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Maroc Les raisons de la réussite

MAROC

LES RAISONS DE LA RÉUSSITE

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Les groupes Attijari, BMCE et Banque centrale populaire ont trouvé leur rythme de développement en Afrique. Qu’est-ce qui fait courir les banques marocaines ? Pourquoi assiste-t-on depuis quelques années à une accélération de cette internationalisation ? Par Hind Filali

Début juin 2014, la Banque centrale populaire a organisé, conjointement avec Maroc Export, une grande opération « B to B Africa » durant laquelle une centaine de PME marocaines ont sillonné trois pays africains et décroché quelque 3 000 rencontres B to B. Cette opération séduction de la Banque populaire n’est pas anodine. Le groupe ne manque pas une occasion de renforcer sa présence dans les pays africains ; il est vrai que le chemin est encore long pour rattraper les deux autres banques marocaines qui ont lancé leur déploiement en Afrique au début des années 2000. Il n’en demeure pas moins que les trois banques se sont imposées. Chacune à son rythme et à sa manière. En 1990, la libéralisation fi nancière engagée par les autorités monétaires marocaines a permis l’arrivée des banques étrangères dans le capital des banques locales. La concurrence aidant, les marges bénéfi ciaires ont subi un aff aissement que le management a cherché à compenser par le développement à l’international. D’où les premières tentatives à travers l’ouverture de bureaux de représentation, de succursales, puis de fi liales…

Pendant ce temps-là, en Afrique, les politiques de privatisation et les mesures de déréglementation et de restructuration du secteur bancaire ont amélioré l’attrait et la rentabilité de l’investissement dans le secteur. Cette tendance n’a pas échappé aux banques marocaines qui en ont profi té pour accélérer leur rythme de croissance sur ces marchés. Et la rentabilité a été au rendez-vous, puisqu’aujourd’hui, presque 50 % des bénéfi ces réalisés par Attijariwafa bank proviennent de la zone Afrique. Le groupe BMCE Bank n’est pas très loin non plus avec un niveau de près de 40 %. Pour Vincent Castel, économiste pays en chef à la BAD, « le secteur bancaire est en train de se positionner en tant qu’ambassadeur du savoir-faire marocain sur les marchés africains. Il met en lumière un certain nombre d’atouts que les entrepreneurs et les banquiers marocains ont développé au sein de la zone Afrique. Désormais, ils se positionnent beaucoup plus sur du long terme que du court terme ». Cette stratégie a été particulièrement démontrée lors de la tournée royale en Afrique au début de l’année 2014, lorsque les trois groupes bancaires marocains ont conclu pas moins de 20 accords de partenariat. L’exemple le plus « spectaculaire » a été la mobilisation par Bank of Africa, fi liale de BMCE Bank, de 310 millions $ relatifs à une levée de fonds en Côte d’Ivoire sous forme d’obligations du Trésor d’une maturité de sept ans à un taux de 6,5 %… en seulement 48 heures !

Pour Amadou Kane, ancien ministre de l’Économie et des fi nances du Sénégal, « une des premières acquisitions de banques avait été réalisée au Sénégal. Le Maroc avait combiné une opération de création (Attijari) et en même

La concurrence aidant, les marges bénéfi ciaires ont subi un affaissement que le management a cherché à compenser par le développement à l’international. D’où les premières tentatives à travers l’ouverture de bureaux de représentation, de succursales, puis de fi liales…

temps, il a eu à opérer des acquisitions de petites et de grandes tailles qui lui ont permis d’acquérir cette implantation au Sénégal dans un premier temps, puis sur le reste de la région. Je crois que cette focalisation sur le secteur financier, au niveau de la stratégie de hub africain, a été une très bonne vision qui, aujourd’hui, permet au Maroc d’avoir une base logistique et des relais importants pour le futur».

Adaptation au risque

Concrètement, la recette bancaire marocaine prend au niveau des marchés africains. Au-delà des discours officiels, la véritable approche est basée sur le potentiel que représentent le développement de la classe moyenne africaine et les perspectives de croissance de la bancarisation dans les pays d’accueil. L’autre atout des banques marocaines, explique Vincent Castel, est leur «capacité à fonctionner sur des marchés éclatés avec une adaptation presque naturelle à la demande des clients, qu’ils soient fortunés ou petits épargnants». Autrement dit, les banques marocaines ont la capacité d’offrir des services dans des segments jugés risqués par les filiales de banque européennes historiquement présentes sur ces marchés, qui étaient jusque-là investis uniquement par la microfinance et qui sont désormais bancarisés grâce à l’intervention de filiales de Attijari ou de BMCE Bank et maintenant de la Banque populaire, à travers leurs antennes africaines. Cette offre maroco-africaine séduit la classe moyenne africaine; par exemple, la réduction des coûts des transferts des migrants africains vers leurs pays d’origine. Ajoutées à cela les réformes engagées par les États africains pour améliorer le climat des affaires dans des pays comme le Kenya, par exemple, sur lesquels le Maroc semble déjà bien se positionner. L’autre particularité des banques marocaines implantées en Afrique est qu’elles s’appuient sur les talents locaux pour développer leurs filiales. Elles facilitent un échange de savoirfaire, mais aussi des créations d’emplois et donc de valeur. Autant d’atouts que le Maroc met, de plus en plus, sur la table pour remporter des marchés en Afrique.

La première phase de construction étant accomplie, les banques marocaines passent à la vitesse supérieure à travers le financement de l’économie locale et le soutien financier des investissements étrangers dans les pays d’implantation, à travers la levée de fonds à moyen et long termes. Cette stratégie permettra à l’avenir de marquer le dynamisme des métiers de banque d’affaires. D’ailleurs, le président de BMCE Bank, Othman Benjelloun, annonce la couleur: «Les banques marocaines mettront à la disposition de leurs filiales l’ensemble de leurs atouts et de leur notoriété en vue de leur permettre de jouer pleinement leur rôle en matière de mobilisation de l’épargne et de financement de l’économie, ou encore de leur permettre d’accéder, dans des conditions meilleures, à des transactions internationales dont elles étaient quasiment exclues».

Sur un autre registre, l’impact du développement des banques marocaines sur les marchés africains se traduit également au niveau de la gouvernance. Ces dernières, par la force des choses, contribuent activement au renforcement des fondamentaux et de la gouvernance de la zone Afrique à travers leur capitalisation et les règles de gouvernance issues des meilleures pratiques et standard internationaux, en capitalisant sur leur savoir-faire reconnu au niveau international et confirmé par les notations des plus grandes agences mondiales. Cela sans parler de l’accélération du processus de bancarisation des économies subsahariennes avec la mise en place de process et de produits dédiés à la banque de détail et au financement des PME. L’internationalisation des banques marocaines en Afrique est bel et bien en marche. La prochaine étape serait la contribution de ces banques à la création de fonds de développement dédiés, tel que l’a appelée de ses vœux Yacine Fall, la représentante résidente de la BAD au Maroc. Une des pistes à explorer pour une meilleure corrélation entre l’internationalisation bancaire et l’intégration économique africaine. n

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