Réforme du Code du travail

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Dossier de travail Mars 2016

RÉFORME DU CODE DU TRAVAIL

LES PROPOSITIONS DES JEUNES SOCIALISTES Alors que notre génération construit son parcours professionnel dans la précarité (succession de stages, CDD, etc) nous pensons que la réforme du droit du travail proposée par le Gouvernement n’apporte pas les bonnes réponses à la dégradation que connaît le marché du travail et de l’emploi en France depuis des décennies. Tel qu’actuellement annoncé, le projet de loi portant réforme du code du Travail n’est pas en mesure de régler la question du chômage de masse qui affecte notre pays. Faciliter les licenciements ne créera pas d’emplois. Augmenter le temps de travail de ceux qui ont un emploi, lorsque 25 % des jeunes sont au chômage, ne peut permettre de lutter efficacement contre le chômage. Comme de nombreux économistes, les Jeunes Socialistes pensent que si le taux de chômage est aussi élevé, c’est parce que les carnets de commandes sont vides. Il est donc urgent de revoir nos stratégies d’investissement, car le dogmatisme réside dans l’aveuglement de la rigueur budgétaire, non dans l’audace d’une politique de la demande. Le code du Travail est une protection quotidienne pour les salariés, non un handicap ou un frein à l’emploi. On estime à 3,2 millions le nombre de travailleurs précaires. Il n’est donc plus acceptable de faire intérioriser aux salariés le discours selon lequel ils n’auraient plus aucune revendication à porter, compte tenu de l’état dégradé du marché du travail. Le droit du travail n’a pas pour objet de réguler le marché de l’emploi, mais de protéger les travailleurs. Alors que la « crise économique » touche notre société depuis une quarantaine d’années, le spectre du chômage de masse devrait conduire les pouvoirs publics à renforcer les protections des travailleurs contre les risques, voire la réalité du chantage à l’emploi exercé par les employeurs. Appeler à une « simplification » de ce droit pour remettre en cause la hiérarchie des normes revient dans les faits à vouloir l’affaiblir et donc à fragiliser les salariés dans l’entreprise. L’inspiration libérale de cette réforme marque une rupture profonde avec les combats de la gauche, et affaiblit la crédibilité de sa parole et de sa cohérence. Pour toutes ces raisons les Jeunes Socialistes s’associent aux mobilisations unitaires de la jeune gauche et sont comme toujours au cœur du mouvement social. Notre rôle est également de faire des propositions pour changer la vie des jeunes. A travers ce dossier nous souhaitons ainsi modestement contribuer à la réflexion et à la formulation de propositions qui nous paraissent indispensables dans le cadre d’une réforme du droit du travail, et qui peuvent permettre le rassemblement de la gauche. Les Jeunes Socialistes appellent le Gouvernement à retirer son projet actuel et à engager pour la fin de ce quinquennat les réformes de progrès que la situation exige. Protéger les salariés des nouvelles souffrances au travail, relancer l’investissement public, notamment celui des collectivités territoriales, permettre aux jeunes de conquérir leur autonomie, combattre la pauvreté et les discriminations, telle doit être la feuille de route de la gauche pour gagner les coeurs des électeurs en 2017. Une synthèse est possible pour rassembler la gauche. C’est l’esprit de ce dossier qui propose des bornes pour délimiter un espace commun de discussion qui permette de trouver une issue à une situation dangereuse pour la gauche, en voie de division, et qui a contre elle, ceux qui ont fait sa victoire de 2012. Les propositions formulées ici ne sont pas exhaustives et ne sont pas nécessairement l’aboutissement idéal auquel souhaitent parvenir les Jeunes Socialistes. Mais elles


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marquent une base, un cadre de discussion qui peut permettre de réussir la fin du quinquennat.

La situation de l’emploi et du travail des jeunes en 2016 11 millions de jeunes sont âgés de 15 à 29 ans en France métropolitaine, dont 53,8 % d’entre eux ont quitté le monde scolaire. Alors que le salariat étudiant est la première cause d’échec à l’université, étudiant sur deux est aujourd’hui salarié.

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Le taux de chômage des 15-24 ans est aujourd’hui de 23,6 % (40% dans les quartiers populaires et environ 50% dans les DOM TOM) ; et 27% des jeunes en emploi le sont par le biais d’un contrat aidé (contrat d’apprentissage, emploi d’avenir, CEI, CUI, etc). Un jeune sur deux occupe un emploi précaire et un sur trois un emploi en temps partiel. Les jeunes, et notamment les moins qualifiés d’entre eux, ont ainsi payé un fort tribut à la crise, et servent trop souvent de variable d’ajustement à un marché de l’emploi dégradé et fortement marqué par les inégalités.

le nombre de jeunes vivant sous le seuil de pauvreté est passé de 1,7 millions à 2,7 millions.

Entre 2000 et 2012,

Plus de 2 millions de jeunes sont actuellement sans diplôme, sans formation et sans emploi. Le diplôme protège davantage ceux qui ont la chance d’en avoir un, notamment en France où la société attache plus qu’ailleurs une importance capitale au niveau de sortie des études. Le chômage des jeunes varie de 10,5% pour les titulaires d’un BAC +2 à 37,8% pour les non-diplômés. Tous en revanche sont marqués par une insertion difficile. Un jeune non-diplômé sur deux n’occupe pas d’emploi trois ans après avoir quitté le monde scolaire. L’âge d’accès à un premier emploi stable pour un jeune est sans cesse repoussé : il est aujourd’hui en moyenne de 28 ans. En 2014, plus de 80 % des embauches l’ont été en CDD. On assiste même à une baisse forte de la durée moyenne des contrats courts : les CDD sont en moyenne de 5 semaines et les missions en intérim de moins de 2 semaines. Entre 2000 et 2014, les embauches en CDD de moins d’un mois ont augmenté de 146%. La garantie jeune ne concernait que 28.000 bénéficiaires en septembre 2015 sur les 2 millions de jeunes de 15-29 ans sans emploi ni formation. Au 1er janvier 2015, 1,7 million de salariés (hors apprentis et intérimaires) des entreprises du secteur concurrentiel étaient payés au Smic, ce qui représente 10,8% des salariés, contre 12,3% un an plus tôt.

19 % des salariés au SMIC ont moins de 25 ans et la part des salariés au SMIC chez les moins de 25 ans est de 29,6 %.

1 jeune sur 3 est considéré comme surqualifié pour obtenir un emploi. Cependant, en raison des difficultés d’insertion sur le marché de l’emploi, plus de 40% des jeunes diplômés d’un bac + 5 se disent prêts à reprendre les études faute de perspectives professionnelles.


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Les propositions des Jeunes Socialistes Protéger les salariés Les Jeunes Socialistes souhaitent la reconnaissance des nouvelles souffrances au travail comme maladies professionnelles et notamment le burn-out. L’hypothèse de l’intégration du burn-out dans le tableau des maladies professionnelles, qui permet à la victime de ne pas apporter la preuve du lien de causalité entre la maladie et l’activité professionnelle, doit s’accélérer. Les Jeunes Socialistes encouragent le Gouvernement à se saisir de la réforme du Code du travail pour reconnaître burn out comme maladie professionnelle. Pour protéger les travailleurs des comportements parfois abusifs de leur employeur, la loi portant réforme du Code du travail doit également reconnaître dès son entrée en vigueur un réel droit à la déconnexion définie de manière précise.

Partager le temps de travail pour travailler mieux, moins et tous Alors que la productivité augmente, que la croissance peine à revenir et que le chômage demeure massif, il est nécessaire de partager le temps de travail. Une étude américaine récente démontre en effet que la robotisation va détruire 50% des emplois actuels d’ici 2030. Le passage aux 35 heures sous le gouvernement Jospin a permis de créer 350 000 emplois, prouvant que la réduction du temps de travail est bénéfique pour l’économie. Le partage du temps de travail favorise également l’émergence d’une société du temps libéré, et participe à l’amélioration des conditions de vie et l’émancipation de chacun-e. C’est dans cet esprit que les Jeunes Socialistes proposent une nouvelle étape dans la réduction du temps de travail, comme l’a fait la gauche chaque fois qu’elle a été au pouvoir. Cette réduction du temps de travail peut s’envisager dans la semaine (32 heures hebdomadaires), dans l’année (6ème semaine de congés payés), ou encore à l’échelle de la vie professionnelle (année sabbatique, retraite à 60 ans). Il semble donc indispensable de limiter parallèlement le recours aux heures supplémentaires qui doivent être majorées de manière suffisamment dissuasive afin d’inciter les employeurs à embaucher et ainsi favoriser la création d’emplois. Enfin, les Jeunes Socialistes saluent la mise en place du compte personnel d’activité qui permet de rattacher les droits sociaux à l’individu et non plus à l’emploi occupé à un instant « t ». Les carrières étant de plus en plus jalonnées de périodes de chômage, les individus changeant plus souvent d’emplois, ce dispositif peut permettre une meilleur sécurisation des parcours professionnels de chacun-e. Actuellement constitué des comptes personnel de formation et du compte de prévention de la pénibilité, les Jeunes Socialistes proposent d’y intégrer immédiatement le compte épargne-temps, et d’en faire progressivement un véritable élément de transformation de la société.

La Priorité jeunesse comme fil conducteur Alors que les jeunes sont soumis à un bizutage social et sont les plus durement touchés par le chômage et la précarité, la réforme du Code du travail doit prévoir de nouveaux droits pour notre génération. Nous voulons faire entrer les jeunes dans le droit commun en ouvrant le RSA aux chômeurs en fin de droits âgés de moins 25 ans, qui en sont aujourd’hui exclus. Une politique d’augmentation des salaires serait positive pour les jeunes de moins 25 ans qui sont 29,6% à être rémunérés sur la base du SMIC.


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Le Gouvernement a déjà engagé une politique d’amélioration des conditions de stages et de leur gratification. Il peut aller plus loin aujourd’hui en garantissant notamment les mêmes droits qu’un CDD concernant les vacances et les RTT, en permettant de comptabiliser leur durée dans les droits à la retraite, de lutter contre les inscription factices à l’université pour obtenir une convention de stage et contre le travail gratuit dans l’espoir d’une embauche. Plus de 2 millions de jeunes sont actuellement sans diplôme, sans formation et sans emploi. Pour accompagner les jeunes dans la formation et dans la recherche d’un emploi, les Jeunes Socialistes proposent la généralisation de la garantie jeunes à tous les jeunes sans emploi ni formation, ainsi que l’extension du dispositif des missions locales après 25 ans. Alors que près d’un étudiant sur deux est salarié, et que le salariat étudiant est la première cause d’échec à l’université, nous souhaitons une nouvelle augmentation des bourses, afin que plus aucun étudiant n’ait à se salarier pour financer ses études. Cette mesure serait un préalable à la mise en place d’une allocation d’autonomie universelle et individualisée pour laquelle les Jeunes Socialistes militent depuis de nombreuses années. Par ailleurs, du fait de l’allongement des années d’études et de son corollaire, l’entrée plus tardive des jeunes diplômés , les années d’études et de formation doivent être comptabilisées comme années de cotisations retraite. Le soutien à l’apprentissage doit également passer par l’amélioration des droits des apprentis. Le taux moyen de rupture de contrat d’apprentissage est de 21%. La rémunération d’un apprenti est calculée en pourcentage du SMIC selon son âge et son année de formation. Les Jeunes Socialistes souhaitent que les conditions de rupture des contrats soient mieux encadrées afin de ne sécuriser le parcours de l’apprenti, et de supprimer la modulation de la rémunération en fonction de l’âge qui constitue une discrimination non justifiée.. Enfin, afin de favoriser la syndicalisation des salariés et notamment des jeunes, nous devons mettre en place un chèque syndical afin de renforce le taux de syndicalisation et l’engagement des jeunes.

Faire du CDI la norme Contrairement à ce que prévoit la loi , le CDI n’est plus la norme. En effet , 85 % des embauches se font actuellement en CDD ou en intérim, alors même que le CDI demeure une condition majeure pour accéder à l’autonomie: accès à un logement, à un prêt bancaire, etc. Pour lutter contre la précarisation du travail, les Jeunes Socialistes proposent de : Taxer davantage les contrats précaires en introduisant une surcote progressive des cotisations patronales sur les emplois précaires avec un premier niveau sur les emplois en CDD et en intérim à temps complet, un deuxième niveau plus élevé pour les temps partiels ( qui restent trop souvent subis par les femmes), ainsi qu’une surcote progressive en fonction du pourcentage d’emplois précaires dans l’entreprise. Permettre la poursuite des CDD en cas de requalification d’un CDD en CDI lorsque le juge se prononce postérieurement au terme initialement convenu. En effet, le délai d’un mois imparti au Conseil de Prud’hommes est extrêmement rarement respecté, privant de facto le salarié de la possibilité d’obtenir la poursuite de la relation de travail.


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Penser une réponse de gauche au défi de l’ubérisation de la société Le projet de loi prévoyait dans une version antérieure d’extraire du champ du salariat « les travailleurs des plate formes numériques » en ne permettant pas la requalification de leur statut en celui de salarié si le travailleur: « 1. Exerce une activité immatriculée au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux, à un registre des entreprises de transport ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales ; 2. définit librement ses horaires, ainsi que la durée et sa charge de travail ; 3. n’a pas de lien d’exclusivité entre la plate-forme et le travailleur. » Les Jeunes Socialistes souhaitent au contraire que la loi agisse pour restreindre les cas de non requalification en contrat de travail. Ils appellent de leur vœux une vraie réflexion autour d’un nouveau statut pour donner davantage de droits et protections aux travailleurs dont la situation ne permet ni la qualification de salarié, ni de travailleur indépendant, afin de leur garantir un certain niveau de protection (exemple : chauffeurs de VTC ).

Pour un droit du travail qui renforce les obligations en matière d’égalité professionnelle Socialistes, donc féministes, les Jeunes Socialistes souhaitent que le Gouvernement poursuive son action en matière des droits des femmes avec : L’alignement du congé paternité sur celui du congé maternité à 10 semaines. Une taxation plus dissuasive des contrats précaires et notamment les temps partiels majoritairement subis par les femmes. La reconnaissance du droit aux 24h hors dérogations prévues par la loi en matière de temps partiel. L’ordonnance du 30 janvier 2015 précise en effet que pour les contrats à temps partiels, le passage aux 24h n’est pas de plein droit. Or, souvent subis par les femmes, les Jeunes Socialistes souhaitent que les salariés ayant signé leur contrat avec un temps inférieur mais qui changent d’avis puissent systématiquement avoir droit à passer aux 24h. La généralisation des plans égalité à toutes les entreprises.

Pour rassembler la gauche, des dispositions à ne pas proposer dans une réforme Les licenciements abusifs L’article 30 du projet de loi prévoit la suppression du plancher en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’ancien plancher de 6 mois de salaire devient le plafond pour les salariés ayant entre deux et 5 ans d’ancienneté. Pour les salariés justifiant de moins de 2 ans d’ancienneté, donc pour l’ensemble des jeunes, le montant de l’indemnité est plafonné à 3 mois de salaire. Enfin, la condamnation maximale ne pourra excéder 15 mois de salaire, pour les salariés justifiant de 20 ans d’ancienneté. Cette mesure retire aux juges prud’hommaux la possibilité de déterminer la


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condamnation au regard du préjudice subi, en prenant compte par exemple de la situation personnelle du salarié, de son âge ou de sa capacité à retrouver un emploi. C’est une dimension du texte particulièrement néfaste pour les jeunes, puisque la modulation des indemnités prud’hommales en fonction de l’ancienneté leur est naturellement plus défavorable. Ainsi, les employeurs qui se rendent coupables d’un licenciement abusif, sans motif “réel et sérieux” pourront ainsi programmer des licenciements futurs, et ce en tout légalité.

Augmenter le temps de travail Favoriser l’augmentation du temps de travail est une orientation erronée qui ne tient pas compte de l’augmentation de la productivité induite par le progrès technique et la numérisation, mais surtout totalement contre-productive à l’heure où 10% de nos concitoyens sont au chômage. Le projet de loi contient de nombreuses mesures visant à augmenter la durée réelle du temps de travail, à travers les seuils de déclenchement des heures supplémentaires et l’augmentation des durées maximales de travail.

Ne pas encourager les dérogations aux 35 heures Désormais, l’accord d’entreprise pourra porter la durée journalière de 10h à 12 heures, de 44h à 46 heures en base hebdomadaire (et ce sur 16 semaines au lieu de 12).La modulation du temps de travail pourra se faire sur une période allant jusqu’à trois ans par accord d’entreprise et 16 semaines dans les entreprises de moins de 50 salariés sans accord collectif, c’est-à-dire sans aucun encadrement. Par ailleurs, un employeur pourra augmenter le temps de travail d’un apprenti mineur (10h par jour et 40h par semaine) sans autorisation préalable de l’inspection du travail et du médecin du travail, comme c’est actuellement le cas. Il s’agit pourtant d’une règle essentielle pour protéger la santé des jeunes en formation.

Ne pas assouplir les règles encadrant les forfaits jours Ce dispositif qui doit actuellement être prévu dans le cadre d’un accord collectif, permet d’annualiser la présence des salariés et contribue ainsi à augmenter la durée de travail journalière, au détriment de la vie personnelle et de la santé des travailleurs. Actuellement, il concerne 50% de cadres et 13% des salariés, et les conduit à travailler en moyenne 46h par semaine. Le projet de loi prévoit d’étendre ce dispositf , en permettant son adoption sans accord collectif dans les entreprises de moins de 50 salariés, ce qui est particulièrement dangereux. Par ce biais, aucune contrepartie ou encadrement ne sera plus nécessaire, ce qui peut engendrer des situations particulièrement défavorables aux salariés. Par exemple, la branche Hôtellerie Café Restaurants impose une rémunération mensuelle au moins égale au plafond mensuel de la sécurité sociale (3 218 €). La grande majorité du secteur étant constitué d’entreprises de moins de 50 salariés, il y a un risque d’abaissement généralisé des salaires dans cette branche. Par ailleurs, les Jeunes Socialistes s’opposent à ce que le temps de repos de ces travailleurs actuellement de 11h consécutives puisse se voir fractionné.. Cette mesure contrevient en effet aux normes européennes et au droit à la déconnexion pourtant défendu dans le projet de loi.


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Inversion de la hiérarchie des normes : non aux mesures qui renforcent le pouvoir unilatéral de l’employeur Le projet de loi introduit une mutation majeure du droit du travail en procédant à l’inversion des domaines respectifs de la loi et du contrat. Désormais relèvent de la négociation d’entreprise toute une série de dispositions qui jusque-là relevaient de la loi, et auxquelles on ne pouvait déroger, notamment tout ce qui a trait à la durée du travail et aux formes et niveaux de rémunération qui lui sont associés. Ainsi un simple accord d’entreprise peut primer sur ce qui relevait antérieurement la loi, même lorsqu’il est défavorable au salarié, ce qui conduit à la suppression du principe de faveur, fortement protecteur des salariés. En matière de temps de travail, les clauses de verrouillages par lesquels l’ensemble des acteurs d’une branche et, en particulier, toutes les entreprises en concurrence décidaient de sortir des pans des droits des salariés de la concurrence ne sont plus possibles. Cette situation est susceptible d’engendrer un important dumping social entre entreprises. Par ailleurs, il est paradoxal de vouloir favoriser la négociation collective tout en déniant aux partenaires sociaux la faculté de déterminer le niveau d’intervention qui leur semble le plus adapté. La même inversion est introduite dans le domaine des accords dits « offensifs » pour l’emploi. Alors que jusqu’ici, le refus d’un salarié d’accepter un abaissement unilatéral de son salaire conduisait à un licenciement pour motif économique donnant lieu à un certains nombre de droits (reclassement, une aide au retour à l’emploi, etc) ; l’existence d’un accord d’entreprise permettra désormais de licencier celui qui refuse les nouvelles clauses de l’accord (pourtant contraires à son contrat de travail), non plus au titre du licenciement économique mais pour « motif personnel », c’est à dire un motif de licenciement qui ne donne accès qu’à des droits minimum. Par ailleurs, la possibilité de déroger à la loi et aux accords de branche par accords d’entreprise pourrait entraîner de graves conséquences pour les travailleurs détachés, et donc avoir de graves conséquences en termes de dumping social (cf le cas allemand, voir l’arrêt Ruffert CJUE 3 Avril 2008). Considérant que ces mesures constituent des régressions sociales injustifiées, les Jeunes Socialistes s’opposent à : • L’inversion de la hiérarchie des normes et à la suppression du principe de faveur. • Le référendum d’entreprise qui permet de contourner les syndicats représentatifs majoritaires contrevenant ainsi au respect de la démocratie sociale, au détriment des salariés comme l’illustre le cas de Smart. ( mise au vote d’une proposition de baisse des salaires et d’un allongement du temps de travail, d’abord rejetée par les syndicats majoritaires, avec menace de fermer l’usine et de supprimer les emplois en cas de rejet). • La renégociation tous les 5 ans des conventions d’entreprise avec suppression des acquis. • La suppression du verrou des accords de branche. • L’introduction des “accords pour l’emploi”.


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Mesures qui grèvent le pouvoir d’achat Le projet de loi prévoit la possibilité de réduire la majoration des heures supplémentaires par simple accord d’entreprise, ainsi que de les calculer sur une période pouvant aller jusqu’ à 3 ans avec l’accord des syndicats. Ces mesures sont contreproductives pour relancer l’emploi, car elles n’incitent pas les employeurs à partager le temps de travail et donc à embaucher. La majoration des heures supplémentaires ne permet également plus d’augmenter le pouvoir d’achat des travailleurs. Aussi les Jeunes Socialistes souhaitent revenir à une application stricte de la majoration des heures supplémentaires à savoir une majoration de 25 % pour les 8 ères heures de travail, et 50% à partir de la 9ème.

Licenciement économique Une entreprise pourrait procéder à des licenciements économiques en cas de baisse de son chiffre d’affaires de commandes, de pertes ou de difficultés de trésorerie pendant quelques trimestres. De plus, une entreprise située en France pourrait licencier, même si le groupe auquel elle appartient est fortement bénéficiaire à l’échelle internationale. Seul l’activité sur le territoire national sera prise en compte. Ajoutons qu’en l’état le projet de loi, ouvre des brèches juridiques aux entreprises multinationales leur permettant réaliser des licenciements “boursiers” en créant artificiellement des pertes dans certaines filiales du groupe. Il est extrêmement facile de diminuer le chiffre d’affaires en externalisant un pan d’activité et de rapatrier les bénéfices dans une société mère étrangère (Mc Donalds, Starbucks ne paient par exemple quasiment aucune impôt en France en rapatriant leurs bénéfices par le biais de redevances élevées payées par les filiales françaises). Une baisse d’activité temporaire d’une entreprise à l’échelle nationale ne saurait justifier des licenciements. C’est d’autant plus le cas si l’ensemble du groupe international est fortement bénéficiaire. Enfin, les licenciements économiques touchent en premier lieu les collectivités locales du bassin d’emploi car elle sont préjudiciables aux sous-traitants.


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