Edition Spéciale “Carnaval“
De Saint-Pierre à Fort-de-France, un Carnaval en perpétuelle évolution La coutume carnavalesque a été amenée en Martinique par les colons Français et leurs congénères qui étaient les premiers à recourir à ces pratiques. Elle fit ses premiers pas à Saint-Pierre chez le Gouverneur Du Parquet, qui recevait le mardi Gras au château de la Montagne. Le chemin pour y parvenir, montait tout droit de l’église du Fort à sa résidence en passant à travers l’habitation. Les invités masqués, pressés par leur hôte d’arborer le costume traditionnel de leur province déambulaient fièrement devant les esclaves qui les suivaient parfois. Au fil du temps, ces derniers se sont mis à leur tour à prendre l’habitude de s’amuser aux cases et à danser au son du tambour, le carnaval était alors un moment de liberté, autorisé par le maître, exclusivement sur l’habitation. L’esclave, mimait par ses accoutrements travestis, les divertissements costumés de ses asservisseurs. Les manifestations festives de Nègres furent toujours interdites par les gouverneurs en dehors des propriétés privées. Dans l’univers des colons, le carnaval est un moment où le masque, l’exposition du caché et des expressions corporelles hors du commun, sont possibles. Ainsi, cet intervalle consenti dans l’imposition calendaire chrétien pour mieux préparer l’abstinence du carême, a très vite permis aux esclaves de laisser libre cours aux désirs antagonistes refoulés et nourris à l’encontre de leurs maîtres. Du coup, leurs croyances interdites y trouvaient un canal d’expression dissimulée permettant la réappropriation des divinités, des spiritualités, de la musique et des masques appartenant à l’Afrique des origines. La trêve du carnaval était donc le moyen d’un retour vers une dimension vraie de leur âme, choses dont les esclaves avaient besoin pour survivre et résister à l’ordre destructeur du système esclavagiste. Mais il semble que les Africains transportés aux Antilles furent initiés au carnaval européen bien plus tôt, sur les navires négriers euxmêmes.