Récits stage génolhac

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Stage d’écriture à Génolhac août 2013

Animé par Jean-Marie Fleurot et Guy Torrens

Les pieds de Pierre s’enfoncent dans la neige collante. Bientôt la rue de l’Église. En bas sur la gauche, un hôtel vétuste. Persiennes disjointes et portes closes. Pas de bruits, pas de rodeurs. Quelques enjambées encore. Le chat miaule, il l’a suivi, il est noir. Un coup de vent brutal, une gifle. Pierre accélère le pas, il court. 41 rue de l’Église Sur le fronton de la maison, une pierre gravée : 1666. Le trousseau de clefs est lourd et déforme la poche de son pantalon aux jambes flottantes sur ses cuisses trop maigres. C’est la vieille qui dit qu’il est trop maigre.

Les plaintes des gonds engourdis freinent l’ouverture de la porte. Pierre se faufile dans l’entrebâillement, un relent de moisissures lui étreint la gorge. Il explore le vide, sa main rencontre un mur de pierre froide. Le couloir sombre suinte une odeur d’humus aigre qui s’accroche à ses narines. Il renifle. Il discerne à peine en ligne droite un escalier de granit abrupt. Il avance, sans lâcher l’appui du mur. Sa main est mouillée et l’eau commence à glisser le long de son avant-bras. Pierre frissonne. La première marche est fendue. Il saisit brutalement la corde effilochée servant de rampe illusoire. Elle balance sans retenue sous sa main. Pierre tremble. Il continue son ascension, posant prudemment son pied gauche puis son pied droit sur les marches usées qui renvoient un son mat. En haut, une porte éventrée qui s’ouvre sur le vide de la rue du cimetière. Debout, une enfant, petite silhouette chétive, vêtue d’une robe pâle déchirée sur un pan. Les pieds nus, un chausson de satin à la main, elle avance vers lui, sur la pointe des pieds. Arrivée à sa hauteur, elle lève la tête. Pierre reçoit la décharge de son regard transparent. Elle tend sa main. Pierre se fige, incapable de remuer les lèvres. -

Que fais-tu ici ? Dit-elle.

Silence. -

Que fais-tu ici ?

Je ! Euh ! Je ! C’est la vieille qui m’a donné les clefs, elle m’a dit que je pourrais me cacher ici le temps que la flicaille m’oublie. -

On te poursuit ?

-

En quelque sorte. Dit-il méfiant. Page 39 sur 48


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