KAIZEN 62 : Prendre le train pour changer d'air

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MAI JUIN 2022

VOYAGES ZÉRO CARBONE

MATHIEU SLAMA SOMMES-NOUS EN DÉMOCRATIE ?

F 6,50 € - BEL/LUX 7,20 € CH 11 FS - ESP 7,40 € DOM 7,40 € - TOM 850 XPF MAR 80 MAD - TUN 11,90 TND

INSECTES LES PROTÉINES DE DEMAIN ?

Prendre

LE TRAIN

pour changer d’air

SLOW TOURISME LES VOSGES DU NORD AUTREMENT

FRAMBOISE EN MODE ZÉRO DÉCHET !


Éditeur SCOP SARL à capital variable La Maison écologique Avenue des Trente – 35190 Tinténiac

EDITO

www.kaizen-magazine.com Magazine bimestriel numéro 62 Mai-juin 2022 Imprimé sur papier certifié PEFC Directrice de la publication Nadia Guillaume Rédacteur en chef Pascal Greboval Rédactrice en chef adjointe Sabah Rahmani

CINQ ANS POUR

Secrétaire de rédaction Emmanuelle Painvin Directrice artistique Marion Elbaum Journaliste multimédia Alicia Blancher Community manager Charlotte Peyrethon Attachée commerciale Aurore Gallon Chargée de relation client Kristell Dessier Stagiaire pour ce numéro Simon Renou Abonnements et commandes 9, rue de la Bégassière 35760 Montgermont abonnement@kaizen-magazine.fr 02 99 02 82 93 Illustration de couverture © Musawarri Conception maquette Hobo - www.hobo.paris Impression Imprimerie SIEP ZA des Marchais – Rue des Peupliers 77590 Bois-le-Roi SIRET : 438 943 235 000 46 • APE : 5814Z Commission paritaire : 0324 K 91284 Numéro ISSN : 2258-4676 Dépôt légal à parution Régie de publicité et distribution dans magasins spécialisés AlterreNat Presse • Tél. : 05 63 94 15 50 Distribution MLP Vente au numéro pour les diffuseurs Destination Média • Tél. : 01 56 82 12 00 contact@destinationmedia.fr Aucun texte ni aucune illustration ne peuvent être reproduits sans l’autorisation du magazine. Merci.

Origine du papier : Allemagne Taux de fibres recyclées : 0 % Ptot : 0,017 kg/t Pour les abonnés : une relance de fin d’abonnement

Pascal Greboval

A

AGIR ?

u moment où je rédige ces lignes, le premier tour de l’élection présidentielle n’a pas donné son verdict. Et comme la ligne éditoriale de Kaizen n’est pas de lire dans les boules de cristal, je vais rester sur nos fondamentaux. Qui que soit la résidente ou le résident de l’Élysée pour les cinq années à venir, nous continuerons d’explorer des solutions écologiques et sociales. Inlassablement. Parce que les rapports du GIEC, publiés le 28 février et le 4 avril, ainsi que le triste record enregistré en mars en Antarctique, avec un thermomètre affichant des températures de 40 degrés Celsius au-dessus de la moyenne, nous rappellent que « les demi-mesures ne sont plus une option » – comme le résume Hoesung Lee, le président du GIEC. Dès lors, peu importe qui sera la ou le nouveau locataire de l’Élysée ; nous lui rappellerons qu’elle/il doit prendre des mesures qui favorisent, développent une transition radicale de notre société. Le dernier rapport du GIEC indique que nous n’avons plus que trois ans pour agir. Alors, dans cinq ans, il sera peut-être trop tard… Certes, le colibri, les entreprises doivent faire leur part, mais cela ne suffit pas. Il est impératif que l’État agisse vite et bien. C’est l’État, par des mesures incitatives ou contraignantes, qui favorisera une transition vertueuse. De ces mesures suivra une bonne articulation entre le politique, le citoyen et les entreprises qui nous permettra – peut-être – de rester sous une augmentation de 2 degrés. On sait que les États, les politiques peuvent changer le cours des choses. Typiquement, la réduction du trou de la couche d’ozone est le résultat d’une décision forte prise par les gouvernements à Montréal en 1987 : l’interdiction de l’usage des chlorofluorocarbones (CFC). Le nouveau gouvernement peut, doit prendre des mesures fortes et rapides. Par exemple, dans les transports, le secteur qui émet le plus de gaz à effet de serre (31 %1), en favorisant, imposant le train au détriment de l’avion pour les transports dans la métropole [lire notre dossier page 18]. Opérons cette transition de manière consentie et éclairée avant que des mesures plus attentatoires à nos libertés ne soient nécessaires. Amies lectrices, amis lecteurs, et si vous envoyiez ce numéro en cadeau de bienvenue à l’Élysée pour ouvrir la voie d’un quinquennat enfin écologique ? n

1. Source : CITEPA, rapport Secten 2020.

N° 62 - KAIZEN

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SOMMAIRE

K AIZEN N° 62 MAI-JUIN 2022

RENCONTRE 6 Mathieu Slama « On construit une potentielle “architecture de l’oppression” »

JOURNAL D’UN NÉOTONOME Épisode 2 Jonathan Attias En tes rêves tu croiras

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CHRONIQUE Gilles Farcet Le virus de l’émotion

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D.I.Y. La sauge & ses petits secrets

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ENQUÊTE Élever des insectes Nécessité ou lubie ?

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LOW-TECH LAB Toilettes sèches Petit coin éco… l’eau

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LE GRAND RETOUR DU TRAIN

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ET SI ON LE FAISAIT ENSEMBLE ? Les Jardinières masquées cultivent un monde meilleur

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VENT D’AILLEURS De Bamako à Paris Danser pour contrer le plastique

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JE VAIS BIEN, LE MONDE VA MIEUX Basilic Mon sorcier bien-aimé

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VOYAGE À LA RENCONTRE DU VIVANT Parc naturel régional des Vosges du Nord L’éveil des sens

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AU POTAGER ! Mathilde Ruau Stento Les haricots à rames

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PORTFOLIO John Trotter/MAPS No Agua, No Vida

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CUISINE 70 Cet ingrédient bio, j’en fais quoi ? Les flocons d’avoine Un p’tit goût de campagne En mode zéro déchet ! La framboise SÉLECTION KULTURELLE

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CHRONIQUE 82 Dominique Bourg Au cœur des années affreuses, sales, bêtes et méchantes

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MATHIEU SLAMA

« ON CONSTRUIT UNE POTENTIELLE “ARCHITECTURE DE L’OPPRESSION” » Essayiste, enseignant en communication politique, Mathieu Slama pointe dans son dernier livre, Adieu la liberté, la multiplication des mesures antidémocratiques mises en place pour lutter contre la Covid-19. Il dénonce un virage sécuritaire de nos sociétés dites libérales.


rencontre Pascal Greboval et Sabah Rahmani

souhaite. Ce qui est vrai pour la pandémie sera vrai demain pour une autre pandémie ou d’autres motifs. Un certain nombre de tabous ont sauté. Et tout a été accepté par la société. Il y a quand même lieu de s’en inquiéter. Autant on pouvait considérer que les mesures sécuritaires, notamment face au terrorisme, étaient une dérive contre laquelle on pouvait lutter et revenir en arrière, mais avec cette crise sanitaire, il y a un basculement qui semble définitif.

© Philippe Matsas

Le code QR et ces mesures sontelles les prémices d’une société du tout-contrôle, avec notamment la mise en place du portefeuille d’identité numérique. Un peu comme en Chine ? Je ne crois pas qu’il y ait de volonté de contrôle. Le portefeuille d’identité numérique, entre autres, s’inscrit simplement dans le solutionnisme technoVous avez critiqué le recul de nos libertés mis en place pour lutter contre la pandémie, mais aujourd’hui, alors que les restrictions sont levées, quel regard portez-vous sur ces deux dernières années ? Aujourd’hui, on a le sentiment qu’on est en train de sortir de toutes les restrictions, qu’on est « enfin libres », mais ce sentiment est trompeur : elles ne sont pas supprimées, elles sont suspendues. Il y a une loi d’exception qui donne au gouvernement la possibilité de remettre le passe d’ici juillet. Donc, après les élections, quel que soit le gouvernement, il peut réinstaurer toutes les mesures attentatoires aux libertés publiques en dehors du droit commun. Il est curieux de dire que l’on est libre parce que le gouvernement nous autorise à vivre sans passe, sans masque à l’extérieur. C’est une aberration ; en réalité, il s’agit de la normalité. Le vrai drame, depuis deux ans, c’est que l’on a créé de nouvelles méthodes de gouvernement, que ce soit le confinement ou la mise en place du code QR, qui sont des monstres. Le code QR permet de désactiver des droits, d’exclure de la vie sociale des gens jusqu’à ce qu’ils se comportent de la manière que l’on

« On manage les Français comme un patron manage des salariés. » logique, avec l’idée de simplifier les démarches, de gagner en efficacité. Les gouvernants ne pensent pas du tout aux dérives associées. Avec ces outils, on construit une potentielle « architecture de l’oppression », selon l’expression d’Edward Snowden. Au fond, en étant aveugles sur les enjeux éthiques de ces outils, on l’est aussi sur toutes leurs dérives. Les gouvernements vont désormais apporter des réponses aux crises strictement sécuritaires, policières, répressives et utiliser ce type d’outils pour inciter les citoyens à se comporter d’une certaine manière. D’ailleurs, pendant cette crise, le pouvoir a utilisé la technique du nudge, issue du monde du management. Elle s’inspire de l’économie comportementale. L’idée est de mettre en place des mesures incitatives qui sont contraignantes mais qui donnent le sentiment aux gens qu’ils agissent selon leur libre arbitre et leur pouvoir. Il y a là quelque chose de très pervers.

Dans votre livre, vous parlez même de « management de la population ». Pensez-vous vraiment que la servitude soit ancrée dans la citoyenneté aujourd’hui ? Il faut analyser un tel phénomène avec une certaine humilité. Quand vous regardez ce qui se passe depuis deux ans, la première chose, c’est que toutes les mesures ont été plébiscitées par une grande majorité de Français, y compris le passe vaccinal. Pour moi, c’est une grande opération de management réfléchie. On a oublié la notion de citoyenneté : les citoyens ont des droits fondamentaux, protégés par une Constitution, avec des contrepouvoirs. Depuis deux ans, on manage les Français comme un patron manage des salariés. On amène une population à se comporter de telle manière, sans demander son consentement. On utilise un langage qui déconstruit toute possibilité de débat. On fait de l’injonction morale, de la culpabilisation. Le fameux « vous êtes égoïste, vous n’êtes pas altruiste, etc. » La politique est devenue management. Dans quel objectif ? L’objectif, c’est de gérer avec efficacité une crise. Je ne pense pas que le gouvernement soit malveillant, c’est juste un gouvernement de management. Notamment le président Macron. Quand ils sont face à des crises, leur réflexe est : « Qu’est-ce qui fonctionne ? » Les questions éthiques, sociales ne les intéressent pas. Ils ne se rendent pas compte de ce qu’ils font. Ils ne voient pas du tout le problème dans la mise en place de ces mesures. D’ailleurs, on pourrait faire un parallèle avec la manière dont ils ont géré la crise des Gilets jaunes ! N° 62 - KAIZEN

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Enque^ te Fanny Costes Le Cil Vert

ÉLEVER DES INSECTES NÉCESSITÉ OU LUBIE ?

En dix ans, la France est devenue pionnière dans l’élevage d’insectes. Un engouement auquel a contribué la FAO1 qui, en 2013, a fait de la consommation d’insectes l’une des pistes de la sécurité alimentaire de demain. Mais tandis que l’impact environnemental et sociétal des élevages questionne toujours plus, l’entomoculture intensive est-elle vraiment souhaitable ?

Les terres deviennent rares et accroître les surfaces dédiées à l’agriculture n’est une option ni viable ni durable. Les océans sont déjà surpêchés, le changement climatique et les pénuries d’eau qui en résultent pourraient avoir de graves conséquences sur la production alimentaire », alertait la FAO dans un rapport publié en 20132. Parce que la planète abritera demain – en 2050 – neuf à dix milliards d’habitants, institutions mondiales, ONG et autres décideurs nationaux se penchent depuis longtemps sur les moyens de nourrir durablement cette population. « La production alimentaire actuelle devra être pratiquement multipliée par deux », estime encore la FAO.

GÉNÉREUSE SOURCE DE PROTÉINES Face à cet immense défi, la production d’insectes comestibles est l’une des pistes envisagées pour subvenir aux besoins alimentaires de demain. Les insectes font déjà partie des repas traditionnels d’au moins deux milliards de personnes. L’idée n’est plus de les prélever dans la nature mais de les élever en masse. 14

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D’abord parce que la production d’insectes a un faible coût environnemental. Ils sont ainsi bien moins gourmands en eau et en nourriture que les vaches, porcs ou volailles. Et ils nécessitent pour leur élevage au moins dix fois moins de surface tout en rejetant moins de nitrates et de gaz à effet de serre. Difficile toutefois de chiffrer précisément ces avantages. « Car les études sur le sujet ne sont pas toutes cohérentes. Mais toutes vont dans le même sens : à valeur nutritionnelle égale, on a une empreinte carbone plus faible en mangeant des insectes qu’en mangeant du bœuf », analyse Christophe Lavelle, chercheur au CNRS en biophysique moléculaire, épigénétique et alimentation et cofondateur du Food 2.0 LAB. De plus, si l’on porte un intérêt grandissant aux insectes comestibles, c’est aussi pour leur valeur nutritionnelle, leur richesse en protéines notamment. « Si l’on raisonne sur la matière totale, la

« À valeur nutritionnelle égale, on a une empreinte carbone plus faible en mangeant des insectes qu’en mangeant du bœuf. »


proportion de protéines est identique ou supérieure à celle des sources conventionnelles, note Samir Mezdour, chercheur en sciences des aliments à AgroParisTech. Le ver de farine, par exemple, contient entre 22 et 34 % de matière protéique. Pour les protéines animales conventionnelles, cette part s’échelonne entre 1 et 26 %. » Mais sur la matière sèche, une fois les insectes asséchés et débarrassés de leur eau, réduits en farine par exemple3, la proportion de protéines peut dépasser les 70 %. Surtout, les insectes sont de très efficaces convertisseurs de matière. Ils ont une bien meilleure capacité à transformer la matière qu’ils mangent en protéines, lipides et autres nutriments qu’une vache ou une poule. Sur 10 kilos ingurgités, ils pourraient en convertir 7 à 8 kilos contre moins de la moitié pour les animaux d’élevage conventionnels. « Évidemment, tous les insectes n’ont pas les mêmes propriétés. Il y a près d’un million d’espèces d’insectes mais seulement 2 100 environ sont considérées comme comestibles et moins de dix sont aujourd’hui dans le giron des entreprises pour être élevées en masse », prévient Christina Nielsen-Leroux, directrice de recherche au sein de l’Institut Micalis4. Deux espèces d’insectes intéressent en réalité beaucoup les startup et acteurs de l’agroalimentaire : le Tenebrio molitor, ou scarabée molitor, mieux connu à son stade larvaire sous le nom de ver de farine, et l’Hermetia illucens, couramment appelée mouche soldat noire. De nombreux travaux de recherche académiques ont été menés sur ces insectes depuis plusieurs décennies. Ils ont notamment démontré qu’ils étaient plus faciles à domestiquer à grande échelle.

POUR L’ALIMENTATION ANIMALE D’ABORD Est-ce à dire qu’on verra bientôt se multiplier les insectes sur les étals des boucheries, marchés ou grandes surfaces ? Pas vraiment. Car le marché principal des nouveaux producteurs d’insectes est celui de l’alimentation animale : chiens et chats (pet food), aquaculture, volailles et porcs. Autant d’espèces omnivores qui, naturellement, sont déjà des consommatrices d’insectes. « Nourrir les poissons d’élevage avec des farines d’insectes est un levier particulièrement intéressant pour l’avenir », avance Christophe Lavelle. Aujourd’hui, en effet, un bateau sur quatre dans le monde pêche pour nourrir les poissons d’élevage. « Cette surpêche contribue à une perte de biodiversité des fonds marins mais aussi des oiseaux, qui s’en nourrissent, poursuit Antoine Hubert, P.-D.G. d’Ynsect. De la même façon, les poulets et porcs sont nourris en grande partie avec du soja en provenance du Brésil et participent à la déforestation. Il s’agit réellement de N° 62 - KAIZEN

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Dossier

Le grand retour du train

© Musawarri

Juliette Labaronne

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Solidement ancré dans nos imaginaires, le train semble avoir toujours existé. Pourtant son histoire remonte à un siècle et demi seulement. Depuis, de nombreuses petites lignes ont disparu, concurrencées par l’automobile. Mais face au grand défi climatique, nous pouvons encore compter sur 30 000 kilomètres de rails reçus en héritage. À mesure que l’opinion prend conscience des enjeux environnementaux, le train revient sur le devant de la scène en raison de sa sobriété énergétique. Avec, en ligne de mire, le redéveloppement de liaisons françaises et transeuropéennes et une jeunesse qui ne demande qu’à remonter à bord. Pour aller plus loin ou témoigner, écoutez « Je pense donc j’agis » sur RCF lundi 9 mai, de 9 heures à 11 heures. L'émission sera consacrée à ce dossier. À réécouter sur rcf.fr ou kaizen-magazine.com

Poids en kgCO2e* par personne 30 km

Train

Autocar

Avion

Voiture (total à diviser par le nombre de passagers) 5,79 (thermique) 0,59 (électrique)

0,12 (TER ou Transilien)

500 km

0,87 (TGV) 2,65 (Intercités)

17,6

63

96,5 (thermique) 9,9 (électrique)

1,73 (TGV) 5,29 (Intercités)

35,2

102

1000 km

193 (thermique)

Vélo 0 (traditionnel) 0,06 (avec assistance électrique)

gie incluses, es, production et distribution d’éner personne en France. Émissions direct *Valeurs en kilo équivalent CO2 par . Source : Ademe. orts…) aérop rails, s, (route res des infrastructu hors construction des véhicules et t.com/train/comparateurco2 transports sur vos trajets : sncf-connec Pour comparer différents modes de

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Dossier

Pourquoi le train de nuit fait-il (encore) rêver ?

Q

u’il roule à l’électricité ou au diesel, le train s’affiche comme le moyen de transport moyenne ou longue distance le plus sobre. Le train de nuit permet d’envisager des trajets de 800 kilomètres ou plus sans perdre une journée ; après des années de disette, une nouvelle génération de voyageurs le plébiscite à nouveau.

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Après un âge d’or dans les années 19601970, les trains couchettes ont connu un lent déclin, qui a culminé au milieu des années 2010. Plombés par la concurrence de l’avion bon marché, une commercialisation confidentielle et des voitures en piteux état, les trains de nuit français et allemands sont alors, à des rares exceptions, rayés de la carte. Le même sort est réservé aux liaisons trans­européennes nocturnes. Pascal Dauboin, membre du collectif Oui au train de nuit !, créé pour dénoncer l’abandon de ce mode transport économique, décentralisateur et écologique, se souvient : « Parti de rien, notre collectif est né en Occitanie en 2016, au moment où le “train de nuit bashing” était à son apogée. Nous étions une poignée de bénévoles voulant faire remonter à Paris les problèmes soulevés par la disparition des trains de nuit, et avec eux des dessertes intermédiaires et transversales précieuses. » Rapidement

UNE RELANCE… À PETITS PAS Côté européen, sous la pression citoyenne et face à l’urgence climatique, l’Union européenne encourageait fin 2020 la relance des trains de nuit par le biais d’une coopération entre les compagnies allemande, française, suisse et autrichienne. Ces

© Alexandre Sattler

Il avait quasiment disparu au profit de l’avion au milieu des années 2010. Le sort du train de nuit, jugé d’un autre âge, semblait scellé et les voitures couchettes bonnes pour la casse. Quelques années plus tard, tel le Phénix, il renaît de ses cendres en France et en Europe. Pourquoi tant de résilience ?

rejoints par des usagers de toute la France, leur pétition en ligne cumule plus de 200 000 signatures ; des rassemblements apolitiques et pacifiques sont organisés en gare… « Nous prêchions dans le désert, reprend l’activiste, mais notre combat pour le train de nuit est maintenant partagé par des jeunes mobilisés pour le climat ou conquis par ses atouts. Grâce à notre expertise, nous participons aux discussions et nos propositions ont été reprises en partie par le gouvernement il y a un an. » En plus des réouvertures inaugurées ces derniers mois, comme le Paris-Nice et le Paris-Lourdes, le rapport gouvernemental préconise la relance d’une dizaine de lignes nocturnes en France d’ici 2030-2035, pour un budget d’1,5 milliard d’euros, trains neufs inclus. Un investissement raisonnable : par comparaison, la LGV BordeauxToulouse, construite à partir de 2024, doit coûter a minima 10 milliards d’euros, tout comme le chèque signé par l’État pour aider Air France à passer le mauvais cap de la pandémie. « Passé l’effet d’annonce, il faut veiller à ce que l’argent soit bien débloqué et les rames commandées, ce qui n’est toujours pas le cas », se méfie Pascal Dauboin.


dernières annonçaient fièrement étudier la réouverture de plusieurs services européens, comme le ParisVienne, relancé effectivement en décembre 2021, ou le Paris-Berlin, prévu pour 2023. De quoi recréer un semblant d’alternative à l’avion et à la voiture certes, mais à petits pas. Car toutes les compagnies se heurtent au même problème : la pénurie de trains couchettes neufs ou rénovés disponibles. Concevoir et construire un nouveau matériel prend entre quatre et six ans et personne n’avait anticipé un tel

Quelles couchettes en 2022-2023 ?

© Alexandre Sattler

Dès la création des lignes longue distance, les trains ont roulé de jour comme de nuit. retournement de situation et d’ambitions. Personne exception faite de l’autrichien ÖBB. En rachetant les trains couchettes délaissés par la compagnie allemande dans les années 2010, puis en lançant ses Nightjets rénovés sur les rails d’Europe centrale, ÖBB a eu le nez creux, affichant aujourd’hui des comptes positifs et un trafic en augmentation. La compagnie autrichienne ne pourra pour autant pas sillonner l’ensemble du continent… Faute d’un manque d’anticipation, les voyageurs devront patienter avant de sauter aussi facilement dans un train de nuit que dans un avion low cost. Pourtant, dès la création des lignes longue distance, les trains ont roulé de

jour comme de nuit. Des solutions de voyage confortables étaient proposées dès la fin du XIXe siècle, avec la création des wagons-lits comme l’emblématique Orient Express. C’est en s’inspirant de cet héritage et en le croisant avec nos attentes actuelles qu’Adrien Aumont, cofondateur de Midnight Trains, a imaginé une offre de wagons-lits nouvelle génération prévue pour relier la France à l’Europe du Sud dès 2024 : « Nous finalisons l’acquisition de rames pour nos futurs trains, prévus pour rouler vers l’Italie, l’Espagne, puis le Portugal et le Royaume-Uni. » Trois niveaux de tarifs comparables à l’avion sont prévus, ainsi que des services innovants et… un bon restaurant ! n

Paris < > Nice via Marseille, Toulon, Cannes… Paris < > Portbou via Montauban, Toulouse, Perpignan, Argelès-sur-Mer… Paris < > Latour-de-Carol via Toulouse, Foix… Paris < > Albi via Rodez… Paris < > Briançon via Gap Paris < > Lourdes via Tarbes, et jusqu’à Hendaye pendant l’été Paris < > Vienne (Autriche) via Strasbourg, Munich et Salzbourg Paris < > Berlin, à partir de 2023

POUR ALLER PLUS LOIN • ouiautraindenuit.wordpress.com • Georges Ribeill et Michel Cozic, Les Trains de nuit. Deux siècles de voyages, de la banquette de bois au wagon-lits, La Vie du Rail, 2021 • Thibault Constant, Trains de nuit. 30 trajets inoubliables, Gallimard, 2021

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JOHN TROTTER/MAPS

NO AGUA, NO VIDA rubrique Xxxxxx Xxxxx

Xxxxxx

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Des corvinas (un type de bar) sont déchargés d’un bateau sur le fleuve Colorado pour être vidés et nettoyés dans un camp de pêche cucapá, près de l’embouchure du Colorado, dans le golfe du Mexique. Les Cucapás ont dû lutter contre les autorités gouvernementales mexicaines et les pêcheurs non indigènes pour continuer à utiliser leurs lieux de pêche traditionnels pour la pêche hivernale du corvina, principale source de revenus de la tribu. La zone est en effet considérée comme faisant partie de la réserve de biosphère nationale du haut golfe de Californie.

e d’ornières, sèche et plein te is p e n u r su le delta de ma voiture monde, dans t u n d la s e vo id u a m u is h ses es 2001, j’éta s grandes zon -Unis d’immen lu ts p ta s É e « Le 24 mars x d u e ’a n u l’u q s la mer ées, je lisais qui avait été ait presque plu epuis des ann traversant ce n D ig e. e u tt iq ’a n ex ’il M u u rado a du fleuve q Trotter du fleuve Colo loqué le débit b t n e m lle i-même… » John te o t m n r ie a a p ir av s vo e r g barra écidé d’alle i finalement d de Cortez. J’a

POUR ALLER PLUS LOIN Découvrez No Agua, No Vida jusqu'au 22 mai au festival photo L’Œil urbain, à Corbeil-Essonnes (Essonne). ∙ loeilurbain.fr N° 62 - KAIZEN

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et si on le faisait ensemble ? Anaïs Andos Sébastien Pons/ Hans Lucas

LES JARDINIÈRES MASQUÉES

CULTIVENT UN MONDE MEILLEUR Tout le monde peut planter, récolter, entretenir : c’est ce que défendent les Jardinières masquées. À Tours, ce mouvement citoyen né au cœur du premier confinement a apporté l’étincelle pour le développement du comestible en ville.

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A

lors qu’elle commence son tour du jardin pour l’état des lieux habituel, Véronique se souvient de ce que lui avait affirmé le petit Ismaël il y a deux ans : « Les concombres, ça pousse dans les supermarchés. » Elle s’en souvient comme si c’était hier. « Ça nous a rappelé à quel point on est déconnectés. Il faut en prendre conscience… » À 60 ans, Véronique est l’une des fondatrices du mouvement des Jardinières masquées devenu officiellement, le 24 janvier 2022, une association. Initié en avril 2020 par quelques habitants, ce jardinage urbain pacifique pavé de bonnes intentions était pourtant bel et bien considéré comme un acte de désobéissance civile. En plein confinement, ces femmes, ces hommes et ces enfants utilisaient l’espace public sans autorisation pour planter et récolter des comestibles… Seulement, aujourd’hui, les choses ont changé et la municipalité s’est largement saisie du sujet. « C’est un acquis ! C’est super de voir que le travail n’a pas été vain », explique Véronique en continuant son tour.

D’ABORD, PRÉPARER LE TERRAIN Comme tous les dimanches, les Jardinières se retrouvent à La Gloriette, le plus grand parc de Tours, où elles ont élu jardin potager en décembre 2020. Malgré un vent à décorner les topinambours, le soleil de février est plutôt chaud et des notes de musique parviennent même jusqu’à nos oreilles. Est-ce déjà le printemps qui nous prévient qu’il ne va plus tarder ? « Habituellement, il y a une dizaine de personnes qui jardinent, sans compter les gens qui s’intéressent, qui passent juste voir ou discuter », mais aujourd’hui, ils ne seront que trois, vacances obligent. Véronique, Yvon et puis Arsène. Parti de Metz il y a quelques mois pour s’installer à Tours, cet informaticien de 27 ans est en reconversion pour devenir jardinier et possède déjà des savoirs qu’il est ravi de partager ! Elle se trouve ici la force des Jardinières masquées : regrouper des personnes de tout âge aux profils variés pour défendre

ensemble l’importance des choses simples. Lors des plantations ou des ateliers, tout le monde vient comme il est, avec ses connaissances, ses techniques, ses outils et son envie de cultiver un monde meilleur. Pour Véronique, qui continue son état des lieux, cela ne fait aucun doute : « Tout est utile, il n’y a pas de mauvaises herbes. » Elle parle du jardin potager bien sûr. Mais finalement, le monde ne serait-il pas un jardin plus accueillant si on laissait à chacun la possibilité de trouver la

Le monde ne serait-il pas un jardin plus accueillant si on laissait à chacun la possibilité de trouver la place qui lui convient pour s’épanouir ?

Pendant qu’Yvon dépose de la paille sur des zones où seront plantés de jeunes arbres fruitiers (ci-contre), Veronique observe un jeune prunier (ci-dessous).

place qui lui convient pour s’épanouir ? « Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin », dit le proverbe et ça, les Jardinières l’ont bien compris. Grâce au partage de connaissances de Pauline, Emmanuel, Jeanne, Martin, Baptiste, Sophie, Yanis et d’autres, la petite idée a bien grandi. Adieu engrais chimiques et pesticides ! Ici, c’est l’intelligence collective qui prépare le terrain pour demain. La preuve que ça fonctionne ? C’est Betsabée Haas, adjointe à la biodiversité à la mairie de Tours qui nous la donne : « Je les remercie d’avoir fait ce qu’elles ont fait, je pense que c’était important. Le fait d’avoir été là

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Voyage à la rencontre du vivant Alicia Blancher

DES VOSGES DU NORD PARC NATUREL RÉGIONAL

L’ÉVEIL DES SENS

En résumé • À cheval sur le Bas-Rhin (Alsace) et la Moselle (Lorraine) • 128 000 ha, dont 83 500 ha de forêts • Sommet le plus haut : 581 m • 2 600 km de chemins de randonnée pédestre et 600 km d’itinéraires cyclables • Réserve mondiale de biosphère inscrite à l’Unesco depuis 1989 • 8 sites Natura 2000 • 40 châteaux et 28 musées

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ux premiers pas, quelques picotements se font sentir. Mais au fur et à mesure que nos pieds nus s’enfoncent dans le sol terreux de la forêt, la sensation devient presque agréable. C’est très calme. Seuls quelques chants d’oiseaux et le crépitement des feuilles sous nos pieds font écho à l’horizon. Sur ce chemin zébré par les ombres des hêtres et châtaigniers majestueux, Manuela Peschmann nous guide. Lors de ses thérapies forestières, qu’elle pratique depuis douze ans au sein du parc naturel régional des

Vosges du Nord, elle met un point d’honneur à faire travailler nos sens, comme le toucher en marchant pieds nus. « Le câlinage des arbres n’est qu’une infime partie de la sylvothérapie [pratique qui repose sur les bienfaits du contact avec les arbres, N.D.L.R.] », prévient l’amoureuse de la nature. Cette ancienne professeure de sciences et vie de la terre (SVT), originaire de la région, le confesse : elle a « la forêt dans les gènes ». Il y a quelques années, elle découvre la sophrologie et décide d’effectuer des exercices de relaxation dans les bois. « J’ai vite observé qu’ils

© Jean Isenmann

Un océan de forêts, des falaises de grès rose et un paysage ondulé de collines. Le parc naturel régional des Vosges du Nord (PNRVN) séduit nombre de randonneurs ou cyclistes chevronnés. Et si l’on empruntait des chemins de traverse pour voyager autrement et découvrir les multiples savoir-faire locaux, sur les marchés, dans des ateliers ou au creux des bois ?


étaient plus efficaces en extérieur. Et en même temps, je voyais la nature avec un autre regard parce que je ralentissais. Je n’étais plus la scientifique qui essayait de comprendre, d’analyser, j’étais revenue à quelque chose de plus sincère, comme un enfant en pleine exploration », explique simplement Manuela Peschmann. Pour « être dans l’instant présent » et « respecter l’environnement ambiant », la formatrice encourage au silence lors

voyageur et ces animaux sauvages, le parc organise régulièrement des sorties nature. On observe et on écoute, surtout la nuit ; le plus grand rapace nocturne d’Europe, le grand-duc, et le plus petit, le chevêchette, cohabitent notamment dans ce territoire feuillu. Cédric Dossmann est un fin connaisseur de cette nature vosgienne. Mais sa spécialité, c’est plutôt la flore. Cet Alsacien s’est lancé dans la culture du safran et la cueillette de plantes sauvages en 2014.

« Je voyais la nature avec un autre regard parce que je ralentissais […] J’étais revenue à quelque chose de plus sincère. » de ses bains de forêt. Elle fustige le « côté intrusif de l’humain » dans la nature, qui a tendance à oublier les habitants du lieu ; pour les nuits en forêt qu’elle organise, elle demande par exemple aux participant·es de ne pas porter de parfum.

© Accalmia - © Alicia Blancher

NATURE REINE Des cerfs, quelques loups, des pics et même des lynx1 ! Nombre d’espèces animales arpentent cet océan de forêts – 66 % du parc – en toute liberté, et plusieurs d’entre elles sont protégées. C’est le cas des faucons pèlerins et des chauves-souris, pour lesquelles tout un grenier d’église a été aménagé dans la commune de Niedersteinbach, à proximité de la frontière franco-allemande. Pour faciliter la rencontre entre le

« J’avais envie de valoriser ce qui était à portée de main », se justifie-t-il. Au bout de sa table en bois, des petits pots verts et roses sont alignés en rang d’oignons. Après avoir fait ses conserves d’ail des ours toute la matinée, il part « à la chasse à la violette » cet après-midi pour les prochaines tournées de gelée. Pestos à l’ail des ours, confitures au safran, vinaigre à la fleur de sureau… Sur l’année, il travaille sur près de soixantedix plantes sauvages.

nuit, Sandrine Lombard, propriétaire du gîte Les Cigognes. Mais la nuit a été paisible dans cette grande maison en pierre, aux colombages traditionnels. Au petit matin, l’hôtesse nous montre avec fierté un nid à quelques mètres du jardin, dans lequel deux grands oiseaux blancs se dressent. Le gîte est niché à Neuwiller-lèsSaverne, un village situé au sud du parc, connecté par des bus-TER à la gare de Saverne, où des liaisons vers la gare TGV de Strasbourg sont possibles. Aux Cigognes, la nature est au seuil de la maison. « Je promeus des sorties dans les 20 ou 30 kilomètres aux alentours. Et beaucoup de voyageurs aiment rester au gîte, pour faire des randonnées à proximité, manger local via les fermes voisines… Ici, ce n’est pas la course à plein de visites », témoigne cette employée du ministère de la Transition écologique, qui a longtemps travaillé sur les aires protégées. Sandrine Lombard est une grande amoureuse de son territoire d’origine, qu’elle connaît comme sa poche : « Les Vosges du Nord, c’est ma maison. »

« CE N’EST PAS LA COURSE À PLEIN DE VISITES » « Si vous entendez “clac-clacclac”, ne vous inquiétez pas, ce sont les cigognes », nous prévient, à la tombée de la

Sandrine Lombard (ci-dessus), propriétaire du gîte Les Cigognes, organise des séjours sur-mesure, entre nature et culture. Manuela Peschmann (ci-contre), sophrologue et guide en thérapie forestière, invite chacun·e à « une relation plus harmonieuse, plus saine et respectueuse avec la nature ». Toutes deux ont rejoint la marque engagée Valeurs Parc.

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LA SAUGE

D.I.Y. Sylvie Hampikian Olivier Degorce

& SES PETITS SECRETS

Parmi plus de sept cents espèces de sauges, la version « officinale » de nos jardins semble rassembler toutes les vertus santé et beauté. C’est l’une des plus anciennes plantes cultivées pour ces usages, tant en Europe qu’en Asie. Voici quelques-uns de ses petits secrets.

La sauge sous la loupe La sauge officinale (Salvia officinalis) est une jolie plante au feuillage velouté qui offre au printemps des hampes de fleurs violettes. Lorsqu’on la froisse, elle libère un arôme puissant qui trahit son usage médicinal. Au moindre petit bobo (piqûre d’insecte, écorchure, coupure), courez à votre pied de sauge et malaxez-en quelques feuilles, qui donneront un cataplasme salutaire à appliquer là où ça fait mal. Mais la sauge est aussi utile en cosmétique que pour la santé. On l’emploie par exemple contre la transpiration excessive, l’acné et de nombreux problèmes cutanés. Elle est très réputée pour les

Appréciée depuis l’Antiquité, la sauge est aussi utile en cosmétique que pour la santé. soins bucco-dentaires, notamment comme dentifrice ou pour soulager les aphtes et les gencives irritées. Et comme si cela ne suffisait pas, elle donne de beaux reflets aux cheveux foncés. De fait, la sauge bénéficie d’une incroyable richesse en composés bioactifs : tanins, dont acide rosmarinique, flavonoïdes, di- et triterpènes, mucilages, vitamine K, oligo-éléments, etc. Revers de la médaille, la sauge contient des phytoestrogènes, qui limitent son usage à long terme en interne. Elle contient également une huile essentielle (HE) riche en thujone, une cétone toxique. Par conséquent, l’huile essentielle de sauge officinale n’est pas disponible en vente libre à l’état pur. Vous pouvez la trouver sous forme 58

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diluée à 20 % dans une huile végétale, laquelle peut être employée dans des massages contre la cellulite par exemple, mais toujours avec la plus grande prudence et surtout pas pendant la grossesse. Obtenu en même temps que l’huile essentielle, l’hydrolat de sauge officinale est beaucoup moins concentré en actifs. Il constitue une excellente lotion visage pour les peaux mixtes, grasses ou acnéiques. On l’emploie aussi en friction tonique et équilibrante du cuir chevelu. Autre forme intéressante et plutôt originale, la poudre de sauge est constituée de feuilles séchées et finement broyées. On peut la préparer soi-même, si l’on dispose du matériel adapté, ou l’acheter en herboristerie ou sur Internet. Elle s’emploie humectée d’eau tiède, en masque capillaire colorant, tonifiant et assainissant, ou en masque visage tonifiant et antiacnéique. Elle s’utilise aussi à sec, comme dentifrice 100 % naturel ou comme déodorant (dans les chaussures par exemple).

Il était une fois… La sauge est appréciée depuis l’Antiquité, autour de la Méditerranée. En usage externe (lotion, cataplasme), elle figure comme remède contre les démangeaisons dans le papyrus Ebers, traité médical datant d’environ 1 500 av. J.-C. Les Romains lui donnèrent le nom de Salvia (sain, en bonne santé), illustrant le fait qu’elle soigne tout ou presque. Au fil des siècles, sa renommée ne s’est jamais démentie. Ainsi, au début du XVIIe siècle, les Chinois échangeaient deux à trois caisses de thé contre une seule caisse de sauge venue d’Europe. Et ils avaient le sentiment d’avoir fait une bonne affaire, car ils considéraient la sauge comme une panacée ! n


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Alicia Blancher Le Cil Vert

TOILETTES SECHES

PETIT COIN ÉCO… L’EAU Tirer la chasse d’eau, quoi de plus anodin ? Pourtant, ce geste automatique consomme 3 à 8 litres d’eau potable. Pour réduire notre empreinte H2O, ainsi que les déchets à traiter en station d’épuration, les toilettes sèches sont un allié de taille. Alors, prêt·e à installer vos cabinets écolos ?

P

as d’éclaboussures, aucun bruit, et une bonne odeur de sciure… Les toilettes sèches présentent plus d’atouts qu’il n’y paraît. Mais au-delà du confort, ce sont les économies d’eau générées qui attirent de plus en plus d’adeptes. Et pour cause, tirer la chasse déverse 3 à 8 litres d’eau potable dans la cuvette 1, soit 20 % des 143 litres que nous utilisons chaque jour, selon l’Ademe 2. Face à cet immense gâchis, et aux enjeux croissants liés à cet or bleu, changer nos pratiques au petit coin est loin d’être inutile. Cerise sur le gâteau, les toilettes sèches réduisent les déchets envoyés en station d’épuration. Il existe différents types de toilettes sèches. Par simplicité d’installation et d’utilisation, nous présentons ici les toilettes sèches à litière biomaîtrisée. Comment ça marche ? On soulève la lunette (rien de dépaysant jusque-là), et on fait ses besoins dans un seau, dans lequel on a déposé au préalable une couche de copeaux. Le papier hygiénique part avec. Une fois son affaire terminée, on recouvre avec une bonne poignée de sciure ou de broyats végétaux secs : la fameuse litière « biomaîtrisée ». On vide ensuite le seau plein dans le compost, et on le rince à l’eau. Un nettoyage complet, à l’aide de vinaigre d’alcool par exemple, est conseillé de temps en temps.

LE DÉCHET DEVIENT RESSOURCE Azote, potassium, phosphate… Nos excréments et nos urines contiennent de nombreux minéraux nécessaires au développement du végétal. Alors 62

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pourquoi ne pas rendre à César ce qui appartient à César ? Pour les cultures alimentaires, il faut néanmoins prendre quelques précautions si l’on souhaite utiliser le compost issu des toilettes sèches en raison de la présence d’agents pathogènes et d’éventuelles substances médicamenteuses : Que dit la loi ? mélanger, favoriser l’aération, stocker le compost penL’installation de toilettes sèches est réglementée dant au moins deux ans, etc. par l’arrêté du 7 septembre Selon le Réseau de l’assainis2009 : ces dernières « sont sement écologique3, dans le autorisées, à la condition cas d’une utilisation au potaqu’elles ne génèrent aucune ger pour la production alinuisance pour le voisinage, mentaire, il est nécessaire de ni rejet liquide en dehors maîtriser le sujet, comme les de la parcelle, ni pollution productions envisageables, des eaux superficielles ou ou les méthodes d’applicasouterraines ». C’est pourquoi tion. Pour les débutants, pas il est nécessaire de mettre de panique : les arbustes, en place une « aire étanche arbres, ou autres ornements, conçue de façon à éviter tout se satisferont grandement de écoulement et à l’abri des votre engrais fait maison. n intempéries ». Et cette zone 1. Avec les chasses d’eau à double de compostage ne doit pas touche, on peut adapter le volume d’eau être placée aux abords de nécessaire à chaque utilisation, à partir sources et points d’eau. de 3 litres pour une utilisation légère. 2. Clément Chabot et Pierre-Alain Lévêque du Low-tech Lab, Low-tech. Repenser nos technologies pour un monde durable, Rustica, 2021. 3. « Guide de bonnes pratiques pour le compostage des sous-produits de toilettes sèches », RAE, avril 2010. Disponible en ligne.

Avec le Low-tech Lab, passez à l’acte et retrouvez le tutoriel des toilettes sèches avec ce code QR.


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cuisine,

, EN MODE ZE RO DE CHET ! Linda Louis

LA FRAMBOISE Rien de bien compliqué avec la framboise : tout lui va ! Délicieuse crue, déposée sur un fond de tarte et une crème pâtissière, un tiramisu, dans une salade de fruits ou mixée en sorbet, elle s’ajoute également aux pâtes à gâteaux, cocktails… En conserve, les options sont tout aussi nombreuses : sirop, confiture, pâte de fruits, chutney, vinaigre aromatisé, vin apéritif… Quant à ses déchets, voici quelques idées pour les recycler !

AVEC UN RESTE DE PULPE CONTENANT LES GRAINES

Lorsque vous passez les framboises à l’extracteur de jus ou dans une passoire à coulis, vous obtenez une partie solide (contenant les graines).

Ne la compostez pas ! Selon les appareils, elle contient encore un peu de pulpe qui peut être utile. Ajoutez-en dans du vinaigre (laissez macérer 1 mois, puis filtrez), dans une pâte à gâteau (environ 2 c. à s.), dans un mélange de granola maison [lire page 72]. Vous pouvez également préparer avec des boissons rafraîchissantes ou de la gelée : pesez la matière solide, ajoutez 50 % de son poids en eau, mélangez dans une casserole et portez à ébullition. Filtrez à travers un tamis fin pour obtenir un jus clair.

Boissons : ajoutez ce jus

dans de l’eau pétillante, du kombucha ou du kéfir maison, un thé vert froid, un mojito, avec du sucre (à convenance) et des glaçons. Gelée : mélangez 400 ml de jus de fruits rouges filtrés, 600 ml de jus de pomme et 700 g de sucre ; portez jusqu’à 106 °C (point de gélification) et versez dans des pots à confiture. Il est également possible de faire sécher cette pulpe et l’ajouter dans à une pâte à biscuits, la gamelle des chiens, des boules de graisse à destination des oiseaux.

AVEC LES FEUILLES DE FRAMBOISIER Si vous avez des framboisiers dans votre jardin, profitez de leurs belles feuilles pour parfumer les pichets d’eau, les limonades ou les apéritifs maison.

Ratafia de feuilles de framboisier : disposez

dans un grand bocal 300 g de framboises, 6 ou 7 feuilles fraîches de framboisier, 1 bouteille de vin rouge, 150 g de sucre blond de canne, 200 ml

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d’alcool de fruit à 40 °. Mélangez bien et laissez macérer pendant 2 semaines en remuant tous les jours la première semaine. Filtrez à travers un linge sans presser. Mettez ensuite en bouteille préalablement lavée à l’eau bouillante. Patientez encore 2 semaines avant de déguster bien frais. Ne jetez pas les framboises confites ! Égouttez-les bien et préparez avec un chutney à la pomme ou la poire.


AVEC DES FRAMBOISES LÉGÈREMENT ABÎMÉES Petits-suisses glacés à la framboise Temps de préparation : 10 min Congélation : 8 heures Conservation : 6 mois Ingrédients pour 4 personnes 3 petits-suisses 100 g de framboises 50 g de banane mûre 50 g de sirop d’agave

1. Mixez tous les ingrédients ensemble

jusqu’à l’obtention d’une crème onctueuse.

2. Répartissez-la dans les quatre moules

de petits-suisses (ou dans des moules en porcelaine). Plantez un bâtonnet en bois au centre. 3. Placez les petits-suisses au congélateur pendant 8 heures. 4. Une fois bien glacés, passez-les quelques secondes sous un filet d’eau chaude, démoulez et dégustez.

Crumb cake à la framboise et aux amandes 1. Préchauffez le four à 160 °C. Préparez le gâteau aux amandes. Mélangez Temps de préparation : 30 min Cuisson : 55 min Conservation : 3 jours Ingrédients pour 8 personnes Gâteau aux amandes 120 g de farine T80 80 g de poudre d’amande 170 g de sucre blond de canne 3 œufs 70 g de beurre fondu 2 c. à c. rases de poudre à lever Une pincée de sel 130 g de framboises Crumble 60 g de farine 50 g de sucre complet 40 g de beurre mou 30 g d’amandes effilées Sucre glace

la farine, la poudre d’amande, le sucre, la poudre à lever et le sel dans un saladier. Ajoutez les œufs et le beurre fondu. 2. Versez la pâte dans un moule beurré (20 cm de diamètre). 3. Rincez rapidement les framboises et disposez-les sur la pâte. 4. Préparez le crumble. Mélangez la farine, le sucre complet et le beurre mou et travaillez le tout du bout des doigts. 5. Émiettez le crumble sur les framboises. Ajoutez les amandes effilées. Enfournez pendant 55 minutes. Saupoudrez d’un voile de sucre glace quand le gâteau a refroidi.


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