Opposition Architecture Traditionnelle et Contemporaine

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Mémoire réalisé par Apdil Kadir Bostan, Sous la direction de Geoffrey Grulois, En vue de l’obtention du master en architecture.

Faculté La Cambre – Horta, Université Libre de Bruxelles, Année Académique 2021-2022

Remerciement

Avant tout, je suis très reconnaissant à mon promoteur de thèse, Geoffrey Grulois, qui m’a accordé une grande confiance dans la rédaction d’un sujet d’étude aussi important. Je tiens également à remercier mes amis qui m’ont aidé et conseillé. Surtout, ceux avec qui j’ai partagé mes moments de stress et de joie et qui ont été constamment présents pour moi. Mes sincères remerciements vont à mes parents, sans qui rien de tout cela n’aurait été possible. Ils m’ont tou jours fait sentir leur soutien inconditionnel dès le début du processus d’écriture.

La politique urbanistique de Bruxelles est un sujet qui a attiré mon attention pour la première fois lors de mon cours de séminaire avec Ludivine Damay en BA3. La lecture et l’analyse de l’article : « Activisme urbain et politiques architecturales à Bruxelles : le tournant générationnel » écrit par Gaël Comhaire m’a vraiment plongé dans la question. Au cours de mon Erasmus en Turquie, j’ai réalisé mon travail de méthodologie en prenant comme référence l’article de Comhaire qui avait pour sujet l’opposition entre l’A.RA.U. (L’Atelier de Recherche et d’Actions Urbaines) et DiS turb. C’était pour moi l’opportunité d’apprendre plus sur l’urbanisme de ma ville natale et de le partager avec des personnes qui n’avaient pas beaucoup de connaissances concernant Bruxelles. Ce travail m’a fait comprendre à quel point j’avais très peu de savoir sur l’histoire urbanistique et sur les grands projets qui ont façonné la ville. « L’architek », « Bruxellisation », « A.R.A.U. » et « Disturb » sont des termes et des groupes très importants pour Bruxelles, mais ce n’est que très récemment que j’ai eu connaissance de tout cela. Avec ce mémoire, j’ai dès lors l’opportunité de m’investir encore plus sur la politique urbaine de Bruxelles, mais cette fois-ci en me concentrant sur le présent et le futur. Un récent changement est en train de prendre place. Des nouveaux acteurs effectuent leurs apparitions dans le but de transformer la ville, ce travail consistera donc d’en apprendre plus sur eux et sur leurs idéologies et d’apporter une vision critique sur ces acteurs. En tant que futurs architectes, nous nous devons de savoir ce qui se passe dans la ville. Car ce sera à nous de faire la ville plus tard, ce sera à nous de la changer et de la faire évoluer.

5 Avant-Propos

Table des matières

Remerciement ................................................... 5 Avant-Propos .................................................. 5 Introduction ................................................... 7

1 Bruxelles et … ............................................ 11

1.1 Sa position politique et sociale ................................. 12 1.2 Ses cicatrices urbaines ........................................ 16 1.2.1 L’architek et la Bruxellisation ................................. 16

1.3 Ses luttes urbaines ........................................... 21

1.3.1 Atelier de Recherche et d’Actions Urbaines ..................... 21 1.3.2 DiSturb .................................................. 23 1.4 Conclusion ................................................. 26 2 Troisième tournant dans l’urbanisme de Bruxelles ? ........ 27

2.1 Collectif de signataires ........................................ 28 2.1.1 Les bureaux d’architectures ............................. 29 2.1.2 Carte Blanche ........................................ 30 2.1.3 Esthétique ........................................... 32 2.1.4 Citoyens ............................................. 32 2.1.5 Écologie ............................................. 33

2.2 La Table Ronde de l’Architecture ............................... 34 2.2.1 I.N.T.B.A.U. 34 2.2.2 Le néo-traditionnel contre le modernisme 38 2.2.3 Carte Blanche 40 2.2.4 Esthétique 41 2.2.5 Citoyens 41 2.2.6 Ecologie 42 2.3 Conclusion 43 3 Étude de cas : Tour Dockside 45

3.1 Le projet 46 3.2 Solutions pour l’esthétique 51 3.3 Solutions pour la participation citoyenne 53 3.4 Solutions pour la crise écologique 55 3.5 Avis et Conclusion 57 4 Conclusion 59 5 Annexe : Entretiens et Observation 63 6 Bibliographie 84

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Introduction

En novembre 2021, le journal Le Soir publie deux cartes blanches qui ont pour sujet les soucis actuels concernant la politique architecturale de la ville de Bruxelles avec un intervalle d’une se maine. Ces deux articles marquent en réalité le début d’une opposition qui perdure maintenant depuis plusieurs décennies, mais avec de nouveaux acteurs sur la scène.

Le 11 novembre 2021, la première carte blanche, signée par un collectif de signataires, est diffu sée afin de mettre en question la façon de « faire la ville » à Bruxelles1 Dans l’article, le collectif pose une question importante concernant le futur de la capitale : dans quelle ville veut-on vivre ? Cet appel prend encore plus de valeur de nos jours en vue des si tuations dans laquelle la métropole et même le monde entier se trouvent. La crise sanitaire, le réchauffement climatique et les écarts entre les classes sociales interrogent sur les rapports qu’ont les résidents avec leur ville. D’après ce collectif, les plus grands soucis devant les architectes sont les difficultés de mettre en œuvre leurs idées, leurs projets à cause des procédures interminables et des règles qui n’en finissent jamais. Une critique est également faite envers la pauvre participation citoyenne dans les projets d’architecture aujourd’hui.2

Le 17 novembre 2021, une réponse immédiate vient de la part de trois associations (La Table Ronde de l’Architecture ASBL, Communauté Historia ASBL et Archeologia.be) expertes dans le secteur historique et architectural de la capitale. Ils condamnent les architectes ayant signé la pre mière carte blanche, mais également ceux qui les soutiennent, et les surnomment les « partisans autoproclamés du progrès »3. Ces associations sont d’avis que les vrais problèmes actuels de la ca pitale ne sont pas les processus ou les règles, mais le type d’architecture construit et envisagé pour Bruxelles. Selon ces groupes, il faudra abandonner l’architecture contemporaine et moderniste et se tourner vers l’architecture traditionnelle. Celle avant la Deuxième Guerre mondiale, qui a fait de Bruxelles à l’époque l’une des plus splendides villes du continent européen. Ils préconisent une architecture belle, respectueuse de son contexte, écologique et durable.4 Ce mémoire portera ainsi sur ce désaccord entre deux idéologies très différentes, mais qui ont tout de même un point commun. Bruxelles a besoin de définir une ligne directrice qui lui permet tra d’améliorer sa qualité architecturale, sa relation avec ces habitants et avec son environnement et ce qui lui donnera une identité qui lui soit propre. J’essaierai donc de comprendre les raisons pour lesquelles l’opposition entre l’architecture contemporaine et traditionnelle a refait surface après une absence de plus de 10 ans. Faut-il absolument que Bruxelles ait une préférence d’une des doctrines sur l’autre ou serait-ce possible de déterminer un compromis entre les deux ?

Afin de traiter le sujet et de répondre à la problématique, un plan d’étude a été établi. Tout d’abord, une collecte d’information a été accomplie grâce à la lecture et l’analyse des cartes blanches. Ensuite, des entretiens semi-directifs ont été effectués avec les acteurs importants des

1

Collectif de Signataires,/ (2021, 11 novembre)

2 Ibid

3 La Table Ronde de l’Architecture ASBL, Communauté Historia ASBL et Archeologia.be,/ (2021, 17 novembre).

4 Ibid

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deux camps. Représentant le collectif de signataires, Pablo Lhoas15 et Nicolas Hemeelers2 ont répondu aux questions concernant la situation actuelle de la ville. Du côté de la Table Ronde de l’Architecture, Nadia Everard3 s’est montrée disponible pour contribuer à la réalisation de ce travail. Une visite a été également faite dans l’école d’été organisé par la T.R.A. afin d’avoir une vision plus claire sur les idées de l’association et leur manière de les transmettre.

Le mémoire sera rédigé en trois parties, la première sera constituée d’une introduction de la ville sur sa situation politique ainsi que sociale. Cette partie sera enrichie par un retour dans l’histoire dans le but d’expliquer comment l’urbanisme de Bruxelles a évolué au cours du 20e siècle. Les changements qui ont eu lieu à cette époque ont impacté très au plus haut point les habitants de la ville, et pas seulement, les architectes et urbanistes également ont été perturbés durant ce siècle. C’est pourquoi plusieurs associations et groupements ont vu le jour avec l’objectif de mener une résistance face à ces changements et d’empêcher la ville d’être la victime des promoteurs à but lucratif. La création de ces organisations a aussi fait en sorte que des idéologies, toutes différentes les unes des autres, émergent dans le désir d’améliorer l’architecture de la capitale. C’est comme cela qu’est apparue l’opposition entre l’Atelier de Recherche et d’Action Urbaines, qui appuie une politique conservatrice et DiSturb, une association se tournant plus vers l’originalité et la créativité.

La deuxième partie portera donc sur les deux nouveaux acteurs du débat, la Table Ronde de l’Architecture défendant une architecture traditionnelle et le collectif de signataires prônant une architecture contemporaine. Premièrement, une identification des deux opposants sera effectuée, découvrir qui ils sont et assimiler des informations plus précise sur leurs idéologies. Deuxième ment, grâce à l’analyse des cartes blanches et les entretiens réalisés, une réponse sera formulée pour la problématique qui est de comprendre les raisons pour lesquelles la polémique est revenue dans l’actualité. La recherche sera consacrée à la comparaison des soucis soulevés et les réso lutions proposées par les deux camps. Pour mieux appréhender les problèmes et les réponses avancés, une étude de cas sera effectuée. Le projet de logement, la tour Dockside, soumis pour la commune de Molenbeek, est le projet sélectionné pour expliquer la situation actuelle de la ville. Trois thèmes principaux seront pris en considération lors de l’analyse des problèmes et des so lutions :

La question de l’esthétique

• Pouvoir faire de l’architecture belle est l’objectif des deux camps, car c’est l’es thétique qui rend un projet attractif. Pour réaliser du Beau, la T.R.A. se tourne vers les ornements tandis que le collectif pense que les constructions « moches » de l’époque sont dues aux règles d’urbanisme dépasser.

5 Pablo Lhoas, architecte travaillant dans le bureau Lhoas&Lhoas Architects. Il est le doyen de la faculté d’architecture La Cambre-Horta depuis 2016.

6 Nicolas Hemeelers, urbaniste, juriste et administrateur dans le bureau d’urbanisme Citytools

7 Nadia Everard, architecte et co-fondatrice de l’association la Table Ronde de l’Architecture ASBL

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La place des Bruxellois dans les projets

• La participation citoyenne est présente depuis la création des commissions de concertation, mais aujourd’hui cela n’est pas suffisant et les habitants ne sont pas assez impliqués dans les prises de décisions. C’est un point commun des deux camps, engager les citadins dans les discussions de projets dès le début.

La crise écologique

• Un problème que le monde entier doit régler et l’architecture jouent un rôle clé dans ce combat. La Table Ronde propose l’utilisation des matériaux locaux et durables. Alors que le collectif se tourne plus à augmenter l’attractivité de la ville pour éviter que Bruxelles s’étende encore plus et cause la perte des espaces verts et ouverts.

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1 Bruxelles et …

Dès la fin du XIXe et tout le long du XXe siècle, Bruxelles a subi de grands changements. Pas juste architecturalement, mais également au niveau politique. La ville n’est plus que la capitale d’un petit pays, mais une métropole servant comme centre administratif pour des institutions internationales. Ces nouvelles positions ont causé des transformations dans les politiques urbaines qui n’ont pas toujours été bénéfiques pour la ville. Ce sera donc le sujet de cette première partie où je reviendrais sur les changements du tissu urbain qui ont mené à des luttes et des oppositions entre 1970 et 2000.

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1.1 Sa position politique et sociale

Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, Bruxelles n’arrive pas à déterminer un caractère architectural qui lui soit propre. Contrairement aux autres villes majeures d’Europe, Bruxelles n’a pas eu besoin d’une grosse restructuration au niveau urbanistique puisqu’elle n’a pas subi des dégâts importants8. Les gouvernements se sont ainsi concentrés à créer une image convaincante de la cité future, ils ont donc établi de nouvelles politiques urbanistiques pour pouvoir réaliser des projets à grande échelle.9

La métropole a été et demeure façonnée par un grand nombre d’interactions, de négociations et de conflits entre groupes sociaux.

C’est surtout sa position politique qui rend difficile la détermination et le suivi d’un plan précis. Bruxelles n’est pas juste la capitale de la Belgique, mais encore des communautés françaises et flamandes du pays. Elle est aussi la capitale de l’Union européenne et de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord.10

Bruxelles est le siège principal des institutions européennes, servant de centre pour les réunions du parlement européen et d’autres organisations mondiales. Elle abrite également la Commission européenne et son administration. Ce qui fait de la ville un pôle d’attraction pour les grosses en treprises et un centre financier vital au niveau international. Elle est donc le siège administratif de grandes banques et de grandes sociétés.

Tout cela n’engendre que plus de cent mille fonctionnaires de diverses organisations internatio nales, de salariés appartenant à des groupes industriels, de diplomates, d’experts, de membres de la presse, Belge ou étrangère, vient s’installer dans la capitale. L’arrivée de toutes ces personnes et entreprises a provoqué une forte réclamation de bureaux et de nouveaux appartements dans l’ag glomération. Appartenant à « l’élite », ils sont très intransigeants en ce qui concerne la qualité de leur quotidien, ils demandent donc des infrastructures (logement, scolarité, HORECA et espaces culturels) appropriées à leur mode de vie. Mais, il ne faut pas oublier que ces personnes résident à Bruxelles seulement pour quelques années avant de déménager dans une nouvelle ville du monde pour laisser leurs places à d’autres individus. Bien sûr, la classe moyenne et ce groupe ne représentent pas la totalité des habitants de la Région bruxelloise. Il y’a une portion de la démographie faisant partie de la classe inférieure, il s’agit des immigrés, des réfugiés et des travailleurs clandestins.

8 Sterken, S. (2015)

9 Aureli, P. V., Berlage Instituut, Berlage Instituut, Patteeuw, V., Tronti, M., Deklerck, J., & Tattara, M. (2007)

10 Wynants, P. (2015)

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1. Les bâtiments politiques belges présents à Bruxelles © Nationaal Geografisch Instituut 2. Le quartier Léopold et les instutions européennes © Nationaal Geografisch Instituut

Cette classe, bien qu’elle soit une minorité dans l’ensemble de la ville, elle est une majorité dans certains quartiers (par exemple, Schaerbeek, Saint-Josse, Anderlecht et Molenbeek). Bruxelles est une métropole, la seule de la Belgique, malgré sa modeste superficie, la capitale est l’une des villes les plus importantes du monde. À l’heure actuelle, Bruxelles est la deuxième ville la plus cosmopolite au monde avec 150 nationalités se croisant tous les jours dans ces rues. Ce n’est plus un village occupé par quelques milliers d’habitants, mais une capitale qui a un prestige politique et démographique, avec une histoire très riche, mais également avec beaucoup de po tentiel concernant le futur.11

Il faut aussi noter que la pratique de quitter la ville pour s’installer dans la périphérie ou dans des petites villes du brabant wallon et flamand lorsqu’un ménage devient plus à l’aise continue. Surtout chez les immigrants d’origines turques ou marocaines qui sont en Belgique depuis main tenant plusieurs générations. Bruxelles n’a donc toujours pas retrouver son attractivité d’avant et cherche encore des moyens pour remédier à ce problème.

11 A. D. D. T. P. L. R., Dejemeppe, P., Mouchart, C., Piersotte, C., Raynaud, F., van de Putte, D., R., Agence de développement terri torial pour la Région de Bruxelles-Capitale (ADT), van de Putte, D., Maurizio, C., Bernard, D., & Jean-Louis, G. (2009)

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“La modernisation devient une situation permanente à Bruxelles: une répétition sans fin de démoli tions, de fièvre constructive, de craquements sourds et de flots de béton. Une répétition sans fin de déclin urbain d’un côté et de rénovation de l’autre : la ville est continuellement mourante mais toujours à un endroit différent, de telle façon qu’elle est aussi continuellement réappropriée, rénovée et restau rée. En bref, Bruxelles est un verbe. »12

15
12 LAERMANS , R. (1999)

1.2 Ses cicatrices urbaines

1.2.1 L’architek et la Bruxellisation

Depuis que Bruxelles est devenu la capitale de la Belgique en 1830, la ville médiévale fortifiée a été ouverte et les premiers développements à l’extérieur du pentagone ont eu lieu. C’est durant le règne du deuxième roi du pays Léopold II, aussi connu comme le Roi Bâtisseur, que les grands changements urbanistiques ont commencé à voir le jour.13

Le terme « L’architek »14 est utilisé afin de définir les modifications urbanistiques qui ont eu lieu dans la ville à cette époque.

Les politiques urbaines de Léopold II étaient constituées d’un compromis entre ses visions d’un Bruxelles moderne et les intérêts des promoteurs privés. L’ancien pentagone, considéré comme provincial et inadéquat, devait être «purifié et embelli» et la ville devait être étendue en renforçant les axes historiques existants et en traçant des artères différentes. Le long de ces axes, de nou veaux bâtiments publics et représentatifs, des parcs et des espaces ouverts définissent la structure de l’expansion de Bruxelles.15

Plusieurs projets de grande envergure ont été entamés et achevés durant le règne de LéopoldII : o Le palais de justice o La ligne de train nord-sud o Les grandes avenues o Le quartier Léopold

Vient ensuite la période après-guerre, entre les années 1960 et 1970, Bruxelles subit de nouveau de grandes transformations dans son paysage urbain. Vers la fin des années 1950, les gouvernements bruxellois et belges, en tant qu’autorités respon sables de la planification urbaine et l’aspect architectural de Bruxelles, ont laissé le monopole au marché immobilier et aux promoteurs à but lucratif afin d’augmenter le niveau d’attraction de la ville pour de nouveaux investissements.

Les modifications ont été réalisées en l’absence d’une structure de planification établie au préa lable. Cette période de l’histoire de la ville est synthétisée par le néologisme de bruxellisation qui renvoie à la capacité de destruction d’une ville, à une politique donnant carte blanche au secteur privé et à l’absence complète de discussion, de débats avec les habitants.16

13 Lagrou, E. (2000)

14 Doucet, I. (2012)

15 Doucet, I. (2012)

16 Comhaire, G. (2012)

16

4. Avenue Louise © Inconnu/WikiCommons

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3. Avenue de Tervuren © Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles.

Tout en appliquant une idéologie totalement inadaptée à la ville, avec un retour systématique à l’exemple de l’urbanisme du CIAM résumé dans la « Charte d’Athènes » de Le Corbusier publié en 1942.17

Trois évènements majeurs vont marquer plus que d’autres cette période, le premier est le projet d’extension du Palais de Justice programmé par l’État en 1969. Si cette proposition avait été réa lisée alors, plus de 1200 personnes auraient été expulsées de leurs quartiers, mais la mobilisation des habitants menés par l’abbé Jacques Van der Biest a donné naissance à la « Bataille des Ma rolles ». Le combat a été un grand succès et l’expansion a été annulée.18

Le second scandale durant la période de la « Bruxellisation » est la démolition d’un édifice très important dans l’histoire de la ville. En 1965, malgré toutes les contestations envers le projet, l’un des plus beaux bâtiments du style art nouveau, « La Maison du Peuple », offerts à la ville par Victor Horta a été détruit pour être remplacé par un immeuble à bureaux.

La dernière grande catastrophe de l’époque est le projet «Plan Manhattan»19 dans le quartier Nord. Le projet consistait à démolir 53 hectares de quartiers à usage mixtes (logements, petits ateliers, magasins…). Et d’ensuite les succéder par un ensemble de 70 immeubles-tours reliés par un réseau de passerelles et de jardins publics à treize mètres de haut20. Les deux personnes derrière ce projet étaient Paul Van den Boeymans et Charly de Pauw.21 Leurs objectifs étaient de créer un secteur de finance, inspiré du « Wall Street » de New York d’où le nom Manhattan, dans la capitale. Bruxelles est une ville dense avec peu d’espace libre (hormis les parcs urbains que l’on trouve un peu partout dans la ville), il avait donc été décidé de détruire des zones populaires pour pouvoir réaliser le projet22. Les quartiers concernés étaient la «Ville de Bruxelles», «Schaerbeek» et «Saint-Josse-Ten-Noode». Schaerbeek et Saint-Josse sont les quartiers dont les habitants sont en majeure partie des immigrés appartenant à la classe ouvrière. La surface totale qui avait été rasée pour le plan était d’une superficie de 536 900m2, soit environ 40 blocs de logements et de magasins à l’ouest de la gare du Nord23. Pourtant, le projet n’a jamais été accompli complètement, du moins pas selon les plans originaux. Le début des démolitions date de 1967, c’est alors à ce moment-là que les citoyens ont dû quitter leurs maisons six ans avant le commencement des édifications qui a eu lieu en 1973.

17 Lagrou, E. (2000)

18 Comhaire, G. (2012)

19 Olga, B. (2021, 26 mars)

20 Comhaire, G. (2012)

21 Doucet, I. (2012)

22 Olga, B. (2021, 26 mars)

23 Olga, B. (2021, 26 mars)

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6. Quartier Nord en 1953 (gauche) et Quartier Nord aujourd’hui (droite) © Bruciel.Brussels 5. Maison du peuple/Victor Horta démoli en 1965 © Wikipedia

Il y’avait deux causes à la non-finition du projet. Le manque d’organisation pour la réalisation du projet était l’une des raisons, et la seconde était la crise économique qui a frappé la Belgique dans les années 1970. La construction s’est arrêtée quelques années après son début et a repris en 1987, mais cette fois avec un plan plus modeste.

Sur les 70 tours prévues, seule une quinzaine a été érigée, et à l’inverse du plan initial, les bâti ments ne seront pas entièrement utilisés par des entreprises privées. Ils accueilleront essentielle ment les bureaux des administrations nationales ainsi que ceux des Région flamande.24 Le projet n’a jamais été terminé, mais les quartiers avaient déjà été détruits, le tissu urbain avait été modifié et des milliers de personnes ont dû quitté leurs maisons et leurs communes.

20
24 Comhaire, G. (2012)

1.3 Ses luttes urbaines

La bataille des Marolles a été une grande source d’inspiration pour les Bruxellois. Une série d’associations ont été créées afin de défendre les valeurs de la ville dont notamment, l’A.R.A.U. (Atelier de Recherche et d’Action Urbaines)25. Bien sûr, ce n’est pas la seule organisation qui a vu le jour durant cette période. Il y a aussi l’Inter-Environnement Bruxelles (IEB), le Brusselse Raad voor het Leefmilieu (BRAL) et d’autres mouvements plus petits fondés par les citoyens pour pré server le patrimoine architectural de Bruxelles. L’arrivée de ces associations marque ainsi le début de la voix que les habitants auront dans les décisions de la ville.26

1.3.1 Atelier de Recherche et d’Actions Urbaines

L’une des associations clés de l’époque était donc l’A.R.A.U. Formé en 1969 sous la direction de Maurice Culot (architecte spécialisé dans l’urbanisme), René Schoonbrodt (docteur en socio logie), Philippe de Keyser (docteur en droit) et de Jacques Van der Biest (docteur en théologie). L’A.R.A.U. est souvent rattaché à un autre mouvement, les AAM (Archives d’Architecture Mo derne) fondés en 1968 par l’historien de l’art Robert-Louis Delevoy et les architectes François Terlinden et Maurice Culot. Les AAM avaient été créés dans le but de protéger les archives pro fessionnelles des architectes de la fin du XIXe et XXe siècle. Les deux groupements partageaient les mêmes vocations, la plus importante étant bien sûr celle de ramener l’architecture tradition nelle à Bruxelles. Cette entente était surtout liée sur le fait qu’elles avaient de nombreux acteurs en communs. L’A.R.A.U. se servait surtout des AAM pour diffuser régulièrement leurs projets et leurs contre-projets, mais également pour promouvoir des évènements comme des visites, des conférences, des voyages et des rencontres. L’objectif de l’association est simple : arrêter l’urbanisme fonctionnel et s’opposer contre la po litique démolitions-reconstructions. La déclaration de Bruxelles est la communication des prin cipes théorisés pour la ville par l’Atelier de recherche et d’action urbaines diffusé dans l’une des revues de l’AAM.27 En 1969, les deux fondations organisent pour la première fois une conférence ensemble pour réagir publiquement contre le projet de la Ville de Bruxelles qu’est le Carrefour de l’Europe.

25 Carlier, L. (2011)

26 Comhaire, G. (2012)

27 Dragenton, R. (2012)

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« Toute intervention sur la ville européenne doit obligatoirement réaliser ce qui toujours fut la ville, à savoir : des rues, des places, des avenues, des îlots, des jardins… soit des “quartiers”. Toute intervention sur la ville européenne doit par contre bannir les routes et les autoroutes urbaines, les zones monofonctionnelles, les espaces verts résiduels. Il ne peut y avoir ni zones “industrielles”, ni zones “commerçantes”, ni zones “piétonnières”… mais seulement des quartiers incluant toutes les fonctions de la vie urbaine. Il faut procéder à la réduction du périmètre construit des villes et définir avec précision les zones rurales afin d’établir clairement ce qu’est la ville et ce qu’est la campagne […] »28 Les tours et l’architecture monofonctionnelle sont dès lors abandonnés pour une architecture respectueuse du parcellaire et du tissu urbain.

Un autre point critiqué par l’A.R.A.U. est l’opacité dans les prises de décisions politiques concer nant l’urbanisme. L’atelier va ainsi mettre en place des systèmes permettant la participation des ci toyens dans les discussions à propos de Bruxelles. Elle va également proposer des contre-projets dans le but d’avoir des débats et des négociations sur les idées et éviter qu’ils soient réalisés tels quels ont été dessiné initialement29. C’est en 1976 que pour la première fois un projet est soumis à une procédure d’enquête publique, un grand exploit pour l’atelier mettant alors fin à la prise de décision « secrète » concernant les projets urbains. Et en 1979, des commissions de concertations sont donc mises en place pour les demandes de permis d’urbanisme. Le comité débute avec une enquête publique pouvant durer 2 à 4 semaines dépendant du projet. Par la suite, une réunion, ouverte à tout le monde, est organisée entre les demandeurs du projet et les citoyens, mais en core les associations. Le verdict sur le projet est ensuite délibéré et la décision est formulée par la commission de concertation qui est composée de 8 membres (3 représentants communaux et 5 régionaux).30

L’A.R.A.U. ne se contentera pas de cela et elle aura également une grande influence sur les poli tiques urbaines bruxelloises. Des membres de l’association occuperont des positions importantes dans l’Agglomération de Bruxelles (1972 - 1988) et de la Région de Bruxelles – Capitales (1989 - … ). À cette époque, la ville connaît des crises comme l’augmentation de la pauvreté au centre, la dégradation du bâti et une perte d’activité et d’intérêt. En vue de la situation, les priorités poli tiques seront dirigées vers la requalification des quartiers anciens et la protection du patrimoine. La ville entame donc une période de rénovation de ces îlots et de ces bâtiments. Avec la création de la Région Bruxelles – Capitale en 1989, les autorités dressent un constat toutefois pas très positif concernant la politique de rénovation.31

28 Barey André, Culot Maurice, Lefèbvre Philippe (1980)

29 Doucet, I. (2012) 30 Comhaire, G. (2012) 31 Ibid

22

Les renouvellements effectués dans les îlots n’ont pas donné les résultats souhaités. En 1977, il était prévu de réhabiliter 20.000 logements, mais seulement 2.000 ont pu être réalisés et les crises de la décennie dernière étaient toujours d’actualité.

L’instauration de la Région Bruxelles – Capitale provoquera des changements dans l’effectif po litique et la politique de rénovation sera renforcée. Car comme expliquer précédemment, des membres et des personnes partageant les idéologies de l’A.R.A.U. occuperont des positions im portantes dans les services d’administration de la nouvelle région.32

1.3.2 DiSturb

La situation ne s’améliorera pas pour l’atelier de recherche et d’action urbaines, leurs désirs ab solus de toujours préserver le patrimoine existant et les terrains vides ont causé l’apparition des espaces qui ne sont pas exploités. 20 – 30 ans après sa fondation, l’A.R.A.U. commence à être critiquée, par les collectifs créés par la nouvelle génération d’activiste, pour sa vision de la ville de Bruxelles.33 C’est en l’an 2001 que l’opposant principal de l’atelier sera formé. DiSturb est initialement formé lorsque le projet de démolition-reconstruction de la tour Martini est évoqué34. DiSturb qui est composé d’architectes, de géographes et d’artistes proteste totalement à la destruction de la tour construite en 1958 par les architectes Jacques Cuisinier et Serge Lebrun35. La tour était considé rée comme un manifeste urbain puisqu’elle était conçue à la façon d’une ville dans une ville. Le bâtiment abritait plusieurs fonctions telles que des bureaux, des logements, un centre commercial et un théâtre. Pour certains, la tour Martini faisait partie du patrimoine et qu’il fallait le garder. Bruxelles regrettait déjà la perte d’un de ses édifices emblématiques, la Maison du Peuple réalisée par Victor Horta. Une pétition avait été lancée au sein des Bruxellois pour préserver l’immeuble, mais ce fut en vain puisqu’en 2001, elle sera détruite pour être remplacée par une autre tour mo nofonctionnelle.

Le patrimoine est important, mais contrairement à l’A.R.A.U., DiSturb a une vue plus positive de l’architecture moderne. D’après l’association, certains édifices contemporains doivent également être considérés comme un héritage essentiel de la ville. Entre les années 1960 et 1980, la ville de Bruxelles a beaucoup souffert, des quartiers populaires ont été détruits, des bâtiments monofonc tionnels ont été construits, ce qui a eu un impact conséquent sur la vision des Bruxellois. Après avoir assisté à ces massacres, les habitants se sont attachés aux formes du passé et ont banni toute expression innovante pour le tissu urbain36

32 IEB, (2022)

33 Comhaire, G. (2012)

34 Wikipedia contributors. (2021)

35 Olga, B. (2021, 26 mars)

36 Bral.Brussels (2015)

23

La politique de rénovation mise en place par l’Atelier de recherche, la rénovation et la restaura tion deviennent la norme, la démolition-reconstruction l’exception. Les vieux édifices sont une sacralisation à laquelle il ne faut pas toucher, et les nouveaux réalisés par un architecte utilisant sa créativité ne sont qu’un déchet sale dans la structure urbaine de la ville. Telle était la croyance des Bruxellois pendant trois décennies. L’objectif principal de DiSturb a été de changer cette façon de penser. Et de démontrer que ce n’est pas parce qu’un bâtiment est ancien qu’il doit être conservé à tout prix et ne doit pas être remplacé par un nouveau. Et de prouver que les édifices modernes ont également des caractéristiques exceptionnelles et qu’ils ajoutent, eux aussi, de la beauté à la structure urbaine de la ville.37

DiSturb s’est de plus concentré sur l’amélioration de la qualité architecturale de la ville, car selon eux, Bruxelles en avait besoin. L’absence de celle-ci est principalement due à la timidité des pou voirs politiques et au favoritisme actuel entre les politiciens et certains bureaux d’architectes qui bloquent la voie du marché. Le collectif a une approche plutôt pragmatique. Il se base sur ce qui existe déjà et suit les règlements et les procédures qui garantissent la qualité architecturale.

En 2002, DiSturb a publié une nouvelle carte blanche pour programmer des compétitions pour des projets urbains. Au début, cette idée n’est pas très appréciée suite aux échecs des quelques concours organisés à Bruxelles. Le collectif tente de convaincre en se référant à des exemples in ternationaux tels que Lille et Rotterdam. Et rappelle que Bruxelles ne dispose pas d’un bâtiment, d’un projet ou d’un architecte de renom et que seuls quelques grands bureaux locaux détenaient le marché. Les compétitions sont un moyen de donner de la qualité à la ville ; grâce à eux, les architectes pourraient concevoir un projet qui les définit, et le concours les obligera à apporter le meilleur d’eux-mêmes.38 Jusqu’alors, un projet était choisi après une décision politique, mais avec l’introduction des concours, les habitants pourront exprimer leur avis sur le projet qui sera produit. En 2009, la pratique des compétitions a été utilisée dans le cadre du réaménagement de différentes places bruxelloises. Comme le square Rogier qui se trouve juste en face de la tour Martini dont on a parlé précédemment, ou encore la place Flagey.39 Avec la création de l’Agence de Développement Territorial en 2008 et le Bouwmeester en 2009, l’association DiSturb sera dissoute estimant avoir réalisé leurs objectifs. Durant l’interview Nicolas Hemeelers, un ancien membre du groupement déclare : « On a créé un Bouwmeester, enfin la région a créé un Bouwmeester, il y a des agences d’urbanisme, il y a des aménageurs et donc à un moment donné, on s’est dit, on n’a pas envie de devenir l’A.R.A.U. Justement, on n’a pas envie de devenir des vieux cons qui radotent sur leurs idées, donc on arrête. Je pense que c’est la meilleure décision qu’on a prise. » 39 Comhaire, G. (2012) 38 Comhaire, G. (2012) 37 Bral.Brussels (2015)

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7. Tour Martini avant démolition © Researchgate 8. Place Rogier et Tour Rogier / état actuel 9. Place Flagey / état actuel © Skope

Conclusion

En conclusion, Bruxelles a beaucoup souffert au cours de son histoire et particulièrement vers le milieu du XXe siècle. Elle a souvent été victime de projets trop ambitieux menés par des per sonnes qui ne pensaient qu’aux profits qu’elles allaient réaliser et rien d’autre. Les choix effectués par ces gens ont laissé des séquelles, des cicatrices dans le tissu urbain de la capitale. Elles ont aussi eu des conséquences psychologiques sur les habitants qui voyaient leur ville se faire démolir sans pouvoir y faire grand-chose. Ce fut le cas jusqu’à la fin des années 1960. Mais à partir de ce moment-là, les citoyens et les experts, se sentant capables de changer les choses, ont commencé à se révolter et à contester les décisions des pouvoirs publics. L’arrivée des associations, comme l’A.R.A.U. en 1969 et de DiSturb en 2000, ont permis de restituer le pouvoir aux personnes qua lifiées pour dessiner le futur de la ville. Ils ont ramené de la démocratie dans la prise des choix, en donnant le droit de s’exprimer aux citadins. Les Bruxellois doivent être reconnaissant auprès de ces deux associations, mais également envers aux autres groupements qui se sont battus pour le bien de la ville. Sans eux, la capitale aurait pu être dans un état bien pire que ce qu’elle est aujourd’hui. Mais, malgré leurs efforts, Bruxelles souffre toujours de gros problèmes urbanistiques. Pour ma part, ceci est dû au fait que les or ganisations partagent des pensées totalement différentes. Il n’y a quasi aucun point commun et cela ralenti les prises de décisions et les initiatives qui ont pour seul but, l’amélioration de la ville de Bruxelles. Les idéologies ne doivent pas devenir des religions, on ne peut pas convaincre tout le monde de suivre la même religion. Toutes personnes à sa préférence vers laquelle elle va se tourner. Donc certains habitants vont favoriser l’approche conservatrice de l’A.R.A.U. et mon trer leurs soutiens envers la politique de rénovation mis en place par l’association. Tandis que les autres se rangeront plus du côté de DiSturb et demander des nouveautés dans la ville. Mais cette fois-ci des projets qui seront à dessiner par des architectes qui pensent plus à l’amélioration de Bruxelles, à créer une architecture de qualité plutôt que de gagner de l’argent en détruisant la ville.

26 1.4

2 Troisième tournant dans l’urbanisme de Bruxelles?

Deux groupes se mettent en avant dans l’ambition d’amener des changements dans la politique urbaine. En publiant, leurs cartes blanches, le collectif de signataires et la Table Ronde de l’Architec ture ont montré qu’il était temps de faire les choses différemment dans la capitale. Cette fois-ci les sujets sont tournés principalement vers la question de l’esthétique, la participation citoyenne. Mais d’autres thèmes sont traités comme l’importance qu’il faut donner à l’écologie ou encore la crise de logement qui cause beaucoup de problèmes dans la ville. Dans la deuxième partie, j’analyserais les deux camps en détail et essayer de comprendre leurs idéologies et le futur qu’ils envisagent pour Bruxelles.

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La première fois que le tournant de l’urbanisme avait été mentionné, c’était en 1978 lorsque l’ar chitecte et critique avait publié son livre « Le tournant de l’urbanisme bruxellois ». Dans ce livre, Aron suit de manière critique40, la transformation urbaine de Bruxelles dans un ordre chronolo gique. Et fourni la toile d’une évolution de l’idée publique de « faire la ville » entre les années 1958 (l’année de l’Exposition universelle) et 1978.41 L’hypothèse d’un deuxième tournant est lancée par Benoit Moritz lors d’une conférence en no vembre 2006. Il théorise qu’une nouvelle métamorphose s’opère dans les politiques publiques, que ce soit dans l’aménagement du territoire ou plus spécifiquement dans le développement de projets urbains, le concept doit être ici pris au sens large. Cependant, ce deuxième tournant se distingue du premier par l’ample participation d’artistes et d’associations artistiques, voire d’ins titutions culturelles, qui se sont constituées au cours des années 1990. Selon l’hypothèse du « se cond tournant », ce développement s’inscrit donc dans un continuum de réflexions et d’actions, très bruxellois.

2.1 Collectif de signataires

L’approche du collectif est différente de toutes les associations qui ont voulu et qui ont pu ap porter des changements dans la ville. En effet, le collectif n’est pas une organisation définie, il n’a pas de nom. C’est le rassemblement d’un petit groupe de personnes ne partageant pas forcé ment les mêmes buts. Mais éprouvant une frustration identique qu’est la difficulté de réaliser un projet d’architecture à Bruxelles à cause des règles d’urbanisme actuelles42. Le collectif n’est pas constitué que d’architecte, mais aussi de géographe, de sociologue et de juriste, travaillant dans des bureaux différents. Mais dans son interview, Nicolas Hemeelers pointe le fait que leur ap proche n’est pas vraiment efficace. Il faut à tout prix qu’une organisation se forme dans le genre de DiSturb pour arriver à exécuter des actions concrètes. Certains signataires, dont Nicolas He meelers, étaient d’anciens membres de DiSturb, donc l’une des questions de départ était de savoir si DiSturb faisait son retour, mais ce n’est pas le cas. Hemeelers précise que DiSturb avait réalisé la plupart de ces objectifs et ses membres ne voulaient pas que l’association devienne le prochain A.R.A.U., c’est pour cela qu’elle s’est dissoute en 2006. C’est à présent au tour de la nouvelle gé nération de prendre la parole et d’amener les modifications nécessaires pour le développement de la ville. Cela dit, la nouvelle génération ne s’est jamais manifestée. C’est pourquoi le collectif composé donc de personnes qui sont dans le métier depuis maintenant plusieurs années a décidé de faire le pas en écrivant la carte blanche diffusée dans le journal Le Soir. Aujourd’hui, la crise sanitaire, la crise environnementale ainsi que les inégalités dans les modes de vie prouvent qu’il faut «faire la ville autrement».43

41 Sonuma

42 Moritz, B (2008)

43 Lhoas, Pablo. Interview par Apdil Kadir Bostan. Enregistrement vocal. Bruxelles, 11 juillet, 2022.

44 Collectif De Signataires (2021, 11 novembre)

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Comme il n’est pas question d’un collectif n’ayant pas forcément les mêmes « façon » de faire l’architecture. Il est intéressant de voir sur quels types de projets ils travaillent et comment ils décrivent leurs architectures.

2.1.1 Les bureaux d’architectures des signataires

Olivier Bastin - Architecte, scénographe, ex-Bouwmeester bruxellois, Escaut

• Co-fondateur du bureau d’architecture l’Escaut. Fondé en 1989, le bureau travaille sur des projets d’architectures, de scénographie ainsi que de l’urbanisme. Pas de « style » précis dans l’Escaut, chaque projet à sa propre réponse particulière.44

Abdel Boulaioun – architecte, co-fondateur Multiple

• Multiple, de son ancien nom ARJM, a été fondé en 2002 et réalise des projets d’architecture et d’urbanisme.45

Gilles Debrun - architecte, co-fondateur Usages

Dimitri Dache - architecte, co-fondateur Usages

• Bureau créé récemment, en 2020, le bureau d’architecture Usages se décrit comme étant un « atelier de pratiques culturelles et architecturales ».46

Aglaée Degros – architecte, urbaniste, co-fondatrice Artgineering

• Le bureau travaille à l’intersection de l’urbanisme, du paysage et de la mobilité. Artgineering considère que la qualité spatiale va de pair avec la qualité sociale et culturelle. Et s’efforce d’innover les outils de planification urbaine pour les zones hybrides contemporaines.47

Lisa De Visscher - rédactrice en chef d’A+, architecture in Belgium

• La revue A+ considère l’architecture comme un fait culturel. À travers l’édition, l’organisation de conférences et d’expositions, A+ Architecture vise à être la référence en matière d’architecture et d’urbanisme en Belgique.48

Kelly Hendriks – architecte, fondateur de B-ILD

• Le cabinet travaille régulièrement avec plusieurs bureaux d’architectes et ingénieurs belges et étrangers. B-ILD recherche des projets à plus-value sociale : construction d’écoles, espaces polyvalents et accueil spécialisé jeunesse.49

Nicolas Hemeleers – juriste, urbaniste, CityTools

Antoine Crahay – géographe, urbaniste, CityTools

• Agence travaillant sur des projets d’urbanisme, en plus de cela, elle est pluridisciplinaire et donc gère aussi les questions sociales et environnementales. Le bureau considère la planification urbaine comme un processus collectif.50

Jean-Louis Genard - sociologue, ULB-La Cambre

45 Wbarchitectures, “Multiple architecture et urbanisme.”

46 Urban Brussels, interview avec Gilles Debrun. Brussels Architecture Today. 48 A-plus, “A-propos.”

47 Artgineering, «About.»

44 BogdanVanBroeck, “Vision.” 49 Archipelvzw, “B-ild-nord.”

50 Citytools, “Office.”

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Dieter Leyssen – architecte, 51N4E

• 51N4E est une grande agence d’architecture divisée en 3 branches pour 3 catégories de projets. Dieter Leyssen fait partie de la branche Acte : qui travaille sur la « création des conditions d’une transformation sociale et spatiale durable.51

Pablo Lhoas – doyen de la faculté d’architecture ULB-La Cambre, architecte et co-fondateur du bureau Lhoas & Lhoas.

• Bureau fondé en 1994, il développe des projets à échelles variées à en Belgique et à l’étranger. Le bureau essaye de travailler dans différents aspects de l’architecture : rénovation, création de mobilier, scénographie, logement …52

Benoît Moritz - architecte, urbaniste, M-SA

• M-SA est une agence d’architecture travaillant sur des projets d’urbanismes et d’aménagement d’espaces publics à petites et à grandes échelles.53

Christophe Mercier - architecte, urbaniste, co-fondateur Suède 36

• Le bureau Suède 36 est un bureau donnant de l’importance à la participation citoyenne dans ces projets. Il réalise des projets d’architectures et d’urbanisme, et particulièrement des aires de jeux.54

Guillaume Vanneste – architecte, urbaniste, co-fondateur VVV

• VVV est une agence réalisant des projets d’architectures ainsi que d’urbanismes. L’agence est également impliquée dans l’enseignement et la recherche académique.55

Ward Verbakel – architecte, Plus Office

• Agence d’architecture se consacrant à des projets de logements, d’urbanisme transitionnel et design participatif.56

Annekatrien Verdickt – architecte, partenaire à architectuurplatform

• L’agence réalise des projets d’architectures à différentes échelles, conscientes de l’impact de l’architecture à l’environnement, elle donne beaucoup d’attention à cette question.57

2.1.2 Carte Blanche

C’est donc le 11 novembre 2021 que ce collectif d’experts a publié la carte blanche : « Bruxelles : faire la ville autrement », dans le journal Le Soir. Deux objectifs principaux sont mis en valeur dans l’article. Le premier est l’ajustement des règles urbanistiques et le deuxième est la création d’un lieu de débat pour la ville. Le changement d’époque et les situations d’urgences (crise en vironnementale, la pandémie …) sont les facteurs poussant une à se transformer, à s’adapter. Durant ces dernières décennies, Bruxelles a connu deux modifications majeures dans sa gouver nance urbaine.58

51 51n4e, “About.”

52 Wbarchitectures, “Lhoas&Lhoas architectes.”

53 Ms-a, “Office.”

54 Suède36, “Suede-36.”

55 VVVarchitectes, “Info.”

56 Linkedin, “Plusoffice-architects.”

57 Architectuurplatform, “Contact.”

58 Collectif de signataires, (2021)

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31 Dessins/illustrations de quelques projets des agences signataires 14. VVV / Plaine Marie Janson © VVV 12. Architectuurplatform / Lion City © Architectuurplatform 10. Lhoas&Lhoas / ADAM - Arts & Design Atomium Mu seum © Lhoas&Lhoas 11. PlusOffice / Masterplan pour la zone Van Praet © PlusOffice 13. Suède36 / Etude de réaménagement de l’espace Decock © Suède36 15. CityTools / Réaménagement square De Trooz © CityTools

La première est arrivée dans les années 1970, avec l’A.R.A.U. comme acteur principal, dans le but de s’opposer et d’arrêter la « Bruxellisation ». La seconde a été menée par DiSturb et a eu lieu au début du millénaire afin de « créer de nouveaux outils renforçant la capacité des autorités à agir sur le territoire : Bouwmeester, agence d’urbanisme, aménageurs publics ». Dans le texte, le collectif vise clairement les pouvoirs publics. Il les accuse de se cacher derrière les instances qu’ils ont créé et qu’ils sont souvent absents du débat et obsédés par les projets à court terme. La participation citoyenne est devenue un alibi, et les procédures sont interminables. Il suffit d’une contestation pour que tout se fige, ceci est une catastrophe pour l’urbanisme qui est très ancré dans le long terme. Les professionnels de la ville, les architectes et les urbanistes sont désemparés. Ils essaient de s’en tenir aux plans à long terme, malgré les règles sans fin. Ce pendant, ils ne veulent pas s’impliquer dans les débats par crainte d’apparaître trop technique ou sans lien avec ce qui se passe dans le monde réel.59

2.1.3 Esthétique

Les règlements urbains ne posent pas seulement des soucis au niveau des procédures pour ré aliser un projet, mais également dans l’esthétique des bâtiments. Selon l’interviewer P. Lhoas, « Les règles d›habitabilité, elles sont faites pour éviter qu›on ne fasse des logements scandaleusement dégueulasses et qu›il y ait des marchands de sommeil en même temps. […] Les règles d›habitabilité, elles sont faites pour éviter qu›on ne fasse des logements scandaleusement dégueulasses et qu›il y ait des marchands de sommeil en même temps. » Ceci revient donc à l’un des objectifs de la carte blanche qui d’apporter des modifications dans les règles d’urbanismes afin de donner plus de liberté aux architectes. Toujours dans son interview, Lhoas ajoute que « Il faut changer le style et le système des règles qui doivent rester et qui doivent servir effectivement à empêcher des gens qui ont de mauvaises intentions de faire des logements de merde ou des bâtiments de merde. Il faut garder cette mission par le pouvoir public d’empêcher cela. Parce que si tu laisses tout faire, il ne faut pas se faire d’illusions. C’est la porte aussi ouverte à toutes les merdes possibles ».

2.1.4 Citoyens

Dans la carte blanche, une autre critique est portée envers le manque de communication pourtant indispensable pour une évolution « saine » de Bruxelles. Les débats, les discussions et les échanges sont importants lorsqu’il s’agit d’un projet pour la ville et ses habitants. Or, ces discussions qui devraient avoir lieu entre les politiciens, les citoyens et les experts sont inexistantes à Bruxelles. Les politiques ne sont quasi jamais présents et laissent les organes qu’ils ont créés parler à leur place. Les Bruxellois sont perdus dans tout le bordel d’au jourd’hui et les spécialistes n’arrivent pas à s’exprimer clairement et librement. Il faut impliquer le plus de Bruxellois possible dans le débat, que la majorité des classes sociales soient représentés et qu’ils aient leurs mots à dire sur les sujets.60

59 Collectif de signataires, (2021)

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« Et quand je vois la signature des quarante mille signataires pour le moratoire sur les nouveaux pro jets à Bruxelles. Ce sont des ensembles de collectifs, des associations, et cetera, et en termes de profil, ce ne sont quand même pas des jeunes de 25 ans. C’est plutôt une classe bourgeoise blanche de plus de 60 ans qui a du temps à consacrer sur des combats urbains. Et ça, je trouve ça vraiment problématique… »61 Le manque de débat donne aussi naissance à un phénomène. Le fait de se réfugier dans la conser vation. Une peur s’installe envers la transformation et la nouveauté. Selon certaines personnes, Bruxelles doit être traitée comme si elle était toujours le petit village qu’elle était au XIXe siècle. Il est donc de temps que tout le monde se pose cette question : « Dans quelle ville veut-on vivre ? »62

2.1.5 Écologie

La crise environnementale n’est pas vraiment traitée dans la carte blanche, mais le sujet revenait souvent lors des entretiens réalisés avec les architectes. Pablo Lhoas affirme que Bruxelles doit changer pour pouvoir répondre aux problèmes écologiques. Aujourd’hui, les architectes sont confrontés à des défis énormes sur la mobilité, sur l’isolation et sur la durabilité. Hemeelers confirme ces pensées en ajoutant que c’est un enjeu d’arriver à intégrer les questions environnementales dans un projet, mais aussi dans la réflexion sur la façon d’organiser le territoire. Il est tout à fait possible d’avoir une vision environne mentale très performante et pertinente à une échelle de projets, mais qui n’est peut-être pas le cas dans une échelle beaucoup plus large.

60 Collectif de signataires, (2021)

61 Hemeelers, Nicolas. Interview par Apdil Kadir Bostan. Enregistrement vocal. Bruxelles, 22 juillet, 2022.

62 Collectif de signataires, (2021)

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2.2

La Table Ronde de l’Architecture

Bruxelles n’est pas seulement connu pour être la capitale de la Belgique ou de l’Union euro péenne, mais également pour son architecture du XIXe et XXe siècle. La ville regorge d’impor tants édifices qui doivent être préservés, protégés et restaurés, c’est pourquoi elle voit la naissance d’organisations, des groupes de personnes qui se dévouent à cette tâche. La Table Ronde de l’Architecture est l’une d’entre elles, c’est une association sans but lucratif (ASBL) dépassant aujourd’hui les 400 membres. Se spécialisant dans des domaines différents comme des artisans, architectes, urbanistes, historiens, écrivains et entrepreneurs. La T.R.A. a été fondée en juillet 2020 par Nadia Everard, architecte et Noé Morin, consultant en géopolitique63 et bien qu’elle soit encore très jeune, la Table Ronde se fait beaucoup parler d’elle puisqu’elle est très active dans la diffusion des problèmes et des solutions pour Bruxelles. L’association est née en opposition au mouvement moderniste qui, selon elle, n’apporte que la destruction des villes et des paysages. Elle prône une architecture traditionnelle et se dédie à la défense et à l’enseignement de cette architecture qu’elle décrit comme étant belle, humaine et durable.64

Comme l’A.R.A.U., la T.R.A. est très active dans la diffusion de ses idées, l’Atelier de Recherche se servait des revues de l’AAM pour s’adresser aux citoyens et partager leurs projets. Puisqu’elle est gérée par deux jeunes enthousiastes, la Table Ronde utilise beaucoup les réseaux sociaux qui sont de nos jours les meilleurs outils pour entrer en interaction avec les citadins. Ils emploient surtout leur page Facebook et Instagram pour donner leurs avis sur les sujets d’actualité et de re transmettre leurs idéologies et également de présenter les contre-projets qu’ils réalisent. Bien que l’association compte moins se servir du mot « traditionnelle »65 pour décrire l’architecture qu’elle veut pratiquer, le style architectural qu’elle prône est le néo-traditionnel.

2.2.1 I.N.T.B.A.U.

Le néo-traditionnel est un mouvement qui a vu le jour grâce à un réseau. Le réseau international pour la construction traditionnelle, l’architecture et l’urbanisme (I.N.T.B.A.U.) créé en 2001 par le prince Charles, également connu comme le prince de Galles. actuellement, il est présent dans plus de 40 pays, qui ont chacun leur section régionale.66 Le réseau a pour ambition de concevoir des bâtiments qui respectent et reflètent le passé architectural local.67 La Table Ronde représente donc la Belgique dans le réseau de l’I.N.T.B.A.U.68

63 latablerondearchitecture, “La Table Ronde de l’Architecture.

64 Madineurope, “La Table Ronde de l’Architecture.”

65 Everard, Nadia. Interview par Apdil Kadir Bostan. Enregistrement vocal. Bruxelles, 15 juillet, 2022.

66 Stringfixer, “Nouvelle architecture classique.”

67 Keller, H. (2021)

68 Intbau, “Belgium.”

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16. Vue sur l’Avenue Louis Bertrand depuis l’église Saint-Servais © Maison des arts de Schaerbeek 17. Avenue Louis Bertrand aujourd’hui © Monument Heritage Brussels

Mais Nadia affirme dans son interview que la T.R.A. est une association à part qui n’est pas en tièrement dépendante du réseau. Ce qui est un point important pour eux, car ils ne voulaient pas qu’une organisation mondiale contrôle les actions de la Table Ronde.

Le prince Charles est le premier membre de la famille royale à avoir obtenu un diplôme universi taire, il a réalisé ses études à Cambridge et a été diplômé en anthropologie, archéologie et histoire.69 Mais le prince est également connu pour son intérêt pour le botanique et son combat contre la crise écologique. Il est fort attaché au patrimoine naturel et architectural de la Grande-Bretagne. D’après Nadia, les premiers projets néo-traditionnels sont nés grâce au prince. Ensuite aux débuts des années 2000, une école a été instaurée ce qui a permis de former une trentaine d’architectes qui se sont spécialisés donc dans ce style. Aujourd’hui, l’Angleterre est le pays, dans le continent européen, ayant le plus d’architectes néo-traditionalistes. Lors d’une cérémonie des remises de prix de la compétition « Emerging Excellence in the Clas sical Tradition » organisée par I.N.T.B.A.U., The Prince’s foundation » (également fondé par le prince Charles) et the Institute of Classical Architecture & Art. Le prince de Galles a donné comme message: “Maintenant, plus que jamais, il est vital que nous nous engagions avec la connais sance du passé pour informer non seulement la préservation de notre environnement bâti historique, mais aussi la création de nouvelles communautés durables et harmonieuses.”70

Vers la fin du XXe siècle, de récentes villes traditionnelles ont été érigées. La plus célèbre d’entre elles est celle élevée en Angleterre, en agglomération de la petite ville de Dorchester. « Pound bury » est considéré comme le bijou du prince de Galles, la nouvelle ville a été réalisée grâce au Masterplan du théoricien et urbaniste Léon Krier. Les travaux avaient débuté en novembre 1993 et en juillet 2001, le nombre des maisons construites et habitées était de 164 et 20 lieux de com merces étaient déjà ouverts. Aujourd’hui, la ville a une population de 3500 résidants, il était prévu que le projet soit complété au bout de 25 ans et que la démographie soit au nombre d’à peu près 6000 personnes.71 L’objectif du projet était de créer une nouvelle communauté où il serait pos sible d’avoir accès à des logements abordables, la ville a été séparée en quatre quartiers discrets et compacts proposant à chaque fois des fonctions mixtes. La concentration de la ville permet de limiter l’usage de la voiture lors des déplacements dans les parcelles. La forme, la conception et les matériaux utilisés imitent les établissements traditionnels développés de manière organique dans la région environnante. Des directives détaillées sur le style d’édification et l’efficacité énergétique ont été fournies dans un code de construction. Un tiers du site de développement est destiné à un aménagement paysager vert, comprenant des parcs et des terrains de jeux.72

69 Wikipedia, “Charles de Galles.”

70 Keller, H. (2021)

71 Wikipedia, “Poundbury.” 72 Thompson-Fawcett, M. (2003)

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18. Vue aérienne de Poundbury © Insider 19. Le Palais Royal à Poundbury © Lara Jane Thorpe Photography

2.2.2 Le néo-traditionnel contre le modernisme

« Les bâtiments vernaculaires et traditionnels ont des caractéristiques communes qui créent des lieux dans lesquels les gens se sentent bien. C›est ce que Christopher Alexander appelle «la manière intemporelle de construire». Les modernistes ont abandonné ces modèles intemporels en raison de leur fascination pour les nouvelles technologies et de leur recherche de nouveauté, ce qui explique pourquoi l›architecture moderniste est inconfortable. »73

Le néo-traditionnel est un style établi en opposition au modernisme. Pendant tout le courant du XXe siècle, le modernisme a pris plusieurs formes différentes et est donc difficile de l’identifier d’une manière précise. Dans le « Penguin Dictionary of Architecture », le modernisme est défini comme étant un mouvement du XXe siècle dédié au fonctionnalisme et à l’usage de nouvelles ingénieries. Le modernisme est devenu la norme dans l’enseignement de l’architecture dans la quasi-totalité des universités occidentales. C’est exactement sur ce point que se focalise la Table Ronde actuellement. Elle programme des ateliers, des cours et des visites durant l’année pour, pas seulement les élèves en architecture, mais pour tout le monde qui souhaite en savoir plus et expérimenter les techniques de construction, d’ornementation et de conception traditionnelles. La T.R.A. tente et veut que les universités arrêtent de concentrer leurs enseignements à l’archi tecture moderniste.

« Ce qui est important, c’est que les écoles d’architecture changent. Que les professeurs se rendent compte aussi qu’il faut vraiment apprendre des choses aux étudiants. Et pour apprendre, il faut pratiquer. Tu ne peux pas être dans un auditoire avec 600 étudiants et regarder un PowerPoint. Ce n’est pas possible de dire que tu peux apprendre comme ça où ton examen c’est un QCM à remplir, c’est ridicule. »74 C’est pourquoi elle organise depuis 2020 des écoles d’été où les élèves assimilent et appliquent l’architecture traditionnelle. Afin d’approfondir les recherches et d’avoir une observation directe de ce qui est enseigné pendant l’école d’été, une visite sera effectuée à l’édition de cette année. Dans leur « combat » contre le modernisme et la mondialisation de l’architecture, la T.RA. réalise également des contre-projets. Initialement, les lieux des contre-projets étaient désignés par les membres de l’association. Mais plus tard ce sont des comités de quartiers ou d’autres fondations qui prenaient contact avec la Table Ronde pour effectuer des contre-projets ensemble.75 Les premiers contre-projets sont donc dessinés par les étudiants et les meilleurs étaient choisis suite à un concours organisé au sein de la communauté. (Une petite note concernant le groupe, tous les élèves ou personnes ayant eu une quelconque contribution pour la T.R.A. reçoivent le titre de chevalier/ère)

73 Siegel, C, “Architecture and Evolutionary Psychology.”

74 Everard, Nadia. Interview par Apdil Kadir Bostan. Enregistrement vocal. Bruxelles, 15 juillet, 2022. 75 Ibid

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22.
21.
23.
©
20. Rond-point Schuman/ état actuel
Ascenseur quartier Marolles/ état actuel
Contre-Projet/TRA © Table Ronde de l’Architecture
Contre-Projet/TRA
Table Ronde de l’Architecture

Pour résumer les intentions et les objectifs à atteindre, la Table Ronde s’est donné une liste de mission à accomplir :

1. Promouvoir la restauration complète, cohérente et harmonieuse de nos lieux de vie,

2. Protéger, conserver, adapter et faire vivre à tout prix le bâti traditionnel,

3. Enseigner les principes esthétiques et techniques de l’architecture, la construction et l’aména gement urbain traditionnels, seuls à pouvoir assurer la longévité de nos lieux de vie,

4. Défendre les politiques publiques dévouées à la création de lieux de vie conçus selon les prin cipes d’une architecture belle, humaine, durable et populaire,

5. Défendre l’identité architecturale des régions et le caractère de chaque localité en contribuant à l’élaboration de codes urbains, architecturaux et constructionnels protecteurs,

6. Unir les métiers et les disciplines dans le but d’agir efficacement sur l’architecture, 7. Protéger la nature et maintenir l’osmose entre architecture et nature.76

2.2.3 Carte Blanche

La Table ronde n’est pas citée directement dans la carte blanche du collectif, mais, Nadia Everard explique que la T.R.A. a réagi, car elle s’est sentie viser. C’est donc la Table Ronde qui s’est char gée de rédiger la réponse et elle a été ensuite approuvée par Archeologia et Historia. L’A.R.A.U. ne figure pas parmi les signataires afin d’éviter encore plus de problèmes pour l’organisation. Everard ajoute également que leur association est devenue le « punching ball » des architectes, mais que cela ne leur posait pas de souci. Au contraire, pour eux, c’est une preuve qu’ils attirent l’attention des gens et c’est exactement ce que veut la Table Ronde de l’Architecture. Le 17 novembre 2021, La T.R.A. répond à la carte blanche diffusée, une semaine auparavant, par un groupe de signataires.

Le texte débute avec une critique envers les architectes faisant partie du collectif. Un clivage se creuse dans le secteur de l’architecture entre les progressistes autoproclamés et les autres. Ceux qui voient leur lieu de vie disparaitre irrévocablement et sont impuissants à y faire quoi que ce soit. On dirait la « bruxellisation » qui effectue son retour, mais cette fois-ci, elle est provoquée non pas par les pouvoirs publics, mais par les partisans du progrès. Et encore, ils réclament une nouvelle augmentation de leurs privilèges et se plaignent d’être gênés par les règles, les politiciens et les citoyens.

Ils affirment soutenir l’engagement du citadin, mais cette participation n’est appréciée seulement si c’est en leur faveur. Par contre, si ce n’est pas le cas, alors toute personne ou association contes tant leurs idées et projets sont considérées comme des « populistes » et de « conservateurs » ne supportant pas le changement.77

76 latablerondearchitecture, “La Table Ronde de l’Architecture.”

77 La Table Ronde de l’Architecture Asbl, Communauté Historia Asbl et Archeologia.be,/ (2021, 17 novembre).

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Esthétique

L’esthétique est un aspect très important dans l’architecture de la Table Ronde. L’intention pre mière de l’association est de concevoir du Beau. Elle tente de ramener la beauté dans la ville qu’elle estime de perdue à cause des nouveaux logements médiocres et toujours moins durables qu’avant78. Ces constructions ne sont constituées que de lignes droites avec des façades lisses et des formes abstraites79 et sont érigées sous le couvert de la crise de logement80. Ces récents bâtiments ne peuvent être considérés comme de l’architecture, ce qui est élevé depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale c’est de la non-architecture81.

« L’architecture aujourd’hui ne veut plus rien dire, c’est qu’un moyen de gagner de l’argent. Je ne peux pas dire que les architectes avant ne faisaient pas ça pour gagner de l’argent, mais il y avait autre chose. C’était plus spirituel, ils voulaient embellir, isl voulaient plaire aux gens qui étaient autour, il y avait cette idée de laisser sa marque aussi dans le temps. »82

La construction n’est plus ce qu’elle était auparavant, elle a perdu sa valeur, sa beauté. Les mêmes boites en verre sont posées partout, pas seulement à Bruxelles, c’est un problème récurrent pré sent dans toutes les grandes villes du monde. Il y’a une mondialisation pas possible de l’architec ture causant donc de la détérioration des espaces urbains du monde entier.

« Et puis il y a tout le travail des artisans derrière. Pour eux, c’était une fierté énorme. Ils revenaient avec leur famille sur le site du chantier pour admirer le travail fourni. Il y avait toute une histoire. Il y a une mémoire qui reste, mais qui par contre a été perdue aujourd’hui. Aujourd’hui, il n’y a plus aucun ouvrier qui va venir sur un chantier avec sa famille. De nos jours, les ouvriers ne sont que des opérateurs, ils ne font que fixer et coller des choses. »83

2.2.5 Citoyens

Les habitants sont désormais les proies des architectes « progressistes », ils sont victimes de la non-architecture qui leur aient imposé, victime de devoir choisir entre les vestiges restants des années 60 et les banalités de nos jours. Aujourd’hui, les citoyens tentent de se soulever, de faire entendre leurs voix contre ces projets d’architectures qui ne sont pas construites pour eux. Les Bruxellois ne s’identifient pas dans ces nouveaux bâtiments.84

78 La Table Ronde de l’Architecture Asbl, Communauté Historia Asbl et Archeologia.be,/ (2021, 17 novembre).

79 La Libre, (2021)

80 La Table Ronde de l’Architecture Asbl, Communauté Historia Asbl et Archeologia.be,/ (2021, 17 novembre).

81 La Libre, (2021)

82 Everard, Nadia. Interview par Apdil Kadir Bostan. Enregistrement vocal. Bruxelles, 15 juillet, 2022. 83 Ibid

84 La Table Ronde de l’Architecture Asbl, Communauté Historia Asbl et Archeologia.be,/ (2021, 17 novembre).

41 2.2.4

Ceux dont ils ont besoin, c’est de l’architecture populaire où tout le monde pourra se retrouver, peu importe la classe sociale. Les Bruxellois ne veulent plus vivre une deuxième bruxellisation, ils désirent préserver l’identité de leur ville.85

2.2.6 Écologie

« On n’a jamais parlé autant d’écologie ces dernières années, mais on fait si peu d’écologie. »86 Des écocommunautés sont érigées afin de remédier à la crise climatique. Ces quartiers n’ont d’envi ronnemental que leurs noms. Elles sont bourrées d’isolant chimique et de béton, prétexte à une architecture fade internationale qui ne durera pas plus de 30 ans.

Un bâtiment écologique c’est celui qui a un vieillissement long, celui qui est édifié avec des ma tériaux locaux qui lui permettront de rester debout pendant des siècles. La Belgique regorge de ressources pour la construction écologique comme la pierre bleue ou encore la brique. Il n’est donc pas nécessaire d’aller voir ailleurs. L’utilisation des matériaux régionaux auront plusieurs bé néfices pour le pays : la réduction de l’empreinte environnementale de l’architecture, amélioration de l’économie grâce à la production et possibilité de créer des métiers de qualité.88

85

La Table Ronde de l’Architecture Asbl, Communauté Historia Asbl et Archeologia.be,/ (2021, 17 novembre)

86 Everard, Nadia. Interview par Apdil Kadir Bostan. Enregistrement vocal. Bruxelles, 15 juillet, 2022.

87

La Table Ronde de l’Architecture Asbl, Communauté Historia Asbl et Archeologia.be,/ (2021, 17 novembre).

42

Nous sommes en 2022, et les Bruxellois sont témoins d’une autre opposition entre deux doc trines très différentes concernant l’architecture à réaliser dans la ville. Il y’a donc le collectif de signataires prônant une architecture contemporaine où ils souhaitent tenter de nouvelles choses et la Table Ronde de l’Architecture voulant faire un retour en arrière et de ramener l’architecture traditionnelle.

Personnellement, j’éprouve beaucoup de respect envers les architectes/urbanistes qui se mettent en avant pour montrer à tout le monde que Bruxelles a besoin de changement. Une ville ne de vrait pas suivre la même politique urbanistique pendant trop longtemps, car il faut que la ville s’adapte à la manière de vivre de ses habitants. Nous ne résidons plus comme on le faisait au 19e ou 20e siècle. Les habitudes évoluent, les déplacements dans la ville sont différents, les habitants se transforment, de plus en plus de culture se mélange et établir d’autres relations. Il est donc primordial que nous, les architectes, soyons capables de répondre aux besoins de notre ville. Ainsi donc, les deux opposants qui ont fait le pas se concentrent sur trois registres lorsqu’ils ex priment leurs discours pour présenter les problèmes actuels : l’esthétique, le citoyen et l’écologie.

La question de l’esthétique, le collectif est d’opinion que si aujourd’hui on retrouve des bâtiments « moches » cela est dû aux règles urbanistiques qui limitent beaucoup trop les architectes et em pêchent la création d’œuvres de qualités.

Tandis que la Table Ronde a pour argument que le mauvais esthétique des constructions de nos jours est causé par l’emploi de l’architecture moderne et contemporaine. Selon la T.R.A ces styles qui renoncent à l’utilisation de l’ornement et des matériaux autres que le béton, ne peuvent être considérés comme de l’architecture ou de l’art.

En ce qui concerne la place des citoyens, le collectif se plaint du manque d’implication qu’ont les Bruxellois lors des prises de décision pour les projets. La T.R.A d’un autre côté affirme que les habitants subissent une nouvelle Bruxellisation, qu’ils ne sont pas écoutés malgré leurs contesta tions vis-à-vis des projets des architectes dits « progressistes ».

Pour finir, les deux camps ont une vision d’échelle différente pour quand ils prennent en considé ration le problème écologique. Le collectif se penche plus sur l’utilisation du territoire et la den sité dans la ville. Alors que la Table Ronde, se concentre sur l’échelle du bâtiment. Ils critiquent l’usage excessif du béton et des produits chimiques lors de la construction d’un immeuble. Ce sont donc les problèmes soulevés par les opposants pour chaque registre. Ils proposent éga lement des solutions qui seront traitées après l’étude de cas réaliser pour mieux comprendre la situation de la ville.

43 2.3 Conclusion
44

3 Étude de cas : Tour Dockside

Cette partie sera consacrée à l’étude de cas de la Tour Dockside, afin de comprendre la situation actuelle de Bruxelles et les solutions proposées par les opposants.

45

3.1 Le projet

Étude de cas d’un contre-projet pour une nouvelle construction à Bruxelles, dans le quartier de Molenbeek plus précisément. Le projet « dockside » situé autour de la place Sainctelette, le long du canal. Le territoire du canal est dans une phase de reconversion, en 2012 l’architecte, urbaniste et paysagiste Alexandre Chemetoff, a été désigné pour développer un plan directeur pour la zone du canal. Le plan directeur avait pour objectif de faire sur le territoire du canal des lieux d’intérêts pour les habitants de la ville. Il est donc question de construire des logements accessibles aux familles en difficulté économiquement, des lieux de travail et des espaces publics.88

Donc le projet « Dockside » est l’un des projets répondant aux besoins définis dans le plan directeur. Une compétition est lancée par le BMA, Urbicoon (le maître d’ouvrage) et Kumpen (propriétaire du site). Plusieurs agences ont participé aux concours avec des propositions plutôt différents, mais le lauréat a été obtenu par l’association des bureaux d’architecture V+, TRANS et m-sa.89

Le projet :

• Au niveau de l’implantation, le projet suit la logique des bâtiments existants, c’est-à-dire une empreinte au sol assez profonde. Grâce à cette implantation, les architectes ont voulu donner un caractère au volume qu’ils caractérisent de « bloc et courageux » et non élancé et iconique. Avec ces 49 mètres de haut, le « Dockside » sera l’immeuble le plus haut de la zone. Le « saillant de l’Yser » et le siège social de KBC sont, eux aussi des bâtis avec des élévations plutôt importantes, mais le « Dockside » sera légèrement plus haute.

• Le projet propose plusieurs activités collectives dans le but de renforcer les liens sociaux.

• Un bel étage s’ouvrant sur la place Sainctelette, cet espace peut être utilisé comme lieu de réunion ou de fête de famille par les résidents.

• Un atrium, un grand espace intérieur couvert d’une verrière qui s’étend du 2e au 6e étage

• Un patio du 7e au 14e étage. Une zone extérieure délimitée par des galeries ou vertes permettant à la lumière du jour d’atteindre tous les espaces intérieurs.

• Une bibliothèque avec vue sur le quartier de Molenbeek au 14e étage

• Un potager au niveau de la toiture accessible aux résidents ainsi que leurs visi teurs.90 C’est donc un projet d’une envergure assez grande, mettant à disposition 149 logements, dont 46 studios et 58 appartements avec une chambre. 38 logements auront 2 chambres et 7 avec 3 chambres . Un espace de plus de 1000m2 est dédié aux commerces et à peu près 400m2 est pla nifié pour des bureaux.

88 Brackx, T, “plan canal”

89 Bma, “Factsheet Dockside”

90 TRANS architecture, “Dockside Brussels”

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Le projet donne l’opportunité aux jeunes ou à des petites familles d’avoir une maison adéquate pour eux et quelques appartements pour des familles plus grandes sont donc mis à disposition. Durant son interview, Pablo Lhoas a fait référence à cela en pointant que les manières de vivre commençaient à changer et qu’il fallait avoir des constructions qui sont adaptées à cela.

« Et ces règles d’urbanisme, d’habitabilité, elles sont aussi figées sur des manières de vivre qui sont dépassées. Tu vas sur l’idée que le logement idéal, c’est pour une famille, deux parents, deux enfants et donc tout s’est configuré en fonction de ça et ça n’est plus le cas. Et donc il y a d’autres formes d’habitat aujourd’hui, car il semble que les colocations, tout ça, ça n’entre dans aucune des cases du règlement régional d’urbanisme qui prouve le caractère obsolète du règlement régional d’urbanisme. »91

Septembre 2021

• Le projet initial a été immédiatement refusé, car il était considéré comme irréa lisable. Suite aux remarques de la commune et des pompiers, le plan a subi des modifications, une partie du bâtiment conserve sa hauteur, mais sera plus mince. Avec les changements effectués, le modèle est soumis à une enquête publique. La nouvelle version aurait donc 6 étages le long du canal et 14 sur la place Sainc telette.92

Octobre 2021

• La commission de concertation donne un avis favorable, mais avec des condi tions. L’échange a eu lieu entre des représentants de la commune, Bruxelles urbanisme, Bruxelles environnement et de Monuments et sites. Mais la commune de Molenbeek rejette le projet. Elle trouve qu’il ne répond pas aux besoins du quartier et que le bâtiment était trop haut. Certains citadins aussi ont montré leur désaccord envers le nouveau projet. 28 courriers de remarques ont été déposés lors de l’enquête publique. Les principaux reproches des citoyens sont :

• La hauteur du projet

• La densité du projet

• Le manque de cohérence avec les enjeux climatiques.93

91 Lhoas, Pablo. Interview par Apdil Kadir Bostan. Enregistrement vocal. Bruxelles, 11 juillet, 2022.

92 Gatzios,T. (2021)

93 Detier, V. (2021)

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Mobilisation du Foyer des Jeunes de Molenbeek qui s’oppose contre le projet. Le foyer se situe dans la rue derrière. Le coordinateur du Foyer des Jeunes de Molenbeek Bachir M’rabet se plaint du manque d’air dans le voisinage et qu’une nouvelle tour ne réglera pas le problème. Il défend également que ce projet de logement n’est pas la solution, car il est destiné pour les personnes plus aisées économiquement et que le promoteur ne pense pas aux autres qui ont des dif ficultés. La directrice de l’association Foyer ajoute que la pandémie a démontré qu’il y avait une carence d’espace dans le quartier (d’après une enquête sur la qualité de l’air réalisé par CurieuzenAir). Et que la construction d’une nouvelle tour sera un geste criminel pour le quartier.94

Mais, pour la TR.A. le projet est « une balafre architecturale digne de la bruxellisation des années 60 »95. Le groupement ne montre pas son désaccord seulement pour cette nouvelle tour, il rejette l’idée en général de construire des logements et augmenter encore la densité, il propose donc : « concernant Bruxelles, il existe une «vingtième commune» de logements/patrimoine désaffectés et d’espaces vides. C’est là qu’on rejoint l’A.R.A.U., dans le sens où ce n’est pas normal que des gens vivent dans des chutes, dans des espaces qui sont minuscules, alors qu’il y a plein d’espaces libres. Nous sommes en faveur de la rénovation prioritaire de ces bâtiments et leur conversion en loge ments habitables, avant de lancer des programmes de nouvelle construction. »96 Mais si des logements doivent être érigés, alors autant la faire d’une manière correcte en suivant les principes du style traditionnel. C’est pourquoi un différent projet est présenté par La Table Ronde de l’Architecture et Jakub Ryng. L’alternative pour le « Dockside » est beaucoup moins haute avec seulement 8 étages au lieu de 14. Nadia Everard affirme que la proposition de Ryng respecte le gabarit du bâti traditionnel existant. Les matériaux de construction énoncer pour la nouvelle idée sont : la pierre bleue, la terre cuite, des plancher et charpente en bois, des enduits faits à partir de chaux et de l’ardoise.97 Parmi les associations montrant leur désaccord envers ce projet se trouve aussi l’Inter Environ nement Bruxelles. L’I.E.B a publié sur son site web un écrit signé également par d’autres groupes comme le JES Brussel, la Rue, le Foyer vzw et par Buurthuis BONNEVIE98 . Il est intéressant de noter que ces signataires sont des associations créées dans le but de renforcer les liens sociaux entre les habitants de la ville et plus particulièrement ceux des riverains de la commune de Mo lenbeek.

94 DH, (2021) 95 DHa, (2021)

96 Everard, Nadia. Interview par Apdil Kadir Bostan. Enregistrement vocal. Bruxelles, 15 juillet, 2022.

97 DHa, (2021) 98 Buurthuis BONNEVIE, La Rue, Inter-Environnement Bruxelles, JES Brussels, Le Foyer VZW, & Comité de quartier Martime. (2021)

48 Mars 2022
49
24. Tour Dockside proposé par Trans, V+ et M-sa © Trans Architecture 25. Contre-projet proposé par Jakub Ryng © Table Ronde de l’Architecture et Jakub Ryng

La tour Dockside résume en quelque sorte la situation actuelle de Bruxelles. Une compétition d’architecture est organisée par le Bouwmeester en 2017, plusieurs agences y participent et passent peut-être des mois pour élaborer le meilleur projet possible. Le préférable est ensuite sé lectionné pour par la suite être rejeté par la commune immédiatement, car considérer irréalisable. Les bureaux se remettent ainsi au travail pour proposer une alternative qui est toujours refusée par la commune, mais qui a reçu un avis favorable de la part du comité de concertation. Il s’est écoulé à peu près cinq ans depuis le concours et le projet est encore un point d’interrogation. L’interviewer P. Lhoas a mentionné cela en disant que « la durée des demandes de permis est déli rante et donc il faut changer ça. »99

C’est donc, ce genre de situation qui a poussé le collectif a rédigé la carte blanche et d’avoir des modifications dans la ville. De nos jours, les architectes font face à des difficultés qui leur empêchent d’exercer leurs métiers, dans son entretien Pablo Lhoas en parle sur l’obtention du permis d’urbanisme dans la ville :

« On se rend compte que, obtenir des permis à Bruxelles, c’est de plus en plus compliqué. Je dis toujours que c’est un des rares domaines dans lesquels, ça fait maintenant près de 30 ans qu’on fait ça. C’est plus compliqué aujourd’hui que ça ne l’était à l’époque. »100

Outre les formalités qui prennent du temps, ce qui pose problème, ce sont les divergences des requêtes.

Le maître d’ouvrage qui réclame un projet de qualité et attirant pour séduire le plus de gens possible. La commune et certains habitants du quartier demandent des logements qui seront abordables par les familles qui sont en difficultés économiques et pas des apparts avec des prix inaccessibles.

Il y’a également les traditionalistes qui n’acceptent pas le projet, car ils le considèrent comme inadapté pour son contexte. C’est pourquoi ils ont proposé un contre-projet dans le style qu’ils estiment correct, approprier et durable. Et les architectes contemporains qui jugent ce genre de projet comme une opportunité de tenter d’amener de nouvelles manières de vivre dans la ville en créant des appartements différents.

« on ne produira plus jamais du logement de la même façon maintenant que ce qu’on faisait même il y a encore quelques années. On voit bien sûr aussi les périodes d’extrême chaleur, les espaces publics qu’on produisait même déjà à l’époque sont aujourd’hui complètement inadaptés parce qu’on voit bien qu’il y a des zones de chaleur épouvantable et que donc ce n’est plus adapté à notre mode de vie »101

99 Lhoas, Pablo. Interview par Apdil Kadir Bostan. Enregistrement vocal. Bruxelles, 11 juillet, 2022.

100 Ibid

101 Hemeelers, Nicolas. Interview par Apdil Kadir Bostan. Enregistrement vocal. Bruxelles, 22 juillet, 2022.

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D’autre part, les riverains vivant à proximité du projet ne veulent pas du tout un bâtiment. Ils craignent qu’un nouvel édifice aggrave les problèmes (la congestion du trafic automobile est le souci principal du quartier) déjà présents de la zone. Ces personnes et écologistes sont contre pour la construction d’un immeuble tout court, ils réclament un projet d’espace public qui amé liorera la qualité d’air de la place Sainctelette. Et l’État refuse d’être impliqué dans les débats tant que le permis n’a pas été déposé.102 À moins de trouver une solution, cette situation se répètera pour chaque projet de grande envergure. Tout le monde continuera à protester, à essayer de placer leurs idéologies au-dessus de ceux des autres, à gaspiller des heures et de l’énergie pour mener un combat. Au final, la ville se retrouvera avec un projet où la plupart des personnes ne seront pas satisfaites du résultat. Il est dès lors important de changer la condition actuelle dans laquelle est la capitale de la Belgique. Ainsi, le collectif de signataires et la Table Ronde proposent des solutions pour les 3 points étudier.

3.2 Solutions pour l’esthétique

Le collectif :

• Dans le but de résoudre le problème de l’esthétique, les signataires demandent à ce que les règles urbanistiques changent, car ils estiment que ce sont ces règles qui causent la conception de bâtiment médiocre. Durant leur entretien Pablo Lhoas et Nicolas Hemeelers ont mentionné le manque de liberté qu’ont les ar chitectes pour pouvoir tenter de nouvelles expériences.

« Aujourd’hui, quand tu fais un permis. Des formulaires des fonctionnaires qui vont recalculer que la fenêtre elle a bien x mètres carrés par rapport à la taille de la pièce pour que ce soit conforme au règlement régional d’urbanisme. Et donc je ne dis pas qu’il ne faut pas les règles, il faut des règles, mais il faut aussi qu’elles soient intelligentes. »103

« il faut réinventer un système de règles plus équilibré, plus juste, plus pertinent, plus souple et dans lequel je dirais aussi on doit pouvoir faire des expérimentations »104

« J’ai toujours trouvé ça insupportable d’être dans un cadre, dans un moule trop précis, avec des idées qui sont définies. Et c’est ça qu’on doit toujours défendre, je trouve cela tout à fait con. Parce que ce n’est jamais pertinent tout le temps, ce n’est jamais pertinent sur la durée »105

102 Detier, V. (2021)

103 Lhoas, Pablo. Interview par Apdil Kadir Bostan. Enregistrement vocal. Bruxelles, 11 juillet, 2022.

104 Ibid

105 Hemeelers, Nicolas. Interview par Apdil Kadir Bostan. Enregistrement vocal. Bruxelles, 22 juillet, 2022.

51

Par rapport à la question de l’esthétique pour l’architecture de demain, la T.R.A. veut se tourner vers le passé. Au XIXe siècle, Bruxelles était parmi l’une des capitales les plus belles du continent européen. Les styles architecturaux pré modernistes avaient offert à la ville son élégance et son caractère qui lui était spécifique. Ces styles traditionnels permettaient d’avoir des villes et des villages avec des qualités et des beautés qui leur étaient propres.

Si les édifices sont créai comme dans le passé, l’architecture de demain donnerait des immeubles, des façades et des ornements tout différents les uns des autres fourniraient aux habitants, « riches ou pauvres », une architecture belle.106 La Table Ronde demande donc d’arrêter de concevoir des bâtiments selon le genre moderniste qu’elle considère comme de la non-architecture.107

« On peut parler de beaucoup choses, mais il y a l’architecture et la non-architecture. L’architecture est basée sur des principes qui sont fondamentaux et qui sont des prin cipes de stabilité et des principes esthétiques. À partir du moment, où tu t’en écartes, c’est plus de l’architecture. »108

Ils prônent donc l’architecture néo-traditionnelle, un mouvement qui a fait son apparition en Angleterre dans les années 1990. Qui est devenue internatio nale grâce au réseau créé par le prince Charles, le réseau international pour la construction traditionnelle, l’architecture et l’urbanisme.

« Ils nous ont montré qu’on avait une liberté énorme en architecture et qu’à partir du moment où tu sais que tu peux avoir cette liberté, que l’architecture peut être bien plus variée, et elle arrêterait d’être uniforme et monotone. On n’aura plus toutes ces boîtes en carton pour partout dans les villes. Peu importe la ville où tu vas, tu vois la même boîte en verre. Et là, je ne parle pas uniquement des bureaux, mais même dans l’habitation, il y a une uniformité pas possible. L’architecture, c’est un art. »109 Lors d’une discussion avec Noé Morin pendant la visite de l’école d’été, il a adressé une des idées que la T.R.A. voudrait instaurer. Le but de ce concept est d’éviter que des projets qui ne sont pas adaptés aux contextes puissent être construits. La Table Ronde propose donc que chaque commune de Bruxelles ait son propre lexique de composition. C’est-à-dire, une liste des matériaux utilisés dans le quartier, la hauteur des bâtiments, la profondeur des sous-sols… Donc l’idée c’est, lorsqu’un projet doit être conçu pour par exemple Schaerbeek, l’ar chitecte doit suivre le lexique de la commune pour pouvoir réaliser son projet.

106 La Table Ronde de l’Architecture Asbl, Communauté Historia Asbl et Archeologia.be,/ (2021, 17 novembre)

107 La Libre, (2021)

108 Everard, Nadia. Interview par Apdil Kadir Bostan. Enregistrement vocal. Bruxelles, 15 juillet, 2022. 109 Ibid

52
La Table Ronde de l’Architecture :

3.3 Solutions pour la participation citoyenne

Le collectif :

Comme expliquer plus tôt, il y a un manque de communication entre les 3 ac teurs principaux lors de la création d’un projet. Ces acteurs sont : les pouvoirs publics, les experts et les citoyens. Le collectif propose donc d’établir un forum de discussion, un lieu où des réflexions et des expérimentations pourront être menées, un endroit où des rencontres et des fêtes pourront être organisées. Ce forum sera le coin où tous les Bruxellois auront leurs places, peu importe la classe sociale, la nationalité et la religion. Ainsi, toutes les interactions concernant les questions urbaines permettront de faire évoluer les pratiques et par conséquent faire progresser la ville. Certaines villes européennes utilisent déjà cette formule, l’ « Arc en rêve » à Bordeaux, le « Stadsform » à Anvers et encore le « Pavillon de l’arsenal » à Paris. Pour Bruxelles, l’endroit suggéré pour créer ce forum est le CIVA110. Le CIVA est le lieu de rencontre pour les passionnés d’architectures. Durant toute l’année, l’établissement organise des conférences, des expositions temporaires, des débats, des activités pour les enfants, et cætera. Mais c’est prin cipalement un musée, un centre d’archives et une bibliothèque d’architecture.111

Il se trouve actuellement à Ixelles, mais elle déménagera au Kanal, ce qui est selon Nicolas Hemeelers, un emplacement plus stratégique, car il sera beaucoup plus proche du centre de la ville. Alors plus de gens auront connaissance de ce centre qui est un peu isolé en ce moment avec sa location et donc pas très su par les habitants. Donc, en saisissant l’opportunité du déménagement du CIVA, le collectif voudrait transformer ce lieu en un forum de discussion. Mais en atten dant cela, dès la fin du mois de septembre et début de mois d’octobre 2022, des tables rondes seront organisés dans le campus de la Faculté d’Architecture La Cambre Horta à Flagey. Ce seront des débats entre des fonctionnaires, des pro moteurs, des architectes et éventuellement des citoyens. Le but est de réconcilier tout le monde et trouver des moyens pour que chaque partie puisse travailler ensemble et avoir de meilleures relations entre les différents auteurs qui jouent un rôle important dans le développement de la ville.112

110 Collectif de signataires, (2021)

111 BrusselsMuseum, “CIVA”

112 Lhoas, Pablo. Interview par Apdil Kadir Bostan. Enregistrement vocal. Bruxelles, 11 juillet, 2022.

53

• Un autre sujet discuté lors de la visite concernait la participation citoyenne. Noé Morin a déclaré que la Table Ronde souhaite que les citadins soient impliqués dès le départ pour la conception d’un nouveau projet. Cela donnerait plus de pouvoir aux habitants, car à l’heure actuelle tout ce qu’ils peuvent faire c’est de choisir quelle idée il préfère pendant une enquête publique. La T.R.A. pense également qu’il faut réapprendre la construction aux gens. Du rant son interview, Nadia Everard dit que « aujourd’hui, les citoyens ne savent pas ce que c’est la construction, alors que la construction avant, ça faisait partie de notre ordinaire. Tout le monde savait maçonnée qu’il y avait au moins une personne dans ta famille qui savait maçonnée. Tout le monde savait ce que c’était une tuile. Il y avait des choses qui étaient tellement sensées qu’on a complètement perdu parce qu’aujourd’hui on est déconnecté, parce que le système industriel nous déconnecte de ce qu’est réellement l’architecture. » Lors d’une exposition itinérante qu’ils ont effectuée entre 2021 et 2022, ils ont eu l’occasion d’expliquer brièvement comment est-ce qu’ils pouvaient restaurer leur maison, comment ils pourraient l’entretenir. Comment ils pourraient faire cela avec des matériaux durables et sains et qui ne sont pas très couteux.113

Pour finir, la Table Ronde veut connaître l’opinion des Belges sur les questions d’architectures, quel type d’architecture est préférée en Belgique et pas seule ment à Bruxelles. L’association demande donc aux politiciens d’organiser une enquête publique de grande échelle. Selon la T.R.A. cela rétrécira le gouffre qui s’est créé entre les architectes et la population.114

113 Everard, Nadia. Interview

Bostan. Enregistrement vocal. Bruxelles, 15 juillet, 2022. 114 La Table Ronde de l’Architecture Asbl, Communauté Historia Asbl et Archeologia.be,/ (2021, 17 novembre).

54 La
:
Table Ronde de l’Architecture
par Apdil Kadir

3.4 Solutions pour la crise écologique

Le collectif :

• Bruxelles est une métropole, elle n’est peut-être pas une ville immense avec un nombre d’habitants démesurés. Ce qui fait d’elle une métropole c’est sa situa tion politique et ses diversités sociales. Il n’est plus possible de concevoir la ville comme un village, il faut que Bruxelles assume son statut. Chaque mètre carré vides ou (ou)vert doit être évalué également. La création des maillages verts et écologiques est nécessaire pour une renaturation des sols trop minéraliser.115

Pour les solutions contre la crise environnementale il serait intéressant de jeter un regard vers la question de la densité dans la ville. Car qui dit plus de concen tration dit aussi moins d’espace ouvert.

« La question de la densité en ville, ça fait partie un peu de ces sujets difficiles à gérer comme urbaniste aujourd’hui, parce qu’on a tendance à avoir envie de plu tôt concentrer la population dans des zones qui sont bien desservies, en transports publics, en équipements proches des pôles de vie. Et en même temps, faire cela, ça a potentiellement, un impact sur la qualité environnementale, de biodiversité ou de nature que certains de ces espaces peuvent avoir. Donc il y a une sorte de double lecture à double échelle des enjeux environnementaux, de savoir si l’échelle pertinente pour la réflexion, c’est l’échelle d’un projet x, qui peut être localisée en ville et qui doit être évaluée ou est-ce que c’est une réflexion plus générale sur l’impact qu’on a, nous comme humain, sur le territoire, à l’échelle large. »116

Il est donc important d’avoir une densité équilibrée pour pouvoir rendre Bruxelles un endroit hospitalier et désirer par ces habitants.

La Table Ronde de l’Architecture :

La Table Ronde demande donc d’arrêter de couvrir le territoire de millions de tonnes de béton armé alors que des alternatives locales sont à dispositions. La pierre, la brique, l’ossature en bois et plus encore sont des matériaux naturels, durables et régionaux pouvant donner naissance à des bâtiments qui soient réel lement respectueux envers l’environnement et qui pourront rester debout pen dant des siècles.117

115 Collectif de signataires, (2021)

116 Hemeelers, Nicolas. Interview par Apdil Kadir Bostan. Enregistrement vocal. Bruxelles, 22 juillet, 2022.

117 La Table Ronde de l’Architecture Asbl, Communauté Historia Asbl et Archeologia.be,/ (2021, 17 novembre).

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« On ne peut pas parler d’écologie sans penser à la longévité du bâti. Ça ne sert à rien de parler de PEB et de parler de performance énergétique si ton bâtiment tient 15 ans ou 20 ans ou même s’il tient 40 ans et qu’après on garde la structure en béton et on retire les façades, tous ces matériaux, on sait tous très bien que c’est mal recyclé, même si l’on dit qu’en Belgique, c’est 80 % des matériaux qui sont recyclés, quand tu vas dans une station d’épuration ou dans un centre de recyclage en Belgique, c’est une catastrophe. »118

L’association est persuadée que la solution aux crises climatiques est le retour vers une construction saine sinon il serait impossible de bâtir de manière durable. La Table Ronde a une vision différente pour régler le problème de densité dans la ville.

« Nous pensons que le problème de la densité des villes doit être résolu par la dé-métropolisa tion du tissu urbain. Le problème de la densité ne se pose que dans les grands centres urbains (capitales, chefs-lieux) tandis que la périphérie urbaine souffre au contraire de désertification. Nous sommes donc en faveur d’une politique de développement des villes petites et moyennes, voire de création de villes nouvelles (Poundbury, Heulebrug etc.) pour éviter la surpopulation des grandes villes. »119

Et au lieu de construire de nouveaux logements la T.R.A. rejoint la politique de conser vation de l’A.R.A.U.

« concernant Bruxelles, il existe une «vingtième commune» de logements/patrimoine désaffec tés et d’espaces vides. C’est là qu’on rejoint l’A.R.A.U., dans le sens où ce n’est pas normal que des gens vivent dans des chutes, dans des espaces qui sont minuscules, alors qu’il y a plein d’espaces libres.

Nous sommes en faveur de la rénovation prioritaire de ces bâtiments et leur conversion en logements habitables, avant de lancer des programmes de nouvelle construction. »120 118

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119 Ibid 120 Ibid
Everard, Nadia. Interview par Apdil Kadir Bostan. Enregistrement vocal. Bruxelles, 15 juillet, 2022.

Avis et Conclusion

Suite aux solutions proposées par les deux camps, il y’en a certains qui m’ont paru intéressants et exploitables dans le futur :

Intégrer les citoyens dans la discussion des projets dès le départ

Créer un lieu où les habitants de la ville peuvent se rendre pour en apprendre plus sur l’architecture

Donner plus de liberté aux architectes pour qu’ils puissent élaborer les meilleurs projets possibles sans être restreints par des règles dépassées Avoir une plus grande connaissance de l’histoire de la ville

En apprendre plus sur les différents matériaux de construction lors des conceptions de projet

Donner beaucoup plus d’importance à la question écologique que ce soit à grande ou à petite échelle

Ce sont donc ces points qui, selon moi, vont redonner de la valeur à Bruxelles. Il faut se concen trer sur l’Architecture en général et pas essayer d’imposer une idéologie sur autrui. Cela mènera à d’autres oppositions dans le futur et ce sera toujours une perte de temps pour la ville. Ce qu’on doit faire c’est d’écouter tout le monde, entendre les avis et les demandes.

La participation citoyenne est le point le plus important, car c’est pour eux que nous, les archi tectes, faisons tout notre possible pour concevoir les meilleurs espaces de vie. Mais si on leur donne quelque chose qu’ils n’ont jamais voulu dans ce cas on peut édifier le plus beau bâtiment du monde ou créer les plus beaux parcs du monde, si l’habitant n’en tire aucune utilité alors ce ne sera que du gaspillage. Et plus tard, des projets de démolitions ou de restauration seront pris en considération pour ces projets. Il est donc impératif de prendre des décisions, la situation n’est pas idéale, mais nous ne sommes pas encore aux points de non-retour. La proposition de trans former le CIVA en un lieu de discussion est très intéressante, mais ce qui m’intrigue dans cette idée, c’est l’emplacement du CIVA. Peu de gens connaissent le bâtiment et encore moins ce qu’il y’a à l’intérieur. Donc il faut trouver des moyens pour que les habitants soient au courant qu’un endroit où ils pourront donner leurs avis et être écoutés est à leur disposition. Sinon ce lieu n’aura quasi aucune utilité et aucun progrès ne sera réalisé.

En tant qu’étudiant, je suis d’accord avec la Table Ronde sur le fait qu’on ne nous enseigne pas beaucoup sur les différents matériaux de construction. Une vaste majorité des élèves conçoivent leurs projets qu’avec du béton, car il y’a un grand manque de connaissance. Je pense qu’on devrait être plus guidé par les professeurs sur ce sujet. Et peut-être même faire des ateliers où l’emploi des techniques standards comme le béton, la maçonnerie sont interdites afin de nous obliger à nous tourner vers de différents moyens d’édifications. Je ne critique pas l’utilisation du béton,

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mais il faut qu’on soit conscient qu’il existe d’autre manière de faire. Et plus notre connaissance sera large, plus on pourra réaliser des projets diversifiés. Et j’avoue qu’on ne nous enseigne pas assez sur l’histoire de la ville. Même si tous les étudiants de la faculté ne vont pas exercer leurs métiers à Bruxelles. Je pense qu’il est nécessaire que nous sachons plus à propos de la manière dont la ville a évolué au cours des années.

Sur le sujet de la crise climatique, la Table Ronde critique l’emploi excessif du béton et l’utilisation moindre des matériaux locaux et durables tels que la pierre, la brique … L’association a égale ment un commentaire négatif concernant le recyclage des matériaux de construction. En 2015, la Région de Bruxelles-Capitale a pris la décision de se tourner vers un urbanisme durable, en im posant des normes passives pour les nouvelles édifications. La passivité des ouvrages est acquise en entourant l’immeuble d’une enveloppe étanche, ce qui permet de réduire les consommations d’énergie primaire au plus bas tout en gardant un certain confort à l’intérieur. C’est exactement ce point que critique la T.R.A. pensant que si des matériaux locaux étaient utilisés alors il n’y aurait aucun besoin aux isolants chimiques et de songée à la PEB. Depuis le passage à cette politique, le nombre de rénovations pour transformer les bâtiments en des immeubles à basse énergie a augmenté dans la capitale. Aujourd’hui elle a deux des plus grandes tours passives du monde (la tour Astro 107 mètres et la tour The One 94 mètres)121 . Mais un projet intéressant est réalisé par 51N4E, la tour Victoria Regina se trouvant à Saint-Josse a été rénovée par le bureau. Il faut noter que Peter Lieysen, l’un des signataires du collectif travaille dans l’agence 51N4E. La particularité de ce projet est que la structure en béton et en acier du bâtiment a été conservée. Et presque 30 tonnes d’enduits d’argiles créés par BC Materials ont été utilisées pour les agencements intérieurs ainsi que les finitions. BC Materials est une entreprise fondée par BC architects en 2018. L’objectif de l’entreprise est de transformer les terres excavées des chantiers pour ensuite les réutiliser sous différentes formes comme par exemple : des enduits de terre et des blocs ou des briques de terre compressées.122 Cette initiative permet de récupérer des tonnes de terres qui seraient perdues. Grâce aux groupes comme BC Materials, il est possible de concevoir des matériaux de constructions qui sont circu laires, durables, neutres en CO2 et donc sains pour la santé et l’environnement.123

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123 Studies-bc, “BCmaterials” 122 Circubuild, “BCmaterials” 121 BruxellesEnvironnement, “bâti-passif”
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26 Etat actuel du terrain pour la tour Dockside 28. Tour Victoria Regina 29. Tour The One 27. Tour Astro

Ce que j’aimerais retenir de ce projet est l’emploi d’un matériel local et recyclé. Le béton armé a eu un rôle dans le développement de l’architecture moderne c’est un fait, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Ces dernières années, les architectes utilisent de nouveau d’autres matériaux que le béton pour créer une homogénéité entre les éléments de construction. La Table Ronde est contre l’utilisation du béton armé et demande à ce qu’elle ne soit plus maniée dans la construction. Mais, le béton n’a pas été conçu dans l’ère industrielle, mais bien avant cela. Le béton a été inventé par les Romains vers la fin de l’Antiquité et nous ont légué des édifices tels que le Panthéon de Rome ou encore le pont du Gard. C’est donc un matériau qui fait partie de nos traditions depuis maintenant des millénaires. Certes, ce n’est pas le matériel le plus écologique, mais c’est toujours en évolution et les scientifiques tentent de transformer le béton en un élément neutre en CO2. Ce sera dommage d’abandonner le béton, car c’est un matériel qui a tellement de potentiel, il peut être exploité selon la volonté de l’architecte sous des formes, des couleurs et des textures différentes. Mais ce projet prouve qu’on n’est pas dans l’obligation de faire du traditionnel si on utilise des matériaux locaux et durables. Et en ce qui concerne la densité dans la ville, je ne suis pas vraiment d’accord avec la Table Ronde. Pour la critique, je voudrais faire part de mon expérience personnelle. J’ai résidé durant 14 ans à Schaerbeek pour ensuite déménager en périphérie, cela fait maintenant 10 ans que j’habite à Machelen, une petite commune se situant juste à côté de l’aéroport de Zaventem. Et pendant cette décennie, j’ai pu observer clairement à quel point Bruxelles s’étendait de plus en plus sur les territoires extérieurs. Il y’a de moins en moins d’espaces libres dans les alentours de la ville et donc pour moi la création d’une nouvelle ville construite même selon le style néo-traditionnel serait une catastrophe écologique. Puisque juste construire une nouvelle communauté n’est pas suffisant, il faudra également aménager des infrastructures pour ce nouvel endroit. Les architectes contemporains tentent de régler le problème de la densité en construisant des bâtiments hauts. Je ne dis pas qu’il faut transformer la ville en New York ou Dubai avec des élévations phénomé nales, mais il faut être plus indulgent dans la réalisation de bâtis hauts. Tout le monde aimerait avoir sa maison privée avec son jardin, mais aujourd’hui ce n’est pas possible. Bruxelles n’est plus un village, mais une métropole avec plus d’un million d’habitants.

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4 Conclusion

La dernière partie est donc consacrée aux critiques personnelles sur les solutions proposées par les deux opposants pour les trois points traités : esthétique, citoyen et écologie. Ensuite une conclusion générale sera effectuée pour répondre à la question de départ.

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La question de départ était de savoir comment l’opposition entre l’architecture traditionnelle et contemporaine était revenue dans l’actualité. De nos jours, le monde se perd parmi les crises qui s’enchaînent. Les problèmes environnementaux, sociaux, sanitaires et économiques poussent les gens à s’interroger sur leurs façons de vivre, de consommer, de voyager ... L’architecture est l’un des secteurs clés pour pouvoir trouver des réponses à ces difficultés occupant le quotidien des habitants des villes depuis maintenant quelque temps. Comme chaque fois, des groupes d’archi tectes se mettent en avant afin de proposer des moyens de résolutions. Le collectif de signataires et la Table Ronde de l’Architecture sont ainsi les associations qui ont fait leurs apparitions ré cemment. Ils affirment avoir les solutions pour transformer Bruxelles en un lieu meilleur, plus accueillant, plus vert et surtout plus beau. La mentalité des êtres humains fonctionne souvent de la même manière lorsqu’il s’agit de traiter des problèmes «physiques». Une moitié se tournera vers la technologie, l’innovation, et tentera d’inventer une solution. Tandis que l’autre moitié se pen chera plus vers les méthodes naturelles (un peu comme les remèdes de grand-mères). Même si, très efficace dans certains cas, ce n’est jamais assez, il y’aura toujours besoin d’une aide nouvelle. L’architecture ne fait pas exception, dès que les soucis s’enchainent, le débat entre le traditionnel et le contemporain revient en actualité. Ce n’est pas la première fois que cette opposition se manifeste dans la ville. Au début des années 2000, l’apparition du groupe DiSturb a été l’élément déclencheur de cette première lutte. En ef fet, DiSturb rejetait la politique conservatrice de l’Atelier de Recherche et d’Action Urbaines qui l’avait instauré à la suite du combat qu’il a mené contre les pouvoirs publics dans les années 1970. L’A.R.A.U. avait pour objectif d’arrêter la destruction de la ville et de privilégier la protection du patrimoine et du tissu urbain. C’est donc à cela que s’opposait la nouvelle génération et avait l’idée que la ville avait besoin de la modernité pour évoluer. L’association a ainsi joué un rôle essentiel dans la création des agences d’urbanisme, des aménageurs publics et d’un Bouwmeester. Depuis alors la fin de cet affrontement, Bruxelles est construite avec un mélange de politique conser vatrice et innovatrice. Cette manière de faire n’a pas été discutée jusqu’à aujourd’hui, mais avec l’apparition des nouveaux acteurs, le débat est relancé. Contrairement au conflit précédent, les deux groupes sont une réaction aux mêmes problèmes et non différente. L’opposition est reve nue progressivement dans l’actualité. Depuis le combat entre l’A.R.A.U. et DiSturb, les architectes adhèrent aux politiques définies par ces associations. Mais avec la création de la Table Ronde, les mécontentements et les limites de ces mœurs citadines débutent à se manifester. Pour la T.R.A., la préservation du patrimoine et des bâtiments est importante, mais cela ne suffit pas à embellir à nouveau la ville. Selon le groupement, ce qu’il faut faire c’est de construire comme on le faisait avant, c’est-à-dire de la même manière qu’avant le modernisme. Bien que ce soit la diffusion de la carte blanche du collectif qui a déclenché cette opposition. C’est depuis que la Table Ronde a démarré à s’exprimer pour un retour vers une architecture traditionnelle que le débat a recom mencé à faire surface. Les contre-projets, les publications sur les réseaux sociaux et les interviews dans les journaux ont eu une influence sur les Bruxellois. En conséquence, de plus en plus de citoyens ont commencé à se tourner vers l’architecture soutenue par la T.R.A. et défient ainsi les

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projets proposés par les architectes contemporains. À Bruxelles, une contestation est suffisante pour suspendre la réalisation d’un projet. D’où l’impossibilité pour les architectes d’exercer leur métier, car ils sont toujours confrontés à des personnes qui s’opposent à leurs idées. De plus, les architectes d’aujourd’hui sont restreints par des règles d’urbanisme interminable qui, selon eux, ne sont pas adaptées au mode de vie actuelle. Ainsi, en écrivant les cartes blanches en novembre 2021, le collectif de signataires et la Table Ronde ont relancé le débat sur l’architecture qu’il faut pratiquer à Bruxelles.

Se pose alors la question de savoir s’il faut absolument que Bruxelles ait une préférence d’une des doctrines, ou est-il possible de déterminer un compromis entre les deux? Comme expliquer plus tôt, il y aura systématiquement deux pensées: le traditionnel et le moderne. Si un accord n’est pas mis au point dès lors, cette polémique refera surface dans 10 ans ou 20 ans. Et on cherchera de nouveau des solutions et il y aura toujours ce refus d’accepter l’autre idéologie. Comment trouver cet accord? Le collectif donne en quelque sorte la réponse, la création d’un lieu de discussion et de débat est le meilleur moyen pour trouver une entente entre les deux doctrines. Personnellement, je me penche plus vers les solutions proposées par les signataires, car il me semble être plus ancré au sol et plus réalisable. Je partage bien sûr quelques théories de la T.R.A. notamment celles qui touchent l’enseignement. Mais pas l’idée d’un retour au traditionnel. Dans certaines situations, il peut être intéressant de faire un voyage dans l’histoire, mais cela ne peut pas être définitif. Les styles architecturaux apparaissent avec le développement technologique et technique. Par exemple, le passage de l’architecture romane à l’architecture gothique. Les édifices gothiques ont pu être érigés au moyen des méthodes de construction et de structure qui ont été inventés/innové. Avant le modernisme, la décoration et l’ornement étaient les éléments qui donnaient la beauté aux bâtiments. Mais aujourd’hui, c’est la texture, la couleur, la forme des matériaux qui magnifient l’architecture. Et cela est envisageable grâce au développement de la technologie. Mais rien n’empêche les architectes d’employer des ornements s’ils le souhaitent, d’utiliser des matériaux locaux et naturels. L’invention permet d’étendre les palettes de possibilité, sans innovation, tout le monde ferait la même chose partout. Donc se limiter au passé n’est pas la solution, mais donner la liberté de choix l’est! Nous vivons dans une société régie par la démo cratie et la démocratie impose le pouvoir de s’exprimer et de décider librement. Cela doit être le cas pour l’architecture aussi, chacun a le droit de sélectionner quel style, quel type d’architecture il souhaite.

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5 Annexe : Entretiens et Observation

Dans la partie annexe, on retrouve les entretiens réaliser avec Pablo Lhoas, Nadia Everard et Nicolas Hemeelers. Il y’ a également l’observation de la visite de l’école d’été de la Table Ronde de l’Architecture.

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Visite du Summer School réalisé par La Table Ronde de l’Architecture dans le domaine du châ teau du Bellem, se situant dans la province de la Flandre-Orientale. Les étudiants ont accès à une grande partie du propriété, contenant un lac et un beau parc arboré, appartenant à une famille privée. Les cours sont donnés dans le même bâtiment où logent les élèves. C’est un bâtiment qui a été transformé par la ville de Gand en 1963, en un centre éducatif. L’école d’été est destinée à toute personne ayant plus de 16 ans et parlant le français et/ou l’anglais. Cette année, ils ont 16 étudiants, ce qui est un record depuis le début des écoles d’été. Il y’a une variété intéressante dans les origines, les âges et les situations professionnelles des élèves. Il y’a des Français, belges, brésiliens, italiens, et des bangladeshis, certains sont des étudiants en architecture ou déjà des ar chitectes. Quelques élèves exercent des métiers différents et qui voulaient tester et améliorer leurs côtés créatifs. Et le reste, ce sont des étudiants qui sont en dernière année de secondaire. Elle dure un mois, donc pour 2022 ce sera du 25 juillet au 25 août, les étudiants vivent ainsi ensemble pendant la période de l’école. Le minerval, pour pouvoir y participer et avoir accès à tous les services, est de 1180€. L’école a pour but de transmettre les principes de géométrie et les techniques pour appliquer ces géométries pour concevoir des bâtiments, des cours de dessin in situ, analyse des constructions néo-traditionnelles et des conférences fournies par plusieurs in tervenants durant le mois. Et donc afin de mieux comprendre comment la Table Ronde organise et enseigne ses idées, une visite de la Summer School a été réalisée le 26 juillet 2022. J’ai aussi pu participer à une conférence donnée par Noé Morin, co-fondateur de l’association et Joseph Mann, doctorant en histoire du droit à Strasbourg en France. La conférence était divisée en deux parties, la première donnée par Noé Morin était une réflexion sur l’esthétique dans l’art et l’architecture. La deuxième, menée par Joseph Mann, était sur Au guste Choisy qui était un historien de l’architecture du XIXe siècle et la place de l’ornement dans la Rome antique.

La première partie : Le sujet était sur les raisons de la situation actuelle de l’art contemporain et l’architecture. Au jourd’hui, pour comprendre une œuvre de l’art contemporain, il faut lire l’explication sinon il n’y a aucune compréhension de l’œuvre. L’exemple donné durant la conférence était: « The Physical Impossibility of Death in the Mind of Someone Living » par Damien Hirst réalisé en 1991. L’œuvre représente un requin-tigre qui est conserve dans une cuve transparente124. Avec cet exemple, Noé Morin tente d’éclaircir que l’indication est devenue plus importante que la beauté de l’art. Il définit l’art contemporain comme étant de l’art discursif, donc un art qui a absolument besoin d’un discours. Pour ce qui est de l’architecture, la cause de l’émergence de l’architecture contemporaine c’est l’apparition du béton armé. Mais contradictoirement, l’un des premiers gros projets réalisés avec du béton armé, le cement City en Pennsylvanie aux États-Unis, est une ville avec des maisons de styles traditionnelles.

124 Trancart, F. (2022.) “Analyse d’un chef d’oeuvre de l’art contemporain”

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31.

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30. Le bâtiment où est organisé l’école d’été La salle de classe et de conférence

La plupart des demeures sont toujours debout et sont exploitées en tant que résidences privées. Ce projet est une l’image du but principal du béton armé, de construire en des temps records des logements afin d’accueillir des ouvriers et leurs familles. Mais ce sont les théories de Le Corbusier qui vont modifier l’utilisation du béton armé et faire naître l’architecture moderne. Une critique envers l’architecture de Le Corbusier c’est qu’elle ne reflète pas la vérité structurelle comme le faisaient les Grecques.

Le « plan voisin » de Le Corbusier va être une grande influence dans l’URSS, qui créera des bâti ments de tailles démesurées pouvant héberger des milliers de personnes et des avenues immenses, où la circulation en voiture est prioritaire. Les pays socialistes avaient pour intention de faire du béton armé un matériau de construction universelle pour régler tous les problèmes sociaux de l’époque.

Alors que les pays démocratiques se pencheront plus vers une architecture inspirée du purisme développé donc par Le Corbusier et Àmédée Ozenfant.

La deuxième partie : Joseph Mann a commencé par critiquer le fait que l’histoire des architectures est enseignée de moins en moins dans les universités. Et que des historiens comme Choisy sont ignorés par une grande majorité des étudiants en architecture. Pourtant, ses travaux et ses ouvrages ont été une immense inspiration pour les architectes modernistes, plus particulièrement Le Corbusier. Selon Le Corbusier, Auguste Choisy a « écrit l’histoire de l’architecture comme personne »125. Outre ses travaux sur la géométrie et la structure des constructions grecques et romaines, Choisy se consacrera à la compréhension de la situation sociale des civilisations anciennes en analysant les bâtiments construits par ces derniers. La conférence s’est terminée sur la place de l’ornement dans la Rome antique.

Les Romains sont les premiers à avoir donné la définition juridique de l’ornement qui est : l’orne ment c’est quelque chose qui est attaché a quelque chose. Les Romains donnaient beaucoup d’importances aux décorations et la plupart du temps ils étaient vus comme des trophées de guerre. Il était donc interdit de dérober un ornement sinon, le châ timent était une peine de mort. Pour les Romains, le vol d’un ornement appartenant à n’importe qui, revenait à piller une propriété du souverain, c’est pourquoi la punition est si lourde. Et les décorations ne pouvaient bouger qu’entre les membres d’une même famille, cela permettait de garder les ornements au sein du royaume.

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125 Mandoul, T. (1996)

Présentation de quelques projets néo-traditionnels réalisés dans le monde

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36. L’église de la Résurrection du Christ et des nou veaux martyrs et confesseurs de l’Église russe 34. Ciudad Cayala au Guatemala 32. Terrace houses à Hague 33. Ksar - Tafilelt Tajdit en Algérie 35. Le plessis Robinson à Paris 37. Quartier Piri Reis à Amsterdam

Je voudrais donner un avis objectif concernant l’école d’été organisée par La Table Ronde. C’est une initiative très intéressante qui est planifiée et prodiguée par les deux fondateurs de l’associa tion, Nadia Everard et Noé Morin. C’est une opportunité pour ces personnes d’avoir une idée plus claire de ce qu’est l’architecture néo-traditionnelle à prôner par la TRA. Ils passeront leurs journées à dessiner et à concevoir des bâtiments comme on le faisait encore jusqu’au XXe siècle. Ce sera le moment pour certains qui seront ou sont architectes de découvrir s’ils souhaitent vrai ment exercer leur métier dans ce style-là. On peut très bien être attiré par les dessins et ce que font les autres, mais il faut absolument expérimenter soi-même si cela nous convient ou pas. Je n’ai malheureusement pas eu l’occasion de suivre les cours et de voir de plus près comment se passent les séances, mais j’ai pu observer quelques travaux réalisés par les étudiants. Ce que je trouve comme un point négatif, c’est le tarif du minerval, 1180€. C’est un prix que je trouve plutôt élevé, car cela peut-être un problème pour beaucoup de jeunes qui voudraient joindre ce genre d’initiative. Moi-même j’ai dû payer une somme de 15€ pour pouvoir prendre part à la conférence. Ce qui m’a surpris c’était le fait qu’il n’y avait pas d’autres personnes exté rieures participant au séminaire à part moi, alors que l’invitation se trouve sur le site de la T.R.A. D’après moi, ce manque de spectateur est dû à l’emplacement du lieu de l’ école. Bien que ça soit un décor sympathique, c’est assez isolé et n’est accessible que soit par voiture soit en train. Donc j’imagine que pour l’association ce n’est pas un souci, car personne n’a fait la remarque. Ils étaient même étonnés lorsque je leur avais annoncé que je venais faire une visite à l’école d’été et que je participais à la conférence. Dans l’ensemble, ce fut une expérience plaisante et j’ai pu en apprendre plus sur l’association, notamment grâce à la discussion que j’ai pu réaliser avec Noé Morin, l’autre co-fondateur de la Table Ronde. J’ai été agréablement surpris par sa connaissance sur l’architecture et sur l’urba nisme malgré le fait qu’il ne soit pas du tout spécialiste dans ce domaine-là.

70 Avis sur l’école d’été :

Travaux réalisés par les étudiants le jour de la visite Apprentissage du dessin des formes géométriques en utilisant la méthode qu’utilisaient les bâtis seurs il y’a quelques siècles. Pour cela il faut utiliser une corde qui servira de règle. La corde est divisée en 12 parties, la distance entre chaque point est appelé: coudée.

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Entretien avec Pablo Lhoas, architecte et doyen de la Faculté d’Ar chitecture à l’Université Libre de Bruxelles La Cambre Horta

Le 11 Juillet 2022, À Flagey

Quelles étaient les principales raisons qui vous a poussé à rédiger une carte blanche ? Quels sont les soucis actuels de la ville ?

Les raisons, c’est qu’on s’en rend compte, et pas seulement nous architectes, moi je suis toujours archi tectes-praticiens et donc on fait beaucoup de projets à Bruxelles. On se rend compte que, obtenir des permis à Bruxelles, c’est de plus en plus compliqué. Je dis toujours que c’est un des rares domaines dans lesquels, ça fait maintenant près de 30 ans qu’on fait ça. C’est plus compliqué aujourd’hui que ça ne l’était à l’époque. Et donc un des rares domaines ou malgré que tu aies quand même une certaine habitude et une certaine expé rience. Tu ne gagnes pas en certitudes, tu ne gagnes pas en assurance pour faire des demandes de permis. Et donc, d’une part, nous les architectes, je ne suis pas le seul. On est face à un mur. On a l’impression que le système de l’urbanisme et des demandes de permis d’urbanisme est totalement problématique. Mais il n’y a pas que nous, les avocats spécialisés en droit de l’urbanisme, les promoteurs immobiliers et je dirais les admi nistrations elles-mêmes. Tout le monde considère qu’aujourd’hui, faire de l’architecture, faire des projets, faire des développements, investir c’est d’une complication comme on n’a jamais connu et c’est lié au système. Le règlement d’urbanisme à Bruxelles, donc le Cobat et aussi le règlement régional d’urbanisme qui sont une sorte d’accumulation de règles depuis des années et des années, c’est de plus en plus réglementé et en même temps c’est de plus en plus flou. Donc on ne sait pas avancer, on ne sait pas permettre le développement d’une ville comme Bruxelles, une ville qui a un besoin de changer radicalement, on ne sait plus le faire avec les règles urbanistiques actuelles.

Pourquoi pensez-vous que la ville doit changer ?

Ce n’est pas pour le plaisir de changer, mais on a un défi démographique important pour l’accès aux logements à Bruxelles. C’est un projet, un problème grave. Et quand tu dis logement, ce n’est pas que le logement. Quand tu mets des logements ici, on doit mettre plus de logements accessibles à Bruxelles. Il doit y avoir toute une série d’équipements qui vont avec ça et donc il faut permettre la création de nouvelles fonctions dans la ville. Ça, c’est très compliqué. Aujourd’hui, c’est impossible. La durée des demandes de permis est délirante et donc il faut changer ça. Et puis il y a cette problématique de ce que la ville doit aussi changer pour répondre à la question climatique. Et donc, aujourd’hui, on est face à des défis énormes sur la mobilité, sur l’isolation, sur la durabilité, dans tous les sens du terme. Eh bien, si les règles urbanistiques sont hyper serrées comme elles le sont et si en plus, ces règles urbanistiques, elles sont vieilles et obsolètes, on ne va pas pouvoir engager un vrai débat sur la réforme dont la ville a besoin. Donc ça, c’est vraiment le constat que tout le monde fait. Et je te dis même les administrations. C’est-à-dire qu’aujourd’hui les administrations, elles sont débordées. Et en par ticulier, tu sais que l’urbanisme à Bruxelles, il y a les communes et il y a la région qui interviennent et se tirent dans les pattes les uns les autres, ce qui ne facilite déjà pas les choses. Donc je pense que si on veut une réforme de l’urbanisme à Bruxelles, il faudrait réformer le rapport de ce qui est ressort des communes et de la Région. Et puis, il y a des opérateurs comme Urban qui est l’organisme de l’administration régionale bruxelloise qui globalement fait des permis, mais qui ne fait pas que des permis. Maintenant, ils se sont mis à faire plein de choses à côté de ce qui était leur corps business. Et pour moi, c’est mal placé. Ils font des expositions, ils font des conférences. Donc c’est bien qu’il y ait des gens qui aident le public à mieux comprendre l’architecture. Mais il y a déjà des acteurs qui font ça et donc Urban, pour moi, ne doit pas faire ça. Et en faisant ça, il fait de la concurrence, par exemple au CIVA ou à d’autres opérateurs culturels. Donc elle fait des choses qu’elle ne devrait pas faire et donc c’est de l’argent qu’elle utilise pour faire des choses qui ne sont pas essentielles. Et en plus, elle fait de la concurrence à d’autres opérateurs qui sont aussi d’ailleurs subventionnés par les pouvoirs publics, les mêmes pouvoirs publics que ceux qui payent Urban. Donc ça, c’est peut-être aussi un souci. Je trouve que les administrations sont débordées, qu’elles se débordent elles-mêmes par une analyse extraordinai rement détaillée des projets. Aujourd’hui, quand tu fais un permis. Des formulaires des fonctionnaires qui vont recalculer que la fenêtre elle a bien x mètres carrés par rapport à la taille de la pièce pour que ce soit conforme au règlement régional d’urbanisme. Et donc je ne dis pas qu’il ne faut pas les règles, il faut des règles, mais il faut aussi qu’elles soient intelligentes. Les règles d’habitabilité, elles sont faites pour éviter qu’on ne fasse des logements scandaleusement dégueulasses et qu’il y ait des marchands de sommeil en même temps. Pour parer à ce petit marché entre guillemets, on met des règles énormes qui s’imposent à tout le monde et qui sont disproportionnées parce que d’abord Les règles d’habitabilité, elles sont faites pour éviter qu’on ne fasse des logements scandaleusement dégueulasses et qu’il y ait des marchands de sommeil en même temps. Et comme ça, il y aurait un climat de confiance entre les administrations et les architectes, ce serait déjà mieux. Et ces règles d’urbanisme, d’habitabilité, elles sont aussi figées sur des manières de vivre qui sont dépassées. Tu vas sur l’idée que le logement idéal, c’est pour une famille, deux parents, deux enfants et donc tout s’est configuré

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en fonction de ça et ça n’est plus le cas. Et donc il y a d’autres formes d’habitat aujourd’hui, car il semble que les colocations, tout ça, ça n’entre dans aucune des cases du règlement régional d’urbanisme qui prouve le caractère obsolète du règlement régional d’urbanisme. De même, par exemple, tout un temps, on doit citer les lofts qui étaient à la mode, et c’était une très agréable manière d’habiter. Et bien dans les lofts. Par exemple, le principe d’un loft est un grand espace continu ou tu fais plus la séparation entre salle de bains, chambre et compagnie ou l’intimité est conçue autrement. Et on n’obtenait pas des permis pour des lofts parce qu’il n’y avait pas deux portes entre la toilette et le séjour, par exemple. Et donc, les fonctionnaires se sentent une sorte de devoir d’appliquer les règles à la lettre. C’est frustrant pour eux et c’est frustrant pour tout le monde et pour nous. Il faut changer le style et le système des règles qui doivent rester et qui doivent servir effectivement à empêcher des gens qui ont de mauvaises intentions de faire des logements de merde ou des bâtiments de merde. Il faut garder cette mission par le pouvoir public d’empêcher cela. Parce que si tu laisses tout faire, il ne faut pas se faire d’illusions. C’est la porte aussi ouverte à toutes les merdes possibles. Et en même temps, il faut réinventer un système de règles plus équilibré, plus juste, plus pertinent, plus souple et dans lequel je dirais aussi on doit pouvoir faire des expérimentations. Donc il y a des nouvelles manières d’habiter à 1 à 2, à 5 à 10, tout ce que tu veux bien. Il faut faire en sorte que les fonctionnaires qui vont regarder les demandes de permis, et bien ils puissent regarder ça avec un peu de souplesse et un peu d’intelligence et pas appliquer bêtement une norme qui est complètement dépassée.

son patrimoine

Aujourd’hui, on est dans une société très conservatrice, dans tous les domaines et ça se voit très fort en archi tecture puisqu’on a, soi-disant, trop démolie durant les années 50-60 et 70, on a démoli la Maison du peuple de Victor Horta. Mais bon, c’est toujours du grand traumatisme et à cause de ça aujourd’hui, on veut tout garder et on considère que toutes les maisons d’avant 1932 ou 36 valent la peine d’être conservées. On assiste aujourd’hui à un déplacement. Jusqu’il y a peu, on mettait ça sur le compte du patrimoine, donc de l’esthétique, plutôt de l’idée de garder le passé. Et aujourd’hui, ça se déplace sur un plan écologique ou on te dit c’est tota lement scandaleux de démolir quoi que ce soit. La question est aussi sur la nature et un des beaux exemples à étudier. Je trouve que c’est le cas à la fois de la gare Josaphat et tout ce qui se passe autour et à côté du Wiels à Forest. Je ne sais pas si tu vois ou alors il y a toute une zone de marais. C’était des bâtiments industriels dans les années 80 ou 90. Un promoteur immobilier a racheté le terrain à l’état. Il a démoli toute une série des bâtiments, les moins ou dis les moins intéressants. À l’époque, il a commencé à faire des fondations pour de nouveaux bâtiments. Et puis il a été bloqué parce qu’il n’obtenait pas les permis. Et l’eau s’est accumulée, c’est devenu un marais. Et maintenant, on considère que c’est un biotope extraordinaire. C’est un lieu d’une écologie absolument sublime et que donc on ne peut plus toucher ça. Et donc au final, les pouvoirs publics ont dû racheter le site au promoteur immobilier. Très cher, donc le promoteur immobilier a fait son beurre. La région et les pouvoirs publics et donc nous tous, on a perdu de l’argent. Donc on en arrive maintenant à ne plus vouloir bouger, toucher quoi que ce soit. Et si on fait ça, on va figer la ville dans son état actuel et on ne va pas pouvoir répondre aux enjeux sociétaux.

Et il y a aussi la différence entre les classes sociales à Bruxelles, on a les hauts fonctionnaires qui tra vaillent par exemple pour la Commission européenne, l’OTAN et on a aussi beaucoup d’immigrés qui arrivent à Bruxelles depuis plusieurs années. Et il faut pouvoir faire des logements qui soit en même temps accessible mais également de qualité pour ces personnes-ci aussi. Donc pour vous, quels sont les moyens des architectes pour faire une architecture de qualité, pour tout le monde dans la ville?

Ça, c›est aussi un des gros problèmes aujourd›hui de l›urbanisme. De plus, je parle des règles qui sont problématiques, du patrimoine qui devient un problème. Et alors, il y a un troisième truc, c›est les concertations. Donc aujourd›hui, tu vois Bruxelles, alors on peut trouver que c›était une avancée démocratique, c›est qu›il y a les commissions de concertations. Mais quand on construit quelque chose, on demande l’avis des riverains. Donc sur le papier, c’est très sympa, très chouette. Mais en même temps, d’abord, on demande l’avis de tout le monde pour des conneries. Donc si tu fais une petite modification aujourd’hui, on fait une enquête publique et on appelle tous les voisins à donner leur avis sur le fait que tu fasses une lucarne ou tu as une grande fenêtre dans ta cuisine, ce qui est débile. On va trop loin aussi, et même presque dans l’intimité des projets et deuzio ces commissions de concertations, on voit aussi les dérives auxquelles ça conduit, c’est-à-dire que les gens viennent jeter tous leurs mauvais sentiments. Et le pire des sentiments, c’est que les gens ont peur des autres. Donc, quand tu habites à un endroit et que tu as quelqu’un qui veut, construire des logements, quel que soit logement social ou logements de très grand luxe. Les gens voient toujours ça comme une emmerde, j’aurais moins de place pour me garer et ça va faire du bruit. Ce qui est scandaleux je trouve, parce que la ville est la raison d’être d’une ville. C’est le fait qu’on est, on se met ensemble, on habite ensemble que grâce au fait qu’on habite ensemble, on va avoir tous les services d’une qualité particulière. Et que c’est débile pour moi de se dire qu’on vient habiter aux étangs d’Ixelles pour avoir presque le sentiment de vie qu’on aurait dans une campagne

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Quel est votre point de vue concernant le patrimoine ? Est-ce que Bruxelles est une ville très conservatrice ou bien elle n’est pas assez respectueuse envers

perdue au milieu de nulle part. C’est comme quand tu dois rénover un bâtiment. Si tu prends un programme qui ne convient pas aux bâtiments existants, ça va forcément faire un clash. Donc pourquoi prétendre venir habiter en ville pour avoir autant de calme ? Il faut convaincre les gens que si l’on vit en ville, c’est pour être ensemble que c’est une qualité que d’avoir des voisins et qu’il faut donc revoir complètement la question des commissions de concertation. Not in my backyard, donc c’est un phénomène qui est connu depuis 40 ans et qui a commencé à être mis en évidence aux États-Unis. C’est que les gens veulent des choses. Bruxelles veut un aéroport, il faut à la fois que l’aéroport soit tout près et en même temps, il ne faut pas qu’il soit tout près. Tu vois, débile, je veux être en ville, je veux avoir des magasins, mais pas juste à côté de chez moi. Il faut que ce soit à côté de chez l’autre. Ça, ça va, mais à côté de chez moi, ça ne va pas. Donc les gens sont complètement malades, il faut les soigner et donc on doit changer radicalement les choses. Et quant à la mixité urbaine. La mixité sociale, ça se décrète, ça ne se fait pas naturellement. Si tu laisses faire encore toi le marché immobilier, on voit ce que ça donne. C’est-à-dire une ségrégation très forte. Les riches qui sont à côté, les gens qui n’ont pas le choix de vraiment choisir, qui vont dans un autre parce que c’est la loi du marché. Les prix qui montent à fond d’un côté et qui sont de plus en plus inaccessibles aux gens plus pauvres. Et donc il faut un système pour moins de régulation et un système d’obligation que les pouvoirs publics doivent avoir sur la mixité urbaine, la mixité se joue à plein niveau. Elle peut se jouer au niveau d’un même bâtiment, au niveau d’un îlot, au niveau d’un quartier. Et c’est l’ensemble de tout qui fait qu’on n’a pas les sortes de parcs à pauvres d’un côté, et puis des « gated communities » de l’autre. Ça doit se réglementer. Et ça, c’est un des enjeux, me semble-t-il, de l’urbanisme. C’est compliqué, ce n’est pas très, très populaire, mais en même temps, si on veut vraiment lutter contre la ségrégation sociale, on sait bien que l’urbanisme et l’architecture sont des éléments fondamentaux.

Comment la pandémie va-t-elle affecter l’architecture dans les villes ?

Ça aussi donc, ce n›est même pas à l›échelle de la ville et de l›urbanisme, mais à l›échelle, par exemple, des maisons. Aujourd›hui, et je l›ai vécu récemment dans un projet d›architecture, tout le monde est convenu que, grâce entre guillemets à la pandémie qu›il fallait prévoir pour chacun le plus possible de logements un espace extérieur, alors ça ne peut pas être partout des jardins, mais ça peut être un balcon par exemple. Alors que tout le monde est quand même d›accord sur cette idée, quand tu fais une demande de permis à Bruxelles pour construire un balcon en intérieur d›îlot, on te dit scandale. Parce que ça va faire du bruit. Il y a des gens qui risquent de venir se mettre sur leur balcon. C›est pour moi le bon témoignage de ce que je disais juste avant, c›est que les gens deviennent fous, qu›ils ont peur comme ça des autres. Quand tu regardes un îlot traditionnel bruxellois, il y a plein balcon. Il y a plein de sources de bruits, entre guillemets ou de gêne possible. La plupart du temps, les gens habitent et cohabitent harmonieusement, mais les gens ne veulent plus entendre ça. Donc il faut, là encore, tu vois une jonction entre une idée politique, administrative plus forte pour dire qu’on impose des balcons. C›est plus important d›avoir ces espaces extérieurs pour le bien être des gens que la pseudo nuisance que ça va causer pour le voisin.

Quelle est l’architecture que vous et le collectif aimeriez apporter dans la ville ? Comment la décrierez-vous ?

Alors je ne cache pas que le collectif, il est vraiment de circonstance. C’est un petit groupe de personnes, nous avons été à mon avis 10 à y réfléchir et 5 à coécrire ce truc-là. Et on partage la même frustration. Mais par contre, je pense qu’on n’est pas tous d’accord sur les moyens et sur le but à atteindre. Et ce n’est pas grave. Ça prend du temps à faire les choses. Mais donc on va organiser des tables rondes à la rentrée avec des gens à la fois, ceux qui ont signé la carte blanche, des gens qui depuis ont fait des textes de contribution pour nourrir le débat et d’autres personnalités pour voir quelles propositions parce que c’était ça aussi le but, c’est d’arrêter de simplement se plaindre. Mais on voudrait pouvoir aider à dégager des pistes de solutions. On ne prétend pas l’avoir, nous, donc on va faire de grandes réunions pour que les gens ensemble essayent de dégager des pistes de réflexion sur comment améliorer les systèmes de l’urbanisme et entre autres. C’est une des plus grandes clés des questions qui se posent. On sait qu’il faut régler les choses et que les pouvoirs publics doivent être moteurs là-dedans parce qu’ils sont même les garants de l’équité dans la société. Quel type de règles faut-il donner ? Est-ce qu’il faut quand même en restant tendre des règles très précises et des procédures très précises pour que tout le monde sache exactement à quelle sauce il va être mangé ? Ou bien est-ce qu’il faut laisser une part de liberté aux fonctionnaires pour juger les projets de le dire ? Moi, je trouve que c’est important aussi de redonner confiance à tout le monde, y compris aux fonctionnaires, parce qu’aujourd’hui il y a des problèmes et là, ça va servir un autre peut-être. Ça vaut la peine de parler, c’est que tout le monde à la fois est défiant, donc se méfie des autres. Donc les fonctionnaires se méfient des architectes, les architectes se méfient des fonctionnaires, les promoteurs se méfient, les architectes et les fonctionnaires, les avocats et donc tout le monde qui normalement travaille sur la même chose. Tout le monde à la fois peur et a du mépris pour les autres. Et donc dans un climat pareil, ça ne va pas, ça ne peut pas fonctionner. Et donc ce qu’on essaye nous et c’est ce qu’on va essayer avec les tables rondes, c’est d’essayer justement de réconcilier tout le monde. Et donc on fait des formations ou ils viennent une fois tous les quinze jours, un vendredi, toutes les semaines, à certains moments, des fonctionnaires, des promoteurs, des architectes et tout le monde se retrouve là, déten du. Et ça peut paraître un peu anecdotique, mais en même temps, c’est vraiment dans des choses informelles comme ça que les relations entre les personnes sont meilleures, que l’on peut connaître les emmerdes des uns

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et des autres. Toi, quand tu restes dans ta position d’architecte et que tu vois le fonctionnaire comme juste un emmerdeur. Et donc là on essaye de créer un climat dans lequel les gens se font plus confiance et vont j’espère à terme aider à ce que l’urbanisme aille mieux.

Que pensez-vous de votre opposition ? En sachant que Nadia Everard, co-fondatrice de la Table Ronde, a été diplômé de la faculté.

Écoute sur le fait qu›elle soit diplômée de la faculté, c›est plutôt bon signe sur le fait que notre faculté, elle permet aux étudiants de se forger chacun sa propre religion. Ça, c›est le côté positif, mais en même temps, ça fait un peu peur. Ça fait un peu peur de voir à quels extrêmes ça conduit. Et quand tu vois les propositions que fait la table ronde de l’architecture, c’est flippant. Quand tu vois la manière qu’ils ont, par exemple, le concours qu’ils ont lancé pour rhabiller la tour Stevens et l’ascenseur du palais de justice. C’est du « façadisme », ils gardent l’ascenseur, ils veulent lui donner une esthétique soi-disant plus convenable. Et pour eux, qu’est-ce que ça veut dire convenable. Ça veut dire qu’il va piocher dans l’histoire de l’architecture. Mais tu vois, c’est très rétrograde. C’est aussi croire, par exemple, que seules les formes de l’architecture du passé sont belles parce qu’ils revendiquent cette notion de beauté, ce qui est très important. Mais en même temps, croire que la beauté a été définie au XIIe siècle dans l’architecture gothique et que depuis, l’humanité n’a faite que de la merde et que l’humanité à venir ne fera aussi que de la merde. C’est sidérant, c’est démotivant et c’est désespérant. C’est croire qu’aujourd’hui, on ne crée pas des choses intéressantes. Par exemple, tu pourrais prendre un parallèle avec la musique. C’est te dire que, à part les chants grégoriens. Qui date du XIe siècle. On a plus fait quoi que ce soit d’intéressant et surtout, on ne fait plus rien d’intéressant aujourd’hui. On ne fera plus rien d’intéressant en musique demain. C’est sidérant. C’est aussi rappliquer les sortes de masques sur des bâtiments, donc c’est nié le fait de la relation à l’intérieur extérieur avec des bâtiments et c’est pour moi c’est dangereux. Donc c’est réactionnaire, c’est désespérant. Qui va aller dire que l’architecture gothique est moche, personne. Et en même temps, c’est le degré zéro de la réflexion architecturale et ils ont un succès, un certain succès parce que ça titille des fibres faciles et un peu pute. Ça attise aussi la haine des promoteurs immobiliers, attiser la haine de la modernité, c’est la haine du progressisme et donc c’est sidérant. Moi je ne comprends pas comment Nadia, comment elle développe ce discours. Mais je suis content que le débat sur l’architecture puisse se poser grâce aussi à des gens comme la table ronde. Mais il faut quand même qu’il dise les choses vraiment, qu’il y ait une opposition, que les gens les contestent et des personnes. Pour l’instant, je n’entends pas beaucoup de protes tations et que ce soit critiqué ou analyse.

Il y’a aussi la question de l’artisanat qui revient au premier plan.

Sur l’artisanat aussi c’est complètement « fake » ce qu’ils montrent parce que tu vois leurs dessins pour l’ascen seur, ce n’est manifestement pas possible avec les techniques d’artisanat qu’ils prétendent vouloir reconsidérer et donc ils mentent sur plein de plans et donc c’est quand même que s’il y a une chose à laquelle je suis atta ché, c’est quand même d’avoir une certaine éthique et de dire les choses avec justesse et pas de mentir pour défendre ta théorie, ce n’est pas juste.

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Entretien avec Nadia Everard, architecte et co-fondatrice de la Table Ronde d’Architecture ASBL

le 15 Juillet 2022, sur Teams.

A partir de quand avez-vous commencé à vous intéresser à l’architecture traditionnelle ?

J’ai commencé à l’ULB qui était déjà fusionnée avec La Cambre Horta. Et moi j’ai été très déçu par mes études, donc je m’ennuyais. Et il y a des mots aujourd’hui qu’on n’ose plus utiliser comme la beauté, c’est quelque chose qui est interdit. En tout cas, dans le milieu de l’architecture, ils sont censurés et je ne m’étais pas rendu compte de ça, car on n’en parle pas pendant les cours, il n’y a pas de débats. Ça va juste dans une direction, on ne nous explique pas qu’il y a d’autres mouvements qui existent aussi dans le monde, soit parce qu’il y a une ignorance, on n’est pas au courant et parce que l’histoire, finalement, après la guerre, a pris une direction qui est pour nous pas la bonne et qui n’est pas la bonne d’un point de vue écologique, au niveau de la civilisation ou pour l’être humain. Ensuite, j’ai commencé à travailler avec des artisans. Donc j’ai travaillé d’abord avec un maître verrier qui était à Bruxelles et puis j’ai travaillé avec d’autres artisans charpentiers. Et puis j’ai fait un stage aux Archives d’architecture moderne qui ont été créées par Maurice Culot dans les années 60. Et là, j’ai découvert un autre monde dans le sens où j’avais accès en fait à des dessins pour moi qui étaient enfin de vrais dessins d’architecture. Il y avait des choses qui étaient là juste pour nous émerveiller et ça me faisait plaisir. Alors là, c’était vraiment la première fois que je prenais du plaisir. Ce n’est pas moi qui dessinais, je faisais qu’analyser en fait l’histoire. Mais c’était intéressant et je n’étais pas du tout venu là dans le bon sens en me disant, mais, on pourrait construire comme ça aujourd’hui, parce que c’est évident que c’est une manière de penser qui est censurée à l’université.

On ne nous permet pas de faire comme on a fait pendant des siècles. Il y a eu tellement de retours en arrière dans l’histoire. Les Égyptiens ont inspiré les Grecs, les Grecs ont inspiré les Romains et ainsi de suite. En ap prenant l’histoire, on se rend compte que l’architecture, elle n’est faite que de liens et d’entretien. L’innovation et le progrès, ça n’existe pas, sur quelques siècles, ça n’existe pas. Si tu vas dans une cathédrale gothique, on ne peut pas dire qu’aujourd’hui, l’architecture est un progrès. Le progrès, pour moi, c’est un mieux ou un plus beau, ou un plus durable. Donc c’est ce que l’architecture aujourd’hui devrait apporter aux gens. Et donc, après ce stage, j’ai décidé que j’allais arrêter mes études d’architecture en Belgique. J’ai failli arrêter mes études et plutôt m’orienter vers ce que nous on appelle les métiers des « oeuvriers » (ce sont donc des gens qui travaillent sur les chantiers, qu’on appelle les chantiers du patrimoine). Ensuite j’ai décidé de continuer mes études à Londres grâce à une de mes enseignantes que j’aimais beaucoup à l’ULB qui s’appelle Nadia Casabella. Donc elle m’a déclaré qu’il y avait une faculté à Londres qui s’appelle London Metropolitan University. Et un des professeurs que j’ai eu et qui s’appelle Peter Stringer se disait être un architecte classique déçu dans le sens où toutes ses références sont attachées à l’histoire qu’il va réutiliser des sources de la Renaissance, du Moyen Âge, de l’Antiquité, sans finalement créer des liens entre ces différentes périodes. Il était frustré d’être né dans ce siècle. Parce qu’il ne pouvait pas faire ce qu’il voulait qu’à cause de l’administration, à cause des techniques de construction, à cause finalement de la profession qui a fort changé, il ne pouvait pas construire comme il le voulait. Durant mes études à Londres, j’ai lu 10.000 livres et je suis tombée sur The Architecture Community qui a été écrit par Leon Krier. Leon Krier qui était un des acteurs importants des années 60 et il y’en a qui pense que c’est le père fondateur du mouvement postmoderniste de l’architecture traditionnelle. J’ai lu son livre et je me suis dit c’est incroyable. Il a une vision qui est très raison née, très humaniste de l’histoire de l’architecture et de la pratique de l’architecte. Il ose dire des choses que les architectes aujourd’hui n’osent pas dire à leurs étudiants. C’est pour ça d’ailleurs qu’il se fait tellement critiquer. Mais pour moi, c’était très stimulant parce que mes études étaient très ennuyantes et donc c’était stimulant si tu veux d’entendre quelque chose de différent.

Comment avez-vous décider de créer l’association ?

Je suis celle qui préside l’association et c’est venu de moi. Donc on a créé cette association avec Noé, qui n’a rien à voir avec l’architecture, mais qui était passionné d’urbanisme. Donc, il est très actif dans l’association. L’association, elle, existait un peu de manière informelle. Avant, on était un groupe de jeunes et après, ça s’est agrandi. C’est ouvert à tout le monde et au début c’était essentiellement des architectes et des oeuvriers et maintenant, il y a énormément de citoyens.

Quels sont les buts de la Table Ronde de l’Architecture ?

Au début, on faisait les contre-projets que tu as pu voir. C’était nous, on se baladait et on se disait, mais là c’est terrible, il faudrait faire quelque chose. Donc moi, j’étais un peu celle qui allait corriger les travaux des étudiants qui participaient. Tous ces étudiants. En fait, ils sont exactement dans le même cas que j’étais il y a presque 8 ans, parce que c’est à dire qu’ils n’aimaient pas leurs études et ils veulent apprendre à concevoir différemment. Ils sont conscients qu’il y a des bureaux qui existent partout dans le monde, qui conçoivent les choses diffé

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remment et qu’il y a un marché énorme. Cette architecture, c’est une architecture qui est fort demandée, mais il y a peu de personnes qui sont formées à ça. Il y a beaucoup plus d’architectes qui la pratiquent en Flandre, en Wallonie c’est trop proche du zéro. Mais donc il y a beaucoup de jeunes qui se rendent compte qu’ils auront un emploi plus facilement. Ça peut être une des choses qui les attirent, ce n’est clairement pas la première. La première, c’est parce que c’est des personnes qui sont attirées par le charme de cette architecture avant même de comprendre comment elle est construite. On a arrêté de choisir nous-mêmes les contreprojets. C’était des comités de quartier, des associations qui nous contactaient et on les faisait ensemble. Et c’est ce qu’on continue à faire, mais ça nous prend beaucoup de temps. Pour l’instant, la priorité de notre association, c’est de former de nouveaux architectes et des oeuvriers. C’est de la formation longue. Donc on commence avec l’histoire, la géométrie, le dessin, la construction, on a vraiment de tout. On s’enseigne les choses qu’on enseigne dans le sens ou on doit constamment apprendre, parce qu’il y a un bagage qui est énorme et qu’on ne nous a jamais appris. On ne veut pas devenir des écoles concurrentes aux écoles qui existent, mais on veut juste qu’au moins ils donnent le choix aux étudiants.

Le lien entre l’architecture et l’archéologie, c’est bien pour tout ce qui est patrimoine, restauration. Mais dans la création architecturale, il faut que les architectes connaissent l’histoire de là où ils vivent, c’est le plus impor tant. Un étudiant en architecture à Bruxelles, ils devraient connaître la perfection l’histoire architecturale de Bruxelles et les techniques de construction à travers les siècles de Bruxelles. Ça lui permettra après de faire des bâtiments à Bruxelles qui sont cohérents avec le bâti existant.

Ce qu’on prône, c’est que l’architecture, elle soit raisonnée, qu’elle soit logique. Mettre une toiture plate en Belgique, pour nous, c’est de la bêtise, ça n’a aucun sens. Oui, il y a des choses qui sont fonctionnelles, mais qui peuvent être esthétiques. Et ce n’est pas pour rien que pendant des centaines d’années, on a utilisé certains principes. Et donc nous, on n’a pas peur de revenir vers des techniques de construction qui ont fait leurs preuves. Il y a plein de choses aujourd’hui en construction qui ne sont pas enseignées parce que les architectes, les étudiants en architecture ne savent pas les dessiner. Et c’est le gros problème. C’est comme ça, personne n’ose en parler. Mais le métier d’architecte, c’est un métier qui va un jour disparaître. Et à mon avis, de notre vivant, si personne ne fait rien parce que le problème, c’est que l’architecte n’est plus apte à dessiner et il n’est plus apte à construire. Les architectes, aujourd’hui dans les bureaux, font appel à des ingénieurs et souvent à des dessinateurs. Et donc ça, ça prouve aussi à quel point, la signature d’un architecte sur un permis n’a plus aucun sens. L’ordre des architectes ne porte plus du tout la raison d’être qu’il avait avant. Il n’apporte plus rien dans le monde de l’architecture dans le sens ou la signature de l’architecte avant, c’était gage de qualité, gage de performance structurelle et gage de beauté. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, donc c’est pour ça que les étudiants en architecture doivent s’en rendre compte, dès la première année, leur métier va disparaître s’ils ne font rien. Et c’est un métier qui est indispen sable, on est quand même ceux qui vont construire des bâtiments pour abriter les gens, sans les bâtiments il n’y a rien. C’est super important que l’on fasse bien les choses.

C’est pour ça que ce qui est important, c’est que les écoles d’architecture changent. Que les professeurs se rendent compte aussi qu’il faut vraiment apprendre des choses aux étudiants. Et pour apprendre, il faut pra tiquer. Tu ne peux pas être dans un auditoire avec 600 étudiants et regarder un PowerPoint. Ce n’est pas possible de dire que tu peux apprendre comme ça où ton examen c’est un QCM à remplir, c’est ridicule. Ce n’est pas ça apprendre l’architecture. Si tu prends des architectes ou même des artisans ou des citoyens, d’il y a 300 ans, et tu les fais venir voir un jury d’un élève en architecture aujourd’hui. Ils pouffent de rire parce que c’est dramatique et ce n’est pas la faute aux étudiants en architecture et c’est ça qui est important. C’est cette histoire qui nous a poussés à construire comme ça de cette manière aujourd’hui et enseignée de cette manière. Et le problème, c’est qu’aujourd’hui il faut se réveiller et il faut comprendre que ce n’est pas sain. Si on ne fait rien, le métier va disparaître.

Pourquoi préférer l’architecture traditionnelle à l’architecture moderne ?

Le mot traditionnel on essaie de moins en moins de l’utiliser parce qu’on fait de l’architecture et si on utilise ce mot traditionnel on créera toujours une opposition justement entre ce qu’on dit, et les modernistes ou ceux qui conçoivent de manière industrielle. On peut parler de beaucoup choses, mais il y a l’architecture et la non-architecture. L’architecture est basée sur des principes qui sont fondamentaux et qui sont des principes de stabilité et des principes esthétiques. À partir du moment, où tu t’en écartes, c’est plus de l’architecture. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à aujourd’hui, on a construit différemment.

Je parlais de Leon Krier, c’est un de nos membres, Maurice Culot aussi c’est aussi un de nos membres. Il y a toute une génération qui a 70, 80 ans, et qui a commencé ce combat. Peut-être pas toujours de la meilleure manière au début. Mais qui nous ont ouvert la voie. Ils nous ont montré qu’on avait une liberté énorme en architecture et qu’à partir du moment où tu sais que tu peux avoir cette liberté, que l’architecture peut être bien plus variée, et elle arrêterait d’être uniforme et monotone. On n’aura plus toutes ces boîtes en carton pour partout dans les villes. Peu importe la ville où tu vas, tu vois la même boîte en verre. Et là, je ne parle pas uniquement des bureaux, mais même dans l’habitation, il y a une uniformité pas possible. L’architecture, c’est un art. Et les siècles passés nous ont montré cela. Il y a une histoire de milliers d’années d’architecture et de construction qui est née avant nous. Et quand tu regardes ce que les Égyptiens, même avant les Égyptiens, ont fait, notre histoire architecturale est ridicule d’un point de vue esthétique. D’un point de vue construction, on est bien moins intelligent qu’eux. Je ne dis pas qu’on doit construire comme les Égyptiens. Ce que je veux dire, c’est que chaque peuple, chaque civilisation a ces méthodes. On doit construire pour au moins 100 ans si on veut vraiment être écologique. On n’a jamais parlé autant d’écologie ces dernières années, mais on fait si peu d’écologie.

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On ne peut pas parler d’écologie sans penser à la longévité du bâti. Ça ne sert à rien de parler de PEB et de parler de performance énergétique si ton bâtiment tient 15 ans ou 20 ans ou même s’il tient 40 ans et qu’après on garde la structure en béton et on retire les façades, tous ces matériaux, on sait tous très bien que c’est mal recyclé, même si l’on dit qu’en Belgique, c’est 80 % des matériaux qui sont recyclés, quand tu vas dans une sta tion d’épuration ou dans un centre de recyclage en Belgique, c’est une catastrophe. Donc on est convaincu que si l’on ne revient pas un peu à quelque chose de sain, on n’arrivera jamais à construire à nouveau de manière durable. On aime bien le slogan « beau, durable et humain » parce que c’est trois choses qui sont essentielles aujourd’hui. Des gens adorent jeter des slogans, mais c’est con, ça devrait être normal de vouloir une architec ture belle, humaine et durable. L’architecture aujourd’hui ne veut plus rien dire, c’est qu’un moyen de gagner de l’argent. Je ne peux pas dire que les architectes avant ne faisaient pas ça pour gagner de l’argent, mais il y avait autre chose. C’était plus spirituel, il voulait embellir, il voulait plaire aux gens qui étaient autour, il y avait cette idée de laisser sa marque aussi dans le temps. Ce n’est pas uniquement la signature sur le bâtiment qui nous dit ça, mais c’est le bâtiment lui-même. Et puis il y a tout le travail des artisans derrière. Pour eux, c’était une fierté énorme. Ils revenaient avec leur famille sur le site du chantier pour admirer le travail fourni. Il y avait toute une histoire. Il y a une mémoire qui reste, mais qui par contre a été perdue aujourd’hui. Aujourd’hui, il n’y a plus aucun ouvrier qui va venir sur un chantier avec sa famille. De nos jours, les ouvriers ne sont que des opérateurs, ils ne font que fixer et coller des choses. Donc on essaie d’arrêter d’utiliser ce mot pour qu’on arrête d’avoir cette guerre entre moderniste et traditionnelle, mais qu’on revienne à l’architecture. On va juste utiliser le mot architecture, dans le sens où c’est de l’architecture et l’architecture on ne devrait pas avoir peur de dire ce qu’on est. Aujourd’hui les architectes, ils disent qu’ils sont architectes, ils ne disent pas qu’ils sont architectes traditionalistes.

Pensez-vous être la nouvelle génération de l’A.R.A.U. ou bien La Table Ronde de l’Architecture est une association totalement indépendante ?

Totalement différente, oui, l’A.R.A.U. a fort changé, l’A.R.A.U. du début, ce n’était pas ce que l’A.R.A.U. est aujourd’hui. Le travail de l’A.R.A.U. aujourd’hui est indispensable et c’est super important ce qu’ils font. Le problème, c’est qu’il n’offre pas de solutions aux problèmes du modernisme, c’est-à-dire qu’il est tout le temps dans la confrontation et c’est ce qu’on faisait énormément, mais on s’est rendu compte que ce n’était pas du tout la bonne stratégie. Et être tout le temps dans l’opposition et dans la confrontation, ça n’aide pas en fait. Si tu veux améliorer les choses, ce qu’il faut, c’est expliquer aux politiques, expliquer à tout le monde, sainement et simplement, que cette architecture est juste, durable, que la manière dont on construit aujourd’hui n’est pas durable et démolir des bâtiments, surtout ceux qui ont été construits avant la guerre c’est une bêtise. Des erreurs ont été commises après la Deuxième Guerre mondiale, mais à partir de ces erreurs on peut finalement créer des choses plus belles et plus saines. L’erreur n’est pas forcément mauvaise. Je pense que là l’erreur, elle dure depuis trop longtemps et on abîme la Terre de plus en plus. Et puis on s’abîme, nous, les êtres humains en même temps, parce que l’architecture c’est un impact énorme sur le bien-être. Et l’A.R.A.U. c’est super important ce qu’ils font, ils font souvent des recours, ils permettent de stopper des chantiers. Tout ça, c’est super. Le problème, c’est qu’il faudrait aussi former des architectes qui sont aptes à construire différemment et à proposer des projets différents. Car à partir du moment où tu fais des projets qui sont aimés par les gens, des projets qui sont durables, des projets qui ne sont pas aimés par deux générations, mais par 10 générations, 30 générations après là oui, on peut parler de durabilité et on n’aura pas tous ces problèmes.

Est-ce que la T.R.A. est une association conservatrice ?

Il y a les associations dites de conservations, de préservateurs. Nous, on ne se considère pas du tout comme des conservateurs ou des préservateurs dans le sens où, nous, on n’est pas contre une démolition. À partir du moment où la démolition améliore le bâti, elle le rend plus saint, plus vivant, plus durable. Mais c’est vrai qu’aujourd’hui, on a tellement démoli qu’on a exactement la même réaction que l’A.R.A.U. C’est autant garder ce qu’on a et essayer de le changer et si c’est possible, alors autant l’améliorer. Mais nous, on ne se voit pas du tout comme les successeurs de l’A.R.A.U. Absolument pas, parce que l’A.R.A.U. c’est Bruxellois. Tandis que nous, nous sommes un mouvement belge.

Est-ce que vous prônez un style spécifique lorsque vous parlez d’architecture traditionnelle ?

Non, on n’est pas des classicistes, on n’est pas des gothiques, on n’est pas des néo-grecs, on n’est pas des néo-égyptiens. Nous, on étudie l’histoire, toute l’histoire de l’architecture et après on se relocalise. On fait une architecture qui est locale. Après bien sûr, à travers les siècles, il y a eu beaucoup de mélanges de traditions. Il y a des traditions égyptiennes qui sont nées en Grèce par exemple. Et tout cela, c’est un peu la même chose, c’est que nous, dans notre mouvement, il y a des gens qui ont des affinités par exemple, pour l’architecture romaine, il y en a qui ont des affinités pour le gothique du XIe siècle, d’autres qui vont préférer celui du XIIIe. Mais après, il ne faut pas rester figé comme le XIXe dans le XIXe, à cause de l’archéologie et de toutes ces décou vertes qu’on a faites, on a découvert l’Égypte, on a découvert la Grèce, on a découvert Rome, on a découvert des villes entières, un patrimoine qui était gigantesque. C’est un siècle, où l’on a écrit énormément et peut être un peu trop dans le sens où ces architectes-là étaient étouffées par l’histoire, étouffées par une architecture

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des traditions différentes. Et donc, ils ont voulu s’essayer à tout, et peut-être parfois trop vite, parce qu’il faut laisser le temps aussi à l’architecture. Ils ont réutilisé des choses qui ne comprenaient pas. Ça n’a aucun sens de, par exemple, de prendre un temple comme le Parthénon, et puis de le remettre à Rome comme on l’a fait au XIXe. Les Grecs n’ont pas construit de cette manière-là, de manière innocente. Ils ont construit là, car c’était lié aux conditions locales, c’était lié aux matériaux qui étaient disponibles, à la pratique religieuse et à plein de choses. Chaque architecture doit avoir la logique de son temps. Mais il y a des choses qui ne changent pas. Il y a des typologies qui existent et qui ne disparaîtront jamais. La typologie de la basilique, elle existe depuis toujours et elle existera toujours, c’est la grande halle.

Pour finir, comment, selon-vous, peut-on régler le problème de logement à Bruxelles ? Dans vos textes, vous critiquez souvent la hauteur des nouvelles constructions, comment alors peut-on régler le problème de densité dans la ville ?

En fait nous pensons que le problème de la densité des villes doit être résolu par la dé-métropolisation du tissu urbain. Le problème de la densité ne se pose que dans les grands centres urbains (capitales, chefs-lieux) tandis que la périphérie urbaine souffre au contraire de désertification. Nous sommes donc en faveur d’une politique de développement des villes petites et moyennes, voire de création de villes nouvelles (Poundbury, Heulebrug etc.) pour éviter la surpopulation des grandes villes. Par ailleurs, concernant Bruxelles, il existe une «vingtième commune» de logements/patrimoine désaffectés et d’espaces vides. C’est là qu’on rejoint l’A.R.A.U., dans le sens où ce n’est pas normal que des gens vivent dans des chutes, dans des espaces qui sont minuscules, alors qu’il y a plein d’espaces libres. Nous sommes en faveur de la rénovation prioritaire de ces bâtiments et leur conversion en logements habitables, avant de lancer des programmes de nouvelle construction. Il y a quelques années un de nos étudiants ,qui était à l’ULB, avait fait un contre-projet pour la rue de l’Activité. Son projet consistait à garder tous les bâtiments, tous datant d’avant 1938, donc le but étaient de montrer que ces bâtiments étaient mieux construits que ce qu’on construit aujourd’hui. Et surtout d’expliquer qu’il y a moyen d’améliorer ce bâti qui n’était pas le plus beau, mais on n’est pas pour la démolition. On est pour la conservation et l’embellissement. Et l’embellissement ça n’a pas du tout la même connotation comme au XVIIIe ou au XIXe siècles. Pour nous l’embellissement, c’est de rendre vivant. Il y’a des bâtiments des années 50, des années 60 et encore avant qui ne sont pas forcément intéressant. Mais parfois, juste en créant des liens entre eux ou en améliorant leurs façades, en changeant certains des ma tériaux, on arrive à complètement les améliorer et cela permet aussi d’éviter la démolition.

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Entretien avec Nicolas Hemeelers, juriste et urbaniste à l’agence CityTools

Le 22/07/2022, au bureau de CityTools

Quels sont les problèmes que vous rencontrez en tant qu’urbaniste aujourd’hui ?

C’est une question assez large. Je pense qu’il y a une réflexion assez structurelle dans la façon dont on organise le travail de production du territoire aujourd’hui, qui est en partie liée à l’impact que la production urbanis tique va avoir sur l’environnement de manière générale. Donc ces éléments-là, à mon avis, justement dans la distinction de combats entre A.R.A.U. et DiSturb à l’époque et peut-être des mouvements pour se structurer aujourd’hui, à mon avis, elle se pose de manière beaucoup plus forte qu’il y a quinze ans, clairement. Et il y a une forme de saturation je pense de la tolérance de certaines associations, de certains acteurs par rapport à des questions environnementales ou d’impacts de projets dans la ville sur la nature, la biodiversité et sur toute une série d’éléments liés à la question environnementale. Et donc il y a clairement une difficulté comme urbaniste qui se pose aujourd’hui, mais en tout cas, c’est un enjeu d’arriver à se dire comment on intègre ces questions environnementales dans un projet, mais aussi, de manière générale, dans notre réflexion sur la façon dont le territoire doit être organisé aujourd’hui. Parce que voilà, il y a plein d’éléments qui entrent en ligne de compte par rapport à cette question-là, on peut avoir une vision environnementale très performante et pertinente à une échelle de projets qui est peut-être beaucoup moins pertinente, à une échelle beaucoup plus large. Et je pense que la question de la densité en ville, ça fait partie un peu de ces sujets difficiles à gérer comme urbaniste aujourd’hui, parce qu’on a tendance à avoir envie de plutôt concentrer la population dans des zones qui sont bien desservies, en transports publics, en équipements proches des pôles de vie. Et en même temps, faire cela, ça a potentiellement, un impact sur la qualité environnementale, de biodiversité ou de nature que certains de ces espaces peuvent avoir. Donc il y a une sorte de double lecture à double échelle des enjeux environnemen taux, de savoir si l’échelle pertinente pour la réflexion, c’est l’échelle d’un projet x, qui peut être localisée en ville et qui doit être évaluée ou est-ce que c’est une réflexion plus générale sur l’impact qu’on a, nous comme humain, sur le territoire, à l’échelle large. Et ça, je pense que ça reste une sorte de difficulté que les urbanistes ont aujourd’hui. Et je pense que beaucoup de gens évoluent par ailleurs par rapport à cette question-là. Et donc c’est une période intéressante, je trouve.

Dans la carte blanche, vous dites que les changements urbanistiques arrivent souvent après des urgences du moment. Est-ce que la pandémie et la crise environnementale sont les urgences qui vous ont poussé à rédiger une carte blanche ?

Oui, l’idée c’est clairement dire que dans une période de crise on rebat les cartes. Donc clairement c’est des moments qui sont durs, mais c’est des moments aussi où on peut arriver à prendre une certaine distance et faire bouger po tentiellement un certain nombre de lignes de questions. Donc sur l’échelle architecturale, on ne produira plus jamais du logement de la même façon maintenant que ce qu’on faisait même il y a encore quelques années. On voit bien sûr aussi les périodes d’extrême chaleur, les espaces publics qu’on produisait même déjà à l’époque sont aujourd’hui complètement inadaptés parce qu’on voit bien qu’il y a des zones de chaleur épouvantable et que donc ce n’est plus adapté à notre mode de vie, je pense qu’il faut voir les crises dans ce qu’elles peuvent amener de positif. Comme je rebats les cartes, j’essaye de voir ce que ça peut faire changer dans notre pratique. Ce qu’il faut, c’est que ça oriente les adaptations et changements dans le bon sens et ça, ce n’est pas forcément toujours le cas. Je prends un exemple par rapport à ça sur la crise sanitaire, et c’est un peu pareil avec tous les débats sur les périodes de chaleur, il y a une sorte de pression sur l’image et l’attractivité de la vie en ville par exemple. Donc énormément de gens ont quitté les grandes villes pour s’installer hors des villes à la campagne près de la nature, et cetera que ce soit pour l’argument sanitaire de proximité, de densité. Et les villes sont effectivement des lieux moins frais, plus chaud puisque le béton réalisé dégageait de la chaleur, la ville a donc beaucoup plus de difficultés à se refroidir. Ensuite vient la tendance naturelle de, on a peur d’un contact, on se met le plus proche de la nature possible parce qu’on ne veut pas être proche des zones denses, minéralisées, et cetera et au final, nous les urbanistes, on renforce quelque part des cercles vicieux qui vont être potentiellement problématiques. Le mitage des campagnes, l’étalement urbain installé au milieu d’une zone qu’il faut après équipées en transports, en réseau, en équipements, et cetera. Donc c’est une sorte de cercle vicieux qui meurt de sa voix, et je pense que c’est un des éléments de la carte blanche en partie. Ça aussi, c›est de se dire qu’il y a moyen de postuler ou de construire un modèle de vie urbain, qui est désirable et positif, qui est de nature à donner envie, être attractif. Et puis il y a des crises sociales aussi, mais c›est une autre dimension importante par rapport aux enjeux des villes. Mais donc ça, c›est clairement quelque chose qu›on essaye de postuler. Il y a moyen de trouver un modèle de vie urbaine, dense, mixte, inclusif, qui soit désirable, attractif.

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Vous étiez également membre de DiSturb avant qu’elle soit dissoute, quels sont les différences entre DiSturb et le collectif ?

Le collectif, ça n’existe pas vraiment. En fait, soyons clairs, c’est un groupe de personnes qui réfléchissent ensemble. Ce groupe est d’ailleurs extrêmement varié en fonction des périodes et des réunions. Il y a un peu moi, Pablo, Anna Bogdan et Gilles Debrun qui voilà, essaye de s’organiser, se voir, mais il n’y a pas de structuration du tout, comme c’était le cas à DiSturb. En fait, c’était vraiment un collectif. Donc on était dans une logique où il y avait un travail beaucoup plus structuré, beaucoup plus diversifié en personne et en profil, avec des gens qui prenaient en charge des choses très concrètes et précises. Donc c’était beaucoup plus organisé que ça ne l’est aujourd’hui. Et objectivement, c’était beaucoup plus efficace. Aujourd’hui, ça ne l’est à mon avis pas du tout. C’est juste en gros un texte qui a été rédigé par un certain nombre de personnes. On a essayé d’élargir la réflexion en demandant à toute une série de personnes de contribuer, d’alimenter la réflexion, éventuellement potentiellement de réagir à notre texte. Et l’idée reste de pouvoir faire une sorte de forum de discussion et mise en débat de l’ensemble des avis, des contributions, potentiellement à la rentrée en octobre, mais la dynamique n’est pas du tout la même. En fait, c’est assez intéressant et révélateur. Parce que moi, je suis persuadé qu’il manque en fait un acteur associatif structuré qui serait une logique de filiation du genre de DiSturb. Même si les thématiques sont très différentes et les objectifs sont plus du tous les mêmes d’ailleurs. C’est une des raisons pour lesquelles on a arrêté DiSturb à l’époque. Parce que le collectif s’était créé au départ de combat en réaction à certains projets qu’on trouvait débiles, la démolition de la tour Rogier par exemple et le débat sur le réaménagement de la place Flagey. Des projets qui étaient hyper mal agencés, mal organisé et qui générait en fait une vision de la ville qui était une vision passéiste, pas très intéressante et pas très constructive. Et en gros l’architecture d’après-guerre, c’est moche et ça n’a pas d’intérêt. OK, mais enfin, on peut réfléchir les choses de manière un peu plus intelligente. Et potentiellement voir pourquoi un bâtiment comme la tour Rogier, historiquement la tour Martini, pourrait être intéressante dans ce qu’elle avait d’apport programmatique architectural dans la ville. D’ailleurs c’est très amusant de voir que 25 ans après on ne démolit plus de tours, on les rénove et donc on avait raison à l’époque déjà, je pense. Donc il y avait une façon de voir les questions architecturales de manière différente. Ensuite, on a tout un gros propos sur la gouvernance urbaine aussi en disant, on ne peut plus donner des contrats de conceptions comme ça sans objectivation de projets. Et donc il faut faire des concours d’architecture et donc il faut un Bouwmeester et donc il faut renforcer les pouvoirs publics dans leur capacité à prendre en charge les questions urbaines en connaissance territoriale en production d’études, et cetera. Et puis il faut aussi des aménageurs publics c’est-à-dire des opérateurs publics qui sont capables de mettre en œuvre des projets eux-mêmes au départ d’intérêt public. Donc, tout ça a duré entre 2000 et 2010 on va dire et à un moment donné on avait fait entre guillemets tout ce qu’on estimait devoir faire ou avoir fait. Et donc, tout le débat sur l’architecture d’après-guerre a été mené, il continue aujourd’hui. Ce n’est pas du tout gagné, mais je pense que c’est clairement un élément qui a été amené par DiSturb. Et en fait, il y a des réformes structurelles de la gouvernance urbaine qui sont faites. On a créé un Bouwmeester, enfin la région a créé un Bouwmeester, il y a des agences d’urbanisme, il y a des aménageurs et donc à un moment donné, on s’est dit, on n’a pas envie de devenir l’A.R.A.U. Justement, on n’a pas envie de devenir des vieux cons qui radotent sur leurs idées, donc on arrête. Je pense que c’est la meilleure décision qu’on a prise.

Parce que sinon, on aurait probablement continué à radoter des choses. Et donc l’idée, c’était de dire chaque période, chaque génération doit amener sa nouvelle vision des enjeux qui sont les enjeux d’aujourd’hui. Et donc du coup, aujourd’hui, il n’y a plus d’opérateurs qui peuvent amener un regard autre et malheureusement, moi, j’avais un petit es poir avec l’A.R.A.U. où il pouvait y avoir un changement de direction. Enfin, le départ d›Isabelle Potier puisse amener un changement de direction et de positionnement. Mais ce n›est pas le cas, c›est même pire qu›avant, je pense dans certains aspects. Donc oui, potentiellement, il manque à mon avis quand même une forme de structures de collectif, mais qui doit éviter à mon avis de s’empâter dans des idées qui seraient tout aussi idéologiques et cons que celle qui critique finalement. Donc l’idée c’est d’arriver à insuffler tout le temps de nouvelles idées, de nouvelles personnes, de nouveaux projets, de nouveaux thèmes. Et voir en 2022, ce sont quoi les grands sujets aujourd’hui ?

Donc, il faut une structure permettant de donner plus de liberté aux architectes, sans vraiment s’attacher à une idéologie précise, ce qui permettrait aux architectes d’expérimenter plus ?

J’ai toujours trouvé ça insupportable d’être dans un cadre, dans un moule trop précis, avec des idées qui sont définies. Et c’est ça qu’on doit toujours défendre, je trouve cela tout à fait con. Parce que ce n’est jamais pertinent tout le temps, ce n’est jamais pertinent sur la durée. Donc je trouve ça bien qu’on ait arrêté DiSturb, mais je trouve ça dommage qu’il n’y ait pas eu de relais. Donc moi j’ai 43 ans maintenant, à l’époque on en avait 25 donc on était jeune et c’était nos combats, nos idées et maintenant je trouve qu’il faudrait que ce soit une nouvelle génération qui puisse reprendre le relais et orienter les choses de manière pertinente.

Et quand je vois la signature des quarante mille signataires pour le moratoire sur les nouveaux projets à Bruxelles. Ce sont des ensembles de collectifs, des associations, et cetera, et en termes de profil, ce ne sont quand même pas des jeunes de 25 ans. C’est plutôt une classe bourgeoise blanche de plus de 60 ans qui a du temps à consacrer sur des combats urbains. Et ça, je trouve ça vraiment problématique, même si sur le fond, je suis assez d’accords sur certains aspects qu’ils défendent. Mais voilà, il faut arriver à ce que les combats urbains soient construits par des jeunes.

Comment le collectif compte il améliorer la participation citoyenne ? Est-ce qu’il est toujours question de transformer le CIVA en un forum de discussion pour la ville ?

Oui, pour moi, c’est ça qu’il faudrait faire. Donc c’est par rapport à la question de la participation de savoir com ment on inclut un maximum de personnes dans la réflexion, la critique sur la représentativité des gens qui sont sur

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la photo des quarante mille signataires. Il y a en fait que des retraités de plus de soixante ans. Bon, ce n’est pas une critique, ils ont le droit d’avoir un avis, c’est très bien. Mais l’avis est pertinent à mon avis jusqu’à un certain point aussi donc ce n’est même pas une critique sur le fond. Par contre en représentativité c’est un peu problématique parce qu’effectivement les 45.000 personnes qui sont en attente de logement social ne sont pas à cette table-là. Donc, je ne sais pas quelle est la place que ces gens-là donnent aux personnes qui sont en attente de logement social, mais il y a un problème. Donc l’enjeu en partie de la carte blanche c’est de permettre que chacun puisse donner son avis. Mais aujourd’hui, tous les acteurs sont dans une situation qui est un peu inconfortable, pas optimale. Il y a donc une forme de remise en cause qui doit être faite par chaque famille d’acteurs. Et pour moi je trouve qu’il y a la sortie par le haut qui peut être effectivement de voir des acteurs plutôt culturels, pas associatif. Plutôt culturels d’ouvrir en tout cas le lieu du débat et donc voilà et ça me semble être une belle façon de sortir par le haut de la problématique. Pour sortir justement d’une opposition stérile entre des points de vue idéologiquement différents. Parce qu’à l’époque, Disturb et l’A.R.A.U. c’est les modernes contre les anciens, c’est assez caricatural. En fait, ce n’était pas non plus complètement ça. Ce qu’il faut, c’est sortir de ce genre de débats stériles. Et je trouve que l’institution culturelle, de manière générale, elle doit pouvoir jouer ce rôle-là, c’est-à-dire pas nécessairement prendre une position, mais en tous cas offrir le cadre du débat, de la réflexion, de la formation, de l’éducation permanente, des expositions, des ateliers, sortir en ville, des ateliers pour enfants, mobiliser les gens sur les questions architecturale et urbaine. C’est comme ça qu’on peut dire que le grand public sera sensibilisé de mieux en mieux aux enjeux et aux questions et se positionner de manière claire. Et le problème pour moi aujourd’hui, c’est que, c’est l’ARAU, l’IEB et la Table Ronde, c’est encore un autre truc, qui joue en partie ce rôle-là, mais ils ne jouent pas de manière neutre idéologiquement. Il y a un agenda. Clairement, il y a un agenda idéologique à l’A.R.A.U. qui est un agenda postmoderne, ville bourgeoise, très conservatrice. Et il y a un agenda politique a I.E.B. clairement d’extrême gauche pertinente ou pas, on défendra en fonction de ce qu’on veut. Donc c’est un combat d’extrême gauche sur la question anticapitaliste, des luttes sociales, et cetera. De nouveau très bien, mais ce n’est pour moi pas le cadre légitime neutre de la formation, de l’accès à l’information sur des questions urbanistiques. Parce qu’aujourd’hui, ce sont les seules structures où tu peux avoir, une forme de mobilisation, une forme de réflexions, une forme d’implication et je pense que ça reste un peu biaisé quoi. Et donc je trouve que ce serait pas mal qu’il y ait pour ne pas faire une opposition stérile de nouveau une association autre qui ferait la même chose, mais avec un autre point de vue. Finalement, ce n’est peut-être pas ça le plus intéressant. Ce qui est le plus intéressant, c’est que ces acteurs-là dans leur diversité puissent s’exprimer et qu’il y ait une forme de construction d’une vision collective de la ville, avec la diversité des avis. Ce qui est insupportable avec l’A.R.A.U. et I.E.B., objectivement, c’est qu’ils estiment représenter tout le monde et ce n’est juste pas vrai. Enfin, il y a plein de gens qui n’ont pas donné leur avis. Il faut voir leur communiqué c’est : les habitants pensent que… Qui sont-ils pour dire ça ? Moi ça fait quinze ans que je fais de la participation citoyenne. Jamais une seule mission où je pouvais dire les habitants n’est pour un avis, ça n’est jamais vrai. Ça n’existe pas. Et donc une raison pour laquelle, à mon avis, on s’orientait vers le CIVA en se disant en fait aujourd’hui le CIVA est une institution culturelle qui fait des expositions super intéressante et pointue pour les architectes et les urbanistes. J’adore y aller, c’est super. Mais qui va au CIVA ? Personne. Enfin, dans mes amis, je ne connais personne qui va au CIVA. Ils ne savent même pas ce que c’est et ça, c’est un problème. Donc voilà, je pense qu’il y a un enjeu à transfor mer ça. Il y a l’opportunité du déménagement du CIVA qui va partir d’Ixelles pour s’installer au Kanal. Je pense que c’est extrêmement positif parce que c’est beaucoup plus localisé en ville. Donc c’est vers ça qu’il faut aller. Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui sont assez d’accord avec ça. Et donc, comme disait l’idée, ce n’est pas de dire qu’il faut une autre structure qui nous disent quoi penser. Je crois qu’il faut juste un cadre de discussion où la pluralité de l’avis peut s’exprimer.

Quelle est votre opinion sur l’idéologie que prône les associations comme la Table Ronde de l’Architecture ou encore l’ARAU aujourd’hui ?

C’est un peu comme le positionnement de Zemmour sur les questions culturelles. Donc pour Zemmour, la culture c’est le patrimoine. Donc il n’y a pas de confusion parce que c’est volontaire. Ce n’est pas inconscient. C’est une confusion consciente entre la notion de culture et la notion de patrimoine, c’est-à-dire qu’on ne peut considérer quelque chose comme ayant une valeur culturelle que si elle s’inscrit dans une histoire et dans un patrimoine. Et ça, c’est vraiment effrayant comme idée. Donc, il voulait par exemple supprimer le ministère de la Culture en France et le remplacer par un ministère du Patrimoine. Et en fait, quand on écoute la Table Ronde dans les propos et les trucs, c’est exactement la même chose. C’est quand même complètement dingue comme positionnement. Mais après ce qui est intéressant, je trouve, parce que bon, l’A.R.A.U. n’est évidemment pas du tout la Table Ronde, c’est beaucoup plus intéressant historiquement. Et puis, il y a énormément de matière, de contenu culturel théorique. Je ne suis pas d’accord avec tout, mais c’est un mouvement qui est d’une importance super grande dans Bruxelles, un peu trop d’influence à mon avis à un moment. Mais qui a amené vraiment énormément dans la réflexion urbanistique, c’est évident. C’est intéressant à mon avis de voir la jeunesse de l’A.R.A.U. aussi en fait. C’est aussi un mouvement de réaction à quelque chose qui vient avant. Et le truc qui vient avant, c’est un peu l’urbanisme débridé, c’est la bruxelli sation, et cetera. Et objectivement, moi je crois que dans les années septante si j’avais eu 25 ans, j’aurais été à l’ARAU, clairement. Voilà, il faut lire. Il y a des publications aussi sur les premières luttes urbaines dans les années septante, soixante, il n’y a pas qu’à Bruxelles. C’est un peu de Jane Jacobs, c’est à New York, des mouvements de mobilisation contre le modernisme, pas forcément d’un point de vue architectural ou formel, mais plutôt dans ce qu’elle amène comme nécessité à ce moment-là. Très sixties évidemment, comme mode de réflexion. Mais de placer l’humain et la personne beaucoup plus centrale dans la réflexion sur la ville, ce qui n’a jamais été le cas. À aucun moment aux XIXe siècle, on se demande quel est l’avis des gens sur tel ou tel projet. Donc c’est vraiment nouveau. Dans les années soixante, septante, ça va se construire, évoluer avec les décennies qui suivent. Le problème de l’A.R.A.U., c’est qu’à un moment donné, ils sont juste restés dans ce schéma-là. La jeunesse de DiSturb est aussi une réaction, qui est de dire en fait, OK, on a détruit la ville, mais on ne va pas continuer à pleurnicher là-dessus pendant des décennies. C’est comme ça et elle est plutôt même chouette dans sa diversité et son hétérogénéité. Donc, assumons la ville telle qu’elle est et faisons donc les choses de manière plus intéressante.

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6 Bibliographie

Article de journal

Collectif De Signataires, P. L. (2021, 11 novembre). Bruxelles : faire la ville autrement. Le Soir. https://www.lesoir.be/405850/article/2021-11-11/bruxelles-faire-la-ville-autrement

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