les si bonnes conditions de travail de ses salariés au Bangladesh. Pourtant, ces ingrats ont fait grève pour que leur salaire mensuel passe de… 20 à 60 euros. Parmi les moins bien payés du monde, ces ouvriers fournissent la plupart des grandes usines occidentales de vêtements. H&M vient aussi de se faire épingler pour n’avoir payé, au Bangladesh toujours, que 60 euros d’impôts en 2008. « Immoral, mais légal », d’après l’ONG ActionAid. À force de rouler en code…

Le vagin vengeur

Annoncé depuis des années, le préservatif féminin « antiviol », RapeX, est enfin distribué en Afrique du Sud. Cette arme munie de crochets, qui se place dans le vagin comme un tampon hygiénique, est censée bloquer le bijou de famille des agresseurs masculins. C’est en voyant, dans un hôpital, le pénis d’un homme coincé dans sa braguette que « l’inventrice » a eu l’idée de créer cet objet que l’on ne peut retirer qu’en salle d’opération. Du féminisme chirurgical ! ✹

part irréductible de mystère, la mort de Jean-Luc Tournaire me hante. Je ne le connaissais pas, mais je sais quelques lueurs sur ses derniers mois. Il ne voulait tout simplement pas que ses animaux – des vaches – soient vaccinés contre la fièvre catarrhale ovine (FCO), cette fameuse « maladie de la langue bleue ». Transmise par un moustique, elle n’est pas contagieuse et n’est nullement transmissible à l’homme, au point que le ministère de l’Agriculture lui-même, sur son site Internet, écrit : « Cette maladie n’affecte pas l’homme et n’inspire donc aucune inquiétude, ni pour la population ni pour le consommateur. » Comble de tout, la vaccination ne garantit pas réellement contre la propagation du virus. Disons qu’il y a doute, doute sérieux. En revanche, l’immunité naturelle des animaux, qu’on peut au reste stimuler, semble souvent plus prometteuse. L’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), qui fait autorité, note ainsi dans l’un de ses textes que les bêtes « se trouvant dans les zones où la maladie est endémique sont naturellement résistantes ». Ce qui n’a pas empêché le gouvernement d’imposer, en 2009, la vaccination à tous les

éleveurs. Avec menaces de poursuites contre les récalcitrants. Jean-Luc Tournaire allait prendre sa retraite, après trente ans passés dans un minuscule village des Pyrénées. Venu de Paris avec sa compagne, il y avait élevé sa famille, des vaches, des chevaux, tout en défendant cette agriculture biologique désormais plébiscitée dans les villes. Ses proches le décrivent comme accablé, dans ses derniers jours, par l’obligation de vacciner des bêtes qu’il savait pouvoir soigner autrement. Il s’est tiré une balle dans la tête. Quelques jours plus tard, Bruno Le Maire, ministre de l’Agriculture, imposait à nouveau la vaccination générale en 2010, pour un coût global de 98 millions d’euros. On peut espérer qu’au moins les laboratoires pharmaceutiques seront contents. Sûrement : en décembre 2008, Michel Barnier, alors ministre de l’Agriculture, visite à Lyon les installations du groupe Mérial, spécialiste de la vaccination contre la FCO. Il déclare, notamment : « Je vous aiderai à mettre en place un pôle national pour la santé animale. » Ajoutons ce détail : Michel Barnier a été vice-président de Mérieux Alliance, un groupe privé dont dépend Mérial, de février 2006 à juin 2007, date à laquelle il entre au gouvernement. Je préfère penser à Jean-Luc ✹

Vaccin

bakchich c’est aussi sur internet !

quatre fois sofia coppola les petites fables d’angelina lle est, derrière la caméra, ce E qu’Asia Argento est devant : fille de, bombe sensuelle et icône cinématogra-

phique. S.O.F.I.A., cinq lettres qu’aurait pu chanter Gainsbourg avec suavité. Réalisatrice sans pareille, elle a brillé en fixant sur la pellicule, en seulement trois films, l’impalpable, l’indicible, la subtile et volatile mélancolie qui habite les filles dans leur transition de chrysalide en femme. De Virgin Suicides à Marie-Antoinette, elle s’est faite le chantre d’un féminisme aussi pugnace qu’évanescent. Aujourd’hui égérie de la mode, Sofia pré-

pare son quatrième opus, Somewhere, un tête-à-tête entre un père acteur et sa fille de 11 ans. Sujet universel sur lequel elle a à redire. La bande-annonce du film, prévu en France pour janvier 2011, est déjà visible sur le Net. À jamais fille (de Francis), sœur (d’un réalisateur), nièce (de Talia Shire) et cousine (de Nicolas Cage), éternellement vouée au clan, LA Coppola a su s’affranchir d’un lourd héritage avec un naturel désarmant. Celle qui reçut le saint chrême sur le plateau du Parrain aurait pu devenir actrice. Mais sa piètre pres-

Papillon

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tation, à 18 ans, en remplaçant au pied levé Winona Ryder dans le Parrain 3, écourta sa carrière. Entourée de monstres aux ombres et aux egos démesurés, elle n’eut d’autres choix que de développer un univers intime pour exister. C’est comme portée par une brise que la femme papillon s’est posée à Cannes, en 1992. Quelques pages tournées d’un journal intime dans Virgin Suicides, son premier long-métrage, a mis le festival en émoi. Silhouette gracile encadrée par de longs et lisses cheveux noirs, telle une jeune Joconde sans voix, ce jour-là, Sofia C. avait déployé ses ailes ✹

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bakchich info informations, enquêtes et mauvais esprit


Un peu de culture LITTÉRATURE Homme d’État brillant, figure de la IVe et de la Ve République, Edgar Faure a tranché par son réformisme et par sa culture. Toujours à l’affût du bon mot, le ministre de De Gaulle prétendait « construire, sans illusions, un monde à notre mesure ».

Edgar, vraiment très faure

N

icolas Sarkozy et quelques autres de nos dirigeants devraient se précipiter sur Edgar Faure, l’optimiste, un opuscule fort instructif pondu par un brillant diplomate, Yves Marek. Rien de tel qu’un retour aux textes pour éclairer cet homme d’État qui traversa la IVe et la Ve République avec autant de talent et de soif de réformer la société française d’avant-guerre, fracassée par des crises à répétition. Un discours de la méthode à l’usage de nos gouvernants !

Écrire mordant

grand séducteur

De cet académicien auteur de polars sous le pseudonyme d’Edgar Sanday, brillant agrégé de droit romain, on ne se souvient parfois que de sa verve. Il fallait mieux compter parmi ses amis. À propos d’Antoine Pinay, le père la rigueur du général de Gaulle : « On crut que ses mots à l’emporte-pièce étaient une marotte, c’était un programme. » De Jean Lecanuet, tombeur de De Gaulle en 1965, il a pu dire : « M. Lecanuet doit à ma sympathie et à ma confiance l’unique poste semi-ministériel auquel il ait jamais accédé… » Quant à ses conquêtes féminines, elles furent légion : « Je ne vous dévisage pas, Madame, dit-il à l’une d’entre elles, je vous envisage. » Nous ne résistons pas à l’envie de raconter une anecdote qui ne figure pas dans cet ouvrage. Arrivant dans un hôtel parisien où il avait ses habitudes, peu après le décès de son épouse, la critique d’art Lucie Faure, Edgar glissa à la patronne : « Ma compagne

du jour n’est pas très gracieuse, mais, que voulez-vous, il me faut respecter le délai de veuvage. » Avocat le plus jeune de France, procureur à Nuremberg, treize fois membre du gouvernement sous la IVe République, deux fois président du Conseil, modernisateur de l’université après Mai 68, président de l’Assemblée, ministre du général de Gaulle, Edgar Faure fut un grand réformateur. Ses modèles ? Turgot, sur lequel il écrivit, Mendès France, qu’il défendit pendant l’Occupation et dont il s’éloigna plus tard, De Gaulle, qu’il fut le seul, au sein du Parti radical, à rallier en 1958. « Deux hommes auraient pu éviter la Révolution française. Turgot, mais il était déjà mort, et moi, mais je n’étais pas encore né. » Nous voici replongés dans les combats de ce « surdoué des finances », dont une Lagarde et un Woerth

pourraient s’inspirer. Un coup à droite lorsqu’après la guerre il fait voter l’augmentation des loyers de 10 %, un coup à gauche lorsqu’il augmente la dépense publique, face à un Daladier basculant dans une démagogie anti-fiscale : « Et si vous demandiez le prix de la liberté aux peuples qui l’ont perdue, proclamait Edgar, peutêtre vous diraient-ils que le budget de la France n’est pas trop cher ! » Edgar Faure redonna, selon le mot de l’auteur, « une dignité philosophique, une noblesse intellectuelle » à une politique pragmatique, en citant Anouilh dans sa déclaration d’investiture, en 1955, comme président du Conseil : « Construire, sans illusions, un monde à notre mesure. » L’homme d’État se mesure à ses résultats, non à ses déclamations. Mais

lexique de la mort illustrée

N

Edgar Faure, l’optimiste, par Yves Marek, éd. La documentation française, 103 pages, 10 euros.

Or cet ouvrage est magistral. À pourquoi tant de gêne à propos de notre propre fin, Philippe Di Folco a missionné plus de deux cents contributeurs. Des grands auteurs qui ont eu un lien ou une fascination pour la mort (Baudelaire, Nietzsche…) en passant par les courants de pensée qui s’en sont abreuvés (romantisme, existentialisme…) jusqu’aux œuvres artistiques qui en furent influencées (La chaise électrique d’Andy Warhol), rien n’a été laissé de côté. Sur un peu plus de mille articles, la Faucheuse est autopsiée par des bistouris économique, sociologique, historique, anthropologique et même biologique. Les jeux vidéo non plus n’échappent pas à l’analyse. Ce Dictionnaire de la mort est grand parce qu’il nous aide également à nous questionner sur nos propres vies : « Or, mourir bien, c’est fuir le risque de vivre mal » (Sénèque, Lettre LXX) ✹ Renaud Santa Maria Dictionnaire de la mort, sous la direction de Philippe Di Folco, éd. Larousse, 1 136 pages, 26 euros.

bertrand rothé Borinka, par Pierre Drachline, éd. Le Cherche Midi, 235 pages, 15 euros.

Bédé

noble orateur

bouquin

ous nous demandions (dans le numéro 19 de Bakchich) si un nouveau dictionnaire de la mort avait une quelconque chance de nous en apprendre plus sur le sujet que les travaux d’une vie de Philippe Ariès, d’Edgar Morin ou de Robert Sabatier. Le maître d’œuvre de ce projet, Philippe Di Folco, s’en étonnait : « La mort n’a eu de cesse de fasciner toutes les civilisations et les études sur le cas sont toujours en pleine évolution, puisque l’homme cherchera toujours à vouloir élucider ce mystère qui reste le plus grand… » Et d’ajouter : « Si je ne me cantonnais qu’à de la redite ou à un plan marketing, je vous assure que j’aurais choisi un sujet moins anxiogène. D’ailleurs, la presse ne court pas derrière moi pour en faire la promotion. » Il paraît effectivement raisonnable de penser qu’un dictionnaire sur les pipoles attirerait davantage la presse qu’un dico au sujet mortel…

lorsqu’un grand orateur comme Edgar fait une telle profession de foi, il faut tendre l’oreille ✹ Nicolas Beau

Sans les libraires et les bouquinistes, les livres seraient morts. L’époque est à l’iPad, dernier moyen d’épate. Heureusement, la nostalgie résiste. Pierre Drachline aime ce qualificatif, les belles expressions, l’amitié et les indignations définitives. Les saillies peuvent être gratuites : « La suprématie d’André Gide sur le boudin blanc n’est pas encore prouvée. » Ou plus nuancées : « Le vieux couple que je forme avec mon corps n’a plus aucune nécessité d’être. Une séparation à l’amiable serait l’idéal. » Son dernier roman, Borinka, voisine avec les livres de Patrice Delbourg et de René Fallet. Sa collection est bien fréquentée, comme le magasin de son narrateur, un bouquiniste qui n’a pas le sens du commerce mais celui du temps qui nous reste ✹

LA SOUFFRANCE AU SCALPEL «

uand on est laid, on n’a Q Anouilh. jamais 20 ans », disait Jean « Quand on est gra-

vement malade non plus », aurait pu ajouter l’artiste Élodie Durand. Pudeur des maux, elle écrit dans des bulles et dessine au crayon pour évoquer sa Parenthèse dans une BD aux éditions Delcourt. Celle d’une tumeur au cerveau à l’âge où l’esprit est tendu comme une bretelle entre soif de soi et premières amours. Son album est un long murmure qui nous chuchote du fond de l’œil le drame d’être malade quand on est jeune adulte. Un travail d’acupuncture. Planter des aiguilles du bout de sa mine noire sur quelques souvenirs : l’hôpital, ses parents, le docteur à Créteil, les tables d’opération, la perte de mémoire, la douleur, la longue guérison. Le tout narré par une grande vertu de la retenue et une liberté de forme. Sans aucune pleurnicherie ni supplications. Le dessin varie de vignettes sans contour au portrait pleine page dans des tons obscurs et semi-obscurs. C’est une mise en page originale et soignée. « Ce projet est né d’un désir très fort de rassembler des souvenirs confus. Je voulais qu’ils deviennent autre chose », aime-t-elle préciser. Cette dissection de la souffrance et de son oubli passe chez elle par des forces imagées. Là, des médecins qui arpentent son cervelet vérolé comme un fruit blet. L’image au chevet de l’imaginaire. Le monde mental mis à nu. Pour se prouver qu’elle vit ✹

Louis Cabanes La Parenthèse, par Élodie Durand, éd. Delcourt, 221 pages, 14,95 euros.

du samedi 26 juin au vendredi 2 juillet 2010 | Bakchich Hebdo N°30

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Un peu de culture Musique ark Brendan Perry

Deux décennies après la disparition de Dead Can Dance, son leader à la voix sépulcrale n’a rien perdu de sa superbe. Brendan Perry ressuscite, avec Ark, l’esprit originel du groupe culte de la cold wave britannique en l’expurgeant (ouf !) de son mysticisme médiévo-new-age. Bien que hanté par les synthés ténébreux, les percus en cascade et les folles harmonies des débuts, cet opus solo s’avère étonnamment contemporain. night work Scissor Sisters

Les fesses d’un garçon dans un jean si moulant qu’on en voit la Lune… À l’image de sa pochette, le troisième album des New-Yorkais disco-glam Scissor Sisters sent le sexe à plein nez. Ces dignes héritiers queer des Bee Gees, de Supertramp et d’Elton John collectionnent, avec Night Work, les pop songs suggestives à coups de beats babyloniens et de mélodies chaudes comme la braise. Ce disque jouissif n’aura plus qu’à atteindre l’orgasme sur Invisible Light. Le tube love de l’été 2010 ? cyril Sexy Sushi

De mémoire, on aura rarement vu un duo aussi cinglé sur scène. Quand Mitch Silver et Rebeka Warrior n’escaladent pas les projecteurs comme des ouistitis enragés, ils finissent carrément à poil en insultant leurs fans. Originaire de LoireAtlantique, Sexy Sushi brille dans la techno-punk dadaïste. Son nouvel album, Cyril, dégaine les anti-tubes (Forêt mystique le malin qui grandit en moi ou Meurs, meurs, Jean-Pierre Pernaut) en faisant cracher la boîte à rythmes. Résultat : du grand n’importe quoi, mais à crever de rire. Elektro Soukouss Jessy Matador

Non content de nous avoir gâché l’été 2008 avec son tube Décalé Gwada (du zouk bourrin avec une choré toute pourrie), Jessy Matador a fait chuter la France en 12e position à l’Eurovision. « Allez Ola Olé/Allez Allez Allez/C’est le son de l’année », hurlait-il le 29 mai dernier. Ceci explique donc cela… Le chanteur d’origine congolaise récidive, avec Elektro Soukouss. Dans cet album foutraque servi par des textes navrants se bouscule le pire du ndombolo, du dancehall, du reggae et du hip-hop. Autant être sourd. The Imagine Project Herbie Hancock

Pour fêter ses 70 ans, le pianiste virtuose Herbie Hancock sort un disque de reprises avec des superstars planétaires. Le pitch de ce gros coup marketing ? La paix dans le monde. Si, en prélude de The Imagine Project, Seal et Pink massacrent John Lennon (Imagine), Los Lobos s’attaquent à Bob Marley (Exodus), parmi deux titres affligeants signés Juanes ou James Morrisson. Heureusement, Wayne Shorter et Marcus Miller sauveront in extremis la mise de celui qui inventa le jazz moderne avec Miles Davis ✹

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tournée

en salles

Amalric sous influence ciné La tournée d’une bande de stripteaseuses américaines et de leur producteur. Un film influencé par Cassavetes, entre grâce et clichés, prix de la mise en scène à Cannes.

P

ar une nuit triste, un homme fait son plein dans une station-service. Il est fiévreux, enchaîne les cigarettes. Derrière la vitre blindée de la caisse, une femme, ni jeune ni vieille. Un dialogue s’ébauche entre les deux solitudes. D’abord anodin, l’échange devient piquant, bourré de sousentendus. La blonde le drague et l’homme répond du tac au tac. Il se passe à cet instant précis un truc merveilleux : la vie qui s’engouffre 24 fois par seconde. ça balance et ça vous laisse sur le carreau, extatique. On a tous connu cela : une rencontre, la promesse d’une étreinte, le bonheur, peut-être. Mathieu Amalric fait swinguer sa pellicule, qui respire le sexe et la sensualité. C’est music-hall, des moments de grâce beau, c’est fort, on croirait du impressionniste. En filmant ces John Cassavetes… La scène, très femmes qui se déshabillent, il se courte, s’achève ; le producteur met à nu, avec ce qui est peut-être va reprendre la route, la femme, son film le plus autobiographique. reprendre sa vie. Le personnage allumé de Zand (le nom de la mère d’Amalric), Des éclairs comme celui-là, il y en a ancien producteur de télé qui se quelques-uns, mais pas assez, dans rêve en homme le quatrième de spectacles, film de Mathieu En filmant des femmes ressemble beauAmalric. Avec coup à Amalric, cette histoire qui se déshabillent, acteur génial de tour née, Amalric se met à nu. qui rêve d’être entre Le Havre reconnu comme et La Rochelle, un grand cinéaste. Un vrai cabot d’une bande de stripteaseuses qui n’a pu s’empêcher de jouer le américaines et de leur producrôle principal de son film, éclipteur miteux, Joachim Zand, Amalsant même les stripteaseuses, à ric s’offre de beaux numéros de

le syndrome de la bleuïte LA ZApPETTE de bourget ous ceux qui croient que Bigeard, T en Indo et en Algérie, a participé à des opérations coloniales sont des

attardés. L’information à la télé, qui forge les nouveaux vocables et les idées bonnes à croire, nous a appris que la baderne, morte dans son lit bien sûr, avait été mêlée à des guerres de « décolonisation ». Dire qu’Audin est mort (sous la torture) sans avoir entendu la bonne nouvelle. On peut se demander où naissent des idées comme celles-là. Dans les écoles de journalisme ? Alors, il faut les fermer. À propos d’Algérie, cette semaine, nous avons souffert de « bleuïte » (du nom d’une opération d’intox lancée par l’armée contre le FLN). Même le bleu du ciel, on ne peut plus le voir

tant en on a marre du crépuscule des Bleus. J’espère que des sociologues, des historiens des médias ont bien tout noté, le nombre de mots et d’heures consacrés à ce rien sur rien. Les commentateurs faisaient peine. Ils parlaient comme pour gagner un marathon salivaire où celui qui cause le plus a gagné. Pour les départager, on devrait les obliger à se réécouter. Les surréalistes ont déjà inventé une épreuve dans le genre, dans laquelle il s’agit de dire n’importe quoi pendant longtemps. Comme quoi Thierry Roland est un peu breton. Heureusement que les plateaux de radio et de télévision regorgeaient de consultants… Avec tous ces malades, ces blessés qu’il fallait soigner, ça tombait bien.

Rien

Éléonore Colin

Bakchich Hebdo N°30 | du samedi 26 juin au vendredi 2 juillet 2010

splice de Vincenzo Natali

Réalisateur remarqué de Cube, Vincenzo Natali signe un film de SF sous l’influence de David Cronenberg. Dans un labo, deux scientifiques surdoués triturent de l’ADN et parviennent à créer une créature hybride, mi-monstre, mi-femme. Le film commence comme un thriller médical, bourré de scènes déviantes (mutilation, inceste, viol…). Mais Natali brade son ambition avec une seconde partie téléphonée, avec gros monstre en plastique et éjaculation d’hémoglobine. la disparition d’alice creed de J. Blakeson

l’abattage impressionnant. Pourtant, Tournée ne tient ni ses promesses, ni complètement la route, et fonctionne comme une série de saynètes, souvent drôles, parfois ratées, et toujours dépressives. Un truc boiteux, quoi. Amalric n’évite pas les longueurs, les clichés, et nous barbe avec les sempiternelles affres des saltimbanques, personnalités ultrasensibles attirées par la lumière et les gouffres. Et si le grand film d’Amalric était le prochain ? ✹ marc godin Tournée, de et avec Mathieu Amalric, Miranda Colclasure, Linda Maracini… En salles le 30 juin.

Le Te Deum médiatique qu’on nous a carillonné pour l’anniversaire de l’appel du 18 Juin a été l’occasion de programmer un fatras d’images et de son sur le « Général ». La chaîne Histoire a diffusé les films de Jean Lacouture, un type insupportable, mais cultivé. Si je n’étais pas convaincu que siège aujourd’hui à l’Élysée un type bien plus balèze, bien plus moderne et courageux que ne le fut le grand Charles, j’aurais éprouvé un regret de son règne, comme quand on écoute Alain Barrière. Heureusement qu’après le héros de Londres De Gaulle, c’est aussi le maintien de la peine de mort, l’ORTF et ses licenciés, le gaullisme immobilier et ses escrocs, les syndicats patronaux et sa CFT. Sans quoi, en ne regardant que le petit doigt sur Lacouture du pantalon kaki, on aurait pu avoir des regrets. Comme Régis Debray, qu’on a vu ces jours-ci à l’écran, errant dans la sierra de Lyon, de traboules en traboules, à la recherche de Jean Moulin, et dont on pense qu’il va lancer une association pour la résurrection du « Général » ✹

Une des grosses claques de l’été. Doté du budget ridicule de 120 000 euros, le réalisateur britannique J. Blakeson décide, pour son premier longmétrage, de bricoler une histoire de kidnapping avec un minimum de lieux et de persos. Malgré ou grâce à ces contraintes économiques, il parvient, comme Tarantino à l’époque bénie de Reservoir Dogs, à réinventer le genre, à grand renfort de twists vicelards. La mise en scène est brillante et les trois acteurs, absolument remarquables. On en reparle la prochaine fois. shrek 4, il était une fin de Mike Mitchell

Sorti en 2007, Shrek le troisième donnait quelques signes d’essoufflement. Assagi, l’ogre qui rote et qui pète devenait papa, tandis que les scénaristes, un peu fatigués, parodiaient la légende du roi Arthur. Trois ans plus tard, le géant vert est de retour, en 3D siouplaît, et affronte le lutin Tracassin dans un monde parallèle. Plus fun et mieux construit que le numéro 3, ce Shrek 4 délaisse néanmoins l’esprit potache du premier opus, chef-d’œuvre malpoli et rigolard. Comme si DreamWorks voulait singer Disney… ✹ m. g.

la bakchich team Directeur de la publication : Xavier Monnier • Directeur de la rédaction : Nicolas Beau • Conseiller éditorial : Jacques-Marie Bourget • Rédacteurs en chef : Pierre-Georges Grunenwald (édition), Cyril Da (Web) • Chroniqueurs : Alceste, Daniel Carton, Jacques Gaillard, Marc Godin, Doug Ireland, Éric Laurent, Patrice Lestrohan, Fabrice Nicolino, JeanFrançois Probst, Alain Riou • Maquette : Émilie Parrod, Victor Buchotte, Marjorie Guigue • Secrétaires de rédaction : Élodie Bui, MarieClaire Vierling • Rédaction : Monsieur B, Sacha Bignon, Émile Borne, Louis Cabanes, Renaud Chenu, Éric de Saint-Léger, Lucie Delaporte, Anthony Lesme, Laurent Macabies, François Nénin, Simon Piel, Bertrand Rothé, Grégory Salomonovitch, Anaëlle Ver-zaux • Dessinateurs : Avoine, Bar, Baroug, Bauer, Essi, Giemsi, Goubelle, Ray Clid, Khalid, Klub, Lacan, Large, Ludo, Magnat, Mor, Morvandiau, Nardo, Noël, Oliv’, Pakman, PieR Gajewski, Revenu, Roy, Soulcié, Thiriet • Groupe Bakchich, SAS au capital de 56 980 euros • Siège social : 121, rue de Charonne 75011 Paris • Téléphone : 01.40.09.13.25 CPPAP : 1114 C 90017 • ISSN : 2104-7979 • Dépôt légal : à parution • Impression : Print France Offset Direction des ventes : Thierry Maniguet/ tmaniguet@scpe.fr/01.70.39.71.05 Publicité : pub@bakchich.info Tous les textes et dessins sont © Bakchich et/ou leurs auteurs respectifs.


Un peu de culture instaurons le bettencourthon le billet d’alain riou Journaliste au Nouvel Obs et invité du Masque et la plume, Alain Riou fait aussi du cinéma. Son cinéma. que soient les mystères cachés Q uels dans les arcanes de ce qu’il faut bien appeler l’affaire Woerth, il

est une vérité qui saute aux yeux de tout observateur impartial : c’est la grande générosité de Mme Liliane Bettencourt. Cette aïeule de caractère, qui a richement doté François-Marie Banier au motif qu’il l’amuse, n’est pas de ces milliardaires qui économisent les épingles pour ne pas diminuer leur pelote. Au contraire : l’UMP parci, les vendeurs d’îles de l’océan Indien par-là, ils sont nombreux à avoir bénéficié de ses largesses, et tant de solidarité ne pose qu’un problème : Mme Bettencourt est-elle sûre que tout cet argent est bien distribué ? La libéralité n’est point le libéralisme, et, en ces jours de crise où la vie devient si difficile pour d’innombrables citoyens, on suggérerait volontiers à l’actionnaire principale de L’Oréal l’organisation d’un authentique Bettencourthon, pour venir en aide à ceux qui en ont vraiment besoin. Premier cas social : la pauvre Christine Boutin, qui vient de renoncer d’ellemême aux émoluments associés à la mission d’enquête sur la « mondiali-

sation », qu’on ne pouvait confier qu’à elle seule. Cette sœur Emmanuelle rambolitaine perd ainsi 9 500 euros par mois. Liliane s’honorerait en venant discrètement, et pour la même somme, au secours de notre fière indigente. Chacun sait, à propos, que l’addiction est une maladie. Or, il faut à Christian Blanc, notre secrétaire d’État à l’Aménagement du Grand Paris, au moins deux cigares Partagas n° 4 par jour, à 24 euros pièce. L’État, qui assumait jusqu’ici cette charge, ne le veut plus. Pis : M. Fillon, l’œil noir des dépenses publiques, exige même de l’ancien PDG d’Air France le remboursement des havanes. Mme Bettencourt ne mégotera pas, et prendra en charge l’innocente passion du puni. « J’aime la fantaisie, je la préfère même à la mauvaise éducation », a dit la donatrice (le Monde du 20 juin), en expliquant pourquoi elle met si volontiers la main au Banier. C’est souligner que la mauvaise éducation a tout de même ses charmes. Et une rente à vie pour cet e… d’Anelka, dont le p… de train de vie risque de connaître une f… de p… de désinflation ! ✹

Le pipole de la semaine Monsieur Raymond, roi des coms Raymond Domenech a toujours traité le football comme un jeu de rôles. Il tint longtemps celui du méchant, dans la position immuable de l’arrière droit. Bien dans ses crampons, tout dans les pattes – celles sur les joues – il s’est fait une réputation au registre de l’intimidation. Avec lui, et sous le vol des sifflets qui le stimulaient, les tibias souffraient.

bretteur malin

Devenu entraîneur, il voulut gagner en sobriété. Entre-temps, il était monté sur les planches pour ajouter à sa palette de comédien en marge de cette société du football où les mots sont calibrés. Voilà qui ne manquait ni de ce sel ni de ce poivre qui recouvraient désormais la toison de M. Raymond, bien en cour dans la Fédération, au point de se voir confier l’équipe de France en juillet 2004. Après Jacquet, tout à la fois le mal et le bien-Aimé, psychorigide héros qui se prit pour Monte-Cristo, le militaire Lemerre, par ailleurs « sacré déconneur, Roger », Jacques Santini, l’homme de peu de mots prompt à jouer les persécutés, était donc arrivé Raymond Domenech, le bretteur toutterrain et son air malin. Alors, là, les amis, on se redit que les choses du football français allaient changer, son verbe en tout cas, et peut-être qu’un souffle naîtrait. En réalité, il y avait erreur sur le Raymond, c’est un pauvre imitateur de Devos qui venait d’être intronisé : « Quand je n’ai rien à dire, je veux qu’on le sache. » Voilà comment le Raymond la broussaille d’hier ne fut d’aucune science aujourd’hui, qui se contenta d’ironiser, de détourner, jusqu’à ne jamais tolérer la moindre envie de connaître le début de sa pensée.

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comédien raté

Il se confirma très vite comme un railleur au petit pied avec son fameux : « Vous avez encore beaucoup de questions à la con ? » Et se conduisit comme un disciple inconscient de Beckett au fil de ses représentations d’« En attendant le football », puisque ce sujet présent partout ne vint jamais. Voilà comment il se révéla dans la réincarnation des trois frères Marx à la fois. Joueur, il s’était servi de ses moustaches comme du cigare de Groucho, roublard et provocateur. Entraîneur, il avait fait du Chico, manipulateur avec les uns, embrouilleur avec les autres. Sélectionneur, il s’inspira des deux premiers pour devenir muet, ou presque, comme Harpo après une ou deux déclarations, d’amour à sa dulcinée, et de haine à la presse spécialisée. Peu à peu, l’inusable cabot s’était fabriqué la mine chafouine du comédien de boulevard goguenard. Marxiste et anar, ici tendance gaucho plutôt que Groucho, l’ancien prolo présenté comme un intello avait tout de même roulé dans le fard ces messieurs du pouvoir jusqu’à mériter, sur la durée, l’oscar du père peinard. De compositions en décomposition, insuffisance et suffisance mêlées, l’aventure d’une équipe devint la chronique d’un désastre annoncé. Après les coups de théâtre et de mépris, le rideau bleu vira au rouge ; divas et starlettes perdirent pied un dimanche après-midi, sur une grève mondialisée. Et c’est ainsi que Domenech lut un communiqué qui n’était autre que la nécro d’un comédien raté, d’un entraîneur abandonné. Sélection, piège à com, merci Raymond ✹ christian montaignac Auteur du Petit traité de la connerie des sportifs et autres concernés, éd. Prolongations.

Raymond Domenech dans le texte - « Heureusement que la guillotine n’existe plus. Sinon,

mariage à Estelle, le 17 juin 2008, à peine la France était-elle éliminée de l’Euro (l’Express du 24 novembre 2009).

lification pour la Coupe du monde 2010 Serbie-France).

- « Avec les joueurs, nous voulons réussir quelque chose de grand en Afrique du Sud. » (l’Express du 24 novembre 2009).

j’en vois ici qui se feraient un malin plaisir de m’envoyer à l’échafaud. » (9 septembre 2008, la veille du match de qua- « Des fois, je me dis que, si je m’avais en face de moi, je me haïrais. » (21 juin 2006, pendant la Coupe du monde). - « Un match gagné, c’est toujours mieux qu’un match perdu. » (l’Équipe du 27 mars 2008, peu avant l’Euro). - « Le moment était mal choisi, certes. Mais, ce jour-là, j’ai

humanisé le football et œuvré pour l’intérêt féminin pour ce sport. C’est beau, non ? », à propos de sa demande en

- « J’ai toujours en travers cette défaite de 2006. Je suis poussé par l’envie d’effacer ce souvenir. La seule solution c’est de gagner en 2010… ou en 2014. » (interview sur Sportweek, le 23 janvier 2009).

- « J’espère qu’on est moins bien que quand on sera prêt. » (conférence de presse du 3 juin 2010)✹

du samedi 26 juin au vendredi 2 juillet 2010 | Bakchich Hebdo N°30

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Ben la der

Stéphane richard

Concert du colon

à la conquête du « Monde » orange Figure exemplaire du régime, le patron de France Télécom se veut « sarkozyste de gauche ». Le peut-être nouvel actionnaire du Monde mérite le détour.

E

n un sens, il faudrait le statufier, l’inspecteur des Finances Stéphane Richard 48 ans, numéro deux, mais vrai patron, de France Télécom, et, selon ce qui se dessinait à la veille de notre parution, peut-être nouveau coproprio du Monde. Le statufier au titre de modèle de la néo-technocratie française, que tant de désastres antérieurs (le Crédit lyonnais, Vivendi première manière…) n’ont pas rendue moins vivace. Ni moins présente. Il peut tout diriger, Steph. Dir’ cab’ de la ministre Lagarde (2007-2008), il zyeute en permanence les grands fauteuils disponibles : EDF, les Banques populaires, etc. Ce sera la maison Orange, alors secouée par une vague de suicides, et dont il a déjà été administrateur.

origines camisardes

Plus rare chez ses homologues, auparavant ponte de Véolia, il a fait fortune (« Un petit nombre de dizaines de millions », dit-il) à l’ex-Compagnie générale des eaux en revendant ses parts du secteur immobilier, réorganisé, du groupe (Nexity). « Mon Stéphane », s’émeut l’ami de quinze ans, Sarko, qui l’a marié, et que tant de prospères félicités ne peuvent pas ne pas émouvoir. Surtout quand elles s’allient à une telle capacité « d’ouverture » et d’entregent. Aujourd’hui « sarkozyste de gauche » autoproclamé, Richard dents de lion excipe sans cesse de ses origines « camisardes » : naguère élu de gauche de Bandol (Var), il a aussi conseillé, en 1991-1992, le ministre de l’Industrie, Dominique Strauss-Kahn. Enfin, selon le Point (17 juin), c’est dans la maison de campagne du

député socialiste Tony Dreyfus, un vieil ami, et en présence, critique, de François Hollande, que Steph a imaginé, à voix haute, de s’associer à Perdriel pour la conquête du nouveau Monde. Des intérêts variés rendent parfois moins âpre le grand combat gauchedroite. Le tout, dans le cas de Stéphane, avec la mine la plus dégagée, entre deux gammes au piano (il maîtrise cela, aussi) et trois formules définitives sur sa nouvelle entreprise, mais l’œil jamais distant de ses intérêts.

téléphone maison

C’est toutefois sans drame apparent qu’il a obtenu, voilà quelques mois, que le précédent PDG, Didier Lombard, abandonne plus tôt que prévu ses fonctions « exécutives », à son profit (aujourd’hui Lombard préside seulement le conseil de surveillance). Richard lui succédera pour de vrai dans un an à la tête de la maison Téléphone. Maison dont le cours de Bourse est du reste à la baisse (– 12 % depuis décembre). Pour cause de suicides en série, qui n’ont cependant pas cessé, Steph s’est d’emblée concentré sur « le social », terrain qu’il dit affectionner particulièrement. De toute façon, la vie en société, Stéphane adore. Rarement la moins gratifiante des sociétés ✹ patrice lestrohan www.bakchich.info

Le clin deuil de France Télécom à ses salariés : http://minu.me/2kuu

70 ans après l’appel du 18 juin : que reste-t-il du gaullisme ?

De charisme en Scylla

C’est pas gagné pour Pierre Laurent, fils de l’ex-apparatchik en chef Paul (Laurent), et nouveau secrétaire national du Parti communiste. Parti encore amoindri par la sécession, toute récente, de 200 élus et militants, et quelque peu éclipsé, au sein du Front de gauche, par le seul et si présent Mélenchon. Visiblement, certains des camarades – et pas des plus obscurs – de Pierrot l’ont accueilli sans l’ombre d’un préjugé. À moins que ce ne soit avec une certaine lucidité. Le député-maire de Vénissieux (Rhône), André Gérin, cité par le Journal du dimanche (20 juin) : « Le dirigeant du PC doit avoir une légitimité publique et politique qu’il n’a pas, il doit avoir un charisme qu’il n’a pas. Sa personne est sympathique, mais il va poursuivre l’effacement de la place et du rôle du PC. » Notre ami est prévenu : il joue les fédérateurs d’espoirs…

Bercy infiniment !

C’est le Point (17 juin) qui nous révèle cette petite merveille comptable et citoyenne : « Quatorze contribuables français disposant d’un patrimoine supérieur à 16,20 millions d’euros ont déclaré, pour l’année 2008, des revenus inférieurs à 3 430 euros ! » Conséquence (de cette heureuse maîtrise des niches et bénéfices fiscaux) : « Tous ont payé un impôt dérisoire et chacun a, en outre, encaissé un chèque du Trésor d’environ 160 000 euros. » L’information figure dans un rapport spécialement commandé aux services de Bercy et l’article (de l’hebdo) s’intitule : « Les quatorze contribuables que l’Élysée voudrait mieux connaître. » Pas pour les décorer au moins ?

Congela Merkel

ça n’a pas pu déplaire à Sarko, d’ailleurs c’était sans doute un peu fait pour. Longuement interviewée par Paris-Match (17 juin), et à l’occasion d’une question sur la crise grecque, la ministre de l’Économie, Christine Lagarde, habille pour quelques hivers la meilleure copine, sans doute, de son propre patron : « Disons que la chancelière Angela Merkel (...) a agi d’abord dans l’intérêt à court terme de son pays, puis dans celui de la zone euro. L’Allemagne est un État vieillissant, à la démographie moins vigoureuse que la nôtre. Pour donner confiance à ses habitants et soutenir la consommation, il faut promettre une rigueur budgétaire. » Il est dur, pour des gagneurs, de cogérer l’Europe avec un partenaire cacochyme…

Aumônier militaire « du 2e régiment étranger de parachutistes en mission depuis le début de l’année en Afghanistan », le père Benoît Jullien de Pommerol – un nom de roman provincial de Maupassant – s’est longuement livré, sur place, au Figaro magazine (19 juin) : « À mon arrivée, j’ai demandé à mon chef de corps, le colonel Rideau, ce que je devais faire. Il m’a répondu que j’avais carte blanche. Je lui ai demandé qui allait évaluer mon travail. Mais c‘est Dieu, Padre, m’a-t-il répondu. » En toute laïcité, apparemment. Dieu a intégré le commandement militaire de l’Otan ?

Dissidents de loup

Dans les maigres, mais ardentes, nouvelles troupes du phare néo-gaulliste Galouzeau de Villepin, certains en rajoutent beaucoup dans le grand registre de ce « mouvement » naissant : l’anti-sarkozysme, disons, de base. Témoin, cet adhérent du prénom de Jean-Pierre, « militaire retraité » qu’a rencontré, au jour de la fondation du parti, une consœur du Journal du dimanche (20 juin) : « Sous l’autorité de Dominique de Villepin, il y a une considérable (sic) force d’opposition au pouvoir totalitaire actuel qui se met en place. » C’est bien simple : encore quelques mois de goulag et l’écrivant Dominique pourra, à bon droit, se qualifier de « Soljenitsyne français ».

ça Marine !

Marine Le Pen, qui, selon le Parisien (21 juin), « inquiète l’UMP », a bien sûr mis à profit la commémoration de l’appel du 18 Juin pour voir midi à sa porte électorale (le même quotidien, daté, cette fois, du 19) : « Soixantedix ans après, notre pays connaît une situation comparable à la sinistre débâcle de 1940 : (…) vide moral, État déliquescent. » Si l’on veut, mais, pour être plus précis, cette « débâcle », la fameuse « divine surprise » de Maurras, a boosté aussi sec l’extrême droite française, bien plus que Tonton, Chirac et Sarko réunis !

Caucase départ

La question ne vient pas spontanément à l’esprit, mais, repris par Courrier international (17 juin), le magazine moscovite Expert la pose : « Comment faire revenir les touristes en Tchétchénie ? » En Tchétchénie, mais également dans d’autres républiques voisines et presque aussi pacifiques du Caucase, le Daghestan, par exemple, ou même l’Ossétie du Nord. Stations de ski dans les montagnes ou stations balnéaires au bord de la Caspienne, les projets pullulent. Les ambitions aussi : « Un million de touristes par an d’ici dix ans », « 23 000 emplois », « neuf fois plus d’hôtels ». Conviction d’une autorité caucasienne sur la question : « Les exemples de la Sicile, de la Calabre et de la Corse prouvent que le tourisme est le meilleur facteur de paix. » Pour l’éradication des mafias locales, on repassera quand même… ✹ p. l.

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Bakchich Hebdo N°30 | du samedi 26 juin au vendredi 2 juillet 2010


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