La jeune génération d'architectes

ENSAL 2017

Jules Cadiergue

La jeune génération d’architectes Y a-t-il une génération Y d’architectes et comment fait-elle face à la crise de la profession ?

Sous la direction de Corine Védrine et Ana Bela de Araujo

Mémoire de Master

La jeune génération d’architectes Y a-t-il une génération Y d’architectes et comment fait-elle face à la crise de la profession ?

Jules Cadiergue Sous la direction de Corine Védrine et Ana Bela de Araujo

Jules Cadiergue

Né en mars 1994 Étudiant en Master 2 à l’ENSA de Lyon

Mémoire de Master

Rendu en janvier 2017 sous la direction d’Ana Bela de Araujo puis de Corine Vedrine

Préambule Le 17 décembre 2013, Olivier Revol donne une conférence sur les nouvelles générations d’étudiants à l’école d’architecture de Lyon. En sa qualité de pédopsychiatre et neuropsychiatre, il témoigne avoir eu affaire ces quinze dernières années à la fameuse génération Y. Ayant désormais quitté l’adolescence, les Y sont aujourd’hui étudiants et jeunes adultes, d’où l’intérêt de venir présenter leurs spécificités dans un établissement de l’enseignement supérieur. Ce soir- là, j’ai compris beaucoup de choses. Sur moi, sur mes camarades, mes parents, mes enseignants, nos façons de communiquer, de travailler, de voir, de faire, d’être. J’ai commencé à me poser de nouvelles questions.

Aujourd’hui, la fin des études approche. Après le diplôme, on parle de crise, de chômage. D’ailleurs on parle de crise et de chômage partout en Europe depuis plus de 15 ans. De notre salle de cours, le monde du travail semble de plus en plus inhospitalier et si nos parents s’inquiètent de notre insertion professionnelle depuis bien longtemps, 7

ils ne sont maintenant plus les seuls.

On se rend bien compte qu’on ne vit pas si mal, mais la société semble se dégrader d’années en années et on n’est plus aussi sûrs de croire à la croissance salvatrice.

De plus en plus de gens s’accordent à dire que notre civilisation arrive à terme, et que nous, les jeunes, allons tout réinventer.

Je vois nos institutions luire d’un éclat semblable à celui des constellations dont les astronomes nous apprennent qu’elles sont mortes depuis longtemps déjà.

Michel SERRES, Petite Poucette, 2012, p22.

Mais qui sommes-nous ? Que faisons-nous après avoir passé vingt ans sur les bancs de l’école ? Que faisons-nous de nos compétences ? De nos envies ?

Sommes-nous différents ? Michel Serres en semble convaincu : «Il ou elle n’a plus le même corps, la même espérance de vie, ne communique plus de la même façon, ne perçoit plus le même monde, ne vit plus dans la même nature, n’habite plus le même espace.»1.

Sommes-nous une génération ? Bourdieu nous explique dès 1978 que «les jeunes se définissent comme ayant de l’avenir, comme définissant l’avenir»2 mais il dit également que «le fait de parler des jeunes 1. Michel SERRES, Petite Poucette, Le Pommier, 2012, p13.

2. Pierre BOURDIEU, «La Jeunesse n’est qu’un mot», Les jeunes et le

premier emploi, Association des Âges, 1978.

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comme d’une unité sociale, d’un groupe constitué, doté d’intérêts communs, [...] constitue déjà une manipulation évidente.»2

Au printemps 2016, la France a vu à son tour sa jeunesse s’indigner. Les Nuits Debout s’organisent un peu partout, mouvement citoyen pluriel et éphémère d’un genre nouveau, sans leader ni hiérarchie, faisant écho au mouvement des places espagnoles, à Occupy Wall Street et même au printemps arabe. Les doléances étaient nombreuses et variées, mais ont vu le jour à l’occasion de l’opposition «à la loi El Khomri et à son monde». En France, c’est la question du travail, du salariat qui a allumé la mèche. Les crises du XXIème siècle sont mondiales, structurelles, et il semble de plus en plus difficile d’en sortir.

Tandis que le ‘‘printemps 68’’ se déroule dans une société capitaliste d’abondance et de plein emploi, les ‘‘printemps’’ actuels se développent sur un terreau de crise mondiale : crise financière, crise du travail, crise du politique, ce qui explique les convergences entre ces multiples mouvements de révolte et d’indignation observés partout sur la planète, inités et portés par la jeunesse.

Michel FIZE, Jeunesse à l’abandon, Editions mimésis, 2016, p109.

Et les architectes dans tout cela ? «Les architectes ne s’expriment pratiquement jamais quand vous avez un 9

fait de société.»1 On ne peut pourtant nier qu’ils sont au cœur de ces enjeux, des nouvelles organisations du travail, des marchés économiques ou encore du devenir de la société qu’ils participent activement à dessiner. La profession semble elle-même en pleine crise identitaire.

Alors que font les jeunes diplômés une fois lancés dans la quête de l’insertion professionnelle ?

1. Nicolas MICHELIN, Argent Logement Autrement, 25 février 2015, Conférence à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon.

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Modes de vie, mode d’emploi

Comment se porte l’architecture en France ? animé par Matthieu Garrigou-Lagrange, avec Jérôme-Olivier Delb, Philippe Trétiack et Odile Decq, diffusée le 27 avril 2015 sur France Culture, 59mn.

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«

M. Garrigou-Lagrange [...] Vous n’êtes pas sans savoir que le pays traverse une grave crise comme le reste du monde. Et l’architecture, vraisemblablement, est également impactée, des agences disparaissent, le nombre d’architecte est en chute, 42% d’entre eux gagnent moins de 20 000€ par an. Je ne sais pas si le public est au courant du fait que la plupart des architectes vivent assez mal. [...]

Jérôme-Olivier Delb Ah oui, c’est clairement la crise, pour les architectes. Il y a des dizaines d’agences qui ont fermé, il y a des centaines de jeunes qui sortent des écoles et qui se retrouvent au chômage et qui ne peuvent pas passer la mise en situation professionnelle après le diplôme, qui ne trouvent pas de stage parce qu’il n’y a pas de travail. [...]

Odile Deck Je ne perds pas espoir. Je pense qu’aujourd’hui, le contexte a changé, la façon de construire a changé, le monde a changé, les architectes aussi, et les jeunes

qui sortent des écoles vont devoir réinventer leur métier. C’est-à-dire qu’ils ne vont pas forcément être architectes comme on était architecte auparavant. Et c’est ça qui est intéressant parce que ça veut dire qu’on est dans une période de redécouverte de ce que c’est qu’être architecte. [...]

» 13

Mes chers contemporains

Les jeunes (la génération Y) Chronique vidéo d’Usul, 25mn13. publiée sur Youtube le 29 mai 2015.

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«

On a beau les recadrer ils ne veulent pas être dociles et si on leur met trop la pression ils se barrent et c’est un vrai problème pour les managers. Ces jeuneslà savent que leur situation est précaire, du coup ils veulent tout, tout de suite et n’ont pas envie de se faire marcher sur les pieds. [...]

Du coup on va mettre de côté l’idéologie et aller direct au concret, le réel comme dirait l’autre. On vit dans un monde de merde [...] notre pays est anxiogène et nous offre que peu de perspectives d’avenir. [...]

La chute du mur [de Berlin] nous a laissé sans alternatives et tout ce que nous avons connu ce sont les crises et les affaires : [...] Cahuzac, Bettencourt, Karachi, Clearstream, Bygmalion, etc. Alors on ne nous la fait pas. [...] Il est de plus en plus difficile de nous vendre du rêve. [...]

Je suis persuadé que notre génération porte quelque chose, y compris dans sa culture, de vraiment nouveau. [...]

Notre génération est sacrément savante, un certain nombre de vieux stratagèmes des dominants ne fonctionnent déjà plus sur nous. [...]

»

La révolution est en marche et elle ne prendra surement pas la forme des révolutions précédentes [...]

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Sommaire Introduction.................................................................19 Un contexte global Une profession en crise La génération Y Problématique & méthodologie

I/ Définir la jeune génération d’architectes.............32 Définir la génération Y Un monde qui change Révolution numérique et culturelle Des crises qui durent Le contexte des architectes

II/ Comment s’insère-t-elle ?....................................61 La formation Une difficile insertion professionnelle Les stratégies pour faire sa place Une grande mobilité

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III/ Comment travaille-t-elle ?...................................79 Un état d’esprit Nouveaux outils, nouvelle culture La rupture d’un modèle

Conclusion....................................................................97 La jeune génération d’architectes Retour critique Ouverture

Remerciements.........................................................104 Références..................................................................106

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Introduction Un contexte global p20 Une profession en crise p22 La génération Y p26 Problématique & méthodologie p28

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Un contexte global Dérèglement climatique, appauvrissement de la biodiversité, hausse du taux de chômage, gaspillage énergétique, dérégulation de l’économie, marchandisation du monde, croissance des inégalités sociales et économiques, obsolescence programmée, pollution de l’air et de l’eau, raréfaction des ressources, endettement des états, etc. Notre civilisation peine à trouver un équilibre viable et s’enlise dans les crises.

Le monde du travail, notamment, a beaucoup évolué ces dernières années. On parle aujourd’hui de l’«ubérisation» comme «l’émergence d’un nouveau modèle économique qui éclipse progressivement le modèle traditionnel.»1 Le chômage s’installe et progresse en Europe ; les plus jeunes étant les plus durement touchés. Et pour ceux qui ont un emploi, la situation se dégrade également. Les phénomènes de Burn-out, Bore-out et autres Brown-out se développent.

La mécanisation du travail, tant attendue au siècle 1. L’Architecture d’Aujourd’hui, Septembre 2016, n°414. p.52

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précédent, n’aura finalement pas servi les travailleurs, mais bien permis aux inégalités d’exploser. On ne s’étonnera pas que ce soit précisément la question des conditions de travail qui a mobilisé de très nombreux français en 2016, à l’occasion du projet de loi El Khomri qui s’appliquait à suivre les directives européenne en matière d’économie.

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Une profession en crise Comme tout le monde, les architectes s’adaptent aux changements toujours plus rapides de notre environnement, et leurs pratiques évoluent sans cesse. La profession n’échappe pas pour autant aux crises financières ; les marchés du bâtiment témoignent aujourd’hui encore des lourdes retombées de la crise dite «des subprimes» de 2008. L’activité des architectes dépend directement de la demande, et des marchés de la construction publics et privés.

Les études de l’Observatoire de la profession du Conseil National de l’Ordre des Architectes font entrevoir l’état de détresse actuel. «Le revenu moyen retiré de l’activité d’architecte chute d’un tiers en euros courants, passant de 41139€ en 2007 à 28184€ en 2008.»1 Les marchés du bâtiment s’essoufflent, notamment le marché public. «La récession que nous traversons aujourd’hui n’a pas de précédent. […] La déprime actuelle relève d’une autre nature : elle est 1. Nicolas ROGUE, Enquête : La crise en chiffres, AMC Architecture, Le Moniteur, janvier 2010, n°193, p31.

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globale et synchrone. Issue des systèmes financier puis bancaire, elle s’est diffusée pour contaminer tous les secteurs de la production et du travail, touchant alors les domaines du B.T.P. et de l’architecture par effet domino.»2 peut-on lire en 2009 dans AMC. En effet, les niveaux de satisfaction et d’inquiétude des architectes mesurés par le C.N.O.A. en disent long sur l’état de fatigue et le pessimisme de la profession.3 Les données concernant les jeunes diplômés font principalement état des difficultés qu’ils ou elles rencontrent avec leurs premières embauches.

Au-delà des difficultés financières, l’activité des architectes en elle-même, on l’a dit, a beaucoup évolué. Leur travail, aujourd’hui, est assez différent de celui d’hier, et s’éloigne de plus en plus de celui des grandes figures du XXème siècle. La libéralisation de la profession est passée par là, avec le découpage du travail en différentes missions, la segmentation des marchés, la spécialisation des agences, la multiplication des acteurs du projet et la mise en compétition croissante.

Les architectes ont développé de nombreuses façons d’exercer, innovant sans cesse pour s’adapter tant bien que mal à la diversification des projets et aux besoins changeants de la société. Ils se sont ainsi forgé de multiples visages ; leurs savoirs propres sont parfois aussi divers que difficiles à identifier.

2. Nicolas ROGUE, Enquête : les agences face à la crise, AMC Architecture, Le moniteur, septembre 2009, n°190, p40.

3. François ROUANET, Archigraphie, chiffres et cartes de la profession

d’architecte, Ordre des architectes, 2015.

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Écartelés entre les valeurs du patrimoine et l’éclectisme de l’architecture contemporaine, confrontés aux échecs du mouvement moderne dans sa capacité à donner une image cohérente de la société post-industrielle, soumis aux aléas de la production et de la crise économique, les architectes s’efforcent de trouver une cohérence à leur devenir.

Guy TAPIE, Les architectes : mutation d’une profession, L’Harmattan, 2000, p16.

En pleine crise identitaire, les architectes français peinent alors à affirmer leur statut de principal maître d’œuvre. Plus que jamais leur environnement se transforme, ne serait-ce qu’avec l’essor des outils numériques, et ils doivent paradoxalement se diversifier, se spécialiser, devenir pluridisciplinaires et chaque jour plus rentables et performants. Le bilan dressé en l’an 2000 par le sociologue Guy Tapie (ci-dessus) semble avoir peu changé.

Il fait également remarquer que «la crise économique et l’augmentation du nombre d’architectes formés ont rendu plus incertaines et aléatoire l’insertion des jeunes architectes»1 mais que parallèlement on observe un phénomène de diversification des débouchés après le diplôme, qui offre des possibilités d’emploi nouvelles aux jeunes architectes. Bien qu’il ait 1. Guy TAPIE, Les architectes : mutation d’une profession, L’Harmattan, 2000, p205.

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écrit cela il y a vingt ans, ces évolutions semblent toujours d’actualité : crises économiques, massification des études, multiplication des débouchés. Au cours d’un débat sur l’état de la profession à l’antenne de France Culture en 2015, Odile Decq déclare que malgré les difficultés que rencontrent les architectes, elle garde espoir car les jeunes diplômés qui sortent des écoles sont en train de réinventer leur métier. Pour elle, il est clair que les jeunes qui arrivent sont porteurs de changement.2 Se pose donc clairement la question de savoir qui sont réellement ces jeunes architectes, et que font-ils de l’architecture en France ?

2. Matthieu GARRIGOU-LAGRANGE, Modes de vie, mode d’emploi « Comment se porte l’architecture en France ? », diffusée le 27 avril 2015, France Culture, 59mn.

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La génération Y On s’interroge donc sur le devenir des jeunes architectes, de la génération Y, puisque c’est bien d’eux qu’il s’agit quand on parle des jeunes diplômés qui sortent des écoles. La «génération Y» n’admet pas de définition précise et consensuelle, mais part d’un certain nombre de postulats. Elle désigne communément les 20-35 ans des pays occidentaux, n’ayant connu ni la menace d’apocalypse de la guerre froide, ni le monde sans le SIDA, nés dans une société individualiste d’hyperconsommation et d’hypersexualisation.1 L’écologie commençait à intéresser le grand public alors qu’ils étaient encore enfants, cette génération est donc consciente des bouleversements de son environnement et lucide quant aux mesures prises pour y faire face. Dépolitisée et exigeante, elle serait en rupture culturelle avec les générations précédentes, maîtrisant instinctivement les outils numériques, nourrie aux séries télévisées, aux jeux vidéo, aux réseaux sociaux, etc.

1. la génération Y par Adesias ! , Adesiasprod. Youtube, 06/02/12 [consultée le 20/12/16]. 2mn10.

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En résumé, il s’agit d’une génération ancrée dans son époque et traversée par toutes les interrogations de

la société.

Ce furent en premier lieu les médias et les managers que cette génération a interrogé, car son arrivée sur le marché du travail s’est accompagné de nombreuses remises en question. Il est pourtant assez délicat de définir une génération, les rapports entre comportements et appartenance générationnelle sont loin d’être consensuelles, car il est difficile de généraliser autant de caractéristiques à une population aussi large et diversifiée.

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Problématique & méthodologie Aucune étude de ce genre n’existe concernant les jeunes architectes d’aujourd’hui, mais «cette profession libérale représente dans un monde du travail aseptisé et rationalisé, principalement orienté vers l’efficacité, une alternative par l’engagement individuel voire vocationnel qu’elle présuppose.»1 Si l’on considère donc que cette profession est singulièrement liée à ses praticiens, elle évolue probablement selon des critères qui lui sont propres. Le processus de conception, qui n’est pas exclusif aux architectes, requiert en effet une implication personnelle importante. Si la génération Y témoigne d’un nouveau rapport au monde, il semble pertinent de construire une approche générationnelle de l’évolution des architectes. Aujourd’hui on se sait pas comment définir une génération Y d’architectes, ni ce qu’elle est capable d’apporter au sein d’une profession en crise. Or si l’on se pose la question du devenir de la profession, il est essentiel de comprendre les mécanismes 1. Guy TAPIE, Les architectes : mutation d’une profession, L’Harmattant, 2000, p.9

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de son renouvellement présent. Ce mémoire se propose donc de contribuer à y répondre à travers le champ de la sociologie.

Partons de l’hypothèse qu’il existe bien une génération Y d’architectes. La présente étude abordant une question large et relativement complexe, nous ne pourrons en traiter qu’une partie. D’autant que développer une étude prospective est souvent hasardeux, nous nous limiterons donc à l’étude des évolutions récentes. On cherchera à cerner cette génération et comprendre comment s’opère son insertion professionnelle, afin, à terme, de valider ou d’invalider l’hypothèse de son existence.

Dans un premier temps, nous définirons correctement la population étudiée, car l’approche par génération est loin d’être évidente. Nous pourrons alors lui attribuer un certain nombre de caractéristiques et d’enjeux. Pour ce faire, nous nous référerons principalement à des ouvrages récents cherchant à définir cette jeune génération. Cette étape nous permettra de délimiter la pertinence de nos résultats.

Ensuite, si la génération Y désigne bien les 20-35 ans, il s’agit essentiellement des promotions diplômées ces dernières années, aujourd’hui sur le marché du travail. C’est donc sur eux que nous nous concentrerons.

Par souci de praticité, l’étude se limitera à de jeunes architectes diplomés en provenance de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon. L’enjeu est de discuter de leurs caractéristiques, leurs parcours, leurs activités 29

professionnelles, leurs points de vue, leurs envies, leurs ambitions, avec certains d’entre eux mais aussi quelquesuns des enseignants qui les ont cotoyer. Cette étude est basée sur 9 entretiens d’une heure avec les profils de personnes suivantes : 9 diplômé·e·s de l’ENSAL entre 2005 et 2014 dont 1 architecte associé 2 architectes-ingénieures et enseignantes en ENSA 4 membres d’un collectif 1 en formation (construction bois à l’ENSTIB) 1 salarié chez un éditeur de logiciel BIM 2 sociologues et enseignantes en ENSA 1 architecte DPLG, enseignant et chercheur Les entretiens étant enregistrés et retranscrits, leur analyse permet de dégager les principaux enjeux de cette étude.

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I/ Définir la jeune génération d’architecte Définir la génération Y p34 Un monde qui change p40 Révolution numérique et culturelle p43 Des crises qui durent p49 Le contexte des architectes p55

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Définir la génération Y Dans une enquête en ligne, à laquelle plusieurs centaines de milliers de jeunes européens ont répondu, cette prétendue génération se qualifie elle-même de

perdue, du changement, sacrifiée,

connectée, etc. Avant toute chose, revenons sur ce que

l’on appelle la génération Y ou encore les Digital Natives.

Nous verrons ensuite les éléments de contextes qui sont propres aux jeunes architectes français.

Le concept même de génération Y n’est pas consensuel. S’il a rencontré un grand succès auprès des

médias et des managers ces dernières années, il existe encore assez peu d’études sur le sujet. Certaines tendent même à infirmer la particularité de la génération Y dans son rapport à l’emploi, qui avait pourtant le plus fait parlé de lui : «l’effet de socialisation est plus puissant que l’effet générationnel, et les résultats laissent à penser que la génération Y décrite par la littérature managériale n’existe pas vraiment.»1 Les sociologues se sont bien 1. Jean-Luc PLACET, Frédéric PETITBON, à la recherche de la «génération Y»,

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sûr emparés du sujet, mais le phénomène étant très récent et fluctuant, il est encore délicat de tirer certaines conclusions. On s’intéressera par la suite aux travaux sur la jeunesse d’Olivier Galland, Michel Fize et Monique Dagnaud.

Interrogeons nous donc sur la pertinence de considérer l’ensemble des jeunes d’aujourd’hui comme une catégorie sociale à part entière, il semble d’ailleurs assez complexe d’en dresser le portrait.

On pourrait définir une génération en termes de dates de naissance, mais cela ne suffit pas à justifier le fait que cet ensemble d’individus «fasse génération».

En effet, si «la génération Y désigne une classe d’âge, celle des adolescents et des jeunes adultes, unis par beaucoup de traits communs, il ne s’agit en aucun cas d’un ensemble homogène, et l’on ne doit pas, bien entendu, sous-estimer les disparités sociales et culturelles qui la traversent.»2

On pourrait également la définir comme un groupe d’individus partageant un ensemble de codes et de valeurs. Nous verrons par la suite pourquoi cette définition ne semble pas convenir à ce que l’on se propose d’étudier, du fait du phénomène observé de convergence des valeurs selon l’âge.3

On choisira donc ici de définir une génération par un évènement fort ou une situation historique Sociétal, 3ème trimeste 2012, n°77, p48.

2. Monique DAGNAUD, Génération Y : les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision à la subversion, SciencePo les presses, 2013, p7.

3. Olivier GALLAND et Bernard ROUDET, Une jeunesse différente : les valeurs des jeunes français depuis 30 ans, La Documentation Française, 2012.

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particulière. La jeunesse d’aujourd’hui est avant tout

le fruit de cette époque bien particulière du passage au XXIème siècle. Cette génération se trouve logiquement traversée par toutes les interrogations et les crises de la société française : sociales, économiques, idéologiques, environnementales, identitaires, méritocratiques, etc.

Ainsi s’explique le fait que les générations tendent à être de plus en plus courtes, les évolutions de la société étant de plus en plus rapides. C’est d’ailleurs l’une des particularités de cette époque qui caractérise cette génération, un environnement qui ne cesse de changer, en quelques années à peine.

La génération Y, telle qu’elle sera définie ici, «désigne les individus nés entre le début des années 1980 et le milieu des années 1990»1 dans les sociétés occidentales. Aujourd’hui, elle représente approximativement les post-adolescents et jeunes adultes entre 20 et 35 ans, en gardant bien en tête que cette définition se veut poreuse à ses extrémités. À titre d’exemple, du haut de ses 22 ans, le bienheureux rédacteur de cette étude se situe à mi-chemin entre la génération Y et la génération Z, dont on ne parlera pas ici.

Elle succède à la génération X, elle-même précédée par la génération des baby-boomers.

Ce qui semble forger la singularité de la génération Y, c’est bien sûr les progrès fulgurants des outils 1. Monique DAGNAUD, Génération Y : les jeunes et les réseaux

sociaux, de la dérision à la subversion, SciencePo les presses, 2013, p7.

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numériques. Pour Olivier Revol et pour bien d’autres, il s’agit du troisième tournant majeur qu’aient connu les civilisations humaines, les deux précédentes étant l’invention de l’écriture, puis celle de l’imprimerie. C’est donc, entre autre, dans ce contexte très particuliers qu’a grandi la génération Y. «Ce qui leur vaut d’ailleurs une autre appellation, celle de digital natives. Communication paroxystique, mobilité incessante, information instantannée, sont dans l’ADN des Y.»

Une autre spécifité de cette génération est qu’elle incarne aujourd’hui la jeunesse. Dire les jeunes ne veut pas dire grand chose en soi, nous sommes tous le jeune de quelqu’un d’autre. «La jeunesse et la vieillesse ne sont pas des données mais sont construites socialement, dans la lutte entre les jeunes et les vieux.»2 rappelle Pierre Bourdieu. «Lorsque l’on parle des jeunes, il est d’usage de souligner la diversité (sociale, culturelle, ethnique...) et d’indiquer qu’ils ne forment pas un monde homogène. […] Soyons clairs, derrière les «catégorisations», il y a des «enjeux de génération» bien réels, des enjeux de pouvoir.»3. Pour Michel Fize, malgré la complexité de sa définition précise, la jeunesse semble bien partager des intérêts générationnels. «La situation historique qui unit, «réconcilie», les jeunes aujoud’hui, porte un nom connu : l’exclusion et la précarité. La crise économique, permanente depuis 1973, mais aggravée depuis 2008, 2. Pierre BOURDIEU, « La Jeunesse n’est qu’un mot », Les jeunes et le premier emploi, Association des Âges, 1978.

3. Michel FIZE, Jeunesse à l’abandon : La construction universelle d’une exclusion sociale, Mimésis, 2016, p25.

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en resserant le marché de l’emploi, en accentuant la flexibilité, touche dorénavant, par onde rayonnantes, toutes les catégories de jeunes.»1 Les jeunes diplômés que j’ai pu interroger confirme cet état de fait. «On combat tous les jours, et pour tout : le travail, la famille, les loisirs, la sociabilité, on est toujours obligés d’être meilleurs.

On est une génération en obligation de compétition», témoigne Lee S., architecte diplomé d’état de 28 ans.

Ceci étant, il convient de relativiser toutes ces particularités. Si ces éléments de contexte sont fondateurs pour cette génération, ils affectent bien évidemment l’ensemble de la société. Si, comme toute génération, les Y sont définis par rapport à leurs aînés, ils ne sont pas radicalement différent pour autant. «Les changements sociaux sont moins rapides qu’on peut le penser et […] leur interprétation doit être davantage mesurée. Certes la jeunesse change, mais les changements qui l’affectent sont très progressifs.»2 On a déjà évoqué le fait que certaines études de terrain même à infirmer son impact dans certaines circonstances. On pourra s’intéresser à l’analyse de la dernière enquête «Valeurs», par Olivier Galland et Bernard Roudet concernant l’évoltion des valeurs des jeunes français depuis une trentaine d’années.

D’après leurs résultats, les jeunes ressemblent de plus en plus aux autres adultes en terme de valeurs.

1. Michel FIZE, Jeunesse à l’abandon : La construction universelle d’une exclusion sociale, Mimésis, 2016, p26.

2. Olivier GALLAND et Bernard ROUDET, Une jeunesse différente : les valeurs des jeunes français depuis 30 ans, La Documentation Française, 2012, p9.

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Deux tendances fortes se dégagent [...] une convergence des valeurs selon l’âge et un clivage selon le niveau d’études. Les jeunes ne sont plus ce qu’ils étaient dans les années 1960, voire 1980 : les différences qui les distingue alors des générations plus âgées, conduisant à des conflits intergénérationnels, se sont largement estompées. (page 12) Le développement de la scolarisation dans les trente dernières années a pu entraîner une homogénéisation des valeurs chez les jeunes qui en ont bénéficié, mais il a renforcé un clivage entre ces derniers et les jeunes qui en ont été partiellement ou totalement exclus. (page 12) Le clivage des valeurs entre ces deux jeunesses [selon le niveau d’étude] s’est donc atténué par rapport au début des années 1980, mais il reste malgré tout très marqué. (page 43) Olivier GALLAND et Bernard ROUDET, Une jeunesse différente : les valeurs des jeunes français depuis 30 ans, La Documentation Française, 2012.

Revenons plus en détail sur ces différents éléments de contexte qui forgent la génération Y : Un monde globalisé en profonde mutation, la révolution informatique et l’installation durable des crises.

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Un monde qui change Notre monde change et il change vite.

La population mondiale a doublé en 40 ans à peine. L’espérance de vie a considérablement augmenté, les structures familiales explosent, la mondialisation et les outils numériques ont remodelé nos façons de communiquer, de penser, de travailler. «C’est vrai que tout va tellement vite.» (Marisa C., architecte DE, 25 ans).

La première caractéristique de notre époque est ce changement à vitesse exponentielle. Les anciennes pédagogies, par exemple, ne semblent aujourd’hui plus adaptées tant le monde a évolué. «Voici des jeunes gens auxquels nous prétendons dispenser de l’enseignement, au sein de cadre, datant d’un âge qu’ils ne reconnaissent plus [...] cadre datant, dis-je d’un âge et adapté à une ère ou les hommes et le monde étaient ce qu’ils ne sont plus.»1

Le monde et plus particulièrement les sociétés occidentales, sont aujourd’hui marqués par l’hégémonie du système de libre échange, néolibéral et globalisé.

1. Michel SERRES, Petite Poucette, Le Pommier, 2012, p17.

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Les Y ont grandi dans une société de consommation de masse, profondeément individualiste. «Nourris dès leurs premiers jours par les dérives sociologiques mondiales, ils baignent dans un environnement violent, hyper sexualisé et surexposé au toxiques de tous ordres.

Mais ils se réapproprient sans cesse et sans soucis apparents cette ambiance délétère qui préoccupe tant leurs parents.» explique le pédopsychiatre Olivier Revol.2

Le monde du travail, entre autres, a connu de profondes mutations ces dernières décennies. «Ça veut dire qu’ils ont été formés avec d’autres outils, qu’ils manient d’autres outils, qu’ils ont une vision du métier inscrite dans un contexte social, économique et politique différent.» explique Serafina P., sociologue et enseignante en école d’architecture. Le statut socio-professionnel a depuis longtemps une grande importance dans l’identité d’une personne en France et il est logique que le modèle libéral compétitif impacte la génération Y. Leurs parents ont cherché à les positionner au mieux dans cette compétition, en les poussant dans la bataille de la réussite scolaire. «On nous a élevés dans la compétition, à être individuels, à être le meilleur» résume Lee S., architecte D.E., 28 ans. Nous parlerons par la suite des crises et du chômage, mais il existe malheureusement un phénomène qui exclue systématiquement dès l’école une partie des élèves, peut importe leur niveau. Il s’agit de la constante macabre, théorisée en 1988 par André Antibi, selon laquelle le fait d’imposer une notation individuelle fait 2. Olivier REVOL, J’ai un ado... mais je me soigne, JCLattès, 2013, p235.

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que n’importe quel enseignant répartira n’importe quel groupe d’élève en trois groupes : les bons, les moyens et les mauvais.1

Les pressions sociales sont fortes sur cette génération, à qui on a demandé toujours plus pour s’intégrer. Il en résulte d’ailleurs un certain malaise. «Pour s’en sortir il faut être le meilleur. Et je reviendrais toujours là-dessus parce que je le pense, c’est vrai. Soit le meilleur, fais les meilleures études, il faut être premier. [...] Cette société qu’on est obligé d’inventer et qu’on subit. Et ouais, moi je sais qu’il y a un mal-être. Chercher du boulot c’est une horreur.» (Lee S., architecte DE, 28 ans).

La génération Y a donc grandi dans un monde en profondes mutations, elle se définie d’ailleurs ellemême comme génération du changement, de transition, voire même sacrifiée sur l’autel de ce changement.

En définitive, comme l’explique Olivier Revol, elle a simplement appris à s’adapter. «Le changement est omniprésent. Il est devenu valeur incontournable. A croire que si l’on veut évoluer, il faut sans cesse que s’opèrent des bouleversements.»2

1. André ANTIBI, La constante macabre, édition Math’Adore, 2003.

2. Olivier REVOL, J’ai un ado... mais je me soigne, JCLattès, 2013, p236.

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Révolution numérique et culturelle La génération Y, c’était d’abord la génération qui était branchée en permanence, dans son monde, le cordon des écouteurs formant le fameux Y sur leur torse. Les changements que l’on vient d’évoquer sont en grande partie liés à l’essor fulgurant des nouvelles technologies de communication. Si elle n’est bien sûr pas la seule à manipuler ces outils, tout du moins a-t-elle grandi avec eux et la manière de manier un outil, elle est, elle, générationnelle.

Ces outils étant parfois relativement complexe, leur utilisation requiert une certaine expérience, une compétence. «C’est une génération où vous avez des compétences beaucoup plus développées sur ces outils là que vos enseignants et que vos aînés. Vous avez un train d’avance là-dessus.», Analyse Serafina P., sociologue, enseignante en ENSA). Rappellons que, si ce constat peut sembler évident à première vue, il est en vérité est assez délicat d’attribuer une telle compétence à un ensemble social aussi vaste et diversifié. Malgré tout, il s’observe 43

sociologiquement, même parmi les plus âgés de cette génération.

J’ai jamais été geek et pourtant, je ressens vraiment cette facilité, cette compétence, comme tu dis. Quand je travaille avec des générations au-dessus de la mienne, ça devient ma compétence alors qu’au sein de ma génération à moi, je suis pas douée. Mais j’ai la logique, je comprends facilement comment on s’en sert.

Entretien avec Lyra B., architecte, ingénieure et enseignante en ENSA, 34 ans

Une des conséquence historique de ce phénomène est que les jeunes apprennent presque bien plus qu’avant de leurs pairs, et non plus seulement de leurs pères. Au quotidien, on observe notamment une «inversion des rôles, avec des parents qui demandent à leur enfant de régler le portable auquel ils n’ont pas tout compris.»1

Le développement des outils numériques impacte en réalité toutes les dimensions de nos modes de vies.

Il explose les distances, les liens sociaux, le rapport au savoir, etc. Aujourd’hui, tout est à portée de clic, pour peu que l’on soit relié au réseau Internet : les individus, les informations, les biens de consommation, les lieux.

Les Y, pionniers de ce nouvel espace d’échange, «hantent donc un espace topologique de voisinage, alors que nous 1. Olivier REVOL, J’ai un ado... mais je me soigne, JCLattès, 2013, p236.

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vivions dans un espace métrique.»2 Pour Michel Serres, il s’agit d’un nouvel être humain qui n’habite plus le même espace. Connectés en permanence, ils ont accès à une vision relativement panoramique des évènements du monde qui les entoure.

On ne mesure probablement pas encore l’ensemble des évolutions qu’engendre cette révolution numérique, tant le phénomène est récent et en perpétuelle métamorphose.

La génération Y, en s’emparant de ces outils, apprend à communiquer différemment. Le succès des plateformes telles que MySpace, Messenger, Skype, et Facebook témoigne d’un nouveau rapport au monde.

«Internet est indéniablement un outil de sociabilité qui prolonge et amplifie les contacts sociaux et amicaux de la vie ‘‘réelle’’.»3

Monique Dagnaud s’est penchée sur ces phénomènes en étudiant la spécificités des Y «en tant qu’acteurs sociaux et innovateurs culturels.»4 Au delà des nouveaux outils et des nouvelles façons de faire, elle met également évidence le développement d’une culture

et une idéologie du net.

2. Michel SERRES, Petite Poucette, Le Pommier, 2012, p12.

3. Monique DAGNAUD, Génération Y : les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision à la subversion, SciencePo les presses, 2013, p56.

4. Monique DAGNAUD, Génération Y : les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision à la subversion, SciencePo les presses, 2013, p8.

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De la modification des rapports au travail à une odyssée du savoir, de l’instauration d’une conversation généralisée à l’effacement des frontières entre professionnels et amateurs, de la générosité de l’esprit collaboratif à la radicalité de l’humeur «pirate», d’une démocratisation de l’information et des données à l’élévation de l’intelligence collective : les espérances investies dans le Net n’ont cessé de prospérer. (p 11) Trois aspects [...] méritent d’être soulignés : d’une part, l’essor d‘une sociabilité entre jeunes, dynamisée et reconfigurée par les réseaux sociaux ; d’autre part, l’épanouissement d’une «humeur» du gag et de la raillerie, dont l’origine vient des médias audiovisuels, mais qui s’est fortement amplifiée et s’est enrichie de formes inédites dans l’effervescence des réseaux ; enfin, l’explosion de la consommation de biens culturels, le plus souvent sous forme gratuite. (p29) Monique DAGNAUD, Génération Y : les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision à la subversion, SciencePo les presses, 2013.

Cette culture Internet a d’abord été le fait d’une minorité de jeunes. Ces derniers étant largement majoritaires sur ces nouveaux espaces d’expression, elle s’est répandue et développée au sein de cette génération.

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Alors que toute la société a aujourd’hui investi Internet, elle se diffuse progressivement, devenant une culture de masse. Selon Edgard Morin, cela signifie qu’elle est connue de tous, et non pas nécessairement appréciée ou pratiquée de tous. Cette culture internet use d’un langage nouveau, d’une humeur reposant largement sur l’image, l’humour, la dérision, le détournement.

«L’esprit lol s’installe en contrepoint d’un sentiment d’impuissance : celui des individus, pantins d’une machinerie économique emballée que personne, ni eux ni les politiques, ne paraît apte à maîtriser et à orienter» analyse-t-elle.1 C’est notamment grâce à cela, que l’image occupe une place si importante aujourd’hui.

Le langage spécifique de la jeunesse se nourrit des médias de l’audiovisuel tels que le cinéma, la musique, etc. Sans négliger les sensibilités de chacun, cette génération partage un imaginaire collectif, porteurs de certaines valeurs.

Enfin, elle remarque l’existence d’une forme nouvelle d’idéologie en provenance d’Internet. Les valeurs prônées sont celles de «la gratuité, du low cost et de l’échange désintéressé.»2 Il serait excessif de prétendre que l’ensemble de la génération Y adhère à une telle idéologie mais, c’est en tout cas essentiellement à travers elle qu’elle se développe et se diffuse.

1. Monique DAGNAUD, Génération Y : les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision à la subversion, SciencePo les presses, 2013, p99.

2. Monique DAGNAUD, Génération Y : les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision à la subversion, SciencePo les presses, 2013, p141.

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On constate dans les entretiens et les ouvrages étudiés que ce sont principalement les générations du dessus qui définissent la génération Y par son affinité aux outils numériques. Leur utilisation de ces outils est tellement automatique qu’il est bien souvent nécessaire de leur poser clairement la question pour qu’ils se prononcent sur les compétences qu’ils auraient en plus par rapport aux plus âgés. Finalement, à l’âge de l’insertion professionnelle, la génération Y se définit ellemême plus naturellement par son rapport aux crises que par son rapport au numérique.

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Des crises qui durent Le contexte qui forge la génération Y, c’est également celui des crises : économique, écologique, sociale, démocratique, etc. «On est dans une société du risque, qui est environnemental, technologique, géologique, géophysique, tout ce que l’on veut. Et je pense que c’est un vrai contexte, qui peut marquer une génération. Le risque généralisé.» (Ruta S., sociologue et enseignante en ENSA). Les Y se qualifient eux-même svolontiers de génération sacrifiée, désenchantée, désabusée, perdue.

On est une génération qui est née en crise.

Mary M., architecte DE, 24 ans

On est quand même un peu nés le nez dans la merde. Donc on est la génération SIDA, la génération post-crise pétrolière,... Quand on était petits, on avait 10 ans, on a connu la crise qui est tombée. On est nés pendant les crises.

Lee S., architecte DE, 28 ans

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Le dérèglement climatique des écosystèmes sont aujourd’hui tous. Les résultats de l’enquête en évidence que l’ensemble

et la destruction bien connus de Valeurs mettent

des jeunes a conscience de la crise écologique actuelle ;

les indicateurs «Quand les hommes dérangent la nature, cela a souvent des conséquences désastreuses» et «Si les choses continuent sur leur lancée, nous allons bientôt vivre une catastrophe écologique majeure»’’ étant approuvés de façon quasi unanime.1 Outre le pessimiste concernant le futur de l’environnement, on le constate également à l’égard de l’avenir de la société française et de ses institutions. Etrangement, les jeunes se prononcent malgré tout majoritairement confiants quant à leur avenir personnel, comptant sur leurs propres forces et leurs proches.

À l’heure des marchés financiers dérèglementés, les riches sont de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres. Thomas Piketti n’est pas le seul à faire ce constat : le capitalisme, aujourd’hui hégémonique, génère des inégalités économiques grandissantes.2 Toujours d’après l’enquête Valeurs, on sait que les jeunes sont aujourd’hui davantage demandeurs d’égalité que de liberté, ce qui «révèle d’une inquiétude croissante face aux différenciations sociales, face aux phénomènes d’exclusion et d’accroissement des inégalités que connaît notre société, notamment parmi les jeunes 1. Olivier GALLAND et Bernard ROUDET, Une jeunesse différente : les valeurs des jeunes français depuis 30 ans, La Documentation Française, 2012, p227 2. Thomas PIKETTY, Le Capital au XXIe siècle, Editions du Seuil, 2013.

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générations.»3 Ainsi, de plus en plus de jeunes prennent conscience de la responsabilité du capitalisme, des dérives de la mondialisation et de la corruption dans les crises et scandales du XXIème siècle.4

Le chômage s’est installé en Europe et ce sont les jeunes qui sont les plus durement touchés.

25,8% des moins de 25 ans cherchaient un emploi en France en novembre 2016. Ce chiffre monte jusqu’à 43,6% en Espagne et 46,5% en Grèce.5 Le chômage des jeunes est donc presque toujours deux fois supérieur à celui des autres adultes, et ce partout dans le monde. La jeune génération est celle qui s’est la plus appauvrie à cause des crises. «Longtemps considérés comme privilégiés, les étudiants sont touchés à leur tour par cette paupérisation. La moitié des étudiants français par exemple doit travailler pour financer ses études... et vivre tout simplement.»6 Cette dépression a ceci de particulier qu’elle touche désormais tout le monde. Si le chômage et la précarité ont longtemps été le lot des populations les moins diplômées, les «diplômés chômeurs» sont maintenant de plus en plus nombreux. «Urbains et ruraux, diplômés ou pas, issus des quartiers populaires

3. Olivier GALLAND et Bernard ROUDET, Une jeunesse différente : les valeurs des jeunes français depuis 30 ans, La Documentation Française, 2012, p129.

4. Michel FIZE, Jeunesse à l’abandon : La construction universelle d’une exclusion sociale, Mimésis, 2016, p105.

5. www.touteleurope.eu/actualite/le-taux-de-chomage-des-jeunesoctobre-2016.html 6. Michel FIZE, Jeunesse à l’abandon : La construction universelle d’une exclusion sociale, Mimésis, 2016, p44.

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ou des couches moyennes, tous, garçons ou filles, sont désormais exposés au risque de chômage.»1

Bourdieu explique que «le simple fait qu’ils ont eu affaire à des états différents du système scolaire fait qu’ils obtiendrons toujours moins de leurs titres que n’en aurait obtenu la génération précédente. Il y a une déqualification structurale de la génération.»2 Ce phénomène suffit d’ailleurs à constituer de véritables enjeux de génération. Nous l’avons dit, il en résulte une profonde désillusion vis-à-vis d’un système fondé sur la promesse méritocratique, censée notamment assurer l’ascension sociale.

Quand nous on discute à l’agence entre générations Y, on est assez d’accord pour se dire que, quand on sera vieux, on aura rien. Ça, effectivement, on est bien dans le contexte de génération désabusée.

Will, architecte associé lyonnais, 29 ans

Le sociologue Michel Fize va plus loin. Selon lui, la jeunesse a de tout temps été assujetie à une domination adulte, tenue loin du pouvoir.3 Si elle est rarement jugée suffisamment expérimentée pour prendre part à la vie 1. Michel FIZE, Jeunesse à l’abandon : La construction universelle d’une exclusion sociale, Mimésis, 2016, p41.

2. Pierre BOURDIEU, « La Jeunesse n’est qu’un mot », Les jeunes et le premier emploi, Association des Âges, 1978.

3. Michel FIZE, Jeunesse à l’abandon : La construction universelle d’une exclusion sociale, Mimésis, 2016, p14.

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civile, politique ou professionnelle, elle était par le passé volontiers sacrifiée sur le front, apte à combattre. Il explique que la jeunesse sert finalement aujourd’hui de «variable d’ajustement» à un système économique insatiable et capricieux.

La crise de 2008-2009, comme celle de 19731975, met donc en lumière la vulnérabilité des précaires, qui forment une sorte de «bouclier» amortissant la secousse, protégeant du même coup les salariés «installés» (qui sont aussi les plus âgés). […] C’est la jeunesse qui tombe, la première, sur le «front économique».

Michel FIZE, Jeunesse à l’abandon : La construction universelle d’une exclusion sociale, Mimésis, 2016, p42.

Ajoutons à cela que la société a une image assez mauvaise de sa jeunesse. Dans un sondage réalisé par Audirep en 2009 pour l’AFEV, on apprend que 51% des Français ont une image «négative» des jeunes, 59% ne les estime pas «tolérants» et 70% les croit «individualistes».4 Ces résultats sont significatifs d’un certain nombre d’a priori «anti-jeunes» au sein de nos sociétés. «La jeunesse en tant que telle est idéalisée : elle fascine. Les jeunes en tant qu’individus sont redoutés : ils inquiètent.»5

4. afev.org/newsletter_afev/newsletter008.htm 5. Michel FIZE, Jeunesse à l’abandon : La construction universelle d’une exclusion sociale, Mimésis, 2016, p67.

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Dans l’environnement complexe que l’on vient de dépeindre, la compétition est rude. On le retrouve dans les diverses offres de stage et d’emploi : le postulant doit pouvoir faire tout et son contraire, faire preuve d’une grande capacité d’adaptation, que ce soit au niveau des horaires, de la rémunération ou des compétences, et le tout en faisant preuve d’autonomie, d’initiative et de personnalité. «T’es sans cesse obligé de dire que tu es le meilleur. Moi c’est le truc que j’ai retenu et que je remarque, partout.» insiste Lee S., architecte D.E. de 28 ans.

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Le contexte des architectes La génération Y est donc marquée par tous les éléments de contexte que nous venons de voir. Penchons-nous désormais sur le contexte bien particulier des architectes, que partage également la jeune génération d’architectes que nous cherchons à définir. À l’instar de beaucoup d’autres, la profession a beaucoup évolué ces dernières décennies. On peut observer une «rupture entre les métiers des années récentes et ceux d’aujourd’hui.

Petite Poucette et son ami ne s’évertueront plus aux mêmes travaux.»1

Les architecte ont beaucoup questionné les sociologues ; ils s’avèrent assez complexes à identifier.

Les architectes exercent en réalités de nombreux métiers différents au sein de la profession. «La difficulté à saisir clairement les contours de ce groupe professionnel à l’heure actuelle en prise avec une division du travail accrue, une diversification des modes d’exercice et 1. Michel SERRES, Petite Poucette, Le Pommier, 2012, p14.

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un élargissement de son recrutement social.»1 Cette difficulté à identifier leurs savoir-faire propres complique la légitimation d’une fonction sociale. En effet, les évolutions de plus en plus rapides de leur environnement de travail ont fortement modifié le fonctionnement des agences d’architecture.

Guy Tapie a analysé les mutations de cette profession et constate cinq tournants majeurs.

- la mise en concurrence du rôle de concepteur de l’architecte avec les autres professionnels de la maîtrise d’ouvrage - les évolutions techniques avec les nouveaux outils informatiques - la spécialisation des agences imposée par la segmentation des marchés - la diversification professionnelle et l’ouverture vers de nouveaux métiers - l’évolution des systèmes de formation vers l’image d’un architecte pluriel Guy TAPIE, Les architectes : mutation d’une profession, L’Harmattan, 2000.

Cet état des lieux, datant d’une quinzaine d’années, reste d’actualité, mais un certain nombre d’autres facteurs doivent aujourd’hui être pris en compte.

1. Olivier CHADOIN, Être architecte : les vertus de l’indétermination, Pulim, 2007, p23.

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Tout d’abord, une évolution majeure de cette dernière décennie est la féminisation progressive de la profession. En 2013, un quart des architectes sont des femmes.2 Si l’on considère le fait que plus de la moitié des diplômés sont désormais des jeunes femmes, le phénomène est amené à s’étendre dans les prochaines années.

Ensuite, les besoins exprimés par la société ont évolué. La responsabilité des activités humaines dans la destruction de l’environnement ayant été globalement admise, l’écologie exige d’importants progrès dans la construction et le fonctionnement des bâtiments. Ce changement de paradigme s’observe assez bien dans les écoles d’architecture, où l’on «est passés du patrimoine à l’environnement.», témoigne Serafina P., sociologue et enseignante en ENSA. Il en résulte des contraintes, notamment règlementaires, de plus en plus fortes. Cette nouvelle valeur sociale reste assez peu appropriée par les architectes, tant les réponses qui sont aujourd’hui données sont techniques et pragmatiques. «Ça ne leur fait pas plaisir, ils ont référentiel de formation, leur idéal architectural. Et là on arrive avec des questions qui sont extrêmement terre à terre. Je dis on, mais la société arrive avec des questions. [...] C’est d’autant plus vrai que le corps des ingénieurs dicte à l’heure actuelle, la réponse à l’enjeu climatique. Il dicte ses réponses, à partir de ses référentiels» explique Ruta S., sociologue et enseignante en ENSA. 2. François ROUANET, Archigraphie, chiffres et cartes de la profession

d’architecte, Ordre des architectes, 2015, p8.

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«L’influence de l’architecte demeure car il contribue à modeler l’architecture construite mais il n’est pas en position de domination, ni dans celle d’exercer un contrôle total sur l’objet à produire, puisque des choix importants lui échappent. L’ère d’une production collective et négociée s’ouvre au dépend d’une autre, hiérarchique, centrée sur le rôle de l’architecte.» 1 La remise en question de la légitimité des architectes au sein de la maîtrise d’œuvre a également progressé, avec la nécessité de former des équipes de plus en plus pluridisciplinaires pour répondre à des projets de plus en plus complexes.

Les marchés de la construction n’ayant pas été épargnés par les crises successives, s’ajoute désormais une contrainte économique forte. Une forte crise de la commande, publique notamment, frappe les agences et rend la compétition pour l’accès à la commande de plus en plus serrée. «Il y a, c’est sûr, un grand péril dans la profession, il est connu. Il faut recréer le marché, car le marché historique des architectes, le marché public, n’est plus et ne sera plus.» (Lyra B., architecte, ingénieure, enseignante en ENSA, 34 ans).

Les architectes font donc face aujourd’hui à de nouveaux défis. Les coûts de construction sont plus élevés car il y a plus de contraintes, l’équipe de maîtrise d’œuvre est plus nombreuse à se partager le paiement alors que les budgets ont diminué faute de moyen des investisseurs.

Notons au passage que la situation des architectes français 1. Guy TAPIE, Les architectes : mutation d’une profession, L’Harmattan, 2000, p302.

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n’est pas homogène géographiquement. Les études de l’Ordre des Architectes révèlent de fortes disparités régionales, le tiers des architectes exerçant en région parisienne alors que certaines régions sont très peu pourvues en nombre d’architecte par habitant.2

La figure de l’architecte aussi a beaucoup perdu de son aura. Si elle est encore souvent idéalisée par la société comme étant un lieu de pouvoir hautement rémunéré, aujourd’hui les architectes ont finalement «une piètre image dans la société. Et depuis que je travaille, je me rends compte que dans le milieu de la construction c’est encore pire», témoigne Lyra B. (architecte, ingénieure, enseignante en ENSA, 34 ans).

Ajoutons à cet état des lieux l’augmentation du nombres d’architectes diplômés, la multiplication des débouchés, le développement des métiers de la ville et l’arrivée massive des outils numériques dans les agences.

Au vu de toutes les choses qui sont aujourd’hui en mouvement, on comprend bien que cette profession est en plein renouvellement.

C’est dans ce contexte bien particulier que les jeunes diplômés arrivent aux portes de la profession, et vont devoir se positionner. «On est rentré c’était la grosse crise. [...] La moitié des architectes avait fermé les portes des agences, c’était assez sinistré», se rappelle Lyra B. (architecte, ingénieure et enseignante en ENSA, 34 ans) 2. François ROUANET, Archigraphie, chiffres et cartes de la profession

d’architecte, Ordre des architectes, 2015, p16.

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II/ Comment s’insère-t-elle ?

La formation p62 Une difficile insertion professionnelle p66 Les stratégies pour faire sa place p71 Une grande mobilité p75

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La formation Les écoles d’architecture en France ont l’exclusivité de la formation des architectes et donc de l’accès à la profession.1 En effet, rappelons que pour pouvoir s’inscrire à l’Ordre des Architectes il faut être diplômé par une école habilitée. Cela signifie que tous les jeunes architectes partagent ce temps de formation.

Le fait que de nombreux enseignants soient également des praticiens constitue l’une des particularités des écoles d’architecture. L’une des conséquences c’est que les étudiants ont un déjà en tête l’état de la profession avant la fin de leurs études, sans avoir vraiment été sur le terrain. Tous ont finalement conscience des difficultés du monde du travail, certains même avant de commencer leurs cursus. «Je suis rentrée dans les études d’architecture en sachant pertinemment, comme mes camarades je pense, qu’on allait en chier, que je choisissais une voie qui n’était pas simple. Donc avec l’espoir ou l’ambition de 1. Olivier CHADOIN, Être architecte : les vertus de l’indétermination, Pulim, 2007, p22.

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faire sa place.» commente Lyra B. (architecte, ingénieure, enseignante en ENSA, 34 ans).

Parce qu’ils ont tous obtenu un niveau master, les jeunes architectes partagent au minimum les compétences acquises à l’école.

«En tant qu’étudiant en archi, tu as appris à concevoir, créer, gérer plus ou moins bien, ça dépend de la personnalité, un projet. Et indirectement, à travaille avec des gens. [...] Et ça, c’est quand même plutôt pas mal. Alors ceux qui sont en archi, certains font que dessiner, ne font que du plan, de la coupe. D’autres ne font que de l’imagerie, d’autres font un peu les deux. [...] Moi au final, je conçois, je dirige, des projets mais c’est pas de l’archi. Et ça c’est quelque chose qu’on ne pourra pas nous reprocher, c’est qu’en archi, on apprend à faire du projet.»

Lee S., architecte DE, 28 ans

Ces diplômés semblent donc assez conscients de leurs savoir-faire. En revanche, avec le recul, ils déplorent ne pas connaître leur valeurs sur le marché du travail à la sortie de l’école.

Le marché du travail étant de plus en plus compétitif, les diplômés regrettent également que leur formation n’ait été plus professionnalisante, pour pouvoir trouver plus facilement du travail à la sortie. Les temps de stages sont globalement assez courts, et il n’existe pas encore 63

de réseaux d’anciens étudiants sur lequel s’appuyer.

«On nous apprend à concevoir des projets, aménager nos idées, réfléchir sur une problématique. Sauf qu’après en agence, il faut répondre à des trucs concrets avec des outils concrets, avec des normes, etc. Parce qu’ils nous disent : vous êtes à l’école, profitez, etc. Mais quand on arrive en agence, les patrons sont choqués qu’on ne connaisse pas les normes incendies, les normes handicapées. [...] Et ça, l’aspect un peu technique, on ne l’apprend pas à l’école.»

(Salmakia G., architecte D.E., 26 ans). Franck Lepage dénonce pourtant «l’idée fausse qui est que si on adapte l’école à l’emploi, cela va créer de l’emploi. Si on adapte l’école à l’emploi, ça détruit de l’emploi. [...] puisqu’on libère la contrainte de formation des employeurs et on la fait peser sur la collectivité.»1 Selon lui, il n’y aurait plus besoin que de la moitié des employés tant ils seraient rapidement efficace.

Un certain nombre d’étudiants se servent volontairement du statut de stagiaire pour se faire une expérience plus approfondie avant de quitter les études.

Généralement, il leur suffit de ne pas valider un de leurs cours pour redoubler et profiter de cette année supplémentaire pour trouver un poste de stagiaire. Il s’agit là de solutions individuelles, qui collectivement produisent un effet de dumping social du fait de la faible rémunération des stages.

Ces dix dernières années, plusieurs passerelles se 1. Inculture(s) 2 : L’éducation - Franck Lepage - Scop Le Pave -

Conférence gesticulée, Tutti Quanti. Youtube, 18/03/2012 [consultée le 13/12/2016]. 2h51m50.

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sont établies entre les écoles d’architecture et d’autres disciplines. De plus en plus d’étudiants entreprennent des doubles cursus, comme par exemple architecteingénieur. Cette tendance semble répondre à la demande croissante de pluridisciplinarité au sein de la maîtrise d’œuvre. Mais les bacheliers étant peu concernés par les enjeux de la maîtrise d’œuvre, ils ne font en réalité que répondre aux exigences d’un système qui réclame toujours plus de diplômes. Franck Lepage explique d’ailleurs que «ce n’est pas parce que vous allez accumuler des diplômes que ça va baisser le chômage, ça va simplement rendre plus violente la compétition. L’école ne règlera pas la question du chômage.»2 Détenir plusieurs diplôme prépare probablemen mieux à l’insertion professionnel, mais n’apporte qu’une solution individuelle, concurrentielle à la crise que traversent les architectes.

On voit bien ici que les problèmes sont structurels et que ni la professionnalisation de la formation initiale ni le développement de multiples cursus ne sauraient résoudre les difficultés rencontrées à la sortie de l’école.

2. Inculture(s) 2 : L’éducation - Franck Lepage - Scop Le Pave -

Conférence gesticulée, Tutti Quanti. Youtube, 18/03/2012 [consultée le 13/12/2016]. 2h51m50.

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Une difficile insertion professionnelle «Dans la plupart des cas, la première démarche d’un jeune travailleur entrant dans la vie active est de s’inscrire au chômage.»1 Il est délicat de se prononcer avec justesse sur la condition d’insertion professionnelle des jeunes architectes. Les études chiffrées de l’Ordre des Architectes donnent un certain nombre d’indications, mais restent incomplètes car elle sne considèrent que celles et ceux qui sont incrits au tableau des architectes. Or ils constatent qu’à partir «de 2008, la crise économique provoque une stabilisation des effectifs au sein de l’Ordre, [...] les jeunes diplômés en architecture ont plus de difficultés à entrer sur le marché du travail et ne s’inscrivent donc pas nécessairement à l’Ordre.»2 Ce que l’on sait c’est que les jeunes sont les plus durement touchés par la crise.

1. Michel FIZE, Jeunesse à l’abandon : La construction universelle d’une exclusion sociale, Mimésis, 2016, p34.

2. François ROUANET, Archigraphie, chiffres et cartes de la profession d’architecte, Ordre des architectes, 2015, p16.

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D’abord, ils cumulent les difficultés inhérentes à l’accès et à la stabilisation dans leur emploi.

Ensuite, leur sort est particulièrement sensible aux crises économiques. [...] Enfin si la jeunesse est globalement caractérisée par ses difficultés face à l’emploi, ce rapport n’est pas pour autant uniforme. Les situations sont très contrastées et varient tout particulièrement en fonction du niveau et du type de certification détenue.

Olivier GALLAND et Bernard ROUDET, Une jeunesse différente : les valeurs des jeunes français depuis 30 ans, La Documentation Française, 2012, p206.

Insuffisamment «installés» sur le marché du travail, la raréfaction de la commande complique profondément la stabilisation économique des jeunes diplômés. Michel Fize dénonce un «dualisme du marché du travail, avec d’un côté des emplois protégés et stables pour les «inclus», les 30-55 ans, et de l’autre des conditions dégradées réservées aux jeunes.»3

Les offres de stage et d’emploi se font plus rares et les postulants se retrouvent dans une situation absurde, aujourd’hui bien connue. Il leur faut de l’expérience pour trouver du travail, et du travail pour acquérir de l’expérience. «On a plein de C.V. de gens qui arrivent et qui ont envie de travailler, mais qui n’ont pas d’expérience. Et ça, je pense que c’est compliqué aussi. Parce que trouver du travail en France, voilà. [...]

3. Michel FIZE, Jeunesse à l’abandon : La construction universelle d’une exclusion sociale, Mimésis, 2016, p74.

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Mais pour prendre de l’expérience, il faut avoir bossé là-dedans.» rappelle Will P. (architecte associé, 29 ans).

Outre le recours à l’inexpérience, les employeurs de plus en plus exigeants attendent des candidats qu’ils soient flexibles. «Aujourd’hui les entreprises recherchent des cas particuliers. Ils veulent des gens qui s’adaptent vite, facilement mais en même temps qui sont experts sur différentes choses.» témoigne Lee S. (architecte DE, 28 ans). Les jeunes diplômés trouvent donc plus difficilement un emploi, qui plus est, un emploi stable et ils peinent à sortir de la précarité.

Je vois ma collègue c’était ça aussi, elle a enchaîné les C.D.D. mais au final sur 5 ans elle a eu 9 mois de chômage, en cumulant.

Salmakia G., architecte DE, 26 ans

Le C.D.I. à la sortie de l’école c’est un peu pris comme le Graal.

Iorek B., architecte DE, 25 ans

D’autant que la pression parentale est forte pour trouver un emploi. Dès les premières années de scolarisation, la compétition se fait déjà ressentir. «Il fallait toujours être le premier. Et en tout, en sport, à l’extérieur.

Parce que ça fait du bien qu’il y ai quelqu’un qui soit premier quand ça ne va pas. Ça donne de l’espoir, tu te dis qu’il va s’en sortir, mais en fait comme tout le monde doit être premier, ça revient à zéro.» raconte Lee S. (architecte DE, 28 ans). Bien que leurs parents aient réussi à les guider jusqu’au rassurant niveau master, les jeunes architectes 68

font, comme beaucoup d’autres, face à la faillite du diplôme. Quand il y a moins de travail disponible que de personnes qualifiées, accumuler les diplômes ne suffit plus. «Nous, on a un peu fait les démarches pour contenter les parents, les entretiens professionnels, etc.» raconte Iorek B. (architecte DE, 25 ans). La dégradation globale des conditions de travail et de la rémunération des architectes, entraine d’ailleurs un désaveu des jeunes générations envers certains versants du marché de l’emploi. « Faire le forcing pour rentrer dans des grosses grosses boîtes, a priori, nous, sans y avoir goûté on avait l’impression qu’on n’y trouverait pas notre compte».

(Iorek B.)

Il existe de fortes disparités de salaire chez les architectes. Si leur revenu annuel moyen était de 45300€ en 2011, le revenu annuel médian est lui de 28600€. Il y a aujourd’hui une véritable paupérisation des architectes, aggravée depuis la crise de 2008, En 2011, plus du quart des architectes touche moins de 6500€ par an, ce qui les place bien en dessous du seuil de pauvreté.1 Les plus jeunes sont à nouveau les plus affaibli.

«L’âge, facteur d’expérience, fait progresser les revenus des architectes, sauf pour les plus âgés dont l’activité professionnelle se réduit à l’approche de la retraite.»2

La génération Y d’architectes a globalement été

1. François ROUANET, Archigraphie, chiffres et cartes de la profession d’architecte, Ordre des architectes, 2015, p37-38.

2. François ROUANET, Archigraphie, chiffres et cartes de la profession d’architecte, Ordre des architectes, 2015, p43.

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diplômée entre 2005 et aujourd’hui, soit précisément au moment de la récession de la crise des subprimes. Elle n’a donc pas connu de période prospère dans le travail, ; ces jeunes architectes sont nombreux à avoir accepté le fait qu’ils n’en connaîtrons probablement jamais. «Je ne pense pa qu’on soit fatalises. Un peu quand même. On sait que c’est la merde, qu’il va falloir qu’on retrousse nos manches toute notre vie.» explique Lee S. (architecte DE, 28 ans)

En 2016, il semble que la situation s’améliore lentement, bien qu’il soit trop tôt pour l’affirmer.

«Aujourd’hui, les archis c’est pas tant la merde que ça.

C’est pas rose du tout. Mais c’est mieux qu’il y a encore un an ou deux. On le voit, au niveau des marchés. Il y a un peu de projets qui se font. Ça embauche un peu.» (Lee S.)

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Les stratégies pour faire sa place Que font donc les jeunes architectes, dont on a déjà dit qu’ils avaient appris à s’adapter, en temps de crise et de chômage structurel de masse ? «Il faut quand même bouffer, chacun a sa stratégie pour survivre, parce que c’est quand même de la survie.» commente Lyra B. (architecte, ingénieure, enseignante en ENSA, 34 ans).

Rappelons d’abord que seule une fraction des diplômés en architecture finira par s’inscrire à l’Ordre et à accéder officiellement au statut d’architecte. Guy Tapie observait déjà dans les années 2000 un élargissement des débouchés au sortir des études. «La crise économique et l’augmentation du nombre d’architectes formés ont rendu plus incertaine et aléatoire l’insertion des jeunes architectes. [...] Dans le même temps, la multiplication des fonctions et missions dans la production architecturale et urbaine a constitué de nouvelles sources d’emploi.»1 1. Guy TAPIE, Les architectes : mutation d’une profession, L’Harmattan, 2000, p205.

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Lors d’une conférence, Nicola Delon, architecte associé fondateur de l’agence et du collectif Encore Heureux, déclare que les jeunes architectes ont finalement trois solutions en sortant de l’école : «soit tu as des parents qui t’entretiennent le temps de te faire un réseau, soit tu vas dessiner en agence, soit tu inventes ton propre accès à la commande.»1

Le soutien financier familial constitue en effet pour beaucoup une béquille sur laquelle ils peuvent s’appuyer le temps d’être suffisamment installés.

Monique Dagnaud le confirme, «dans une société où l’accomplissement de soi dans le travail est une perte de vitesse, la famille devient le point d’ancrage.»2 Tous n’ont pas cette chance car les jeunes architectes sont issus de classes sociales différentes.

Comme il y a de plus en plus de monde aux portes de l’emploi, chacun fait de son mieux pour se démarquer. «Dans mon parcours je voulais aussi bosser un peu, me faire de l’expérience en agence, en sérieux.

Pour sortir de la masse des 14 millions de C.V. et pour qu’ensuite on dise «ah, lui c’est bon. il est à l’agence, on le met sur un truc et il est opérationnel !» » explique Will P. (architecte associé, 29 ans). La première solution consiste à chercher à répondre aux attentes des employeurs et donc se faire de l’expérience, souvent dans des conditions assez précaires. Nous l’avons déjà abordé, le rôle des 1. Encore Heureux, L’exploration de la condition urbaine, 9 février

2016, Conférence URBS #08 au Sucre, Lyon.

2. Monique DAGNAUD, La Teuf, Le Seuil, 2008.

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stages est très important dans cette course à l’emploi.

Faiblement rémunérés, ils sont assez attractifs pour les patrons et permettent d’acquérir des compétences et une pratique de terrain très valorisées. Il en va de même pour les Contrats à Durée Déterminé, qui ont l’avantage de génèrer moins de dumping social. D’autre part ces premières embauches constituent un point d’ancrage plus où moins solide pour de futures embauches. «Il y en a beaucoup qui se sont transformé en C.D.I., je trouve.

Qui ont transformé l’essai au bout d’un an.» Salmakia G. (architecte DE, 26 ans)

Le meilleur moyen de se faire remarquer reste encore de s’appuyer sur un réseau de contacts et de connaissances. «Au final tout le monde se dit que le bouche à oreille ne fonctionne pas mais c’est faux. Je pense que ça restera quoi qu’il arrive, ad vitam eternam, le bon plan. » affirme Lee S. (architecte DE, 28 ans). Un réseau d’anciens étudiants de l’école d’architecture de Lyon est d’ailleurs en train se construire, entre autre pour répondre aux problèmes de visibilité de l’insertion des jeunes architectes. «Il y a des attentes des anciens, il y a des attentes des futurs, et il y a aussi une très grosse attente de l’école.» (Lee S.)

Ensuite, les jeunes architecte vont naturellement aller là ou il y aura de la place. Sachant qu’il existe de fortes disparités géographiques dans cette profession, il n’est pas étonnant que « les jeunes s’installent dans des régions sous-dotées en architectes, leurs aînés occupant particulièrement les zones historiques de la région 73

parisienne et du sud-est.»1

Enfin, si l’on reproche souvent à cette génération son manque d’expérience, elle n’est pas pour autant dénuée de valeurs. Tels que sont organisés les marchés économiques, elle ne coûte pas si cher puisque l’ensemble des diplômes sont sous-considérés et que l’ancienneté prime. «On recrute des jeunes, c’est cool parce qu’il nous coûtent pas cher. Il faut les former mais dans le fond, ils travaillent plutôt bien. Ils sont flexibles. Donc c’est intéressant d’avoir des jeunes.» raconte Will P. (architecte associé, 29 ans).

Mais surtout, ils ont de précieuses compétences en ce qui concerne le numérique. Les architectes se voient aujourd’hui obligés de s’approprier, péniblement il faut le dire, ces nouveaux outils. Cela représente un investissement lourd en matériel et en formation.

«De jeunes architectes, mieux formés au projet motivé par l’informatique, deviennent une main d’oeuvre attractive.»2

Ce phénomène d’inversion des rôles sur les compétences informatiques soulève beaucoup de questions. Il rend notamment plus difficile à faire accepter l’âge comme principal facteur d’inaptitude.

1. François ROUANET, Archigraphie, chiffres et cartes de la profession

d’architecte, Ordre des architectes, 2015.

2. Guy TAPIE, Les architectes : mutation d’une profession, L’Harmattan, 2000, p95.

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Une grande mobilité L’une des nouveautés qui caractérise cette génération d’architectes est sa grande mobilité. Le programme Erasmus s’étant bien développé, elle est de plus en plus encouragée à effectuer des échanges universitaires. Cette expérience est très valorisée pendant les études, car elle permet un meilleur niveau d’accès à la connaissance et de nouvelles capacités de travail.

En 2015, un groupe d’étudiants de master de l’école d’architecture de Lyon devait participer à un workshop à Casablanca. Ils n’ont finalement pas pu s’y rendre à cause des risques terroristes, suites aux attentats survenus en France. On voit bien, dans cet exemple, combien ces nouvelles pratiques s’inscrivent aujourd’hui dans un contexte globalisé, dans un nouveau rapport au monde.

Les jeunes architectes jouissent d’une mobilité nouvelle, rendue accessible par les nouveaux outils de communication et les progrès des moyens de transports.

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«La décision que j’ai prise c’était de partir d’ici?

J’y avais passé toute ma vie, je suis lyonnaise.

J’avais envie de voir du pays.»

Lyra B., architecte, ingénieure, enseignante en ENSA, 34 ans

«C’était vachement intéressant de voyager. Je pense que ça nous a tous vachement marqué.»

Mary M., architecte DE, 24 ans

«J’ai pas mal de potes qui sont allés bosser à l’étranger. Y’en a qui sont au Chili, y’en a qui sont en Allemagne, en Italie.»

Will P., architecte associé, 29 ans

Sur le marché français très serré, ces expériences de voyage sont pourtant difficilement valorisables.

Sont privilégiées les expériences de travail, qui rendent directement opérationnelles les nouvelles recrues. «On a des tonnes de C.V. de gens qui reviennent de faire un an au Nicaragua, 3 mois en humanitaire. Et maintenant je voudrais travailler. Et ces gens-là n’on peut être pas conscience de la difficulté du monde du travail.» (Will P., architecte associé, 29 ans)

Mais s’ils ne trouvent pas ce qu’ils veulent en France, beaucoup de jeunes architectes font aujourd’hui le choix d’aller construire leur vie ailleurs en Europe ou dans le monde. «Parce qu’on ne leur fait pas confiance, qu’ils ne trouvent plus d’emplois, ou parce qu’ils sont insuffisamment payés,[…] les jeunes où qu’ils vivent, 76

français notamment, s’expatrient de plus en plus.»1 C’est finalement dans un monde «plus grand» qu’arrive cette jeune génération, qui pourra s’insérer sur différents marchés, plus ou moins lointains et saturés.

1. Michel FIZE, Jeunesse à l’abandon : La construction universelle d’une exclusion sociale, Mimésis, 2016, p103.

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III/ Comment travaille-t-elle ?

Un état d’esprit p80 Nouveaux outils, nouvelle culture p86 La rupture d’un modèle p91

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Un état d’esprit Nous l’avons vu et revu, la situation des jeunes architectes peut s’avérer difficile. En grandissant, ils ont vu le monde changer, et le chômage s’installer. Ils ont d’abord observé les crises de loin, en sachant qu’il y seraient bientôt confrontés. Cette situation a nécessairement marqué leur rapport au monde une fois sortie de l’école. «Je crois qu’on est peut-être une génération plus adaptée à la transformation. Parce qu’on le savait déjà.» remarque Lyra B. (architecte, ingénieure, enseignante en ENSA, 34 ans)

Aujourd’hui, les jeunes se déclarent de manière quasi-unanime assez pessimistes sur le devenir de leur société. En revanche, ils sont paradoxalement plutôt confiants quant à leur avenir personnel.1 «Plusieurs études confirment qu’à défaut d’imaginer un avenir collectif «ensoleillé», les jeunes mettent toutes leurs espérances en leurs propres forces et estiment qu’ils vont finalement bien s’en sortir. À cet effet, ils comptent 1. Monique DAGNAUD, Génération Y : les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision à la subversion, SciencePo les presses, 2013, p115.

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sur leur réseau affectif, familial et amical, affirmant ainsi une manière originale de fonctionner ensemble. Cette approche de type « bonheur privé, malheur public » est prégnante dans la jeunesse de plusieurs pays européens et elle caractérise tout particulièrement la jeunesse hexagonale.»2 On comprend donc aisément que la jeune génération croie davantage à l’autonomie que les autres adultes et qu’elle ait moins l’impression d’appartenir à la société.3

Cet état d’esprit s’accompagne finalement d’une attitude désinvolte, qu’on pourrait presque qualifier d’insouciance volontaire. « C’est la merde ? Et bah c’est la merde. Et il y a pleins de choses, et on crée parce que ça nous fait du bien de créer, on emmerde le monde, c’est le god save the queen. » avise Lee S. (architecte D.E., 28 ans) Comme elle ne peut se reposer sur l’espoir de voir la collectivité régler les innombrables problèmes qui l’assaillent, cette génération se met à la recherche de son propre bonheur, son propre confort. «Comme on n’est pas bien dans le boulot, on n’est pas bien financièrement, on n’est pas bien économiquement, socialement, enfin tout ça. Du coup s’il y a un truc qu’on peut avoir de bien, c’est nous, tout seul dans notre tête. C’est qui je suis, qu’est ce que je fait, comment je me présente.» analyse Lee S. (architecte D.E., 28 ans) 2. Monique DAGNAUD, Génération Y : les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision à la subversion, SciencePo les presses, 2013, p117.

3. Olivier GALLAND et Bernard ROUDET, Une jeunesse différente : les valeurs des jeunes français depuis 30 ans, La Documentation Française, 2012, p13.

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«Moi je suis plutôt confiant en fait. Parce que je trouve qu’elle [la génération Y] est fraîche.

On arrive à être frais, à être optimum, moins coincés, etc. Donc on a accepté qu’il n’y aura rien, que ce serait plus difficile pour nous que pour les gens d’avant, bien qu’on soit dans un pays occidental. On vit quand même vachement bien par rapport à une grande partie du monde.

Mais en gros, on a accepté le fait qu’on serait pas dans un cercle vertueux dans lequel nos parents auraient bien vécu et où on vivrait encore mieux. Et par rapport à ça, on va pouvoir péter un coup.»

Will, architecte associé lyonnais, 29 ans

Favorisée par le développement des nouvelles technologies de communication, toujours plus instantannées, cette réinterprétation contemporaine de la locution Carpe Diem semble être devenue le quotidien de la jeunesse. «Si la génération montante conserve quelque espoirs, c’est parce qu’elle s’est adaptée, campant sur un pragmatisme qui l’éloigne (à jamais?) des rives idéologiques auxquelles étaient accrochés leurs parents et grands-parents.»1

Conscients qu’il ne leur sera fait aucun cadeau, les jeunes architectes font aujourd’hui tout ce qu’ils peuvent pour être heureux dans leur travail. «Leur mode 1. Monique DAGNAUD, Génération Y : les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision à la subversion, SciencePo les presses, 2013, p150.

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de fonctionnement est fondé sur le plaisir. Pour agir ils ont besoin d’être motivés, amusés.»2 Cette génération avance comme elle peut, au gré de ses envies. Elle regarde le reste de la profession qui brave péniblement les crises et trime pour décrocher des marchés. «Les architectes sont fatalistes, ils ne veulent pas se faire plaisir aujourd’hui.» déplore Lee S. (architecte DE, 28 ans) La dernière chose qu’on ait envie de faire, c’est de faire des choses sérieuses, trop sérieuses. Si tu viens un jour voir à l’agence, c’est pas Google quoi. Les gens ils sont sur des PC, ils dessinent, ils sont au téléphone, ils négocient avec des B.E. Donc du coup, dès qu’on a une occasion de se marrer un petit peu on essaie de se faire plaisir.

Will P., architecte associé, 29 ans

Toujours en accord avec l’idée de trouver des façons de se faire plaisir, l’une des premières réponses d’une jeunesse en difficulté face aux crises : l’humour.

«L’art de se moquer de tout y compris de soi-même. Voilà la thérapie des sociétés d’abondance, le contrepoids au sentiment ambiant de dépression, telle que l’a dépeinte le sociologue Alain Ehrenberg dans La fatigue d’être soi.»3 La dérision est devenue un élément central de l’état d’esprit des jeunes architectes.

2. Olivier REVOL, J’ai un ado... mais je me soigne, JCLattès, 2013, p241.

3. Monique DAGNAUD, Génération Y : les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision à la subversion, SciencePo les presses, 2013, p90.

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À cause de la relative précarité de leur situation, il est difficile pour les jeunes architectes de bâtir de longs plans de carrières. Ils cherchent donc à satisfaire au mieux leurs envies au fur et à mesure. «Je n’avais aucune idée de ce que j’allais faire, où j’allais être et je pense que pour mes camarades c’était pareil. J’ai trouvé ma place mais je ne savais pas où elle était, je l’ai trouvée par réaction.» confirme Lyra B. (architecte, ingénieure, enseignante en ENSA, 34 ans). On retrouve ici un des traits de caractère de la génération Y qui a beaucoup questionné les managers des entreprises cette dernière décennie. Si les jeunes architectes ne trouvent pas leur compte dans une agence, ou s’ils ont simplement envie d’aller voir ailleurs, ils partent. Ce phénomène est d’autant plus surprenant que l’instabilité des marchés économiques rend chaque emploi assez précieux, surtout dans leur situation.

Il y a eu un moment dans l’agence où on avait une personne qui nous intéressait bien, mais elle nous a dit «bah non, moi ça m’intéresse de partir. Parce que j’ai ma vie à faire ailleurs.» Et ça a été le choc. Ils voulaient lui proposer de s’associer, mais en fait non, elle voulait travailler chez Craterre et faire un stage sur la terre. Et du coup elle est partie.

Will P., architecte associé, 29 ans

Loin des envies de révolte de 1968, les jeunes architectes n’aspirent pas à renverser le système, mais à y trouver une place. Ce qu’ils veulent c’est «une vie 84

professionnelle où l’on puisse progresser, obtenir des responsabilités, être en sécurité. Il ne veulent plus en revanche sacrifier leur vie privée au travail. La «culture d’entreprise» , ce n’est pas trop leur truc.»1 En définitive ils recherchent l’autonomie, le respect, le statut auquel le système scolaire les avait préparer.

« Je cherchais donc du travail qui me fasse plaisir. Mais ce contrat qu’on m’a proposé, il m’a attendu des mois et je n’y suis jamais allé. C’était déjà trop tard j’avais pris goût à ma liberté. Et dès le début j’ai fait 1000 choses différentes, c’est le statut d’indépendante qui m’a permis de commencer à enseigner, de travailler avec les copains, de travailler pour moi-même. J’étais libre de faire ce que j’avais envie de faire et du coup quand j’ai trouvé un contrat j’avais plus envie. » Lyra B., architecte, ingénieure, enseignante en ENSA, 34 ans

Consciente du monde dans lequelle elle vit, cette génération avance comme elle peut, désinvolte.

1. Michel FIZE, Jeunesse à l’abandon : La construction universelle d’une exclusion sociale, Mimésis, 2016, p119.

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Nouveaux outils, nouvelle culture Il y a plus de 15 ans, Guy Tapie constatait un renouvellement de la culture professionnelle des architectes, en rupture avec la tradition du papier, du calque et de l’encre de Chine.1 Leur corpus de référence s’est depuis considérablement élargi : « la musique, la littérature, la philosophie, la science, le cinéma, la ville, l’urbanité offrent des sources à l’imaginaire architecturale.»2 L’arrivée d’une nouvelle génération d’architecte, grande consommatrice de productions culturelles diverses et variées, influence nécessairement cette culture professionnelle en mutation. «On est friands de services, de voyages, de concerts.» affirme Salmakia G. (architecte D.E., 26 ans).

Les progrès d’Internet ont considérablement developpé l’accès à la culture, et fournissent aux jeunes architectes des milliers de références potentielles. «On 1. Guy TAPIE, Les architectes : mutation d’une profession, L’Harmattan, 2000, p302.

2. Guy TAPIE, Les architectes : mutation d’une profession, L’Harmattan, 2000, p38.

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a accès à tout, tout le temps. Tu as juste envie d’aller trouver un détail et au final ça te renvoie sur une autre image... sur une image de matériaux, sur une image de détail technique, comme sur une image de bâtiment à l’autre bout du monde.» raconte Marisa C. (architecte DE, 25 ans)

La jeune génération se sert notamment de ce bagage pour communiquer et se faire plaisir. Un nouveau langage se construit, basé sur des références composites permettant de s’adresser au plus grand nombre. «On essaie de le faire avec des éléments qui sont ludiques, parce que ça parle à tout le monde. Oui, toute la journée on travaille avec des gens qui investissent leur argent et peuvent être vachement stressés. Mais on se rend compte que mine de rien, prendre une référence. : la dernière vidéo de Youtubeur, le dernier film qui sort, une BD... c’est vachement plus expressif, ça peut faire sourire les gens, mais ça permet de montrer qu’on est aussi là pour se faire plaisir.» explique Will P. (architecte associé, 29 ans)

L’informatique notamment occupe une place grandissante dans nos société, or nous avons déjà vu quelles affinités la jeune génération possède à l’égard de ces outils. «Tous les jeunes professionnels y sont, si ce n’est formés, du moins socialisés. Ils sont d’ailleurs un des vecteurs essentiels de l’usage de ces nouveau outils, voir ede leur diffusion dans le milieu.»3

3. Guy TAPIE, Les architectes : mutation d’une profession, L’Harmattan, 2000, p94.

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Les enjeux qui se cachent derrière ces progrès technologiques sont évidemment la communication et la performance. Ces nouvelles façons de représenter l’espace font évoluer les pratiques du projet, lui permettant de satisfaire plus efficacement toutes les nouvelles contraintes auxquelles il doit répondre. Mais ce ne sont pas seulement des outils pour comprendre et concevoir l’espace, les architectes s’en servent aussi pour expliquer plus simplement le projet. «Pour le dire de manière très basique, je pense qu’on communique mieux.

Je pense que la performance et la compétence vient de là. Dans tout le travail de l’architecte la question de la communication est centrale.» résume Lyra B. (architecte, ingénieure, enseignante en ENSA, 34 ans) L’éternel problème de l’archi c’est que tu vends du papier, tu vends de la prestation intellectuelle, donc les gens ont du mal à comprendre ce qu’ils sont en train de payer. Et leur faire comprendre à la fois par les nouveaux outils et surtout par la méthode : t’es là pour dialoguer, tu t’assois autour de la table, tu prends un crayon, un modèle 3D. Will P., architecte associé, 29 ans

Notons au passage que les outils informatiques ne remplacent pas le crayon, mais l’accompagne de façon complémentaire. «Je pense que dans l’archi, quoi qu’il arrive, il y aura toujours le crayon et le papier. Ça c’est clair.» estime Lee S. (architecte DE, 28 ans).

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Les architectes travaillent depuis longtemps les façons de représenter un projet, mais essentiellement un projet fini, abouti, prêt à être vendu ou construit.

La nouvelle génération se révèle mieux outillée que les précédentes pour ouvrir un dialogue sur la conception même du projet, jusqu’à maintenant accessible de la seule maîtrise d’œuvre. «On fait des petits volumes dans tous les sens et on se rend compte qu’en fait, de tourner en 3D et de montrer ça aux maîtres d’ouvrage, ils comprennent vachement mieux le projet. Et ce sont des choses qu’ils n’avaient pas forcément eu avant. Donc l’évolution des outils informatiques, nous, on s’en est servi dès le démarrage de l’agence comme outil pédagogique» (Will P., architecte associé, 29 ans)

Ces enjeux de communication sont d’autant plus importants que le travail des architecte est directement lié à la commande. Et à l’heure de la compétition, ceux qui parviennent à être visibles et attractifs remportent les marchés. Même si l’architecture est une expression de la culture, si les architectes représentent l’intérêt public et si la loi leur interdit de produire de la publicité, une dimension non négligeable de leur travail consiste à vendre des espaces. C’est donc aussi pour le plaisir de leurs clients et faire sa place sur les marchés que les jeunes architectes font tant d’efforts pour produire de beaux documents. «On est dans une ère de l’image, ça c’est je pense propre à la génération Y. Et donc on met beaucoup d’argent et beaucoup de temps à faire les meilleures images qu’on peux. » (Will P.)

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«Les réseaux sociaux, ça a changé la donne. [...]

Aujourd’hui de toute façon le client il ne viendra pas vers toi, c’est fini. Il faut réinventer la pub.»

«Encore une fois, il faut être le meilleur, le plus présent, le plus imagé, le plus virtuel... Sur facebook, les réseaux sociaux, professionnels, spécialisés et tout. Il faut être interactif pour montrer que tu es toujours là et que tu es mieux placé que tout le monde. Et l’architecte doit apprendre à faire ça. Plus qu’apprendre à utiliser un logiciel pour faire des plans, je pense.»

(Lee S., architecte DE, 28 ans)

Les agences d’architecture sont certainement amenées à investir de plus en plus ces nouveaux espaces numériques, bien connus des jeunes générations.

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La rupture d’un modèle Aujourd’hui, les jeunes architectes de la génération Y font peu à peu évoluer les façons de travailler, parce que sur de nombreux aspects ils n’abordent pas les choses comme leurs aînés. «J’ai beaucoup lu sur la génération Y. Donc je me suis rendu compte que, un ça me touchait directement, et de deux, c’est vraiment quelque chose qui va changer le monde du travail» affirme Lee S. (architecte DE, 28 ans).

Contrairement à certains à priori sur la jeunesse, la difficulté de leur situation ne les a pas rendu radicalement anti-libéraux pour autant. L’enquête Valeurs de 2008 montre que les jeunes ne condamnent finalement pas plus les dérives du système capitaliste que le reste de la population. «L’adhésion au libéralisme économique est en net retrait depuis 1990, aussi bien chez les jeunes que chez les autres classes d’âge.»1 1. Olivier GALLAND et Bernard ROUDET, Une jeunesse différente : les valeurs des jeunes français depuis 30 ans, La Documentation Française, 2012, p221.

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Toujours en accord avec le «rapprochement des valeurs» constaté par Olivier Galland et Bernard Roudet, la jeunesse ne dénigre pas non plus la valeurs du travail, aujourd’hui centrale dans nos société. «L’emploi étant percu comme un bien rare, il n’est pas étonnant que les jeunes y soient de plus en plus attachés.»1 Il n’y a donc pas de dépréciation du travail, mais s’exprime en revanche le besoin de le faire évoluer.

On constate qu’un certain nombre de jeunes diplômés ne «rentrent effectivement pas dans le modèle un peu traditionnel» (Will P., architecte associé, 29 ans) Derrière modèle traditionnel il faut surtout entendre hiérarchie, à laquelle la génération Y ne croit plus vrament.

En effet, on dit parfois d’une structure qu’elle est plutôt jeune si son fonctionnement est horizontal. «On aborde les choses différemment, on a envie d’être nos propres patrons et on développe vachement l’auto-entreprenariat parce qu’on ne croit plus aux schémas de l’entreprise» explique Mary M. (architecte DE, 24 ans). Sous bien des aspects les modèles de marchés et d’agence d’architecture sont aujourd’hui en crise. «Parce que c’est pas parce qu’on doit être performant économiquement qu’on doit pour autant foutre à la poubelle toutes ces ambitions. On est en rupture avec notre modèle historique. Et on n’en a pas encore réinventé de bon. Je pense que c’est ça qu’on est en train de réinventer, un nouveau modèle» analyse Lyra B. (architecte, ingénieure, enseignante en ENSA, 34 ans).

1. Olivier GALLAND et Bernard ROUDET, Une jeunesse différente : les valeurs des jeunes français depuis 30 ans, La Documentation Française, 2012, p209

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L’émergence de nombreux collectifs ces dernières années témoigne d’une «nouvelle manière de faire des jeunes générations d’architectes, qui s’inscrivent dans des formes beaucoup plus pluridisciplinaires. Précisement parce que ce sont des générations qui sont capables d’aller chercher des informations dans plusieurs disciplines, dans plusieurs sources. Et donc capables de s’entourer de plusieurs compétences.» (Serafina P., sociologue, enseignante en ENSA). Il s’agit en réalité de structures d’association, le terme collectif servant à exprimer leur fonctionnement horizontal. Alors que le marché du travail est saturé et que les jeunes subissent les crises de plein fouet, se regrouper est également une façon de quitter l’isolement, d’être plus forts.

Les jeunes architectes ayant grandi dans une société ultra-libérale, ils restent malgré tout profondément individualistes. Les collectifs n’échappent pas à cette tendance et incarnent finalement plusieurs individualités réunies par une envie de faire ensemble. «Les points de vues étaient très individualisés pour ce collectif. Tu avais ceux qui voulaient être juste bénévoles, ceux qui voyaient un potentiel de professionnalisation... » raconte Mary M. (architecte DE, 24 ans).

En cohérence avec cette logique d’autonomisation, les jeunes architectes ont beaucoup développé l’autoentreprenariat, ce qui leur permet de travailler dans différentes configurations : seul, avec des camarades, en télétravail, pour de plus grosses agences, sur de petits projets, sur des concours, etc. « Pour moi Guillaume incarne cette nouvelle génération d’architectes. [...]

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Comme moi il a commencé en indépendant. [...] il a une forme de souplesse dans le rapport au marché, par rapport à d’autres générations d’architectes.» (Lyra B., architecte, ingénieure, enseignante en ENSA, 34 ans)

Dans un contexte de crise démocratique, l’ensemble de la société se dépolitise. Néanmoins, l’enquête «Valeurs» révèlent «une nette montée de la politisation des jeunes, aujourd’hui comparable à celle des adultes.»1 On retrouve donc ici le phénomène de rapprochement des valeurs entre les différentes générations.

Ce n’est donc pas sur un plan politique que la jeune génération se place en rupture par rapport à ses aînés. Elle est en réalité post-idéologique2, revendique ne plus être dans une posture car ce qu’elle leur reproche aujourd’hui, c’est de continuer à «dicter le bonne architecture». «On a compris qu’il y avait des gens avec qui on n’arrivait plus à travailler, [...] qui croient que quand ils vont parler, tout le monde va les écouter sans règle ni contrainte. [...] Ils sont dans des postures.

Ils parlent et ils considèrent que ça leur est dû, qu’ils ont cette position qu’ils ne vont pas perdre. Qu’ils ont droit à ce statut. Alors que nous on considère qu’on est rien» explique Will P. (architecte associé, 29 ans).

Au vu de leur situation, les architectes ont pourtant 1. Olivier GALLAND et Bernard ROUDET, Une jeunesse différente : les valeurs des jeunes français depuis 30 ans, La Documentation Française, 2012, p18.

2. Monique DAGNAUD, Génération Y : les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision à la subversion, SciencePo les presses, 2013, p150.

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besoin aujourd’hui de remettre en question leurs modèles. Et c’est cela que la jeunes génération semble faire. Leur ouverture nouvelle sur le monde, alimentée par leurs voyages et leur connexion aux réseaux de communication, paraît essentielle pour permettre cette remise en cause du modèle, français notamment.

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Conclusions Les jeunes architectes p18 Retour critique p18 Ouverture p18

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La jeune génération d’architectes Rappelons avant tout qu’une génération n’est pas un ensemble homogène. Les caractéristiques qui lui sont attribuées traduisent les tendances observées sur l’ensemble du groupe social étudié et ne sauraient être attribuées à chaque individu.

Les jeunes architectes se sont construits dans un environnement en pleines mutations, et ont donc appris à s’adapter. Conscients de la société qui les entoure, rendue relativement anxiogène par un contexte de crise globalisé, ils développent un nouveau rapport au monde fondé sur un certain pragmatisme. «C’est une génération qui est aussi sans doute beaucoup plus capable de se débrouiller par elle-même, peut être, que d’autres. Donc elle peut fabriquer des choses.» interprète Ruta S. (sociologue, enseignante en ENSA)

Fraîchement arrivée sur le marché du travail, cette génération peine aujourd’hui à sortir de la précarité. Elle accompagne la révolution numérique dans le monde du 98

travail, et développent de nouvelles façons de travailler.

Sur certains points elle se positionne en rupture par rapport à un modèle, qui l’accueille d’ailleurs assez mal, avec notamment une revalorisation d’organisations horizontales et égalitaires et un refus des postures et des idéologies. Sur d’autres, elle se place en filliation de ses aînés, se rappropriant les enjeux contemporains de la profession.

Même si ce n’est pas toujours facile, les jeunes architectes trouvent beaucoup de choses différentes à faire. Et si ça ne leur plaît pas, ils finissent par aller voir ailleurs. ils essaient, ils échouent, ils innovent, et toujours ils suivent leur envies.«On est une agence qui fonctionne très bien. On est plein de jeunes et pleins de filles. Ce qui est tout à fait possible en 2016» affirme Will P. (architecte associé, 29 ans)

Ils avancent, désinvoltes, à la recherche d’une situation qu’ils estimerons acceptable, tournant en dérision leur propre infortune. La révolution qui s’opère aujourd’hui ne ressemble en rien à celle de 1968, où les jeunes voulaient changer le monde. Maintenant, les jeunes cherchent à trouver une place dans un monde qui bouge. Et c’est quand ils n’y parviennent pas qu’ils veulent à leur tour changer le monde.

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Retour critique Il s’agit d’un sujet très vaste qui pourrait alimenter plusieurs sujets de thèses de sciences sociales, englobant sociologie, politiques, histoire et économies. J’ai modestement essayé de l’aborder dans cette étude, par l’entrée qui me semblait la plus simple et je suis assez satisfait de ce premier travail de recherche.

Encore que je ne le trouve pas suffisement rigoureux et abouti pour être véritablement considéré comme de la recherche. Je crains par exemple d’avoir parfois un peu trop survolé certains sujets et tirer des conclusions un peu hativement.

Pour être plus juste, mon corpus aurait certainement du être plus complet. Une bibliographie plus complète et un appui plus systématique sur des données statistiques aureitn pu être déployés et conduire davantage d’entretiens aurait permis d’étudier un échantillon d’individus plus représentatif. J’ai d’ailleurs beaucoup appris de ces entretiens même si j’ai pu bien que j’ai du faire un certain nombre d’erreurs. Certains ont mal été enregistrés et mon manque d’expérience 100

m’a sûrement conduit à trop orienter les discussions.

Ajoutons enfin un certain manque d’organisation dans la difficile phase de rédaction.

D’une manière générale, j’ai pris beaucoup de plaisir à mener cette étude, le sujet me tenant, à l’évidence, très à coeur. J’ai le sentiment d’avoir beaucoup appris de cet exercice, des difficultés rencontrées et des erreurs commises. Je m’interroge cependant sur les limites qu’il peut y avoir à étudier un groupe social auquel on appartient (en partie du moins).

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Ouverture Cette étude aura sûrement permis d’introduire correctement le sujet, mais elle n’aura en aucun cas pu le traiter dans son ensemble, c’est évident. L’arrivée d’une nouvelle génération d’architectes dans la profession étant désormais établie, cela soulève de nombreuses questions.

Tous les jeunes diplômés français en architecture ont été sélectionnés à l’entrée des Ecoles Nationale Supérieure d’Architecture, puis ont été formés. Pour en savoir plus sur cette génération, il faudrait donc étudier l’évolution des critères de sélection et des contenus des formation des différentes écoles.

On pourrait également imaginer analyser l’évolution de la production des jeunes architectes, à commencer par leur Projet de Fin d’Etude, pour comprendre un peu mieux ce qu’ils ‘‘font’’ de l’architecture.

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Une autre des spécificités de cette génération, est

qu’elle accompagne la féminisation de la profession.

Comme la plupart des profession libérales, elle a longtemps été une profession masculine, liés à de nombreux enjeux de pouvoir. Depuis déjà plusieurs années, plus de la moitié des jeunes diplomés sont des femmes. Il semble donc extrêmement important d’étudier l’impact que cela a sur l’insertion, la culture et les pratiques professionnelles.

Chaque génération étant marqué par un environnement culturel différent, on a déjà observé que celle-ci se trouvait sur de nombreux points en rupture avec les générations précédentes. Si l’on considère l’implication personnelle que requiert cette profession, on est en droit de se demander en quoi cette nouvelle nourriture intellectuelle impacte le travail des architectes. Comment évoluent les pratiques et les productions architecturales au contact de ce nouvel imaginaire, notamment lié à l’environnement urbain, souvent catastrophiste

Chaque génération se définissant par rapport aux autres. Il serait intéressant d’étudier comment la génération Y est accueillie par les générations d’au dessus, parfois déjà en conflit entre-elles. Pour avoir déjà eu l’occasion d’aborder le sujet dans un entretien, on pourrait aussi analyser les rapports qui se développent entre la génération Y et la génération Z.

Enfin, l’apparition récente du doctorat dans le paysage architectural interroge l’ensemble de la discipline, et impactera certainement ces jeunes générations.

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Remerciements Merci à Ana Bela De Araujo et Corine Védrine pour leurs bons conseils et leur accompagnement de qualité.

Merci à Amandine, Etienne, Margaux, Benoit et Benjamin du Collectif Pourquoi Pas ?!, Laure-Élise Alaphillipe, Geilon Cannarozzi, Lauréna Cazeaux, Gilles Desèvedavy, Julien Leroy, Estelle Morle, Nadile Roudil et Corine Vedrine de m’avoir accordé un peu de leur temps pour discuter. (Ils ont été anonymés durant la rédaction).

Merci à Livia pour son soutien et son précieux jus d’orange.

Merci à ma maman et à Guillaume pour leur relecture attentive.

Merci à Incubus et Jakob, dont les albums ont été longuement écoutés durant la rédaction.

Enfin, merci à Samuel Fischer pour m’avoir tenu compagnie dans mes moments de faiblesse.

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Références Bibliographie Pierre BOURDIEU, « La Jeunesse n’est qu’un mot », Les jeunes et le premier emploi, Association des Âges, 1978.

Olivier CHADOIN, Être architecte : les vertus de l’indétermination, Pulim, 2007.

Julien CHOPPIN & Nicola DELON, Matière grise : matériaux, réemploi, architecture, Pavillon de l’Arsenal, 2014.

Serge LATOUCHE, L’occidentalisation du monde, La Découverte, Paris, 1989.

Frédéric LORDON, Jusqu’à quand ? Pour en finir avec les crises financières, Raisons d’agir, 2008.

Monique DAGNAUD, Génération Y : les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision à la subversion, SciencePo les presses, 2013.

Michel FIZE, Jeunesse à l’abandon : La construction universelle d’une exclusion sociale, Mimésis, 2016.

Olivier GALLAND et Bernard ROUDET, Une jeunesse différente : les valeurs des jeunes français depuis 30 ans, La Documentation

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Française, 2012.

Olivier GALLAND, Parlons Jeunesse en 30 questions, La Documentation Française, 2013.

Myriam LEVAIN et Julia TISSIER, La génération Y par elle-même, François Bourin Editeur, 2012, p8.

Olivier REVOL, J’ai un ado... mais je me soigne, JCLattès, 2013.

Michel SERRES, Petite Poucette, Le Pommier, 2012.

Guy TAPIE, Les architectes : mutation d’une profession, L’Harmattan, 2000.

Philippe TRETIACK, Faut-il pendre les architectes ?, Seuil, 2011.

Jean-Louis VIOLEAU, Les architectes et mai 68, Recherches, 2005.

Articles & revues L’Architecture d’Aujourd’hui, Septembre 2016, n°414.

Jean-Luc PLACET, Frédéric PETITBON, à la recherche de la «génération Y», Sociétal, 3ème trimeste 2012, n°77.

Nicolas ROGUE, Enquête : les agences face à la crise, AMC Architecture, Le moniteur, septembre 2009, n°190.

Nicolas ROGUE, Enquête : La crise en chiffres, AMC Architecture, Le Moniteur, janvier 2010, n°193.

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Etudes Génération Quoi. autoportrait des 18-34 ans en Belgique francophone. www.rtbf.be/generationquoi François ROUANET, Archigraphie, chiffres et cartes de la profession d’architecte, Ordre des architectes, 2015.

Emissions radio Matthieu GARRIGOU-LAGRANGE, Modes de vie, mode d’emploi « Comment se porte l’architecture en France ? », diffusée le 27 avril 2015, France Culture, 59mn.

France Inter, 29-01-2014, La génération Y, Pierre Weill, émission «le téléphone sonne», 37mn

Conférences Nicolas MICHELIN, Argent Logement Autrement, 25 février 2015, Conférence à l’ENSAL. Guillaume RAMILIEN, Réconcilier le réel et l’imaginaire, 7 avril 2015, Conférence à l’ENSAL. Olivier REVOL, Comprendre les étudiants d’aujourd’hui, 17 décembre 2013, Conférence à l’ENSAL. Encore Heureux, L’exploration de la condition urbaine, 9 février 2016, Conférence URBS #08 au Sucre, Lyon.

Z Architecture, Du bon sens à la communication une méthode de travail, 16 février 2016, Conférence à l’ENSAL.

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Vidéos en ligne Les Jeunes (La génération Y), Usul2000. Youtube, 29/05/15 [consultée le 20/12/16]. 25m13. la génération Y par Adesias !, Adesiasprod. Youtube, 06/02/12 [consultée le 20/12/16]. 2mn10.

Emmanuelle Duez - Positive Economy Forum - Le Havre 2015 Français, Positive Economy Forum. Youtube, 02/10/2015 [consultée le 20/12/16]. 15mn31.

Inculture(s) 2 : L’éducation - Franck Lepage - Scop Le Pave Conférence gesticulée, Tutti Quanti. Youtube, 18/03/2012 [consultée le 13/12/2016]. 2h51m50.

Génération Pokémon !, benzaieTV. Youtube, 01/03/2016 [consultée le 20/12/16]. 2mn20.

SOMMES NOUS TOUS DÉSESPÉRÉS ?!, Simon Puech. Youtube, 25/11/2016 [consultée le 20/12/16]. 2mn22.

Crédit illustrations : Denis Sazhin from Noun Project 109

Jules Cadiergue

MĂŠmoire de Master Janvier 2017

ENSAL 2017

La jeune génération d’architectes Dans un monde qui change, où le chômage et les inégalités progressent, les architectes vivent de plus en plus mal. On dit pourtant que les jeunes architectes sont en train de réinventer leur métier. Mais qui sont-ils ?

Qu’est ce que la génération Y apporte à cette profession en crise ? Des outils, des pratiques, des compétences ?

The young generation of architects In a changing world, where unemployment and inequality are increasing, architects are living more and more badly. Yet it is said that young architects are reinventing their job. But who are they? What does Generation Y bring to this profession in crisis? Tools, practices, skills?

Mémoire de Master, sous la direction d’Ana Bela de Araujo et de Corine Vedrine.

Mémoire de Master