Quelles énergies domineront la fin du siecle ? (Jean-Luc Salanave)

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analyse comparée des filières

Quelles énergies domineront la fin du siècle ? Jean-Luc Salanave 1 . Le développement fulgurant des énergies solaire, photovoltaïque et éolienne, en ce début de XXIe siècle, nous fait aussi expérimenter leurs inconvénients. La technologie en solutionnera bon nombre, mais intermittence et encombrement demeureront des défauts majeurs de ces deux sources d’énergie tant qu’il y aura des absences de soleil ou de vent, et que 10 milliards de terriens auront besoin de surfaces habitables, cultivables et de forêts. De quoi sera fait notre avenir énergétique ? Solaire et éolien envahiront-ils durablement le paysage électrique du XXIe siècle,ou seulement les applications de « niches » où ils excellent,après une mode éphémère et subventionnée dans la production massive d’électricité à l’échelle d’un pays ? Après le déclin annoncé des énergies fossiles, si la « fée » électricité continue à s’imposer comme vecteur privilégié d’énergie finale au service de l’humanité, le paysage électrique de demain sera-t-il dominé par le vent et le soleil ou par l’eau et l’uranium ?

Les énergies fossiles vont s’épuiser Charbon, pétrole et gaz naturel représentent aujourd’hui plus des trois quarts de l’énergie primaire consommée dans le monde ; et ils assurent les deux tiers de la production d’électricité. Le charbon est exploité depuis deux siècles,le pétrole un siècle et le gaz plus d’un demi-siècle. Leur déclin est annoncé : d’une part déclin subi, du fait de la raréfaction de leurs réserves naturelles,d’autre part déclin choisi,à cause de leur responsabilité majeure dans le dérèglement climatique anthropique de la planète. Malgré quelques soubresauts (comme les gaz et huiles de schistes),on peut parier que le XXIe siècle marquera la fin de cet « âge du feu »,cette première ère de l’Anthropocène,qui aura,en seulement deux siècles,brûlé le patrimoine de combustibles fossiles de l’humanité que la nature avait mis des millions d’années à élaborer.

Solaire photovoltaïque (PV) en plein développement, prix fortement orientés à la baisse Si on reproche au nucléaire son faible rendement de conversion en électricité d’environ 33% (40% pour le nucléaire à haute température du futur), le rendement moyen des capteurs installés sur nos toits depuis 7 ans n’est

encore que de 10 % : 1 m2 de capteur recevant 1 kilowatt de puissance lumineuse en plein soleil ne produit en effet que 100 watts-crête (Wc) de puissance électrique. Mais le temps de ces faibles rendements est révolu : les nouveaux capteurs ont des rendements approchant 20% (200 Wc/m2). L’autre bonne surprise c’est que, à la différence du nucléaire (qui s’est renchéri tant qu’un juste niveau de sûreté n’avait pas été trouvé), l’amélioration des performances n’empêche pas la baisse des coûts du photovoltaïque. Au point que certains pays ont déjà mis fin aux coûteux systèmes de subvention des installations solaires électrogènes pionnières. La France n’a pas encore mis fin à sa taxe CSPE2, ni à la garantie d’achat qui privilégie les kWh solaires,mais les prix garantis baissent et il faudra bien,comme ailleurs,rétablir des règles équitables de marché et mettre fin à la rente dont profite le lobby photovoltaïque (et, dit en passant, les fabricants étrangers).Une offre EDF encourage même désormais les particuliers à consommer leur propre électricité solaire plutôt que de la vendre au prix fort à leurs voisins. Ces autoproducteurs font, enfin, œuvre écologique sincère. Rappelons que la sincérité écologique a pu être critiquée tant qu’elle fut « encouragée » financièrement par une incitative rémunération (qui a atteint 630 euros par mégawattheure, garantis 20 ans, pour les pionniers qui ont installé des capteurs PV dès 2009 ; soit 20 fois le prix de marché ou le coût du mégawattheure nucléaire, aux frais des autres consommateurs jusqu’en 2029). Ces incitations ont conduit, selon la Cour des Comptes, « à un développement spéculatif » plutôt qu’écologique du solaire.

Eolien,une technologie à quasi maturité Si le solaire photovoltaïque semble posséder encore des marges d’amélioration, l’éolien a atteint aujourd’hui une certaine maturité technologique. Certes,il reste à abaisser le coût encore trop élevé de l’éolien en mer. Il reste, aussi, à trouver une limite au gigantisme et à parachever la démonstration des très grosses éoliennes, dans la gamme de puissance de 8 à 10 mégawatts.Mais les éoliennes terrestres de 1 à 3 mégawatts sont aujourd’hui devenues un standard, qui a largement colonisé de nombreux paysages (grâce,il est vrai,aux subventions). Certains inconvénients du solaire et de l’éolien seront

1. Scientifique, ancien industriel, ex-Directeur des technologies d’AREVA, écologiste (Sauvons le Climat, AEPN), professeur à l’École Centrale de Paris. Courriel : salanave@yahoo.fr Publications : http://salanave.blogspot.fr/ 2. Contribution au Service Public de l’Électricité.

Géologues n°192

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