Ethnographie de projets defin d'étude alternatifs

Hugo Paris ‐ Jules Cadiergue ‐ Théo Padovani

Saison 6 E thnographie d e p rojets d e fi n d ’étude a lterna fs

A quoi correspondent les revendica ons alterna ves à l’ENSAL et à quels devenirs post‐diplômes peuvent‐ils abou r ?

Sous l a d irec on d ’Eglan ne B igot‐Doll, Boris R oueff e t C orine V édrine.

ENSAL ∙ Mémoire de Men on Recherche ∙ Juin 2017

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Saison 6

E thnographie d e p rojets d e fi n d ’étude a lterna fs

A quoi correspondent les revendica ons alterna ves à l’ENSAL et à quels devenirs post‐diplômes peuvent‐ils abou r ?

Hugo Paris ‐ Jules Cadiergue ‐ Théo Padovani

Sous la direc on d’Eglan ne Bigot‐Doll, Boris Roueff et Corine Védrine

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Ethnographie de projets de fin d’étude alterna fs

A quoi correspondent les revendica ons alterna ves à l’ENSAL et à quels devenirs post‐diplômes peuvent‐ils abou r ?

Jules CADIERGUE ( Auteur) Théo PADOVANI ( Auteur) Hugo PARIS ( Auteur)

Encadrants : Eglan ne BIGOT‐DOLL Boris ROUEFF Corine VÉDRINE

Ecole Na onale Supérieure d’Architecture de Lyon, FR

jules.cadiergue@lyon.archi.fr t heo.padovani@lyon.archi.fr h ugo.paris@lyon.archi.fr

Résumé

Étude e thnographique d es p ra ques a lterna ves e n a rchitecture d ans l e cadre d e p rojets d e fi n d ’étude. T riple a pproche c omparée d ’étudiants, de d iplômés e t d ’enseignants

Mots‐Clés

Architecture a lterna ve / P ra ques p rofessionnelles Théorie d e l a c oncep on / P édagogie

Abstract.

ethnographic s tudy o f a lterna ve p rac ces i n a rchitecture i n g radua on projects. T riple c ompara ve a pproach o f s tudents, g raduates a nd teachers.

Keywords

Alterna ve a rchitecture / P rofessional p rac ces Theory o f d esign / P edagogy

4

5

6

Préambule

Ce e étude s'in tule saison 6 car elle s'inscrit dans une démarche plus générale que nous avons bap sée [R.E.V].

Derrière ce séduisant acronyme se cache un an de travail au sein du Domaine d’Étude de Master (DEM) ALT par les trois jeunes brigands que nous sommes, mieux connus sous le pseudonyme des vassaux spéciaux. Nous é ons intéressés par les mêmes pistes de réflexion et il nous a semblé important de travailler en groupe dès le début de l’année scolaire. D’une manière générale, nous sommes assez inquiets de la façon dont notre société évolue au devant de crises environnementales et sociales majeures. Nous souhai ons donc développer une analyse plurielle et engagée des champs d’ac on des architectes. [R.E.V] signifie Recherche, Expérimenta on et Vulgarisa on . Il s’agit de l’approche déployée tout au long de l’année, convaincus de la nécessité de confronter les ou ls de la recherche aux pra ques de projet et de faire l’effort de rendre l’ensemble compréhensible et appropriable au plus grand nombre.

Structurée à l’image des séries télévisées dont on ne sait quand elles finiront, ce e démarche a voca on à se poursuivre éventuellement au delà de nos diplômes, étant tout les trois engagés dans le double cursus architecte‐ingénieur.

7

Le livre que vous tenez entre les mains cons tue donc la sixième pierre de cet édifice et fait notamment suite à nos vagabondages introspec fs de début d’année ainsi qu’aux diverses étapes de notre Projet de Fin d’Étude (PFE). Au regard du sujet de ce e étude, il paraît d’ailleurs nécessaire de s’a arder un instant sur ce dernier. Nous l’avons nommé Renaturer la Part‐Dieu . À bien des égards, ce quar er symbolise l’objet de notre cri que : l'anthropocène, le libre‐échange économique mondialisé, les inégalités galopantes, le gaspillage et la langue de bois. Il fait aujourd'hui l'objet d'un vaste projet de renouvellement urbain, dont l'objec f principal est le rayonnement de la métropole à l'interna onal. Nous avons donc décidé de construire un contre‐projet alterna f à la métropolisa on actuelle, en concerta on avec un collec f militant d'habitants du quar er.

Ce e média on nous a permis de développer une réflexion nouvelle sur la produc on de la ville, le rôle des architectes, les rela ons qu'entre ent l'Humanité avec son environnement et le vivre‐ensemble en ce début de XXIème siècle.

Ce e étude est d’abord née d’un intérêt croissant et partagé pour le monde de la recherche, ses ou ls et sa rigueur intellectuelle. Nous avons vaillamment décidé de poursuivre l’aventure ensemble en engageant une men on recherche en parallèle de notre PFE, ce face à deux principales difficultés. La première était revendiquée dès le début, celle d’apprendre à faire de la recherche à plusieurs. La seconde relève plus d’une erreur stratégique, malgré les sages conseils de nos enseignants : le fait de démarrer une nouvelle étude qui ne soit ni un approfondissement du mémoire, ni en lien direct avec les probléma ques du PFE. Notre goût pour les grandes ques ons existen elles s’est avéré parfois difficile à assumer. Par conséquent, la temporalité limitée de ce travail a compliqué la possibilité d’en faire si rapidement le tour.

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Viscéralement, les ques ons que nous souhai ons ini alement explorer étaient : qu’allons nous devenir ? À quoi peuvent mener de telles démarches ? Qu’allons nous faire de toutes ces réflexions et prises de posi on construites à l’école une fois diplômés et lâchés dans la nature, au gré des crises économiques d’un monde en profonde muta on ? Devant la difficulté supplémentaire de devoir porter un regard cri que aussi poussé sur notre propre produc on, nous avons élargi nos ques onnements à l’ensemble des travaux que l’on envisageait comme alterna fs.

Cherchons.

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10

Sommaire

Préambule

6

Introduc on

14

L’alterna ve en architecture ?

16

Probléma que

19

Méthodologie générale

23

Le projet de fin d'étude

27

S06E01 É tudiant∙e∙s

36

Méthodologie

38

Corpus

40

Défini on des grands axes de l’alterna ve

40

Choix de la popula on à analyser

49

Ques onnaire

52

Processus alterna fs

58

Ecologie radicale / mésologie

63

Rôle de l’architecte

67

Épilogue

71

11

S06E02 D iplômé∙e∙s

76

Introduc on

78

Corpus

79

Méthodologie

82

Canevas

86

Un faible niveau de

représenta on “alterna ve” Discours: à quoi se pose

89

l’alterna ve?

96

L’écologie comme critère?

102

Alterna ve processuelle

105

La programma on comme cadre d’alterna vité

110

Éléments complémentaires

113

Épilogue

122

S 06E03 E nseignant∙e∙s

124

Corpus et Méthodologie

126

Forma on et posture cri que

133

À la recherche d’alterna ves

147

L’alterna ve à l’école

163

Epilogue

173

12

S06E04 A nalyses croisées

176

Introduc on

178

Contexte

179

L’alterna ve de l’école n’est pas

l’alterna ve professionnelle

185

L’alterna ve comme stratégie de différencia on

191

Juste une dernière c hose… (conclusion)

194

Retour cri que

197

Remerciements

200

Annexes

201

Index

202

Références

204

Conclusion Alterna ve

207

13

14

Introduc on

« Je vois nos ins tu ons luire d’un éclat semblable à celui des constella ons dont les astronomes nous apprennent qu’elles sont mortes depuis longtemps déjà »1

« Ces sciences dont notre “humanité” s’enchante depuis plus d’un siècle ont leur matrice technique dans la minu e ta llonne et méchante des disciplines et de leurs inves ga ons. »2

Notre civilisa on est aujourd’hui bouleversée par différentes révolu ons : numérique, démographique, mésologique, urbaine ou encore sociale.

1 2

M ichel S ERRES, 2 012, P e te P ouce e , L e P ommier, p 22.

Michel FOUCAULT, 1975, S urveiller e t P unir , G allimard.

15

Le monde qui nous entoure évolue à toute vitesse au regard de la brève existence de notre espèce sur ce e planète.

Les généra ons se raccourcissent, des mé ers apparaissent et disparaissent en l’espace de quelques années, l’équilibre bioclima que est déréglé par l’ac vité humaine, les ressources se raréfient, les inégalités économiques et sociales explosent.

Et notre incapacité apparente à faire face aux défis historiques qui nous a endent peut s’avérer rela vement alarmante.

La ques on que pose ce e étude est celle de la fabrique et du devenir des alterna ves dans le domaine de l’architecture, et plus spécifiquement celles qui proviennent des écoles d’architecture.

16

L’alterna ve en architecture ?

Selon le Larousse, l’alterna f admet deux grandes défini ons. D’une part l’idée d’une alternance, d’un mouvement périodique de va‐et‐vient, notamment en physique ou en mécanique. D’autre part ce qui présente ou propose une alterna ve, un dilemme.

L’alterna ve quant à elle désigne simultanément un choix entre deux solu ons et chacune de ces deux solu ons.

Etymologiquement, en français, “alterna f” provient du la n alternare qui signifie alterner et alter qui signifie autre. On sent bien que ce e défini on ne sa sfait pas la ques on posée, dans la mesure ou elle ne correspond même pas à l’in tulé du DEM Alter‐na ves, dont on comprend déjà que l’alterna ve est nécessairement plurielle.

En réalité, c’est l’influence de l’accepta on anglophone du mot alterna ve qui semble avoir fait évoluer le sens qu’on lui donne aujourd’hui. En anglais, on retrouve les mêmes défini ons qu’en français mais alterna ve admet également un sens plus large : celui d’une solu on envisageable, d’une possibilité, d’une sorte d’op on. Ce e défini on permet de sor r du carcan binaire et d’u liser le concept d’alterna ves au pluriel, comme des situa ons mul ples. Quelques dic onnaires français ont d’ailleurs admis et intégré ce e évolu on de la langue.

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On se souviendra notamment du There is no alterna ve , traduit en français par « il n’y a pas d’autre choix » ou encore « il n’y a pas de plan B », slogan poli que phare de Margaret Thatcher. Ce e formule permet d’ailleurs d’illustrer une autre significa on que revêt le concept d’alterna ve en anglais, comme l’ac on de suivre des idées ou des méthodes non conven onnelles, non tradi onnelles, en dehors d’un certain establishment . C’est ici plutôt un posi onnement minoritaire par rapport à une « norme », un état des choses dominant. Il s’agirait donc plutôt d’un processus de différencia on toujours construit vis‐à vis‐d’une proposi on donnée, d’un cadre existant.

18

Se pose ensuite la ques on de ce que signifient ces concepts appliqués au champ de l’architecture. Les premiers échanges que l’on a pu avoir avec nos enseignants à ce sujet nous ont rapidement révélé la complexité de ce e ques on.

Comment par exemple définir une “norme” dans le domaine si diversifié et changeant de l’architecture ?

Il n’existe malheureusement pas véritablement de discipline architecturale en France qui proposerait des défini ons objec ves sur lesquelles s’appuyer. Chaque architecte, de par sa sensibilité propre et son parcours, a construit sa vision du mé er et sa défini on de l’architecture.

On peut considérer qu’il s’agit d’une des principales richesse de ce milieu, mais cela complique nécessairement les démarches de recherche. À tre indica f, nos directeurs d'étude et l'ensemble des enseignants encadrant des men ons recherche nous ont suggéré plusieurs façon d’approcher le sujet en tant qu’objet de recherche : s'intéresser à ce qui se revendique alterna f, définir la norme par rapport à laquelle l'alterna ve se construit, prendre un corpus plus général et en extraire les singularités alterna ves, ou encore construire une défini on et l'appliquer à un corpus pour en tester les limites. Dans le cadre d'une étude qui se voulait ethnographique, nous avons finalement souhaité caractériser ces alterna ves au contact des publics concernés, construire une défini on large par leur confronta on.

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Probléma que

À l’instar du reste de la société, le monde des architectes français s’est considérablement transformé ces dernières décennies. Frappé par les crises économiques, le marché de la construc on s’est progressivement segmenté. Les agences, en compé on croissante du fait de la raréfac on de la commande, se sont spécialisées.

« Écartelés entre les valeurs du patrimoine et l’éclec sme de l’architecture contemporaine, con‐ frontés aux échecs du mouvement moderne dans sa capacité à donner une image cohérente de la société post‐industrielle, soumis aux aléas de la produc on et de la crise économique, les architectes s’efforcent de trouver une cohérence à leur devenir. »3

En parallèle, les débouchés de la forma on d’architecte se sont diversifiés, les nouvelles généra ons de diplômés apportent avec eux de nouvelles façons de faire, des envies et des compétences nouvelles notamment vis‐à‐vis des technologies numériques. La ques on de l’émergence sur la scène architecturale nous semble donc intéressante à étudier sous l’angle des pra ques et devenirs de ces jeunes professionnels.

3

Guy TAPIE, 2000, Les architectes : muta on d’une profession, L’Harma an, p205.

20

La ques on se pose plus par culièrement ce e année à l’ENSAL du fait de la créa on du DEM ALT à la rentrée 2016, qui « propose essen ellement d’expérimenter d’autres manières de concevoir, de produire et de penser l’architecture » dans le cadre de la forma on de master.4 Pour sa première année, cet atelier par cipe d’ailleurs à la première édi on de la Biennale d’Architecture de Lyon, dont l’une des théma ques s’in tule Utopies Concrètes . Les étudiants d’une part, sous l’égide de l’associa on hALTe au Feu , en tant que futurs pra ciens qui feront et diront l’architecture de demain. Les enseignants d’autre part en tant que porteurs de savoirs et d’expériences, qui ont fait et dit l’architecture d’hier et font la prospec ve de l’architecture de demain. Le tout dans une dynamique de Face‐à‐Face autour de la ques on suivante « Qui dira l’architecture ? »5.

Ce travail de recherche ambi onne donc d’effectuer une étude ethnographique des pra ques alterna ves en architecture au niveau des projets de fin d’études. Il s’agira d’une part de caractériser ce que désigne la no on d’alterna ve dans ce domaine : par rapport à quelle norme, à quel cadre, à quel pouvoir ? Quels processus de différencia on, de revendica on ? Par quels media , ou ls ou méthodes passe‐t‐elle ? D’autre part nous chercherons à comprendre comment elle émerge à l’école et ce qu’elle produit après le diplôme.

Un pareil objet d’étude étant rela vement délicat à traiter dans le cadre d’un tel exercice de recherche, nous avons fait le choix d’un certain nombres de limites. D’abord, seul le

4 5

F iche d escrip ve d u D EM A LT, L ivret d u m aster d e l ’ENSAL 2 016‐2017, p 15.

Ce e ques on étant par ailleurs le tre de la thèse de doctorat de Gilles

Desèvedavy, e nseignant r esponsable d u D EM A LT.

21

Projet de Fin d’Étude (PFE) sera ques onné, dans la mesure où il est supposé cons tuer la dernière étape de la forma on.

Nous reviendrons par la suite sur ce que représente plus précisément cet exercice.

Ensuite, nous ne nous intéresserons qu’au cas de l’École Na onale Supérieure d’Architecture de Lyon. Il a un temps été envisagé d’ouvrir l’étude à une autre école afin de pouvoir produire une analyse comparée et donc des résultats plus solides. Cependant, il nous a semblé bien plus réaliste de nous concentrer sur un lieu que nous connaissions bien pour abou r à un résultat plus abou , dans une temporalité de travail restreinte (quelques mois).

Enfin, notre étude ne s’intéresse qu’aux PFE sous la forme actuelle, c’est à dire ceux produits après 2005. Comme nous le rappelions précédemment, la société évolue aujourd’hui si rapidement qu’il semble de toutes façons difficile, avec le peu de recul que nous avons, de statuer sur une période supérieure à dix ans. D’autant plus que les archivages de PFE remontent difficilement au delà de 2008.

22

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Méthodologie générale

La probléma que que l’on a décidé de traiter tous les trois cons tue une sorte de point de convergence entre notre démarche de PFE et nos différents travaux de mémoire de master. Nous avions respec vement étudié la représenta on du projet architecturale à l’ère numérique , l’enseignement de la concep on et la jeune généra on d’architectes . Pour y répondre nous avons souhaité privilégier une approche ethnographique.6

« Du point de vue de la méthode, l'ethnographie consiste à procéder à un long travail d'observa on, [...] ce e durée perme ant de progressivement se familiariser avec le monde social étudié, d'obtenir un certain degré de confiance de la part de ses membres, de tenter de comprendre la manière dont les agent agissent et jus fient leurs ac ons, d'assister à un nombre important de scènes et de situa ons dont la répé on finit par faire sens.

L'ethnographie privilégie l'ordinaire plutôt que le spectaculaire. »7

6

Étant pourtant largement novices en la ma ère, mais nous sommes là pour apprendre.

7 Didier FASSIN, La force de l'ordre : une anthropologie de la police des quar ers , E di ons d u S euil, 2 011, p 379.

24

Nos cinq années de vécu à l’ENSAL, bien qu’insuffisamment distanciées et conscien sées, nous confèrent une bonne connaissance de l’objet d’étude, dont nous faisons d’ailleurs par e.

Il nous a semblé per nent d’aborder la ques on de l’alterna ve dans les PFE en confrontant les visions des différents publics qu’il réunit. Dans la mesure où nous é ons trois, nous avons chacun étudié l’une de ces popula ons, à savoir : les étudiants, les enseignants et les diplômés. Ces trois analyses nécessairement par elles et évidemment non exhaus ves prennent leur sens à travers leur mise en rela on, leur complémentarité, leur confronta on.

Nous avons donc successivement travaillé de façon collec ve et individuelle. Chaque par e a été traitée différemment, principalement en raison de la ma ère disponible. Chacun aura donc l’occasion de détailler plus en détail le corpus étudié et la méthodologie employée dans la par e le concernant.

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Théo Padovani8 s’intéressera aux étudiants actuellement en master 2, notamment par le biais de leurs dépôts provisoires de sujet de PFE et d’un ques onnaire. Il s’agira de comprendre comment se manifeste l’alterna ve aujourd’hui au niveau étudiant, et quel lien s'établit entre ces revendica ons et leurs ambi ons professionnelles.

Hugo Paris9 s’occupera des jeunes diplômés de l’ENSAL entre 2008 et 2016 grâce à l’étude des PFE archivés disponibles, complétée par des entre ens. L’objec f sera de construire un ou l d’analyse perme ant de juger et de comprendre l’alterna ve que présentent ces PFE. Ces conclusions seront éclairées par un retour des diplômés sur leur PFE, avec le recul qu’ils ont désormais.

Jules Cadiergue10 s’a ardera quant à lui sur les enseignants responsables d’atelier et Directeurs d’Étude (DE) de PFE, au travers une série d’entre ens et une analyse des fiches pédagogiques de chaque DEM. L’idée étant de nourrir nos ques onnements par le recul et la richesse émanant de leur analyse, en tant que concepteurs et encadrants des programmes pédagogiques.

Dans une dernière par e nous essaierons de confronter nos différentes analyses afin d’en rer des réflexions transversales et de me re en commun nos conclusions respec ves.

8

a ka L egolas, fi ls d e T hranduil d u R oyaume S ylvestre. a ka G imli, fi ls d e G lóin .

10 a ka A ragorn, fi ls d ’Arathorn, d escendant d ’Isildur.

9

26

27

Le projet de fin d'étude

Dans les écoles d’architecture française, le Projet de Fin d’Étude (PFE) conclut la forma on de master. Il s’agit d’un exercice de concep on architecturale réalisé dans le cadre d’ateliers de projets. Il prend place au dernier semestre de la cinquième et dernière année et cons tue en théorie l’étape finale avant le Diplôme d’État d’Architecte (DEA) valant un grade master.

Sous sa forme actuelle, l’exercice du PFE date de la réforme Licence‐Master‐Doctorat (LMD) qui a été mise en place dans les ENSA en 2005. Il remplace à l’époque le Travail Personnel de Fin d’Étude (TPFE), qui durait généralement un à deux ans. La transi on de l’un à l’autre n’a pas toujours été facile, ni appréciée : « en six mois, c'est plutôt un projet d'atelier, qui s'apparente à tous les autres projets conduits pendant les études, plutôt qu'un véritable projet universitaire ».11 Du fait du redécoupage de la forma on, le PFE ne donne pas directement accès au tre d’ Architecte , mais plus sobrement à celui d’ Architecte Diplômé∙e d’État . C’est désormais le rôle de l’Habilita on à la Maîtrise d’Œuvre en Nom Propre (ou HMONP) que de réglementer l’accès aux tableaux de l’Ordre des Architectes.

Mais s’il est une chose qui n’a pas changé c’est, comme son nom l’indique, qu’il marque la fin de ces études. Pour 11

h p://www.lecourrierdelarchitecte.com/ar cle_4891

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beaucoup, la qualité du diplôme se résume d’ailleurs encore à celle du PFE, comme on peut le voir dans les propos tenus par Nicolas Desmazières12, au lendemain de la réforme LMD : « les derniers diplômes paraissent moins intéressants » .

Au même tre que le Mémoire de Master, le PFE est une étape des écoles d’architecture réglementée par le code de l’éduca on.

« L'unité d'enseignement du dernier semestre comportant la prépara on du projet de fin d'études répond à une double finalité [...] Le projet de fin d'études consiste en un projet architectural ou urbain accompagné d'un rapport de présenta on. Il équivaut à environ 200 heures de travail personnel sur un semestre et doit être de nature à démontrer la capacité de l'étudiant à maîtriser la concep on architecturale, à me re en oeuvre les connaissances et les méthodes de travail qu'il a acquises au cours de sa forma on. Le projet de fin d'études est un travail personnel. Il s'inscrit dans les domaines d'études proposés par l'école. L'étudiant choisit son directeur d'études parmi les enseignants du domaine d'études correspondant à son sujet. A tre excep onnel, deux ou trois étudiants peuvent traiter collec vement un même sujet. Dans ce cas, outre la par e commune, chaque étudiant doit produire un travail individuel iden fiable. Ce projet de fin d'études fait l'objet d'une soutenance publique au sein de l'unité d'enseignement dans les condi ons définies à l'ar cle 34 du présent arrêté. »13 12

( architecte e t c ofondateur d e l 'agence X ‐TU) A rrêté d u 2 0 j uillet 2 005 r ela f a ux c ycles d e f orma on d es é tudes d'architecture c onduisant a u d iplôme d 'études e n a rchitecture c onférant l e grade d e l icence e t a u d iplôme d 'Etat d 'architecte c onférant l e g rade d e 13

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À l’ENSAL, chaque étudiant choisit, avec plus ou moins de contraintes selon les années, le Domaine d’Étude de Master (DEM) au sein duquel il souhaite développer son PFE. De manière générale, l’offre des DEM (au nombre de 5 ou 6 selon les semestres et l’évolu on des programmes pédagogiques) se répar t dans quatres grandes familles : une approche plutôt urbanis que, une plutôt patrimoniale, une plutôt technique et une quatrième plus fluctuante rassemblant habituellement émergence, approches processuelles et/ou par cipa ves.

Ensuite, au sein des DEM, chaque étudiant est encadré durant tout le semestre de son PFE par un Directeur d’Étude (DE) qu’il choisit (du moins à l’ENSAL) au sein d’une liste d’enseignants affiliés à la théma que portée par le DEM. Dans les faits, les étudiants disposent d’une grande autonomie dans leur travail, notamment du fait du peu d’heure d’encadrement dont disposent les DE.14

Enfin, le PFE est soumis en fin d’année à l’évalua on d’un jury de soutenance. Le rôle du jury est « d’évaluer l’étudiant sur la base de critères transversaux et communs à l’établissement, mais également de critères propres au Domaine d’Étude dans lequel il est inscrit. »15 La composi on du jury est également fortement réglementée : sont notamment présents le DE de l’étudiant, des enseignants d’autres unités d’enseignements, des enseignants et des personnalités extérieures. « La majorité des membres de chaque jury, enseignants ou non, doit être composée d’architectes. »13

master. A rt. 1 9. h ps://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT00000081 2005 14 2 8h p ar a n p our l ’ensemble d e s es é tudiants, à l ’ENSAL e n 2 016/2017 15

Livret de Master de l’ENSA de Lyon, 2016‐2017, p6.

30

Aujourd’hui, l’offre de forma on que cons tuent les DEM est la suivante :

DEM AHD ‐ Architecture, Héritage et Durabilité > M étamorphose

DEM ALT ‐ Architecture, Stratégies et Pra ques Émergentes > M EM (My Ethique Maïeu que)

DEM AMTH ‐ Architectures Métropoles et Territoire Habités > A rchitectures de l’autre métropole > I ci et ailleurs, l’europe fluviale et la métropole lyonnaise ‐ atelier interna onal

DEM ATEC : Architecture et Transi on Éco‐Construc ve > L e risque d’habiter > A rchitecture Ambiances & Cultures Construc ves ‐ postCarbone

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Nostra Culpa

Par avance, toutes nos excuses si des éléments sont répétés entre les trois premières par es, chacune ayant été rédigée par plusieurs plumes, analysant des corpus voisins avec des ou ls souvent proches. La phase d’écriture de l’étude ayant été rela vement courte et tardive, elles sont insuffisamment retravaillées et manqueront probablement d’une certaine fluidité.

Bonne lecture.

32

33

S06E01 Étudiant∙e∙s

34

35

Méthodologie

Aux prémices de notre étude, nous n’avions de disponibles que les dépôts de sujet provisoires des PFE . C’est donc à travers ce matériau de base que nous tenterons d’esquisser les grandes lignes des alterna ves architecturales développées par les étudiants de Master 2 à l’ENSAL dans le cadre de leur PFE.

De plus, et afin de pouvoir cons tuer ces grandes catégories, nous nous sommes penchés sur le corpus développé dans le séminaire S7 ALT16, ayant d’ores‐et‐déjà opéré un regroupement des différentes sensibilités alterna ves. En effet, la construc on de ce DEM en tant qu’offre de forma on représente déjà un agrégat conscient et revendiqué de sensibilités éparses. Ainsi, à défaut de fonder un monolithisme théoré que, le DEM propose à travers ce séminaire une introduc on à ces alterna ves plurielles, en présentant des références qui invitent au posi onnement cri que.

16

ensemble de références proposées lors du séminaire commun aux semestres 7 e t 9 , p our l e D EM A LT ( S. M onnot, C . D ugave)

36

« Que signifie l’alterna ve pour chacun de nous? Ce qui (nous) amène dans ce séminaire, ce que l'on en a end : s'arrêter un moment, dévier, dériver, échapper à la norme, rencontrer et découvrir ce qui n'est pas moi, rencontrer l 'autre , changer ses habitudes, se dis nguer, se différencier, se chercher, ouvrir un espace de liberté, s'intéresser enfin à ce qui nous ent à cœur, être a ré… » 17

17

I ntroduc on a u s éminaire p roposée l ors d e l a p remière s éance

37

Corpus

Défini on des grands axes de l’alterna ve

Ontologiquement définie “par rapport” à une proposi on ordinaire, banale, chaque “pas de côté” qui s’écarte de ce e voie originelle cons tue une singularité qualifiable d’alterna ve. Il semble donc per nent de tenter de dresser ici une liste – certes non exhaus ve – des formes générales que l’alterna ve architecturale peut revê r, afin de pouvoir par la suite esquisser une classifica on des travaux étudiants sur lesquels porte notre étude.

Nous par rons donc du corpus développé au cours du SEM S7 ALT pour élaborer une première grille de lecture des alterna ves architecturales, en tentant de saisir parmis toutes les pistes esquissées lors de ce séminaire, quels grands axes semblent se dégager.

Par la suite, la confronta on de ces catégories ini alement définies avec les travaux étudiants analysés conduira à la refonte d’une nouvelle grille de lecture. C’est ainsi que par un processus d’itéra ons, d’ajustement progressifs de nos ou ls d’analyse, nous parviendrons à développer une classifica on des alterna ves présentées dans les Projets de Fin d'Étude.

38

P remier g rand a xe : l es p rocessus a lterna fs

Largement évoquées lors du séminaire, de nombreuses recherches de l’alterna ve se font par les processus. Au delà de l’objet étudié ou de l’architecture produite, l’accent est mis ici sur les étapes conduisant à la créa on. Très souvent, ces alterna ves “procédurales” prônent une “pensée latérale”, tentant de modifier ou d’ajouter un maillon à une chaîne de concep on ordinaire. Les singularités de chacune des voies alors empruntées sont les fruits de cet élément de “mise en orbite”, engendrés et contraints par ces considéra ons nouvelles. L’essen el ici est donc de s’a acher à définir par quel biais le processus ordinaire est bouleversé, d’iden fier la chenille à l’origine de la métamorphose.

39

Ce premier trait saillant de l’alterna ve en architecture ne qualifie toutefois que l’orienta on majeure d’un travail, d’une réflexion. Il n’y a pas de recherche de processus alterna fs autonomes sans un ancrage dans un domaine par culier. En effet, ce e recherche de voies nouvelles s’ar cule nécessairement dans un champ : produire de l’architecture par empathie, par recherche d’ambiance, par filia on avec un concept philosophique, par la fic on…

L’emploi de processus alterna fs cons tue donc une théma que majeure, devant s’accompagner nécessairement d’une informa on supplémentaire qualifiant l’objet du travail : la variable modifiant le processus ordinaire.

Références théoriques/philosophiques : Analogies, bissocia on, carte mentale, pensée latérale, brainstorming, 6 chapeaux, métaphore…

On peut également citer le travail de P. Boudon sur l’architecturologie ( focalisant sa recherche sur les opéra ons cogni ves propres à l’architecte lors du travail de la concep on).

Notions associées : Innova on, co‐working, pra ques émergentes, co‐concep on, repenser, réinventer…

40

D euxième g rand a xe : L ’écologie p rofonde, m ésologie

Avant d’expliciter plus en détail le contenu de ce e théma que, expliquons pourquoi elle ne peut être incluse dans la par e précédente. En effet, si l’on considère le sens usuel et contemporain de l’écologie, du développement durable, il est possible de classer les alterna ves écologiques dans la catégorie des processus. Il suffit pour cela d’imaginer que l’élément novateur à prendre en compte dans la démarche du projet architectural se traduit par une a en on par culière envers les ques ons environnementales. Toutefois, force est de constater que la prise en compte des ces considéra ons est aujourd’hui devenue normale dans la construc on. Il n’est donc plus réellement ques on d’alterna ve lorsque l’écologie intervient dans ces processus; c’est même la loi qui l’oblige18.

Toutefois, une écologie profonde19 cons tue encore aujourd’hui un vecteur puissant pour l’alterna ve en architecture. Voilà pourquoi nous avons souhaité regrouper dans ce e seconde grande théma que toutes les références présentant un lien exacerbé avec le milieu, préférant l’é que e “mésologique” au tradi onnel et éculé “écologique”. Ici, le milieu n’est pas le donné environnemental objec f (site du projet d’architecture, duquel l’on peut s’extraire pour l’observer), mais les termes dans lesquels celui‐ci existe pour un certain être (individu, société, espèce…). Ancrée 18

à t ravers l a R T 2 012, p ar e xemple.

Philosophie écologiste contemporaine, qui réinscrit les finalités humaines

19

dans une perspec ve plus large : celle du vivant (biocentrisme plutôt qu’anthropocentrisme).

41

puissamment dans l’héritage phénoménologique20, ce e voie de l’alterna ve porte une a en on par culière à la rela on entre une société et le milieu avec lequel elle interagit.

L’architecture est ici toujours considérée comme faisant par e intégrante du milieu et, en même temps, perçue en tant qu’objet architectural21.

Références théoriques/philosophiques : Phénoménologie, champ transcendantal impersonnel chez Deleuze, médiance et trajec on sujet/objet chez A. Berque, hypothèse Gaïa, Michel Serres, Chris Younès et les utopies de deuxième type, anthropocène, architecture météorologique de P. Rahm...

Notions associées : Nature en ville, agriculture urbaine, ville soutenable, utopie concrète, permaculture, agroforesterie, biomimé sme, biomorphisme…

20

se concentrant sur le “ phainómenon ”, ce qui apparaît, et l’expérience vécue q ui e n r ésulte.

21 Augus n Berque propose le concept de trajec on , surmontant le dualisme classique sujet/objet. Il n’est donc plus ques on de penser un environnement que l’on peut regarder de l’extérieur, mais toujours d’un milieu à la fois objet d’étude e t s ujet i ndissociable d e l ’observateur q u’il i nclut .

42

T roisième g rand a xe : E njeux, p rojets p oli ques

Ce e troisième par e regroupe les alterna ves porteuses d’un (contre‐)projet de société, dans lesquelles l’architecture est pensée comme cadre de 22 transi ons/révolu ons sociétales . Elle entend généralement propager par “contagion” un modèle socio‐culturel dépassant son simple cadre. Conscientes des enjeux poli ques et revendiquant la nécessité de changements profonds, ces alterna ves voient l’architecture comme un ou l de transi on.

Le rôle poli que de l’architecte est donc central, en tant qu’organisateur des espaces publics23. Véritable porteur d’un projet de société, l’architecte devient le garant d’un équilibre entre soutenabilité d’un mode de vie (capacité technique d’un milieu à supporter l’anthropisa on) et la désirabilité d’un tel modèle (quels efforts les individus sont prêts à faire).

Notons également que contrairement à d’autres mouvements cri ques « utopistes », ces derniers drainent derrière eux une forte idée de reterritorialisa on. Il s’agit de retrouver un sens au local et de concré ser des proposi ons autour d’une forme commune. Finalement, ces alterna ves cherchent souvent à créer une zone « hors » du système dans laquelle les principes qu’elles défendent peuvent s’appliquer librement24.

22

Ar cle “Zadistes, survivalistes, libertariens : la tenta on sécessionniste” publié s ur l e b log U sbek & R ica.

23 Ici, “public” qualifie tout espace dans lequel évolue les membres d’une société, n e s e l imitant p as a ux s euls É tablissements R ecevant d u P ublic ( ERP).

24 une Zone à Défendre (ZAD), une Base Autonome Durable (BAD), ou encore Temporary A utonomous Z one ( TAZ, z one a utonome t emporaire)...

43

Références théoriques/philosophiques : F. Lordon, J. Ellul, M. Foucault, C.Castoriadis, anarchisme... comité invisible…

Notions associées : ZAD, BAD, jungles urbaines, architecture spontanée, anarchie…

44

Q uatrième g rand a xe : O u ls é mergents

Ce quatrième et dernier grand axe extrait du corpus concerne l’u lisa on d’ou ls émergents. Fruits d’un progrès technique récent, des ou ls nouveaux sont employés au service d’une concep on innovante, perme ant de fait d’envisager de nouvelles manières de “faire l’architecture”.

La révolu on numérique25 que nous connaissons a en effet modifiée grandement les pra ques architecturales : u lisa on généralisée de maque es numériques, essor des rendus photoréalistes, accès simplifié aux techniques de prototypage rapide… Autant d’ou ls nouveaux perme ant d’envisager des nouvelles façon de penser, représenter et communiquer le projet architectural.

Citons enfin le développement fulgurant des solu ons de réalité virtuelle, prome ant dès aujourd’hui des changements profonds dans la manière de concevoir et projeter les architectures futures.

25

Nous faisons ici écho au bouleversement profond des sociétés survenu globalement dans les na ons industrialisées et provoqué par l'essor des techniques n umériques , p rincipalement l ' informa que e t I nternet .

45

Références théoriques/philosophiques : G.Simondon (la technique, le rôle de l’ou l), M. Serres (cerveaux disponibles, 3eme extériorisa on support/message)

Notions associées : Innova on, architecture paramétrique, prototypage rapide, BIM...

46

Choix de la popula on à analyser

Devant la difficulté que représente une analyse fine de chacun des 120 travaux de PFE conduits ce e année (et conscients du peu de temps impar ), nous avons opté pour la solu on suivante : s'intéresser aux étudiants se revendiquant alterna fs . Ce e porte d’entrée, par le discours, correspond plutôt fidèlement aux exigences pédagogiques a endues en master : se forger et savoir exposer une posture cri que, portée par un projet et un discours.

Les 36 étudiants du DEM ALT ont naturellement été intégrés à ce e popula on étudiée. En effet, de par leur choix de DEM, ils se posi onnent tous comme porteurs d’une démarche différente; la liberté promise par ce studio en perme ant ainsi – et imposant – sa revendica on.

Toutefois, l’étude serait incomplète si elle négligeait les possibles travaux alterna fs proposés dans les autres Domaines d'Études de Master. N’étant pas, quant à eux, construits autour de ce e théma que singulière, il s’avère impossible d’inclure l’ensemble d’un autre studio dans la popula on à étudier.

De fait, afin de déceler les poten els alterna fs s'épanouissant dans d’autres DEM, nous avons entrepris une analyse lexicographique des dépôts provisoires de sujet26, afin de cerner à travers des mots‐clés quels PFE pouvaient s’ajouter à notre échan llon d’étude. Ainsi, l’objec f est de repérer, par 26

dépôts réalisés avant le 20 mars 2017, archivés dans un booklet mis à notre disposi on p ar W illiam H ayet.

47

le discours, quels étudiants emploient un vocabulaire habituellement u lisé dans les références alterna ves proposés dans le corpus du SEM S7 ALT.

Il convenait alors pour ce faire de choisir des mots‐clés ayant trait à l’alterna ve, en analysant leur récurrence à l’intérieur du corpus étudié27. Nous obtenons finalement une liste réunissant tous les travaux employant au moins l'un des mots‐clés choisis : alterna ve, utopies, repenser, réinventer, innova on et paradigme.28

27

T oujours l e c orpus d u s éminaire S 7‐S9 A LT ( C.Dugave, S .Monnot) Notons que les diverses nuances de ces termes sont acceptées. Ainsi, les

28

travaux m en onnant “ alterna f”, “ alterna ve”, “ alterna vité”... s ont é tudiés.

48

Par la suite, une relecture plus en détail des dépôts provisoires des quelques 50 PFE considérés permet d’éviter les travers d'une approche lexicographique trop « brute ». Prenons l’exemple d’un étudiant écrivant ceci :

« Mon projet s’ar cule autour d’un programme clair : des logements, une salle de spectacle et un centre pour l’innova on »

De manière évidente, son travail ne sera pas ajouté à liste des PFE étudiés, le mot innova on ne traduisant pas ici d’une inten on claire de la part de l’étudiant de produire une architecture alterna ve.

49

Ques onnaire

Maintenant que nous avons cons tué une grille d’analyse regroupant 4 grands axes majeurs de l’alterna ve architecturale, il convient de vérifier si ces théma ques correspondent à la réalité des PFE étudiés, afin de pouvoir ajuster notre classifica on.

Pour ce faire, et en plus des dépôts provisoires de sujet disponibles pour chaque PFE, nous avons soumis un ques onnaire aux quelques 40 élèves concernés. Ainsi, nous souhaitsons recueillir des informa ons supplémentaires quant aux orienta ons prises par les étudiants pour préciser l’analyse à venir. De plus, nous profiterons de ces quelques ques ons pour envisager le devenir professionnel de chacun, de manière à croiser par la suite ces résultats avec la réalité des jeunes diplômés29.

29

D ans l ’épisode S 06E04 : A nalyses c roisées

50

Ques onnaire é tudiants

0.1. N om P rénom ( pour r etrouver l e P FE a ssocié)

0.2. D EM d ’appartenance p our l e P FE

1.1. Quelles sont les références architecturales qui nourrissent ton travail de P FE ? ( maximum 3 )

1.2. Si il y en a, quelles sont les références non‐architecturales qui nourrissent t on t ravail ? ( max. 3 )

2. Q uel(s) l ogiciel(s) u lises‐tu p our l e P FE ?

3. S elon t oi, q u'est‐ce‐qui c ons tue t a s ingularité ?

4. Que comptes tu faire l'année prochaine ? (pour les DC, après celui‐ci ).

Plusieurs c hoix p ossibles

. H MONP . D octorat / R echerche . P remier e mploi C DD / C DI . C réer / R ejoindre u n c ollec f . F aire u n s tage . A utre : à p réciser

5. V eux‐tu d evenir a rchitecte ?

6.1. Dans l’idéal, dans quel cadre souhaites‐tu exercer le mé er d’architecte ? P lusieurs c hoix p ossibles.

. F reelance . A gence < 20 p ersonnes . A gence > 20 p ersonnes . S ervice d ’urbanisme, p oli ques u rbaines . P romo on/média on d e l ’architecture . E nseignement . R echerche

51

. A utre : à p réciser

6.2. Inversement, dans l'idéal, dans quel cadre n'aimerais tu pas travailler ? P lusieurs c hoix p ossibles

. F reelance . A gence < 20 p ersonnes . A gence > 20 p ersonnes . S ervice d ’urbanisme, p oli ques u rbaines . P romo on/média on d e l ’architecture . E nseignement . R echerche . A utre : à p réciser

7. A q uoi s ert t on P FE ? P lusieurs c hoix p ossibles

. M ontrer c e q ue t u a s a ppris d urant t es é tudes . P roduire u n p rojet à i ntégrer à t on p or olio, p our t rouver u n e mploi . Ê tre r econnu p ar s es p airs . P roduire u n m anifeste d e t a p ensée a rchitecturale

a ctuelle . R endre t es p roches fi ers d e t oi . E tre d iplômé . A r ien . A utre : à p réciser

8. Quelles valeurs juges‐tu déterminantes quant au choix de la structure dans l aquelle t u s ouhaiterais t ravailler ? P lusieurs c hoix p ossibles

. D esign . A ménagement p aysager . T echniques c onstruc ves e t a r sanales . N ouveaux o u ls ( numériques, F abLAB…) . D éveloppement d urable . E chelle u rbaine . P ar cipa f . I nterdisciplinarité . A utre : à p réciser

52

9. Sur quel type de projets aimerais‐tu travailler ? Plusieurs choix possibles

. M aisons i ndividuels . L ogements c ollec fs . E quipements p ublics . A ménagements p aysagers . B â ments i ndustriels . L ocaux c ommerciaux . E n m ilieu r ural . E n m ilieu u rbain . A utre : à p réciser

10. E nvisages‐tu d 'aller t ravailler à l 'étranger ? . O ui, q uelque t emps . O ui, d éfini vement . N on

Ce ques onnaire ayant été conçu en même temps que l’étude du corpus théorique30, nous regre ons qu’il ne s’a arde pas davantage sur la défini on des grands axes proposés.

Plusieurs réponses se sont également avérées impossible à traiter dans le temps impar : une analyse des références de chaque étudiant aurait été par exemple très intéressante mais par culièrement chronophage.

30

P hase d ’analyse d u s éminaire S 7 A LT

53

Précisons toutefois certains points clés dans la méthode d’analyse employée pour traiter les réponses :

L’essen el des résultats qui seront extraits de ce e analyse tenteront de me re en valeur des réponses communes formulées par des étudiants regroupés dans la même “catégorie d’analyse”

ex: Parmi les étudiants de la catégorie A, 85% jugent que “l’interdisciplinarité” est primordiale ( 6 étudiants sur les 7 regroupés dans ce e catégorie ont en effet coché la case “Interdisciplinarité” à la ques on 8 : “Quelles valeurs juges‐tu déterminantes quant au choix de la structure dans laquelle tu souhaiterais travailler ?”)

Ces moyennes internes aux catégories seront toujours comparées par rapport à la moyenne des autres étudiants exclus de la catégorie en ques on, perme ant d’analyser ainsi le posi onnement de chacune par rapport aux deux autres.

ex: les travaux de la catégorie A sont ceux qui s’intéressent le plus aux “technique construc ves” (en effet, 69% dans la catégorie A contre respec vement 23% et 17% pour les catégories B et C)

Des indica ons seront données quant à la représenta on de chaque DEM dans les catégories proposées. Etant donné la faible taille des popula ons dans chaque catégorie, on ne donnera parfois que le DEM dominant.

ex: la catégorie A est composé à 90% d’étudiants inscrits dans le studio ALT (sur les 10 regroupés dans la catégorie A, 9 en ALT et 1 en AHD).

54

Grâce à l’analyse des dépôts de sujets provisoires de PFE, aux réponses du ques onnaire et aux premiers grands axes esquissés dans le corpus théorique, nous pouvons désormais entreprendre une classifica on des alterna ves revendiquées par les étudiants de Master 2.

55

Processus alterna fs

Comme l’analyse du corpus du SEM S7 ALT le laissait présager, de nombreux PFE s’ar culent autour de la démarche même de concep on. Ici, l’exercice du PFE est envisagé comme une expérimenta on cri que et singulière, qui réinterprète les habitudes de travail développées jusqu’alors. Ce dépassement de l’équa on originelle proposée en licence “Projet = Site + Programme” se traduit par des processus nouveaux. Bien que les objets produits diffèrent (un logement, une gare, une source d’eau…), nous voyons alors poindre une recherche générale d’alterna ve pensée comme un “faire autrement”.

Ainsi, le vecteur essen el dans chacun de ces travaux devient l’élément innovant apporté dans la chaîne de concep on, l’a en on par culière qui singularise le projet.

56

Nous comprenons dès lors que l’homogénéité de tous ces travaux ne peut être saisie par le biais des références. En effet, au delà de ce besoin commun de changer de processus, chacun peut s’a eler à un domaine singulier, choisir une “porte d’entrée” différente. Ainsi, alors que certains préfèrent ancrer puissamment leur architecture dans un concept philosophique, d’autres choisissent de construire leur projet autour d’une émo on forte, d’une approche contextuelle plus sensible que ra onnelle.

Perspec ve e xtraite d u P FE d e M .Mercury “Suture : d ésatura on v er cale d e l a g are P art‐Dieu” ( DEM A LT)

Nous évoquions également plus tôt l'u lisa on d’ou ls émergents, théma que désormais incluse dans ce grand axe des processus alterna fs. En effet, si les fruits des progrès techniques contemporains peuvent conduire à des pra ques nouvelles, c’est toujours en tant qu’éléments engagés dans un

57

processus qui les dépasse. Le prototypage rapide, par exemple, permis par l’impression 3D, n’est jamais qu’un ou l de produc on et de réflexion dans une concep on architecturale plus globale. Il n’entend pas, en tant que tel, produire de manière intrinsèque une architecture mais représente toutefois une étape nouvelle dans les processus de concep on.

« Nous proposons à travers ce PFE une réflexion sur les processus de concep on, en u lisant les ou ls paramétriques comme des moyens perme ant l’adapta on d’un projet aux scénarios futurs et aux évolu ons sociétales à venir. » 31

Sans doute marquée par les possibilités nouvelles que perme ent les technologies récentes, la ques on des processus est très in mement liée à ces ou ls émergents. En témoigne notamment la mul tude des travaux proposant une architecture paramétrique, tantôt évoquée comme réponse à des scénarios fic onnels prospec fs, tantôt employée dans des projets complexes aux variables mul ples. Nous percevons alors ici le coeur du rapprochement proposé dans ce e par e : l’inflexion donnée à chacun des travaux est singulière, produisant des objets différents, répondant à des probléma ques diverses, mais les habitudes de concep on sont toujours remaniées.

31

Extrait du dépôt provisoire de PFE de Mme.Vesper “ Embarquez pour le train d es p ossibles ! ” ( DEM A LT)

58

Quelques c hiffres

En accord avec ce qui vient d’être présenté, les étudiants regroupés dans ce e catégorie témoignent d’un intérêt certain pour les nouveaux ou ls (+21% par rapport à la moyenne chez leurs homologues32). Tous ceux confiant proposer une architecture paramétrique se retrouvent également ici33.

Sans doute orientés vers un ques onnement profond sur la manière de concevoir, l’enjeu que représentent les techniques construc ves est ici relayé au second plan (‐31% par rapport à la moyenne). Difficile, pour autant, de conclure que ces ques onnements théoriques peinent à s’ancrer dans la réalité des architectures construites. Il faudrait, pour cela, étudier les rendus défini fs de PFE.

Enfin, il est intéressant de noter que parmis les trois grandes catégories développées dans ce e par e, il s’avère que c’est celle‐ci qui accuse le plus fort taux d’étudiant du DEM ALT 34 . De là à conclure que les autres offres pédagogiques ne perme ent pas de ques onner les démarches usuelles de concep on, il n’y a un pas que nous franchirons peut‐être après l’épisode 03 35 .

32

En effet 40% des étudiants regroupés dans ce e catégorie avouent porter de l’intérêt aux nouveaux ou ls (19% seulement en moyenne dans les autres branches) 33 5 é tudiants p armis l es 3 6 s ondés 34 Parmi les 10 étudiants réunis dans ce e catégorie, 9 sont inscrits dans le DEM A LTer‐na ve 35 S 06E03 : E nseignant.e.s

59

Notons enfin que la faible taille de l’échan llon rend les analyses plus subjec ves, nous empêchant d’asseoir des résultats plus certains. De plus, le peu de temps impar n’a pas permis de compléter ces ques onnaires par des entre ens personnels, qui auraient assurément permis d’affiner notre recherche.

60

Ecologie radicale / mésologie

Toujours en adéqua on avec l’une des grandes théma ques abordées dans le corpus du SEM S7 ALT, l’approche mésologique représente pour les étudiants un vecteur fort de l’alterna ve en architecture. Chacun des projets regroupé sous ce e bannière36 propose une réflexion riche au sujet des milieux habités. Pour ce faire, ils réinves ssent les ques ons classiques des limites et de l’échelle, repensés sous le prisme d’un biotope anthropisé.

Tout d’abord, il est toujours ques on du milieu en tant que ressource, qui cesse donc d’être seulement un site de projet pour devenir indissociable de l’objet architectural qui en émerge. Ruralités et urbanités ne sont plus considérées comme antagonistes, mais par cipant au même équilibre entre milieu nourricier et milieu consommateur.

Refusant systéma quement l’étalement urbain, la ville se recompose, tente de proposer des zones autonomes (gérant ses eaux usées, ses déchets, produisant ses denrées...).

36

Les projets de 7 étudiants parmis les 36 interrogés sont regroupés dans ce e c atégorie ( environ 2 0%)

61

« L’objec f de ce PFE est de repenser l’interface entre la ville et l’agriculture en créant une polarité qui puisse impulser des transforma ons à la fois sur les quar ers pavillonnaires et sur le plateau agricole.» 37

La ques on des ressources représente également un point de rencontre entre tous ces travaux : chacun propose à travers l’architecture qu’il développe une prise de conscience, sensibilise à une cause qu’il sou ent. Ainsi, l’agriculture urbaine permet d’évoquer la permaculture, les paysages exploités par l’homme deviennent des lieux d’appren ssage. L’accent est également placé sur les aménités environnementales, u lisés par tous pour porter un message : l’eau et les friches comme mémoire d’un port, le bois pour paysage, matériau et énergie.

37

Extrait du dépôt provisoire du PFE de M.Sacquet “ Une nouvelle polarité agro‐urbaine ” ( DEM A MTH)

62

La ques on de la légi mité fait souvent surface dans ce e branche de l’alterna ve. En effet, il n’est pas rare de voir apparaître une ré cence devant le fait de construire, nécessairement énergivore et pas toujours nécessaire.

« L’agriculture comme point d’appui, pourra faire émerger des ques ons autour de la légi mité de l’architecture dans ce domaine. »38

Q uelques c hiffres

A l’inverse de la catégorie précédente, les étudiants porteurs de ce e approche par les milieux accordent beaucoup d’importance aux techniques construc ves (23 points au dessus de la moyenne)

De manière générale, l’interdisciplinarité est une valeur plébiscitée par tous les étudiants interrogés (à hauteur 72%) mais là encore, c’est dans ce e branche de l’alterna ve que les pourcentages sont les plus élevés39. Nous pouvons alors avancer prudemment que ce e approche mésologique requiert des spécialistes non architectes : ingénieurs, biologistes...

38

Extrait du dépôt provisoire du PFE de Mme.Bril “ Habiter la ruralité et ques onner l e r apport d es e spaces b â s a ux m ilieux ” ( DEM A TEC) 39 86% des étudiants regroupés dans ce e par e jugent que c’est une valeur primordiale

63

Enfin, il s’agit de la catégorie la plus diversifiée au niveau des DEM d’appartenance40. Evidemment, cela s’explique par ellement par certains des sujets d’étude proposés par les autres DEM, souvent très portés sur les ques ons environnementales. Toutefois, il est intéressant de noter que ces alterna ves architecturales, revendiquant une écologie profonde, transcendent l’offre pédagogique et s’épanouissent à travers des processus variés.

40

sur les 7 travaux regroupés dans ce e par e : 3 en ALT, 3 en AMTH et 1 en ATEC. A l’inverse, la théma que “processus alterna fs” est composée à 90% par d es A LT, e t c elle t raitant d u “ rôle d e l ’architecte” e n d énombre 7 5%.

64

Rôle de l’architecte

Grandes oubliées du corpus théorique proposé lors du séminaire ALT, les réflexions portées au sujet du rôle de l’architecte sont pourtant très présentes dans les PFE41, au point de composer une catégorie singulière dans le canevas final.

Il semble donc que pour beaucoup, cet ul me exercice pédagogique soit l’occasion de se posi onner vis à vis d’un futur de plus en plus proche : la post‐pédagogie et le monde professionnel. De fait, on retrouve des similitudes entre tous ces travaux, tentant d’infléchir une profession dans les traits de laquelle ils ne se retrouvent pas actuellement. Ainsi, ce rejet d’un mé er pour lequel ils ont été formés les pousse à repenser leur futur d’architecte “être‐au‐monde”, en revendiquant un besoin de réinventer le mé er, de réinterpréter ses codes.

« Revenir à un programme aussi basique [le logement], c’est aussi l’humilité de viser les usagers plutôt que le prix Pritzker »42

Nous retrouvons également, parmi ces travaux, une éternelle recherche de la légi mité de l’architecte, redessinant les contours de son domaine de spécialité. L’architecte n’est 41

1 0 é tudiants s e r etrouvent d ans c e e p ar e, p armi l es 3 6 i nterrogés Extrait du dépôt provisoire du PFE de M.Hadid “ Réhabilita on en HLM

42

contempla fs ” ( DEM A LT)

65

plus ici considéré comme un expert des ques ons spa ales, mais plutôt comme un acteur perme ant une média on débouchant ensuite sur une construc on. Les équipes de maîtrise d’oeuvre, d’ouvrage et d’usage se confondent, de manière à repenser le projet architectural avant tout comme un jeu d’acteurs, ayant tous à apprendre les uns des autres.

« Mon travail envisage donc des muta ons progressives dans les gouvernances de la ville, [...] en tentant de confronter, superposer, imbriquer, me re en tension et tester de nouvelles manière de faire la ville, plus proche de ses habitants »43

L’architecte est également évoqué par le biais de son rôle poli que, à travers l’inflexion qu’il peut ou doit donner dans la construc on d’énoncés collec fs. Il se rêve alors tantôt en catalyseur d’inten ons architecturales populaires, tantôt en garant d’un équilibre entre soutenabilité et désirabilité d’un mode de vie.

43

Extrait du dépôt provisoire du PFE de Mme.Lorraine “ Une nouvelle gouvernance p our u ne m uta on d e l a v ille d e G ivors ” ( DEM A MTH)

66

Q uelques c hiffres

Aucun des 8 membres n’a répondu “Oui” à la ques on “Veux‐tu devenir architecte?” alors que la moyenne des autres catégories place le “Oui” en tête44. Il n’y toutefois eu qu’un seul “Non”, les autres préférant expliquer leur posi onnement plus en détail, refusant la défini on actuelle du mé er. Nous percevons donc, à travers ce e réponse, la ténacité des remises en ques on exposées précédemment.

Les étudiants proposant une pareille réflexion sur le futur de leur mé er semble s’intéresser beaucoup plus au démarches par cipa ves que leur camarades : 75% d’entre eux jugent que c’est une valeur primordiale, contre à peine 30% de moyenne dans les autres catégories.

Enfin, même si la taille de l’échan llon rend l’analyse des références anecdo que, notons que c’est la seule catégorie dans laquelle l’on retrouve le même nom cité plusieurs fois : celui de Patrick Bouchain45. Impossible donc de conclure quant à une adhésion générale autour d’idées commune, mais il reste toutefois intéressant de noter ce e référence à un architecte connu pour toujours reques onner le rôle de sa profession.

44

En effet, parmis les étudiants ne relevant pas de ce e catégorie, 53% avouent qu’ils souhaitent devenir architecte, sans apporter de nuance dans les c ommentaires.

45 4 des 8 étudiants cons tuant ce e par e on en effet donné ce nom comme référence architecturale. Il n’a été cité par aucun autre étudiant interrogé.

67

68

Épilogue

Pour conclure ce e première par e de l’étude, notons les nombreuses similitudes entre les ques ons soulevées par le SEM S7 ALT et celles exposées dans les travaux étudiants. Ne sachant pas combien d’entre eux ont suivi ce séminaire, difficile de connaître son influence dans la réalisa on des PFE. Quoi qu’il en soit, il semble que les théma ques à l’origine des fulgurances alterna ves ne représentent pas des cas isolés, mais de réelles inflexions dans la manière de penser l’architecture aujourd’hui.

Toutefois, les réflexions liées au rôle de l’architecte ne sont pas clairement évoquées dans le séminaire, alors que de nombreux étudiants profitent de leur dernier exercice scolaire pour ques onner la profession qui sera bientôt la leur. Ce e troisième et dernière catégorie présentée dans l’étude étant majoritairement composée d’étudiants inscrits dans le DEM ALT, il est important de recontextualiser la produc on des PFE à l’intérieur de ce DEM. En effet, chaque étudiant ayant réalisé un semestre S9 très introspec f46 et jouissant de beaucoup de libertés pour réaliser son PFE, il semble logique que ces ques onnements au sujet de leur devenir pédagogique se ressentent dans leurs revendica ons.

46

Les premiers exercices du S9 consistent à répondre aux ques ons suivantes : “ Quel é tudiant s uis‐je ? Q uel a rchitecte d evenir ? ”

69

De manière générale, tous les étudiants revendiquant ces alterna ves témoignent d’une posture commune, proche de celle du chercheur : ils apprennent à se regarder de l’extérieur, à ques onner leur habitudes et leur place au sein d’une profession, d’une société. Malgré le fait que les points de départs et d’arrivées leurs soient tous spécifiques, tous tentent de repenser le rôle des normes, d’esquisser un nouveau mode “d’être‐au‐monde”. Les ou ls, les processus, les médiums et les valeurs divergent, mais tous opèrent une certaine resingularisa on, persévèrent dans leur être47 tout en s’ouvrant à l’altérité.

L imites d e l ’approche

Comme toute tenta ve de classifica on, ce e étude ne peut se prétendre exhaus ve. La délimita on des catégories est toujours une tâche délicate, très sensible aux paramètres considérés ini alement. De fait, il convient d’alerter les lecteurs de ce e étude des porosités existantes entre les grandes familles d’alterna ves présentées précédemment. Ces trois axes majeurs doivent donc être perçus comme des curseurs, des échelles différentes, définissant chaque projet étudié comme une combinatoire possible.

De la difficulté d’étudier des étudiants quand on est étudiant.

Plus encore qu’un observateur lambda, j’inves s les travaux et analyses des mes camarades en connaissant certains mieux que d’autres, en ayant déjà plus ou moins observé leurs 47

a llusion à p eine v oilée a u c onatus d e S pinoza

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avancées. De fait, il est compliqué d’avoir une approche objec ve et homogène sur toute la popula on que l’étude regroupe. Je pense toutefois qu’au delà des limites que je viens de décrire, une sorte de “journalisme d’inves ga on”, en immersion dans la popula on étudiante, peut également s’avérer per nente.

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S06E02 Diplômé∙e∙s

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Introduc on

“Mais à la ques on de l'alterna ve, je te poserais déjà la ques on, c'est une alterna ve à quoi?”48

Ce e par e se propose de traiter la ques on dans la perspec ve des diplômés. Nous croiserons ici l’alterna ve telle qu’on peut la saisir dans les PFE avec le regard cri que de quelques diplômés. L’objet est ici de tenter modestement de construire un ou l d’analyse pour qualifier l’alterna ve. Ce e proposi on appelle bien sûr à être amendée, cri quée et perfec onnée à l’avenir.

48

E ntre en a vec F aramir, d iplômé ( V ille, T erritoire e t P aysage ) e n 2 010.

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Corpus

Pour ce e par e, ne sont retenus que les projets de fin d’étude (PFE) qui se revendiquent alterna fs ; c’est‐à‐dire ceux qui figurent explicitement de se poser comme alterna ve à quelque chose. Pour ce e sélec on, une recherche de sta s que lexicologique a été réalisée avec le terme d”alterna vité” et ses dérivés.

En ressortent un total de 64 PFE entre 2008 et 2016 (cf graphique ci‐dessous). Les étudiants en forma on professionnelle con nue (FPC) ne sont pas comptabilisés et les PFE effectués en groupe comptent pour autant de PFE qu’il y a d’étudiants dans le groupe. Nous considérons ici que le choix des termes du discours est le fruit d’une réflexion collec ve qui traduit un posi onnement assumé de chaque étudiant.

Nombre d e P FE s e r evendiquant “ alterna fs” p ar a nnée

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Le taux de varia on d’une année sur l’autre est assez instable, mais il semblerait qu’il y ait plus de projets se revendiquant alterna fs aujourd’hui que par le passé au vu de notre critère de sélec on.

Il s’agit de croiser ce e revendica on par une analyse des discours et des éléments graphiques réalisés par les diplômés pour leurs PFE respec fs. Le nombre d’éléments graphiques varie entre 3 (minimum exigé pour le dépôt en ligne) et 45 (cas de certains travaux en groupe). Ils sont de différentes natures ( plan d’ensemble, plan de masse, plan détaillé, perspec ve intérieure ou extérieure, coupe, sec on, zoom sur un détail technique, photo de maque e, schémas de concept… ). La valeur médiane se situe à 6 éléments graphiques par PFE. Quand cela est possible, les mémoires de PFE sont ajoutés au corpus. L’archivage de ces derniers étant très limité, ce ne sont que cinq mémoires qui sont concernés par cet ajout.

NB: Il est important de relever le cas par culier des projets AVP de 2014 et de 2016. Ils sont réalisés en par e en groupe de 3, en par e de façon individuelle. Ainsi, les étudiants concernés ont fourni d’une part des documents collec fs (entre 1 et 4 documents graphiques + 1 texte court) et d’autre part des document individuels, dans ce cas là on évaluera principalement la par e commune et non pas les par es individuelles qui correspondent à une autre phase de réflexion.

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La répar on des PFE alterna fs est pour moi é concentrée dans le Domaine d’étude de master (DEM) Architecture, Ambiances et Cultures Construc ves (AACC : 2011‐2016). On peut penser que le focus sur les ques ons d’écologie et de développement durable de ce DEM a ici un lien. Un bon quart des travaux revendiqués alterna fs ont eu pour cadre le DEM Architecture, Villes et Périphérie (AVP: 2011‐2016).

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Méthodologie

L’analyse des Projets de Fin d'Étude (PFE) a pour but la construc on d’une grille d’évalua on de l’alterna vité. On cherche à comprendre s’il est possible d’iden fier des traits saillants ou des regroupements au sein de ces alterna ves. A quoi se posent‐elles comme des alterna ves? Sont‐elles purement théoriques ou ont‐elles une visée concrète? Se situent‐elles en termes de processus? De matérialités? d’architecture conçues? De modes de représenta on? De revendica ons poli ques? De visions de l’Habiter?

Ce e grille s’organise autour de cinq critères de quatre degrés (de 0 à 3) chacuns. Ces critères arbitrairement définis nous ont semblés les plus per nents pour rendre compte de la diversité observée.

→ Représenta on → Discours → Ecologie → Processus → Programme

La grille a été construite de manière itéra ve et les catégories, définies en amont puis modifiées en aval, sont le fruit de plusieurs aller‐retours entre les différents documents à notre disposi on. A l’origine les critères

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“Processus” et “Programma on” étaient confondus et devant l’importance donnée à la ques on programma que dans les PFE, les deux furent dissociées.

Ici les PFE étudiés sont ceux revendiqués “alterna fs”, ainsi il leur sera a ribué d’office un degré d’au minimum 1 sur le critère du discours. La ques on du site de projet n’a pas été retenue car pour l’essen el, les sites sont condi onnés par le choix du domaine d’étude. La dimension de processus est néanmoins la plus délicate à évaluer devant le peu d’éléments dont nous disposons sur chaque projet étudiant. Nous n’avons ainsi les moyens que de jauger de ce qui est explicitement formulé sur le travail effectué en terme de réflexion sur le processus de concep on. Là encore nous rappellerons que notre sélec on s’est portée sur les travaux des étudiants se revendiquant alterna fs, ce qui est à dis nguer du fait d’être pleinement alterna f ou non. Il est donc probable que des travaux étudiants n’aient pas été retenus en dépit de leurs qualités propres à cons tuer une démarche alterna ve.

Dans la mesure où n’a pas pu être pris le temps d’une comparaison entre notre corpus et l’ensemble des PFE de la période à l’ENSAL, l’interpréta on des résultats doit se faire en conservant ce e limite fondamentale en tête. Par exemple, si le logement est le programme dominant dans notre corpus, il serait abusif de dire qu’il s’agit d’un trait saillant des PFE revendiqués alterna fs.

Dans une plus large mesure, le logement est un des programmes phares qui cons tue une large part de la commande architecturale.

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Graphique r écapitula f d es d egrés d ’alterna ve p ar c ritère

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Tableau d ’évalua on d es P FE e n f onc on d es c ritères e t d egrés

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Canevas

En parallèle de ce travail, des entre ens perme ront de chercher à préciser qu’est‐ce qui, aux yeux de jeunes diplômés, cons tue une pra que alterna ve de l’architecture mais aussi quels retours cri ques ils peuvent faire sur leurs PFE. Au total, ce seront 5 diplômés qui auront été interviewés dans des entre ens de 35 à 75 minutes.

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PFE Comment a s­tu c hoisi t on d omaine d ’étude p our l e P FE ?

Comment en es­tu venu à ce sujet de PFE ? Quels étaient tes objectifs en f aisant ç a ?

Est­ce q ue t u d irais q ue t on P FE t ’a é té “ utile” ? (plaisir, e xpérience, r éflexion, m anifeste…)

Comment as­tu vécu ton PFE ? Des déceptions ? Des choses dont tu es fier.e ?

Est­ce que le jugement, la note que t’as eue au PFE te semble représentative/légitime/cohérente/justifiée ?

Avec l’expérience que tu as maintenant, tu y changerais quoi ? (PFE idéal a près‐coup)

Parcours Quel a é té t on p arcours d epuis l a s ortie d e l ’école ?

A l’époque savais­tu un peu ce vers quoi tu allais te diriger ? Et maintenant ?

Est­ce

que

tu

comptes

ouvrir

une

agence/passer

la

HMO/faire­intégrer u n c ollectif ? ( cadre i déal d ’ac vité) Est­ce q ue t u v eux d evenir a rchitecte ? ( inscrip on à l ’ordre e t t out)

Références+Alterna vité Pour faire du projet en architecture, qu’est­ce qui te nourrit ? (ref archis e t/ou a utres) Est­ce que tu as l’impression de participer à l’alternative en architecture ? d’être dans une démarche alternative en architecture ? (collec vement o u i ndividuellement) Selon t oi, q u’est­ce q ui c onstitue t a s ingularité ?

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Un faible niveau de représenta on “alterna ve”

Ce critère regroupe tout ce qui touche au graphisme, à la représenta on graphique du projet architectural sous quelque forme que ce soit (maque es incluses).

degré 0 : ici par norme on entendra le trio de géométraux plans/coupes/éléva ons complété de perspec ves visant le réalisme, on endra compte pour juger de ce “réalisme” des évolu ons des moteurs 3D et de la puissance de calcul des ordinateurs disponibles couramment;

degré 1 : seront considérés relevant d’un degré 1 d’alterna ve les PFE qui détournent les éléments exigibles en terme de style, de cadrage ou de technique de représenta on. On peut considérer que le travail à la main est aujourd’hui une forme d’alterna ve marginale par rapport aux images numérique;

degré 2 : les éléments inédits de communica on (schémas conceptuels, maque es‐concept, collages... ) seront considérés comme relevant de ce deuxième degré;

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degré 3 : ici on classera les projets qui feront montre d’une cohérence conceptuelle

ne première lecture de ce e grille fait ressor r un U taux par culièrement peu élevé de représenta on “alterna ve” dans l’échan llon analysé.

Dans la mesure où le PFE est un exercice d’évalua on par les pairs, s’y associe tout un enjeu de désirabilité sociale.

Au final, l’étudiant désireux d’obtenir une approba on du jury a, a priori, tout intérêt à se conformer à la culture réelle ou supposée de l’examinateur et ainsi adopter les standards de représenta on de la vie professionnelle que sont le photoréaliste et les géométraux précis traduisant une maîtrise des codes de représenta on qui s’y rapportent. Les codes graphiques de l’architecte cons tueraient un premier niveau de maîtrise à a ester pour se montrer digne du diplôme.

L’étudiant doit ainsi démontrer son accultura on.

« Y'a eu des surprises, on va dire des mecs qui avaient cartonnés toute l'année et qui se sont fait un peu alignés devant le jury parce que justement ils faisaient un truc tellement spécifiques et que les profs nous encourageaient à faire et donc devant le jury, ils ont pas toujours compris, mais après quand on était un peu plus consensuels ça s'est toujours très bien passé. »49

49

Entre en avec Haldir, diplômé (Stratégies et Pra ques Architecturales Avancées) e n 2 014

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Cet enjeu professionnalisant est cependant controversé à l’heure où l’architecture entend s’affirmer comme discipline scien fique, la forma on doit‐elle toujours avoir véritablement pour enjeu la prépara on de futurs architectes?

Partant de là, l’u lisa on de références de pop culture ou de culture hors archi prend le risque d’être perçue néga vement car incompa ble avec les codes du mé er et le “sérieux” de la vie professionnelle qu’il convoque, en plus d’être poten ellement vic me d’incompréhension du fait des différences généra onnelles.

L’abstrac on conceptuelle cons tuerait une erce voie pour parler de concep on architecturale, une façon d’exprimer autrement que par le texte les inten ons de l’architecte, d’expliquer le jeu des volumes, des lumières, le rapport du socle à son couronnement, l’interpréta on des données du site, la manière dont se fait la transcrip on du programme en espace et en usages. Il s’agirait par ce biais de chercher à préciser le processus de concep on, les contraintes que l’architecte a hiérarchisé comme déterminantes pour son projet. Ce e volonté de donner à lire le processus et de rendre une dimension archéologique de la concep on se rapproche finalement d’une forme de recherche fondamentale en architecture qui chercherait à comprendre ses cheminements intellectuels.

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« Parce qu’on veut t’apprendre aussi à faire de l’architecture, à construire parce que c’est important que quand tu sortes, t’aies un rapport à la ma ère, [...], on est des poseurs de parpaing, et ça on te l’apprend pas juste avec des cours de structure. »50

L’u lisa on de moyens plus abstraits pour représenter le projet pose la ques on de la dimension concrète de l’architecture. Il ne s’agirait pas uniquement de penser l’architecture (qui comme le kan sme aurait peut être alors les mains propres, mais n’en n’aurait pas51) mais d’envisager sa concré sa on, c’est‐à‐dire son implica on dans le réel. L’effort intellectuel de l’architecte serait la concep on et la construc on de l’espace, non pas son abstrac on conceptuelle, idéalisée, esthé sée ou poé sée.

Ce e concep on vise à perme re des usages, à perme re l’existence, l’habiter. En conséquence, la représenta on devrait donner à voir ces possibles conçus. Se pose alors la ques on du réalisme dans toute la complexité que ce terme peut convoquer dès lors qu’on parle de représenta on dans l’histoire de l’art. Une approche expressionniste ou impressionniste52 des choses n’a‐t‐elle pas voca on à retranscrire une autre forme de réalité?53 De même, comme peut l’affirmer l’architecte finlandais Juhani Pallasmaa, n’est‐ce pas là le terrible diktat de la vision sur les autres sens54? Ne faudrait‐il pas donner à sen r, à 50

E ntre en a vec F aramir ( VTP), d iplômé e n 2 010.

C ita on d e C harles P éguy 52 T héo Padovani, Représenter le projet architectural à l’ère numérique , 51

mémoire e n a rchitecture s ous l a d irec on d ’Eglan ne B igot‐Doll, E NSAL 2 017 53 Un jeu vidéo peut‐il être réaliste ? épisode de la chaîne Game Next Door le 30 m ai 2 017 ( consulté l e 8 j uin 2 017) → h ps://www.youtube.com/watch?v=JThhWrcUSgA 54 J uhani P allasmaa, L e r egard d es s ens , é di ons d u L inteau, P aris, 2 010

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toucher, à goûter, à entendre les espaces plutôt que de se contenter de les donner à voir?

On est en droit de se demander si ces moyens alterna fs de donner à percevoir le projet seraient accessibles en dehors d’une sphère de spécialistes de l’architecture. Les images photoréalistes des promoteurs et des concours seraient‐elles le meilleur compromis entre efficacité de représenta on et per nence communica onnelle?

La dimension construc ve de l’architecture impose quant à elle une certaine rigueur technique. Ici l’étudiant doit a ester qu’il maîtrise un tant soit peu le mode construc f de ce qu’il proje e pour ne pas se contenter d’être dessinateur ou graphiste, mais bien poten el maître d’oeuvre. Le géométral doit ainsi avoir pour dessein d’être construc ble, de montrer les caractéris ques techniques et géométriques des espaces. À combien s’élève le plafond ? Quelle est la hauteur de l’allège de la fenêtre? Fait‐elle un pont thermique béant avec l’extérieur?

Comment sont fixés les éléments de brise‐soleil à l’extérieur?

Si on voit assez peu comment il serait possible de se dispenser de ces éléments graphiques pour remplir ce e fonc on, on peut ques onner ici le rôle des documents en 3D, ne perme ent‐ils pas de représenter ces enjeux avec des codes différents?

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« On arrive à une époque où au niveau de l'enseignement, la 3D est au centre, tu fais plus un projet en plan, tu montes des volumes, voilà... époque de Zaha Hadid et compagnie quoi, et justement quand tu bosses avec quelqu'un qui a étudié il y a 30 ans en arrière, il voit pas du tout les choses de la même façon »55

On peut néanmoins se poser la ques on de savoir si le critère de sélec on du corpus (la revendica on de l’alterna ve) est bien per nent pour faire émerger les proposi ons graphiques les plus audacieuses. Il conviendrait ici de faire la même étude à l’échelle de l’école ou même de plusieurs écoles d’architecture afin de se rendre compte si ce résultat est reproduc ble ou bien si c’est un simple hasard sta s que. Par ailleurs, les degrés retenus ne sont peut être pas assez fins pour arriver à caractériser avec finesse les différentes nuances entre les modes de représenta on.

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E ntre en a vec H aldir, d iplômé ( SPAA) e n 2 014

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Perspec ve c oncept, “ L’évènement e n p rojet ”, I ssam C hekir ( SPA 2 008)

Perspec ve, “ H abiter l a g rande d imension” , N icolas P ellissier ( SPAA 2 012)

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Discours: à quoi se pose l’alterna ve?

Ici l’analyse cible les textes produits pour les résumés de PFE. Ces textes d’environ 1100 caractères en moyenne cons tuent les éléments examinés dans ce e catégorie. Il s’agit de s’intéresser aux revendica ons portées par les étudiants et on regardera le choix des termes employés et lorsque c’est le cas, les références qui sont citées.

degré 0 : Le discours qui accompagne le PFE ne montre pas de volonté de se poser comme une alterna ve architecturale;

degré 1 : A ce degré, les projets font uniquement montre d’une volonté de se poser en alterna ve à quelque chose. Dans le cas présent, tous les projets retenus valident à minima ce e condi on;

degré 2 : A ce stade, les projets portent une revendica on poli que ou éthique, ils font référence à des no ons qui expriment clairement la portée poli que du projet proposé;

degré 3 : Ici le projet peut être considéré comme militant, c’est‐à‐dire qu’il se pose comme manifeste d’une philosophie alterna ve, d’une pensée poli que qui se place en alterna ve par rapport à l’idéologie dominante.

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Dès lors qu’on analyse le discours d’un point de vue sta s que, il est intéressant de constater que l’alterna ve revendiquée se propose souvent de lu er contre l’étalement urbain. Il s’agit là d’un problème de société qui se pose collec vement et qui permet de faire converger les probléma ques écologiques avec celles de qualité urbaine, de mixité fonc onnelle parfois, de paysage, de ruralité, de périurbain. En parallèle, il s’agit là d’un enjeu sectoriel pour l’architecture, le marché de la maison individuelle bon marché échappant largement au corps de mé er, la réintégra on de ces marchés perdus dans le giron des architectes serait profitable à la profession (et, on peut l’espérer, aux usagers !).

Les théma ques étant assez largement induites par le choix des domaines d’étude (et donc par les enseignants, reliés à un contexte professionnel et une actualité), il n’est pas étonnant de voir une forte convergence des projets vers ce thème‐là.

Dans ce cas, on est le plus souvent dans une alterna ve de degré 1, les implica ons poli ques de ces enjeux d’étalement urbain et d’alterna ve à la maison individuelle sont peu affirmés (alors même que c’est bien le poli que qui a permis l’essor du pavillonnaire par un assouplissement des réglementa ons et l’absence de recours à un architecte pour des surfaces inférieures56 à 170m²). L’enjeu ici, plus que la contesta on poli que, c’est la démonstra on architecturale qu’on peut offrir une qualité de vie équivalente voire supérieure au rêve pavillonnaire57 sans en avoir tous les inconvénients. Il s’agit de réinterpréter un logement ordinaire pour en proposer une alterna ve.

56

Aujourd’hui 150m², Décret n° 2016‐1738 du 14 décembre 2016 rela f à des dispenses d e r ecours à u n a rchitecte 57 Q ui e st t oujours l ’habitat r êvé d e 8 0% d es f rançais ( JDD 2 013)

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Si seulement quelques PFE intègrent une dimension poli que, c’est aussi parce qu’il s’agit là d’un terrain glissant.

Naturellement clivant, parler explicitement de philosophie poli que dans ce e situa on, c’est risquer de déplacer le débat du jury sur le bien‐fondé des convic ons poli ques défendues par l’étudiant plutôt que sur la cohérence de l’architecture proposée en elle‐même. Se pose ici la ques on de savoir si l’architecture peut s’évaluer de façon apoli que et dans quelle mesure elle se révèle être pour certains l’expression d’un projet de société porté par son concepteur. Plus largement, cela pose les ques ons de l’éthique et de la posture de l’architecte. Ces thèmes sont finalement davantage per nents dans le contexte des HMONP (habilita on à la maîtrise d’oeuvre en nom propre), habilita on qui détermine largement si le diplômé “mérite” de porter le tre d’architecte58. Dans le cadre d’un diplôme de master en architecture, il s’agirait finalement plus de valider une compétence, d’a ester d’une capacité de l’étudiant à faire du projet d’architecture. Ainsi, la revendica on poli que pourrait passer pour hors‐sujet dans pareil contexte.

58

Il s’agit d’une année de forma on nécessaire, avec l’obliga on d’être assuré et de disposer d’un casier judiciaire vierge, pour porter une candidature auprès de l’ordre des Architectes qui déterminera si le diplômé peut ‐ ou non ‐ p orter c e tre d ’architecte.

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« Tu peux pas, en tant qu’architecte – surtout en tant qu’architecte – avoir une pra que qui soit dissociée de ton projet de société, de l’individu et du rapport que t ’as en tant qu’individu à la société.

On fait un truc qui est trop lié aux Hommes pour ne pas être forcément relié, en tant que pra que et en tant que personne. Tu peux pas rentrer chez toi et faire tes pâtes carbo d’une façon différente que t’as de concevoir l’architecture. C’est ma convic on la plus in me, et j’ai mis sept ans à le comprendre »59

Mais ce serait oublier que l’architecture est une discipline qui a directement à voir avec la vie de la cité. Dans ce e concep on, l’architecture se comprend nécessairement comme viscéralement poli que. Elle en est indissociable.

L’architecture entend ainsi porter un discours sur la société, elle est embléma que d’une vision, d’une alterna ve de société souvent qu’elle essaie de contribuer à faire émerger, ou du moins à rendre désirable pour les gens. On rejoint ici une dimension presque utopiste de l’architecture qui se construit dans l’op que d’une société qui n’existe pas encore, mais qui pourrait bien advenir grâce à elle. Ce n’est pas innocent si le terme d’utopie concrète60 est un thème récurrent des exposi ons architecturales depuis le début du siècle.

59

E ntre en a vec F aramir, d iplômé ( VTP) e n 2 010 Titre de l’appel à projet de l’ins tut français d’architecture en 2004 (Françoise‐Hélène Jourda) pour la biennale de Venise / L’utopie selon l’architecte Roland Castro , Le Monde hors série n°9/2013 p72 // Mais aussi un des thèmes de la biennale d’architecture de Lyon en 2017: La ville écologique comme utopie concrète : Expérimenta on étudiante et habitante d’un P rocès‐Process ( mandataire: Master Ville et Environnements Urbains , coordonné par M. Guillaume F aburel, P r U niversité L yon 2 , U MR T riangle) 60

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« Y'a forcément une ques on poli que à un moment ou un autre. Poli que peut être dans le sens premier du terme, quand on dit qu'on va proposer une alterna ve, y'a un côté un peu revendica f par rapport à ce qui est, on n'est pas tout à fait sa sfait par rapport à ce qu’il se passe, on pense qu’il y a un autre moyen de faire les choses et cet autre moyen va nous amener à quelque chose de bien en fait.

Alors ça veut pas dire que ce qui est fait est mal, mais en tout cas on croit à autre chose, là‐dessus, effec vement y'a quelque chose de poli que » 61

61

Entre en avec Eowyn, diplômée ( Architecture Ambiance et Cultures Construc ves ) e n 2 015

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Perspec ve d u p rojet P otager H abité Louise C a n, A lexia M archal, L aë a M ollin ( AACC 2 014)

Perspec ve d u p rojet J ardins e t P romenades p our h abiter Perrine D esvignes e t G wladys P oullain ( AACC 2 013)

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L’écologie comme critère?

Ce critère intègre les différentes dimensions écologiques comme le développement durable, la concep on bioclima que... On se demandera également si ce e écologie n’est prise que par un biais technique ou si elle recouvre la philosophie du projet et les processus mis en place.

degré 0 : L’écologie n’est pas une probléma que qui apparaît dans les documents fournis;

degré 1 : L’écologie est simplement men onnée dans le texte comme une dimension qui sous‐tend en par e le projet: la lu e contre l’étalement urbain par exemple;

degré 2 : L’écologie est un aspect important du projet qui vient appuyer certains choix d’implanta on ou de techniques employées;

degré 3 : L’écologie est un aspect central du projet qui détermine grandement la concep on dans son ensemble

L’écologie comme marqueur de l’alterna ve est une no on ambiguë. L’essen el des PFE validant un degré élevé dans ce critère sont le fruit du travail d’étudiants inscrits dans les DEM AACC (anciennement ADD, architecture et

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développement durable). Portant une concep on bioclima que de l’architecture, ancrée dans un travail interdisciplinaire (thermique, acous que, ven la on, etc…), ce DEM condi onne assez largement la promo on d’une architecture se revendiquant comme relevant d’une concep on écologique d’ensemble, que cela soit amené par une sensibilité propre aux étudiants ou par les enseignants porteurs du domaine d’étude.

« J'avais choisi ce master, parce que je revenais de Stu gart où j'avais fait un erasmus vachement orienté écologie, paysage et urbanisme. C'était pas un choix par défaut, mais je considère que l'écologie ça devrait être l'affaire de tous les masters, c'est pas le cas, du coup j'ai choisi celui‐là »62

Se pose plus largement la ques on de l’écologie comme alterna ve. Dans la mesure où le développement durable est un thème pleinement intégré au discours du système poli que63 et économique, on peut se demander si, depuis son émergence comme alterna ve dans les années 70, elle ne serait pas devenue “mainstream”, c’est‐à dire qu’elle serait devenue par e de la norme finalement.

« Non j'espère pas que l'architecture écologique soit une alterna ve, j'espère que ce sera la normalité »64

« Pour moi c'est vraiment une alterna ve dans la manière de penser l'architecture et de penser la ville, 62

E ntre en a vec A rwen, d iplômée ( AACC) e n 2 012 Le ministère français de l’Ecologie et du Développement Durable est créé

63

en 2 007 64 E ntre en a vec A rwen, d iplômée ( AACC) e n 2 012

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on rencontre des tas d'autres facteurs qui sont liés à la ques on du développement durable mais au sens hyper large [...] Aller faire entrer dans le projet avec les architectes, avec les urbanistes, ces ques ons là et d'aller avec eux pour voir comment ça infléchit leur pensée, la ville et les bâ ments »65

Cela est en par e vrai, l’écologie et le développement durable sont bels et bien devenus par e prenante d’un ensemble de normes construc ves et de labels (Haute Qualité Environnementale (HQE), Bâ ment Basse Consomma on (BBC), Passiv Haus, etc…) mais aussi de concours officiels comme le Global Award for Sustainable Architecture66.

Néanmoins, il n’est pas faux de dire qu’une bonne par e des PFE observés67 ne porte pas en elle la revendica on forte d’une concep on écologique en termes de contextualisa on, de matériaux, de techniques construc ves, de pensée poli que68, de dimension sociale. En conséquence, inten onnellement ou non, l’écologie peut revê r une dimension de greenwashing, de belle déclara on d’inten on qui, par ignorance ou intérêt communica onnel, peut n’être que de la poudre aux yeux.

De ce e manière, ce critère est ambigu et, avec les éléments dont nous disposons, il est délicat de trancher. Il nous a semblé tout même important de noter ce point de divergence, qui, même si nous n’avons pas les ou ls pour le déterminer, peut aussi bien être une source d’alterna ve qu’un marqueur d’une forme de norme.

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E ntre en a vec E owyn, d iplômée ( A ACC ) e n 2 015 Prix créé en 2006, en partenariat avec la Cité de l’Architecture et du

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Patrimoine, établissement public sous tutelle du ministère de la Culture, placé s ous l e p atronage d e l ’UNESCO e n 2 010 67 E t p ar e xtension, l a m ajeure p ar e d es b â ments c onstruits a ujourd’hui 68 L ire F élix G ua ari, L es T rois É cologies , G alilée, 1 979

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Alterna ve processuelle

Ce critère s’intéresse à la façon dont les projets se posi onnent vis à vis des processus de concep on architecturale. On ne cherchera pas à définir stricto‐sensu le processus de concep on engagés dans les PFE considérés, les éléments donnés étant trop parcellaires, on s’intéressera essen ellement aux inten ons données dans le résumé.

degré 0 : En terme de processus, on considérera comme relevant de ce degré les projets qui n’a achent pas d’importance à la remise en ques on des processus de concep on;

degré 1 : Une réflexion sur la démarche et/ou le processus de concep on est entreprise;

degré 2 : L’a en on portée aux processus conduit à une concep on qui veut rendre compte d’une démarche par itéra on, par l’u lisa on de plusieurs sites, par une proposi on qui se veut réversible;

degré 3 : Le processus intègre des éléments de par cipa on citoyenne (simulée ou réelle) ou d’évolu vité en fonc on du temps.

103

La réflexion sur le processus de concep on se pose à des niveaux variés, on trouve plusieurs grandes familles. Tout d’abord il faut citer le cas par culier de la réhabilita on qui se place en rupture avec la survalorisa on du neuf qui est devenu la culture dominante des architectes français d’après‐guerre.

Tabula Rasa, énormes opéra ons foncières, programmes de très grande importance… Il s’agit là d’une forme d’alterna ve qui va probablement tendre à devenir de plus en plus courante, elle reste néanmoins assez marginale pour être notée. D’autres démarches entendent repenser la ville et/ou l’architecture dans son mode de produc on.

« C'est pour ça qu'on [avait appelé notre projet] " Expérimenta on " dans l'idée que ça devait être un processus. C’est‐à‐dire qu’il y a une première étape et après plutôt que d'enchaîner, plutôt que de construire les autres bâ ments, on prend une pause: On voit ce qui marche pas, qu'est‐ce qu'on peut modifier ? Est‐ce que les bâ ments se sont bien vendus ou pas ? Est‐ce qu'on peut valider un certain nombre d'innova ons techniques qui ont été mises en place ? Est‐ce que les espaces publics ils ont été appropriés par les gens ?

Avant d'entrer dans la deuxième phase, on fait ce e espèce d'évalua on, de retour sur ce qu'on vient de faire pour nourrir la deuxième phase, on repart pas d'une page blanche, mais par contre, essayer [...] de montrer aux gens que ce qu'ils viennent dire ça va nourrir le projet. »69

69

E ntre en a vec E owyn, d iplômée ( A ACC ) e n 2 015

104

Le tournant du par cipa f est ici un point intéressant.

On peut penser que finalement la ville du futur ne sera peut être pas tant morphologiquement différente qu’en termes de processus de fabrica on. Des conseils de quar er aux ateliers par cipa fs, la ques on de l’intégra on de la maîtrise d’usage 70 dans les processus d’aménagement du territoire a fait son appari on. Les proposi ons des architectes ne peuvent ainsi pas avoir pour seule ambi on d’être techniquement per nentes, elle doivent être acceptables, désirables et souhaitables pour les habitants du quar er et les futurs usagers.

« Pourquoi elles avaient pas réussis à se faire accepter alors qu'elles étaient hyper‐per nentes ?

D'une part parce que c'est simple: si t'es hyper‐per nent d'une manière architecturale, ça veut dire que c'est en ma ère de processus [que ça ne marche pas].

Les gens, on leur a pas donné la chance de comprendre la per nence de ces choses‐là. On leur a dit “c'est ça qu'il faut faire”, et quand tu dis ça aux gens la plupart du temps, ils ont juste l'impression que tu leur imposes un truc. Il faut les aider à enrichir ces proposi ons‐là, à aller construire avec les habitants, et avec les acteurs locaux » 71

Avec un rapport différent à la temporalité, le par cipa f est à même d’introduire des no ons nouvelles au sein du processus de concep on. Ici le travail de l’architecte Patrick Bouchain est souvent cité en exemple par les diplômés.

70

La maîtrise d’usage reconnaît à l’usager une exper se quant à l’usage des espaces, des bâ ments et de la ville. Par‐là même elle pose la légi mité de l’habitant, d u c itoyen à s ’exprimer.

71 E ntre en a vec E owyn, d iplômée ( A ACC ) e n 2 015

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En effet, il travaille dans une démarche centrée sur la par cipa on72 mais aussi la rénova on urbaine de logements en site occupé (à Boulogne par exemple). La pra que de ces processus alterna fs conduit nécessairement à une profession qui n’est plus tout à fait fidèle à la figure conven onnelle de l’architecte.

« Quand Bouchain rénove les logements sociaux en banlieue parisienne à Boulogne ou autre, il prend du temps à discuter. Il met trois ans pour lancer le projet.

Il met un architecte sur place, il lui fait réhabiliter un logement. Il fait un jardin. Les enfants viennent jouer dans le jardin, les enfants rentrent le soir chez eux, ils disent au voisin dont on veut virer le logement pour le faire aller en barre: “ah c’est trop bien y’a un jardin, y’a des poireaux, y’a des aubergines…”. Les voisins commencent à venir. Tu peux leur expliquer autour d’un café que tu veux retaper leur logement, un par un, sur mesure.

Et là tu commences à pouvoir enfin faire de l’architecture avec les gens un par un, mais c’est de la pe te couture, au cas par cas. » 73

72 73

P atrick B ouchain C onstruire A utrement , A ctes S ud, 2 006 E ntre en a vec F aramir, d iplômé ( VTP) e n 2 010

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Plus largement l’alterna ve en terme de processus n’est pas nécessairement simple à porter dans la mesure où elle demande un travail d’auto‐cri que, de retour sur sa propre produc on. Ce temps de réflexion est autant de temps qui n’est pas consacré à la produc on (qui est ce qui sera jugé pour le PFE à priori) et, on l’a men onné plus avant, n’est pas évident à valoriser d’un point de vue graphique. Dans la mesure où l’alterna ve ne se caractériserait pas vraiment par une morphologie, une représenta on alterna ve, l’enjeu de donner à comprendre, de donner à lire ce e réflexion processuelle pose de réels problèmes de communica on.

107

La programma on comme cadre d’alterna vité

Ce critère se focalise sur les programmes des bâ ments proposés dans les différents PFE. On retrouve ici essen ellement du logement, sous différentes formes et approché de différentes manières.

degré 0 : Aucune a en on par culière à la ques on de la programma on ne semble portée;

degré 1 : Ici seront regroupés les PFE qui entendent traiter d’une façon innovante ou alterna ve un programme commun;

degré 2 : Les PFE témoignent d’un traitement inédit de la ques on de la programma on avec des probléma ques de mixité fonc onnelle par exemple ou bien une volonté de modularité;

degré 3 : Le programme est inédit et/ou évolu f et peut trouver sa source dans une forme d’utopie qui se proje e sur la ques on de l’usage dans une société futuriste ou non.

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Ce critère est marqué par un fort taux d’alterna ve. De façon presque systéma que, le PFE semble pouvoir se lire comme un travail de réinterpréta on, de ques onnement d’un programme. Dans certains cas, le travail effectué devance la ques on de l’adapta on d’un bâ ment à ce qui est saisi d’un ensemble d’usages et intègre là une dimension utopique voire évolu ve.

« Et pour moi, tu peux pas con nuer à faire des programmes figés, un seul programme, un seul projet, une seule idée, pour moi il faut davantage se diriger vers une architecture qui bouge qui évolue, qui a un programme qui va changer parce que la société évolue, les bâ ments aussi » « L’architecture c’est une expression de la culture, c’est Malraux qui l’a dit tout ça, pour faire de l’architecture faut savoir ce que c’est que la culture.

Pour savoir ce que c’est que la culture, faut en prendre la mesure. Pour en prendre la mesure, faut aller voir les gens, faut aller voir ce qui s’y passe, sinon ça marche pas, sinon tu prends un programme, tu vas pas sur le site et en fait »74

Finalement ici on retrouve une dimension poli que qui ne dit pas son nom. En sélec onnant les usages spécifiques auxquels le diplômé souhaite répondre, il désigne également ceux qu’il souhaite encourager ou infléchir. L’architecte aurait ici un rôle à jouer dans la remise en ques on du programme à par r d’un état donné de la société. L’alterna ve se situe alors dans l’interpréta on des données sociales, d’usages auxquels l’architecture s’adapte.

74

E ntre en a vec F aramir, d iplômé ( VTP) e n 2 010

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« C'est vraiment la modifica on d'une société dans sa manière de vivre, tout ça pour moi l'alterna ve, comment une société, une communauté, peut fonc onner différemment, un peu en marge de...

Elle s'adapte, l'architecture s'adapte aux modifica ons de la société, par exemple la manière d'habiter ensemble dans un habitat partagé, de faire du coworking à la cambrousse, de faire des fab‐lab, ou faire... voilà c'est ça pour moi... dans la manière de travailler, on joue beaucoup, qu'on soit de moins en moins sédentaires, c'est là que se situe l'alterna ve, et l'architecture elle est là pour s'adapter »75

Si l’architecte n’a que rarement la main sur la ques on programma que, le moment de la mise en espace (même limitée par des surfaces et des budgets) est un moment de liberté qui permet une dose de désobéissance76, d’occasions de déroger pour ques onner ce qui est véritablement per nent.

En cela, on peut considérer que l’architecture propose une alterna ve dans ce balancement entre les aspira ons de l’architecte et les contraintes qu’il subver t, négocie ou réinterprète. On a ici une vision de l’architecture comme mouvement général de réinven on con nue du programme.

75

E ntre en a vec A rwen, d iplômée ( AACC) e n 2 012 R enzo P iano, L a d ésobéissance d e l ’architecte, A rléa 2 009

76

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Éléments complémentaires

Faire un PFE?

Ici plusieurs dimensions s’affrontent. Un diplômé témoignait qu’un de ses enseignants (DEM SPAA) avait commencé l’année sur ces mots: « C'est le diplôme qui va décider de vos X premières années en tant que pra cien, vous suivre toute votre vie comme un ou l et qui va vous représenter toute votre vie. » Et lui d’ajouter: « Et en fait je suis hyper cri que vis à vis de ça, [...] c'est un ou l qui est extrêmement borné et cadré par les règles que le DEM fixe. [...] en tout cas, ça n'engage pas une pra que, une vision personnelle sur le long terme, c'est une réponse donnée à un exercice donné à un moment donné »77

Il y a une contradic on manifeste entre faire du PFE l’emblème du jeune diplômé pour sa vie future d’architecte et de ne lui laisser le choix ni sur le site, ni sur le programme.

D’une certaine façon, on prive là l’étudiant d’une chance de s’exprimer véritablement, de parler de l’architecture à laquelle il désirerait se consacrer autrement que là encore dans des

77

E ntre en a vec E omer, d iplômé ( SPAA) e n 2 013

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logiques de subversion, de désobéissance qui sont finalement des mimé smes de la situa on de la vie professionnelle.

« Souvent, on t’enseigne l’architecture en tout cas à Lyon, d’une façon très conven onnelle, qui correspond énormément à la façon dont l’archi est pra quée dans la société, ça veut dire on t’impose un programme, on t’impose un site et vas‐y démerde‐toi, et y’a des contraintes, bah je les connais les contraintes, mais tu m’en as déjà imposé deux que je suis pas censé avoir. »78

78

E ntre en a vec F aramir, d iplômé ( VTP) e n 2 010

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Il est important ici de préciser une opposi on entre deux lectures de l’architecture. La première place au centre la ques on de la filia on, du mouvement, du maître à penser, de la référence. Dans ce e op que, les architectes sont tributaires d’un héritage unique qu’ils se réapproprient et qui les définit.

Ce faisant, ce e concep on de la profession très Beaux Arts , à la manière du compagnonnage médiéval, se centre notamment sur une logique d’imita on, le jeune imite le maître pour apprendre jusqu’à peut être finalement voler de ses propres ailes et devenir à son tour maître.

Yodablog, E pisode 1 0 : A M aultrap ( part I ) ( 2009)

Une lecture plus contemporaine sans doute, plus alterna ve dans une certaine mesure, reje e ce e no on d’héritage ver cal pour revendiquer une mul plicité de références qui ne s’a ardent plus sur la ques on d’un ordre, d’un style, mais d’une lecture des méthodes, des processus.

Ce e logique est à me re en parallèle d’une certaine forme de démocra sa on du savoir à l’heure d’Internet. La profusion d’images à n’en plus finir venant du monde en er a contribué à rendre la référence cosmé que. Il s’agirait alors de revenir à

113

l’essen el et se concentrer sur une lecture de la concep on. On gardera en tête un des points soulevés plus avant dans la par e s’intéressant aux processus alterna fs: Le processus n’est pas (plus?) nécessairement lisible par l’examen des documents de concep on, mais bien par la produc on écrite et conceptuelle des architectes.

« Je pense qu’on est un peu arrivé à l’épuisement de ce e consomma on de ces images de référence. [...] le but étant de ne plus par r d’images, mais plus de par r de quelque chose qu’on a extrait de ce e image, qu’on a digéré, qu’on a compris même si la personne à côté de soi, personne ne percevra pas la même chose dans ce e image de référence, de repar r de ces dynamiques‐là, de ne pas par r de formes ou de ma ères, mais par r de méthodes. »79

Le PFE a un sens différent selon le devenir post‐diplôme engagé. Pour certains, le double‐cursus architecte‐ingénieur se poursuit après la fin de l’école d’archi, pour d’autres le stage de l’année d’après est déjà prévu, il y en a pour envisager de poursuivre les études avec une HMO ou bien à l’école de Chaillot80. Il y a dans le PFE une dimension d’ouverture vers le début de carrière, vers la vie professionnelle qui dépend de beaucoup de facteurs (crises économiques, situa on familiale, rela ons et pistons…)

79

E ntre en a vec E omer, d iplômé ( SPAA) e n 2 013 L ’école d e C haillot f orme l es a rchitectes d u p atrimoine e n F rance

80

114

Au delà du PFE, le projet de vie

« T’arrives à la fin de tes années d’études, y’a plein de voies différentes, [...] et puis à un moment tu vas faire, il y a toi, jeune étudiant qui est sor et puis y’a la vie qui t ’a end.

C’est une seule et même chose. Mais y’a un ssage à un moment, tu vas passer d’un rythme de vie à un autre [...] puis commencer à réfléchir à : “Ok, je suis un individu, j’ai envie d’avoir un projet de vie qui ait du sens, j’ai eu la chance de faire des études, j’ai eu la chance d’avoir eu une éduca on, d’être en général cul vé ‐ parce que t’es archi, faut pas se leurrer ‐ et du coup être conscient du rôle que je vais jouer dans la société.

C’est‐à‐dire qu’est ce que je fais demain, pour ne pas me vendre et vendre mon cul, et faire des choses qui n’ont aucun sens par rapport à tout ce que j’ai envie de faire, tout ce que j’ai vu et tout ce que j’ai appris et comment je sse les liens et comment dans tout ça, j’ai pas une vie de merde non plus, et qu’est ce que je suis prêt à sacrifier de ma vie pour faire quelque chose qui ait du sens par rapport à ce que j’ai appris” et tout l’enjeu il est là »81

Plus largement se pose la ques on du projet de vie, de ce qui va être fait après. Tradi onnellement, il s’agirait alors d’aller faire ses classes , d’aller acquérir de la bouteille auprès 81

E ntre en a vec F aramir, d iplômé ( VTP) e n 2 010

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d’agences et d’architectes expérimentés pour pallier les différentes connaissances et compétences qui ne s’acquièrent pas à l’école. C’est‐à‐dire de pra quer, de “rentrer dans le concret”

« Honnêtement, quand t'as un nom, quand t'as une agence qui tourne, tu peux te perme re de choisir tes projets.

Au début on peut pas trop se perme re de choisir les projets. Au début tu te ramasses tout, et t'as envie de faire tout très très bien. Et si jamais on te propose de rénover une terrasse, tu vas me re tout ton coeur pour la rénover. » 82

Depuis quelques années des collec fs d’architectes semblent essayer de percer dans le milieu de l’architecture par des voies détournées83 (Pourquoi Pas?!, Yes we CAMP, Bellastock, le Bruit du Frigo, etc…). Souvent engagés dans des logiques de média on, de vulgarisa on de l’architecture, ces collec fs proposent une alterna ve sociale . Certains s’implantent dans un squat, d’autres dans un bâ ment voué à la démoli on. Parfois en collabora on avec des municipalités, parfois contre, ces collec fs ont toujours une visée sociale et se posent la ques on d’une architecture ‐ parfois éphémère ‐ qui n’est pas celle de la promo on immobilière.

82

E ntre en a vec H aldir, d iplômé ( SPAA) e n 2 014 C ollec f d ’Architectes D ossier d e M argaux D arrieus, A MC A vril 2 014

83

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« Tant qu’en face de ça ‐ on est quand même sous l’égide du ministère de la culture ‐ rien ne sera fait pour autoriser aux jeunes architectes de concourir, et d’avoir le droit de s’exprimer, de donner une réponse architecturale, non pas sur la base d’une présélec on de références et de chiffre d’affaire rien ne sera possible à mon sens... ou tout ne sera que possible à condi on de faire de la révolte citoyenne en architecture et d’aller construire sur des sites qui sont des délaissés urbains, des projets autofinancés et d’être dans de la révolte totale »84

84

E ntre en a vec F aramir, d iplômé ( VTP) e n 2 010

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L’alterna ve entre révolte et norme

« Moi je crois pas trop à la ques on de la table rase, dans ce qui se fait aujourd'hui, je suis pas tout à fait d'accord avec ça. Je pense qu'il faut arriver à dire: Qu'est‐ce qui fonc onne dans le système qui est en place ? Qu'est ce qui nous intéresse ? Qu'est‐ce qu'on veut en garder ? Qu'est ce qu'on veut surtout y amener ? Il y a des choses qui fonc onnent dans le jeu d'acteur aujourd'hui. Comment on amène de la maîtrise d'usage ? Comment elle vient renforcer ? A quel endroit ? De quelle manière ? Qu'est‐ce qu'elle apporte ?

C'est plus ça pour moi bâ r l'alterna ve.

C'est pas développer dans son coin, en parallèle. Il en faut des circuits parallèles. Des gens qui réfléchissent aussi de façon plus libre. Mais je crois qu'il faut aussi se raccrocher au circuit principal pour le faire évoluer.» 85

Un des enjeux importants dans la défini on de l’alterna ve c’est son rapport à la norme. L’alterna ve, ce n’est pas la révolu on, mais davantage un balancement entre la rupture avec la norme par sécession ou bien l’intégra on au sein de la norme. L’alterna ve vise l’évolu on du système en place et non pas sa destruc on. Elle vise l’améliora on du système plutôt que sa conserva on.

85

E ntre en a vec E owyn, d iplômée ( A ACC ) e n 2 015

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De ce fait, les alterna ves se nourrissent et s’alimentent entre elles. En partant du réel et des projets faits sur le réel, elles viennent ques onner, reme re en perspec ve, réfléchir différemment sur les mêmes probléma ques. Elles sont comme des embranchements qui viennent se greffer, se superposer sur un contexte actuel pour l’infléchir dans telle ou telle direc on. Le projet sert ici d’ou l cri que du réel. Mais implicitement ici, on parle finalement d’alterna ve en terme de programme ou de processus, on parle d’alterna ve dans l’aménagement d’un territoire.

« C'était une sorte d'alterna ve par rapport à ce qui avait été fait, [...] ce qui était en train d'être fait qui nous semblait bien mais qui posait plein de ques ons.

Il y avait des bonnes choses et en même temps des choses sur lesquelles on comprenait pas tout à fait la démarche et puis nous ce qu'on voulait faire, et on voulait que ce soit ça un peu l'alterna ve» 86

86

I bid

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Épilogue

Si, comme nous le disions au début, tout le travail autour de l’évalua on de l’alterna ve mériterait qu’on augmente la taille du corpus, qu’on triture à nouveau les problèmes dans tous les sens, la proposi on de cet épisode s’arrête ici.

Ce e par e n’a pas permis de couvrir comme nous l’aurions souhaité la ques on des devenirs, des débuts de carrière entrepris par les diplômés.

Cela cons tuerait un travail à part en ère, qui à l’avenir pourra être facilité par la créa on ce e année de la société des Diplômés de l’ENSAL visant à créer un réseau d’anciens élèves.

Nul doute que leurs bases de données, lorsque l’associa on tournera bien, se révéleront précieuses!

TO BE CONTINUED

120

121

S06E03 Enseignant∙e∙s

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Corpus et Méthodologie

L'objec f de ce e par e de l'étude est d'aborder la ques on de la dimension alterna ve que peuvent porter les PFE du point de vue des enseignants. En tant que fonc onnaires du ministère de la culture, ils sont les premiers acteurs des ins tu ons que sont l'école et le PFE. Alors que les étudiants sont de passage, il s'agit d'un lieu de travail dans lequel ils évoluent, s'inves ssent. L'idée est donc de nourrir nos ques onnements du recul et de la richesse de leur analyse. En tant qu'enseignants en école d'architecture, il est de leur devoir de porter un regard cri que sur la scène architecturale ainsi que sur la forma on. En accord avec le principe de liberté pédagogique des ENSA, ce sont également eux qui sont en charge de l'écriture des programmes pédagogiques et donc de la défini on de l'offre de forma on, y compris en ma ère de projet de fin d'étude (dans le respect des arrêtés ministériels en vigueur bien sûr).

Ce e par e de l'étude se base avant tout sur une demi‐douzaine d'entre ens semi‐direc f avec des enseignants ainsi que sur éléments de programmes fixés dans l'actuel livret du master pour l'année 2016/2017.

Mais en bon appren ethnologue, elle se nourrit également de cinq années d'études ainsi que de nombreuses heures de réunions passées au contact de ces enseignants.

Mon inves ssement en tant qu'élu étudiant dans les différentes instances de l'école m'aura permis de grandement

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me familiariser avec ce e popula on, notamment les enseignants ayant des responsabilités au sein de l'école. Au point que pour la plupart, j'ai passé plus de temps à travailler avec eux qu'à étudier au sein de leurs cours et ateliers. Comme l'explique Howard Becker, sociologue nonagénaire de l'école de Chicago, « la ques on de l'impar alité implique un faux dilemme car, que nous le reconnaissions ou non, nous prenons toujours par : il s'agit donc simplement de savoir lequel, d'expliquer pourquoi on le fait et d'en rer les conséquences. » 87 Mon analyse ne sera donc bien évidemment pas parfaitement objec ve, l'essen el étant d'être conscient de ces biais d'interpréta on. Le par pris de ce e étude est finalement celui de res tuer leur vision et quand c'est possible leur vécu d'enseignant, au regard des ques ons que l'on pose, afin à terme de les me re en rela on avec le vécu des étudiants et des diplômes.

87

Didier FASSIN, La force de l'ordre : une anthropologie de la police des quar ers , E di ons d u S euil, 2 011, p 56.

125

Entre ens

En raison de la durée limitée de l'étude, on choisira de se concentrer sur les enseignants responsables des semestres de master 2 au sein de chaque DEM. Prioriser leur regard sur ce e étape de la forma on semble per nent car, non seulement chacun d'entre eux encadre des PFE, souvent depuis de nombreuses années, mais ce sont surtout eux qui sont responsables des forma ons proposées par l'école aux étudiants de master. Ce sont eux qui construisent ces ateliers, leur donnent forme, théma ques, ou ls et direc on.

J'ai donc passé des entre ens de 30 à 60 minutes avec Olivier Balaÿ, Christophe Boyadjian, Gilles Desèvedavy, Hervé Lequay, Boris Roueff et François Tran. Tous enseignent en école d'architecture depuis plusieurs années (entre 12 ans et 33 ans).

Ils sont également pra ciens et/ou chercheurs, voire même membres d’instances délibéra ves de l'école. Notons au passage que, bien que chacune de leur équipe pédagogique soit mixte, il s'agit en l'occurrence exclusivement d'hommes.

L'analyse de ces entre ens, enregistrés puis retranscrits, a permis de dégager les principaux axes de l'étude.

126

L’objec f plus spécifique des entre ens était de faire émerger ce que les enseignants voient de l’alterna ve en architecture et dans la forma on, aux vues de leurs propres expériences, pour se rapprocher progressivement de la ques on spécifique du PFE. Ci‐dessous le ques onnaire qui a servi de guide pour les entre ens :

Depuis quand enseignez‐vous le projet ? Le PFE ?

Que vous évoque la no on d’alterna ve ?

Et l’alterna ve en architecture ?

Quelles références cela vous évoque ?

(Depuis quand en‐entendez vous parler ?)

Et l’alterna ve au sein de leurs enseignement ?

Et dans les PFE qu’ils encadrent ?

L’alterna ve passe‐t‐elle par des ou ls ? Des processus ?

Des postures ? Une produc on ?

Que dire alors de ces PFE alterna fs ?

Et des étudiants qui les produisent ?

Auraient‐ils un profil ou un parcours par culier ?

Que deviennent‐ils une fois diplômés ?

Comment juger l’alterna ve, l’évaluer ?

Certains étudiants sont‐ils trop/pas assez alterna f dans leur PFE ?

127

Fiches pédagogiques

En complément des entre ens, l'étude se base sur l'analyse des supports pédagogiques produits par les enseignants. Chaque domaine d’étude de master et chaque atelier de projet que doivent choisir les étudiants de master sont définis par des fiches. Elles rassemblent différentes informa ons telles que les objec fs, les contenus, les partenariats, les méthodes d’évalua on ou encore les équipes enseignantes.

Ces précieux éléments nous perme ront de définir clairement l’offre de forma on déployée, l’approche théma que portée par chaque DEM, les références affichées, les mots‐clés, etc.

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Analyse préliminaire

Comment définir l'alterna ve en architecture et dans la forma on ? Comme nous avons pu nous en rendre compte en démarrant ce e étude, il s'agit d'un exercice délicat principalement du fait qu'aucune défini on claire de l'alterna ve n'apparaît avec évidence. La façon dont nous posons ce e ques on appelle finalement une réponse complexe et a priori mul ple.

Les enseignants interviewés ont donc eu plus ou moins de mal à s'emparer de la ques on, manquant d'une défini on ini ale. Mais rapidement, leurs connaissances et expériences ont permis de préciser ce que ce concept illustre en ma ère d'architecture, au regard de leurs propres analyses, des enjeux de la de la discipline, de la profession, de la forma on et de la société en général.

Leur regard n'est bien évidemment pas homogène, les dissensus résidant autant dans les ques ons de forma on que sur leur vision de la profession.

« C'est ma posture de pédagogue. On peut en avoir d'autres. Et je pense qu'une école c'est fait de différentes postures. »88

Il s'agit par la suite de me re plutôt l'accent sur la diversité des approches qu'ils envisagent de l'alterna ve en architecture, plutôt que leurs contradic ons.

Essayons donc de res tuer les différentes face es de leurs défini ons de l'alterna ve.

88

E ntre en a vec Q ui‐Gon J inn, a rchitecte p ra cien.

129

130

Forma on et posture cri que

Se former au processus de projet

L’une des premières réac ons qu’a suscité notre recherche sur l’alterna ve était de nous faire remarquer que tous les architectes pra quent en quelque sorte l’alterna ve.

Elle serait alors inhérente au processus de projet.

« Le projet architectural c'est l'intellectualisa on, une manière rendre explicit ce processus créa f dans une situa on complexe. [...] La ques on spa ale est quand même le cœur de notre mé er, mais on peut du coup l'appliquer dans différents domaines. »89

En ce sens, l’idée du pas de côté, du changement de point de vue est une condi on du processus créa f.

L’alterna ve au sens d’émergence d’une possibilité ou d’un “devenir autre” semble être un trait spécifique à ce types de forma ons. « Le projet d'architecture, comme il est situé, contextualisé, on peut dire que c'est une innova on historique puisqu'elle est forcément unique. »90 Nous reviendrons par la suite sur les différentes accepta ons que peut prendre le concept d’innova on, mais notons dès à présent que de façon 89

E ntre en a vec P lo K oon, a rchitecte p ra cien.

E ntre en a vec M ace W indu, e nseignant‐chercheur.

90

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générale chaque projet porte une alterna ve en celà qu’il représente une poten elle évolu on d’un lieu. Si on l’observe ici dans le domaine spa al, la démarche de projet si par culière aux écoles d’architectures, « revendiquant le processus créa f en situa on complexe, il se trouve que ce e démarche là, [...] l'applica on est extrêmement large. »91 Reprenons. L’alterna ve est ici entendue dans le sens d’une solu on possible différente d’un état existant. On retrouve une dynamique d’évolu on proac ve de notre environnement, applicable autant dans l’espace que dans les structures sociales ou encore la pensée.92 Et ce e compétence que dé ennent les architectes peut s’avérer assez précieuse.

« J'ai travaillé dans mon parcours dans d'autres domaines que l'architecture, où je ne me suis jamais sen plus architecte. C'est pas parce que je faisais des plans, c'est parce que j'avais une façon de voir et d'être dans le projet extrêmement singulière, je m'en suis rendu compte là parce que j'étais pas dans le même cadre. [...] Donc je montais des projets qui ont un peu fait figure, je m'en suis rendu compte après. Qui sont devenus un peu embléma ques, ou modèles de façons de faire, mais parce que j'étais architecte. »93

Ce e alterna ve s’opère par le biais d’une méthode, d’un processus de projet. Or l’un des principaux objec fs de la forma on dispensée à l’ENSAL est précisément l’acquisi on de ce processus de projet. C’est là le rôle des enseignement de

91

E ntre en a vec P lo K oon, a rchitecte p ra cien.

Même s’il est plus facile de qualifier un état ini al existant dans le domaine

92

physique q ue d ans l e d omaine d e l a p ensée.

93 E ntre en a vec Q ui‐Gon J inn, a rchitecte p ra cien.

132

projet en atelier, dont le PFE représente la dernière étape.94 Se pose alors la difficile ques on de l’enseignement du projet.

Dans un contexte pas si lointain, voici ce que dit Pierre Bourdieu à propos du langage :

« L'oral peut‐il s'enseigner ? […] C'est une ques on tout à fait centrale. Peut‐on enseigner quelque chose ? Peut‐on enseigner quelque chose qui ne s'apprend pas ? Peut‐on enseigner ce avec quoi l'on enseigne, c'est‐à‐dire le langage ? »95

Si l’on se risque à extrapoler ces ques onnements, on remarque tout de même un certains nombre de parallèles avec la ques on du processus de projet. Certains enseignants éme ent d’ailleurs quelques réserves quant au verbe enseigner . « Ça veut dire quoi enseigner le projet ? [...]

J'accompagne l'appren ssage du projet. »96 Ou encore « Je suis enseignant, j'ar cule. Je crée des situa ons pour, j'accélère une forme d'expérience, et je la renseigne. »97 Les ateliers de projet sont un lieu de forma on où l’étudiant est confronté à des enjeux fic fs d’une complexité croissante, pour lui perme re d’acquérir progressivement ce e compétence de projet, ce e façon de penser, par des expériences successives.

94

A vant d ’a aquer l es p rojets r éels, s achant q u’on s e f orme t oute n otre v ie.

P ierre B OURDIEU, 1 984, Ques ons d e s ociologie , E di ons d e m inuit, p 96.

96 E ntre en a vec M ace W indu, e nseignant‐chercheur.

97 E ntre en a vec Q ui‐Gon J inn, a rchitecte p ra cien.

95

133

« C'est le fait même de la posi on cri que qu'on demande aux étudiants et ce qui va spécifier les écoles d'architecture : une appréhension d'un processus créa f en situa on. Pour moi c'est ça. J'ai assisté à des travaux dans des écoles d'art, c'est très différent. Parce que c'est bien plus rarement situé.

Donc on développe des processus créa f mais plus rarement situé. J'entend par situé la nécessité de prise en compte de complexité. Donc forcément ce qui spécifie les architectes c'est leur apport cri que par rapport à ce e situa on. C'est ce qu'on enseigne globalement dans les écoles d'architecture, parce que ce ne sont pas des écoles que techniques. »98

Il s’agit de prendre pe t à pe t posi on vis à vis d’un existant, de condi ons extérieures, d’une forme d’altérité aussi dans le but de produire une proposi on d’améliora on. Ces exercices sont avant tout un lieu de remise en ques on et de recherche d’alterna ve. « C ’est aux étudiants de discuter la norme, le projet doit discuter la norme, ne pas y être soumis. Il y a toujours des marges d’interpréta on. Le projet doit montrer comment faire avancer ces ques ons. »99 C’est donc une ques on de contextualisa on et de processus réflexif orchestrés par les enseignants.

Ici l’alterna ve est entendue dans un sens très large.

Cependant ce e défini on ne suffit pas à refléter la diversité des posi onnements possibles.

98

E ntre en a vec P lo K oon, a rchitecte p ra cien.

E ntre en a vec K i‐Adi‐Mundi, a rchitecte e t c hercheur.

99

134

Posi onnement par rapport à un état donné

On l’a vu, l’alterna ve se cons tue par rapport à une norme. Dans le champ de la sémio que, une structure est une en tée décomposable en au moins deux termes, eux mêmes liés par au moins une rela on. La défini on précise des types de rela ons qui peuvent unir deux éléments est alors paramétrée par de nombreux critères plus ou moins complexes qu’il n’est pas nécessaire de déployer ici.100 En ce sens l’alterna ve peut se définir comme un élément parmis d’autres au sein d’une structure en rela on d’opposi on, voire de proposi on avec d’autres morceaux de ce e structure. À mesure que l’étudiant progresse dans la forma on et que les fondamentaux sont peu à peu acquis, la construc on d'une posture cri que individuelle devient prédominante. La ques on est de savoir vis‐à‐vis de quoi ce e posture cri que se développe. C’est à ce niveau que commencent à se dis nguer les approches de chaque DEM. La différence semble s'opérer sur l’objet de remise en ques on, et donc les divers ou ls et postures que cela convoque.

« Par exemple dans AMTH, on enseigne une alterna ve à l'aménagement du territoire. [...] Un travail beaucoup plus transversal, mul scalaire qui a tendance à posi onner l'architecte sur une mul plicité d'échelles, lui donner forcément la nécessité de le posi onner de façon cri que sur

100

R ela ons t emporelles, s pa ales, r éflexives/transi ves, monadiques/polyadiques, e tc.

135

une situa on plutôt que de répondre à un programme. »101

Naturellement, dans le DEM AHD il s’agit davantage d’une remise en ques on autour des différentes valeurs que revêt nos héritages dans la société contemporaine « Ce e idée que le débat est permanent autour de ce e no on de patrimoine et qu'elle est en évolu on constante, ou en tout cas qu'elle est informée autrement. » 102

L’objet de remise en ques on du DEM ALT est beaucoup plus introspec f, car il s’agit de ses propres pra ques et habitudes. La construc on d’une pensée cri que s’applique d’abord à soi‐même afin de développer une certaine conscience de soi et de son rapport aux autres et au monde. « La vrai compétence c'est quand on est capable de reme re en cause ce qu'on fait. De se regarder faire, d'évaluer et d'améliorer ce qu'on fait. Donc faire du projet, vous savez faire.

Se regarder faire du projet c'est l'a ente que j'ai par rapport à ce e forma on. »103 Le projet est non plus abordé non comme une fin en soi mais comme une façon de faire. Il s’agit moins de reme re en ques on les produits que les condi ons mêmes de leur produc on.

« Quand l'étudiant me présente en me disant voilà le site, le contexte, les acteurs, je fais le programme et je fais une solu on architecturale en allant u liser des supports de média on classique avec des plans des coupes et des détails 101

E ntre en a vec P lo K oon, a rchitecte p ra cien. ( DEM A MTH) E ntre en a vec K i‐Adi‐Mundi, a rchitecte e t c hercheur. (DEM AHD) 103 E ntre en a vec M ace W indu, e nseignant‐chercheur. ( DEM A LT) 102

136

d'exécu on, j'ai dit je suis pas dans du ALT. Parce que ce qui est important c'est pas ça, c'est pas le projet comme une réponse à une situa on, c'est la posture intellectuelle que je met en œuvre de façon à trouver une réponse innovante. Et est ce que ce e posture, ce e stratégie elle est nourrie d'une véritable recherche scien fique de cas similaires, d'une vraie revue, un état de l'art et de dire que la posture que je déploie elle est éventuellement généralisable. »104

Si ces éléments sont aussi présents dans les autres DEM, c’est de façon secondaire. En ALT il est déterminant d'être conscient de la démarche mise en place, d'appliquer ce regard cri que à son propre travail, des ou ls déployés, des résultats a endus, et ce en con nu. « Il faut se ques onner sur la per nence des ou ls mis en œuvres, des réponses qu'on apporte, et de la nécessité même de faire des édifices. »105 On remarque là un certain parallèle avec une démarche scien fique qui elle aussi exige du chercheur qu’il se situe et évalue con nuellement ses façons de faire.

La ques on qui suit est plus largement de savoir s’il existe une norme en architecture et comment la définir? A nouveau, ce sont principalement les enseignants du DEM ALT qui se risquent à la qualifier.

104 105

E ntre en a vec M ace W indu, e nseignant‐chercheur. ( DEM A LT) E ntre en a vec M ace W indu, e nseignant‐chercheur.

137

« Si on se fait alterna f, on est alterna f à quelque chose de dominant, puisque alterna f c'est forcément un peu minoritaire, marginal. Donc il faut iden fier ce qui est majoritaire et donc orthodoxe. [...] Bah tu as quand même des gens qui ennent le manche et qui décident de dire la vérité avec bon sens. [...] Donc cerner le bon sens, « l'esprit dominant », « ce qui va sans dire » etc, est très très important. Et de fait, sans avoir besoin de le définir, le bon sens et le ça va sans dire dans l'enseignement de l'architecture est très dur à définir mais très facile à cerner. Finalement on le ressent tous, on le croise tous et on sait ce que c'est. [...] Je me demande si dans 100 ans on trouvera pas absolument inhumain une société où on fait la promo on des traders de Londres et où chaque individu en ville rentre chez lui en voyant des gens dormir sur le tro oir, alors qu'on est dans une société de gaspillage, d'opulence, me ant en avant le succès économique et tout ça. [...] Et finalement, tendre la main à son prochain qui est sur le tro oir et qui est éventuellement un peu coloré, ou différent, le bon sens veut qu'on change de tro oir, qu'on évite. [...] Et nos enfants sont scandalisés par ça. Donc le bon sens, le ça va sans dire, on fait tous la même chose, est quelque chose d'éminemment contestable. Donc alterna f, je crois, c'est contester ce bon sens, et le ça va sans dire. »106

106

E ntre en a vec K it F isto, a rchitecte p ra cien e t c hercheur. ( DEM A LT)

138

La norme se définit par rapport aux pra ques considérées comme classiques, convenues, automa ques, orthodoxes, relevant d’un bons sens implicite. On retrouve dans ce e défini on les schémas courants d’interven on de la maîtrise d’oeuvre. « Comment j'interviens dans un site, dans un contexte donné pour faire une réponse op male à des ques ons que se pose le maître d’ouvrage. Et faire ça autrement c'est de sor r de ce e méthode qui consiste à dire que je prends connaissance d'un site et d'un besoin auquel je répond par un programme que je mets en forme et que je construis. »107 Et finalement quoi de mieux pour définir les façons de faire classiques que les lois, les normes et autres règlementa ons qui inscrivent noir sur blanc les façons que nous avons aujourd’hui de vivre et travailler ensemble.

107

E ntre en a vec M ace W indu, e nseignant‐chercheur. ( DEM A LT)

139

Dimension sociétale et éthique

Il y a une dimension éthique et collec ve de l’alterna ve, dès lors que le posi onnement cri que individuel déployé par l’étudiant s’a ache à ques onner des enjeux poli ques (au sens large) et cherche à se situer dans la société.

« Un projet on ne le fait pas pour soi, mais pour d’autres (qui peuvent être un autre imaginé). Mais l’alter c’est ça, prendre en considéra on l’altérité.

Ce e différence, cet autre. »108

On pensera évidemment aux mouvement altermondialistes, qui s’opposent à un “mondialisme néolibéral” hégémonique, avec leurs slogans « d’autres mondes sont possibles ! ». Aujourd’hui, dans un contexte de crises structurelles, de plus en plus de personnes se posi onnent en marge, voire en rupture face aux ins tu ons « conven onnelles ». Ils revendiquent par exemple une certaine autonomie vis‐à‐vis d’une puissance publique jugée incapable de sa sfaire leurs besoins.109 L’architecte en tant que concepteur et donc acteur de la société se doit de prendre posi on vis‐à‐vis de ces enjeux.

108 109

E ntre en a vec K i‐Adi‐Mundi, a rchitecte e t c hercheur.

L ire c et a r cle o u b ien l es S 02E01, S 02E02, S 02E03 d u [ R.E.V]

h ps://usbeketrica.com/ar cle/zadistes‐survivalistes‐libertariens‐la‐tenta o n‐secessionniste

140

« Pour moi l'alterna ve elle doit plus jouer par rapport à l’architecte sur les ques ons sociales. Évidemment l'architecte s'intéresse aux ques ons sociales, mais je la vois plus sur des projets de société, l'alterna ve. » 110 « Quand on est architecte on a un rôle poli que.

Comme médecin, avocat, enseignant. Quand on est éboueur on a peut être un rôle poli que moindre. Je prend un mauvais exemple c'est pas qu'une ques on de statut, de responsabilité, c'est une ques on de pouvoir, de représenta on et de service vis à vis des autres. Et en architecture on doit se poser ce e ques on. »111

Or ce sont en par es les ques ons qu’entend poser l’exercice de PFE : quelle posture d’architecte est construite dans un environnement complexe et souvent incohérent. C’est ici la part citoyenne de l’architecte qui est mise en avant.

Autant les processus de concep on peuvent être objec vables et explicités, autant il s’agit ici de système de valeurs qu’il faut simplement assumer. On ne cherche pas l’alterna ve pour l’alterna ve, il y a une dimension éthique qui fait que l’on croit en la nécessité de ce e alterna ve. « Est ce qu'on croit au par cipa f comme un mode de fabrique de la ville et de l'architecture ou est ce que pour être alterna f on va prendre la voie du par cipa f ? »112 De plus, chaque posi onnement individuel ne prend sens que par mise en tension avec d’autres posi ons, c’est un phénomène nécessairement collec f qui est à l’oeuvre. « J 'ai l'impression que la société est plutôt dans la recherche de 110

E ntre en a vec S ifo‐Dyas, a rchitecte u rbaniste e t c hercheur.

E ntre en a vec Q ui‐Gon J inn, a rchitecte p ra cien.

112 E ntre en a vec P lo K oon, a rchitecte p ra cien.

111

141

concré ser des utopies intellectuelles collec ves qu'individuelles. » L’école prépare donc en par e à ce devenir d’ être au monde . En effet la construc on de posture cri ques a plutôt voca on à servir un collec f, que des carrières individuelles.

142

L’aberrant, le déviant

Enfin, il est une dimension de l’alterna ve qui n’est pas sans rappeler le monde de l’art. Les rares exemples qui venaient à l’esprit des enseignants quand on échangeaient sur les PFE alterna fs étaient souvent des travaux qui les avaient en quelque sorte surpris, et donc plus durablement marqués.

« Le plus alterna f que j'ai vu, c'était le diplôme de Jacques Sordoillet. C'était assez incroyable, c'était le premier TPFE avec des gens en duplex depuis les USA, il n'y avait pas vraiment de projet, mais c'était une œuvre d'art qui évoluait dans les salles, il y avait un expérimenta on, on était en 92‐93, donc c'était assez... é tonnant c e travail. »113

Dans la mesure où ces produc ons même fic ves alimentent des imaginaires collec fs, il est notable que ceux dont l’originalité est capable de surprendre un public marquent plus durablement les esprits. S’instaurent alors des jeux d’affect qui peuvent perme re à certains projets de perdurer après leur soutenance. On ne s’étonnera donc pas de retrouver ces composantes jusque dans les références et appétence des enseignants du DEM ALT.

« Ce qui est ar s que en fait, au début c'était édifiant, puis c'est devenu joli, maintenant ça doit être dérangeant . Donc moi ce qui dérange, dans la défini on actuelle de l'art contemporain, ce qui dérange m'intéresse, depuis toujours. » 114 113 114

E ntre en a vec P lo K oon, a rchitecte p ra cien.

E ntre en a vec K it F isto, a rchitecte p ra cien e t c hercheur ( DEM A LT)

143

« ALT est lié à une histoire locale, avec SPAA. Et pendant un temps on était couplé SPAA et AACC [...].

On était les deux DEM ou il y avait des démarches un peu exploratoire, un peu nouvelles, étonnantes , décalées par rapport à ce qui se faisait de manière tradi onnel. [...] Mais ce que j'aimais bien c'est quand ce qu'on produisait d’autre, attisait la curiosité des autres produc on et faisait que par moment, on voyait qu'il y avait une influence »115

115

E ntre en a vec M ace W indu, e nseignant‐chercheur. ( DEM A LT)

144

À la recherche d’alterna ves

Comme une nécessité

« Quand on voit l'état du monde, on se dit qu'on ne peut pas être architecte classique comme il y a 20 ans. Et dans 20 ans, ce qu'on fait paraîtra sans doute ridicule. Mais il y a encore beaucoup d'enseignants qui font comme si on construisait la ville l'architecture et la terre… »116

« C'est la conscience je pense qu'on ne peut plus faire de l'architecture aujourd'hui comme on en faisait hier, bien qu'il y ait des formes de résistance je pense qui sont très majoritaires. »117

Alors que le milieu de la construc on commence à peine à se reme re de la crise financière de 2008, les économistes sonnent déjà l’alarme pour la décennie à venir.

Alors que la RT2020118 approche, Donald Trump confirme le retrait des accords de Paris sur l’environnement. À l’ère ou les crises structurelles fissurent progressivement notre civilisa on, se fait ressen r un certain besoin de changer nos façons de faire. Nécessairement, ce sen ment se diffuse à toutes les 116

E ntre en a vec M ace W indu, e nseignant‐chercheur.

E ntre en a vec K i‐Adi‐Mundi, a rchitecte e t c hercheur.

118 Q ui obligera chaque bâ ment neuf construit à être passif 117

énergé quement p arlant.

145

échelles, et certaines considéra ons nouvelles émergent.

Ce e étude se déroulant en même temps que les élec ons présiden elles, plusieurs enseignants ont été tentés d’illustrer certaines émergences de la scène architecturale par les récentes évolu ons et recomposi ons du paysage poli que classique. « l'idée que les choses ne viennent plus d'en haut mais viendraient d'en bas. »119 par exemple impacte nécessairement l’ac vité des architectes.

Il y a donc une certaine pression sociétale (poli que ?) aujourd’hui en faveur d’une recherche d’alterna ves, on peut le voir notamment avec le développement de l’innova on à tous les niveaux. La société évolue, et l’ensemble de nos ins tu ons ont parfois du mal à suivre. « Et je pense que l'alterna ve elle vient de là, l'alterna ve, c'est simplement une manière d'être au fait, ou en tout cas de saisir, de prendre en considéra on l'évolu on sociétale. Ce n'est pas quelqu'un qui décide comme ça d'être alterna f »120 C ’est quelque part à ce e demande de la société que répond le DEM ALT, par la remise en ques on d’un certain nombre de façon de faire, à commencer par les siennes.

« C'est à dire qu'en gros, ce qu'on fait qui apparaît décalé devrait être le commun. Un ques onnement d'une profession en péril sur sa place dans la société, sur qu'est ce qu'elle peut amener. Ques onner les ressources, les individus, l'urbanité... Nous on est persuadé qu'un architecte ne devrait pas exercer s'il n'est pas capable de se poser ces ques ons. »121

119

E ntre en a vec K i‐Adi‐Mundi, a rchitecte e t c hercheur.

E ntre en a vec K i‐Adi‐Mundi, a rchitecte e t c hercheur.

121 E ntre en a vec M ace W indu, e nseignant‐chercheur. ( DEM A LT) 120

146

L’alterna ve est finalement plutôt recherchée en ce début de XXI e siècle, la ques on est donc de savoir comment elle est mise en oeuvre.

147

Susciter l'alterna ve

Le développement d’une posture cri que par les étudiants permet également de développer leur autonomie et leurs capacités d’autodétermina on.

« Pour moi l'histoire de développer l'autonomie, on espère qu'il y a des choses nouvelles qui vont émerger, c'est ça l'intérêt pour les enseignants. C'est d'être surpris. C'est ça qui me valoriserait personnellement, c'est de pousser des trucs auxquels je ne m'a endais pas. »122

Ce qu’il faut bien comprendre ici c’est que l’émergence d’alterna ves se nourrit d’une autonomisa on et/ou d’une intellectualisa on de la pra que. Et malgré le fait que l’alterna ve soit parfois ressen e comme nécessaire, il ne s’agit pas d’une fin en soi mais bel et bien d’un processus.

« L’alterna ve n’est pas dans le spectaculaire, elle est plus dans la manière de penser les choses. [...]

L’utopie n’est pas dans la recherche d’une forme qui serait spectaculaire mais plutôt dans la manière de produire ce e forme »123

En défini ve, la recherche de l’alterna ve a beaucoup à voir avec l’innova on, elle même divisée en deux grands types : personnelle et historique. L’innova on personnelle c’est lorsqu’un individu rencontre un terrain qui lui est inconnu et 122 123

E ntre en a vec Q ui‐Gon J inn, a rchitecte p ra cien .

E ntre en a vec K i‐Adi‐Mundi, a rchitecte e t c hercheur.

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que de nouvelles façons de faire s’ouvrent à lui. L’innova on historique c’est lorsque quelque chose de singulièrement nouveau est créé, qui n’avait jamais existé.

« L'innova on, ça ne se décrète pas. On se met dans les condi ons de l'innova on, on favorise la créa vité, la sérendipité. Une a tude qui est forcément ouverte aux autres, à un environnement, à une richesse disponible soit dans la recherche ou dans les rencontres, le dialogue des disciplines. On est là dans une posture ALT. Donc l'innova on elle ne se décrète pas, on fabrique les condi ons qui favorisent éventuellement une réponse innovante. » 124

Il existe donc bien un terreau de l’innova on. Par une forme de mise en tension d'altérités il est possible d’ac ver des poten els alterna fs, dont on a plus qu’à espérer qu’ils abou ssent. La condi on première à cela est un certain rapport d’ouverture à l’altérité, qui peut être facilité, encouragé.

Ensuite il s’agit de développer des ou ls pour s’observer faire, donner à ce e posture cri que l’occasion de prendre du recul.

« Il faut ce e distancia on cri que par rapport à l'ac on, au faire. Pour moi, un architecte c'est celui qui réfléchit à comment il peut, comment il doit faire le projet. »125

Ici, ce sont souvent les ou ls du chercheurs qui perme ent ce e distancia on cri que, et finalement ce e humilité 124 125

E ntre en a vec M ace W indu, e nseignant‐chercheur.

En tre en a vec M ace W indu, e nseignant‐chercheur.

149

vis‐à‐vis de la produc on, dès lors qu’elle est située et s’inscrit dans un état de l’art plus large. Une fois levées les ambiguïtés de posi onnement du concepteur, il est possible ques onner l’objec f à a eindre, la stratégie mise en oeuvre pour y parvenir. Il s’agit non seulement de prendre du recul mais également de produire un effort pour rendre sa démarche, si ce n’est ra onnelle, au moins explicitable.

« C'est intéressant la ques on de la recherche, c'est quand on arrive à rendre le plus explicite possible ce e démarche. Ce qu'on a beaucoup reproché aux architectes et ce qu'on reproche encore aux architectes c'est le caractère implicite de leur démarche. C'est le fait de ne pas rendre intelligible ce e dimension créa ve. Donc on a nécessairement aujourd'hui la mission, pour valoriser notre mé er, d'expliquer ce que l'on fait. Toute la forma on en fait, tourne autour de ce e ques on là, de rendre explicite. [...] dans la ques on de l'objet architectural, on peut encore avoir ce e tenta on de l'implicite, mais dans l'aménagement urbain, c'est impossible. »126

126

E ntre en a vec P lo K oon, a rchitecte p ra cien.

150

Changement de champs

Comme on vient de le voir, l’émergence de postures alterna ves se nourrit en grande par e d’une confronta on avec d’autres milieux, d’autres champs disciplinaires

« Quel que soit le type de l'innova on, on crée les condi ons pour qu'elle apparaisse, c'est dans une posi on d'ouverture. T'es moins créa f si tu es enfermé sur toi, si tu ne bénéficie pas des apports et des violences des autres, de ce contacts. »127

Dès lors, les équipes enseignantes vont essayer d’ouvrir les champs disciplinaires, puisque c’est l’autre qui crée le décalage qui permet de prendre du recul, de se voir faire dans toute sa singularité et aborder les mêmes probléma ques d’une façon différente, renouvelée.

« Le décalage a ce e vertu si on a l'esprit ouvert. On est aussi dans une posture, la posture innovante, la posture d'altérité de ALT, c'est de dire je suis accueillant à l'autre, parce que ce e rencontre peut toujours être bénéfique. »128

L’ancien DEM AACC revendiquait également une approche alterna ve du projet d’architecture. D’une part en proposant une concep on polysensorielle, accordant une certaines importance à l’acous que et aux ambiances. D’autre

127 128

E ntre en a vec M ace W indu, e nseignant‐chercheur.

E ntre en a vec M ace W indu, e nseignant‐chercheur.

151

part en abordant le projet par une approche environnementale.

« Moi je prône une façon environnementale de faire de l'architecture et non pas architecturale de faire de l'architecture. Ça c'est de l'alterna ve complète, totale, que je vois aujourd'hui à la manière de faire la ville et l'habitat de demain. De par r d'une démarche environnement et donc forcément pluridisciplinaire et non pas architecturale et disciplinaire des choses. [...] Au niveau méthode, il n'y a pas grand chose de différent pour moi, d'un point de vue de l'organisa on de la pensée. Mais par contre, l’ouverture à l'environnemental amène des tas d’informa ons »129

L’alterna ve ici réside dans l’approche ini ale du problème, et non dans l’ensemble dans son déroulement. Ce e exemple illustre assez bien ce que peut produire un changement de champs dans la démarche de projet.

En réalité, l’ensemble des DEM pra quent ce e ouverture, de façon plus ou moins prononcée, et se confrontant à différentes disciplines, selon les théma ques qu’ils abordent. On retrouve ici la dimension pluridisciplinaire et agglomérante de l’architecture.

129

E ntre en a vec S ifo‐Dyas, a rchitecte u rbaniste e t c hercheur. ( DEM A TEC)

152

Le rapport aux ou ls

La ques on du rapport aux ou ls est assez récurrente dans le domaine de l’architecture.

Passons rapidement sur les ou ls propices à la s mula on de l’innova on que nous avons évoqués précédemment. Il s’agit d’ou ls perme ant aux étudiants de « détecter dans des situa ons inhabituelles ce qui pourrait être le germe d'une innova on »130 et ainsi d’apprendre à accueillir l’altérité et les idées décalées.

L’émergence des ou ls numériques et de télécommunica on est considérée comme la troisième grande révolu on de notre Histoire131. La puissance du numérique réside dans sa capacité à extérioriser un grand nombre de nos capacités biologiques, à automa ser certaines des tâches auxquelles nous nous affairions jusque là.

Le travail de Bernard Cache au sujet de l’architecture non standard illustre assez bien les ques ons et possibilités nouvelles que laissent entrevoir ces ou ls émergents. Notons ici que le concept de “non standard” s’apprécie dans un sens mathéma que, qui transposé à l’architecture s’oppose aux méthodes de standardisa on, de normalisa on héritées des sociétés industrielles. Il convient en effet, pour Bernard Cache, de penser une architecture comme une solu on discrète parmi un ensemble con nu (toujours au sens mathéma que).

130 131

E ntre en a vec M ace W indu, e nseignant‐chercheur.

Les deux premières grandes révolu ons étant l’inven on de l’écriture puis

celle de l’imprimerie, d’après l’analyse partagée de Michel Serres et Bernard S egler

153

L’u lisa on contemporaine de la puissance du numérique lors des différentes étapes du projet (concep on, produc on, distribu on) fait émerger de nouvelles formes architecturales et remet en ques on le rôle de l’architecte maître d’oeuvre.

Plus généralement, les enseignants du DEM ALT sont presque les seuls à évoquer une réflexion sur les ou ls. Il s’agit à nouveau d’appliquer une posture cri que vis‐à‐vis de nos façons de faire.

« Le menuisier ne sait pas comment son ou l fonc onne, il u lise des ou ls de telle façon parce qu'on lui a toujours dit que c'était efficace comme ça, mais il n'est pas capable de comprendre ce qu'il se passe. Un vrai ar san devrait être capable de comprendre la physique de la chose de façon à transformer son ou l, et fabriquer d'autres ou ls. » 132

Développer un rapport cri que à nos ou ls, signifie se donner les moyens de les faire évoluer (ou ls alterna fs ?), de les adapter à nos pra ques et non l’inverse. Au point que les ou ls eux‐mêmes peuvent cons tuer une porte d’entrée du projet architectural dès lors qu’ils sont mis en réflexion. Par exemple, le DEM ALT revendique le numérique comme pensée et pas uniquement comme ou l. Idem pour le développement durable et le par cipa f. « Alors que tous nos camarades u lisent ces trois choses là comme des ou ls . »133

132 133

E ntre en a vec M ace W indu, e nseignant‐chercheur.

E ntre en a vec K it F isto, a rchitecte p ra cien e t c hercheur.

154

« Donc en quoi est ce que ALT en terme d'ou ls est spécial ? Bah pas du tout en fait, c'est pas les ou ls.

C'est la posture, les jeux d'acteurs et la légi mité des acteurs. [...] Quand on fait du numérique, soit on va voir microso qui fait des programmes, on va voir le gros bouzin, le major qui fait la norme, soit comme Eglan ne l'explique, on bidouille une maque e bricolée à la colle et on soulève le capot du logiciel pour voir comment on peut le perver r. [...] Donc la légi mité et la reconnaissance des acteurs, je pense que ça c'est la responsabilité des enseignants tulaires, vieux, et qui ont une responsabilité de regard quasiment académique que de reconnaître très tôt les acteurs importants et futur, non pas des ou ls mais de l'u lisa on alterna ve de ces ou ls, de ce pourquoi tout le monde est d'accord pour dire que de nouveau ou ls créent de nouvelles pra ques.

Donc des ou ls nouveaux sont au services des pra ques anciennes d'une part et d'autre part, créent des nouvelles pra ques. Donc ceux qui créent les nouvelles pra ques ce sont pas les anciens qui u lisent les nouveaux ou ls. »134

134

E ntre en a vec K it F isto, a rchitecte p ra cien e t c hercheur.

155

Historicité de l'alterna ve

Finalement, il y a une dimension historique à l’alterna ve, en tant qu’élément mécanique d’une récurrente perturba on de l’ordre des choses : autrement dit, comme dynamique de l’Évolu on.

« Il y a des formes de banalisa on, de récupéra on.

On ins tu onnalise, on réglemente, on standardise.

La société évolue comme ça. »135

« L’alterna ve est certainement liée à la situa on, au contexte historique, donc elle va évoluer. »136

S’il n’y a plus d’alterna ve, c’est que plus rien de bouge, la société, l’écosystème, tout stagne en a endant la prochaine perturba on. On en déduit que dès qu’il y a pulsion de vie, il y a alterna ve. Que l’alterna ve cons tue un catalyseur chao que pour la grande machine cosmique. Se pose alors la ques on de ces perturba ons, ces émergences.

« Je pense qu'il y a toujours en tout domaine une espèce de dialec que des anciens et des modernes.

Il y aussi, dans tout ce qui est dans le domaine de l'art, des avant‐gardes qui sont appelées ensuite à se massifier. » 137

135

E ntre en a vec K i‐Adi‐Mundi, a rchitecte e t c hercheur.

E ntre en a vec P lo K oon, a rchitecte p ra cien.

137 E ntre en a vec K it F isto, a rchitecte p ra cien e t c hercheur.

136

156

Soit les alterna ves qui émergent au fil des ans disparaissent soit elles marquent nos sociétés. Mais comment les marquent‐elle ?

« Par exemple pour moi la ques on du développement durable n'est pas une émergence, elle n'est pas une alterna ve, c'est un fait. Et la ques on par cipa ve par exemple, dans l'aménagement urbain, l'interroga on sur la gouvernance, c'est plus émergent. Aujourd'hui il n'y a pas un projet urbain ou la ques on ne se pose pas. [...] Dans les ou ls informa ques, la ques on du modèle informa que, alphanumérique et vectorielle n'est plus émergente. »138

Une façon de concevoir ce e évolu on est de prendre les alterna ves comme les marqueurs de contre‐cultures en devenir, des nées à dévier ou phagocyter une culture dominante.

Sociologiquement, la culture définit « ce qui est commun à un groupe d'individus ». Le groupe social des architectes se définit donc en par e par sa culture professionnelle. Bien que l’objec f ne soit pas ici de la définir plus précisément, on peut imaginer que ce e culture professionnelle soit en pleine ébulli on ces dernières décennies. Métamorphosée par les évolu ons récentes du cadre de l’exercice des architectes français, elle est notamment marquée par l'évolu on des marchés économiques, des ou ls numériques, des forma ons, des structures juridiques, ou encore par le renouvellement généra onnel. Plus largement, on peut aussi s'interroger sur ce que désigne la culture architecturale aujourd'hui en 2017 ? C’est en tout cas ce sur 138

E ntre en a vec P lo K oon, a rchitecte p ra cien.

157

quoi les ENSA fondent une bonne par e de leurs référen els de forma ons.

La culture alterna ve que peuvent porter certains jeunes (presques) diplômés serait alors des née à affronter une culture commune (architecturale et/ou professionnelle) pour tenter d’en faire bouger les lignes. Bourdieu rappelle d'abord que même ceux « qui se veulent en marge, hors de l'espace social, sont situés dans le monde social, comme tout le monde. » 139

Finalement, mêmes les modestes projets de PFE, à jamais fic fs puisque non des nés à être construits, contribuent collec vement à nourrir un imaginaire commun.

Un enseignant racontait l’exemple du quar er lyonnais de La Confluence, qui est devenu ce qu’il est aujourd’hui grâce à des décennies de projet “fantasmé” qui on rendu désirables certains devenirs imaginés pour ce e ancienne zone industrielles ultra‐polluée et malfamée .

139

P ierre B OURDIEU, 1 984, Ques ons d e s ociologie , E di ons d e m inuit, p 12.

158

À la ques on de ce que pourrait‐être une véritable contre‐culture, Pierre Bourdieu répond :

« la possession des armes nécessaires pour se défendre contre la domina on culturelle, contre la domina on qui s'exerce par la culture et en son nom, devrait faire par e de la culture. Il s'agirait d'une culture capable de me re à distance la culture, de l'analyser et non l'inverser, ou, plus exactement, d'en imposer une forme inversée. C'est en ce sens que mon livre est un livre de culture et de contre‐culture. Plus généralement, je pense qu'une véritable contre‐culture devrait donner des armes contre les formes douces de la domina on, contre les formes avancées de mobilisa on, contre la violence douce des nouveaux idéologues professionnels, qui souvent s'appuient sur une sorte de ra onalisa on quasi scien fique de l'idéologie dominante, contre les usages poli ques de la science, de l'autorité de la science, science physique ou science économique, sans parler de la biologie ou de la sociobiologie des racismes avancés, c'est‐à‐dire hautement euphémisés. Bref, il s'agit d'assurer la dissémina on des armes de défense contre la domina on symbolique. »140

La volonté de vulgariser ce e culture des architectes semble cons tuer en soi le marqueur d'une contre‐culture. Il y a sûrement là un critère important à trouver pour discriminer ce qui semble appartenir à ce e contre‐culture, sur la ques on du des nataire du travail (intellectuel) fourni. À qui s'adresse tel ou tel PFE ?

140

P ierre B OURDIEU, 1 984, Q ues ons d e s ociologie , E di ons d e m inuit, p 13.

159

160

L’alterna ve à l’école

Évolu on de l'offre de forma on

À l’instar de notre société et de la profession à laquelle elle conduit, l’offre de forma on de l’ENSAL a progressivement évoluée. Du fait des différents étudiants qui s’y sont succédés d’une part141, et du fait des recomposi ons des équipes enseignantes d’autre part. Plus généralement, l’offre de forma on que déploient ces derniers s’adapte aux nouveaux besoins et aux nouvelles valeurs de notre société, telle la recrudescence de la ques on démocra que au sein des jeux d’acteurs. Ces ques onnement se répercutent après coup sur la forma on.

« Au niveau de l'enseignement de licence 1 on a par cipé à des ateliers où on étaient en contact direct avec l'usager, l'habitant, au plus près d'une demande. Et c'est déjà quelque chose de recueillir une demande très directement. »142

Dans ce cas là, on peut comprendre que la ques on des jeux d’acteurs peine à trouver sa place dans un cadre

141

Jules Cadiergue, 2017, la jeune généra on d'architectes , mémoire de master sous la direc on de Corine Védrine et Ana Bela de Araujo soutenu en janvier 2 017 E NSAL. 142 E ntre en a vec K i‐Adi‐Mundi, a rchitecte e t c hercheur.

161

pédagogique où toutes les condi ons réelles d’exercice du projet ne peuvent être simulées aisément.

A contrario, certaines alterna ves et émergences ont au contraire plus de chance de se développer à l’école. On pense par exemple aux compétences et au regard nouveau que chaque généra on d’étudiants apporte et qui peuvent être facteur de changement. La plus grande liberté qui peut exister à l’école peut également servir de terreau à ces alterna ves, comme en fait notamment le pari ce e année le DEM ALT.

DEM AHD

« On essaie de faire en sorte de choisir des sites qui font débat, dans la ville. [...] c'était une manière par le projet d'essayer de par ciper à ce débat, de la nourrir, en faisant en quelque sorte des contre‐projet. [...]. Donc des choses qui font débat, parce qu'on a une concep on dynamique du patrimoine, c'est quelque chose qui évolue tout le temps. Et pour ne pas la limiter à une valeur historique »

L’approche qu’il porte s’ancre davantage dans l’actualisa on des enjeux du patrimoine avec notamment la résurgence de la réhabilita on et du recyclage des édifices. Ils souhaitent pour cela « interroger la construc on sociale et culturelle de la valeur patrimoniale. »143 Sans surprise, ce sont surtout les thèmes de la temporalité, du rapport à l’histoire et à l’évolu on qui sont mis en avant par l’équipe enseignante.

143

L ivret d e M aster d e l ’ENSA d e L yon, 2 016‐2017, p 17.

162

DEM ATEC

« Le DEM ATEC on a pour ambi on [...] de reposer la ques on de la normalisa on, au sens standardisa on des choses, pour rester, pas dans l'alterna ve, mais dans l'innova on, dans la posture cri que. Y compris sur des sujets comme l’écologie.

C'est une ques on sociétale, c'est plus une posture de marginaux. »

Ce DEM témoigne d’un ancrage fort aux enjeux contemporains et notamment les grandes transi ons en cours dans la société (environnementale entre autres) et est plutôt tourné vers les pra ques de demain. « Ce e réalité est marquée par l’émergence d’une pensée où la ques on architecturale est confrontée de manière récurrente aux a endus d’un environnement bâ durable, intelligent et désormais résilient, suscep ble de s’adapter à tous les aléas. [...] Comment se posi onner en tant qu’architecte alors que s’affirme une ère où la sécurisa on des biens et des personnes est un prérequis social, économique, poli que, urbanis que, construc f et architectural ? »144 Il est donc également ques on d’une remise en cause du rôle de l’architecte.

144

L ivret d e M aster d e l ’ENSA d e L yon, 2 016‐2017, p 18.

163

DEM AMTH

« On enseigne une alterna ve à l'aménagement du territoire. [...] un travail beaucoup plus transversal, mul scalaire qui a tendance à posi onner l'architecte sur une mul plicité d'échelles, lui donner forcément la nécessité de le posi onner de façon cri que sur une situa on plutôt que de répondre à un programme. »

Ce DEM, de par les échelles qu’il propose de manipuler, s’intéresse beaucoup aux méthodes et aux processus, perme ant de faire le liens entre les différentes disciplines, les différents acteurs de l’urbain et le milieu de la recherche. « Ce e démarche doit perme re aux étudiants de saisir les ressorts économiques, sociaux, culturels, paysagers ou environnementaux à l’oeuvre pour les me re au service de stratégies architecturales et urbaines engagées et ancrées dans des pra ques situées. »145

DEM ALT

« On [le DEM ALT] ne se pose non pas comme opposés, mais comme complémentaires, par rapport aux trois autres DEM de l'école et qui se retrouvent dans l'essen el des écoles dans le monde en er, qui sont une teinte plutôt urbanis que, une teinte historique et une teinte plutôt technique. Donc nous avons nous, historiquement, regroupés des choses

145

L ivret d e M aster d e l ’ENSA d e L yon, 2 016‐2017, p 16.

164

qui étaient éparpillées et qui se posaient en marginaux. »

« J'avais beaucoup apprécié d'un des fondateurs du LAURE (du LAF à l'époque), quand il s'agissait il y a quinze ans de synthé ser l'offre dans l'école, il avait dit SPAA c'est plutôt sur l'intelligence de la concep on. En gros l'intelligence au sens analyse cri que du processus de la concep on. C'était pas concevoir qui nous intéressait, mais réfléchir à la concep on, science de la concep on. Et donc ALT rassemble ceux pour qui le ques onnement est plus important que le résultat. »

Ce DEM se définit à la fois par la revendica on de faire les choses autrement et la promesse d’une grande liberté/autonomie pour les étudiants. On se souvient notamment de la présenta on officielle des DEM à la rentrée 2016, dans l’amphithéâtre de l’ENSAL. Gilles Desèvedavy présente alors le DEM en ces termes : « Pour ceux qui ne veulent pas devenir comme nous ». Objec vement, il semble rela vement évident que les diplômés de ce e école n'exerceront pas de la même manière que leurs aînés au regard des profondes muta ons que vit la profession. Mais c’est précisément là qu’est la nuance. Les étudiants ne deviendront pas comme eux, soit, mais en plus, ceux qui ont choisi le DEM ALT146 ne VEULENT PAS devenir comme eux a priori . « Le domaine d’étude ALT propose essen ellement d’expérimenter d’autres manières de concevoir, de produire et de penser l’architecture. »147 On retrouve ici le rapport 146 147

3 9 é tudiants s ur 1 32 .

L ivret d e M aster d e l ’ENSA d e L yon, 2 016‐2017, p 15.

165

qu’entre ennent nécessairement les alterna ves vis‐à‐vis d’une norme. On retrouve également dans sa défini on la dimension temporelle qui soit reste éphémère et située soit devient la norme et perd sa qualité d’alterna ve.

« Si c'est toujours les mêmes enseignants tulaires, fonc onnaires, à vie, qui ont créé un DEM ALT, tu reviens dans 20 ans [...] Ce sera enkysté. Je pense qu'il ne sera plus légi me, dans l'hypothèse que je cite, il est légi me maintenant, et plus il dure, plus le problème se pose de sa légi mité. Parce que l'alterna ve passant des émergences avec toujours le même personnel pendant 20 ans, ça marche pas du tout. »

Le DEM, de par son par pris, a en son état actuel une sorte de date de péremp on. Il a donc voca on à se renouveler, pour conserver la légi mité revendiquée à conduire et encadrer les alterna ves à l’école.

Afin de susciter l’alterna ve, les différents ou ls et méthodes au services de l’innova on sont mis à disposi on des étudiants, ainsi qu’un très large marge de manoeuvre qui les oblige en quelque sorte à prendre posi on par eux même vis‐à‐vis de ce qui leur ent à coeur. « La fin du S9 marquera la fin de la prépara on individuelle théoré que et annoncera le passage à la “ praxis ” en S10, préalable à la sor e de l’école et à la vraie suite architecturale . »148

148

L ivret d e M aster d e l ’ENSA d e L yon, 2 016‐2017, p 15.

166

Les futurs grands architectes

Nos échanges avec les enseignants autour de la no on d’alterna ve en architecture leur évoquait finalement très peu d’exemples d’étudiants. La discussions tournait finalement assez largement autour de leur percep on de la forma on vis à vis de la scène architecturale.

Ils ne savent d’ailleurs pas ce que font les étudiants à la sor e de l’école. Même si certains ont parfois cherché à garder le contact pour avoir une idée de ce à quoi ils forment ces étudiants, cela a rarement été très représenta f. Donc ils ne savent pas ce que nous devenons quand on est lâchés dans la nature.

Dès lors il s’agit simplement de savoir ce qu’ils veulent leur donner comme compétences avant la sor e. D’autant que les enseignants sont assez conscients de la réalité et des contraintes du monde professionnel.

« Former quelqu'un c'est faire qu'il sera capable de se démerder dans le monde à venir que personne ne pourra an ciper. »149

« Donc je pense qu'il faut vous préparer, vous accompagner, vous dire que c'est possible que vous êtes bien etc. En fait ça s'enseigne pas directement.

On vous apprend pas à être salarié, et heureusement. »150

149 150

E ntre en a vec M ace W indu, e nseignant‐chercheur.

E ntre en a vec Q ui‐Gon J inn, a rchitecte p ra cien.

167

« Je sais très bien que des étudiants qui sont passés dans APPI ou en SPAA, même si on voit qu'il y a eu des transforma ons dans leur façon de faire, il ont vite tendance à l'oublier. C’est‐à‐dire qu'en gros, ça se cul ve. [...] Je sais bien que les architectes sont sous pression et que des fois tu fais de l'alimentaire.

Donc tu fais des réponses convenues. Tu as fait ça dans une situa on donc tu vas faire aussi ça là parce que tu as besoin de gagner ta vie. »151

Ensuite il y a ce que les enseignants souhaitent voir sor r de l’école. Quelles sont leurs inten ons et envies vis‐à‐vis du devenir de la profession et de la discipline finalement.

« On va avoir un certain nombre de parcours qui vont, grâce au sujet métropolitain, grâce à la ques on du rapport au patrimoine, à la ques on de la transi on énergé que, dans ces différents domaines, perme re aux étudiants de se posi onner de manière cri que, de développer des projets répondant à un certain nombres d'objec fs énoncés.

Et c'est bien, puisqu'aujourd'hui aussi bien la forma on que la profession ne peut que se développer sur ces ques ons parce que pour le coup, on a une absence de professionnels aguerris à ces ques ons là. »152

« Je ne sais pas ce que deviennent mes étudiants. Et puis pour moi, devenir un professionnel ALT c'est peut être aussi parfois savoir faire autre chose que du bâ ment, donc du conseil de l'AMO, travailler 151 152

E ntre en a vec M ace W indu, e nseignant‐chercheur.

E ntre en a vec P lo K oon, a rchitecte p ra cien. ( DEM A MTH)

168

pour le milieu associa f, pour la forma on, dans le cadre de projets par cipa fs, ou on met en œuvre plus des processus, des living lab des choses comme ça plutôt que de bâ ments en béton et tout ça. »153

« On doit en former sur le renouvellement de la discipline architecture sur elle même. Donc sur le fond de ALT, on doit avoir à la fois des acteurs jeunes du futur et des enseignants qui même vieux, sur le mode académique, sont là pour structurer un regard prospec f. »154

On dis ngue dans ces prises de posi ons deux façons de voir la sor e de l’école assez différentes. La première ambi onne de faire évoluer ce que signifie architecte de profession , dans un cadre, défini notamment par l’ordre des architectes. La seconde a plus tendance à reme re en ques on ce cadre, le bien fondé même de dire architecte de profession .

En ce sens, ils acceptent de ne pas savoir vraiment ce que font les étudiants une fois diplômés, et espèrent même qu’ils con nuent à se reme re en ques on et qu’ils sortent du cadre.

153 154

E ntre en a vec M ace W indu, e nseignant‐chercheur.

E ntre en a vec K it F isto, a rchitecte p ra cien e t c hercheur.

169

« Dans ALT, on adme rait parfaitement que le projet soit pas du tout abou [...] On peut très bien imaginer avoir des PFE qui ne résolvent pas dans une construc on. De la même façon que dans APPI, on a eu des étudiants sur des théma ques il y a 4‐5 ans, le disposi f qui a été proposé et validé à la fin, c'était un site internet sur lequel les gens pouvaient faire du projet à par r de briques, etc. Il n'y avait pas de matérialisa on de l'objet, il y avait une démarche qui était de faire prendre conscience aux gens de ce que ça voulait dire habiter. » « Donc on est bien dans la remise en cause y compris de la demande, ce qu'on aime bien, c'est quand l'étudiant a la capacité, le culot et la culture d'amener une réponse complètement en contradic on avec la demande. Quand il est capable de jus fier que la ques on était stupide. » 155

155

E ntre en a vec M ace W indu, e nseignant‐chercheur.

170

Epilogue

Le DEM ALT156 était en quelque sorte le point de départ de nos ques onnements. Au vue de l’étude menée jusqu’ici, on peut dire que toute porte de l’alterna ves que nous avons pu rencontrer (qui sont donc toutes celles perçues par les enseignants) semble avoir été inves e par ce DEM. Les autres ne sont pas sans liens avec les alterna ves, loin de là.

Bien qu’ils ne soient pas dans une rela on d’opposi on, on dis ngue ne ement une approche différence entre le DEM ALT et les 3 autres, notamment dans leur rapport à l’exercice du PFE et aux ambi ons qu’ils semblent nourrir pour leurs étudiants.

156

D ans l equel s ont l es t rois a uteurs d e c e e é tude, r appelons l e

171

172

173

S06E04 Analyses croisées

174

Introduc on

En plus des épilogues proposés à la fin des trois derniers épisodes, tout l’enjeu de notre recherche collec ve s’ar cule autour des confronta ons mul ples rythmant notre processus de recherche. Ainsi, ces analyses croisées ne s’apprécient que confrontées, s’alimentant et se ques onnant mutuellement. Telle une mise en abîme de l’alterna ve étudiée, l’étude se construit nécessairement par ses contours : différents corpus, différents ou ls d’analyse, différentes popula ons sondées mais un travail au milieu . C’est ainsi qu’en me ant en relief les porosités entre nos par es, nous tentons humblement de nous rapprocher d’une exhaus vité fantasmée, parce qu’ina eignable.

“Que font, un Nain, un Homme et un Elfe dans le Riddermark? répondez!”157

S’il y a bien pourtant un point commun à ces approches singulières, c’est le contexte global dans lequel ces études ont été ménées. En effet, si les paradigmes sont nécessairement pluriels, l’univers qu’ils interprètent es t bel et bien singulier.

Ainsi, il convient de revenir brièvement sur ces quelques invariances autour desquelles se polarisent nos ques onnements, à par r desquelles ils se sont cons tués.

157

Le Seigneur des anneaux : Les Deux tours , P.Jackson, 2002, source intarissable de cita ons convoquant chez nous un imaginaire riche, et perme ant de “fic onner” quelque peu l’épopée que représente ce e men on r echerche d e l ’anneau.

175

Contexte

« Le changement est omniprésent. Il est devenu valeur incontournable. A croire que si l’on veut évoluer, il faut sans cesse que s’opèrent des bouleversements. »158

L’enjeu de ces analyses croisées nécessite de revenir sur certains éléments de contexte.

Pour Michel Serres159, nous serions contemporains d’un changement de paradigme intellectuel. De même que le développement de l’écriture, puis de l’imprimerie a condi onné l’oubli des tradi ons orales en perme ant une pérennité du savoir, l’avènement du numérique modifie notre rapport à la connaissance en perme ant une nouvelle extériorisa on.

Être cul vé, ce n’est plus avoir lu tous les livres, il ne s’agit plus de mémoriser un maximum de savoir mais de développer une posture cri que face aux différentes références. Se pose ainsi la ques on de la fiabilité de telle ou telle source, du crédit à accorder à telle autre. La facilita on de l’accès à la connaissance (on peut parler ici de démocra sa on

158

Olivier R EVOL, 2 013, J ’ai u n a do... m ais j e m e s oigne , J CLa ès, p 236.

M ichel S erres, P e te P ouce e, M anifestes L e P ommier, 2 012

159

176

des savoirs) tend à produire des rapports160 plus horizontaux entre les individus, désacralisant l’expert, me ant en doute la vérité qu’il dé ent.

L’enseignant n’a alors plus pour tâche d’administrer un savoir, comme le médecin prescrit un remède, mais de proposer un terrain propice à la mise en tension. Ce e mise en tension des sources, des opinions, des visions du monde doit perme re à l’étudiant d’acquérir des compétences pour faire le tri, pour analyser, pour comprendre, pour s’approprier un savoir. Il est intéressant de voir qu’en parallèle, on assiste à l’émergence de nombreux vulgarisateurs sur Internet qui font également ce travail. Toujours dans le même esprit, les projets d’encyclopédie par cipa ve comme Wikipedia proposent des services de cet ordre (confronta on des sources, redirec on vers d’autres contenus...).

Ce changement de paradigme intervient en parallèle d’une autre donnée importante: la crise environnementale.

Entre réchauffement clima que161, pollu ons de l’air162, de l’eau, des sols et ex nc on de masse163, nous sommes

160

On ne sous‐es mera pas pour autant les inégalités liées à la no on de capital culturel qui persistent à maintenir des rela ons de subordina on, malgré c e e i nflexion p lus “ horizontale” q ue n ous r elevons 161 “ L’espoir d e m aintenir l a h ausse d e l a t empérature m oyenne s ous l a b arre fa dique d es 2 ° C s ’éloigne d e p lus e n p lus.” h p://www.lemonde.fr/planete/ar cle/2017/05/09/tous‐les‐indicateurs‐du‐rechauffe ment‐clima que‐sont‐au‐rouge_5124694_3244.html 162

V ers u ne j ugement q ui f erait m odifier l a l égisla on?

h p://www.lemonde.fr/planete/ar cle/2017/06/07/une‐vic me‐de‐la‐pollu on‐de‐l‐a ir‐a aque‐l‐etat_5139767_3244.html 163

“L’être humain est en train de provoquer ce que les experts appellent désormais "la 6ème ex nc on de masse", menaçant ainsi sa propre survie.” h p://www.atlan co.fr/decryptage/pourquoi‐espece‐humaine‐pourrait‐eteindre‐bien‐ plus‐tot‐que‐pensons‐miriam‐gablier‐2626681.html

177

confrontés à la dispari on poten elle de notre espèce164. Ce e angoisse existen elle de la mort de la civilisa on humaine contribue à créer une situa on de besoin viscéral d’alterna ve.

Qu’il s’agisse là des derniers soubresauts d’une espèce qui se débat pour empêcher une noyade inévitable (pessimisme) ou bien de la clé pour un salut (op misme), le développement des alterna ves semble chevillé au corps social, qui e à faire sécession165.

“Ce qui est vraiment dans l'essence de la bonne réponse, même s'il y a pas de bonne réponse, en tout cas une réponse per nente, c'est ce que tout le monde a réussi à trouver”166

Les alterna ves comme projets de société trouvent ici une bonne jus fica on : la mul plica on des alterna ves agirait de façon analogue à la diversité des espèces. Au plus une popula on fait coexister des traits différents, au plus elle augmente sa résilience, sa capacité à s’adapter aux modifica ons de son milieu. Ainsi, en diversifiant au maximum nos modes de vie, en perme ant les pas de côté, nous aurions la possibilité de faire émerger des futurs à la fois désirables et soutenables.

164

En science‐fic on contemporaine, le film Interstellar de Christopher Nolan dépeint un monde mourant, sans plus aucune faune autre que l’Homme, avec u ne fl ore d épérissante ( et s ans b iodiversité, c omment s e n ourrir?)

165 Lire cet ar cle ou bien les S02E01, S02E02, S02E03 du [REV] h ps://usbeketrica.com/ar cle/zadistes‐survivalistes‐libertariens‐la‐tenta o n‐secessionniste 166 E ntre en a vec E owyn, d iplômée ( AACC) e n 2 015

178

Ici la rupture consommée avec le circuit conven onnel, avec la société, n’est pas forcément le fruit de ceux qui ont la volonté d’explorer ces alterna ves, mais plutôt le produit d’une coerci on que la société exerce dans le but de maintenir son homogénéité. La survalorisa on de la théma que de l’iden té (qu’elle soit na onale, culturelle, ethnique ou religieuse) est ici caractéris que d’une société inquiète pour sa cohésion dans une époque caractérisée par la fin des grands récits et des grandes idéologies167. L’alterna ve se retrouve alors marginalisée, pointée du doigt168, réprimée.

167

Jean‐François Lyotard, la condi on postmoderne: rapport sur le savoir , Edi ons d e m inuit, 1 975 168 Exemple du “ Djihadisme vert ” Xavier Beulin, président de la FNSEA en 2014

179

Photomontage, C ontribu on p ersonnelle, 2 016

180

Dans ce e logique de rapport cri que à la connaissance dont nous parlions plus haut, il nous semble per nent de reme re ici en ques on la « qualité architecturale ». Si souhaitable, il semblerait pour autant qu’aucune défini on consensuelle réellement précise n’existe à ce jour, ni même que l’on sache qui doit la promulguer.

« Si vieillesse pouvait, si jeunesse savait… »169

Dans une époque où la vieillesse peut de plus en plus longtemps, et la jeunesse n’a plus besoin d’avoir tout lu pour savoir, à qui doit‐on confier la produc on des espaces du présent ? Les pra ciens expérimentés sont‐ils plus à même de proposer des alterna ves fer les que les jeunes pousses ? Face à l’émergence rapide de nouveaux ou ls et à l’évolu on d’une société, l’expérience acquise hier prévaut‐elle devant les capacités d’adapta on ?

La solu on réside probablement dans un entre‐deux, et l’on peut penser que l’expérience amène des choses que la jeunesse ne pourrait faire émerger, et inversement. Le cas de l’école d’architecture, comme tout lieu de transmission, est éminemment intéressant à cet égard. Sans doute que ce e quête de légi mité doit demeurer sans réponse, poussant ceux qui la poursuivent sur les chemins de l’exigence et du ques onnement cri que.

169

pe t proverbe des familles

181

L’alterna ve de l’école n’est pas l’alterna ve professionnelle

On peut faire le constat ici d’un écart grandissant entre ce qu’enseigne l’école et les compétences nécessaires à l’exercice de la profession. De façon logique, ce e différence se retrouve sur le terrain des alterna ves.

L’école cons tue un très bon terreau pour certaines alterna ves. La ques on des ou ls notamment est ici intéressante, les écoles perme ant une plus grande la tude à ce sujet. Au demeurant, même si tous les ou ls employés dans le cadre du PFE ne sont pas manifestes, ils perme ent souvent l’appari on de nouveaux champs d’expérimenta on. Dans le cadre de l’école, ces ou ls n’apparaissent pas comme alterna fs dans le sens où les étudiants ‐ majoritairement de la même généra on ‐ les u lisent tous, conduisant à une forme d’homogénéité. Si des varia ons existent entre les individus, on peut considérer que la même sensibilisa on aux mêmes ou ls est réalisée.

182

« Ce qui est marrant c'est que toi comme moi, on arrive à une époque où, au niveau de l'enseignement, la 3D est au centre. Tu ne fais plus un projet en plan, tu montes des volumes. Voilà c’est l’époque de Zaha Hadid et compagnie quoi... Et justement quand tu bosses avec quelqu'un qui a étudié il y a trente ans en arrière, il ne voit pas de tout les choses de la même façon. Du coup quand tu ponds des projets dans une agence comme ça, c'est pas du tout le même type de projets. »170

En revanche, une fois sor s de l’école, ces ou ls se révèlent cons tuer une alterna ve généra onnelle dans le monde professionnel. Les jeunes diplômés, formés avec des ou ls que leurs aînés ont appris sur le tard ou pas du tout, apportent donc avec eux des nouvelles compétences et perme ent de fait d’explorer de nouveaux processus de concep on171. Volontairement ou non, ils contribuent à faire évoluer les pra ques d’une agence.

170 171

E ntre en a vec H aldir, d iplômé ( SPAA) e n 2 014 L ’ou l c ontribue à f açonner d e n ouveaux p rocessus, i l e st r arement

neutre. S e r apporter à l a S 06E01_Etudiant.e.s h p://saint‐epondyle.net/blog/societe‐technocri que/transhumanisme‐neut ralite

183

« Tous les nouveaux ou ls vont forcément impacter la profession et j'essaie de les maîtriser au mieux parce que je veux avoir quelque chose à apporter en arrivant dans une agence, je veux pouvoir proposer une "plus‐value" et pourquoi pas faire évoluer les pra ques de l'agence.[...] Dans tous les cas je ne veux pas arriver et dire "Bonjour, je suis diplômée et je cherche du travail, comme 100 autres collègues de ma promo, vous me prenez en CDI ?" [...] J'ai besoin de pouvoir apporter quelque chose là où je travaille pour m'inves r à fond, proposer des choses et ne pas rester "qu'un pion" qui change la porte de place parce que le boss la veut 5cm plus loin. »172

« Je ferai pas les plans d'après Microso pour Bouygues. J'ai un boulot à faire entre les deux. Donc je démonte l'ou l microso et je démonte la commande Bouygues pour une forme de défense (Illitch dirait défense), agressivité moi je dirais plus par rapport à Freud ou la pulsion d'envie de désir et de renouvellement généra onnel, Y. C'est à dire virer les vieux, prendre leurs places et moi dialoguer avec Microso et Bouygues même si j'ai que 30 ans et virer les vieux. Parce qu'ils m'emploient dans leur agence pour u liser des ou ls qu'ils ne savent pas u liser, ils m'emploient pour u liser mon goût sociétal et généra onnel qu'ils n'ont plus et qu'ils ne perçoivent plus donc pourquoi je bosserai pour eux, donc je les vire, je prends leur place. »173

172

Réponse faite par une étudiante du DEM ALT à la ques on “Qu’est‐ce qui cons tue, s elon t oi, t a s ingularité ? ” 173 E ntre en a vec K it F isto, e nseignant, a rchitecte p ra cien e t c hercheur.

184

I l ne faut cependant pas généraliser trop rapidement dans la mesure où de nombreux ou ls sont encore difficilement intégrés à la forma on des architectes lyonnais.

On pense ici notamment à la ques on du par cipa f, du BIM, qui s’imposent dans le cadre légal avant que l’école ne soit capable d’y former les jeunes futurs pra ciens. Ainsi, du point de vue de l’école et sur la période étudiée, dans l’état de l’encadrement et des orienta ons des DEM, revendiquer une démarche par cipa ve était hautement alterna f quand bien même la ques on devenait “ mainstream ” dans le monde professionnel.

En constatant les écarts qu’il peut exister entre l’école et la vie professionnelle, la réac on légi me serait d’a endre de l’ins tu on qu’elle s’adapte, qu’elle s’efforce d’impliquer davantage les pra ciens de l’architecture au sein des forma ons. Le modèle dont il conviendrait alors de s’inspirer ici pourrait être celui les écoles d’ingénieurs qui ont un su sser un lien important avec les entreprises. On pourrait presque dire qu’une école d’ingénieur tend à former les étudiants à des postes précis au sein de grandes structures. Dans une certaine mesure, c’est déjà le cas dans les ENSA : les liens entre les écoles d’architecture et le monde professionnel existent. Il faut noter néanmoins que le ssu entrepreneurial des architectes est beaucoup plus fragmenté et diffus que ne peut l’être celui des ingénieurs. Bon nombre des enseignants sont pra ciens en parallèle de leur ac vité à l’école.

« C’est aux étudiants de discuter la norme, le projet doit discuter la norme, ne pas y être soumis. Il y a toujours des marges d’interpréta on. Le projet doit montrer comment faire avancer ces ques ons. »174 174

E ntre en a vec K i‐Adi‐Mundi, e nseignant, a rchitecte e t c hercheur.

185

Le ques onnement de la norme et du programme sont une des clés pour comprendre ce à quoi les étudiants sont préparés par l’école d’architecture. Il est intéressant de constater à cet égard que ces mécanismes de recherche d’alterna ves sont très similaires de ce qui, dans d’autres contextes, pourrait être appelé “innova on”. L’innova on est une forme d’alterna ve dans la mesure où elle se comprend comme une améliora on d’un existant. Il s’agit de proposer des façons nouvelles de traiter un problème, de ques onner les processus de produc on de l’architecture et les techniques construc ves qui en découlent (modularité, réemploi, etc…).

L’école se comprendrait ici comme une alterna ve essen elle à l’appren ssage et au développement des compétences, comme une mise à distance nécessaire de certaines réalités de la vie professionnelle. Il y a une ambiguïté qu’on pourrait résumer par la formule “ suis‐moi, je te fuis/ fuis‐moi, je te suis ” entre l’école et le monde professionnel

« C'est très complexe parce que forcément, la forma on même des architectes [...] C'est une ques on cri que. Et c'est le fait même de la posi on cri que qu'on demande aux étudiants et ce qui va spécifier les écoles d'architecture : une appréhension d'un processus créa f en situa on. Pour moi c'est ça. [...] C'est ce qu'on enseigne globalement dans les écoles d'architecture, parce que ce ne sont pas des écoles que techniques. »175

La tâche des enseignants consiste donc à faire émerger des postures cri ques chez les étudiants. C’est‐à‐dire que les enseignants ont à coeur de former des étudiants à une forme 175

E ntre en a vec P lo K oon, e nseignant, a rchitecte p ra cien.

186

de différencia on, de les former à revendiquer une singularité lorsqu’ils seront diplômés.

Les enseignants auraient finalement pour objec f de préparer l’alterna ve professionnelle de demain en formant les étudiants d’aujourd’hui. Ce e vision de l’alterna ve future n’est bien entendu pas neutre, et on peut penser sans trop se tromper que les enseignants orientent leurs contenus dans la direc on des alterna ves qui les intéressent personnellement, qui leur semblent davantage per nentes et pérennes. Si ce e alterna ve ne passe pas nécessairement par la remise en ques on du mé er d’architecte176, il semble inévitable qu’à un moment ou un autre, elle s’intéresse à la ques on des processus.

Ici, une évolu on du travail de PFE semble à noter. Les DEM proposés dans le programme pédagogique qui s’amorcent ce e année semblent avoir augmenté la liberté qu’ils donnent aux étudiants notamment en terme de programme et de site, ce qui n’était pas le cas par le passé. Il est important de savoir si ces choix stratégiques conduiront au développement d’alterna ves professionnelles. Les étudiants aujourd’hui engagés dans ces réflexions seront‐ils architectes ou inventeront‐ils de nouvelles professions, profilant un réel devenir alterna f post‐diplôme ?

176

E xcep on f aite d u D EM A LT c e e a nnée.

187

L’alterna ve comme stratégie de différencia on

Le PFE se comprend comme une fic on qui tendrait à devenir de plus en plus personnelle. Plus la liberté de l’étudiant est grande, plus il pourra injecter dans son projet ses ques onnements singuliers. Ce faisant, le PFE est situé, caractérisé comme un travail perme ant le développement d’un projet de vie et/ou de société comme posture architecturale singulière.

« Mon PFE ne représente pas le projet, il est le projet. Laissé au bon vouloir de tous, il évoluera perpétuellement, de manière anarchique. »177

Ques onner l’étudiant sur ce qu’il fait et comment il le fait pose l’alterna ve comme résolument processuelle et poli que. A cet égard, l’enseignement doit se comprendre comme un lieu de mise en tension comme nous le disions plus avant. C’est‐à‐dire qu’il doit perme re à l’étudiant de se confronter à d’autres démarches face auxquelles il peut se construire, cri quer sa produc on et faire évoluer sa posture de (futur?) concepteur.

177

Extrait du dépôt provisoire de PFE de M.Gamgie “ Il nous faut plus de drogues ” ( DEM A LT)

188

Plus largement, l’alterna ve se comprend comme un moyen de prendre en compte et de se confronter à l’altérité.

Plutôt que le rejet ou le mimé sme, l’alterna ve se propose comme une rela on cri que à un existant. Ni acceptée en bloc, ni refusée sans ménagement, la réalité (scolaire ou professionnelle) est prise avec des pince es. Analyser, comprendre, infléchir, subver r, intégrer, négocier, changer de perspec ve et altérer cons tuent alors une ébauche de champ lexical pour l’alterna ve.

On pourrait arguer que ce e ébauche de défini on de l’alterna ve peut sembler très individualiste. Il n’en est rien.

L’alterna ve nécessite une dimension collec ve. Si elle nécessite fondamentalement en premier lieu une altérité pour se définir, l’alterna ve a besoin d’être portée à une échelle collec ve.

« Une hétérogenèse, c'est‐à‐dire un processus de resingularisa on. Les individus doivent devenir à la fois solidaires et de plus en plus différents. » 178

A l’échelle de l’individu, l’alterna ve se révèle se résumer à l’iden té, à la différence biographique. Elle va de soi car il est on ne peut plus logique que notre individua on biologique nous rende singulier. L’échelle collec ve de l’alterna ve est un moyen pour construire l’autonomisa on de l’individu. Par la confronta on, la varia on et la cri que, l’alterna ve est un chemin de traverse ouvert pour que d’autres puissent s’y engouffrer, c’est‐à‐dire “ non pas s’adresser à un peuple supposé, déjà là, mais contribuer à l’inven on d’un

178

F elix G ua ari, L es T rois É cologies , G alilée 1 979

189

peuple ”179. Qu’elle propose une méthode, des processus, un mode de vie, une utopie ou une philosophie, l’alterna ve a pour dessein d’influencer la société, de devenir le nouveau standard. L’alterna ve se veut fédératrice.

« Donc le bon sens , le ça va sans dire , le on fait tous la même chose , est quelque chose d'éminemment contestable. Donc alterna f, je crois, c'est contester ce bon sens, et le ça va sans dire. »180

L’alterna ve est revendica ve. Elle a la volonté d’exister dans la société, de l’influencer, de l’amener vers elle ou de se rapprocher d’elle. Il s’agit pour elle de ne pas être renvoyée à la marginalité, de ne pas être pensée dans un circuit parallèle en sécession avec le circuit principal. Elle se pense comme relevant d’un bon sens, comme étant bien fondée et “meilleure” que la société qu’elle entend transformer/remplacer. L’alterna ve à l’échelle de la société se comprend comme étant cyclique, les académismes d’aujourd’hui étant les avant‐gardes d’hier.

Gageons ainsi que l’alterna ve contemporaine sera sans doute la norme de demain, dont il faudra à nouveau ques onner les limites que le temps a su lui poser, avec la même férocité qu'elle a pu le faire à son fondement.

179

Gilles Deleuze Le peuple qui manque , in. L'Image‐Temps , édi ons de minuit, 1 985 180 E ntre en a vec K it F isto, e nseignant, a rchitecte p ra cien e t c hercheur.

190

Juste une dernière chose…

A cet égard il nous paraissait intéressant de revenir sur l’écologie à travers l'ambiguïté qu’elle draine tout au long de ce e étude, prise entre deux pôles. D’une part elle est devenue par e prenante de la norme (souvent sous l’appella on “développement durable”) mais elle con nue toutefois d’être résolument une alterna ve, notamment lorsqu’elle mute en mésologie.

Si par le passé un DEM (ADD puis AACC) portait explicitement la ques on de l’écologie, ce n’est plus réellement le cas aujourd’hui181. La ques on écologique est à considérer comme étant devenue transversale à tous les DEM : des alterna ves mésologiques se retrouvent ainsi répar es dans chacun d’eux.

Il convient enfin de nuancer ce basculement dans la norme. Si l’écologie profonde est aujourd’hui encore un vecteur de l’alterna vité en architecture, c’est notamment parce que les efforts pour l’ériger en “cause d'intérêt général” sont encore mides au niveau sociétal. Au delà des quelques climato‐scep ques qui a endront d’avoir de l’eau jusqu’au 181

le DEM AACC devenu DEM ATEC2 ne compte que 4 étudiants sur les quelques 1 30 i nscrits e n P FE.

191

niveau du nez pour ne plus pouvoir adme re leur bê se passée, les mesures légales demeurent insuffisantes. Il serait d’ailleurs plus juste de parler aujourd’hui de climato‐néga onnisme dans la mesure où la responsabilité humaine du réchauffement clima que fait l’objet depuis déjà quelque temps d’un consensus scien fique et donc d’une réalité historique.

Ainsi, ce e branche de l’alterna ve semble cristalliser chacun des enjeux définis plus généralement à travers ce e étude. Impactant nos processus de concep on, l’approche mésologique nécessite en effet de ne jamais s’exclure de l’environnement dans lequel l’on construit, de toujours veiller à l’équilibre d’un biotope anthropisé.

Ancrée dans une époque géologique dont le nom témoigne de ce constat (l’anthropocène), elle rappelle que l’alterna ve est toujours solidement arrimée aux combats de

192

son époque, toujours sur la ligne de crête entre marginalité et normalisa on. C’est d’ailleurs pour ce e raison qu’elle est revendiquée, pour tenter de s’imposer en devenant la nouvelle norme, en proposant un projet de société qu’elle imagine meilleur.

Face à ceci, nous (étudiants) sommes confrontés à la dimension viscérale de notre avenir professionnel. Il s’agit alors de transformer notre faire d’école en un faire dans la vie professionnelle182. Mais comment faire?

« Plus extrême sera ton projet de société, plus grands seront les sacrifices » 183 (C’est le f aire prix à payer)

Finalement, nous ne sommes pas parvenus à résoudre le ques onnement viscéral du départ. Le PFE est‐il un point de non‐retour qui condi onnerait un devenir nécessairement alterna f ? Une limite au delà de laquelle la norme ne peut plus être remise en ques on? Mais peut être que nous occultons là une dimension importante. On l’a vu, l’alterna ve est un balancement, elle court le risque d’être marginalisée, oubliée, laissée à elle‐même ou récupérée184. L’alterna ve ne représente‐t‐elle pas plutôt une mise en tension permanente, quelque chose qui s’entre ent con nuellement?

L’alterna ve peut facilement passer pour une trahison de l’utopie. Par sa dynamique toujours en négocia on avec une norme qu’elle cherche à infléchir voire à devenir, l’alterna ve a les mains sales. Elle n’est que compromis, voire compromission

182

O u a lors n ous fi nirons c omme c hercheurs ( qui c réent d e l a d e e) E ntre en a vec F aramir, d iplômé ( V TP ) e n 2 010 184 coucou l’écologie 183

193

pour l’esprit révolu onnaire, mais elle est agissante et revendicatrice.

On peut se demander finalement si c’est à l’école de salir les mains de l’alterna ve de manière à lui perme re de s’intégrer moins naïvement dans le monde professionnel.

Retour cri que

Nous l’avons peut être trop souvent rappelé, mais les condi ons temporelles de ce e étude ont été très contraintes.

Par conséquent, les analyses entreprises manque à la fois de rigueur et surtout de lectures théoriques, de références venant éclairer nos développements. On es me aujourd’hui avoir réellement passé cinq semaines en cumulé sur ce e étude : deux consacrées à définir notre objet de recherche et à probléma ser la chose. Deux autres à remplir nos besaces d’éléments de corpus. Et enfin la dernière pour analyser et rédiger notre travail. Ajoutons à ce calendrier serré quelques difficultés en terme d’organisa on de notre part, expliquant que nos analyses puissent parfois manquer de recul.

Malgré tout, nous sommes très sa sfaits de ce travail.

Nous y avons tous trois pris beaucoup de plaisir : celui de partager nos réflexions passionnées, celui d’apprendre à

194

rédiger collabora vement un tel roman en quelques jours185, celui de partager ce e expérience en somme, chose qui ne nous avait pas été donné lors de notre précédent exercice de mémoire.

Nous souhai ons expérimenter la recherche à plusieurs et nous n’avons pas été déçus. Les phases de matura on étaient d’une part plus riches et plus rapides186, mais également plus complexes puisqu’il fallait s’assurer régulièrement que nous tenions un cap, que ce que nous voyons alors se profiler devant nous restait rela vement homogène. L’analyse croisée et la conclusion se sont avérées complexes dans la mesure où il nous a été difficile de faire simultanément la mise en commun et la produc on finale187.

Rappelons enfin une cita on de Bourdieu qui nous hante désormais :

« La difficulté qu'il y a à communiquer les produits de la recherche sociologique. Il faut se situer constamment entre deux rôles : d'une part celui de rabat‐joie et, d'autre part, celui de complice de l'utopie. »188

185

Le document qui con nue de se remplir même quand tu arrêtes d’écrire, la possibilité de se relire les uns les autres rapidement, de commenter et de faire é voluer c ollec vement n otre p roduc on.

186 N otre o uverture à c et a ltérité é tant c orrectement r églée v isiblement.

187 l e t out à l a l imite d e l ’urgence.

188 Pierre BOURDIEU, Ce que parler veut dire, Interven on au congrès de l’AFEF, L imoges, 3 0 o ctobre 1 977.

195

Malgré notre effort à objec ver nos analyses pour les aborder de la manière la plus scien fique qui soit, force est de constater que nous nous sommes plus rendus “complices de l’utopie” que rabat‐joie. Voilà sans doute une conséquence de notre ambivalence dans ce e étude, à la fois chercheurs et par s‐pris dans l’objet d’étude189.

Forcément, la ques on que nous nous posions ini alement (Qu’allons nous devenir ?) a quelque peu évoluée, au fil des recherches, des analyses et des phases d’écriture.

Aujourd’hui, taquins, la ques on est plus de savoir quels vieux cons deviendrons‐nous, au regard de notre ouverture sur les processus alterna fs ? A quoi s’a achera notre conserva sme ?

189

B ien q ue n ous n ous s oyons é videmment e xclus d es p opula ons a nalysées

196

Remerciements

Nous tenons d’abord à remercier nos Directeurs d’Étude de Mémoire qui nous aurons pa emment soutenu durant ce e courte étude : Eglan ne Bigot‐Doll, Boris Roueff et Corine Védrine.

Nous remercions également toutes les personnes qui nous ont donné un peu de leur temps en ce e fin d’année chargée : Olivier Balaÿ, Gilles Desèvedavy, Hervé Lequay, François Tran, Christophe Boyadjian, Boris Roueff, Jean‐Loup Castaigne, Yza Hunsinger, Laurent Bou n‐Neveu, Geïlon Cannarozzi, Camille de Gaulmyn, Jonathan de Bona, Livia Delaporte, Sydney Collin, Pauline Bruvier‐Hamm, Alexis Giber , Laura Michal, Valen n Rose, Jean‐Bap ste Co e, Julien Marie, Grégoire Rossignol, Hélène Coussedière, Léa Miton, Yanis Neuburger, Stéphane Majewski, Yuan Mei Kan, Houzali Mdallah, Pierre‐Emmanuel Letournel, Frédérique Lezais, Isis Desmaison, Guillaume Dumont‐Malet, Gaëtan Clochey, Brice Franquesa, Diego Guerry, Julie Escoffier, Anne‐Laure Garry, Céline Vaillant, Victoire Coizy, Mélissa Coelho, Clémence Poissonnier, Fanny Peuble, Pierre Arsac, Solène Rivière‐Le‐Tilly, Anaïs Lecerf, Victor Didier, Blandine Fournier, Adrien Marrocq, Adrian Polo …..

Merci Patron Merci Gérard

197

Annexes

198

Index

AACC

DEM 2011/2016 ‐ Architecture, Ambiance et Culture Construc ve

ADD

DEM 200?/2011 ‐

AHD

DEM 2016/2020 ‐ Architecture, Héritage et Durabilité

ALT

DEM 2016/2020 ‐ Architecture, Stratégie et Pra que Émergente

APPI

Architecture Pra ques et Processus de l’Innova on

ATEC

DEM 2016/2020 ‐ Architecture et Transi on Éco‐Construc ve

AVP

DEM 2011/2016 ‐ Architecture, Ville et Territoires

BFME

Ba le For the Middle Earth

DE

Directeur d’Étude

DEM

Domaine d’Étude de Master

ENSA

École Na onale Supérieure d’Architecture

ENSAL

École Na onale Supérieure d’Architecture de Lyon

199

ERP

Établissement Recevant du Public

FPC

Forma on Professionnelle Con nue

HMONP Habilita on à la Maîtrise d’Œuvre en Nom Propre

MEM

Mémoire

MR

Men on Recherche

PFE

Projet de Fin d’Étude

SPA

DEM 200?/2011 ‐ Stratégie et Pra ques Avancées

SPAA

DEM 2011/2016 ‐ Stratégie et Pra ques Architecturales Avancées

VTP

DEM 200?/2011 ‐ Ville, Territoire et Paysage

200

Références

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Ar cle “Zadistes, survivalistes, libertariens : la tenta on sécessionniste” publié s ur l e b log U sbek & R ica.

Un jeu vidéo peut‐il être réaliste ? épisode de la chaîne Game Next Door le 30 mai 2 017 ( consulté l e 8 j uin 2 017) → h ps://www.youtube.com/watch?v=JThhWrcUSgA

J uhani P ALLASMAA, L e r egard d es s ens , é di ons d u L inteau, P aris, 2 010

Théo PADOVANI, Représenter le projet architectural à l’ère numérique , mémoire e n a rchitecture s ous l a d irec on d ’Eglan ne B igot‐Doll, E NSAL 2 017

Hugo PARIS, Enseigner la concep on, mémoire en architecture sous la direc on d e B oris R oueff, E NSAL 2 017

Jules CADIERGUE, La jeune généra on d’architectes, mémoire en architecture sous l a d irec on d e C orine V edrine, E NSAL 2 017

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P atrick B OUCHAIN, C onstruire A utrement , A ctes S ud, 2 006

Renzo P IANO, L a d ésobéissance d e l ’architecte, A rléa 2 009

Collec f d ’Architectes D ossier d e M argaux D arrieus, A MC A vril 2 014

201

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Le S eigneur d es a nneaux : L es D eux t ours , P .Jackson, 2 002

Olivier R EVOL, 2 013, J ’ai u n a do... m ais j e m e s oigne , J CLa ès

Gotlib, Rubrique‐à‐brac : L ’intégrale , D argaud.

202

Conclusion Alterna ve

Une chose est sûre certains étudiants aiment la recherche.

Ils ne sont pas encore très rigoureux, mais leur goût pour l’inves ga on et la compréhension du monde qui les entoure n’a de cesse de croître.

Leur dévouement passait parfois par une ac vité cérébrale nocturne des plus ina endue.

« J'ai rêvé qu'il y avait un DEM caché à l'ENSAL qui faisait de l'écoconstruc on autogéré dans la forêt. On avait une sorte de grand manitou qui négociait avec Mezureux pour qu'on ait des projets pour les jeunes. Ce e dernière se faisait rabrouer, parce qu’elle n’avait pas laissé le projet de l'hôtel de ville à un des étudiants de ce DEM » r aconte l’un d’entre eux.

Et puis un autre d’ajouter: « Moi j'ai rêvé que je faisais un débrief avec Vedrine. Et elle me disait "oh et vous auriez dû leur demander comment ils se sen raient si l'école avait été détruite, ça aurait été super intéressant” »

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« G imli (à contrecœur) : Lancez‐moi.

Aragorn : Pardon ?

Gimli : Je ne peux pas sauter aussi loin alors lancez‐moi... mais ne le dites pas à l'Elfe.

Aragorn : Pas un mot. »

« Tu te souviens bien en S3 quand moi je vous disais le ma n « et vous arrêtez bien à 6h, vous allez au cinéma, c'est important pour faire un projet » et que deux heures après, Peguy disait « bah pour la semaine prochaine il va falloir me re un coup, pour faire une belle maque e » . C'était incohérent. Mais c'est pas grave, de toute façon la vie est pas très cohérente. »

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« L es dernières pages sont pour toi, Sam. »

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A q uoi c orrespondent l es r evendica ons a lterna ves à l’ENSAL e t à q uels d evenirs p ost‐diplôme p euvent‐elles abou r ?

Ce travail de recherche ambi onne d'effectuer une étude ethnographique des pra ques alterna ves en architecture. Ce e humble introspec on méthodologique vise à esquisser une ou plusieurs défini ons de l'alterna ve appliquée aux champs de l'architecture et de sa forma on. Nous cherchons également à comprendre le devenir post‐diplôme de ces postures alterna ves portées par les étudiants, en s'inscrivant dans la théma que Face‐à‐face (enseignants et prospec ve Vs étudiants et futurs pra ciens) proposée par le Master ALT à la Biennale d'Architecture de Lyon. La durée de ce e recherche étant assez courte, l'objec f de ce travail de groupe est de croiser des études sur les différents publics concernés : étudiants de master 2, jeunes diplômés et enseignants.

Ce e méthode nous permet de couvrir un temps rela vement long et de confronter différents corpus.

What d o a lterna ve s tudent c laims a t t he E NSAL m ean and w hat p ost‐gradua on c arreers c an b e r elated t o ?

This research work aims to conduct an ethnographic study of alterna ve prac ces in architecture. This humble methodological introspec on tries to sketch one or more defini ons of the alterna ve applied to the fields of architecture and its educa on. We also seek to understand the post‐graduate development of these alterna ve postures by students, by taking part in the Face‐to‐Face (Teachers and Prospec ve Vs Students and Future Architects) offered by the Master ALT at the Lyon Biennale of Architecture. As the dura on of this research is rather short, the objec ve of this group work is to cross‐examine studies on the different publics concerned: students of master 2, young graduates and teachers. This method allows us to cover a rela vely long me and to confront different corpus.

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