BB miracle extrait

Page 1


Introduction

Ces mots sont écrits avec une joie et une gratitude infinie envers Hachem. Après tant de décennies, le Rav Tsvi Kushelevsky, Roch Yéchiva de la Yéchiva Hekhal Hatorah (qui fut, à mon grand honneur, mon Roch Yéchiva pendant quatorze ans) donna naissance, à l’âge de 88 ans, à son fils aîné, Eliahou.

Durant les jours et les semaines qui suivirent la naissance miraculeuse d’Eliahou, l’enfant que Rav Tsvi Kushelevsky attendit pendant soixante-cinq ans, une foule de personnes afflua à la Yéchiva pour rencontrer le Rav. Elles venaient demander une bénédiction à un Tsadik pour qui un « miracle des temps modernes » fut accompli. Elles venaient pour voir de leurs propres yeux le fameux bébé et réaliser que Hachem est véritablement avec nous, même en ces temps difficiles. Toutes vinrent pour être renforcées et encouragées, pour écouter le message inspirant de Rav Tsvi, un message qui montre qu’il y a toujours de l’espoir et qu’elles aussi peuvent mériter une délivrance si elles se montrent capables de préserver leur foi et qu’elles ne baissent pas les bras.

Le Roch Yéchiva, habituellement très économe de son temps, passe encore de nombreuses heures à rencontrer et à discuter avec d’innombrables personnes, autant qu’il en est capable, ne permettant à ses Gabbaïm de « renvoyer » ses visiteurs que

lorsqu’il est au bord de l’épuisement. De plus, il consentit à se faire interviewer et à publier son histoire. En tant que disciple, je sais à quel point le Roch Yéchiva est prudent et veille à maximiser chaque seconde qui passe ; il est constamment en train d’étudier ou de donner des cours. Même pour les activités importantes comme les récoltes de fonds pour la Yéchiva, il ne consacre jamais plus de temps que le strict nécessaire afin de s’acquitter de son obligation de Hichtadlout.

Pourquoi agit-il si différemment, cette fois ? Comme il l’expliqua lui-même, c’est parce qu’il sent qu’il ne s’agit pas d’un cadeau personnel ; la naissance de cet enfant est un cadeau pour tout le peuple juif. Comment peut-il le garder pour lui seul ?

Cet incroyable événement m’a insufflé beaucoup de ‘Hizouk. Qui plus est, j’ai eu la chance d’entendre de nombreuses heures de conversations d’encouragements et de tirer de profondes leçons des paroles du Roch Yéchiva durant cette période. Et moi aussi, je n’ai pas le droit de les garder pour moi-même. Le Bébé miracle représente ma part dans la transmission de ce ‘Hizouk au peuple d’Israël. Je me rends ainsi partenaire du Roch Yéchiva dans sa diffusion du miracle. Puissions-nous effectivement atteindre ce noble objectif.

Un présage pour les descendants

Rav Tsvi Kushelevsky, dans son rôle de Roch Yéchiva, transmit un patrimoine de Torah à des milliers de disciples, au cours de ses quatre-vingt-huit dernières années de vie. Son service personnel est en soi source d’inspiration. Il accumula certainement d’innombrables mérites. Cela étant, l’une des questions brûlantes qu’on lui posa fut de savoir pourquoi sa délivrance mit tant de temps à arriver.

Nos Sages enseignent la fameuse phrase : « Ma’assé Avot Siman Labanim – les actions des ancêtres présagent les expériences vécues par leurs descendants » (Midrach Tan’houma, Lekh

Bébé Eliahou peu de temps après sa naissance

Lekha 9). Si nous voulons trouver un sens à notre vie et être inspirés, nous devons chercher des parallèles dans la vie de nos patriarches. Ainsi, à la lumière du principe que Ma’assé Avot Siman Labanim, cherchons la réponse à cette question dans le livre Béréchit.

Tous nos patriarches furent éprouvés dans le domaine de la fertilité. Avraham et Sarah eurent leur premier enfant après de longues décennies d’attente. Rivka resta stérile pendant douze ans et Ra’hel resta sans enfants durant de nombreuses années, jusqu’à la naissance de Yossef. Pourquoi les choses se passèrent-elles de la sorte ?

Introduction / 15

Nos Sages nous donnent une réponse intéressante : « Hachem aspire à écouter les prières des Justes » (Yébamot 64a). Du fait de leur douleur, les Justes se tournent vers Hachem et atteignent un niveau de prière et de proximité avec Hachem qu’ils n’auraient pas pu atteindre autrement.

Rav Tsvi répondit donc à la question à propos de sa longue et éprouvante attente en expliquant qu’il ne vit que du bien dans ces soixante-cinq années d’attente. Cette expérience n’était qu’un moyen de le rapprocher davantage de Hachem.

Mais il y a encore une autre leçon à tirer.

Un enfant de prière

Les années de prières sincères ne transforment pas seulement les personnes qui les récitent. Un enfant qui naît après plusieurs années de prières bénéficie d’une proximité particulière avec Hachem, parce qu’il a été façonné par la puissance de la prière.

Cette idée trouve son origine dans le premier chapitre du livre de Chmouël.

‘Hanna resta stérile durant de nombreuses années. Elle passa d’innombrables heures à prier, à implorer Hachem d’avoir un enfant. Elle voyagea même jusqu’au Michkan à Chilo et promit que si elle avait un fils, elle le consacrerait entièrement à Hachem dès qu’il serait sevré. Elle l’amènerait au Michkan où il apprendrait la Torah avec Eli, le Cohen Gadol.

Finalement, sa requête fut exaucée. ‘Hanna donna naissance à un enfant qui devint le prophète Chmouël, l’un de nos plus grands prophètes, qui est comparé à Moché et Aharon (voir Téhilim 99, 6). Quand Chmouël eut deux ans, ‘Hanna respecta sa promesse et amena son cher fils au Michkan. Elle emmena celui pour qui elle avait prié pendant tant d’années, celui pour qui elle avait récité tant de prières déchirantes. Elle l’y emmena pour qu’il puisse dédier sa vie au service de Hachem.

/ Bébé

Mais les choses ne se passèrent pas comme prévu. Comme le raconte la Guémara (Brakhot 31b), Chmouël donna une réponse halakhique devant son Rav – Eli le Cohen – ce qui consiste en une transgression grave, passible de mort, quand bien même la Halakha citée est correcte. Eli prononça donc ce verdict sur le petit Chmouël âgé de deux ans.

Quand ‘Hanna entendit le décret qui pesait sur le fils qu’elle avait consacré à Hachem, l’enfant qu’elle avait tant espéré avoir, pour lequel elle avait tant prié, elle eut le cœur brisé. Elle supplia le Cohen Gadol de céder et se radoucir. Elle l’avait tellement attendu qu’elle ne pourrait pas supporter sa mort.

Eli aurait bien voulu l’aider, mais il avait les mains liées. La Halakha, c’est la Halakha et Chmouël était coupable et méritait la peine de mort. Il proposa alors une solution à ‘Hanna. Il lui promit un autre fils qui serait encore plus grand et plus brillant que Chmouël. Mais cette dernière refusa. Elle insista pour épargner la vie de Chmouël, déclarant la fameuse phrase : « El Hana’ar Hazé Hitpalalti – C’est pour cet enfant que j’ai prié. » (Chmouël I 1, 27)

Rav Chimchon Pinkous pose une question percutante.

Les actions de ‘Hanna étaient entièrement Léchem Chamaïm (effectuées pour l’honneur de Hachem). Son ardent désir d’avoir un enfant visait à augmenter l’honneur et le service de Hachem et non à en retirer un bénéfice personnel. Il en est de même pour la raison de son refus devant le verdict fatal concernant son fils ; il n’était pas sentimental, mais également axé sur son service de Hachem.

Bon nombre de mères ont du mal à envoyer leurs fils adolescents étudier, même s’ils reviennent à la maison plusieurs fois par an. ‘Hanna fut prête à envoyer son fils pour une durée illimitée, à l’âge de deux ans. Elle mit cet enfant au monde uniquement pour le service de Hachem. La Guémara enseigne que sa

Introduction / 17

supplication pour avoir un enfant provenait de la peine et de la détresse de la Chékhina et non pas de sa peine et sa détresse personnelles. Dans ce cas, pourquoi insista-t-elle pour que Chmouël reste vivant, si Eli lui avait promis qu’elle aurait un autre enfant qui aurait un plus haut niveau et qui deviendrait un plus grand Tsadik que Chmouël ?

Rav Pinkous explique que ‘Hanna exprimait par-là une idée profonde. Elle disait à Eli : « Même si tu me promets un enfant bien meilleur que Chmouël, il y a quelque chose de spécial chez cet enfant qui ne pourra être remplacé par aucun autre enfant, peu importe sa grandeur. Cet enfant est né par le mérite de plusieurs années de prières. Cet enfant vint au monde par le mérite d’innombrables larmes. C’est un enfant de prières. Même un enfant de plus haut calibre ne pourra pas le remplacer. »

Chmouël naquit imprégné par les prières de sa mère. Quand Eli dit : « Je te donnerai un meilleur enfant », elle répondit : « C’est

Bébé Eliahou qui regarde des photos de Guédolim

/ Bébé

Des moments de prières

Hachem nous place souvent dans des situations où il nous manque quelque chose, où nous avons besoin d’une délivrance. Cela nous pousse à prier et à L’implorer. De toute évidence, Hachem désire nos prières pour nous voir plus proches de Lui, mais ces paroles de ‘Hanna nous révèlent quelque chose d’autre.

Quand un jeune couple donne naissance à son premier enfant au cours de la première année de mariage, la joie et la gratitude vis-à-vis de Hachem sont certainement très grandes. Mais si la grossesse ne se déclare pas immédiatement, si cinq années passent sans qu’aucun bébé soit en vue, les conjoints épanchent leurs cœurs en prières quotidiennement. Ils vont au Kotel et prier sur les tombes de Tsadikim. Ils récitent sans cesse des chapitres de Téhilim. Si finalement, au bout de quelques années, ils méritent de donner naissance à un enfant, ce bébé est un « enfant de prière ».

C’est le sens de la déclaration de ‘Hanna quand elle affirma : « C’est pour cet enfant que j’ai prié ». Comme pour dire : « Même si mon deuxième enfant sera un plus grand Talmid ‘Hakham ou un plus grand Tsadik, cet enfant que Hachem m’a envoyé grâce à la prière a une sainteté particulière et une proximité unique avec Hachem. »

Ce ne sont pas seulement les prières pour avoir un enfant ou pour trouver un Chiddoukh qui imprègnent la délivrance d’une qualité spéciale. La personne même qui prie constamment Hachem de satisfaire ses besoins matériels transforme ceux-ci en spiritualité. Sa nourriture, ses vêtements, sa maison et tous ses autres besoins physiques peuvent devenir extrêmement saints, et reçus tout droit de la Table de Hachem.

Remerciements / 19 en faveur de cet enfant que j’ai prié. » Ces prières le dotèrent de qualités spéciales et elles le rendirent irremplaçable.

Le Roch Yéchiva avec « l’enfant de la prière » dans les bras

Dans le même ordre d’idées, le Michna Béroura (Ora’h ‘Haïm 157, 4) cite le Zohar qui affirme qu’une personne doit constamment prier pour ses besoins basiques, comme sa nourriture. Pourquoi ? Parce que ce faisant, son pain devient un « pain de prière », procuré grâce aux prières et aux supplications. Il est imbibé de sainteté et provient directement des Mains de Hachem.

Lorsque nous sommes confrontés à des difficultés, quand nous souffrons de douleur ou d’angoisse, nous nous retrouvons obligés de prier. À ces moments, nous pouvons nous réconforter en nous disant que les épreuves ont un objectif : nous rapprocher de Hachem. Mais plus encore, puisque notre pain – et notre survie – nous est parvenu à la suite d’imploration, il comporte un niveau spécial de sainteté. Notre nourriture, notre vie, sont imprégnées de prière et valent donc beaucoup plus qu’auparavant.

Les périodes difficiles et éprouvantes sont en fait des « moments de prière », c’est-à-dire bien plus précieuses et valeureuses que les moments de confort et de tranquillité. Quand nous sommes contraints de prier, quand nous nous tournons vers Hachem parce que nous attendons désespérément notre délivrance, nous avons l’opportunité d’imprégner notre vie de sainteté, de la transformer en Saint des Saints.

Cela nous permet d’apprécier davantage la délivrance que connut Rav Tsvi après des décennies de prières. Cet enfant naquit à la suite d’innombrables prières, un véritable « enfant de prière ».

Introduction / 21

Chapitre 1

Voyage vers l’impossible

En 2017, Ra’hel Brandeis était âgée de cinquante et un ans et avait sept enfants. Elle n’aurait jamais imaginé qu’un an plus tard, elle deviendrait la Rabbanite d’un vénéré Roch Yéchiva et encore moins qu’elle espérerait avoir un autre enfant.

Voici son histoire, racontée directement par Ra’hel. Un rêve inaccessible ?

J’étais une mère célibataire avec sept enfants, dont seulement deux déjà mariés. Ce ne fut pas la période la plus facile de ma vie. Pour être honnête, c’était même particulièrement difficile. Toutefois, je savais pertinemment que la base de notre Avoda dans ce monde repose sur le verset : « Vaani Kirvat Elokim Li Tov – Quant à moi, la proximité avec D.ieu est mon bien » (Téhilim 73, 28), et je travaillais constamment pour renforcer ma Émouna et mon Bita’hone. J’écoutais des cours de Torah qui m’inspiraient, non seulement à continuer, mais à m’efforcer

Voyage vers l’impossible / 23

d’aspirer à atteindre un niveau plus élevé. Je me focalisais aussi sur le soutien financier à apporter à la Torah et aux Sages.

Bien que je fusse capable d’apporter un soutien financier aux Talmidé ‘Hakhamim, j’aspirais profondément à soutenir et à servir un Talmid ‘Hakham en tant qu’épouse. À ce stade de ma vie, et avec sept enfants, la plupart de mes connaissances trouvaient ce projet irréalisable, ce rêve inaccessible. Malgré tout, j’étais déterminée.

Vers la fin de l’année 5777, je faisais tout ce que je pouvais pour soutenir financièrement l’étude de la Torah, mais mon rêve restait de me marier avec un Talmid ‘Hakham et il était toujours considéré comme utopique. Un soir, j’écoutais un cours du Rav Mordékhaï Sitorsky, un disciple du Rav Moché Wolfson. Il parlait de la force exceptionnelle de l’année à venir, l’an 5778, qui était une année terminant par le chiffre 8. Nous savons que le chiffre 7 représente la nature et le 8 représente le peuple d’Israël, ce peuple qui est audessus de la nature, comme nous le montre le miracle des huit jours de ‘Hanouka, ou la Mitsva de Brit Mila effectuée le huitième jour.

« La force du 8 »

Le Rav Sitorsky poursuivit en démontrant comment nous voyons cela tout au long de l’histoire du peuple d’Israël, avec de nombreux moments décisifs durant les années qui se terminaient par 8. Il apporte des exemples fascinants : Avraham Avinou naquit en 1948, Its’hak en 2048, Ya’akov en 2108. La première alliance conclue entre Hachem et le peuple d’Israël (le Brit Ben Habétarim) eut lieu en 2018, et la Brit Mila d’Avraham date de l’an 2048. En 2448, les Bné Israël sortirent d’Égypte et reçurent la Torah. Le premier Beth Hamikdach fut construit en l’an 2928, le deuxième en 3408. Il ajouta de nombreux autres exemples pour illustrer « la force du 8 ».

Je fus très inspirée par ce cours. Cela me donna l’espoir de voir un grand miracle dans l’année à venir, l’année 5778.

/ Bébé

N’abandonne pas !

Je redoublai d’efforts pour intensifier ma confiance en Hachem. J’allai pèleriner sur les tombes de plusieurs Tsadikim et je donnai la Tsédaka. Je me mis à écouter quotidiennement les cours de Rav

Israël Brog, Roch Yéchiva de la Yéchiva Torat Avigdor à Cleveland, sur la Émouna et le Bita’hone. Il m’apprit que Hachem avait une maison pleine de trésors gratuits et je fus bien déterminée d’atteindre le niveau où je pourrais y entrer et prendre le plus beau « diamant » qui s’y trouvait.

En dépit de mes efforts, je ne recevais pas la proposition que j’attendais tant. Les gens me conseillaient de renoncer à mon rêve. « Il n’est pas raisonnable de vouloir un Talmid ‘Hakham. Peut-être un surveillant de Cacheroute ».

J’entendais, peut-être intellectuellement, mais mon cœur, en réplique, m’assurait : « Hayad Hachem Tiktsar – La Main de Hachem est-elle limitée ? » (Bamidbar 11, 23)

Tout peut arriver

J’allai sur la tombe du Rav de Poniewiecz et je dis : « Vous êtes venu et avez déclaré que vous bâtirez un monde de Torah ici, sur une montagne dénudée, et tout le monde s’est moqué de vous. Mais vous l’avez fait ! Vous vouliez diffuser et soutenir la Torah à grande échelle. Cela m’a inspiré, et je veux, moi aussi, pouvoir soutenir la Torah à grande échelle. Les gens se moquent aussi de moi, mais j’aimerais épouser un grand Talmid ‘Hakham. S’il vous plaît, je vous en supplie, allez devant le Trône céleste et implorez Hachem Yitbarakh. DemandezLui de me permettre de voir ce désir se réaliser. »

L’année passa et l’on approchait à grands pas de la fin de l’an 5778, sans aucune délivrance en vue. On ne me proposait même pas de Chiddoukh. Il me fallut faire de nombreux efforts pour continuer, pour ne pas baisser les bras et pour garder ma foi en Hachem.

Voyage vers l’impossible / 25

La veille de Roch ‘Hodech Av tombait un jeudi, et c’était une période assez pleine. Entre autres choses, j’étais surchargée par tout le linge qui devait être lavé avant Roch ‘Hodech. Je dus aussi emmener mon fils de dix ans pour qu’on lui enlève un plâtre. Dans la précipitation pour arriver à l’heure, je trébuchai et dégringolai les escaliers menant au cabinet médical.

La page dans le calendrier avec les mots « Béezrat Hachem, MARIAGE »

Je m’assis, en proie à de fortes douleurs. L’orthopédiste affirma que je m’étais déchiré plusieurs ligaments et que j’avais aussi probablement quelques fractures de stress.

D’une manière ou d’une autre, je rentrai chez moi. C’était le soir, Roch ‘Hodech Av, mais aussi la veille de Chabbath. Et avec cette blessure, je n’étais pas capable de préparer seule le Chabbath. Je restai assise dans ma cuisine, le pied surélevé, pendant que mon fils Bar Mitsva nettoyait la maison. Je soupirai devant mon destin et je me tournai pour regarder mon calendrier, qui était ouvert à la page de Tou Béav (15 Av).

Quelque temps auparavant, j’avais écrit, dans l’encadré réservé au 15 Av : « Béezrat Hachem, MARIAGE ». Quand j’avais écrit cela, j’étais gonflée à bloc de Bita’hone (l’expression favorite du Rav Israël Blog). Mais là, je riais. On était Roch ‘Hodech Av. Il n’y avait aucun

espoir que je sois mariée à un Talmid ’Hakham en l’espace de deux semaines !

Puis je me repris : « Si tu penses que Hachem ne peut pas te marier avec le plus grand Talmid ‘Hakham dans les quatorze prochains jours, me réprimandai-je, alors tu es une Apikoros (renégate) ! Tu as peut-être travaillé ton Moussar, ta Émouna, ton Bita’hone, mais tu penses encore que Hachem ne peut rien faire ?! »

Je pris à cœur mon autoréprimande « Moussarique » et je me mis à travailler davantage sur ma Émouna. Je passai tout le Chabbath à renforcer ma foi en « Ein Od Milévado », me répétant qu’il n’y a personne d’autre que Lui, que Hachem est « Kol Yakhol », Tout Puissant. J’étudiai des livres de Moussar et de Bita’hone, me répétant sans cesse que rien n’existe outre les merveilles de Hachem. Il peut envoyer les plus grandes délivrances en une fraction de seconde.

À la fin de ce fameux Chabbath, j’étais une personne différente.

Une Séouda organisée par la Rabbanite en l’honneur de l’édition du livre Prier avec joie

Voyage vers l’impossible / 27

Une opportunité extraordinaire

À la sortie du Chabbath, je reçus un appel téléphonique du cousin de Rav Pessa’h Krohn – Rav Yossef Krohn – et sa femme Routhy. Ils m’informèrent du fait qu’un Roch Yéchiva avait exprimé un intérêt pour un Chiddoukh, mais qu’il n’était pas disposé à écouter une proposition avant Ticha Béav.

Cependant, les choses commencèrent à avancer plus vite que les Krohn (et que moi-même) ne l’avaient imaginé. Peu de temps auparavant, j’avais ajouté le Rav Daniel Travis à ma « liste » de Chadkhanim. Il était un proche disciple de Rav Tsvi (mais à l’époque, je n’avais aucune idée du lien que cela pouvait avoir) et ce dernier l’appela pour prendre des renseignements sur moi. Entre autres informations, Rav Travis lui montra la préface que j’avais écrite pour son livre Prier avec joie. En lisant mes lignes, Rav Tsvi déclara : « C’est mon Zivoug ! » (Bien entendu, je ne fus mise au courant de cette partie de l’histoire que bien plus tard.)

La dédicace

Bien qu’il s’agisse d’une idée incroyable, c’était un grand pas à franchir et il y avait plusieurs facteurs à prendre en considération. Je voulais énormément me marier avec un grand Talmid ‘Hakham, mais il ne m’était jamais venu à l’esprit d’envisager un Chiddoukh avec un géant du peuple d’Israël.

Le lendemain – dimanche – je me rendis à Jérusalem pour parler de ce projet avec la Rabbanite ‘Hanni Weismann, qui avait été ma professeure en Bita’hone pendant les dix dernières années, un véritable « ‘Hovot Halévavot ambulant ». Elle était également liée à la proposition de Chiddoukh ; sa mère était la deuxième épouse de

Rav Leib Gurwitz, l’oncle de Rav Tsvi. Pendant que j’étais chez elle, je vis que Rav Travis tentait de me joindre. Je répondis au téléphone et lui assurai que je le rappellerais dès la fin de mon entretien avec la Rabbanite Weismann.

« C’est une opportunité incroyable et je sais que vous l’avez longtemps attendue, me dit-il quand je le rappelai. Le Roch Yéchiva est une personne d’un niveau très élevé. Il fut, entre autres, le compagnon d’étude du Rav de Brisk.

Je lui répondis que j’avais besoin d’un peu de temps pour réfléchir. Et je voulais aussi m’entretenir avec Rav Itamar Schwartz, l’auteur du livre Bilvavi Michkan Evné.

– De toutes les façons, le Roch Yéchiva n’est pas disposé à commencer avant Ticha Béav.

– Non, il veut vous rencontrer plus tôt, me répondit Rav Travis. – Quand ? demandai-je. –

Ce soir. »

Voyage vers l’impossible / 29

Chapitre 2 Programmer un mariage

Une rencontre surréaliste

Rav Schwartz se montra encourageant. Préoccupée par la différence d’âge, je soulignai : « Il a une trentaine d’années de plus que moi. J’ai récemment reçu une proposition pour rencontrer un quarantenaire, alors que le Roch Yéchiva est deux fois plus âgé !

– Certaines personnes ont cinquante ans, mais sont comme des quatre-vingtenaires et il y a des personnes de quatre-vingts ans qui ressemblent à des cinquantenaires », me rétorqua-t-il sagement.

Cela s’avéra tellement exact !

Sans avoir le temps d’y réfléchir davantage, je me préparai pour le rendez-vous de ce même soir. Un peu étourdie, je mis les enfants au lit et fis venir une baby-sitter, tout en me demandant ce que j’allais porter pour la rencontre.

Programmer un mariage / 31

Bien vite, je me retrouvai dans un taxi, en route pour Jérusalem, pour une deuxième fois ce jour-là. Je voulais calmer le flot de pensées confuses qui trottaient dans ma tête, et j’écoutai donc un cours de Rabbi Sitorsky sur le mois d’Av. Peut-être que le fait de me pencher sur un enseignement profond du Bné Issakhar apaiserait la panique qui risquait de me submerger.

J’arrivai à l’appartement dans lequel la rencontre devait avoir lieu et j’entrai dans la pièce où Rav Tsvi était assis. Il se leva de son siège et je restai immobile, en admiration devant sa sainte présence.

Je m’assis face à lui, figée. « Qu’est-ce que tu fais là ? me dis-je. C’est complètement surréaliste ! » Toutes les pensées que j’avais essayé de faire sortir de ma tête revinrent en masse. J’étais complètement submergée par l’idée d’avoir un Chiddoukh avec l’un des géants de la génération.

Ne sachant quoi dire d’autre, je balbutiai quelque chose à propos du mois de Av, que je venais d’entendre en route. Rav Tsvi élucida ce que j’avais dit, pendant que je jouais nerveusement avec mon écharpe sous la table, comme une enfant.

Et là, au bout de quelque onze minutes de rencontre, Rav Tsvi me regarda dans les yeux et me dit : « Alors, quand veux-tu te marier ? »

Fixer une date

Je fus complètement décontenancée par la question. Avec tact, je changeai de sujet et commençai à parler de l’un des incidents à propos de Yossef Hatsadik. Il m’accorda quelques minutes supplémentaires, puis me demanda une deuxième fois : « Et donc, à quelle date voudrais-tu te marier ? »

Une fois de plus, j’évitai de répondre en posant une autre question liée à un autre sujet de Torah. Quand je fis cet essai pour la troisième fois, il frappa un petit coup sur la table et dit : « Il y a une question qui attend sa réponse. J’ai posé la question trois fois. J’aimerais recevoir la réponse… Quand veux-tu te marier ?

/ Bébé

Réalisant que je ne pourrais pas me soustraire à donner une réponse, je suggérai :

– Tou Béav est un jour propice au mariage.

J’étais en train de penser la même chose », répondit Rav Tsvi.

Je sortis de l’appartement et tournai pour arriver sur la rue Bar Ilan, aux alentours de minuit. J’étais dans un état second, je boitai dans la rue, me demandant si je rêvais. Se pouvait-il que je sois fiancée à l’un des géants du peuple d’Israël, avec un mariage prévu dans onze jours ? Était-ce bien réel ?

Sans m’en rendre compte, je me retrouvai à l’angle Bar Ilan-Chmouël Hanavi, à attendre le bus pour Beth Chémech. Je montai distraitement dans le bus et m’installai.

Je regardais dans le vide quand je vis soudain une amie marcher le long de l’allée, dans ma direction. Elle n’avait pas du tout prévu d’être à Jérusalem à une heure si tardive, mais elle était là quand même.

Elle entama la conversation, d’une voix gaie. « Tu es ravissante ! Sors-tu d’un rendez-vous ? »

Je crois bien, répondis-je mal à l’aise. Puis je lui confiai ce qui venait de se passer et à quel point cela me rendait perplexe.

Si j’étais célibataire, dit-elle, et que le Rav Ovadia Yossef m’avait demandé en mariage, j’aurais sauté sur l’occasion ! »

Durant tout le retour jusqu’à Beth Chémech, elle m’insuffla du ‘Hizouk. Il était évident que Hachem avait organisé les choses de telle façon qu’elle monte dans le bus au moment précis où j’en avais besoin. Ses paroles de renforcement m’aidèrent à digérer ce qui s’était passé ce soir-là et à réaliser que bien que ce soit assez inhabituel, je ne pouvais pas laisser le Yétser Hara voiler la réalité et m’empêcher de voir le côté formidable et grandiose des événements.

Programmer un mariage / 33

Doutes

La première chose que je fis en arrivant à la maison fut de réciter Mizmor Létoda. Mais je ne le récitai pas avec autant de passion qu’il le fallait. J’étais encore influencée par le Yétser Hara, et mon esprit s’attardait sur la même pensée : « Une demande en mariage en onze minutes, un mariage en onze jours, plus de trente ans de différence entre lui et toi… »

Me rendant compte que je ne comprenais pas l’immensité du cadeau qui m’avait été offert, je m’autoréprimandai. « Cela fait si longtemps que tu demandes à Hachem de te donner un Talmid ‘Hakham comme mari et là, tu as touché le jackpot ! Un géant parmi le peuple d’Israël ! Et à présent, tu n’es pas sûre ?! Tu viens de recevoir le plus beau diamant de la trésorerie de Hachem et tu as des doutes ?! »

Prenant mes propres paroles à cœur, je me mis lentement à accepter ce cadeau spécial que Hachem m’avait donné, dans Son infinie bonté.

Toute la nuit, je me trouvais dans une sorte de frénésie. Je n’arrêtais pas de me réveiller et de réciter Mizmor Létoda, mais avec plus de ferveur et de sincérité qu’auparavant. Je regrettais d’avoir si mal réagi devant l’immense cadeau de Hachem, donc je me levai maintes et maintes fois pour dire Mizmor Létoda avec plus de sincérité et de concentration.

Nous étions le 4 Av. Le mariage devait avoir lieu onze jours plus tard seulement, le 15 Av.

Durant cette courte et spéciale période de fiançailles, le Rav Tsvi m’offrit un set de Ma’hzorim avec mon nom gravé, comme un fiancé l’aurait fait pour une jeune fiancée.

Il m’avait demandé de ne pas diffuser la nouvelle des fiançailles. Initialement, il voulait que le mariage soit célébré avec un petit Minyan de Talmidé ‘Hakhamim. Donc les jours passaient tranquillement et presque de façon routinière, même si à l’intérieur de moi, je sentais l’excitation et la gratitude envers Hachem pour ce merveilleux cadeau.

Mais cette bulle paisible ne dura que jusqu’à la veille de Chabbath.

La nouvelle éclate

Les événements importants restèrent secrets, mais pas pour longtemps. Tich’a Béav tombait le jour du Chabbath, cette année-là, et le jeûne fut donc reporté au dimanche. On ne sait trop comment, mais d’une manière ou d’une autre, le vendredi qui précédait Tich’a Béav, la nouvelle se propagea… Le Roch Yéchiva allait se marier ! Bien vite, toute la Yéchiva et le monde des Yéchivot en général se mit à parler du Chiddoukh.

Une fois que la nouvelle fut connue, Rav Tsvi décida de célébrer le Aufruf, ce même Chabbath, à la Yéchiva. L’office de Cha’harit était plein de sages qui souhaitaient être présents pour la montée à la Torah de leur Roch Yéchiva.

Quand Rav Tsvi discourut, ce Chabbath, devant les élèves de la Yéchiva, il évoqua le paradoxe de la situation. Nous étions le 9 Av, le jour où le Beth Hamikdach avait été brûlé et où la présence divine était partie en exil. Comment pouvait-on célébrer, en sus du Chabbath, une bonne nouvelle, source de grande joie ?

Rav Tsvi expliqua qu’en tant que Juifs, nous devons nous souvenir que c’est la Torah qui nous guide. Si la loi juive dicte que ce Chabbath, bien qu’étant le 9 Av, doit se passer comme un Chabbath ordinaire, que nous avons le droit de manger des plats habituels et de célébrer la sainteté du jour, alors c’est ce que nous devons faire, même si c’est le jour où le Beth Hamikdach a été détruit.

« Après des années de mariage, poursuivit-il, certaines personnes perdent leur conjoint. Ils ont vécu une relation pendant si longtemps qu’ils ne peuvent même pas envisager un remariage et une reconstruction de leur vie.

Mais tel n’est pas le point de vue de la Torah. Peu importe si c’est simple ou difficile, la loi juive enjoint à l’individu de se

Programmer un mariage / 35

remarier, surtout s’il n’a pas d’enfants. De la même manière que nous célébrons ce Chabbath du simple fait que c’est ce que la Torah nous dicte, ainsi, je me remarie, parce que tel est la volonté d’Hachem. »

Rav Tsvi demanda également à toutes les personnes présentes de le bénir pour Zéra’ Chel Kayama, pour avoir des enfants. Les uns après les autres, les gens accordèrent une première série des nombreuses bénédictions qui se réalisèrent avec la naissance d’Eliahou.

Une expression de gratitude et une prière

Ticha Béav arriva et la joie déclina. Soudain, Rav Tsvi n’était plus de bonne humeur. Il passa d’un coup à l’attitude d’un enfant qui se lamente du sort de son parent, assis sur le sol et pleurant pour la douleur de la Chékhina et la destruction du Beth Hamikdach.

Par la suite, je demandai à Rav Tsvi comment il était capable de jongler avec les sentiments paradoxaux ; la joie de se marier et le deuil et la douleur due à l’Exil, symbolisés par le fait de s’asseoir sur le sol à Tich’a Béav. Il me répondit que ce n’était absolument pas contradictoire. En fait, c’est le même type de service spirituel. Nous pleurons la destruction du Beth Hamikdach, la Maison de Hachem. Quoi de mieux que de se lancer dans la construction d’un foyer, d’un lieu de résidence pour la Chékhina ?

Pour glorifier Hachem

La Rabbanite se remémore ces jours inoubliables.

Dans ma maison à Beth Chémech, j’étais aux prises avec la dichotomie ; être une fiancée juste avant son mariage, qui voit enfin son rêve se réaliser tout en se sentant liée à Ticha Béav et aux sentiments qui s’en dégagent.

Mais ces moments où j’étais assise au sol m’ont en fait donné une vision plus profonde de ce que j’étais sur le point de vivre. Pourquoi pleurons-nous à Ticha Béav ?

Parce que la Chékhina est en exil, et nous implorons Hachem de restaurer Son Nom et Sa Gloire dans le monde. Et pourquoi voulaisje si désespérément épouser un Tsadik et un Talmid ‘Hakham ? Parce que je voulais glorifier le Nom de Hachem et diffuser Sa parole.

Cette perspective allait me suivre tout au long de mon parcours à venir.

À moins d’une semaine du mariage, il n’y avait vraiment pas beaucoup de temps pour les préparatifs. Une fiancée ordinaire aurait tout laissé tomber et se serait lancée dans une série de shopping et de préparatifs.

Mais une fiancée ordinaire n’a pas une famille nombreuse à charge… Nous avions prévu des petites vacances, cette même semaine, à Tibériade et j’étais bien déterminée à ce que les enfants ne passent pas à côté.

Les valises furent préparées et bouclées et nous prîmes la route, avec les enfants mariés et les célibataires. La fiancée mit de côté son mariage approchant pour être pleinement à la disposition de sa famille. Finalement, il n’y eut rien de mieux que de se retrouver à côté du tombeau de Rabbi Méïr Baal Haness pendant la semaine précédant le mariage. Durant mon marathon de prières, à l’époque où je priais avec tant de ferveur pour me marier avec un Talmid ‘Hakham, mon lieu de prières favori était précisément le tombeau de Rabbi Méïr Baal Haness.

Programmer un mariage / 37

Sachant que Rabbi Méïr était toujours « ‘Hochech Lémiout »1 et que les chances pour qu’une personne dans ma situation se marie avec un immense Talmid ‘Hakham étaient minimes, j’étais allée sur sa tombe d’innombrables fois, pleurant et implorant pour une délivrance presque improbable. À présent, j’étais de retour sur son Kéver, tout d’abord pour remercier Hachem pour l’immense ‘Hessed de me donner le mérite de me marier, non seulement avec un Talmid ‘Hakham, mais avec l’un des plus grands de la génération.

Puis, j’ajoutai une nouvelle requête que je savais bien être un autre véritable « Miout » – celle d’avoir le mérite d’engendrer une sanctification du nom de Hachem encore plus grande et de mettre au monde un garçon pour le Roch Yéchiva.

Je me rendis également sur le tombeau du Rambam et des autres Tanaïm enterrés dans le même complexe et je terminai par celui de Ra’hel, la femme de Rabbi Akiva. Là, je fus submergée d’émotions, en suppliant Hachem de m’accorder l’aide divine nécessaire afin de remplir la mission sacrée qu’Il m’avait conférée : être l’épouse idéale d’après la Torah du Rav Tsvi Kushelevsky et de prendre en charge la gestion quotidienne de la Yéchiva, de telle façon qu’il puisse se plonger complètement dans l’étude et dans la transmission de ses cours.

1 La plupart des lois sont basées sur le « Rov », c’est-à-dire la majorité ou les plus grandes probabilités. Rabbi Méïr était le seul à prendre en grande considération les cas de « Mi’out » (minorité ou chances minimes), d’où l’appellation « ‘Hochech Lémi’out – préoccupé par la minorité ».

Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.
BB miracle extrait by Torah-Box - Issuu