Changement climatique : de l’état d’urgence à l’état de catastrophe (Stephan Savarese) French

Changement climatique : de l’état d’urgence à l’état de catastrophe (pas très) naturelle ?

Stephan Savarese 2016 De 2008 à 2011, une pause apparente du réchauffement global semblait sonner le glas de la thèse du changement climatique, pourtant prouvée par le recul historique de la banquise arctique en 2007 et le triplement constaté du rythme de montée des eaux au vingtième siècle (30 cm au lieu de 10 cm par siècle durant les 50 siècles précédents). 2012 remit les pendules à l'heure. En 2015, les scientifiques firent le constat de l'urgence climatique: les dix années les plus chaudes s'étaient produites de 2000 à 2014, et 2015 était la plus chaude depuis 1880.

Le 3 décembre 2015, lors d'une conférence du Dr. James E. Hansen, professeur et directeur du programme climatique à Columbia University, ancien directeur du NASA Goddard Institute for Space Studies, nous sommes passés d'un état d'urgence climatique, à l’alerte sur une catastrophe climatique imminente . Non seulement l'épisode El Niño de 2015 allait se prolonger bien plus longtemps que tous les précédents depuis que nous observons ces oscillations de la température de surface de l'Océan Pacifique sud, mais il avait révélé au grand jour ce que les climatologues tentaient d'expliquer depuis des années : la glace et l'océan avaient absorbé la plus grande partie de l'excès de chaleur, ralentissant le réchauffement de la surface du globe. Or, ces réservoirs de "froid" maintenant épuisés, ou proches de l'épuisement, étaient une ceinture de sécurité. La première manifestation de cet épuisement fut que, contrairement à ce qui avait observé à chaque fin d’El Nino, la température globale continua de monter en flèche pendant l’été 2016, la moyenne annuelle glissante sur 12 mois franchissant la barre des +1°C depuis 1970 (source : http://www.columbia.edu/~mhs119/Temperature/ ) :

Une fois la ceinture de l’océan et de la banquise déchirée, plus rien ne retiendra l’emballement du système climatique vers un nouveau point d'équilibre, dont la température moyenne est bien plus élevée que les 15,6°C auxquels sont habitués les grands écosystèmes. Non seulement ce changement de température va provoquer des bouleversements des grands écosystèmes, ce qui est un euphémisme lorsque l'on en considère les conséquences concrètes (à savoir la disparition brutale de milliards d'êtres vivants, dont quelques millions de mammifères et Page 1

des milliers d'humains, pendant des événements extrêmes, tels que canicules et tempêtes), mais de plus, les sécheresses répétitives et l'élévation du niveau de la mer vont amplifier ces catastrophes et les prolonger, sur la durée, par d’immenses vagues de migration. Nous reviendrons plus tard sur ces conséquences.

Mais pour l’instant, paraphrasant notre journaliste scientifique fétiche, Monsieur Michel Chevalet, auquel il faut rendre hommage tant ses explications lors de la COP21 furent utiles et appréciés, posons-nous la question : « Comment ça marche ? » A cause de la configuration actuelle des continents, nous prendrons l’exemple de l’hémisphère Nord : un des moteurs principaux du climat est la différence de température entre le pôle Nord et l’équateur. Cette différence de température alimente, d’une part, le courant-jet (ou jet stream : https://fr.wikipedia.org/wiki/Courant-jet ), d’autre part la circulation océanique thermo-haline.

Or, l’affaiblissement des jet streams polaire et sub-tropical, par réduction du gradient de température Nord-Sud, se traduit par un ralentissement de la vitesse des perturbations atmosphériques, amplifiant le renforcement des tempêtes provenant de l’augmentation de la température de surface des océans et de l’humidité. A d’autres endroits, simultanément, les zones épargnées par les tempêtes connaissent une situation de blocage atmosphérique : canicules, sècheresses, inondations et même des vagues de froid. C’est la conséquence la plus visible du changement climatique… pour l’instant !

Malheureusement, plus près du pôle Nord, un autre drame se noue : la disparition de la banquise. La situation actuelle en septembre 2016 est quasiment identique à celle de 2007 : on peut faire le tour du pôle Nord et du Groenland sans rencontrer d’obstacle de glace autour d’une banquise à peine accrochée au nord du Groenland, tous les archipels sont libres de glace. Seuls quelques icebergs rappellent qu’ici, quelques mois plus tôt, la banquise, sorte de bouchon flottant empêchait les glaciers du Groenland de s’écouler librement vers l’océan. Ceux-ci, dont la vitesse par endroit a déjà décuplé par rapport au 20ème siècle, libèrent régulièrement d’énormes icebergs issus de la calotte polaire du Groenland, qui fond et se fracture sur presque toutes sa surface. Au rythme actuel, cette calotte aura pratiquement disparu avant 2070, libérant une quantité d’eau douce qui représente 6 mètres de hauteur d’eau. Avec l’effet de dilatation des océans, cela ferait une montée des eaux de 7 mètres, en supposant que l’Antarctique reste stable et ne fonde pas beaucoup. D’où provient cet écart immense entre cette estimation de Paul Beckwith (professeur de géographie à l’Université d’Ottawa), celle de Jim Hansen (2 à 5m de montée du niveau de la mer en 2100) et la prévision conservatrice du GIEC (moins d’un mètre d’eau en 2100) ?

Pourquoi certains scientifiques osent-ils parler d’un épisode d’Océan Bleu (Blue Ocean event) et d’Océan Arctique ouvert pendant des années entières (Open Arctic Ocean years) alors que c’était inimaginable quelques années plus tôt ?

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By NASA image created by Jesse Allen, using AMSR-E data courtesy of the National Snow and Ice Data (NSIDC), and sea ice extent contours courtesy of Terry Haran and Matt Savoie, NSIDC, based on Special Sensor Microwave Imager (SSM/I) data. - NASA, http://earthobservatory.nasa.gov/Newsroom/NewImages/images.php3?img_id=17800 en:NASA Earth Observatory, Public Domain, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3123398 Ce changement d’attitude ne peut s’expliquer que par les observations récentes faites sur le terrain de faits tenus jusqu’ici comme très hypothétiques, voire impossibles. Mais l’impensable s’est produit : - La fonte massive de l’Antarctique a été observée et mesurée, même dans des régions supposées stables pour des millénaires ; - le volume de la banquise décroit linéairement, avec une régularité qui défie l’entendement, alors que l’on pensait que des obstacles naturels viendraient ralentir cette évolution. Dès cette année, nous abordons la phase terminale où la superficie de la banquise décroit rapidement juste à sa disparition totale

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initialement prévue en 2100*, la fonte des derniers glaciers continentaux pourrait se produire d'ici 2050, voire plus tôt (la météo locale peut changer cela, donc, en fonction des variations annuelles, cela pourrait se produire dans certains massifs montagneux dès 2030 ou 2040, on ne peut vraiment pas prévoir cela exactement, mais une fonte massive pour 2035est probable ; des températures jamais observées se sont produites en 2015 et 2016 : 30°C dans l’Arctique, plus de 45°C en Europe, plus de 55°C dans les déserts (Syrie

La réalité dépasse désormais, et de loin, les révisions de plus en plus alarmistes, mais malheureusement réalistes, des rapports d’avancement du GIEC. La COP22 précisera dans quelle mesure cette accélération est scientifiquement prouvée et quels sont les moyens à implémenter pour y faire face, et si possible, y remédier. Une stratégie qui se bornerait à « limiter les dégâts » risque de ne pas s’avérer suffisante… *suite à une erreur, une telle prévision s’était glissée dans un rapport du GIEC (AR4, 2007).

Finalement, il semblerait que, malgré l’absence de preuve à cette époque, le GIEC avait eu une intuition malheureusement réaliste bien que maladroitement exprimée : non, tous les glaciers n’auront pas fondu en 2035, mais la plupart, si !

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