Récits stage génolhac

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Fantastiques récits Ecrits d’atelier

Stage d’écriture sur le récit fantastique dans les Cévennes d’août 2013, co-animé par Jean-Marie Fleurot et Guy Torrens. Avec Colette, Danielle, Monique, Claude, Gérard, Agnès, Jean-Marie.


Stage d’écriture à Génolhac août 2013

Animé par Jean-Marie Fleurot et Guy Torrens

Textes divers :

Gérard

MYTHOBIOGRAPHIE On lui a dit qu’il était né le jour de l’arrivée du Tour de France, le soleil était à son zénith, l’année était juste en son milieu… Depuis, il n’a jamais su s’il devait regarder en avant ou en arrière… Humain il l’est peut-être par le langage, ce n’est pas si sûr, les animaux ne parlent-ils pas ? S’il s’est rêvé, c’est en mouette. J’ouvre les yeux, à l’horizon la mer bleue, le soleil en point de mire, mais si, je suis vraiment cet oiseau… mon regard perçant repère le noyé flottant les yeux ouverts, ah ! Une nourriture putride dont je vais faire mon régal… Il est resté longtemps solitaire. Protégé par l’enceinte du jardin clos d’un grillage rouillé, il conçoit une haine native pour les autres qui ont l’air de jouer avec légèreté… Lui, il se parle à lui-même et se demande d’où vient cette faculté de langage, qui la lui a transmise, il a eu sans doute un père et une mère, d’où lui vient cette notion de parents ? Éclos d’un œuf, il a vu le grand vide en dessous de lui dès qu’il a pu regarder par-delà les bords du nid. Point de parents en tout cas, ce manque lui a longtemps pesé, il a renoncé à voir ce monde, a fermé les yeux, ouvert le bec pour crier, et a attendu qu’on le nourrisse, ceux qui ont pris la responsabilité de le mettre au monde, qu’ils l’assument, lui ne ferait aucun effort… Et sans doute le temps aidant, la force de la nature, l’instinct inné ont fait le reste… Il a grandi, il a dû aller à l’école, il se souvient du pupitre, l’encrier de faïence, la plume Sergent Major, sa motivation est née de vouloir échapper à cette nouvelle prison, l’école, après le jardin de sa prime enfance. Et peu à peu, l’oiseau s’est civilisé, il a pris la forme d’un homme, s’est risqué à s’ouvrir aux autres, a pris conscience du temps et de la lente dégradation qu’elle produit sur le corps. « Je vieillis donc je suis ». Cette transformation pour angoissante qu’elle soit est une preuve d’existence. Je me suis incarné en vieux qui marche… Fini, c’est fini, ça va peut-être finir…

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Animé par Jean-Marie Fleurot et Guy Torrens

TEXTE 1 : INCIPIT: « L’ASCENSEUR CONTINUAIT À MONTER AVEC UNE EXTRÊME LENTEUR ». HARUKI MURAKAMI. LA FIN DES TEMPS L’ascenseur continuait à monter avec une extrême lenteur. L’infirmière ne me regardait plus, son visage était nimbé d’une lumière douce et blafarde. J’avais peur qu’elle m’abandonne sur la civière. Je ne me souviens plus de la raison qui m’a conduit à cet endroit. Peut-être suis-je en train de me réveiller après une opération… Le silence est rompu par une sirène d’incendie, mais non, c’est le crissement des pneus du véhicule au moment où je me suis mis à freiner en apercevant le camion, à vingt mètres devant moi… J’ai dû perdre connaissance… et me voici donc à l’hôpital après un accident de la route. La porte de l’ascenseur s’ouvre sur un vaste hall lumineux, les animaux préhistoriques sont exposés comme dans le Muséum d’Histoire Naturelle… La conversation a repris dans le cabinet de l’ORL… : « je ne vois rien de très clair, il faut nettoyer cette oreille ». « Prochain rendez-vous »… Le médecin parle avec une voix douce et grave… Il n’a pas l’air très attentif à ce qu’il m’explique, pour lui c’est la routine.

TEXTE 2 : INCIPIT : « SMADE ÉTAIT UN HOMME DISCRET ». JACK VANCE LA GESTE DE PRINCES-DÉMONS. LE PRINCE DES ÉTOILES Smade était un homme discret. Je ne le connaissais pas depuis longtemps. Nous avions rendez-vous dans le café du centre-ville pour discuter du futur voyage à organiser avec les jeunes de l’école. Le garçon passe et repasse sans se laisser attraper. La commande est impossible à faire. Je ne peux détourner mon regard de ce garçon sans âge, qui va et vient, nous frôle avec son plateau, n’est attentif qu’aux autres clients, et se montre acharné à nous ignorer. Smade ne tient aucun compte de ce désagrément. Il a l’habitude de s’attabler devant le grand miroir du mur d’en face et de prendre plaisir à se sentir invisible… Lorsque je lève le regard vers cette glace, j’aperçois la rue animée, je reconnais Sophie qui court après la vie…, c’est-à-dire, se souvient qu’elle est en retard pour récupérer son fils chez la nourrice. Smade allume une cigarette, il semble lui aussi s’impatienter, regarde son Smartphone pour connaître l’heure ou lire un message, ces fameux SMS que nous distille la vie moderne et qui rythment notre existence si lisse et oublieuse de l’essentiel. Ce jour-là, Smade m’a attendu en vain… Je ne me suis pas vu dans le miroir du grand café.

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Animé par Jean-Marie Fleurot et Guy Torrens

TEXTE 3 : INCIPIT : « IL CRUT D’ABORD À UN RAZ-DE-MARÉE » : RICHARD MATHESON. L’HOMME QUI RÉTRÉCIT. Il crut d’abord à un raz-de-marée. Jean marchait dans la forêt, humant les odeurs de l’automne, l’humidité des feuilles pourrissantes dégageait un parfum apaisant. La cueillette des champignons est plus un espoir qu’une réalité. Ce qui compte, c’est la promenade, la rencontre fortuite d’un chevreuil détalant dans un aboiement. Non, non, il ne se prend pas pour un chien mais son cri ressemble à celui du chien à s’y méprendre. Jean n’avait pas peur de se perdre dans ce bois familier, mais son père, lorsqu’il était enfant, lui avait trop de fois raconté le Petit Poucet pour qu’il ne vérifie pas dans ses poches les petits cailloux blancs. Les arbres lui semblent de plus en plus gigantesques, l’amanite tue-mouche ressemble à une maison de dessin animé… Les feuilles mortes gluantes et visqueuses ont fini par l’engloutir…

TEXTE 4 : LIEU DU RÉCIT : BANALITÉ INQUIÉTANTE L’enseigne du Coiffeur Véronique Tu remontes la ruelle pavée à gauche, juste avant le salon de coiffure tu verras une place avec une fontaine, tu continues dans la courbe et tu apercevras « Coiffeur Véronique ». À seize heures, pas un chat, l’heure de la sieste est passée, pas âme qui vive. Véronique est-il un coiffeur ou une coiffeuse ? Un carré noir suspendu au-dessus de la vitrine apparaît face au piéton qui s’approche. Ce n’est pas ouvert, à seize heures ? Alors quand ? Pourquoi des lettres noires pour un coiffeur qui n’est ni un homme, ni une femme ? Je ne lis pas « V », deux oreilles pointues silencieuses me regardent fixement. 13 août 2013 : Mas de la barque….

TEXTE 5 : RENDRE INQUIÉTANT UN LIEU IMAGINAIRE SUR TERRE : La route serpentait dans un clair-obscur où l'on ne pouvait distinguer si le jour allait surgir derrière la colline ou si au contraire, la nuit... Pas un souffle d'air, une sonnerie de cloche retentit derrière nous. La vibration du son stoppa net comme si un mur ou un obstacle s'était interposé entre la source sonore et nous. Et pourtant, on ne bougeait pas cherchant justement à comprendre l'origine de cette sonorité grave et profonde. Soudain, on crut entendre une sorte de voix juste à notre verticale qui semblait prolonger la première vibration et constituer comme un appel au secours. Une lumière verte clignota à l'horizon, là où la plaine succédait à la colline. Un voilier immense glissait à l'horizontale, on ne pouvait savoir si c'était sur l'eau d'un lac qu'on n'apercevait pas ou plutôt s'il flottait dans l'air... Page 3 sur 48


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Animé par Jean-Marie Fleurot et Guy Torrens

Un éclair rouge mit longtemps à s'estomper tant son intensité s'imprima sur notre rétine. Nuit noire, une pluie fine et chaude se mit à tomber doucement sur nos visages étonnés.

TEXTE 6 : DÉCRIRE UN PERSONNAGE À LA PREMIÈRE PERSONNE « JE » : J'étais en voyage, il y a peu, avec des amis dont l'un nous avait invités dans l'appartement qu'il possède dans le Sud de la Turquie pour une dizaine de jours. Début mars, c'est un privilège de quitter son job, d'aller marcher au soleil de la Méditerranée, dans ce pays où les vestiges de l'Antiquité sont à profusion et conservent l'état sauvage et peu exploité, comme les avaient découverts au XIXème siècle les écrivains voyageurs. Ce sont les nourritures du pays qui m'ont donné l'idée de chercher le moyen de changer d'habitudes alimentaires. Au retour, je mis en place une sorte de défi de petit-déjeuner d'une tomate et d'un demi-concombre coupé en morceaux accompagnés de Féta pour prolonger les sensations de cette escapade. J'avais l'impression en effet que ce type de régime me rendait plus léger, plus gai et littéralement que je retrouvais l'énergie d’antan. Mais pas trop ! Me conseillaient mes amis... Je me demandais pourquoi cette remarque mi- ironique, mi- inquiète. Avaientils peur que, devenu tel Achille au pied léger, je les ratatine sur les courts de tennis ou bien remarquaient-ils des transformations dans mon caractère qui me rendaient quelque peu irritable, imprévisible. Moi, au fond, je commençais vraiment à croire être en train de rajeunir... et cela me procurait une joie profonde.

TEXTE 7 : LE MONOLOGUE ADRESSÉ (RUMINER) Mon bon monsieur, depuis un moment vous me dévisagez, du moins c'est ma forte impression. Même si je ne croise pas votre regard, je ressens le malaise d'être épié. Mes pensées ne vous sont pas connues mais je sais que ma figure a quelque chose d'étrange. Quand j'essaie de me voir dans la glace, subrepticement, je rectifie ma pose, mes traits se figent légèrement. Quel est mon crime ? J'ai le droit de vivre comme tout le monde, le droit au bonheur, ça existe, non ? Je rentrais tard sur la route familière, j'étais encore charmé par cette soirée inattendue... Je roulais vite dans le village endormi, les lampadaires jetaient une lumière irisée par la brume de l'aube prochaine.... Un choc sur le côté...., je n'ai rien vu ou pas voulu reconnaître ce que j'avais heurté. Un animal, un chat effrayé par mon allure tonitruante, mais non, seulement une illusion ? Il y a des moments où l'on fait des rencontres qu'on ne peut pas s'avouer, l’œil de Caïn, n'est-ce pas !

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TEXTE 8 : LE MONOLOGUE INTÉRIEUR (RENDRE COMPTE DU FLUX DE LA PENSÉE) Je n'arrive pas à comprendre ce qu'elle me dit. Quoi ? Elle continue à décrire la situation de ce jeune, elle a appelé son frère, un paumé comme lui, alors ça sert à quoi ? Oui, dimanche, escalader le Ventoux, la fringale à mi- pente, pas pris la peine d'emporter quoi que soit pour manger, pas étonnant de t'être écroulé, envie de grimper la plus forte, vérifier si je supporterais la souffrance jusqu'au bout, et ce petit vieux de 70 ans, il a l'air de mouliner sur place, il me dépasse comme une fleur... T'as voulu faire des économies, ne pas changer ton vélo bleu, pas un gage de légèreté le bleu, c'est pas la couleur du cadre qui compte, c'est le bon braquet, à condition d'avoir le petit plateau qui manque, la soif, je frissonne, la chaleur étouffante, je frissonne, c'est ma mère qui accourt pour me relever de ma chute à vélo à roulettes dans les allées du potager. Le grand-père, je lui joue l'arroseur arrosé, encore un vieux encore plus vieux que moi aujourd'hui, mais pas tellement, il aimait cultiver son jardin sans avoir lu Voltaire, il était plutôt marqué par la Guerre de 14, non celle de 45, car celle de 14, il a été prisonnier chez des paysans d'Allemagne de l'Est, enfin, je ne sais plus trop, y'a plus d'Allemagne, c'est un pays qui part à l'Est, revient à l'Ouest et s'unifie sur le dos des petits français, qui croient que « l'Allemagne paiera ». En attendant, je ne vois plus rien, je me suis écroulé sur le bitume....des lumières bleues clignotent au-dessus de moi, une nonne habillée en pompier qui essaie de voir si je respire encore, alors cocotte ! Tu te crois où ? Laisse le cycliste grandir dans ses rêves.

TEXTE 9 : PASSER DU JE AU IL, NARRATEUR OMNISCIENT , FAIRE LA DESCRIPTION À LA 3ÈME PERSONNE D 'UN ÊTRE NON HUMAIN EXTRAORDINAIRE Bergenheld errait dans la montagne depuis plusieurs jours, il était issu du croisement improbable d'une louve et d'un ours. Rien ne le prédisposait à jouir de la parole, mais il parlait, un langage composé d'allemand et de français, qui l'attachait aux Vosges, son territoire. Son pelage roux, strié de bandes noires horizontales lui donnait un air comique et ses yeux verts un regard apaisant et charmeur. Il s'imaginait que s'il parlait c'était une façon de lui désigner la femelle avec laquelle il avait une chance de se reproduire, la femelle humaine, qu'il savait désigner dans son accent franco-allemand « frohme », un mélange de « Frau » et de « femme ». Il était né depuis au moins deux siècles et en 1960, il n'avait plus guère de chance de séduire une bergère, même alsacienne, car il n'en restait plus. Et si les jeunes filles du pays refusaient d'épouser les rares paysans établis encore en montagne, trop rustres pour s'acheter une télévision, ce n'était pas pour s'amouracher de Bergenheld. Il se cachait sans cesse et n'avait guère l'envie de terminer au zoo de Mulhouse. Il était donc triste et s'interrogeait sans cesse sur le sens de son existence. 14 août 2013 : château de Brésis Page 5 sur 48


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TEXTE 10 : LE LIEU DE NOTRE RÉCIT FANTASTIQUE. 15 août 2013, la mer est bleue. On voit l'antenne au sommet du cap Sicié. La plage de la Seyne-sur-Mer est peuplée d'une infinité multicolore de corps allongés, dont on sent l'odeur de cuisson sous le soleil de plomb. A la terrasse, les clients disséminés sont en train de partir après le déjeuner, la serveuse occupée à desservir... Du côté de Saint-Mandrier, on n'aperçoit pas le Pin Rolland plus loin sur la colline boisée. Le manège où l'on imagine les enfants accrochés à deux élastiques ressemblent à des sauterelles est inoccupé. Les paupières mi-closes, je guigne le ciel qui brille comme du métal. Pas un brin d'air, étonnant au bord de la Méditerranée. On entend des battements de tambours s'amplifier et on finit par reconnaître les basses d'un morceau de rythme and blues. 6, impasse de l'avenir. J'ai loué le studio à la dernière minute, pour partir en vacances. Le propriétaire, un homme à la voix grave et assurée, qu'on imagine en vedette de la radio, m'accueille avec courtoisie et un enthousiasme qui éveille ma méfiance, « Bonjour Monsieur Jean, vous avez fait bon voyage ? », il remarque le vélo de course accroché à la voiture et me questionne sur ma pratique sportive, « Le cap Sicié c'est un but de randonnée et si vous avez de bons mollets et du courage, le Mont Faron ». On accède par un escalier roide au studio, sol en pente dans la kitchenette ouverte sur une pièce carrée éclairée par deux fenêtres hautes et étroites descendant presque au sol, la chambre. Endroit quelconque pour un séjour quelconque.

TEXTE 11 : DÉDOUBLEMENT ET DIALOGUE (LE PERSONNAGE SE RENCONTRE) A: on se ressemble ? B: normal, on est fait du même bois A: sauf qu'on t'a passé dans le feu, t'es tout noir, tu sens la suie. B: toi, tu sens la merde, connard ! A: te fâche pas ! Je t'aime bien quand même. T'as tué ta mère par accident qu'ils ont dit ! B: Remarque, t'en as profité, elle te filait des tartes à n'en plus finir.... et après la paix ! (il rit) A: après... (Il l’interrompt) B: nos parcours ont divergé... (Long silence) A regarde B l'air pensif, B crache par terre en se raclant la gorge A En tous cas, c'est la faute des femmes ! La mère était la première, mais au fond pas la pire. Elle nous a au moins mis au monde, elle avait sûrement la volonté de bien faire, elle s'est conformée aux attentes sociales..., faire plaisir à sa famille en épousant notre con de père...le mélange a été explosif, hein frérot ! B : Oui, pas faux ! Mais c'est quand même la faute des femmes ! Page 6 sur 48


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A: qu'est-ce que tu veux dire par là ? B: c'est la 10ème que je dissous dans l'acide, j'arrive plus trop à m'approvisionner. A : j'en connais un gars qui a du stock si tu veux ! B: c'est pas le sujet, aujourd'hui, c'est toi, le sujet ! Pauvre con ! A : c'est la deuxième fois que tu me traites de con ! Fais gaffe ! B: Oh là ! Oh là ! Pépère, du calme ! Les femmes, tu les séduis, moi je les tue. A On est complémentaire. A et B s'embrassent, ils font la paix.

TEXTE 12 : CRÉATURE MYTHIQUE / DIALOGUE DÉCALÉ Il marchait dans la ville. Parcourir les rues de la capitale à l'aventure lui procurait un sentiment de liberté, il pensait que c'était le meilleur moyen de découvrir Paris. Il venait de s'y installer pour commencer les études qui devaient le faire réussir.... Perdu dans sa rêverie, il s'engagea dans un passage, un long hall très haut couvert par une verrière dépolie, les boutiques étaient en train de fermer, l'endroit devint désert. Ne te retourne pas, lui chuchota la voix. Je viens t'avertir d'une chose importante. Je t'observe errer dans les rues, au début, je ne comprenais pas ta divagation et puis, j'ai remarqué peu à peu que ton chemin avait un sens pour moi. Tu as reproduit sans le savoir le parcours de mon fils qui se rendait à l’échoppe du chapelier dans laquelle il a disparu à jamais. Il y a de cela exactement 100 ans. Cette disparition est restée inexpliquée. Je me suis juré en vain de résoudre cette énigme. La voix finit par s'éloigner, j'entendis une porte grincer, je n'osais pas me retourner, figé par cette apparition furtive.

TEXTE 13 : LES ARCHÉTYPES : LE MESSAGER, LE GARDIEN DU TEMPLE , LE PERSONNAGE PROTÉIFORME

Nous étions partis de Génolhac samedi à 9h, 700 kilomètres par le Puy pour regagner le quotidien. Temps dégagé, mer belle, la croisière n'avait rien de marine... les lacets succédant aux lacets, nous nous habituions sans parler à l'idée du retour. Vers midi, on songea à une pause. Arrêt à la station du prochain village qui semblait faire commerce de quelques nourritures. Les deux garçons avaient observé que la vitre de la voiture était restée ouverte pendant que j'étais parti régler l'essence à la caisse et ma femme choisir ce qui allait nous servir de pique-nique. L'un d'entre eux surveillait nos mouvements pendant que l'autre s'approchait de l'auto, prit la place du conducteur, en un clin d’œil mit le moteur en marche et disparut.... Page 7 sur 48


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Nous continuions à discuter sans nous être aperçus de rien lorsque le deuxième garçon vint nous prévenir que son camarade venait de nous voler la voiture. « La police est à ses trousses, il vient de s'évader de la Maison d'arrêt du Puy ». Il lui avait prêté main forte jusqu'à présent parce que c'était le compagnon de sa sœur. Il nous expliqua qu'il était victime d'une injustice et que lui ne pouvait pas faire autrement que l'aider. « Ce n'était pas un voleur », il lui téléphonerait dès que possible pour que nous puissions récupérer notre véhicule et nos bagages..... Nous ne savions comment réagir, lui faire confiance ou appeler immédiatement la police....Pourquoi l'avions nous crut ? Jeudi 15 août 2013 : Génolhac

TEXTE 14 : L'OMBRE (SOI DÉSINCARNÉ, CÔTÉ OBSCUR DE LA PERSONNE, POUVOIR DES SENTIMENTS REFOULÉS ) PARLE AU VIVANT Jusque-là, je ne te remarquais pas, je te prenais pour la projection de mon corps due à une source lumineuse, tantôt courte, tantôt allongée, selon la position du soleil et le sens de mon déplacement. Tu n'avais à mes yeux qu'une existence éphémère dépendante d'une lumière extérieure. Tout à coup, mon téléphone portable se mit à vibrer. Qui me trouble dans ma concentration, assis dans la salle de Génolhac, en train d'imaginer un texte illustrant un archétype du récit fantastique, justement sur un truc complètement absent de mon univers mental, l'ombre ! Je me mis à l'écart, après avoir récolté quelques rires amusés : « ah ! tiens, c'est ton ombre qui sonne ! »... « Salut, mec ! » « Qui est à l'appareil ? » « Tu ne devines pas ? » Je pris une mine dubitative et dédaigneuse, cette voix au ton irritant de ceux qui prennent les gens de haut ne m'évoquait rien. « Si, si, réfléchis bien, ne reconnais-tu pas quelque chose de familier ? » « Je ne sens rien, inodore et sans saveur ».... Un léger vertige, le téléphone m'échappa..... « Arrête de jouer maintenant » Je m'étais réfugié dans la petite pièce attenante à la salle de travail.....Je ne pouvais plus te dénier, tu prenais la liberté de tourner autour de moi, presque aussi collante que le mauvais séducteur qui tourne autour de la fille qui lui a tapé dans l’œil mais qui se fout royalement de ce jobard.....je ne bougeais pas d'un cil.... Mon angoisse enfouie refit surface comme la pieuvre enserrant le Nautilus.....

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J'ai revécu le moment où tu m'avais crié, « ne fais pas ça ! tu vas me perdre et sans moi tu ne sauras plus où diriger ta vie ! ». Mon inconscient t'avait fait signe au moment où j'avais besoin de toi, chère ombre.

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Récit fantastique :

Gérard Temps immobile

15 août 2013, la mer est bleue. On voit l'antenne au sommet du Cap Sicié. La plage de la Seyne-sur-Mer est peuplée d'une infinité multicolore de corps allongés, dont on sent l'odeur de cuisson sous le soleil de plomb. A la terrasse, les clients disséminés sont en train de partir après le déjeuner, la serveuse occupée à desservir... Du côté de Saint-Mandrier, on n'aperçoit pas le Pin Rolland plus loin sur la colline boisée. Le manège où l'on imagine les enfants accrochés à deux élastiques ressemblent à des sauterelles est inoccupé. Les paupières mi-closes, je guigne le ciel qui brille comme du métal. Pas un brin d'air, étonnant au bord de la Méditerranée. On entend des battements de tambours s'amplifier et on finit par reconnaître les basses d'un morceau de rhythm and blues. 6, impasse de l'avenir. J'ai loué le studio à la dernière minute, pour partir en vacances. Le propriétaire, un homme à la voix grave et assurée, qu'on imagine en vedette de la radio, m'accueille avec courtoisie et un enthousiasme qui éveille ma méfiance, « Bonjour Monsieur Jean, vous avez fait bon voyage ? », il remarque le vélo de course accroché à la voiture et me questionne sur ma pratique sportive, « Le cap Sicié c'est un but de randonnée et si vous avez de bons mollets et du courage, le Mont Faron ». On accède par un escalier roide au studio, sol en pente dans la kitchenette ouverte sur une pièce carrée éclairée par deux fenêtres hautes et étroites descendant presque au sol, la chambre. Endroit quelconque pour un séjour quelconque. Je marche vers le centre-ville. Parcourir les rues à l'aventure me procure un sentiment de liberté, n'est-ce pas le meilleur moyen de découvrir, susciter le hasard d'une rencontre...., je m'engage ans un passage, un long hall très haut couvert par une verrière dépolie, les boutiques sont en train de fermer, l'endroit devient désert. Ne te retourne pas, lui chuchota la voix. Je viens t'avertir d'une chose importante. Je t'observe errer dans les rues. Au début, je n'ai pas compris ta divagation et puis, j'ai remarqué peu à peu que ton chemin avait un sens pour moi. Tu as reproduit le parcours de mon fils Jean, jeune soldat du débarquement le 15 août 1944. Une mitrailleuse allemande l'a frappé ici même, … au moment où il croyait avoir échappé au plus grand danger. Il avait 17 ans, je l'avais laissé devancer l'appel, il croyait qu'il fallait risquer sa vie pour devenir un homme.

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La voix s'éloigne, j’entends une porte grincer, je n'ose pas me retourner, figé par cette apparition furtive. Qu'ai-je à voir avec le débarquement de 1944 en Provence ? J'ai fait mon service militaire comme sursitaire dans les FFA. 16 août 2013, 9h La fenêtre ouverte laisse pénétrer une lumière gaie. Pas de traces de l'aventure d'hier soir. Le défi que m'a lancé le propriétaire, le Mont Faron, picote mon orgueil. Je ne vais tout de même pas me laisser dicter ma journée par la remarque dubitative du loueur. Je tombe nez à nez avec lui en train d'examiner ma machine....Il accompagne sa femme vérifier si je suis bien installé. Beau temps, Monsieur Jean, pour le Mont Faron ! Demain, montée interdite à cause du Mistral, risques d'incendie...et vous savez 3, 6, 9...On ne sait pas combien ça va durer. Je n'arrive pas à comprendre ce qu'elle me dit. Quoi ? Le critérium de Toulon, son fils est arrivé 2eme deuxième de sa catégorie.... Le Mont Faron, la fringale à mi- pente, pas pris la peine d'emporter quoi que soit à manger, plus de limites, envie de grimper la plus forte, vérifier si je supporte la souffrance jusqu'au bout, et ce petit vieux de 70 ans, il a l'air de mouliner sur place, il me dépasse comme une fleur... T'as voulu faire des économies, ne pas changer ton vélo bleu, pas un gage de légèreté le bleu, c'est pas la couleur du cadre qui compte, c'est le bon braquet, à condition d'avoir le petit plateau qui manque, la soif, je frissonne, la chaleur étouffante, je frissonne...... C'est ma mère qui accourt pour me relever de ma chute à vélo à roulettes dans les allées du potager. Le grand-père, je lui joue l'arroseur arrosé, encore un vieux encore plus vieux que moi aujourd'hui, mais pas tellement, il aimait cultiver son jardin sans avoir lu Voltaire, il était plutôt marqué par la Guerre de 14, non celle de 45....., celle de 14, il a été prisonnier chez des paysans d'Allemagne de l'Est, enfin, je ne sais plus trop, y'a plus d'Allemagne, c'est un pays qui part à l'Est, revient à l'Ouest et s'unifie sur le dos des petits français, qui croient que « l'Allemagne paiera »..... Je ne vois plus rien,....des lumières bleues clignotent au-dessus de moi, une nonne habillée en pompier qui essaie de voir si je respire encore, alors cocotte ! Tu te crois où ? Laisse le cycliste grandir dans ses rêves...... On ne peut pas distinguer si le jour va surgir derrière la colline ou si au contraire, la nuit... Pas un souffle d'air, une sonnerie de cloche retentit. La vibration du son stoppe net comme si un mur ou un obstacle s'était interposé entre la source sonore et nous. Et pourtant, on ne bouge pas cherchant justement à comprendre l'origine de cette sonorité grave et profonde. Soudain, on croit entendre une sorte de voix, juste à notre verticale qui semble prolonger la première vibration et constituer comme un appel au secours.

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Une lumière verte clignote à l'horizon, là où la mer succède à la colline. Un bateau immense glisse à l'horizontale, on ne peut savoir si c'est sur l'eau ou plutôt s'il flotte dans l'air... Un éclair rouge met longtemps à s'estomper tant son intensité s'imprime sur notre rétine. Nuit noire, une pluie fine et chaude se met à tomber doucement sur nos visages étonnés…….. Jusque-là, je ne te remarquais pas, je te prenais pour la projection de mon corps due à une source lumineuse, tantôt courte, tantôt allongée, selon la position du soleil et le sens de mon déplacement. Tu n'avais à mes yeux qu'une existence éphémère dépendante d'une lumière extérieure. Tout à coup, mon téléphone portable se met à vibrer. Qui me trouble dans ma rêverie, assis à la terrasse au bord de la plage. « Salut, mec ! » « Qui est à l'appareil ? » « Tu ne devines pas ? » Je prends une mine dubitative et dédaigneuse, cette voix au ton irritant de ceux qui prennent les gens de haut ne m'évoque rien. « Si, si, réfléchis bien, ne reconnais tu pas quelque chose de familier ? » « Je ne sens rien, inodore et sans saveur ».... Un léger vertige, le téléphone m'échappe..... « Arrête de jouer maintenant » Je ne peux plus te dénier, tu prends la liberté de tourner autour de moi, presque aussi collante que le mauvais séducteur qui tourne autour de la fille qui lui a tapé dans l’œil mais qui se fout royalement de ce jobard.....je ne bouge pas d'un cil.... Mon angoisse enfouie refait surface comme la pieuvre enserrant le Nautilus..... Je revis le moment où tu m'avais crié, « n'avance plus ! Encore un pas et tu vas mourir ! ». Mon inconscient t'a fait signe au moment où j'ai besoin de toi, chère ombre. 17 août 2013, 17h, café du port. La serveuse met un temps infini à venir prendre la commande. Mon bon monsieur, depuis un moment vous me dévisagez, du moins c'est ma forte impression. Même si je ne croise pas votre regard, je ressens le malaise d'être épié. Mes pensées ne vous sont pas connues mais je sais que ma figure a quelque chose d'étrange. Quand j'essaie de me voir dans la glace, subrepticement, je rectifie ma pose, mes traits se figent légèrement. Quel est cette énigme ? Je suis un touriste ordinaire, j'ai le droit à des vacances normales, comme tout monde, non ?

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J'ai l'impression de vous avoir déjà rencontré, mais il m'est impossible de préciser dans quelles circonstances. Le garçon passe et repasse sans se laisser attraper. La commande est impossible à faire. Je ne peux détourner mon regard de ce garçon sans âge, qui va et vient, nous frôle avec son plateau, n’est attentif qu’aux autres clients, et se montre acharné à nous ignorer. L'inconnu semble avoir ses habitudes dans l’établissement, s’attabler devant le grand miroir du mur d’en face et prendre plaisir à se croire invisible… Lorsque je lève le regard vers cette glace, j’aperçois la rue animée, une jeune femme se met à courir, se souvenant sans doute qu’elle est en retard pour récupérer son fils chez la nourrice. L'homme allume une cigarette, il semble lui aussi s’impatienter, consulte son Smartphone pour connaître l’heure ou lire un message, ces fameux SMS que nous distille la vie moderne et qui rythment notre existence si lisse et oublieuse de l’essentiel. Je ne me vois plus dans le miroir du grand café. 18 août 2013, promenade au Cap Sicié Je crois d’abord à un raz-de-marée. Je marche dans la forêt, humant l'odeur des pins et de garrigue, les chênes liège, noueux, tordus constituent des endroits ou faire quelques haltes avant de parvenir à Notre Dame du Mai....qui surplombe la falaise de plus de 350 mètres. Ce qui compte, c’est la promenade, la rencontre fortuite d’un lièvre s'enfuyant en zigzag dans la garrigue. Je n'ai pas peur de m’égarer sur ce chemin balisé, mais mon père, lorsque j'étais enfant, m'avait trop de fois raconté le Petit Poucet pour que je ne vérifie pas dans mes poches la présence des petits cailloux blancs. Les arbres m'apparaissaient de plus en plus gigantesques, les pommes de pins deviennent des tours de Babel… Les aiguilles de pin sèches et piquantes finissent par m'engloutir. 15 août 1944, la mer est bleue……. L’infirmière ne me regarde plus, son visage est nimbé d’une lumière douce et blafarde. J’ai peur qu’elle m’abandonne sur la civière. Je ne me souviens plus de la raison qui m’a conduit à cet endroit. Peut-être suis-je en train de me réveiller après une opération… Le silence est rompu par une sirène d’incendie, mais non, ce sont les balles de la mitrailleuse à vingt mètres devant moi qui ricochent sur le trottoir….. Écran noir…. La porte de l’ascenseur s’ouvre sur un vaste hall lumineux, les animaux préhistoriques sont exposés comme dans le Muséum d'histoire naturelle… La conversation reprend avec le chirurgien : « je ne vois rien de très clair, il faut nettoyer cette plaie au ventre ». Le médecin parle avec une voix douce et grave… Il n’a pas l’air très attentif à ce qu’il m’explique, pour lui c’est la routine ................................................................................................................................... Page 13 sur 48


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Animé par Jean-Marie Fleurot et Guy Torrens

* On se ressemble ? * Normal, on est fait du même bois * Sauf qu'on t'a passé dans le feu, t'es tout noir, tu sens la suie. * Toi, tu sens la merde, connard ! * Te fâche pas ! Je t'aime bien quand même. * Un accident ? * Pas l'ombre d'un doute qu'ils ont dit ! * Remarque, t'en as profité, il te filait des tartes à n'en plus finir.... et après, la paix ! * Il avait sûrement la volonté de bien faire, il s'est conformé aux attentes sociales..., faire de son fils un patriote... * Le résultat a été brutal, hein frérot ! * En tous cas, c'est la faute du père ! * Oui, pas faux ! * J'avais scié la traverse, il est monté sur l'échelle dans la grange, il a râlé longtemps, empalé sur la fourche. * Oui, je me souviens maintenant, juste avant de crever, il t'a repéré derrière la charrette de foin. * Courage ! Courage ! je lui ai dit sans le regarder, et puis, tu m'as crié, j'entends la mère qui rentre avec les vaches ! * Je t'ai passé la barre à mine et t'as abrégé ses souffrances..... * Tu ne m'as pas doublé cette fois-là. * Si l'on peut dire.

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Textes divers :

Colette

MYTHOBIOGRAPHIE Enfant, tu as pris l’habitude de franchir le mur, d’aller déchirer la robe en dentelle si précieuse. La mousse adoucit les blessures des ongles qui s’accrochent et tu plonges dans les herbes folles qui bruissent de milliers de cris d’insectes. L’eau est proche avec ses ombres qui signent les profondeurs inconnues. Le soir, à la lueur de la lampe, le livre te renvoie à ces moments où tout est possible. Tu as atterris là-dans cette pension lugubre. Tu le vis comme un abandon mais aussi comme autant de portes qui s’ouvrent et se ferment. Tu mets ton nez rouge. Le lac prometteur se détache sur le ciel gris, de loin l’ombre approche et les aboiements se font plus stridents. Les épreuves, les feuilles qu’il faut remplir, il faut résoudre, imaginer. Es-tu bien à ta place ? Le livre te sauve et t’emporte, personne ne dépendra de toi. Là-bas la forme noire et inconnue va te conduire, elle cachera la lumière et t’entraînera vers le labyrinthe. Il te faut grandir pourtant, échapper à la colère et aux cris, t’enfuir pour apaiser ta violence et ta révolte. Le monde s’ouvre, la maison a mille verrous qu’il faut faire sauter, le déchirement est pourtant là comme une blessure attachée à ta vie. Tu mets ton nez rouge Le monde est dur et vaste, tu vas l’imaginer plus que le vivre. L’enfant bien réel va te pousser vers d’autres traces, d’autres signes. Les ombres de la nuit s’estompentelles se colorent. Tu poses la lampe Tu mets ton nez rouge.

TEXTE 1 : INCIPIT: « C’EST UN CERTAIN JEUDI MATIN DE DÉCEMBRE QUE TOUT COMMENÇA AVEC CET INEXPLICABLE MOUVEMENT QUE JE CRUS DISCERNER DANS MON ANTIQUE MIROIR DE COPENHAGUE .

». H.P LOVECRAFT. NIGHT OCÉAN. LE PIÈGE.

C’est un certain jeudi matin de décembre que tout commença avec cet inexplicable mouvement que je crus discerner dans mon antique miroir de Copenhague. Des années de recherches dans mon laboratoire aux murs décrépis m’avaient laissé exsangue, rongé par le doute, mes résultats m’avaient mené aux limites de l’abandon, de la folie et puis j’avais repris espoir. Dans son aquarium, le poulpe me regardait avec ses doux yeux tristes comme pour m’encourager dans mes travaux. J’avais toujours patiemment noté les expériences multiples auxquelles je m’étais livré sur lui, il avait fait la différence entre le rouge et le bleu pour éviter les décharges électriques, il ondulait devant les lettres de l’alphabet que je lui soumettais inlassablement mais à vrai dire il ne faisait plus

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réellement de progrès .J’avais cependant remarqué que depuis peu il se plaquait aux parois de verre comme pour me narguer. J’avais récemment noté dans mon journal mon aversion à poursuivre ces travaux, ma lassitude et surtout ma vanité à vouloir démontrer une chose née de mon imagination sans doute : mon poulpe pouvait apprendre à lire. Ce soir-là, j’avais noté, exaspéré : « j’en ai marre de ce poulpe, je l’attrape je le zigouille je le cuis et je le bouffe » et laissé les pages ouvertes à proximité de l’aquarium .Le malaise s’était alors accentué avec la vague impression d’une présence impalpable et furtive là-bas dans la pénombre et qui venait soudain animer le miroir. Mon cœur battait la chamade, j’avais repris connaissance après ce coup terrible sur la nuque et maintenant du fond de l’aquarium je voyais s’ouvrir devant moi l’horrible bec, immense comme un gouffre.

TEXTE 2 : INCIPIT : « SMADE ÉTAIT UN HOMME DISCRET ». JACK VANCE LA GESTE DE PRINCES-DÉMONS. LE PRINCE DES ÉTOILES Il crut d’abord à un raz de marée, les sirènes hurlaient au loin, la veille X avec qui il avait déjeuné cachait ses lambeaux de peau grise qui se détachaient de ses bras et de son visage. Il avait remarqué qu’il portait une curieuse bague couleur émeraude qui étincelait en autant de petites lumières et l’avait aveuglé. Ce matin-là, les rougeurs sur ses bras étaient apparues sous l’effet, pensa-t-il des vents violents qui devenaient palpables .Il s’était brusquement écarté en sentant la brûlure. Le rugissement retentissait maintenant près de ses oreilles, il avait couru désespérer en sentant les griffes s’enfoncer dans sa chair. Son pied heurta un objet métallique d’un vert maléfique dans l’éclat du ciel rouge.

TEXTE 3: INCIPIT : «3 MAI BISTRITZ. QUITTÉ MUNICH À 20H35 PREMIER MAI , ARRIVANT À VIENNE TÔT LE LENDEMAIN MATIN ; AURAIS DÛ ARRIVER 6H46 MAIS TRAIN AVAIT UNE HEURE DE RETARD .». BRAM STOKER. DRACULA . 3 mai Bistritz. Quitté Munich à 20H35 premier mai, arrivant à Vienne tôt le lendemain matin ; aurais dû arriver 6H46 mais train avait une heure de retard. Minuit. Hélé calèche pour gagner faubourgs. Tentative pour parler au cocher .Me répond par un claquement de fouet. Un arrêt brusque incompréhensible .Évité la chute grave de justesse. Entendu hennissement du cheval puis traversé ruelle sombre inquiétante. Aurais dû descendre .Ombre immense sur pavés humides. A disparu avec ricanement. Maintenant décor inconnu .Suis dans une forêt. Rêve ou réalité ? Même ricanement. Suis terrorisé.

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TEXTE 4 : LIEU DU RÉCIT : BANALITÉ INQUIÉTANTE Le silence a envahi la rue, je lève la tête pour aspirer un peu d’air et apercevoir le ciel .Mes yeux se posent sur l’avancée de la toiture en bois. Elle se découpe, anguleuse et coupante, elle semble vibrer et sur le point de tomber, menaçante. Des taches étranges ont envahi le bois. Leur couleur s’accentue ou pâlit si l’on se déplace légèrement. Les formes deviennent grimaçantes palpitent, se déforment, jouent avec l’œil qui les fixe. Elles deviennent visage, chevelure, main, griffes, dents acérées. Le noir le sépia se mêle, le rouge se devine et coule le long le long des fibres du bois ponctuées de clous rouillés. Traces de qui, de quoi ? Je ne lis pas « V », deux oreilles pointues silencieuses me regardent fixement. 13 août 2013 : Mas de la barque….

TEXTE 5 : RENDRE INQUIÉTANT UN LIEU IMAGINAIRE SUR TERRE : La corde était trop courte mais il avait aperçu à la lueur de sa lampe à bout de souffle des aspérités qui l’aideraient pour le retour. Son pied heurta la roche puis il sentit plus loin comme une marche. Il lâcha la corde et se retrouva en équilibre sur une petite plateforme. Sa main s’enfonça dans une matière molle, une odeur de décomposition envahit es narines. Les dernières lueurs de la lampe lui laissèrent entrevoir la couleur verte qui étrangement ne semblait pas être de la terre. Il recula effrayé et en s’appuyant contre la paroi il sentit comme une coupure à la main droite. Il reprit son souffle, essaya de deviner quel objet avait pu le blesser. Il comprit qu’il s’agissait d’un petit os. Le son diffus qui montait des profondeurs s’intensifia, l’air vibrait comme animé par une force invisible. Il sut alors qu’il ne remonterait pas.

TEXTE 8 : LE MONOLOGUE INTÉRIEUR (RENDRE COMPTE DU FLUX DE LA PENSÉE) J’en ai marre de cette brosse à dents pourrie faudra que j’aille voir cet idiot de pharmacien sans compter que l’autre jour il m’a fait remarquer que mon ventre était rond et repu non mais de quoi je me mêle comme si j’allais lui demander des comptes sur son gros pif rouge et velu on se demande comment elle peut le supporter sa blonde perchée sur ses talons hauts c’est la mode sûrement j’en ai déjà vu de ces grandes perches se dandiner le croupion le long de la plage comme si j’étais de marbre mais tiens au fait c’est quoi ce boucan ça y est j’y suis c’est la tapette à mouches électrique que j’ai accrochée dans la cuisine elles bourdonnent les vaches et elles me rendent dingue j’en ai marre de cette baraque j’en ai marre de ces clients qui ne me paient jamais la dernière une vieille bique avec son chapeau noir et son col en dentelle style grenouille de bénitier qu’avait perdu son chat dans la luzerne détective pour chats manquait plus que ça t’as qu’à le chercher et puis j’aime pas les chats avec leurs yeux jaunes faut vraiment pas savoir quoi faire de sa vie pour s’embarrasser d’une bestiole pareille tout juste bonne à chasser trois souris grises comme celles du grenier de l’oncle Edouard envahi par les vieux papiers paraît qu’il avait fait l’Indo mais le bruit courait aussi qu’il s’était fait la malle c’est vrai que celle-là on aurait pu se l’épargner c’était pas la peine d’aller leur casser la figure Page 17 sur 48


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enfin non mais j’ai vraiment une sale tronche ce matin allez vlan le savon qui se fait la malle je suis raide comme un piquet je vais encore me coincer le genou et si je dévale les escaliers et c’est pas cette imbécile de Proserpine avec son air de pas y toucher qui va venir me relever elle a pas trois sous d’idées elle m’a même laissé crever les poules et les lapins et puis j’aime pas son odeur la violette beurk ça pue sans parler de cette couleur çà vaut vraiment pas le rose celui des cerisiers du Japon du calendrier de la grand-mère celle qui s’est tirée avec un marin de passage à l’autre bout du monde . Chapeau mémé.

TEXTE 11 : DÉDOUBLEMENT ET DIALOGUE (LE PERSONNAGE SE RENCONTRE) -je vais avaler les rats velus qui courent sur le plancher -maman, maman pourquoi m’as-tu frappée hier soir ? -elle est folle, tous ces bleus que tu te fais… -maman je ne recommencerai plus à ouvrir le placard -tu m’as encore volé la clé -j’ai la clé, j’ai la clé, tu ne l’auras pas -je vais hurler pour que tu me lâches-vilaine fille qui désobéit à sa mère -punis-moi, punis-moi -je ne t’aime plus tu es trop sale à traîner toujours dans la boue -méchante mère qui n’aime pas sa petite fille -arrête toutes ces griffures sur tes jambes -maman j’ai peur de toi -tais-toi imbécile qui fait pleurer sa mère.

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Récit fantastique :

Colette Que la fête finisse

La fin de l’été m’a conduite aux abords de la maison. Je n’aime pas les souvenirs mais ma curiosité a été piquée en apprenant sa vente prochaine. Mon front a maintenant des rides, mes cheveux sont devenus gris et mes mains sont constellées de taches brunes. Je ne sais pas ce que je vais chercher là-bas de cette enfance si lointaine Pour atteindre la maison il faut prendre un chemin perdu dans les bois. Avec l’approche de l’automne les feuilles mortes s’envolent, elles étouffent le bruit de mes pas. L’appréhension ou bien mes jambes lourdes ? J’avance lentement, j’aperçois déjà l’escalier qui en contrebas mène à la source où l’on prenait les eaux .Tu parles ! Enfin l’immense bâtisse apparaît, elle se découpe sur le ciel noir, vaguement inquiétante. Il s’en passait de belles là-dedans et moi il fallait que je me taise, j’étais tout juste bonne à servir des gâteaux et à remplir les coupes de champagne aux beaux messieurs et aux belles dames avec leurs plumes et leurs éventails .Ils ne me voyaient pas, j’étais la fille de la gouvernante, et alors ? Les colonnes de pierre que le lierre a lentement rongées soutiennent encore la terrasse aux pierres grises, les fougères les maintiennent en un équilibre instable. Au-delà des colonnes, les portes béantes sont à demi arrachées de leurs gonds. Je pousse avec précaution celle qui conduit au centre du vestibule. Elle grince en une longue plainte, une vitre brisée se détache et me blesse la main, une voix me conseille la prudence. Ai-je rêvé ? La peinture de la porte s’écaille en taches énigmatiques, elles semblent palpiter mais je chasse vite cette étrange impression qui me met mal à l’aise pour traverser rapidement le vestibule. Il dessert la rotonde, c’est là que je passais des soirées entières à m’imaginer je ne sais quoi. C’est qu’il était généreux l’oncle, il faut dire que c’était une fripouille et qu’on ne savait pas trop ce qu’il avait trafiqué en Afrique, enfin c’est ce que maman prétendait. Elle avait la langue bien pendue. Mais maintenant les herbes ont tout envahi et le sol est jonché de carreaux ébréchés aux couleurs ternies, c’est tout ce qu’il reste de la belle mosaïque, un couple de léopards dans un décor exotique. Je pense à tous ces moments passés avec l’autre idiot parti je ne sais où, encore un qui en a transporté des bouteilles pour tout ce beau monde ! Quand on pouvait souffler un peu on riait comme des gosses en se moquant de tous ces prétentieux. Tout à coup, une douleur fulgurante me fait trébucher. Un carreau coupant s’est soulevé, le sang coule de ma cheville, je ne dois plus rêvasser. La voix reprend. Je t’avais avertie. Je réponds, suis-je folle, laisse-moi en paix ! La rotonde me devient sinistre. Sa verrière n’existe plus, il ne reste que la structure qui se découpe sur le ciel terminée par ce qui me semble d’immenses griffes. Page 19 sur 48


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Animé par Jean-Marie Fleurot et Guy Torrens

Je regarde les nuages qui assombrissent le ciel lorsque la plaque de verre se détache, je l’évite par miracle mais elle me déchire le bras. Je ne l’avais pas vue, il me faut redoubler de prudence .Je n’ai plus envie de sourire en songeant à nos frasques d’enfants, ni de penser aux violons et aux mandolines qui animaient les fêtes, ni aux rubans ni aux dentelles. Je me mets à insulter la maison, comme si elle m’avait pas assez pris ma jeunesse, humiliée ?qu’est-ce qui m’arrive ? Je suis épuisée, je m’appuie contre le mur déjà froid, ma main se pose sur un anneau scellé dans la pierre. Les aspérités de la rouille qui a pris une étrange teinte rougeâtre entaille mes doigts. La voix crie, ne touche pas aux objets de mes jeux pervers .Je le savais, je le savais ! J’aperçois alors d’autres anneaux rouillés, c’est bien cela que masquaient les parfums, la soie et les rires enivrés .Je frissonne. Je redoute la porte qui mène aux jardins et je renonce, il vaut mieux revenir vers le vestibule. Dans l’ombre, l’escalier qui desservait les étages auxquels je n’ai jamais eu accès. Les battements de mon cœur s’apaisent. Va savoir ce qui se passait vraiment là-haut, maman disait que l’oncle collectionnait les poules j’ai jamais compté à vrai dire. Maintenant l’escalier est à moitié effondré, les insectes ont rongé les jolies boiseries décorées de sirènes, d’angelots et de centaures. Je lève la tête, j’ai l’impression d’entendre des bruits de pas, des rats des souris, le vent ? Tu aimerais savoir petite prétentieuse vers quels mystères menait l’escalier ? Le murmure se fait plus précis. Tu n’avais pas ta place, regarde toi pauvre folle .Les planches disjointes du plafond forment d’étranges dessins géométriques que ponctuent des clous rouillés. . Des coulées rouges et noires semblent des bouches ricanantes, elles s’animent et me hurlent de sortir. Je crie pour couvrir leur vacarme assourdissant , je suis brusquement couverte de poussière du bois en décomposition, elle m’étouffe , il me faut respirer .L’air du soir apaise la brûlure .Face à la maison sur le sentier qui se perd dans les bois l’ ombre d’un cavalier se profile , il est perdu , sa monture est épuisée et meurt de soif .Sa voix douce calme mon angoisse ,il me demande de l’aider car il doit poursuivre son chemin à travers les bois avant que la nuit ne tombe pour regagner l’auberge, plus loin , il y est attendu. La source .Elle est à deux pas. Maintenant son escalier est à moitié disloqué et couvert de mousse mon pied glisse, je suis devenue tellement maladroite , et ma nuque heurte la pierre , je me relève un peu étourdie , je m’acharne maintenant avec un gros clou rouillé sur le cadenas de la grille qui ferme l’accès à la source , elle s’ouvre enfin mais les aboiements d’un molosse me paralysent , des mains difformes tiennent sa laisse , puis le visage apparaît dans la faible lueur du jour. Un rictus effrayant le défigure, des yeux sombres, un teint d’une pâleur extrême, tout me rappelle vaguement celui qui arrachait les pattes aux mouches et les ailes des papillons. Il est devenu le gardien des lieux c’est certain et il me faut vite l’amadouer. Enfant j’ai porté les seaux d’eau de ta mère après le dur travail du lavoir, non, il ne se souvient pas .L’image est floue mais je revois la fillette à la robe bleue et lui en culottes courtes la poursuivant en claudiquant. Oui c’est bien moi et j’aime toujours la couleur bleue .Cette fois ça marche, il s’est radouci mais je dois faire vite et puis quitter les lieux. L’eau plus bas palpite, j’entre lentement, mon ombre sur la voûte, démesurée mais est-ce bien la mienne ?je tremble, la peur me joue des mauvais tours ou alors l’ombre me donne la mesure de tout ce que je suis peut-être venue chercher ici. On dirait qu’elle frémit, je me reprends et j’avance en direction du réservoir, brusquement Page 20 sur 48


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une lueur laiteuse s’infiltre par la trouée de la voûte et la voix emplit la grotte. Tu n’as pas appris ta leçon, voleuse, ignorante, ce que je crois être des algues enlace mes bras, mes chevilles et me tire vers le fond. Le rire explose, je t’avais bien dit petite curieuse de ne pas franchir la limite, l’eau noire va se refermer sur mes épaules, m’engloutir, je trébuche, une odeur indéfinissable envahit l’air, dans un sursaut ma main s’agrippe à la paroi rugueuse, je sens comme une morsure mais déjà je reviens vers la grille et remonte en hurlant l’escalier. Le cavalier a disparu, impatient sûrement car la nuit est tombée et il est bien tard. Partir, tout laisser, vite, derrière moi la maison gronde, je l’ai tant aimée, tant haïe. La terre du chemin est brûlante ou glacée, je ne sais plus, j’efface mes traces, celles des bêtes ignorées des hommes demeurent, l’empreinte d’une griffe luit sous la lune.

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Récit fantastique :

Monique Paranoïa

Le sentier était rude. Je comptais mes pas dix par dix pour mieux soutenir le rythme des randonneurs. Les cailloux défilaient sous mes pas. J’étais trop épuisée pour poser mon regard au-delà des buissons qui bordaient le sentier. Dernière de la bordée, je m’éloignais toujours davantage, passant de la colère à la résignation. À présent, seules les mouches piquantes me tenaient compagnie. Je les maudissais. Je leur en voulais de ne pas m’attendre, d’être meilleurs que moi ; de plus, j’avais peur de me perdre. Enfin je parvins sur la crête et je vis au loin les méandres colorés de la troupe. La plaine s’affaissait en contrebas. Une écharpe de brume flottait dans la vallée. Un moteur au loin semblait se rapprocher. On devinait à son bruit changeant, que l’engin serpentait le flan du massif. Et par intermittences, tels des éclairs jaillissant entre les fourrés, des éclats vifs ponctuaient son avancée vers le col. Je m’assis un instant, suivant sa course encore lointaine. Mais soudain, comme surgissant de nulle part dans un fracas terrible, déboula de la forêt une énorme moto noire, surmontée d’un cavalier tout aussi sombre. Elle disparut aussi vite qu’elle était venue et le silence se fit alors, terrible. Aussitôt debout, mon cœur battait à tout rompre et je voulais m’enfuir. Mais je tremblais et je n’arrivais plus à décoller mes chaussures du sol. Avec effort je parvins à soulever le pied droit, puis le gauche. Mais à la vue de l’ombre, mon ombre qui ne bougeait plus, scotchée au rocher, mes genoux se dérobèrent. Alors je pris mon sac à dos et je tapais dessus bêtement, mais l’ombre était toujours là, immobile, comme pour me narguer. Alors frénétiquement, je frottais sur le rocher avec mon sweat shirt plié en quatre pour tenter de l’effacer. Pas longtemps. Pendant que j’essuyais mon front en sueur, je me disais que j’étais tarée, complétement givrée. L’ombre bougeait. Derrière moi, un vieil arbre se balançait doucement au soleil. Était-ce la frayeur ? La fatigue ? En tout cas sans que je me souvienne bien comment j’y suis parvenue, je me retrouvai au milieu du pique-nique des randonneurs. Déjà certains se reposaient, d’autres – les dames bien sûr distribuaient des cookies faits maison, du chocolat et des pâtes de coings du jardin, échangeant recettes et autres amabilités. La connerie continue me disais-je. Que fais-tu au milieu de ces gens avec lesquels tu ne partages pas grand-chose ? Mais c’est peut-être plus sympa d’être là que d’avoir peur de ton ombre ! « On »m’offre du café dans un gobelet de plastique. Ca fait chaud au cœur. - Merci, merci beaucoup. - Faudra rendre la tasse s’il vous plait » Quelle bande de babas, sympas quand même. Le café est tiède mais pas mauvais. - Vous en voulez encore une goutte ? Il en reste un peu … - Oui je veux bien, - Mais videz votre tasse avant ! Page 22 sur 48


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Tiens je n’avais pas tout bu ? Il me semblait bien pourtant … -

Prenez votre temps, je repasse dans deux minutes, s’il en reste.

Battements de cœur. Nerfs à vifs. Je ne suis pas folle tout de même. Je suis sûre que j’avais tout bu. Je rebois. Cette fois ma tasse est vide. -

Il en reste encore, il faut le finir, ça vous dit maintenant ?

Là ça devient dingue, ma tasse est à nouveau pleine, -

Non merci je n’ai pas terminé

-

Vous rigolez, avec la goutte qui reste au fond …

L’horreur, je n’ai pas bu une goutte, et là ma tasse est à nouveau complétement vide -

Non merci bien, j’ai un peu mal au ventre, tenez je vous rends votre tasse …

J’ai dû la renverser quand je l’ai posée dans l’herbe, sans m’en rendre compte. Oui ce doit être ça. Et je suis tellement crevée que je ne me souviens plus quand j’ai bu. Ou bien ce sont eux qui déconnent, je sais quand même bien ce que je fais. Oui c’est ça, je ne suis pas folle tout de même ! Au loin on entend vrombir la machine ; on dirait qu’elle fait des cercles dans la montagne. L’après-midi se passe à peu près bien. J’ai un peu récupéré et je suis moins fatiguée. Mais c’est avec soulagement que je vis enfin le vieux refuge dans une sorte de petite clairière, bien à l’abri derrière un gros rocher. Je déposais mon sac, comme les autres dans l’entrée, alors que le même vrombissement vint encore troubler le calme de l’endroit. C’est peut-être quelqu’un du refuge qui s’amuse ? Enfin, regagnant la salle d’eau, je laisse couler l’eau du robinet avec ravissement, sur mes bras, mon cou, mon visage … Relevant la tête devant la glace crasseuse piquée de taches de rouille, au lieu de ma tête, je vois dans le brouillard du reflet, une horrible face verdâtre aux yeux mi-clos. En une fraction de seconde leur fente s’ouvrit sur un globe rouge perçant, pendant qu’une bouche hideuse grimaçait sur des dents pointues. J’étais épouvantée et je plongeais la tête la première dans le lavabo en m’agrippant à mes cheveux à me les arracher. Je n’arrivais pas à m’éloigner de l ‘effrayante vision. Je n’osais pas regarder à nouveau dans le miroir. Ne plus bouger. Heureusement des dames entrèrent fort à propos en ayant l’air de bien s’amuser : T’as vu la tête du cuistot ? Tu sais on dirait, comment s’appelle-t-il déjà, celui qu’on a vu à l’Opéra, celui qui avait le rôle de Méphisto ? Oui oui c’est tout à fait ça, répondit l’autre en rigolant, mais lui, avec sa voix de « aha ah », ils l’ont pas raté ses parents ! -

Et t’as vu ses yeux ? Il doit pas marcher à l’eau celui-là !

Et ses dents ? T’as vu ses dents ? On dirait qu’il les a limées pour les faire toutes pointues ! Lui alors il fait pas la fortune des dentistes ! Ah ah

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J’osais ressortir ma tête de l’eau, rassurée. Le cuistot avait dû passer par là. Forcément avec la crasse … Ouf ma fille tu n’es pas folle, ton imagination te joue des tours, il va falloir que tu dormes cette nuit ! Au fait, bonjour, excusez-moi, n’avez-vous pas aperçu une grosse moto dans les parages ? -

Bonjour, bonjour, elles se regardèrent

Non, moi ça m’étonnerait, il faudrait un 4X4 ou un trial pour arriver jusqu’ici, et encore. D’ailleurs ici ils s’approvisionnent par hélico en début de saison. Bon c’est peut-être une tronçonneuse finalement. Dépitée je ne savais plus trop quoi penser et je me dirigeais vers l’escalier qui descendait j’imagine vers le réfectoire. Les marches en bois craquaient, de sorte qu’arrivée au milieu, cinquante paires d’yeux me regardaient. -

Viens petite mignonnette, viens …

C’est à moi qu’il parle ? Je me retournais, mais il n’y avait personne. Vu mon âge, il devait être rudement en manque ou bien complétement miro ! Je descendis plus bas. La pièce était très sombre. C’est alors que je vis avec stupeur qu’ils étaient tous en costume d’époque. De l’époque des photos anciennes qui décoraient les murs du chalet, genre, début du siècle, celui d’avant l’an 2000. L’époque où ma grand-mère, emmaillotée jusqu’au cou, ressemblait à un paquet sans bras ni jambe. D’ailleurs un bébé braillait. Je suis tombée sur un tournage ? Bien imité tout ça, vous n’avez pas idée de ce qu’on est capable de faire au cinéma... Mais je ne vais pas déranger. D’ailleurs je ne sais pas où sont les caméras, les techniciens doivent aussi être déguisés … Ca danse, ça braille, ça bois sec, ça pue, et ça crache, je ne comprends pas grand-chose… Soudain des mains dégoutantes m’agrippent, « viens petite, viens.. » « Laissez là la pauvrette, elle doit être bien fatiguée, après tout, elle en a ramassé du bois aujourd’hui ! ». Je me bouchais les oreilles et je voulais partir, c’est paniquant à force. Mais maintenant je suis au milieu de ces paysans bruyants et crasseux sans possibilité de m’échapper. Les images revenaient à toute vitesse. C’était exactement cela. Et en noir et blanc en plus ! Mon dieu, on dirait que je suis entrée dans les photos, et je ne peux plus en ressortir … Ils me tirent, me tirent « non je ne veux pas danser, non je ne sais pas danser ! » vous imaginez la scène ? Panique totale. Réveillez-moi ! Je m’entends hurler, une méchante lacération au mollet, qu’est-ce que c’est ??? Un chat, un énorme chat noir. Au moment où je le pousse d’un coup de pied, un énorme flash m’aveugle et d’un coup le silence. Plus personne, mais des plumes, partout des plumes. Elles virevoltent en spirales, de plus en plus vite, de plus en plus fort. Où sont-ils ? Pas le temps de penser. J’ai peur d’être aspirée. D’un coup la spirale s’arrête et s’ouvre. Un obturateur. Clic-clac. Tout est noir. J’y suis. La photo. -

T’as pas vu mon chat ?

Je reconnais la voix de fausset du cuistot. Derrière lui le gérant du chalet range des skis, clic-clac. -

Non il doit encore être en train de bouffer les souris Page 24 sur 48


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Animé par Jean-Marie Fleurot et Guy Torrens

Ca va ma p’tite dame ? Vous avez l’air toute pâle… Oh mais vous saignez ? Belle estafilade, vous vous êtes bien arrangée ! Venez il ne faut pas laisser ça comme ça. Je vais vous donner de l’alcool, y’a rien de mieux pour désinfecter … Oui j’en ai bien besoin de l’alcool mais pas sur la jambe, ma gorge est sèche et je ne sais plus où j’habite. Je remonte avec lui, n’osant regarder les photos, encore morte de trouille. Quand il ouvrit la porte de la pharmacie, la clef tomba. En la ramassant je ne vois aucune photo. Plus de photos, mais de jolies aquarelles de plantes des montagnes é accrochées à leur place. Enfin là où je crois qu’il y en avait. Ne penser à rien. Je suis vraiment trop fatiguée. J’ai dû m’écorcher dans les buissons sans m’en rendre compte. Un verre, la terrasse encore au soleil, un transat, la vie normale quoi. Tout cela va me faire du bien. Cognac cul sec. D’un coup. La tête en arrière. Tiens j’ai fait tomber une plume. Ré-panique. Un rire démoniaque. Non ce sont des acouphènes. Une moto démarre dans une pétarade infernale ….

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Animé par Jean-Marie Fleurot et Guy Torrens

Récit fantastique :

Jean-Marie Énergie humaine TROP GRAND ?

En entrant dans le couloir du Métro, direction La Castellane, au milieu de la foule de cette fin de journée d’automne, François, comme toujours, éprouva une sensation de malaise. Il surplombait les autres de manière telle qu’il lui était très difficile de pouvoir accrocher un regard ….Et pourtant la plus part des gens passait les 1m80 selon les dernières statistiques de l’observatoire de la population. Lui, culminait à 2m20 et, à 30 ans, il ne savait toujours pas très bien être avec cette différence qui l’accompagnait depuis l’enfance. François, ne savait pas que faire de ses longs bras et il dissimulait ses grandes mains dans les poches de son anorak gris ; les gens, serrés les uns contre les autres, il lui semblait qu’ils se tenaient éloignés de lui, comme pour laisser de la place à ses immenses chaussures …Dans ce couloir de Métro, il éprouvait les mêmes sensations que dans les boites de nuits où il allait quelquefois chercher un improbable lien amical, avant même qu’amoureux. Il se sentait isolé et n’arrivait pas à établir des liens durables, malgré son envie qui se lisait, peut-être trop, sur son visage ouvert aux traits bien affirmés et dans ses grands yeux noirs …..Bien sûr , il y avait aussi l’extrême maladresse de ses déplacements ( au contraire de l’habileté de ses mains) , comme ne manquait pas de lui rappeler très souvent Monsieur Jean , le Taxidermiste qui avait bien voulu l’embaucher pour apprendre le métier … « Je prends de la place , mais je n’arrive pas à avoir une place avec les autres ….Je suis seul , trop grand et tout seul » se disait François en ouvrant la porte de la petite chambre mansardée où il ne pouvait se déplacer que courbé en deux et où il avait dû renoncer à installer un lit ….Seul , il l’était depuis ses 18 ans , le jour où ses parents l’avaient mis dehors afin « qu’il apprenne la vie » ….Il ne les avait plus revu depuis et de galères en galères , malgré un bac « Écologie » , de petits boulots en stages sans issus , il avait fini par quitter Paris pour venir dans le Sud ….Cette petite chambre c’était toujours mieux que les foyers de SDF et le ponts de la Seine qu’il avait fréquenté ces derniers années . Et puis le soleil et la mer agissaient vraiment positivement sur son moral ….Ici il pouvait s’adonner sans contrainte au Yoga qu’il avait appris lors d’un long séjour en Inde entre 2020 et 2022 (mais qui ne l’aidait pas à être moins maladroit dans ses déplacements) et à la méditation devant des levés et couchés de soleil sublimes. Il consacrait aussi pas mal de temps à la lecture d’ouvrages de poésie dont il était passionné.

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Animé par Jean-Marie Fleurot et Guy Torrens

TROP INTELLIGENT ? « Vous croyez que c’est facile pour moi ? Non seulement je me trimbale cette foutue taille, mais en plus je comprends plus vite que les autres ! À l’école, je donnais la réponse au maître, avant qu’il pose la question, ce qui me valait des remarques désagréables sur mon arrogance ….Après, au collège et au lycée, je ne trouvais personne pour travailler sur les ordinateurs qui avaient largement remplacé les maîtres, car je donnais toujours l’impression aux autres de les attendre ! Aujourd’hui, je ne trouve personne pour jouer aux échecs, pour résoudre un problème de maths, ou déclamer un poème, ou simplement observer le ciel et les étoiles ….Ils croient tous qu’ils ne m’intéressent pas, alors que c’est eux qui ne s’estiment pas assez ….Il sont dans la comparaison et moi je cherche juste la relation ! Vous croyez que c’est facile monsieur Jean ? Facile de ne pas pouvoir entrer en relation avec tous ceux et toutes celles que je devine tellement intéressant ? Vous ne pouvez pas savoir combien ça me rend triste, combien c’est angoissant …. Je suis prêt à vendre mon âme au Diable pour devenir banal et normal ! » Il avait dit tout cela d’un souffle et Monsieur Jean l’avait écouté attentivement : « Écoutes François, n’appelle pas trop le Diable, car il pourrait bien te répondre ….En fait, il faudrait que tu sois amoureux ….Les femmes ne t’intéressent pas ? Bien sûr que si monsieur Jean, mais elles me semblent inaccessibles ….j’ai l’impression de leur faire peur …Comme aux hommes d’ailleurs. C’est toi qui a peur François …. Si tu es amoureux, ça t’aidera dans tes relations avec tout le monde ….J’ai remarqué que si tu te déplaces maladroitement, tu es en revanche très attentif aux clients et qu’ils apprécient de pouvoir parler avec toi …De nos jours c’est assez rare car les gens sont devenus malades de leurs montres Smartphones et finalement, ils ne se parlent plus …. -

Si je pouvais au moins commencer par être ami avec une femme ….

Si ça te rassure de parler d’amitié …..Mais c’est l’amour entier qui te transformera, malgré tes peurs. -

Alors, que dois-je faire avec celle qui va me réveiller ?

-

Lui sourire, l’écouter et lui parler François ….Comme de tous temps.

PENSÉES POUR SOI-MÊME …. Six heures du matin….Courbé en deux au-dessus de la cafetière , et après s’être encore une fois heurté le crâne au plafond en se relevant de son futon , François se laisse envahir par le flot de ses pensées : « Il faut que je descende la poubelle ….Elle déborde ….et que je n’oublie pas le loyer de ce mois ….Pourquoi cette femme dans le métro n’arrêtait pas de me regarder ….Elle avait un regard bleu acier impressionnant et une aura très perceptible » François avait cette capacité à voir l’énergie qui se dégageait de certaines personnes….

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« Peut-être je vais la revoir aujourd’hui …..Peut-être je devrais lui parler ….Et si je lui faisais peur ? Il faut que j’écoute les conseils de M. Jean …. Il faut que je change l’ampoule dans l’entrée ….et il faut que je me bouge pour ne pas être en retard …Je dois ouvrir la boutique ….Taxidermiste ! Quelle idée j’ai eu ? Enfin ce n’était pas une idée, plutôt le hasard en passant ….Les clients sont bizarres ….Plus tristes que s’ils avaient perdu un proche ! Ça me viendrait pas à l’idée de faire empailler un animal pour le mettre sur ma cheminée ….C’est le vivant qui m’intéresse, mais paradoxalement j’aime bien ce métier …Et j’aime bien Monsieur Jean »

ERICA ET LE CHÂTEAU … Elle s’appelait Erica (avec un « c » tenait elle à préciser), elle avait 25 ans et travaillait dans une des nombreuses « Maison de retraités » qui s’étaient multipliées ces dernières années …..Elle était plutôt petite et de corpulence solide ….Elle avait la peaux mate , les cheveux blonds très courts , un visage rond aux traits réguliers , éclairé par des grands yeux d’un bleu intense ….Elle ne connaissait pas ses parents et ne voulait pas parler de ce qui n’était pas un problème pour elle ….Elle aimait toutes les musiques , jouait du violoncelle , adorait le cinéma et la mer surtout par gros temps et s’accordait un verre de bon vin de temps en temps ……mais surtout elle aimait les gens . Elle avait remarqué François, à cause de sa taille évidemment, mais surtout à cause de la profondeur de son regard, aussi noir que ses cheveux désordonnés, et de l’énergie qui émanait de lui. Erica proposa à François de l’amener voir un « endroit spécial » ….Il leur fallu un peu moins d’une heure pour traverser Marseille sur la grosse moto électrique d’Erica. Les passants regardaient, très étonnés, ce curieux équipage : Une petite jeune femme et un géant derrière elle, sur une moto silencieuse et rapide « comme une étoile filante » …. Direction le massif de la Sainte Baume …… « Voilà c’est ici » indiqua Erica en enlevant son casque … Du sommet de la colline où ils s’étaient arrêtés, François pu apercevoir ce qu’il crut être les ruines d’un château, dissimulé sous des platanes gigantesques, au creux d’un petit vallon où courrait un ruisseau argenté …..En se rapprochant , suivant un sentier étroit recouvert de fougères aussi hautes que lui , François se rendit compte que les ruines étaient un illusion …Erica avait pris de l’avance ….Elle l’attendait au pied des murailles en granit noir ( incroyable dans un pays de calcaire se dit François ) et il fut étonné de constater que l’ensemble était totalement construit : Les murs les tourelles d’angles et les créneaux avaient été agencés de telle sorte qu’ils donnent l’apparence d’un lieu délabré , du quel il n’y avait aucun intérêt de s’ approcher . À l’intérieur du château (un carré de 50 m / 50 m estima François) il y avait trois coupoles translucides d’environ 10 mètres de diamètre, qui recouvraient des sortes de puits en ciment dont François n’arriva pas à distinguer la profondeur. Il se recula, saisi par un vertige inhabituel chez lui. « Je t’avais dit que c’était un endroit spécial » lui murmura Erica avec un grand sourire que François trouva rassurant. François éprouva le besoin de s’asseoir …Erica vint le rejoindre et resta silencieuse

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« C’est quoi cet endroit se disait François ….Qu’est-ce que je fais ici ? En même temps j’avais envie de suivre Erica …Alors je ne vais pas me plaindre …D’autant qu’il ne s’est rien passé jusqu’à maintenant ». En suivant ses pensées, il observait plus en détail les murs qui délimitaient l’espace intérieur du château : Des sortes de hublots garnissaient leur surface de façon régulière, jusqu’en haut des murs. Il put en compter une dizaine par colonne, celles-ci étant au nombre de 10 également. « Oui les murs sont très épais et contiennent des escaliers et des couloirs » dit Erica qui semblait avoir deviné les questions que se posait François. - Je rêve ? - Non François, ce n’est pas un rêve …. - C’est un centre de recherche nucléaire clandestin ? (Car le nucléaire était interdit à la suite de la catastrophe de Tricastin en 2022). Erica ne répondait pas …..C’était la fin de la journée et l‘obscurité envahissait peu à peu l’espace ….Un pale lueur bleutée émanait progressivement des coupoles … « - C’est incroyable ! s’écria François en se dressant sur ses jambes Ne bouges pas lui dit Erica ….. Fais-moi confiance …Si on s’en va, tout va s’arrêter. -

Il y a des gens qui nous observent ?

Non, il n’y a personne maintenant ….Restes silencieux, penses à nous deux et observe bien les coupoles ….Tu comprendras plus tard.

LE GARDIEN DU CHÂTEAU … Il était proche de minuit ….. « On va rester là jusqu’à quand ? » chuchota François. -

Jusqu’au lever du jour répondit Erica.

À minuit, il y eut comme un frémissement de l’air et, sortant de la muraille en face d’eux, une petite créature aux cheveux bouclés et au visage très pale, apparut. Fille ou garçon, elle était vêtue d’une simple chasuble blanche qui lui descendait jusqu’aux pieds et François était fasciné par ses grands yeux verts clairs « comme des émeraudes » … L’enfant vint s’asseoir en face de lui : « Bienvenue François ….Je suis le gardien de ce lieux » La voix était claire bien qu’un peu métallique, « presque synthétique » se dit François …. - Je dois te poser quelques questions pour savoir si tu peux entrer dans le château. - Allez y …dit François d’une voie qu’il voulait affirmée. - Aimes-tu vraiment Erica ? Page 29 sur 48


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- J’éprouve beaucoup d’attirance pour elle et j’ai envie de la protéger… - Pourrais-tu préciser cette attirance ? - C’est comme s’il y avait quelque chose en moi qui raisonner à quelque chose en elle…Une sorte de vibration commune. - Une vibration ? - Je ne sais pas exactement ….Une source, une lumière, une énergie …une bonne force … - Tu l’aimes parce qu’elle fait vibrer en toi une bonne énergie ? - On peut dire ça … - Aimes-tu les gens, en général …. - Je suis tellement différent …C’est difficile pour eux sans doute ….mais je n’éprouve pas de colère ni de haine et j’essaie au moins de m’intéresser à la plus part des gens, de faire attention à eux … - Sans exception ? - ….Je suis indifférent aux gens que je trouve méchants ou malhonnêtes et qui ne veulent pas changer…Mais finalement ils ne sont pas si nombreux. - Erica, que penses-tu des réponses de ton ami ? - François est un cœur pur …Je l’ai su dès nos premiers regards ….et son « aura » est remarquable …. - Mais toi Erica, tu es qui dans cette histoire ? demande François. - Je suis ton « messager » …celui qui vient te sortir de ton état, te montrer un chemin ….sachant que tu restes libre de l’emprunter ou d’y renoncer. - Mais ce château, cette lumière qui vient de nulle part ….C’est pourquoi faire ? Ça sert à quoi ? - Bonnes questions ….Tu peux venir avec nous dans le château maintenant et tu comprendras. François était resté assis : « Écoutez, c’est trop rapide… là, je ne peux pas vous suivre…En plus, je dois ouvrir la boutique de M. Jean très tôt ce matin et le jour est presque levé » La grande lune rousse qui irradiait la scène avait effectivement disparu et une aube pale commençait à éclairer les grands platanes autour du château … « Bien …Tu as le droit d’hésiter et tu dois tenir tes engagements » dit calmement le gardien androgyne … « Quand veux-tu revenir ? Je préfère t’avertir : Ce sera la dernière fois ….qu’en penses-tu Erica ? C’est mieux en effet, en ce moment ses pensées ne sont pas claires, il a quelques doutes et il est dans la confusion. Allez viens François, je te ramène et tu Page 30 sur 48


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reviens dans une semaine exactement…Arranges toi avec monsieur Jean pour qu’il n’y ait pas de problèmes -

Il n’y en aura pas.

Sous les coupoles, les lumières bleues s’étaient éteints …

DIALOGUE AVEC SON OMBRE … Le lendemain, en fin d’après-midi, François quitta la boutique de M. Jean. La journée de travail n’avait pas effacé les événements de la veille , mais il se sentait léger et tranquille et il décida de jouer avec la lumière rasante de l’automne et avec son ombre ….C’était un plaisir qui lui était resté de l’enfance ….Adulte, son ombre pouvait atteindre une taille gigantesque et il s’amusait de la frayeur qu’elle provoquait chez les passants …Sauf avec les enfants qu’il n’aimait pas faire pleurer …En plus, elle détournait les remarques désagréables des gens qu’il croisait et lui , recueillait des sourires timides et des soupirs de soulagement : « Ah bon …C’est vous ! » Après avoir couru pour essayer de la lâcher, François s’était arrêter pour contempler l’affiche d’un cirque qui exposait des géants, quand il entendit une voix ….Son ombre lui parlait : « - Tu sais François, j’aime bien ma vie avec toi, mais il y a des moments pénibles depuis quelques temps … Et les quels ? En tous cas je suis heureux que tu me parles, car moi je le fais depuis longtemps ! Je t’ai toujours parlé ….simplement tu ne m’entendais pas … Donc il faut que je te dise, j’ai l’impression que depuis, ta rencontre avec Erica, tu fais moins attention à moi … -

Pas du tout, on est toujours ensemble ! Serais tu jalouse ?

Tu ne joues plus avec moi et avec les gens …depuis que tu es amoureux, si si tu es amoureux, inutile de secouer la tête, tu regardes les gens en souriant et les gens te regardent et te parlent directement …Ils ne font plus attention à moi, je ne leur fait plus peur ! Certains vont jusqu’à s’écrier « Oh la belle ombre ! » ils te demandent même s’ils peuvent marcher à coté de toi pour « profiter de votre ombre » ! Un comble ! -

Alors tu aimes faire peur aux gens ?

-

Ben, pas vraiment …Mais au moins j’ai l’impression d’exister !

Drôle d’existence tu avoueras : Faire peur et se faire injurier ! Tu mérites mieux ! L’ombre resta silencieuse un court instant : C’est gentil ce que tu me dis François …mais il faut que je m’habitue ….ça fait beaucoup de changement, trop vite …

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Bon, de temps en temps, je veux bien ne plus regarder les gens et ne plus leur parler, uniquement pour que le changement ne soit pas trop brutal….Mais ça ne durera pas ! Merci François, tu comprends, il faut que j’apprenne à être une ombre aimée par les gens….C’est toute une tradition familiale à remettre en question et je suis certain que les ombres de mes ancêtres, que je revois les nuits de pleine lune quand tu dors, vont me faire la gueule ! C’est leur problème …. Sans doute toutes des ombres qui n’ont pas eu la chance que leurs doubles rencontrent l’amour … -

C’est l’amour qui te transforme François ?

-

Sans aucun doute …c’est surtout de le vivre, de le montrer, qui fait changer …

-

C’est un voyage que je n’ai jamais fait …

-

Et bien, tu ne pourras plus le dire ! Erica dit que c’est « un aller simple » ….

-

Merci François …Il va faire nuit …..On se revoit sous un réverbère ?

-

Non, pas ce soir, j’ai besoin de dormir ! À demain.

RENCONTRE AVEC « LE MALIN »… Au pied de son immeuble, François croisait quelquefois celui que les habitants du quartier appelaient « le malin »….François ne l’aimait pas car il avait une façon de vous regarder qui vous rendait transparent, mais, ce soir-là, la veille de retourner au château, il lui trouva l’air abattu …. -

Quelque chose qui ne va pas ?

Ne m’en parles pas ….Mon vendeur a foutu le camp ! Il me laisse dans une merde noire ce petit con ! Un boulot en or et pas fatiguant en plus ! -

Il vendait quoi ?

Comment ça, il vendait quoi ….Ne fait pas le niais ….Tu sais très bien ce qu’il vendait ! -

Non …

Tu es bien le seul mon couillon ! De la « blanche » évidemment ….Avec une demande régulière et constante des traders de la bourse qui ne peuvent travailler qu’avec leur dose ….ça va être une catastrophe là-bas, mais pour moi c’est un cataclysme ! -

Sale boulot….

Mais pas du tout ….C’est entré dans les mœurs ….. C’est ce qui fait tenir la plus part des gens qui ont du pouvoir sur les autres …Mais au fait …. Le malin s’était rapproché de François ….ses yeux étaient devenu rouge et son haleine sentait une odeur de poussière humide, de renfermé ….Il continua … Page 32 sur 48


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Tu ferais un parfait vendeur toi …. Non ….à 1000 euros la journée ….Qu’estce que tu en dis ? Le malin, qui était d’une taille moyenne, regardait François dans les yeux …Il était devenu aussi grand que lui et François se sentait vaciller et mollir à l’intérieur, comme si son cerveaux se liquéfiait ….Un tourbillon de vent, arrivé de nulle part, sifflait à ses oreilles …Il se mit à penser très fort à Erica …. Brusquement, une petite fille et un garçonnet débouchèrent du coin de la rue en riant aux éclats et passèrent tout prêt des deux hommes en criant : « le malin est un peureux ! Le malin est un trouillard ! Le malin est un péteux ! » Et ils dévalèrent les escaliers qui conduisaient vers le vieux port ….Le vent s’arrêta d’un coup ….Le malin trouva la force de gargouiller « Sales gosses … » avant de se tasser lentement. Une voix qu’il ne se connaissait pas sortit de la poitrine de François : « Vous avez peur monsieur le malin ….Vous avez toujours eu peur de la vie et des gens simples et vivants ….Vous croyez avoir le pouvoir, mais vous êtes vide, complètement vide Vous êtes à plaindre monsieur le malin …Vous êtes déjà mort ….et la mort ne remplacera jamais la vie ….Au revoir monsieur le malin, votre proposition ne m’intéresse pas …. » Il y eut comme un souffle profond qui conclue ses paroles et François tourna les talons … Sa tête était pleine du rire des enfants et du sourire d’Erica. Sur le trottoir, « le malin » était à genoux et se tenait la tête entre les mains ….Des passants crurent bien l’entendre gémir comme un animal … Le lendemain matin on repêcha son corps dans les eaux du port.

LA DÉCOUVERTE DU MYSTÈRE. Une semaine exactement après la 1° nuit, au crépuscule tombant, François et Erica s’assoient en lotus au milieu de la cour du château…. Au bout de quelques minutes, les coupoles diffusent une pâle lueur, qui se transforme peu à peu en une radiation d’un bleu intense …. François et Erica ne disent rien, ils se tiennent simplement par la main. À minuit juste, le gardien aux yeux émeraudes, apparaît d’on ne sait où : - Alors François, es-tu prêt maintenant ? - Oui - Alors suivez-moi. Le petit groupe arrive à 50 cm du mur et celui-ci s’estompe sur une largeur et une hauteur suffisante pour leur ouvrir un passage … Les voilà à l’entrée d’un étroit couloir dont ils suivent les dédales pendant quelques mètres avant de s’engager dans un minuscule escalier à vis dont les 7 marches les amènent sur un vaste palier totalement vide ….Le gardien claque une fois dans ses mains et aussitôt des hublots s’ouvrent tout le long du mur ….Un deuxième claquement et des tiges métalliques surgissent du sol , toutes en même Page 33 sur 48


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temps ….Elles sont surmontées de sphères transparentes avec , à l’intérieur , un cœur mécanique palpitant qui supporte ce que François identifie comme un œil de caméra …..Les sphères viennent se placer exactement au centre des hublots. Non de dieux ! s’écrient- il en saisissant Erica par les épaules ….A travers les hublots, il pouvait voir les 3 coupoles désormais totalement éteintes. Le petit gardien androgyne s’était approché de lui …. Dieux n’est pour rien là-dedans…. As-tu remarqué un phénomène que tu ne t’expliques pas ? Pas un en particulier ! Je ne comprends rien ….Ah si pourtant : quand nous étions dans la cour, les coupoles étaient comme éclairées de l’intérieur….Maintenant elles sont aussi sombres que la nuit …. -

Tu es sur la bonne voie.

-

Mais quelqu’un peut les allumer et les éteindre ?

-

Tu t’éloignes du chemin

Et puis je ne comprends pas que les puits sous les coupoles n’aient pas de fond ! Il y a un fond ….mais il est à une profondeur variable suivant celui qui regarde …Tu comprendras plus tard. -

Je suis prêt.

Pas encore, tu as besoin de quelques explications et sensations ….Débranches un peu ta raison et écoutes ton cœur et ton esprit. -

Mon esprit ?

Oui ….Ce qui te permet d’éprouver quelquefois une joie profonde ….sans raison. Tu vas nous suivre jusqu’à la salle du conseil pour rencontrer le « Cercle des Faciliteurs »

LE CERCLE MAGIQUE Ils grimpent un long escalier en colimaçon pour arriver au sommet d’une des tours d’angle …Dans une sorte de bulle en verre d’où l’on peut admirer la totalité de la voûte céleste, une large table ronde en chêne massif occupe une grande partie de l’espace …. -

Assied toi ici François …

-

Autour de la table ?

-

Oui, sur ce siège un peu plus haut que les autres.

Erica s’est installée en retrait, près d’une fenêtre, juste en face de lui ….En le regardant, elle esquisse un léger sourire tranquille que François aime bien et qui a le don de lui ouvrir le cœur. Page 34 sur 48


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Bientôt, l’une après l’autre, 14 personnes viennent prendre place autour de la table : 7 hommes à barbes blanches et 7 femmes aux longs cheveux jusqu’au milieu du dos. Jusqu’au bout de la nuit, François va écouter le récit collectif de ce qu’il découvre ; Tour à tour, chaque homme et chaque femme lui livre une partie de l’histoire : « Eux ce sont connus au soir du 11 septembre 2001, au grés de leur errance et de leur sidération, suite à l’incroyable massacre de NY ….. Ils s’étaient réunis d’abord pour se réconforter et pour se tenir chaud contre les vibrations de terreur glaciale qui s’étaient alors abattus sur le monde , allant même jusqu’à modifier l’axe de rotation de la terre….Ils avaient la conviction que , si les humains continuaient leur dérives barbares , compte tenu des moyens technologiques actuels et à venir , le monde disparaîtrait avant la fin du 21° siècle ….Intellectuellement , culturellement , affectivement ils étaient toutes et tous différents , mais avaient en commun la passion du vivant et des humains ….Ils étaient les héritiers de milliers de personnes qui , à travers les siècles , avaient tentés de contenir la violence et la haine , constitutives de notre espèce , mais qui ne la résument pas et aux quelles on ne doit pas soumettre…. Ils avaient décidé de se revoir régulièrement et avaient constaté qu’ils partageaient un même projet : Faciliter la vie des gens, dans le respect et la justice …. La vie est courte et elle finit mal : Nous devrions tous la consacrer à faciliter la vie des autres Enfin de toutes celles et ceux qui ne sont pas noyés dans les illusions du pouvoir, ou qui acceptent de faire le travail indispensable pour en sortir » François écoutait intensément et se laissait pénétrer par la force des paroles … « Nous avons donc pris des contacts avec les plus grands chercheurs dans les domaines de la physique quantique, des neuro-sciences , de la biologie cellulaire et des nanotechnologies et nous avons fait de telles sortes qu’ils se rencontrent avec des géologues , des ethnologues , des philosophes de toutes les cultures d’orient et d’occident et des psychanalystes …. Aujourd’hui , les découvertes sur le « champ énergétique universel » , « la physique des micro particules » , la « science de l’intention » où « la plasticité durable du cerveau » sont des avancées considérables qui doivent permettre de reconsidérer les interactions humaines …Après 30 ans de travaux quotidiens , ils étaient , maintenant , en mesure de passer à une autre étape : Ils avaient mis au point un système de « capteurs d’énergie positives » ( les yeux et les cœurs électroniques insérés dans les sphères transparentes au sommet des tiges , derrière les hublots) qui se déclenchaient à la moindre présence humaine dans la cour du châteaux , mais uniquement si elle était accompagnée par un « messager ». Les ondes d’énergie vibratoires ainsi captées, sont transformées en lumière bleutée, d’une intensité et d’une qualité très dépendantes des « intentions » de la personne, de son niveau de « conscience de soi » et de son degré « d’empathie » …. En croisant les données énergétiques du sujet avec celles émanant des profondeurs de la terre , nous sommes arrivés à mesurer sa capacité à « aider les autres », à « faciliter la vie des gens » …Ainsi , pour que le sujet puisse être considéré comme un « faciliteur » potentiel , il faut que les vibrations de son champ énergétique , ses intentions et son degré de conscience , convergent et soient en Page 35 sur 48


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résonance avec l’énergie tellurique : Alors la lumière atteint son intensité maximale car elle s’enfonce profondément dans le sol …Si elle reste en surface , elle est beaucoup moins forte et il y a de forte probabilité , pour que les intentions ne soient pas claires , les paroles et les actes , pas justes ou contradictoires… » Après un long silence François se décida à parler : - Qu’est ce que vous attendez de moi ? Je ne peux pas raconter ce que j’ai vu et entendu …Je passerais le restant de mes jours en HP ! - Il n’y a rien à raconter, ami …Il y a à être et à montrer ….Nous n’exigeons rien de toi, tu es totalement libre de faire ce que tu veux de cette expérience ….Pour toi, elle a été positive et nous pensons que tu as les qualités pour faciliter la vie des gens autour de toi, avec discernement ….Et pour rejoindre le groupe des « messagers ». - Mais pourquoi moi ? - Parce que ta différence t’a longtemps empêché d’avoir conscience de ton potentiel ….Il y a heureusement , énormément de personnes qui savent faciliter la vie des autres , juste par leur manière d’être attentif , d’écouter et de parler ,de vivre tout simplement en empathie avec leurs semblables …. Ceux-là n’ont pas besoin de nous et sans eux il y a longtemps que le monde n’existerait plus. Mais d’autres, aussi nombreux, sont empêchés, pour de multiples raisons, de livrer le potentiel d’énergie positive et d’empathie dont ils sont porteurs … Nous leur réservons donc cette expérience, pour vérifier notre intuition et pour les persuader de la réalité de leur potentiel salvateur. Plus ils seront nombreux et plus le monde aura une chance de se sauver. Par ailleurs, nous tenons à te rassurer : Personne ne peut voir, de loin ou de pré, les phénomènes auxquels tu as assisté … Il faut, pour cela, être dans le château et accompagné par un « messager » …. Tu sais l’essentiel maintenant François, à toi de choisir ton chemin ….. Bons vents, car nous ne nous reverrons pas : nous devons changer de lieux, de ville ou de pays chaque jour, pour préserver le secret de cette résistance et nous ne sommes pas assez nombreux ….même si nous sommes de plus en plus nombreux » …..

ÉPILOGUE : L’aube est arrivée …Les uns après les autres les 14 « faciliteurs » disparaissent de leur siège comme des images d’un écran …. François, Erica et le gardien restent un long moment silencieux ….De grosses larmes coulent sur les joues de François et le petit gardien est devenu diaphane, presque transparent …. « Je vais devoir vous quitter maintenant …Vous connaissez le chemin pour sortir du château …..Adieux, car nous ne nous reverrons pas ….C’est un autre gardien que tu rencontreras François, si tu décides d’être « messager » ….Son apparence sera la même, mais ce ne sera pas moi » …. Et il disparut dans un nuage d’étoiles .En se tenant par la main très fort, François et Erica se regardent en souriant …Ils sont remplis d’une joie intense et franchissent les murs du château, avant de se mettre à courir dans les grandes fougères qui s’ouvrent sur leur passage …..Derrière Page 36 sur 48


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eux, le brouillard matinal d’une belle journée d’automne fait disparaître toutes choses.

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Récit fantastique :

Danielle De rouille et de satin

Un visage en lame de couteau, un nez en bec d’aigle, des yeux clairs. Un air de famille. Pierre porte son héritage à la face du monde. Dégingandé et malhabile, des grandes mains ont poussé au bout de ses bras osseux. Ses jambes maigres flottent dans des pantalons trop larges. Pierre est un lâche, c’est son père qui le dit. Pierre ne se voit pas dans le regard des autres. L’inexistence est invisible et le visible lui fait peur. Un enfant rit. Pierre est recroquevillé dans l’encoignure, sur un strapontin, au fond du wagon. Son sac à dos râpé posé sur le sol. Pas le droit de s’installer confortablement avec les autres passagers. Passer inaperçu, se cacher. Ne pas marquer l’espace de son empreinte. Ses grandes mains sont cachées dans les poches de son pantalon trop large. L’enfant le montre du doigt, la mère rit. Elle m’a remarqué, pense-t-il, elle se moque de moi. Le train geint, ralentit, des voix résonnent, des jeunes chantent. Pierre est assis sur le strapontin. Voix métallique…Prochaine destination… Pierre n’écoute pas. Entre chien et loup. Le train entre en gare. Les crissements des roues sur les rails rouillés s’accordent aux hululements mélancoliques des oiseaux de nuit. Les carreaux de la verrière sont fendus par le gel. Sous le préau, le quai est désert, quelques tickets jonchent le sol glacial. Pierre foule lentement la neige feutrée qui garde l’empreinte de ses pas. Il prend soin d’éviter les ruelles sinueuses et descend la pente raide de la rue des Martyrs qui déboule brutalement sur la place du marché. Le silence se cogne aux murs des maisons fermées qui encerclent l’espace vide. Squelettes déchiquetés des platanes et branches dénudées, mains tordues étranglant l’air figé. Une brume collante agrippe ses épaules et glisse le long de son échine. Il est transi. Raser les murs de l’étroite traverse de la Croix Blanche. Pour arriver à la grand-rue, traverser la placette déserte. Un chat miaule. Une fontaine. Ne pas écouter les sons caverneux de l’eau vomie par les bestiales gueules de bronze. Glisser tous sens fermés.

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Les pieds de Pierre s’enfoncent dans la neige collante. Bientôt la rue de l’Église. En bas sur la gauche, un hôtel vétuste. Persiennes disjointes et portes closes. Pas de bruits, pas de rodeurs. Quelques enjambées encore. Le chat miaule, il l’a suivi, il est noir. Un coup de vent brutal, une gifle. Pierre accélère le pas, il court. 41 rue de l’Église Sur le fronton de la maison, une pierre gravée : 1666. Le trousseau de clefs est lourd et déforme la poche de son pantalon aux jambes flottantes sur ses cuisses trop maigres. C’est la vieille qui dit qu’il est trop maigre.

Les plaintes des gonds engourdis freinent l’ouverture de la porte. Pierre se faufile dans l’entrebâillement, un relent de moisissures lui étreint la gorge. Il explore le vide, sa main rencontre un mur de pierre froide. Le couloir sombre suinte une odeur d’humus aigre qui s’accroche à ses narines. Il renifle. Il discerne à peine en ligne droite un escalier de granit abrupt. Il avance, sans lâcher l’appui du mur. Sa main est mouillée et l’eau commence à glisser le long de son avant-bras. Pierre frissonne. La première marche est fendue. Il saisit brutalement la corde effilochée servant de rampe illusoire. Elle balance sans retenue sous sa main. Pierre tremble. Il continue son ascension, posant prudemment son pied gauche puis son pied droit sur les marches usées qui renvoient un son mat. En haut, une porte éventrée qui s’ouvre sur le vide de la rue du cimetière. Debout, une enfant, petite silhouette chétive, vêtue d’une robe pâle déchirée sur un pan. Les pieds nus, un chausson de satin à la main, elle avance vers lui, sur la pointe des pieds. Arrivée à sa hauteur, elle lève la tête. Pierre reçoit la décharge de son regard transparent. Elle tend sa main. Pierre se fige, incapable de remuer les lèvres. -

Que fais-tu ici ? Dit-elle.

Silence. -

Que fais-tu ici ?

Je ! Euh ! Je ! C’est la vieille qui m’a donné les clefs, elle m’a dit que je pourrais me cacher ici le temps que la flicaille m’oublie. -

On te poursuit ?

-

En quelque sorte. Dit-il méfiant. Page 39 sur 48


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Tu n’as rien à craindre de moi, je ne sors jamais de cette maison. J’ai perdu un chausson et mon père m’a enfermée. La fillette parait résignée. -

Ton père est cruel.

Comme le mien. Pense-t-il. Le ceinturon du père et les mots cinglants de la mère l’avait laissé exsangue plus d’une fois. Lui connaît la rage et l’impuissance. Pierre tend sa main, la fillette recule d’un pas. -

Mon père aussi avait de grandes mains.

La grande main de Pierre bat l’air un instant et retombe sur la couture de son pantalon. -

Je vais t’aider à te sauver. Dit-il.

-

Non. Je ne suis pas prête à retrouver ma liberté.

-

Qu’est-ce qui t’en empêche ?

Silence. -

Réponds. Dit Pierre agacé.

-

Il est dit : « Sauve -le et il te sauvera »

Silence. Pierre tend sa main, elle se heurte au vide. Il se frotte les yeux, seulement un rai de lumière blafarde et la plainte du vent.

En surplomb de l’escalier, une rampe en bois aux barreaux brisés. Des lambeaux d’écailles de peinture desséchée se détachent sous sa main qui tâtonne. Pierre pense au vieux, il n’aurait pas peur, lui. Il ferait son fanfaron comme d’habitude à le rabaisser et la vieille, cette cochonne lui donnerait raison. -

Je ne suis pas une mauviette, crie-t-il.

Pierre avance. Une béance dans le mur. Dans la pénombre, une table bancale sur trois pieds, trois chaises au cannage crevé et une cuisinière en fonte bleue ébréchée encore grasse des lards de cochons cuisinés dans des marmites éventrées, jetées là. La pierre brute de l’évier accroche une rayure de lumière trouble. Un volet bat, l’autre n’est plus. Pierre pose au sol son sac à dos râpé.

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Il rejoint le couloir. Un autre escalier, en bois vermoulu, qui s’effrite sous ses pas. Un couloir qui résonne. Des lambeaux de rideaux masquent à demi une alcôve, un matelas éventré à même le sol, une crevure d’oreiller qui a libéré ses plumes. Une odeur de sale. Une poupée de chiffon blottie. Pierre porte sa main à sa bouche. Le dégout le noie. Encore quatre pas, une porte close, une poignée de porcelaine blanche. Un tour, la poignée résiste. La porte claque sur le mur. Une chambre grise meublée sommairement. Une fenêtre étroite encadrée d’un rideau souillé, linceul de voile. Un lit défait, une armoire trois portes. Pierre se fige devant le miroir sans tain aux reflets absents. Il regarde sans les voir les contours flous de son image. Une vague sensation, un voile qui oscille sous un souffle discret. Pierre se retourne brusquement, personne. Dans le miroir sans tain maculé de taches roussies, la fillette avec son chausson à la main. Ses lèvres bougent en silence, délivrant un message inaudible. Pierre se rapproche, tend l’oreille. Aucun son perceptible. Il comprend. Pierre regarde ses larges mains, des larmes chaudes coulent sur ses joues creuses. Il claque la porte et redescend en cavalcade à l’étage inférieur. La béance du trou de la cuisine le happe. Il saisit son sac à dos et balance son contenu sur le sol. Il allume un joint. De l’incandescence de l’herbe qui grésille s’élèvent des volutes à l’odeur douçâtre. Pierre se laisse tomber à même le sol. Des photos s’étalent en désordre sur les pavés crasseux. Des clichés souvenirs en noir et blanc. Là, il est midi, le soleil est au zénith. Pas d’ombre projetée. Là, quinze heures, le soleil redescend inexorablement vers l’horizon et projette les ombres des vivants. Pas d’ombre, pas de vie. La vieille dit que je disjoncte, que je fume trop, elle dit aussi que la drogue ça tue le cerveau. -

Elle m’emmerde la vieille. Crie-t-il.

Un papillon, un bombyx géant sort de son cocon et déploie ses ailes blanches. Il se pose sur la large main de Pierre. -

Elle m’emmerde la vieille.

-

Tu ne devrais pas parler ainsi de ta mère.

-

Qui parle ?

Ton ombre, ton double en négatif. Ne sois pas surpris. J’ai fini par te quitter, tu m’enserrais trop dans ta haine du monde, dans ton dégout de la vie. Je t’ai vu naitre, j’ai espéré. Déjà dans le ventre de ta mère tu étais mélancolique. Je te trouvais des excuses. C’est vrai, ta mère a essayé de te faire passer, comme elle disait. Ca n’a pas marché, la faiseuse d’anges a échoué. A ce moment, seulement des femmes qui aidaient les femmes. Les tiges de persil sont abortives, c’était ce qui se disait. Si tu t’es accroché, c’est bien que tu voulais vivre ! Non ? Je t’ai aidé comme j’ai pu, te collant au corps, veillant sur toi. Tu es malgré tout resté cet être chétif aux traits marqués par la souffrance. Maintenant, tu m’étouffes avec tes idées parricides. Le cou de ton père est frêle et tes mains trop larges. Ma conscience m’oblige à quitter ton corps vil et nauséabond. J’aurais une autre vie après la tienne, comme j’en ai eu Page 41 sur 48


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avant. Au dix- septième siècle, dans cette bourgade, j’ai accompagné une fillette pendant sa courte vie. Elle est morte emmurée dans une demeure de pierre froide. Pierre se trouble, l’herbe est consumée. -

Pourquoi me racontes-tu ça. Dit Pierre

-

Parce que tu es à la croisée de ton chemin.

Des photos souvenirs s’étalent en désordre sur les pavés crasseux. Un cliché. Quinze heures, le soleil redescend inexorablement vers l’horizon et projette l’ombre de Pierre. Pierre s’écroule sur le sol. Une faible clarté pénètre dans la pièce. Un volet bat, l’autre n’est plus. Pierre se fait la belle dans un sommeil sans cauchemar. L’Angélus sonne les douze coups de midi, le pâle soleil d’hiver caresse le sol crasseux de la cuisine. Pierre se lève péniblement, laisse au sol son sac à dos râpé, ses photos souvenirs, le lourd trousseau de clefs. Pierre sort par la porte éventrée qui s’ouvre sur le vide de la rue du cimetière. Les marches de l’escalier sont brillantes de neige fraîche. Des fougères minuscules pétrifiées par le froid glacial se blottissent dans les anfractuosités de schiste gris. La rampe rouillée renvoie des sons métalliques au contact des larges mains posées sur elle. Pierre descend à pas lents. Sur la dernière marche, une paire de chaussons de satin. Des traces de pas enfantins qui s’estompent en douceur. Pierre remonte lentement la rue…

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Textes divers :

Agnès

TEXTE 1 : INCIPIT: « IL CRUT D’ABORD À UN RAZ DE MARÉE.». RICHARD MATHESON. L’HOMME QUI RETRÉCIT. Il crut d'abord à un raz de marée. Depuis le haut de la colline où il se trouvait, il voyait la vague gigantesque qui s'avançait inexorablement vers le rivage. Les gens voulaient se dépêcher pour y échapper mais leurs membres semblaient lourds et ils ne se déplaçaient que lentement, comme empêchés. On n'entendait aucun bruit. Des trous se formèrent alors…

TEXTE 2 : INCIPIT : « SMADE ÉTAIT UN HOMME DISCRET ». JACK VANCE LA GESTE DE PRINCES-DÉMONS. LE PRINCE DES ÉTOILES Sa vie était bien réglée. Chaque jour de la semaine, il se levait à 7 heures, prenait son petit déjeuner, s'habillait, toujours de beige mais portant sans exception un petit foulard rouge à son cou. Sa démarche était souple, rapide et silencieuse. Il prenait le tram à 8h 41 pour se rendre à la banque où il travaillait. A 18h 25 précises il était de retour. Nous habitions la même entrée, nos rapports se limitaient à un salut poli. Un samedi soir où je promenais mon caniche blanc Tex, à la fraîche dans le parc proche, mon chien se réfugia derrière moi en geignant. Je sentis une présence au fond, à droite, du côté du bassin, une grande silhouette foncée, dégingandée, immobile, les oreilles pointues dressées. Deux yeux rouges brillaient dans le noir. Ce n'était pas un chien

TEXTE 3 : INCIPIT : «C’EST UN CERTAIN JEUDI MATIN DE DÉCEMBRE QUE TOUT COMMENÇA AVEC CET INEXPLICABLE MOUVEMENT QUE JE CRUS DISCERNER DANS MON ANTIQUE MIROIR DE COPENHAGUE .» : H.P LOVECRAFT . NIGHT OCÉAN. LE PIÈGE .

J'étais appliquée à me maquiller, assise sur ma chaise, je demeurai interdite. Je me retournai. Personne! Dans le miroir, de nouveau ce mouvement. Je discernai alors une silhouette, celle d'un homme immobile qui me fixait en souriant. Dans une semi conscience, je crus reconnaître un ami très cher qui venait de se tuer récemment. dans un accident de la route. Sa silhouette était grise et légère et il ne semblait pas toucher le sol. Je fus envahie par un sentiment de paix

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TEXTE 5 : RENDRE INQUIÉTANT UN LIEU IMAGINAIRE SUR TERRE : En roulant dans la campagne, j'aperçus une vielle pancarte « Lac de..F....» en partie effacée. Je m'engageai dans cette direction, je dû vite abandonner ma voiture, le chemin n'était plus carrossable et je faillis me laisser entraîner par une pente plantée de sapins sombres qui descendait directement dans l'eau. Nul bruit, un chalet fermé et semblant longtemps inhabité. Je suivis le rivage sur ma droite, la terre était rouge, personne à l'horizon. Un peu audessus de la plage, je distinguai comme un ensemble de dériveurs, bâches délavées et parfois déchirées, pas tous alignés, certains mâts penchés, des pneus, un club de voile sans doute mais ancien. En face de la plage, se dressait un immense barrage contre lequel l'eau venait battre. Des lignes verticales apparaissaient sur sa paroi. Était- ce des signes de brisures? L'eau était calme mais cependant, de temps en temps, apparaissait un remous, la déformant sur plusieurs mètres, il cessait puis réapparaissait plus loin. Sur la gauche, un camping, des caravanes disposées régulièrement, certaines étaient ouvertes, la table installée, barbecue... mais aucune trace humaine comme si les lieux avaient été désertés brutalement. On entendait le vent souffler dans les arbres mais aussi quelques bruits sourds et craquements que je ne pouvais identifier...

TEXTE 14 : L'OMBRE (SOI DÉSINCARNÉ, CÔTÉ OBSCUR DE LA PERSONNE, POUVOIR DES SENTIMENTS REFOULÉS ) PARLE AU VIVANT Il faut que tu saches que ce n'est pas de tout repos d'être ton ombre. La semaine, 8 h lever, le scooter pour te rendre à ton travail, près de la Tour Eiffel. Tu imagines le confort ! Le bruit, la vitesse, la pollution. Ensuite une attente interminable, enfermée dans ton bureau, des allées et venues, coups de fil, ordi jusqu'à tard le soir, avec un peu de chance une petite sortie à 13h pour aller manger. Retour en scooter à toute allure. Nous sommes à la même enseigne l'ombre de ta femme et moi-même, ce n'est pas une sinécure! J'ai espéré que ce serait plus facile le week-end. Mais non! Vendredi soir, la route, les bouchons, arrivés au bord de la mer, ouf ! Tapie dans la voiture, pas confortable. Et le samedi et le dimanche, je rêve ! Kitesurf sur la Manche! Je suis obligée de te suivre sur l'eau, plutôt dans les airs, c'est acrobatique. Sinon footing, voile, tennis... J'ai quitté la dernière personne à laquelle j'étais attachée pour cause d'ennui. Toujours la même routine : le matin les courses, repas, l'après-midi télé et promenade du chien. Je n'en pouvais plus! Je t'ai choisi ensuite, beau jeune-homme souriant, plein de vie. Mais toi, tu exagères ! Pourquoi cours-tu ainsi après le temps ?

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Pose-toi, respire, prends le temps de rêver, de glander. Tu ne vas pas tenir longtemps à ce rythme ! Si tu continues à manger la vie par les deux bouts, je vais être obligée te quitter !

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Récit fantastique :

Agnès Sortilèges

C'est une ville traversée par une rue principale large et rectiligne, bordée de maisons anciennes typiques, la Poste et au bout, à l'écart un libre-service de taille moyenne avec un distributeur d'essence «24h sur 24». Il fait beau et un peu frais à cette heure tardive. On est déjà en automne. Au loin des étendues vertes et un grand hôtel, assez proche. La route à droite, au niveau des feux tricolores, passe devant une église. Plus loin encore, une zone artisanale assez grande, parcourue de rues larges, un « no man's land». Sur la droite, en surplomb, apparaît un parc dont on n'aperçoit que les silhouettes noires des arbres. Entre ce parc et la route principale, un quartier de maisons individuelles très proprettes. Tout est à sa place, rien ne bouge. En continuant, on aboutit à un plan d'eau, on aperçoit le début d'un chemin qui le longe, en face la tâche blanche d'une petite plage. Edith soupire, elle arrive enfin quelque part! Au volant de sa Twingo blanche, elle s'engage dans la rue principale. Très énervée, son GPS n'a encore une fois pas été à la hauteur, lui indiquant des directions qui n'existent pas. Elle s'est trompée de route. Trop tard pour le rendez-vous avec ses amis. Le concert va commencer! Son mobile est déchargé et quasiment plus d'essence! Une station-service, vite elle la rejoint, introduit sa carte, carte muette! Mon dieu, sa bague a disparu! Elle cherche fébrilement dans sa voiture, boîte à gants, sous les sièges, vide sa valise, le sac à mains. Impossible de remettre la main dessus! Cette bague vient de sa mère; elle y tient par-dessus tout. Elle se sent irrésistiblement attirée vers l'hôtel. Il semble fermé mais une lueur apparaît, l'entrée. Elle pénètre à l'intérieur. Derrière le comptoir, un très vieux monsieur, cheveux gris assez longs, habillé de noir, lui dit: «je vous attendais». Elle est bien surprise par ces paroles sibyllines, voire terrorisée mais ne le manifeste pas, de peur de contrarier son interlocuteur. Elle prend la chambre pour la nuit. Le lendemain, elle recommence ses recherches, en vain. Sans réfléchir, elle sort dans la ville écrasée de soleil. Personne dans les rues mais des cris et des rires d'enfants au niveau du parc. Elle monte les escaliers qui y accèdent. Personne! Elle est poussée vers le lac par une force étrange. La nuit est en train de tomber, on est entre «chien et loup». L'endroit semble désert. Mais au bord de l'eau, un pêcheur. Il est en train d'attraper un gros poisson au bout de sa ligne, figé dans son effort. Soudain, une impression bizarre, un éclair d'argent, un jeune homme court à toute vitesse et la frôle. Déjà, il disparaît. Elle finit par atteindre la plage. Elle longe le bord. De nombreuses personnes allongées sur le sable, immobiles. Elle a l'impression que les regards dans leurs visages blancs sont vides, comme aveugles. Un frisson la parcourt. Vers les grands prés, à droite, avant la fin du chemin, Edith aperçoit quelque chose qui brille, comme un cercle doré. Elle s'approche. Une silhouette se dessine, nimbée de lumière; on dirait un grand lion assis, son pelage est soyeux et très clair et sa Page 46 sur 48


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crinière est comme auréolée. Il la regarde d'un air impassible et pacifique de ses grands yeux bleu turquoise. -Je peux peut-être t'aider ? -Je cherche ma bague, je l'ai perdue,elle est sertie d'une pierre d'ambre ovale. C'est ma mère qui me l'a donnée. -Sache que cette bague te protège. -Son pouvoir vient de l'eau, mais à l'intérieur du vivant, suspendu dans l'air. Le bleu est son écrin» De nouveau le petit courant d'air, la ligne argentée. Elle lève la main. Il s'arrête, sautillant sur place. Elle lui répète ce que lui a dit le lion. Il lui fait signe de le suivre. Elle se sent emportée. La voici près du pêcheur, elle comprend ! Le poisson tombe enfin sur l'herbe, la bague sort de sa bouche. Edith s'en saisit. Le pêcheur disparaît. Le ciel s'éclaire, le chemin s'anime. Couples avec enfants, cyclistes, chiens. Les cris des joueurs de foot. Edith repart par le chemin de la plage. Les baigneurs s’ébattent joyeusement sous le regard des maîtres-nageurs. On drague, on se fait bronzer. Tout redevient lumineux. Juste avant de quitter la gravière, une couronne dorée par terre, à l'intérieur deux petites pierres turquoises... Elle rejoint rapidement l'hôtel, tout est normal dans la ville, c'est comme si elle s'était réveillée. Le vieux monsieur de l'hôtel la salue bien bas, regardant avec insistance la bague retrouvée. Edith reprend son chemin, sereine.

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