Journal des avocat - N°30

Page 1

journal des avocats - N°30


DS 7 CROSSBACK

De l’audace naît l’excellence

3,9 – 5,6 L / 100 KM

102 – 128 G CO2 / KM (NEDC)

Données maximales valables sur motorisation PureTech Euro 6.3 - Informations environnementales [AR 19/03/2004] : www.dsautomobiles.be/fr/


/univers-ds/consommation-a-l-usage.html - Plus de renseignements auprès des DS Stores.

DSautomobiles.be



Automne 2019 Un chapitre du style Empire

-le journal des avocats-


Tableau de 1806 commandée par Joachim Murat à Antoine-Jean Gros. Il représente la bataille d'Aboukir, le 25 juillet 1799. Huile sur toile 578 × 968 cm – Collection Musée de l'Histoire de France - Salle du Sacre, château de Versailles, Versailles


EDITORIAL Napoléon ? Et pourquoi pas César ? ...Sourire. Parce que j’habite à présent à Waterloo ? Parce que j’aime mon haut bureau de style Empire... Tout ensemble peut-être. Ou, qui sait, parce que certains souvenirs associés à de gros chagrins restent à tout jamais dans le cœur d’un enfant ? J’avais 11 ans quand mon père épousa notre gouvernante de dix ans mon aînée, que mon petit frère et moi trouvions si horrible. Peintre à ses heures, excellent copiste amateur, c’est à cette époque qu’il copia « La Bataille d’Aboukir » et c’est l’œuvre qui reste encore gravée dans ma mémoire d’enfant, associée à notre père, associée à notre marâtre, tout autant effrayante et détestée. La vue de son immense chevalet reprit chaque soir des années durant, était insupportable, plus son tableau avançait plus il nous faisait peur. Plus tard, toutes ses copies, principalement de Renoir, furent vendues à Paris pour différents musées... dont je ne sais rien. Qu’à cela ne tienne, ici, pour mes auteurs, il me reste Napoléon Bonaparte et cet élégant et stricte style Premier Empire, qui convient si bien aux avocats et à leur magazine. Et pour vous tous, chers lecteurs, ces magnifiques articles que vous aurez autant plaisir à lire que leurs auteurs ont eu, je pense, à les écrire.

Myriam Robert-César Alligators Cie S.A.


En février 1811, l'empereur Napoléon Ier décide la construction sur la colline de Chaillot un Palais destiné à son fils qui allait naitre: Le palais du Roi de Rome. Les architectes Charles Percier (1764-1838) et Pierre Fontaine (1762-1853) sont chargés du projet. Mais en raison de la retraite de Russie l'année suivante, l'empereur décide d'abandonner le projet.


Du cahier de l'éditeur

Imagine un peu... Le style Empire est un style décoratif en vogue dès 1803 et qui perdure audelà de l’abdication de Napoléon 1er en 1814. Les architectes Percier et Fontaine sont les principaux créateurs du style Empire officiel, nettement influencé par l’Empereur qui dicte son goût pour les éléments imposants. Les deux principales caractéristiques du style reposent sur la rigueur des lignes droites - les courbes sont bannies - et sur l’importance de la symétrie. Ainsi les meubles sont conçus comme de larges surfaces plates accompagnées de bronze finement ciselé dont la source d’inspiration majeure pour les motifs est l’antique gréco-romain ou égyptien. A cette inspiration principale, il convient d’ajouter d’autres répertoires que nous pourrions décliner de la façon suivante : Le répertoire retour d’Egypte : l’expédition d’Egypte de 1798 a relancé l’égyptomanie, les dessinateurs ramènent dans leurs carnets les motifs de cariatides, de sphinx, de sphinges ailées, les formes palmiformes et les fleurs de lotus comme les terminaisons en griffes de lions. Les motifs de la Rome antique sont inspirés de ceux des vases étrusques : la palmette stylisée seule ou en frise, les frises grecques, la couronne de laurier, les flambeaux, les lyres, les dauphins, le cygne au cou recourbé, les vases, les cratères ou les tripodes. La mythologie gréco-romaine a donné les animaux hybrides de sphinge au corps de lion et au buste de femme, les griffons, toutes sortes de chimères, les nymphes dansantes aux drapés fluides, les Renommées (créatures aux ailes d’anges). Les emblèmes impériaux sont représentés par l’aigle, comme César, mais aussi l’abeille, le thryse (le spectre), les foudres de Jupiter. Enfin les emblèmes de la guerre mais aussi de la victoire s’inscrivent dans les casques, les boucliers, les peltes et les trophées d’armes.


Sais-tu ?

Symbolique, armoiries impériales © Fondation Napoléon

La création des armoiries Proclamé Empereur des Français le 28 floréal an XII (18 mai 1804), Napoléon aborde pour la première fois le problème des emblèmes de la souveraineté le 23 prairial suivant (12 juin) lors d’une séance au Conseil d’État. Le choix d’une nouvelle symbolique, nécessaire pour marquer la rupture avec la monarchie d’Ancien Régime, s’avère difficile. Crétet propose successivement l’aigle, le lion et l’éléphant. Cambacérès préfère les abeilles, puisque la France est une république avec un chef, comme une ruche ; Ségur penche pour le lion, vainqueur du léopard anglais ; Laumond pour l’éléphant », le plus fort des animaux » ; Duroc choisit le chêne pacifique et Lebrun la fleur de lis qui, pour lui, est l’emblème de la France et non des Bourbons. Au coq finalement adopté par le Conseil d’État, Napoléon préfère le lion. Mais, le 21 messidor an XII (10 juillet 1804), l’Empereur raye le lion sur le décret instituant son sceau et ses armes pour imposer l’aigle. Mises au point par Denon, Gay et Biennais, les armes de l’Empire, inspirées par la Rome antique et Charlemagne, seront reprises sans grandes transformations par le Second Empire. Elles combinent les éléments ci-après :


Du cahier de l'éditeur

La symbolique Impériale L’aigle et l’abeille, emblèmes du Premier puis du Second Empire, sont devenus tellement familiers qu’on en oublie parfois leurs origines ou leurs significations. Petit rappel de la symbolique impériale avec les armoiries de Napoléon Ier. L’aigle Composante principale du nouveau blason, l’oiseau de Jupiter, emblème de la Rome impériale, est associé depuis la plus haute antiquité aux victoires militaires. Le décret du 10 juillet 1804 stipule que les armes de l’Empereur sont : « d’azur à l’aigle à l’antique d’or, empiétant un foudre du même ». Cette aigle, très différente des motifs de l’héraldique traditionnelle, s’inspire aussi de l’aigle carolingienne. Dès le lendemain du sacre, Napoléon fait placer le symbole au sommet de la hampe de tous les drapeaux des armées napoléoniennes. Les abeilles Symbole d’immortalité et de résurrection, les abeilles sont choisies afin de rattacher la nouvelle dynastie aux origines de la France. En effet, des abeilles d’or (en réalité des cigales) avaient été découvertes en 1653 à Tournai dans le tombeau de Childéric Ier, fondateur en 457 de la dynastie mérovingienne et père de Clovis. Elles sont considérées comme le plus ancien emblème des souverains de la France. Le collier de la Légion d’honneur Créée le 29 floréal an X (19 mai 1802) pour récompenser les services civils et militaires, la Légion d’honneur emprunte sa dénomination à la Rome antique. Le collier de la Légion d’honneur, réservé à l’Empereur, aux princes de la famille impériale et aux grands dignitaires, se compose d’une chaîne en or formée de 16 trophées reliés entre eux par des aigles portant au col le ruban et la croix de l’ordre. Cette chaîne est bordée de chaque côté par une chaînette alternant étoiles et abeilles. Le motif central composé du chiffre de Napoléon, le N, est entouré d’une couronne de lauriers et supporte la croix de la Légion d’honneur, une étoile à cinq branches à pointes pommelées, émaillée de blanc, avec en son centre le profil lauré de l’Empereur, le tout surmonté de la couronne impériale. La main de Justice et le sceptre Deux des « Honneurs » de Charlemagne, repris lors du sacre du 2 décembre 1804, figurent entrecroisés sur les armoiries impériales. Le sceptre, bâton de commandement, signe d’autorité souveraine, est celui de Charlemagne et supporte à son sommet une statuette du premier Empereur d’Occident. La main de Justice, reconstituée, est une hampe surmontée d’une main d’ivoire bénissant. La couronne et le manteau impérial L’ écu se détache sur le manteau impérial inspiré de celui des pairs de France. De velours pourpre semé d’abeilles d’or, bordé de pampres, frangé d’or et doublé d’hermine, il s’échappe de la couronne fermée, formée d’aigles aux ailes levées alternant avec des arceaux et aboutissant à un globe crucifère.


SOMMAIRE - INHOUD - INHALT Du cahier de l'éditeur

Editorial Imagine un peu... Ambiance Empire Sais-tu ? Sommaire & Tombola des auteurs Tous en récré

"Grande nouvelle" extraite de « PRIVE DE LIBERTE, PAS DE GENIE » Compilation de nouvelles sous la coordination de François Dessy « Un aigle en cage » par Bruno COLSON

Et ensuite, classé par ordre alphabétique du nom de leurs auteurs, les articles suivants : Christine BRÜLS

BRU

Napoléon Bonaparte… et les Romantiques allemands

Jean de CODT

COD

Oncle Charles a eu de la chance

Marie COQUIL

COQ

Au ciel la prière à la terre les secrets

Herman DE CROO

DEC

75 ans à cheval

Francis DELPÉRÉE

DEL

Bonaparte v. Napoléon

Patrick HENRY & Julie HENRY

HEN

De Paris à Liège : au temps où les avocats faisaient les révolutions

Marc ISGOUR

ISG

D'un empire à l'autre

Maurice KRINGS

KRI

Réflexions en désordre sur le thème du style « Premier Empire »

Audrey LACKNER

LAC

Au rythme de Waterloo

Gérard LEROY

LER

Coïncidences - L'aigle terrassé par le lion

Xavier MAGNEE

MAG

Sans rancune ?

Martin ORBAN

ORB

Cent ans du traité de Versailles

Yves OSCHINSKY

OSC

Et si Napoléon n'avait jamais existé ?

Marco OSSENA CANTARA

OSS

Guinti dernier

Raoul Maria de PUYDT

PUY

Sprankelend Kleurenfestival van Delphine Le Bubbly Love Machine de Delphine

Cavit YURT

YUR

Les joies acidulées du bonbon Napoléon Photos des auteurs

ABC

Où retrouver tous nos auteurs Abonnez-vous ! Planning 2019-2020


LA TOMBOLA DES AUTEURS

NOTRE PREMIER PRIX Besoin d'un toit à Bruxelles ? Pour la première fois, le journal des avocats a le privilège d’offrir au grand gagnant du premier prix un séjour de 2 nuits au magnifique HILTON BRUSSELS GRAND PLACE, dans une « One Bedroom Suite », soit la plus haute catégorie de suite avant la suite présidentielle. Cela avec petits déjeuners inclus et accès à l’Executive Lounge (boissons et buffet tout au long de la journée). Pour 2 personnes, Valide pendant 1 an.

NOTRE DEUXIÈME PRIX Encore un beau cadeau : le journal des avocats offre au gagnant du deuxième prix un dîner pour 4 personnes : Menu 3-services, vins inclus au HILTON BRUSSELS GRAND PLACE, dans leur restaurant Sentro Lounge & More. Valide pendant 1 an.

NOTRE TROISIÈME PRIX Au gagnant du troisième prix, nous offrons ce magnifique KAYAK de 60 cm, en bois massif, laqué, fabriqué individuellement à la main, made in Sweden. EDITION originale LIMITEE.

Notre tombola est organisée pour les auteurs de chacun des numéros, en remerciement de leur amicale et gracieuse contribution au beau succès de notre magazine ! Les résultats du tirage sont envoyés par email à tous nos auteurs et les heureux gagnants sont aussi contactés par téléphone pour la remise de leur prix. La tombola est toujours aimablement contrôlée par notre huissier de Justice, Maître Frank SPRUYT, que nous remercions chaleureusement. Wij wensen GOOD LUCK TO ALL ! Nous souhaitons BONNE CHANCE A TOUS !



Hilton Brussels Grand Place AU COEUR DE BRUXELLES

JOUISSANT D’UN EMPLACEMENT IDÉAL À QUELQUES PAS DE LA MAJESTUEUSE GRAND-PLACE, HILTON BRUSSELS GRAND PLACE OFFRE À SES HÔTES UNE

NOUVELLE PERSPECTIVE

SUR LA CAPITALE BELGE.

Hilton Brussels Grand Place en chiffres

- 224 chambres et suites - 15 salles de réunion - 2 salles de bal pouvant accueillir jusqu’à 200 délégués - 1 restaurant et bar ‘Sentro Lounge & More’ - 1 Executive Lounge - Hilton Fitness 24h/24

À distance de marche:

- Face à la Gare Centrale (connexion directe à l’aéroport de Bruxelles-Zaventem et à la Gare du Midi) - 2 minutes de la Grand Place (UNESCO) - 3 minutes du Square Convention Centre - 5 minutes du célèbre Manneken Pis - 8 minutes du Musée Magritte - 10 minutes du institutions européennes

L’hôtel Hilton Brussels Grand Place offre un hébergement de première classe au cœur de la Belgique ; le choix idéal pour les voyageurs d’affaires mais aussi les nombreux touristes qui viennent visiter la capitale. Entièrement rénové ces deux dernières années, chaque élément a été pensé pour ses hôtes et leur confort : un savant mélange de moderne et touches vintage, élégant et moderne, des tons chauds et neutres avec des touches artistiques locales. Le Wi-Fi gratuit et les superbes installations de restauration, incluant un Executive Lounge, le restaurant et bar branché Sentro et le Godiva Café Chocolate, unique en Belgique, avec sa terrasse font de chaque séjour un moment inoubliable. CONFERENCES & EVENEMENTS Avec son emplacement central, l’hôtel s’est rapidement imposé comme lieu idéal pour les réunions et évènements au cœur de Bruxelles. Les espaces évènementiels, entièrement rénovés début 2019 dans une ambiance moderne, branchée et contemporaine, sont équipés des dernières technologies pour offrir le maximum de confort à tous les participants. L’agrandissement récent de certains espaces offre plus de flexibilité et une gamme infinie de possibilités : conférences, réunions intimistes, mariages, expositions mais aussi pop-up stores ou défilé de mode. De plus, le parking public Grand-Place qui offre un accès direct par ascenseur aux salles de réunion.

HILTON BRUSSELS GRAND PLACE 3 Carrefour de l’Europe 1000 Bruxelles - Belgique reservations.brusselsgrandplace@hilton.com +32 2 548 42 11 www.brusselsgrandplace.hilton.com


SENTRO LOUNGE & MORE ELEVE LE TRADITIONNEL DEJEUNER DU DIMANCHE A DES NOUVEAUX SOMMETS AVEC UN NOUVEAU RENDEZ-VOUS GOURMAND HEBDOMADAIRE

TRADITION En Italie, le déjeuner du dimanche est l’occasion idéale de passer un bon moment en famille et entre amis. Sentro Lounge & More, situé au cœur de l’hôtel Hilton Brussels Grand Place, rend cette tradition encore plus séduisante avec un nouveau rendez-vous gourmand hebdomadaire. Il n’y a pas de meilleure façon de commencer le déjeuner qu’avec un verre de Prosecco dans l’intérieur chic du restaurant offrant une vue magnifique sur le centre historique de la ville. Le menu vous emmène à la découverte des régions italiennes avec un somptueux buffet d’antipasti traditionnels et de contorni (accompagnements), puis vient un plat principal signature de Sentro, pour terminer en beauté par un dessert enchanteur de Godiva, venant tout droit de leur atelier situé également dans l’hôtel. SAVOIR-FAIRE Pour l’occasion, Sentro allie son savoir-faire en matière de service et son amour de la gastronomie avec ses partenaires officiels : Godiva et les représentants des Régions italiennes à Bruxelles.

THE SUNDAY LUNCH THE ITALIAN REGIONS

Pour l’évènement privé en avant-première en juin, le buffet a été organisé par la région du Piémont et mettait en vedette d’incroyables produits d’origine locale mêlant des saveurs sophistiquées et rares comme la truffe blanche avec des traditions paysannes tel que la Bagna Cauda, un plat traditionnel à base d’ail et d’anchois. Carpaccio di Fassona, Vitello Tonnato, Peperoni Con Bagna Cauda, Acciughe Al Verde,... les invités ont pu vraiment s’immerger dans le Piémont et découvrir l’histoire derrière les plats grâce à la présence d’un Chef désigné par la région.

• QUAND Tous les dimanches à partir du 22 septembre 2019 de 12h30 à 15h00

EN FAMILLE Le déjeuner du dimanche est aussi l’endroit idéal pour passer du bon temps en famille ; c’est pourquoi le restaurant offre un menu spécial pour les enfants ainsi qu’un espace avec un animateur professionnel qui s’assurera que les enfants s’amusent pendant que les parents apprécient le déjeuner.

• RÉSERVATIONS +32 2 548 47 10 10 sentro.brussels@hilton.com www.sentro.brussels

Après le succès de l’avant-première, le Sunday Lunch sera de retour le 22 septembre 2019 pour un rendez-vous hebdomadaire à la découverte des régions italiennes avec la région du Piémont pour débuter.

• TARIF 44€ par personne (hors boissons) 15€ pour le menu enfant (jusqu’à 12 ans)

• ADRESSE Sentro Lounge & More 3 Carrefour de l’Europe, 1000 Bruxelles (entrée via Hilton Brussels Grand Place)



Tous en récré… QUI ES-TU ? -

Salut, t'es qui toi ? Moi?! J'suis Napoléon ! Ah oui ? Qui t'as dit ça ? Dieu m'a dit que j'étais Napoléon ! Moi je t'ai dit ça ?

QUEL EST LE COMBLE DU COMBLE ? C'est un muet qui dit à un sourd qu'un aveugle les espionne.

DEUX AMIS DISCUTENT ! - Sais-tu que je suis une personne très chanceuse ! - Ah oui ? Pourquoi ? - Je suis né le 7e jour, du 7e mois 77. - Le 7 doit être ton chiffre chanceux, alors ? - Exactement. D'ailleurs, je suis allé aux courses la semaine dernière. J'ai parié 7 000 $ sur le 7e cheval dans la 7e course. - Et puis ? - Il a fini septième !

HISTOIRE DE CHATS... Un doberman, un berger allemand et un chat meurent. Ils se retrouvent tout les trois devant Dieu. Dieu demande au berger allemand: -"En quoi crois-tu?" -"Je crois en la loyauté envers mon maître et en la discipline."

OBÉISSANCE PATERNELLE... Un jeune enfant demande à son ami : - Que fait ton père ? - Il travaille dans une société et toi, que fait ton père ? répondit l'ami. - Il fait ce que lui dit ma mère ! répliqua l'enfant.

-"Bien, viens t'asseoir à ma gauche. Et toi, en quoi crois tu?" dit-il au doberman. -"Moi je crois en l'amour entre moi et mon maître." -"Ahhh. Alors viens à ma droite. Et toi le chat, en quoi crois tu?" -"Je crois que tu es assis à ma place."


Du cahier de l'éditeur

QUESTION DE BIEN-ETRE Sur la façade d'un bistrot est écris : "Quoi qu'on dise, quoi qu'on fasse on est mieux ici qu'en face!" Et en face il y'a un cimetière où est écris : "Quoi qu'on dise quoi qu'on fasse ceux d'ici viennent d'en face !"

AMITIES QUI TOMBENT DU CIEL... Un homme sort de chez lui. Il croise un cortège funèbre inhabituel. Un corbillard, suivi d'un second corbillard avec derrière, un homme seul avec un pitbull en laisse. Quelques pas derrière lui, environ 200 hommes marchaient en file indienne. Ne contenant pas sa curiosité, l'homme s'approche respectueusement de l'homme au chien et lui dit : UN VIEUX COUPLE SE PROMÈNE DANS LA PLAINE DE LA SOMME Ils entrent dans un restaurant pour y déjeuner. Au moment de prendre la commande, la dame dit au serveur: - "Mon mari a fait la guerre ici dans les tranchées". Le serveur, impressionné, s'en va raconter l'histoire à son patron. - "Donne à ces gens ce qu'ils veulent boire et manger, tout est gratuit pour eux !" lui dit le patron. Le couple se régale. Au moment de quitter le restaurant, l'homme, rassasié, se retourne et dit en souriant au patron : -"Danke schön !"

-- Je suis désolé de vous déranger et je sais que le moment est mal choisi, mais je n'ai jamais vu un enterrement comme celui-ci. C'est l'enterrement de qui? -- Ma femme -- Que lui est-il arrivé ? -- Mon chien l'a attaquée et l'a tuée. -- Et qui est dans le deuxième corbillard? -- Ma belle mère. Elle a essayé d'aider ma femme et le chien s'est retourné contre elle. -- Entre les deux hommes, un moment de silence poignant... -- Je pourrais vous emprunter votre chien? -- Mettez-vous dans la file...


Nous vous avions présenté « Les grandes conversations du journal des avocats »

Voici encore l'une des grandes nouvelles Extraite en exclusivité pour le journal des avocats d'un ouvrage collectif, recueil de nouvelles sous la direction de François Dessy

"Privé de liberté, pas de génie" Compilation de nouvelles

Sous la coordination de François Dessy « Enfin, les hommes sont partout des hommes. J’ai fini en quatre ans par découvrir des hommes. Le croiras-tu (…) Bref je n’ai pas perdu mon temps. J’ai appris à connaître sinon la Russie, du moins son peuple, à le connaître bien, comme peu le connaissent peut-être. Voilà c'est mon petit orgueil. C’est pardonnable, j’espère ». Fédor Dostoïevski Lettre de Dostoïevski à son frère Michel, Omsk, 22 février 1854 in Souvenirs de la maison des morts, Folio Classique, Paris, 2014, p.496. Récits de ses quatre années passées au bagne sibérien d’Omsk. « La prison. Doux Christ ! Les murs de la prison eux-mêmes. Soudain semblèrent chanceler, et le ciel sur ma tête se changea en un brûlant casque d’acier ». Oscar Wilde, La ballade de la geôle de Reading, Classiques Modernes, Livre de Poche, La Pochothèque, Oscar Wilde Œuvres, p.104 / Daniel Salvatore Schiffer, nouvelle dédiée ici à Oscar Wilde. François Dessy.


le journal des avocats

Sommaire : Nouvelles écrites par Avant-propos, par François Dessy pages de 1 à 39 Nous avons oublié Spartacus, par Pierre Hazette Grève en place: âmes écartelées, par André Renette Le Grand Frère, par Jean-Baptiste Baronian La musique pour survivre, par Michel Coipel Du procès à la geôle, par Daniel Salvatore Schiffer Triomphante dans la nuit, par Pierre Mertens Les mots et la mort, par Patrick Henry Petites espérances levantines, par François Dessy À la fin de la nuit, par Jean-Pierre Le nègre de Mandela, par Alain Berenboom Un aigle en cage, par Bruno Colson Une foi en alerte, une conscience en éveil, par Olivier Bonfond Le Quai des Illusions, par Cavit Yurt Pour une belle prise, par Alain Dartevelle J'ai été si souvent privé de liberté!, par Frédéric Close Périple, par Robert De Baerdemaeker Journée d'hiver dans le Vermont, par Christine Defraigne Un séjour dans l'enfer carcéral du Grand Châtelet, par Maxime Filluzeau La Vierge rouge, par Michel Claise Il n'est pas "Tout puissant", par Réginald de Béco Bagdad 124, par Frédéric Materne Au palais noir, par Alexis Alvarez Bien affectionné au service de Dieu et du Roy, par Jean de Codt L'Ombre de la Pucelle, par Yves Demanet Le plus savant des prisonniers que la terre ait porté?, par Jacques Fierens Prisonnier de son destin, par Jacques Malherbe Captif mais libre, par Christian Charrière-Bournazel Dreyfus: Plutôt mort que vif!, par Christian Jassogne Tu n'étais pas dans ton siècle, par Vincent Defraiteur En prison trois jours et devenir fidèle, par Albert Rouet On n'enchaîne pas la parole, par Xavier Dijon Le soliloque de Pauvre Lelian au Jeune barreau de Bruxelles, par Olivier Collon Remerciements page 625 Bibliographie – Médiagraphie page 626

COL


UN AIGLE EN CAGE par Bruno Colson…... p. 281/258

Bruno Colson est Professeur ordinaire à l’Université de Namur, doyen de la Faculté de droit de 2005 à 2009, auteur de Napoléon, De la guerre (Perrin, 2011, traduit en anglais, en espagnol, en portugais et en chinois), Leipzig, la bataille des Nations, 16-19 octobre 1813 (Perrin, 2013, prix Premier Empire de la Fondation Napoléon) et Clausewitz (Perrin, 2016).


le journal des avocats

C’est en Italie que je l’ai connu. Sorti de l’école du génie de Mézières, je l’ai convaincu de changer ses projets de fortification le long du Tagliamento début 1797, alors qu’il venait de remporter sa première campagne et qu’il négociait la paix avec les Autrichiens. Je l’ai ensuite suivi en Égypte où j’ai été nommé général de brigade. Le 7 mars 1805, je suis devenu son aide de camp. Autrement dit j’ai perdu ma liberté pour m’attacher nuit et jour à son service, prêt à écrire sous sa dictée comme à partir au grand galop porter un ordre ou commander une colonne d’attaque. J’ai ainsi reconnu la Bavière et la vallée du Danube avant la campagne qui allait nous mener à Austerlitz. J’ai conduit un escadron de la garde dans cette fameuse bataille, j’ai aussi chargé à Iéna, j’ai caracolé derrière lui en passant sous la porte de Brandebourg à Berlin, j’ai porté l’ordre d’attaque au 7e corps sur la plaine enneigée d’Eylau. Quand la rencontre avec le tsar Alexandre fut prévue au milieu du fleuve Niémen, c’est moi qui ai veillé à la fabrication du radeau. Les aigles de France et de Russie furent représentées des deux côtés du pavillon flottant ; de grands miroirs furent placés à l’intérieur, pour donner éclat et profondeur à la pièce. Au signal donné, les rames levées des deux embarcations impériales tombèrent en frappant ensemble les eaux du Niémen. J’eus le privilège de monter dans la barque de Napoléon. Les deux souverains abordèrent ensemble le radeau et s’embrassèrent au milieu du pavillon. La paix conclue, les états-majors se congratulèrent. Alexandre m’offrit une tabatière sertie de diamants. Tout cela est bien loin. Je suis avec Napoléon dans cette voiture éclairée par deux chandelles. Il a le visage blême et ne dit mot. Il a perdu sa dernière bataille, lui qui en a tant gagné ! Car cette fois il n’y en aura plus d’autre. La panique s’est répandue comme une traînée de poudre dans l’armée. Des soldats qui le matin encore étaient si remplis d’espérance, si désireux de se battre, d’en découdre avec les Anglais ! Ils se sont éparpillés dans la nature. Le cocher fouette les chevaux pour qu’ils nous déposent au plus vite à Paris. Nous voici enfin au pied des marches de l’Élysée. Nous sommes le 21 juin 1815, il est 7 heures du matin. Le général Caulaincourt vient à notre rencontre. - Le coup que j’ai reçu est mortel, lui dit l’Empereur. Il demande ses ministres et un bain. Je retrouve mes appartements de Grand Maréchal, où

m’attendent ma chère Fanny et nos trois enfants. Je les embrasse et leur raconte brièvement notre désastre. Après une rapide toilette, je change de tenue et je rejoins l’antichambre de l’Empereur où ses officiers d’ordonnance sont assis, la mine sombre. Le voici qui sort sur la terrasse, descend dans le jardin. Je le suis à une vingtaine de pas. Le peuple massé avenue de Marigny l’acclame. Dès le lendemain il abdique, en faveur de son fils de quatre ans qui est à Vienne ! Puis il reçoit plusieurs visites : Benjamin Constant, Lazare Carnot, Fouché, des députés. Il doit quitter l’Élysée de manière discrète et veut se rendre à Malmaison. Je prépare ma voiture plutôt que la sienne. Il y monte en sortant par la petite porte du jardin. À la Malmaison où le reçoit sa belle-fille Hortense de Beauharnais, il apprend que le gouvernement provisoire exige son départ de la France. Je lui demande l’autorisation de le suivre où qu’il aille. Nous partons le 29 juin, dans une calèche à quatre places, avec les généraux Becker et Savary. Il est vêtu en civil. Fanny ne conçoit pas de vivre séparée de moi et nous suit avec les enfants. J’en suis heureux et soulagé. Deux frégates sont mises à notre disposition, en rade de Rochefort, pour voguer vers les États-Unis. Nous faisons la traversée … jusqu’à l’île d’Aix. Une escadre anglaise barre la route. Après en avoir discuté avec nous, l’Empereur me dicte une lettre pour le prince régent d’Angleterre. Il prend le parti de se mettre « sous la protection des lois du peuple britannique ». Nous montons à bord du Bellérophon le 15 juillet. En plus de ma famille, la suite de l’Empereur comprend le général et madame de Montholon, pour moi deux intrigants intéressés ; Montholon n’est qu’un officier de cour ; je ne l’ai guère vu sur les champs de bataille. Le général Gourgaud, premier officier d’ordonnance, s’est par contre battu bravement à plusieurs reprises, notamment à Brienne où il a sauvé la vie de l’Empereur en sabrant des cosaques. Mais ce célibataire endurci a un sacré caractère et prend la mouche pour un rien. Le comte de Las Cases, maître des requêtes au Conseil d’État, est là avec son fils. Il s’est attaché à l’Empereur qui pense lui dicter ses mémoires. Pour les tâches domestiques, on trouve le premier valet de chambre, Marchand, l’ancien mameluck SaintDenis, dit Ali, le maître d’hôtel Cipriani, le Suisse Noverraz et l’homme à tout faire Santini. Nous voguons vers l’Angleterre. En rade de Plymouth le

COL


31 juillet, l’amiral Keith fait savoir que nous partons pour l’île de Sainte-Hélène. L’Empereur proteste avec véhémence et dit préférer la mort. Fanny en est tellement ébranlée qu’elle perd la tête et tente de se jeter à la mer. Je la retiens, la rassure et lui fait espérer qu’elle reviendra en France dans un an. - J’ai poussé chacun dans un défilé de granit, sans issue, grommelle l’Empereur. Le soir, il parvient malgré tout à se montrer de bonne humeur à table et fait preuve de déférence envers Fanny, qu’il est fier d’avoir à son côté. C’est une Dillon, elle tient par sa famille aux plus grands noms d’Irlande et de Grande-Bretagne. Elle se ressaisit, tient son rôle avec dignité et en impose aux officiers anglais par sa conversation et son humour. L’Empereur écrit une lettre au prince régent où il proteste solennellement contre le sort qui lui est réservé. Nous sommes bientôt transférés sur un autre navire, le Northumberland, qui va nous conduire à Sainte-Hélène. L’amiral Cockburn nous reçoit aimablement à sa table tous les soirs. L’Empereur mange bien et se sert de ses doigts plutôt que de sa fourchette. Il parle tout le temps, presque uniquement avec l’amiral. Il l’entretient notamment de la campagne de Russie. Il lui arrive, au lieu d’être volubile et exalté, d’être pensif et déprimé. C’est le cas au large de Madère. Après le dîner, il se dirige vers la poupe et regarde l’île fort attentivement, jusqu’à la tombée de la nuit. Le 29 août il se plaint de la chaleur et reste en chemise dans sa cabine, la porte ouverte. Il lit. Le 12 septembre il assiste à la capture d’un requin. Il faut encore plus d’un mois pour arriver à Sainte-Hélène. Nous débarquons le soir du 16 octobre. Débris d’un volcan éteint et relais pour les navires de la Compagnie des Indes, l’île nous paraît sinistre. Nous découvrons des Africains, des Hindous, des Malais, des Chinois. Toutes les races sont rassemblées ici ! Ces gens travaillent apparemment pour des propriétaires anglais qui se sont taillé des domaines. À 2 000 kilomètres des côtes africaines et à 5 600 de Buenos Aires, l’Empereur ne peut plus songer à s’évader comme de l’île d’Elbe. Soucieux de préserver ma vie de famille, je trouve rapidement un logement pour les miens à Hutt’s Gate. Le lendemain, l’Empereur monte à cheval de bonne heure et va visiter avec l’amiral Cokburn l’endroit où sera aménagée sa

demeure, sur le plateau de Longwood. En attendant, il s’installe provisoirement au domaine des Briars, dans un pavillon de la famille Balcombe. Ce sont de braves gens. Heureusement, les facéties de la jeune Betsy font un peu sortir l’Empereur de l’état d’abattement provoqué par sa nouvelle situation. Se retrouver dans cet endroit perdu, lui qui a vécu dans les plus beaux palais de l’Europe ! Obéir à quelques officiers britanniques sur cette petite île, lui qui a commandé à des centaines de milliers d’hommes dans les vastes plaines de Russie et d’Allemagne ! - J’ordonne ou je me tais, dit-il pour résumer sa position. Il décide bientôt de surmonter celle-ci en racontant son histoire à tout son entourage, qui en prendra note. Le 10 décembre 1815, il s’installe à Longwood. Le plateau arrête les nuages et constitue le point le moins ensoleillé et le plus humide de l’île. Brouillards, vents et pluies y dominent, même en été, au point que la vue sur la mer est rarement dégagée. L’Empereur en prend son parti et fait des promenades à cheval jusqu’où il peut aller, même s’il pleut. Le 15 avril 1816 arrive un nouveau gouverneur, le général Sir Hudson Lowe. Il ne veut donner à l’Empereur que le titre de général, entend tout surveiller et savoir tout ce qui se passe à Longwood. L’Empereur me dit : - Quand je suis dans mon intérieur, je dois, je veux être libre d’y recevoir qui je veux. On doit le respecter. Je suis déterminé à laisser enfoncer mes portes et, au besoin, à laisser les Anglais commettre un attentat sur ma personne même. Ce serait un grand scandale en Europe, il faut qu’on le sache. Quel serait l’officier qui voudrait se charger d’une telle mission ? L’Empereur vit reclus pendant quatre jours en mai. Puis il reçoit à nouveau, dicte, se promène. Heureusement il a son passé et il a du temps pour en parler. Cela doit lui être d’une grande consolation. Il aime nous le raconter, nous révéler des détails. Le 19 mai, Fanny et moi nous nous promenons avec lui et Las Cases. Il évoque l’impératrice Joséphine : - L’impératrice Joséphine était jolie, bonne, mais menteuse et dépensière au dernier degré. Son premier mot était : non, sur la chose la plus simple, parce qu’elle craignait que ce fût un piège ;


le journal des avocats

elle revenait ensuite. Les marchands avaient ordre de ne dire que la moitié de ses dettes, de manière qu’après avoir payé un million, on croyait que c’était fini. Pas du tout ! Elle prétendait toujours qu’elle ne devait rien et ne demandait pas d’argent, mais il fallait payer. La santé de Fanny me donne de l’inquiétude, d’autant qu’elle tombe enceinte. Je m’occupe d’elle et vois moins l’Empereur. J’apprends que le grand homme se montre plutôt petit à cette occasion :

- Ils ne pensent qu’à eux, aurait-il dit.

J’avoue que par moments son égocentrisme m’exaspère. Pire que cela, envers moi qui lui suis dévoué depuis tant d’années et qui suis là, c’est de la tyrannie ! Comme si je ne devais pas d’abord me soucier de ma femme et de mes trois enfants ! En même temps il reste un homme comme les autres. Il se déride quand il voit jouer notre progéniture. L’aîné s’appelle Napoléon, puis il y a Hortense et Henri. Chaque fois que Hudson Lowe se présente, la conversation prend un tour aigre. L’Empereur ne supporte plus ses tracasseries : - Tous les jours des vexations inutiles, lui lance-t-il le 16 juillet. M. de Las Cases envoie un soulier à M. Balcombe pour qu’on lui fasse en Angleterre une paire de bottes. Vous avez fait renvoyer le soulier en disant qu’il fallait vous l’envoyer directement. Je ne comprends pas qu’il faille vous envoyer de vieilles savates, comme s’il ne suffit pas qu’on vous en informe. Nous pouvons acheter en ville, et pour un ruban, le raccommodage d’une robe ou telle chose de ce genre, il faudrait s’adresser à vous-même. Cela est inconcevable ! Lowe craint que l’on fasse passer des messages, il croit l’Empereur capable de tout et surveille la situation avec une mesquinerie consommée. - Pourquoi nous empêcher d’aller dans l’île ? poursuit l’Empereur. Croyez-vous que je puisse insurger l’île ? Si vous avez cette opinion, à la bonne heure !

- Non.

- Eh bien ! Alors cela n’a pas de raison. Sans doute il est possible qu’on s’échappe, mais est-ce une raison pour multiplier autour de nous les vexations ? Ce n’est pas la peine de dépenser sept à huit millions pour me garder. Il n’est pas

besoin de tant d’appareil. Il faut alors m’enfermer dans une prison avec un simple garde, vous serez plus tranquille. Bientôt l’Empereur ne veut plus voir le gouverneur et me charge de lui porter ses messages. - On veut savoir ce que je désire, dit Napoléon à un capitaine anglais ; je demande ma liberté ou un bourreau. Dans l’entourage, nous nous posons des questions. Las Cases dit que l’Empereur exagère et prend la pose du martyr. - Se croit-il un homme libre ? me lance un jour Hudson Lowe. Je n’aime pas celui-ci et je préfère ne pas le voir, mais je dois reconnaître que son rôle n’est pas simple. Il doit se montrer ferme, autant pour empêcher toute tentative d’évasion que pour éviter de succomber aux prétentions politiques de l’Empereur. Il ne doit pas non plus prêter le flanc aux soupçons de maltraitance de son prisonnier, ni surtout à l’accusation de hâter, même indirectement, sa mort. Le passé ne console pas toujours l’Empereur. Il ressasse aussi ses mauvais souvenirs, surtout Waterloo. Il ne comprend toujours pas pourquoi il a perdu. Il a été mal secondé selon lui. Il monte en épingle un retard dont il n’a pas été informé mais convient qu’il a lui-même commis des fautes, … pour finalement s’en dédouaner : - Lorsque nous avons été maîtres de Fleurus, dit-il, j’aurais dû y aller coucher, au lieu de revenir à Charleroi ; alors, sur la hauteur, là, Ney eût poussé aux Quatre-Bras ; il n’y avait pas la moindre difficulté. Dans ce cas tout était changé. La bataille avec les Prussiens avait toujours lieu le 16 à Ligny, et, le 17, avait lieu la bataille des Anglais. Blücher, trop frais battu, ne pouvait se joindre aux Anglais. Tout était fini. Cela est juste, personne ne pouvait comprendre combien la précision de ce mouvement était importante et moi seul, qui dirigeais tout, en sentais l’importance. En résumé nous devions réussir. Ainsi nous avons sagement fait. Quelle démonstration ! C’est un génie militaire, mais je dois reconnaître que dans cette

COL


campagne il a été en-dessous de sa réputation. Il a eu des absences, des hésitations quand il fallait au contraire trancher dans le vif. Il a perdu du temps, à plusieurs reprises, comme si rien ne pressait. Je ne l’ai jamais vu comme ça auparavant. Je le sais bien, je ne l’ai pas quitté d’une semelle. Enfin, c’était sans doute écrit ! Il veut garder sa réputation, comme il tient ici à garder sa fierté. Il disait encore l’autre jour au gouverneur : - Mon corps est aux méchants, mais mon âme est indépendante ; elle est aussi fière ici que si j’étais à la tête de 600 000 hommes et sur mon trône, faisant des rois et distribuant des couronnes. Le 10 septembre 1816, la conversation porte sur la religion musulmane. J’ai lu dans Bayle l’article consacré à Mahomet. L’Empereur souligne combien ce qu’il enseignait a contribué au succès de ses conquêtes parce que sa conception du paradis poussait à se battre. Avec quelques milliers d’hommes, il a conquis un territoire immense en très peu de temps. - Le Coran n’est pas seulement religieux, conclut l’Empereur ; il est politique et civil. Il contient toutes les manières de gouverner. La religion chrétienne, elle, ne prêche que la morale. Cependant elle marque une plus grande révolution que l’autre. Elle est la réaction des Grecs sur les Romains, de l’esprit contre la force. Nous parlons de l’Islam parce que l’Empereur me dicte ses Campagnes d’Égypte et de Syrie. Le 15 septembre, après le dîner, il joue aux échecs. Il s’informe légèrement de la santé de Fanny et lui parle avec un peu d’humeur. Quand nous rentrons chez nous, elle me dit qu’elle le trouve changé. Il s’affaiblit beaucoup. Deux jours de jardin le fatiguent. Il tient à vivre comme s’il était encore souverain et garde l’étiquette très stricte qui régissait la cour impériale. Pour maintenir ce train de vie, il dépense plus que ce que les Anglais avaient pensé. Il vend une partie de son argenterie. Londres décide de réduire son entourage et donne l’ordre d’en faire partir quatre personnes. Il peut s’agir de domestiques. - Quelle rage de persécution, dit l’Empereur. Par défi, il nous lance plusieurs fois : - Je veux que tout le monde parte à la fois. Cela fera de l’effet en Europe. S’il me reste Marchand et Ali, qui savent écrire, je passerai mon temps.

Il ne vit plus que pour sa légende. Peu importe ce qu’on lui fait subir, seules comptent les conséquences politiques pour l’opinion. Telle est sa nouvelle bataille. Elle se joue aussi dans ce qu’il dicte. Du moment qu’il a quelqu’un pour écrire, son triomphe posthume est assuré. Le 20 octobre, nous quittons notre ancienne demeure, éloignée d’une lieue de Longwood, pour nous en rapprocher. Las Cases dit que désormais nous sommes presque sous le même toit. Peut-être cela contribue-til à rendre l’Empereur plus gai. Nous sommes plusieurs à le remarquer. Malheureusement des disputes éclatent trop souvent entre nous. Gourgaud et Las Cases ne se supportent plus. Le second a fait sortir imprudemment une lettre. Il est question de son expulsion mais Hudson Lowe attend les ordres de Londres. L’Empereur est exaspéré par cette situation de dépendance, lui qui a commandé toute sa vie. Il a l’impression que l’on veut toujours l’atteindre à travers ses compagnons. - Il n’est pas possible, leur dit-il, que des hommes soient à deux mille lieues exposés, suivant le caprice d’un gouverneur, à être arrêtés, à voir leurs papiers saisis, à être condamnés à un emprisonnement d’un mois et même de six, jusqu’à ce que la réponse vienne d’Angleterre. Les papiers de Las Cases sont saisis et il s’en va. Heureusement il parviendra à récupérer son journal. Il en fera Le Mémorial de SainteHélène. Ce sera le plus grand succès de librairie du siècle. Le 1er janvier 1817, l’Empereur nous distribue des cadeaux. Les dames reçoivent une assiette de porcelaine, des étoffes et des vêtements. Je reçois un jeu d’échecs, Gourgaud une lunette et Montholon une croix en mosaïque de la Légion d’honneur. Les enfants ne sont pas oubliés. L’Empereur semble disposer d’une grande réserve de cadeaux précieux. Il nous montre des tabatières. L’une d’elle, offerte par le Pape, porte un antique représentant, un bouc. Une autre, de même provenance, illustre la « Continence de Scipion ». On voit sur d’autres le portrait de l’empereur Auguste, celui de sa femme Livie. Comment l’Empereur peut-il prétendre qu’il n’a rien, alors qu’il pourrait avoir des trésors ? Tout est relatif, bien sûr. En regard des années où il régnait, ceci ne représente pas grand-chose. Il dit n’avoir jamais eu l’esprit de propriété, alors qu’il pouvait disposer de richesses considérables :


le journal des avocats

- J’ai eu 300 millions en or dans les caves des Tuileries, dit-il, et 400 millions en billets. Qui a jamais eu pareille somme à sa disposition ? Je pouvais d’un trait de plume les donner à qui je voulais, sans que personne n’eût rien à dire. Le 17 janvier 1817 naît notre petit Arthur, le seul Français qui soit entré dans l’île sans la permission des Anglais. Fanny se porte bien, heureusement, car je me suis fait beaucoup de soucis pour elle : accoucher sur cette île perdue, sans l’assistance de médecins dignes de ce nom ! Sa santé reste fragile et nos trois aînés devraient recevoir leur éducation en Europe. Chaque fois que j’évoque la nécessité d’un retour, je suis mal accueilli. Le service de cet homme dévore ma vie. Je reste avec lui parce qu’il a fait l’histoire et que celle-ci ne l’oubliera pas, ce dont il est parfaitement conscient : - La France, dit-il, un jour m’élèvera une statue, quel que soit son gouvernement … Tout Français qui visitera Vienne, la Pologne, la Prusse se rappellera nos victoires, nos conquêtes, mon nom. Mon époque est la plus belle de l’histoire de France ; on se plaira à le rappeler. Je passe parfois des journées entières avec lui. Il me dicte des notes sur divers sujets militaires plutôt techniques et commente avec moi les journaux qu’il reçoit. Toute la semaine du 22 février il est assez triste. Il a lu les textes des traités imposés à la France par les puissances. Il les trouve honteux et pénibles à lire. Le botaniste autrichien Philippe Welle, arrivé sur l’île avec le commissaire de son pays, s’était fait remettre à Vienne une boucle de cheveux du fils de l’Empereur par une ancienne berceuse. Il trouva le moyen de faire parvenir la boucle à Marchand. Hudson Lowe eut vent de l’affaire, en prit ombrage et réclama avec insistance le rappel du botaniste, trop zélé commissionnaire à ses yeux. - C’est une barbarie sans exemple, prononce l’Empereur, qu’un homme qui a vu ma femme et mon fils soit ici depuis huit mois sans qu’on lui ait permis de venir me donner de leurs nouvelles, et qu’il parte sans que je le voie. Faire partir Las Cases pour le laisser six mois au Cap et sans lui permettre de venir passer une heure avec moi est digne du gouverneur. En Allemagne, en France, en Italie, personne n’eût été capable de cette barbarie.

Début mars, le gouverneur nous communique les Lettres écrites à bord du Northumberland par le médecin William Warden. L’ouvrage connaît une vogue considérable. L’Empereur le parcourt et y voit plutôt avec peine rapporter les bavardages de son entourage. Je le lis à mon tour et je cours chez l’Empereur : - Ce livre, lui dis-je, avec des retranchements, vous sera utile. D’abord il fait parler de vous ; il est lu avec avidité ; il est d’un genre neuf puisqu’il fait votre éloge. Il y a plusieurs parties bien faites qui resteront. […] Dans des moments si tristes, il vous montre d’un calme imperturbable, bon, sensible, ami de tout ce qui vous entoure, vous promenant avec Mme Bertrand et vous plaisant avec elle, et d’un esprit supérieur à tous. Il vous représente d’une manière si différente de celle où l’on vous a peint qu’il doit faire un grand effet, être bon pour vous. L’Empereur semble goûter mon avis et reprend la lecture du livre. Il commence à voir le parti qu’il peut tirer de l’endroit où il se trouve : - L’île de Sainte-Hélène, pense-t-il, est mal choisie, parce qu’en fait c’est une des îles du monde où il aborde le plus de bâtiments et où, conséquemment, soit qu’on me voie soit qu’on ne me voie pas, on parle le plus de moi. Il fallait me faire oublier. On pouvait me confiner dans une île du continent, il n’eût pas coûté davantage. Ici dans le fait on est plus près de moi qu’à l’île d’Elbe… L’Empereur est confirmé dans cette vue lorsqu’il apprend que Warden a été tancé par le gouverneur pour son ouvrage. Il se convainc que ce dernier lui sera utile, qu’il fera parler de lui en bien. Il a la couleur du temps et du pays : cela produira de l’effet. Il tient néanmoins à répondre en me dictant des Lettres du Cap. Elles vont tenter d’accroître encore davantage la sympathie à son égard. Fanny va les traduire en anglais. L’activité d’écriture domine nos journées. L’Empereur dicte tous azimuts et passe constamment d’un sujet à l’autre. Je note aussi ce qu’il ne dicte pas. - La Russie, dit-il, est une puissance effrayante et qui semble devoir conquérir l’Europe. Elle peut mettre à cheval un million de cavaliers, avec ses cosaques, les Tartares et les Polonais. Il n’y

COL


aurait pas même assez de chevaux en Europe pour lui résister. Trois puissances autrefois s’opposaient à son accroissement : la Suède (elle ne peut plus rien depuis la perte de la Finlande), la Pologne (elle fait partie de l’empire russe), les Turcs (ils sont nuls). […] Les Russes ne font pas de relations. Ils chantent toujours victoire. C’est pour le peuple. Alexandre ayant annoncé un jour qu’il était battu, la noblesse cria et s’étonna qu’il crût pouvoir gouverner ainsi les Russes. Il faut toujours leur dire qu’on est victorieux, sans cela les populations se révolteraient. Les dictées sur la campagne d’Égypte se poursuivent elles aussi. En évoquant le succès de la religion de Mahomet, l’Empereur voit celuici comme le continuateur de Moïse et de JésusChrist, en ce sens qu’il vint éteindre l’idolâtrie et annoncer le culte d’un seul Dieu. Cet avènement du monothéisme interpelle Napoléon, qui poursuit : - La religion chrétienne fut le résultat de la philosophie grecque. Socrate avait annoncé qu’il n’y avait qu’un Dieu, et probablement les mystères d’Eleusis laissaient connaître aux initiés la folie de cette multitude de dieux. Cicéron croyait à un Dieu et avec lui tous les hommes instruits de son époque. On ne pouvait persuader à des hommes sensés que tous ces tyrans qu’on mettait au rang des dieux participassent à la divinité. Un seul Dieu, tout-puissant, créateur et maître de tout est l’idée la plus simple et la plus raisonnable, et c’est parce que cette idée était dans toutes les têtes que JésusChrist trouva des facilités pour établir sa religion. L’ennui de notre situation sur cette île perdue est heureusement interrompu par des envois de Lord et Lady Holland. Ils nous ont pris en pitié et nous font parvenir des bonbons et des jouets pour les enfants, des livres pour ma femme, une tabatière pour moi. Il arrive également un buste du fils de l’Empereur, exécuté par un sculpteur italien quand l’impératrice Marie-Louise est venue avec l’enfant prendre des bains à Livourne. Même si ces envois ne passent pas par la voie régulière, le gouverneur les fait transmettre. L’Empereur est heureux de recevoir le buste et de lui voir l’Aigle de la Légion d’honneur. Dans les journaux que nous recevons, il y a beaucoup d’articles sur lui. Il est

manifeste que l’opinion a changé à son égard : il devient de plus en plus populaire. Des officiers britanniques de passage viennent lui rendre visite, souvent accompagnés de leur épouse. Le 15 août 1817, pour sa fête qui est aussi son anniversaire, il reçoit tous les Français qui l’ont suivi, y compris les enfants. Nous sommes dix à table. Il est gai, amical avec tout le monde et donne un double napoléon à chaque enfant après le déjeuner. Il sort un peu dans le jardin quand le temps est favorable mais, d’une manière générale, il reste dans sa maison de Longwood pour protester contre les restrictions imposées à ses allées et venues. Le gouverneur a placé des sentinelles à plusieurs endroits, il a défini un périmètre de promenade et interdit certains déplacements. Fin septembre 1817, il vient me trouver. Croyant que l’Empereur est malade, il veut lui offrir son médecin. - L’Empereur ne consulte guère les médecins, lui dis-je. À un homme qui meurt de faim, il faut du pain et non un médecin. Le régime lui est tout à fait nuisible. La cause et le remède de sa maladie sont connus : il a besoin d’exercices ; accoutumé à en faire, il n’en prend pas.

- Pourquoi n’en prend-il pas alors ?

- À cause de vos restrictions du 9 octobre. L’Empereur qui d’ailleurs ne vous reconnaît pas le droit d’en faire, ne peut se soumettre à leur arbitraire. Il reprendra son ancien train de vie quand vous aurez rétabli l’ancien ordre des choses. Jusque-là il ne sortira pas et ne peut pas sortir. Si vous réunissiez les officiers de la garnison, il n’en est pas un qui n’agisse de même. Plusieurs personnes, entre autres Lord Amherst, lui ont dit qu’à sa place ils en feraient autant. L’Empereur ne sortira donc jamais. S’il sortait, comme il ne reconnaît aucune de vos restrictions, il ne s’y conformerait pas. Qu’arriverait-il ? On lui tirerait un coup de fusil. Quelques jours plus tard, le gouverneur écrit qu’il permet aux officiers et aux personnes de la suite de Napoléon d’aller dans la vallée. On lui répond que la santé de l’Empereur a empiré ; des symptômes d’une maladie du foie se sont présentés. En février 1818, Gourgaud quitte Longwood avec l’accord de Sa Majesté. Le même mois, le maître d’hôtel Cipriani meurt, après une


le journal des avocats

très courte maladie. Pour le médecin irlandais O’Meara, Napoléon a une hépatite. Il me fait parvenir son rapport mais doit quitter l’île sur l’ordre du gouverneur. Celui-ci défend tout rapport avec l’entourage impérial sans sa permission. Il affirme avoir reçu l’ordre de vérifier deux fois par jour si son prisonnier est bien à Sainte-Hélène. La santé de Napoléon se détériore. On lui fait des saignées, il prend des bains. Madame de Montholon, tout l’indique, a été sa maîtresse mais elle réussit à partir le 1er juillet 1819, laissant ici son mari trompé… avec son consentement. L’arrivisme de ce couple me dégoûte. Le nôtre au moins reste uni et je garde mon franc-parler avec l’Empereur. Il a reconnu mon désintéressement : - Vous ne me demandez jamais rien, m’at-il dit un jour. D’autres qui demandaient ont eu beaucoup. Tout en me disant cela, il me garde une certaine rancune. Il ne changera donc jamais ! Le pouvoir l’a toujours grisé et ceux qui le flattaient ont toujours eu son oreille. C’est ainsi qu’à Leipzig il a cru aux boniments de cet incapable de Dulauloy ! Tout commandant de l’artillerie de la garde qu’il était, celui-ci n’a rien fait pour assurer la retraite de l’armée et Napoléon s’est fié à lui parce qu’il présentait bien. Quand l’unique pont sur l’Elster a explosé, près de 15 000 hommes se sont retrouvés coupés de l’armée, transformant notre retraite en désastre. Et Dulauloy n’a pas subi le moindre reproche ! Au début de l’année 1820, la santé de l’Empereur s’améliore. Il s’intéresse à l’aménagement du jardin et surtout il remonte à cheval. C’est son sport favori. Au cours d’une promenade, il aperçoit Lady Lowe qu’il trouve fort jolie. Dans le courant de mars il ressent une douleur interne comparable à un coup de canif. Il continue à chevaucher mais cela le fatigue de plus en plus. En octobre il est pris de nausées. Les vomissements deviennent de plus en plus fréquents. On lui prépare une nouvelle résidence mais il dicte une lettre où il refuse d’habiter dans cette « cage de fer », comme il l’appelle. En décembre, ses gencives, ses lèvres, ses ongles sont décolorés. Bien qu’enveloppés dans de la flanelle et des serviettes chaudes, ses pieds et ses jambes sont froids comme de la glace. La nuit de la Saint-Sylvestre se passe pourtant en

causeries agréables sur les moments de gloire que nous avons connus. Après, la maladie ne cesse de progresser. Il dit qu’il ne passera pas l’année. Il ne peut plus manger de viande. La soupe à la tortue lui fait du bien. En mars 1821, il a des douleurs au bas-ventre. Il peut encore faire quelques promenades en calèche mais il reste faible, mange peu. Il n’a pas confiance dans le docteur Antommarchi, un Corse comme lui, dépêché par sa famille. Le personnage est effectivement trop jeune, présomptueux, léger et surtout incompétent. Il est venu ici pour faire parler de lui mais ne trouve même pas les mots pour apporter un réconfort moral à son patient. En avril, celui-ci va un peu mieux. Il donne vingt francs à Antommarchi pour qu’il s’achète une corde et aille se faire pendre. Il préfère être suivi par le docteur Arnott, un Écossais. Il s’emporte contre ma femme, qu’il traite de catin. Il lui a sans doute fait des avances et a été éconduit. C’est son côté sombre… Ceci explique sans doute son choix de Montholon comme exécuteur testamentaire. La vertu est repoussée et la flatterie triomphe, une fois de plus ! Les généraux de cour l’emportent sur ceux des champs de bataille. J’en suis mortifié. Il faut décidément s’accrocher pour continuer à servir cet homme ! Ses vomissements reprennent, il est en sueur et son valet Marchand le change de linge sept fois par jour. Le 13 avril à midi, il fait pousser par Montholon le verrou de sa chambre et, appuyé sur ses oreillers, il prend le temps de lui dicter son testament, pendant deux heures. Le 3 mai, il a le hoquet. J’engage l’abbé Vignali, envoyé lui aussi par sa famille, à venir voir l’Empereur quand il voudrait, mais à ne pas se tenir constamment chez lui, à affecter même de se faire voir aux Anglais pour que les malveillants ne puissent pas dire que le grand homme mourait comme un capucin et voulait avoir constamment un prêtre à ses côtés. L’abbé a bien compris. Il administre les derniers sacrements. Le soir, avec la complicité de Marchand, j’approuve que le docteur Arnott lui administre du calomel pour le rétablir. Après coup, on s’est rendu compte que la dose était certainement trop forte. Le lendemain, l’Empereur demande deux fois à Marchand comment s’appelle son fils. Il s’entend répondre : « Napoléon. »

COL


Il émet des plaintes sourdes, des gémissements ; il n’ouvre plus les yeux. Il est à l’agonie. Dans son délire il me reconnaît : - Eh bien, Bertrand, mon ami. Je suis le seul à être appelé ainsi. Il y a quand même une justice. Je vois que depuis quelques jours il croise souvent ses mains sur sa poitrine, les doigts entrelacés. Le 5 mai vers 4 h 30, il prononce ses dernières paroles, à peine audibles : « À la tête de l’armée. » À 8 heures, tous les Français de Longwood s’assemblent dans le salon. La matinée est brumeuse mais le soleil perce vers 11 heures. À 17 h 30, sa respiration devient courte et difficile. Dix minutes plus tard, le soleil se couche. L’Empereur rend trois soupirs et meurt à 17 h 49. Je propose de l’inhumer près de la fontaine Torbet, dans un vallon où il appréciait la présence de trois saules pleureurs : - Si, après ma mort, mon corps reste entre les mains de mes ennemis, m’avait-il dit, vous le déposerez ici. Les obsèques se déroulent le 9 mai, un mercredi. L’abbé Vignali célèbre la messe. À 11 heures, le cercueil est porté par douze grenadiers anglais sur un char funèbre. Le cortège s’ébranle en direction de la fontaine. Les troupes rendent les honneurs. En juin 1840, je retourne à Sainte-Hélène pour ramener les cendres de l’Empereur à Paris. Son cercueil remonte la Seine sur un bateau à vapeur. Le 15 décembre, par un froid glacial, il est placé sur un énorme catafalque tiré par des chevaux. Le cortège descend solennellement les Champs-Élysées et arrive aux Invalides. Sous le dôme, son cercueil est déposé. J’ai le privilège d’y placer l’épée d’Austerlitz. Auteur : Bruno Colson « Napoléon » : BERTRAND (Henri-Gatien), Cahiers de Sainte-Hélène, manuscrit déchiffré et annoté par Paul Fleuriot de Langle, 3 vol., Paris, Sulliver et Albin Michel, 1949, 1951 et 1959.


CONSULTEZ VOS REVUES PARTOUT, TOUT LE TEMPS

NOUVEAU & GRATUIT

APP LARCIER JOURNALS

AVEC L’APPLICATION LARCIER JOURNALS, ACCÉDEZ À TOUTE LA RICHESSE DE VOS REVUES PARTOUT ET À TOUT MOMENT L’application Larcier Journals vous permet d’accéder gratuitement, partout et à tout moment, au contenu de vos revues depuis votre smartphone ou votre tablette (versions iOS et Android disponibles). Grâce à l’app, votre bibliothèque de revues devient mobile. En toute simplicité, consultez vos périodiques Larcier où que vous soyez, connecté ou hors ligne. Téléchargez l’application Larcier Journals depuis l’App Store ou le Google Play Store et installez-la sur votre smartphone ou votre tablette. La création de votre compte dans l’application vous donne d’office un accès aux revues gratuites Managing Lawyer et Émile & Ferdinand (versions francophone et néerlandophone). Découvrez les autres revues disponibles dans l’app sur www.larcier.com/fr/application-larcier-journals

www.larcier.com/fr/application-larcier-journals


• Christine BRÜLS •

Napoléon Bonaparte… et les

Romantiques allemands Christine Bruls a été avocate au barreau de Liège durant 23 ans ainsi que Rechtsanwältin au barreau de Cologne. Le 24 décembre 2015, elle prêta serment comme magistrat et devint avocate honoraire. Elle a également assumé différentes charges de cours à l’UCL et enseigne toujours à la Haute Ecole de la Province de Liège. Passionnée de littérature, d’échanges entre cultures et de l’enseignement, elle est intervenue dans différents domaines dont la terminologie juridique allemande. Pendant des années, elle a tenté de trouver des clés de lecture tendant à contribuer à la compréhension mutuelle et au respect des sensibilités de chacun, persuadée que cela est essentiel dans un monde interconnecté. Peut-être qu’un jour, la survie de notre planète en dépendra….


le journal des avocats

« Les objets de l’art romantique doivent se présenter comme les sons d’une harpe éolienne, brusquement, sans être motivés et sans trahir leur instrument. »1

Pourquoi parler des romantiques allemands dans le présent numéro ? Quand j’étais adolescente, les romantiques et leur manière de traiter les émotions m’ont toujours fascinée. Ils touchent parfois profondément l’âme du lecteur. Tantôt ils expriment leurs sentiments et passions de manière si percutante qu’ils nous saisissent, émeuvent et bouleversent; tantôt c’est un sentiment partagé, un courant de pensée plus général, présent ou en germe, qu’ils extériorisent, confirmant ainsi notre propre ressenti. J’avoue avoir dévoré certains écrits2, en oubliant parfois de manger ou de dormir, captivée par le récit. Il m’est aussi arrivé de fermer mon livre émue aux larmes ; je n’ai pas honte de le dire. Ce fut le cas, par exemple des « (…) souffrances du jeune Werther » de Goethe (quel lecteur n’a pas compati à son impossible amour pour Lotte ?). Et que dire de certains contes édités par les frères Grimm ? S’ils relèvent d’une forme de littérature plus populaire, ils ne laissent pas indifférent : qui n’a pas eu des frissons en écoutant le récit de « Hänsel et Gretel » lorsqu’il était enfant ? 1. Novalis, traduit dans A. Guerne et autres, Les Romantiques allemands, Editions Phébus, Paris, 2004, p. 249

Mais cette fascination d’autrefois ne justifie pas en soi les quelques lignes qui vont suivre et qui se veulent en rapport avec l’époque de Napoléon Bonaparte. Ce qui m’a déterminé à m’intéresser à nouveau aux romantiques allemands, c’est le lien que j’aperçois entre ce courant et l’occupation française de l’Allemagne. En effet, si beaucoup de francophones associent les guerres napoléoniennes à l’exportation des valeurs de la révolution, des droits de l’homme et plus particulièrement de la suppression des privilèges et de la création des tribunaux impartiaux, le bilan est plus mitigé Outre-rhin où surgissent à la même époque d’autres idées. Les nouvelles valeurs de liberté, d’égalité, et de fraternité y étaient certes appréciées, de même d’ailleurs que les réformes réalisées en Prusse (une révolution de l’intérieur). Toutefois, l’époque évoque également un traumatisme après les défaites d’Iéna et d’Auerstaedt en 1806 : des privations, la fin du Saint Empire et de l’ordre établi, mais aussi la naissance d’un souhait d’unité nationale avec parfois des sentiments réactionnaires et un retour à des valeurs plus simples … Ces idées menèrent au romantisme ou en tout cas l’ont enrichi. 2. Notamment lors de la lecture de certains auteurs proches du « néoromantisme », p.ex. Stefan Zweig (« Lettres d’une inconnue »).

BRÜ


Crowning of Wilhelm I to Emperor of Germany, in Versailles, by Anton von Werner, second version for the Ruhmeshalle Berlin. Destroyed in WW 2 (as the first version too). Do not confuse with the third version of 1885, a birthday present for Bismarck with some differences.

Je pense que cette période de l’histoire a marqué les esprits à jamais. Ainsi, récemment sont parus un numéro de Géo intitulé « Napoléon et les Allemands3 » de même qu’un documentaire sur la vie quotidienne dans l’Allemagne occupée par les troupes napoléoniennes4. La présentation était la suivante: « Napoléon était un homme qui était admiré et haï : un tyran qui a amené des guerres sanglantes en Europe, mais qui a apporté la liberté et l’égalité à d’innombrables hommes et femmes : Napoléon Bonaparte, général français, dictateur, devint empereur des Français en 1804.

Son règne ne dura que 15 ans, mais durant cette brève période, il a semé en Allemagne les germes de la naissance d’une nation moderne.(…) ». Il est également rappelé que peu de temps avant la dissolution du Saint Empire romain de la Nation germanique, Napoléon instaura la Confédération du Rhin (Rheinbund) composée de seize Etats allemands et qu’il a francisé des villes comme Aixla-Chapelle, Cologne et Hambourg. De là sont nés des sentiments divergents qui pourraient expliquer que Bismarck a tenu à proclamer l’Empire allemand dans la galerie des Glaces à Versailles.

3. Traduction libre par l’auteur. 4. Traduction libre par l’auteur (sous-titré : La République de Mayence de 1792 jusqu’aux guerres de libération et la défaite de Napoléon en 1813) cf. https://www.geo.de/2779-thma-mainzer-republik).


le journal des avocats

Précisons qu’il s’agissait effectivement d’une courte période suivie d’une transition plus ou moins longue vers un Etat unitaire. La bataille de Leipzig (1813) et celle de Waterloo (1815) ont sonné le glas du Premier Empire et de l’hégémonie française en Europe. Cependant, sur le plan territorial, le Congrès de Vienne n’a pas, dans l’immédiat, changé la situation allemande, puisque l’Allemagne restait, nonobstant la Confédération germanique, une mosaïque de différents Etats. Toutefois, le territoire de la Prusse s’était considérablement étendu (avec l’intégration de la Rhénanie, la Westphalie, la Poméranie occidentale, la Posnanie et la Prusse occidentale) ce qui lui permit, grâce à l’essor économique qui s’en est suivi, de s’affirmer progressivement comme une des grandes puissances occidentales. Le roi Frédéric-Guillaume III poursuivra les réformes (Stein-Hardenbergsche Reformen) entamées depuis 1807 (la libération des fermiers, la liberté du commerce et la réforme du système d’enseignement …). Enfin, on assistera à la formation de confréries d’étudiants qui ont survécu jusqu’à nos jours : l’organisation de leurs rassemblements et fêtes (notamment la fête de la Wartburg en 1817, après la bataille de Leipzig et le Hambacher Fest en 1832) et leurs appels à l’unification allemande ont contribué à la création de l’Empire allemand même si celle-ci repose plus sur l’évolution économique (induite par le Zollverein) et sur l’expansion de la Prusse que sur leurs tentatives de rédiger une Constitution5.

Friedrich Wilhem III en 1829 - (1770-1840)

Pendant l’occupation française et les années qui ont suivi, différents romantiques allemands se sont fait entendre. L’époque exacte du romantisme n’est toutefois pas clairement définie, particulièrement celle du romantisme allemand : elle commence quelques années après la révolution française pour se terminer vers 1848. Dans la littérature, il est question, pendant la même époque, de Sturm und Drang, Klassik, Junges Deutschland, Vormärz, Biedermeyer et réalisme, comme l’illustrent par exemple les œuvres de Goethe6 ou de Heinrich Heine7. En 1798, Friedrich Schlegel a tenté de définir le romantisme dans son journal « Athenäum », en précisant toutefois à son frère qu’il ne pourrait pas lui envoyer l’explication qui comptait au moins cent cinquante pages8.

5. Je fais allusion à la Constitution de Francfort (« Paulskirchenverfassung ») de 1849. 6. L’oeuvre «Die Leiden des jungen Werther » peut être associée plutôt au « Sturm und Drang » (1774), le « Faust » à la Klassik (1808) et le « Erlkönig » à la Romantik (cf. ci-après). 7. On pensera par exemple au chant de la « Loreley ». d’une part (romantisme) et aux écrits plus satiriques d’autre part (« Deutschland, ein Wintermärchen » …) ; ces derniers s’inscrivent plutôt dans le « Junges Deutschland » et Vormärz et tendent vers le « réalisme ». 8. Une citation de Schlegel est disponible sous : https://de.wikipedia.org/wiki/Deutsche_Romantik.

BRÜ


Défilé vers le château de Hambach en 1832 avec le drapeau "noir-rouge-or" renversé


le journal des avocats

En tout cas, il s’agissait d’un mouvement hétéroclite de tendances diverses et parfois locales, qui s’exprimait dans différents domaines de l’art : on songera à la musique et à ses représentants tels les compositeurs Robert et Clara Schumann, Franz Schubert ou Felix Mendelssohn-Barthold ; ou encore à la peinture, plus particulièrement au peintre Caspar David Friedrich et le voyageur contemplant une mer de nuages. Quant aux auteurs, on peut dire que faisaient partie des romantiques, outre ceux, déjà évoquées : Jean-Paul (Johann Paul Friedrich Richter), Ludwig Tieck10, Novalis (Georg Philipp Friedrich, Freiherr von Hardenberg)11, Friedrich Hölderlin12, le juriste E.T.A. Hoffmann13, Achim von Arnim et Clemens-Brentano qui ont publié le recueil de chants « Des Knaben Wunderhorn14 » et Bettina von Arnim15.

Portrait de Friedrich Schlegel vers 1829, par J. Axmann

Charles Baudelaire écrivait ce qui suit : « (…) Le romantisme n’est précisément ni dans le choix des sujets ni dans la vérité exacte, mais dans la manière de sentir. Ils l’ont cherché en dehors, et c’est en dedans qu’il était seulement possible de le trouver. Pour moi, le romantisme est l’expression la plus récente, la plus actuelle du beau. Il y a autant de beautés qu’il y a de manières habituelles de chercher le bonheur. (…) Qui dit romantisme dit art moderne, — c’est-à-dire intimité, spiritualité, couleur, aspiration vers l’infini, exprimées par tous les moyens que contiennent les arts.9 ».

Portrait de Caspar David Friedrich par Gerhard von Kügelgen vers 1810-1820.

9. Ch. Baudelaire, « Le romantisme n'est que le libéralisme en littérature », Salon d 1846, disponible sous https://fr.wikisource.org/wiki/ Salon_de_1846 (consulté le 17.07.2019). 10. Qui publia Le Chat Botté mais également des contes à teneur fantastique (par exemple Eckbert le Blond, Le Runenberg…). 11. Auteur notamment de Hymnen an die Nacht et de Heinrich de Ofterdingen…. 12. Dont l’oeuvre la plus connue est Hyperion. 13. Auteur (entre autre) de l’opéra Ondine. 14. Des lieder composés par Gustav Mahler. 15. Auteur notamment de Goethes Briefwechsel mit einem Kinde.

BRÜ


Le Voyageur contemplant une mer de nuages de Caspar David Friedrich


le journal des avocats

Différents sujets ont été abordés, généralement en lien avec l’individualisme, les sentiments, le rejet du rationalisme… Ainsi, chez Novalis, on trouve des aspects mystiques (« Toutes choses arrivent en nous bien avant qu’elles aient lieu. »)16, philosophiques17 (« L’acte philosophique par excellence est le meurtre de soi ».), et religieux18. Son œuvre, riche et dense, créée en quelques années puisque l’auteur est décédé à 29 ans seulement, comporte des considérations sur la vie (« La vie est comme la lumière, apte à s’accroître et à décroître, à la graduelle négation d’elle-même »)19, et sur la mort (« La vie de tout s’achève par l’âge et par la mort. Toute poésie a une fin tragique. Toute poésie repose sur un fond de gravité »)20. Chez Hölderlin, une composante mélancolique est très présente: « Tout l’agréable de ce monde, je l’ai eu : Les joies de la jeunesse au loin, si loin ont fui ! Et l’avril et le mai et le juin sont partis, Et je ne suis rien plus. Je n’ai plus gré à vivre.21 » .

Friedrich Hölderlin, Pastell von Franz Karl Hiemer, 1792

16. traduction de Novalis, dans A. Guerne, Les Romantiques allemands, Editions Phébus, 2004, p. 248. 17. A. Guerne, op. cit., p. 257. 18. « Ich sehe dich in tausend Bildern, Maria, lieblich ausgedrückt Doch keins von allen kann Dich schildern, Wie meine Seele dich erblickt ». « En mille images je te vois Marie, adorablement peinte ; Mais nulle ne porte l’empreinte De ce que mon âme aperçoit. ». (A. Guerne, op. cit, pp. 294-295). 19. A. Guerne, op. cit, p. 257. 20. A. Guerne, op. cit., p 253. 21. F. Hölderlin, Das Angenehme, p. 65.

BRÜ


Goethe dans la campagne romaine (Johann Heinrich Wilhelm Tischbein - 1786) — Neu abphotographiert im Städel-Museum Frankfurt von Martin Kraft

Le Roi des Aulnes vu par Moritz von Schwind (1860)


le journal des avocats

D’autres ont utilisé la satire22 ou évoqué la nature, l’obscurité, le surnaturel, le sournois. Enfin, on trouve du mystère, du fantastique, du rêve voire du cauchemar… Comment ne pas citer, dans ce contexte, un extrait du « Roi des Aulnes » de Goethe. Il s’agit d’un poème sur un père qui dans la tempête, traverse à cheval la forêt obscure, en serrant son enfant gémissant contre lui. L’enfant est-il malade ? Quelle est sa quête ou celle de l’enfant en nous ? De nombreuses interprétations ont été fournies. Au lecteur de voir….

Christine Brüls

(…) Mein Vater, mein Vater, und siehst du nicht dort

(…) Mon père, mon père, ne vois-tu pas là-bas

Erlkönigs Töchter am düsteren Ort? –

Les filles du Roi des Aulnes dans ce lieu sombre ?

Mein Sohn, mein Sohn, ich seh’ es genau,

Mon fils, mon fils, je vois bien :

Es scheinen die alten Weiden so grau. –

Ce sont les vieux saules qui paraissent si gris.

„Ich liebe dich, mich reizt deine schöne Gestalt,

Je t'aime, ton joli visage me charme,

Und bist du nicht willig, so brauch ich Gewalt!“

Et si tu ne veux pas, j'utiliserai la force. »

Mein Vater, mein Vater, jetzt fasst er mich an,

Mon père, mon père, maintenant il m'empoigne !

Erlkönig hat mir ein Leids getan. –

Le Roi des Aulnes m'a fait mal !

Dem Vater grauset's, er reitet geschwind,

Le père frissonne d'horreur, il galope à vive allure,

Er hält in den Armen das ächzende Kind,

Il tient dans ses bras l'enfant gémissant,

Erreicht den Hof mit Mühe und Not,

Il arrive à grand peine à son port ;

In seinen Armen das Kind war tot.

Dans ses bras l'enfant était mort.23

Je remercie Messieurs Louis Dehin et Norbert Brüls pour leur relecture.

22. P.ex. Jean-Paul « Procès Groënlandais », « L’Eclipse de Lune » cf (A. Guerne, Les romantiques allemands, p.148-152). 23. https://www.lexilogos.com/allemand_goethe.htm (traduction Xavier Nègre)

BRÜ


• Jean de CODT •

Oncle Charles a eu de la chance

Magistrat depuis trente-six ans, Jean de Codt a siégé dans à peu près toutes les juridictions pénales du Royaume : tribunal de police, tribunal correctionnel, conseil de guerre, chambre du conseil, chambre des mises en accusation, cour d’appel, cour d’assises et chambre criminelle de la Cour de cassation. Il a présidé celle-ci de 2014 à 2019. Il aime l’histoire, les belles lettres et l’aquarelle. Il a découvert l’existence d’affinités profondes entre la poésie, la technique de cassation et la peinture à l’eau.


le journal des avocats

Buste d'Oncle Charles à 20 ans.

Chez mes grands-parents maternels, à Spontin, trônait dans le grand hall un buste en marbre blanc qui attirait mes regards d’enfant. Il s’agissait d’un tout jeune homme arborant une veste à brandebourg avec col montant et fourragère à l’épaule gauche. Il avait les cheveux bouclés, les sourcils bien arqués, les joues à peine entamées par un début de favoris et une petite moustache au-dessus de ses lèvres fines. A l’autre extrémité du grand hall, une table premier empire soutenait également un buste, celui-ci à l’effigie altière de Napoléon Bonaparte. Les deux sculptures se regardaient dans une sorte de dialogue minéral qui me faisait penser à Lamartine : objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme et l’oblige à aimer ? Je sais quelque chose de l’âme du jeune homme à la veste à brandebourg. Mon grand-père m’en a raconté l’histoire. Il s’agissait d’un ascendant en ligne collatérale. Il se nommait Charles de Pierpont. Il naquit au château de Fontaine, à Emptinne, le 4 novembre 1790 et fut baptisé dès le lendemain dans la chapelle castrale. En ce temps-là, on ne traînait pas pour ondoyer les nouveaux nés, par crainte qu’un décès prématuré ne les expédie dans les limbes, un endroit improbable et funeste situé quelque part entre le ciel et l’enfer.

COD


Charles avait vingt ans lorsqu’il fut désigné par tirage au sort pour rejoindre la Grande Armée. Il aurait pu se défiler. Les jeunes gens de bonne famille rachetaient leur service militaire par acte notarié, en le reportant sur un volontaire rétribué à cet effet, conformément à l’article 24 du décret impérial du 8 nivôse An XII. Il en coûtait six cent francs à verser au remplaçant auquel il fallait, en outre, fournir un pantalon, une veste, une capote, deux chemises, une paire de bottes, un chapeau et deux mouchoirs. Ce n’est pas tout : le jeune homme riche devait encore s’acquitter d’une taxe de mille deux cent francs à verser au receveur général du département, moyennant quoi le conscrit était définitivement congédié. Mais Oncle Charles n’a pas voulu entrer dans ces petits arrangements. Puisque le sort l’avait désigné, il allait faire son devoir. Conscrit en 1810, il fit son instruction à Angoulême et fut incorporé au cinquième régiment de hussards, d’où le bel uniforme qu’à la faveur d’une permission chez ses parents à Wanlin, il revint faire admirer par les siens. Fière de lui, sa mère commanda alors le fameux buste perpétuant la mémoire du jeune guerrier. Promu capitaine, Oncle Charles fut l’un de ces quatre cent mille hommes que l’Empereur lança contre la Russie en 1812. On connaît l’épopée : les russes se retiraient, fuyant le contact, pratiquant la politique de la terre brûlée et harcelant les envahisseurs sans répit. Cent trente mille survivants parvinrent sous les murs de Moscou et livrèrent, au maréchal Koutouzov le 7 septembre 1812, la terrible bataille de la Moskova, que les russes appellent bataille de Borodino.

Napoléon près de Borodino, peinture de Vassili Verechtchaguine, 1897.


le journal des avocats

Ce combat, dont chacun des adversaires se prétendit le vainqueur, fut le plus meurtrier de toute l’histoire napoléonienne. Le sang coula d’atroce façon. On se massacra au fusil, au sabre, à la baïonnette ou à coups de poings. Mêlées effroyables, charges infernales, corps à corps hideux se succédèrent pendant douze heures, au rythme de cent quarante coups de canon à la minute, laissant soixante mille morts sur le terrain et trente-cinq mille blessés dont les hurlements, les plaintes, les appels et les râles succédèrent au fracas de la mitraille. Charles eut un cheval tué sous lui. Cité à l’ordre du jour de l’Armée, il reçut la croix. Puis vint la retraite, par moins trente degrés centigrades sous zéro. Charles eut le nez gelé. Ses camarades et lui dévorèrent leurs chevaux. La Grande Armée n’était plus qu’une traînée de spectres lorsque les troupes, épuisées et décimées, arrivèrent à la Bérézina sur laquelle les pionniers avaient construit deux ponts. Notre jeune capitaine ne parvint pas à les franchir. Il fut capturé par les russes. Mais il eut la chance de ne pas tomber entre les mains des cosaques. Ceux-ci déshabillaient leurs prisonniers pour les laisser mourir nus sur des monceaux de neige. Le captif échappa à cette horreur. Il faut savoir qu’à cette époque, les prisonniers de guerre n’étaient pas parqués dans des camps ou des forteresses, comme c’est le cas depuis la guerre des Boers à la fin du dix-neuvième siècle. On les envoyait, en principe, loin à l’arrière où ils devaient gagner leur vie. Personne ne s’occupait d’eux. Oncle Charles fut donc envoyé à Odessa où il demeura quelques années. Il avait réussi à se faire embaucher comme précepteur dans une famille russe. Il enseignait le français aux enfants et l’escrime aux garçons. Il économisait sur ses émoluments la somme nécessaire pour payer le voyage de retour. Avertis erronément de son trépas en 1812, ses parents ne lui furent en effet d’aucun secours. Au bout de huit ans d’absence, il revint au pays. Les cloches de Wanlin sonnaient au moment où il arriva au village. Il n’y avait personne à la maison, à l’exception d’une vieille servante. Interrogeant celle-ci, Charles apprit qu’ils étaient tous à l’église. Il rejoignit le sanctuaire et s’aperçut qu’on y célébrait justement une messe pour le repos de son âme. Il n’osa pas interrompre l’office. Je l’imagine dans la pénombre, éprouvant ce plaisir rare de pouvoir écouter l’éloge funèbre dont on est le sujet. Il attendit donc la fin de la messe pour se montrer à l’assemblée. Stupeur et scepticisme se lisaient sur les visages. Oncle Charles à 80 ans.

COD


Il eut toutes les peines du monde à se faire reconnaître. Cela ne m’étonne pas quand je compare son buste, qui le représente à vingt ans, et une photographie prise de lui à la fin de sa vie : son nez blessé, devenu énorme, le défigurait complètement. Selon la tradition familiale, il fut identifié soit par le curé de Wanlin à qui il aurait montré les cicatrices des coups de fouet reçus de ce digne ecclésiastique pour quelque bêtise d’enfant de chœur, soit par sa mère, celle-ci reconnaissant un grain de beauté qu’il aurait eu dans la partie du dos qui s’arrondit et prend un autre nom. Cette histoire paraît rocambolesque. Pourtant, elle n’a rien d’invraisemblable. Dans « Le colonel Chabert », Balzac évoque le cas d’un officier blessé, jeté tout vivant, après la bataille, dans un charnier dont il réussit à s’extirper. Ce militaire rentra à Paris mais n’arriva jamais à se faire réintégrer dans ses droits, menant une vie misérable dans une sorte de maison de retraite où l’administration l’avait relégué. Je songe aussi à la chanson du brave marin qui revint de guerre, « tout mal chaussé, tout mal vêtu » : il retrouve son village et va au cabaret où personne ne se souvient de lui. Il apprend que sa femme est remariée, qu’elle est heureuse avec son second mari dont elle a eu des enfants. Il en conclut que se faire reconnaître causerait trop de dégâts et il se sacrifie, quittant le pays sans rien dire à personne. Rien de tel pour Oncle Charles. Il a eu beaucoup de chance finalement. De retour en ses foyers en 1820, il échappa au choc sanglant de Waterloo qui eût été son apanage s’il n’avait pas été capturé par les russes. Il se maria en 1825 avec la fille du vicomte de Gaiffier et mena, jusqu’à son décès à Naninne le 26 mars 1873, la vie paisible d’un gentilhomme campagnard visitant ses métayers et arrondissant son bien.


le journal des avocats

COD

Bataille de Borodino, peinture de Peter von Hess, 1843. The State Hermitage Museum. Saint Petersburg

Tout au plus relève-t-on quelques bizarreries dans son comportement. Ainsi, il refusait de sortir par temps de neige. En revanche, il faisait le salut militaire chaque fois que le nom de l’Empereur roulait dans la conversation. Son buste n’est plus à Spontin. Il orne à présent le dessus d’une bibliothèque ventrue garnissant le palier de la cage d’escalier conduisant à ma chambre. Ce meuble est bourré jusqu’à la gueule de vieilles Pasicrisies dont le premier volume s’ouvre, à la première page, sur un arrêt rendu le 18 juin 1815 par la cour impériale de Bruxelles. Il est émouvant de penser que de graves magistrats délibérèrent, impavides, sur la nature mobilière ou immobilière de la rente hypothéquée, au bruit de la canonnade de Waterloo, audible jusque dans la capitale des ducs de Brabant. Aujourd’hui, je ne puis aller me coucher sans passer devant le portrait du jeune homme au collet monté. Vous n’êtes pas obligés de me croire mais quand je m’arrête devant lui et que je prête l’oreille, je crois entendre, venant du tréfonds de cette poitrine refroidie dans le marbre, les premiers accords, si belliqueux, de l’hymne national français : Allons enfants de la patrie, le jour de gloire est arrivé …

Jean de Codt


• Marie COQUIL •

Au ciel la prière à la terre les secrets

Avocate depuis 2012, et exerçant en cabinet individuel à Paris, je suis honorée de pouvoir contribuer à la présente édition du Journal des avocats aux côtés de mes confrères belges. Ceci n'aurait bien sûr pas été possible sans l'aide de Myriam que je remercie.


le journal des avocats

Il est pourtant humain celui que la nature a bien voulu engendrer et qui - blotti dans le creux du lit ou dans l'embrasure de la fenêtre à l'abri de la réalité tourné vers le ciel, et peut être la lune qui serait encore là - demande quelque chose à quelqu'un, au plus grand, au Un davantage de fortune de bonheur et d'amour il ne lui manque plus que cela De loin, le vieux sage reclus lui fait signe ne serait-ce pas l'enfant qu'il devrait prier de l'absoudre ? Il l'assoiffe en appauvrissant sa rivière le blesse en exploitant son agneau le tue en abattant son arbre

COQ



le journal des avocats

Ne sait-il pas qu'il ne pourra être exaucé s'il détruit celui qu'il implore ? Ne comprend-il pas sa place ni sa dépendance ? Dédaignera-t-il son insuffisance ? L'homme ne l'entend pas on lui coupa les oreilles de la hache qui détruit le monde Il ne le sait pas on lui répéta que tout irait bien que ce n'était pas si grave Il ne le ressent pas on lui glaça le cœur en échange de monnaie trébuchante Le petit d'homme lui le sait et bientôt il se penchera sur un caillou à l'aube fera ses adieux à celle qui le porta et vaillamment se dirigera vers l'échafaud de bois construit par son père Au ciel la prière à la terre les secrets Mais quel ciel quel homme quel sage quel petit sans terre ?

Marie Coquil

COQ


• Herman DE CROO •

75 ans

à cheval

1.

Herman De Croo est Ministre d’Etat, Président Honoraire de la Chambre et député. 1. Tableau offert par un ami de Brakel pour mes 80 ans.


le journal des avocats

Nous sommes cavaliers, de père en fils, depuis plusieurs siècles. À Michelbeke - j’en fus le dernier bourgmestre en 1971 - notre caveau familial, à gauche de la tour de l’église St Sébastien, contient pour ainsi dire tout mon DNA. Les chevaux font partie de ma vie, comme ils ont fait partie des générations de la famille DE CROO, qui me précéda dans le même village et dans la même rue. Un de mes aïeux directs fonda, il y a près de 200 ans, la procession de Saint Sébastien à cheval – patron de Michelbeke – et nous sommes le capitaine de génération en génération. Mon fils Alexander DE CROO, Vice-premier actuel, député et actif en politique nationale, internationale et locale, me succèdera un jour. Dangereux mais inévitable.

DEC


Le bourgmestre avec son fils à cheval

Je dois être à mon 13ème ou 14ème cheval : nous en avons en général trois, de bonne origine, ayant comme on dit, d’excellents papiers, mais rien n’est prévisible dans l’attitude d’un cheval, dont le disque dur de la mémoire reste infaillible. A la demande de feu ma mère, j’accompagnai mon père lorsqu’il montait encore après ses 80 ans, Alexander est mon compagnon depuis que j’ai dépassé cet âge. La vallée de la Zwalm, l’une des très belles vallées des Ardennes flamandes, de Flobecq à l’Escaut, nous donne–hélas seulement une fois par semaine– la course en montant les côtes au trot ou au galop et la conversation, lorsqu’inévitablement nous devons prendre les pentes au pas. Jusqu’au dernier coup de sabot. Le cheval vous monopolise ou fait sortir ce qu’il ressent. Il essaye de vous faire entendre et voir ce qu’il entend beaucoup mieux et voit beaucoup plus vite et plus loin que vous-même.


le journal des avocats

DEC

En selle, il est impossible de penser à autre chose qu’à l’environnement proche, parcouru par ce binôme soudé : cavalier et cheval. Même pour des randonnées de 10 à 15 km, parfois plus, je crois que nous connaissons jusqu’au dernier mètre le parcours que nous y fîmes, jusqu’un dernier coup de sabot. Rentrant sur la cour pierrée de ma maison paternelle où se trouvent nos écuries, c’est un peu comme atterrir à Zaventem après le xième vol de l’année : le bruit des sabots sur la pierre bleue, le freinage de l’avion sur la piste où il atterrit, me font soupirer avec une joyeuse émotion : ce ne sera pas pour cette fois-ci… C’est ce que je voudrais encore de nombreuses et de nombreuses fois murmurer entre mes lèvres émues et rentrant au bercail familial – l’écurie donc – taper de la main sur le cou de la jument ou du hongre que nous montons. Raffinement… La vallée de la Zwalm est encaissée et l’été cela nous permet soit de monter tôt, soit de monter tard, lumière du jour aidant. Nous en sommes arrivés à ce type de raffinement que si c’est le matin nous empruntons les collines de la Le Président de la cavalcade avec son adjoint, porteur du drapeau de rive droite et le soir celles de la rive l’église paroissiale. Cercle équestre St Sébastien au début de la procession. gauche, pour ne pas avoir le soleil du matin, ni celui du soir, dans les yeux, mais de pouvoir - avec la lumière - redécouvrir à chaque tournant ce merveilleux paysage, avec ses fragilités et son harmonie, coloré par ses peupliers en rideau, ses prairies et ses champs aux couleurs de grands damiers irréguliers. Je crois que ce sera ce paysage-là que j’aurai devant les yeux quand ils se fermeront pour la dernière fois…

Herman De Croo


• Francis DELPÉRÉE •

Bonaparte v. Napoléon

Francis Delpérée est professeur émérite de l’UCLouvain. Il est membre de l’Académie royale de Belgique et de l’Institut de France. Il est avocat honoraire. Il a été sénateur et député. Il préside la section « Belgique » de la Société de la Légion d’honneur.


le journal des avocats

« Ce siècle avait deux ans ! Rome remplaçait Sparte Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte ». En deux vers, Victor Hugo résume le paradoxe de la situation. La continuité tient à la personne. « Pourvu que cela dure », disait sa mère. Le changement est celui du régime institutionnel. Le Directoire, prolongé par le Consulat, prépare l’Empire. Mais celui-ci affiche une réelle originalité par rapport à ses prédécesseurs.

1.— C’est vrai du style. Au lendemain de la Terreur, le mobilier se veut sobre, simple, épuré. Ah, la méridienne de Madame de Récamier et les commodes aux pieds crochus ! L’on est loin des panoplies guerrières et des cygnes hiératiques qu’inspireront des victoires aux quatre coins du monde. Les différences se marquent aussi sur le terrain institutionnel. La parenthèse révolutionnaire se ferme avec le coup d’Etat du 18 brumaire an VIII, écrit Michelet. De nouveaux édifices sortent de terre : la Banque de France, la Cour des comptes, le Conseil d’État. Quant aux études de notaire, elles sont réorganisées en profondeur par la loi du 25 ventôse an XI. L’Empire profitera de ces acquis. Il ne reniera pas l’héritage immédiat. Mais il ne participera pas à ce grand mouvement créatif. Comme si le souffle rénovateur s’était éteint avec le sacre de l’Empereur. Sous les voûtes de Notre-Dame.

DEL


2.— Le Consulat a permis l’édification de deux monuments. Ils sont inscrits sur la liste du patrimoine juridique de l’Humanité. Ils sont l’œuvre d’une république assagie qui renoue avec les perspectives universalistes de la Déclaration de ‘89. L’un instaure la paix religieuse, l’autre l’unification du droit. Le premier monument, c’est le concordat. Soit un traité passé avec le Saint-Siège. Il est conclu le 28 messidor an IX. Désormais, l’Eglise s’organise à l’image de la Grande armée. Les évêques sont nommés par le gouvernement. Eux-mêmes désignent les curés. Tous jurent fidélité à la Constitution. En contrepartie, les nouveaux conscrits bénéficieront d’un statut de fonctionnaire et percevront un traitement. L’on sait que, dès 1831, la Belgique unioniste s’est émancipée des rigidités de cet accord international. Le second monument, c’est le code civil, encore appelé — c'est logique — le code Napoléon. Il est promulgué le 30 ventôse an XII. A une époque, faut-il le rappeler ? Où les territoires qui composent la Belgique d’aujourd’hui relevaient de la République. Le code laboure en profondeur la société française en même temps qu’il l’unifie. Un seul exemple. Nul ne l’ignore. Le Premier consul tient des propos peu amènes à l’égard des femmes. Les deux épouses et les quelque cinquante maîtresses sont logées à la même enseigne. Il n’empêche. Pour la première fois, le code civil place fille et garçon sur pied d’égalité. Pas dans le mariage — là où le pater familias exerce évidemment tous les droits, y compris celui de tromper sa femme (sauf au domicile conjugal) — mais dans l’ordre des successions et des partages. Le progrès n’est pas négligeable.


le journal des avocats

3.— Il y a les institutions. Il y a les codes et les lois. Il y a aussi les colifichets. Nous voici à la charnière du Consulat et de l’Empire. Le général Bonaparte institue le ruban rouge. L’empereur Napoléon va le distribuer. Insigne

Avers © ECPAD

Revers © ECPAD

Plaque de Grand Aigle de la Légion d’honneur de Cambacérès (1753-1824) L'insigne de la Légion d’honneur est une étoile à cinq rayons doubles, surmontée d’une couronne de chêne et de laurier. Le centre de l’étoile, émaillée de blanc, est entouré de branches de chêne et de laurier et présente à l’avers l’effigie de la République avec cet exergue : « République française ». Au revers, deux drapeaux tricolores avec en exergue la devise de l’ordre, « Honneur et Patrie » et sa date de création, « 29 floréal an X » (19 mai 1802). Nous sommes le 29 floréal an X. Les insignes sont promis aux soldats et aux savants. « Les soldats ne sachant ni lire ni écrire seront fiers de porter la même décoration que les savants illustres, et ceux-ci attacheront d’autant plus de prix à cette récompense qu’elle sera la même que pour les braves ». Dixit Bonaparte. Ses successeurs, grands maîtres de la Légion d’honneur, élargiront le champ des bénéficiaires : politiques, magistrats, diplomates, fonctionnaires… Sans oublier les artistes et les sportifs.

DEL


Contrairement à une idée reçue, l’ordre — le premier, au regard du protocole — n’a pas été instauré sans mal. L’entourage du Premier Consul ne débordait pas d’enthousiasme. Monge — de l’Ecole polytechnique — fit valoir que « ces croix, ces plaques, ces cordons ne sont que du clinquant, de véritables hochets ». Lebrun — troisième consul — rappela que l’égalité des citoyens contribuait à « l’harmonie du nouvel édifice politique » et qu’il n’y avait pas lieu de l’affecter en distinguant certains d’entre eux. Berlier — du Conseil d’État — craignit la résurgence des ordres d’Ancien régime. Bonaparte balaya les objections. De quelques mots cinglants. « On appelle cela des hochets. Eh bien, c’est avec des hochets que l’on mène les hommes. Je ne dirais pas cela à une tribune ; mais dans un conseil de sages et d’hommes d’État, on doit tout dire ». L’admonestation produisit ses effets. Le Conseil d’État, le Tribunat, le Corps législatif, sans même parler de l’opinion publique, acquiescèrent sans tergiverser à la proposition consulaire. Comment ne pas adhérer à « l’initiative du jeune vainqueur d’Arcole, de Rivoli, des Pyramides et de Marengo » (L. Bonneville de Marsangy) ?

4.— La morale de l’histoire saute aux yeux. Il n’y a pas d’Empire sans empereur. Napoléon fut de ceux-là.

Pierre-Jean de Béranger, un autre poète, le chante à sa manière dans « Les souvenirs du peuple » : « Bien, dit-on, qu’il nous ait nui / Le peuple encore le révère, oui, le révère / Parlez-nous de lui, Grand-mère / Parlez-nous de lui ».

Francis Delpérée


Votre avenir professionnel ? Comme sur des roulettes !

Quand on commence sa carrière d’avocat, mieux vaut être bien accompagné. Comme 90% de vos confrères, faites confiance aux services Privalis d’ING. Des conseils, des solutions et des offres promotionnelles sur mesure pour vos besoins professionnels et privés. Découvrez notre offre sur ing.be/avocat-stagiaire

Off re valable à des fins professionnelles et privées, sous réserve d’acceptation par ING Belgique et d’accord mutuel. Les services Privalis d’ING sont réservés aux avocats(-stagiaires), (candidats-)notaires ou (candidats-)huissiers de justice. Les conditions et modalités des produits et services ING (règlements, tarifs et taux, fiches produits et toutes autres informations complémentaires) sont disponibles dans toutes les agences ING et sur ing.be. ING Belgique SA - Banque - Avenue Marnix 24, B-1000 Bruxelles - RPM Bruxelles - TVA BE 0403.200.393 - BIC : BBRUBEBB - IBAN : BE45 3109 1560 2789 - Courtier d’assurances inscrit à la FSMA sous le n°12381A. Editeur responsable : Philippe Wallez –Cours Saint-Michel 60 ; B-1040 Bruxelles, Belgique.


• Patrick HENRY & Julie HENRY •

Oh, là, là ! Quelle

H

istoire...

De Paris à Liège : au temps où les avocats faisaient les révolutions

Ancien président du Jeune Barreau de Liège, ancien capitaine du F.C. Barreau de Liège, ancien bâtonnier, ancien chef de la délégation belge auprès du C.C.B.E., ancien président d'AVOCATS.BE, bref ancien combattant (en un ou deux mots ?), Patrick Henry est surtout préocupé par le futur et celui des avocats en particulier. Mais il n'y a pas d'avenir sans passé. Julie Henry, fille du précédent (dans tous les sens du mot), est avocate au barreau de Liège depuis 2009. Elle s’est spécialisée dans le droit de la construction et a fait partie de la commission de la Conférence Libre du Jeune Barreau. Digne fille de son père, elle restera à jamais la première buteuse de la section féminine du F.C. Barreau de Liège.


le journal des avocats

« À Monsieur Cambacérès. Vendémiaire an XIII (octobre 1804) Mon cousin, Je reçois un projet de décret sur les avocats ; il n’y a rien qui donne au grand juge les moyens de les contenir. J’aime mieux ne rien faire que de m’ôter les moyens de prendre des mesures contre ce tas de bavards, artisans de révolutions, et qui ne sont inspirés presque tous que par le crime et la corruption. Tant que j’aurai l’épée au côté, je ne signerai jamais un décret aussi absurde ; je veux qu’on puisse couper la langue à un avocat qui s'en sert contre le gouvernement. NAPOLÉON »1

Les trois Consuls : A gauche, Jean-Jacques Régis de Cambacérès, au centre Napoléon Bonaparte et à droite Charles-François Lebrun / par Vengorpe. (Bibliothèque Nationale, Paris) 1. G. DUCHAINE et E. PICARD, Manuel pratique de la profession d'avocat en Belgique, Bruxelles, 1869, p. 14.

HEN


Comment en est-on arrivé là ?

Remontons un peu plus loin.

Dans son célèbre Dialogue des avocats du parlement de Paris, au début du XVIIe siècle, Loisel avance d’entrée : « Comme un estat ne peut subsister sans iustice, aussi la iustice ne peut se poursuivre et s’exercer sans l’assistance et le conseil de ses ministres, dont les advocats sont les principaux » .

D’abord, il y eut les Grecs : Protagoras, Gorgias et les sophistes, puis Démosthène. Ils n’étaient pas tout à fait des avocats comme on l’entend aujourd’hui. A Athènes, on devait se défendre soi-même. Mais on pouvait aussi se faire assister par un « ami ». Les ancêtres des avocats y parlaient pour autrui, débattaient, défendaient des causes, mais étaient sans doute plus des rhéteurs que des défenseurs. Pas toujours cependant. Vous souvenez-vous du procès de Phryné ?

L’avocat est, à cette époque, en haute estime. Le métier conduit généralement à la noblesse et à des postes de conseiller du Roi. « L’estat d’advocat estoit alors si honorable, que toute la ieunesse la mieux instruite, voire des meilleures maisons, tendoit à faire montre de son esprit en cette charge, avant que de se mettre aux offices des conseillers ou autres », poursuit Loisel en parlant du temps où il entra en profession, en 1549. 2. LOISEL et PASQUIER, Dialogue des avocats du Parlement de Paris, Paris, Videcoq, 1844 (rééd).

Phryné était une femme d’une grande beauté. Praxitèle la prit pour modèle pour sculpter son Aphrodite de Cnide et Apelle pour peindre son Aphrodite Anadyomène. Elle pratiquait à Athènes un métier dont on dit qu’il est – avec celui d’avocat – l’un des plus vieux du monde. Celui que l’on nomme par le féminin de ce mot qui désigne les disciples d’Aristote : les péripatéticiens. . Aussi organisatrice d'une confrérie religieuse vouée au culte du dieu thrace Isodaétes, une variante locale de Dionysos, elle est accusée par l'un de ses anciens amants d'introduire une divinité étrangère à Athènes et, par là-même, de corrompre les jeunes femmes. Lors de son procès, alors que le temps imparti à la défense touche à sa fin, surgit soudain Hypéride, un ami de Praxitèle, disciple de Platon extrêmement brillant et, aussi, un de ses amants. Evoquant la générosité de Phryné, particulièrement à l’égard des nombreux réfugiés thébains qui peuplent la Cité, il se lance dans un plaidoyer resté légendaire, soulève la foule et confond Osco et Lamaco, ses accusateurs. Mais les héliastes campent sur leur position et veulent délibérer sur-le-champ. Selon Athénée, Hypéride, sentant la cause perdue, aurait alors, dans un geste impétueux immortalisé par des tableaux de Jean-Léon Gérôme et Paul Delvaux, un poème de Baudelaire et un opéra de Saint-Saëns, déchiré la tunique de Phryné, dévoilant aux jurés son corps nu et emportant ainsi leur faveur. Phryné est acquittée et portée en triomphe au temple d'Aphrodite. Mais c’est à Rome que les Caton, Cicéron et autres Quintilien, en joignant progressivement la science du droit à la représentation du justiciable, vont faire émerger la notion d’advocatus (celui que l’on appelle), véritable ancêtre de notre profession.


le journal des avocats

Phryne on the Poseidon's celebration in Eleusis - Genrich Ippolitovich Semiradsky - Roma, 1889 Copy by Nikolay Pavlenko -1894 after painting with same name of Henryk Siemiradzki

Vous connaissez évidemment le Delenda est Carthago de Caton et le Catilina, usque tandem abuteris patientam nostram de Cicéron, qui restent des monuments de l’éloquence. Mais connaissezvous aussi la formule QQOQCCP ?

Quintilien y décrit les cinq actes qui caractérisent l’art oratoire : • inventio : trouver quoi dire. • dispositio : savoir organiser ce qu'on va dire. • elocutio : choisir la façon pour le dire. • actio : savoir allier la parole et le geste. • memoria : retenir ce qu'on doit dire.

HEN


Celle-ci trouve son origine dans les travaux de Quintilien. Quintilien est un avocat né en 42 après JC en Espagne, dans le Rioja. Fantastique plaideur, il abandonne le métier après vingt années de succès pour créer une école d’art oratoire et se consacrer à l’enseignement. Sa plus grande œuvre, De institutione oratoria, qu’il écrit à la fin de sa vie, reste enseignée aujourd’hui. L’empereur Frédéric II en a dit : « Pour la rhétorique, qu'on s'en tienne à Quintilien. Quiconque, en l'étudiant, ne parvient pas à l'éloquence, n'y parviendra jamais ». Quis, quid, ubi, quibus auxiliis, cur, quomodo, quando : « Qui, quoi, où, avec quels moyens, pourquoi, comment, quand ? » Ce principe, devenu QQOQCCP (les 5 W, en anglais : Who, What, Where, When, Why), « Qui fait quoi ? Où ? Quand ? Comment ? Combien ? Pourquoi ? », résume les bases que

tout avocat doit mettre en œuvre pour analyser un dossier et construire sa plaidoirie. A la cour de Charlemagne, on trouve des « emparliers ». Selon l’Encyclopédie de Diderot et d’Alambert, le mot « emparlier » (« taalman » en néerlandais) est « le nom que l’on donnoit anciennement aux avocats plaidans, comme on le voit dans les anciennes coutûmes, styles et pratiques. Ce nom étoit relatif à leur profession qui est de parler en public ; ils ont été appelés conteurs ou plaideurs, clamatores ». Dans un capitulaire du 802, Charlemagne consacre le droit pour toute partie, incapable de se défendre seule, de faire appel à une personne instruite et capable.

Saint Yves, patron des avocats - Date 1645 Tableau de Jacob Jordaens (1593–1678) Collection des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique


le journal des avocats

Yves de Hélory de Kermartin naît en 1253. Il sera à la fois prêtre, avocat, magistrat et official du diocèse de Tréguier. Il acquiert rapidement la réputation de rendre la justice avec un grand sens de l’équité. Ainsi à Rennes, il se voit confier une affaire opposant un aubergiste à un mendiant. Ce dernier est accusé par le premier d'avoir été pris à rôder autour des cuisines; comme l'aubergiste ne peut l'accuser d'avoir volé de la nourriture, il l'accuse de se nourrir des odeurs de sa cuisine… Le jugement a dû en étonner plus d'un ! Saint Yves prend quelques pièces dans sa bourse et les jette sur la table devant lui ; l'aubergiste tend la main pour les prendre mais Saint Yves retient sa main. L'aubergiste s'exclame : « c'est à moi ». Yves lui répond « ah non ! le son paie l'odeur, à cet homme l'odeur de ta cuisine, à toi le son de ces pièces ! ». Saint Yves sera reconnu par les démunis comme l'avocat qui fait justice aux pauvres et ne tient pas compte de la condition sociale. C'est ainsi qu'autrefois dans un vieux cantique populaire, on le fêtait en chantant « Sanctus Yvo erat brito; advocatus sed non latro, res mirabilis populo », « Saint Yves était breton, avocat mais pas voleur, chose admirable pour le peuple ! ».

L'avocat des pauvres assume ses fonctions auprès du Parlement de Provence jusqu'à la fin du XVIIe siècleDepuis cette date, l’histoire de la profession est indissociablement liée à celle de son indépendance et de sa liberté d’expression. Sous Philippe IV le Bel, une ordonnance de 1291, interdit déjà les propos injurieux et prescrit aux avocats de n’avancer que des faits exacts. Dans les provinces belges, l’Ordonnance d’Albert et Isabelle pour le Conseil du Brabant du 13 avril 1604 énonce que l’avocat doit jurer de « porter en tous lieux et en toute circonstances honneur et révérence à Monsieur le Chancelier et autres seigneurs du Conseil…, servir loyalement et diligemment (ses) maîtres, … n’accepter et ne défendre aucune cause qu’(il) sait être mal fondée… ». La référence à l’indépendance ne peut se lire qu’entre les lignes, lorsque l’avocat doit aussi promettre de « comporter toujours en bon, vrai et loyal avocat ».

Il meurt en 1303 et sera canonisé par le pape Clément VI, en Avignon, le 19 mai 1347. A sa suite, apparaît l’avocat de Carpentras et les avocats des pauvres, qui prêtent leur ministère à la veuve et à l’orphelin. Sans doute est-ce l’influence de Saint Yves, les papes avignonnais vont créer l’institution de « l’avocat des pauvres », véritable ancêtre de nos Bureaux d’aide juridique. La charge d'avocat des pauvres est créée à la fin du XIVe siècle. Officier spécifique à la Provence, il siège à Carpentras, à vingt kilomètres de la Cité des Papes. C'est l'assistance judiciaire de l'époque. Nommé par le vice-légat, il était à la disposition des indigents mais il devait aussi assurer la défense des faibles, des veuves, des orphelins, religieux et autres personnes ne jouissant pas d'une capacité juridique entière.

Mais les idées progressent. La notion de personne émerge progressivement. Les lumières ne sont pas loin.

HEN


En 1693, le chancelier d’Aguesseau prononce son célèbre discours sur les avocats3 : « Dans cet assujettissement presque général de toutes les conditions, un Ordre aussi ancien que la magistrature, aussi noble que la vertu, aussi nécessaire que la justice, se distingue par un caractère qui lui est propre ; et seul entre tous les états, il se maintient dans l’heureuse et paisible possession de son indépendance. Libre sans être inutile à sa patrie, il se consacre au public sans en être l’esclave… ». Au XVIIIe siècle, prenant résolument pied dans la cité, les avocats s’impliquent ardemment dans les grands débats de l’époque, comme, par exemple, la résistance que le Parlement opposera à la bulle antijanséniste Ungenitus4, que le premier ministre (et cardinal) Fleury souhaite, en 1730, imposer comme loi du Royaume. Pendant plus de vingt ans, juges et magistrats ferrailleront avec le pouvoir à coup de « consultations publiques », signées par de nombreux avocats, de grèves, d’arrestations et d’exils. Parallèlement, les avocats s’engagent aux côtés des paysans, qui contestent les privilèges seigneuriaux. A partir de 1730, les communautés paysannes entament une série de procédures pour obtenir l’annulation des prélèvements seigneuriaux, des inégalités en matière de propriété, etc. Les avocats appuient ces revendications, d’abord avec des arguments conventionnels (invitation faites aux seigneurs de produire leurs titres) mais ensuite en remettant en cause la philosophie même du système féodal. Il s’agit, progressivement, de proclamer les droits de la personne, de contester sa condition de sujet du Prince. 3. H.F. d’Aguesseau, « Premier discours prononcé en 1693 : l’indépendance de l’avocat », in Œuvres complètes du chancelier d’Aguesseau, Paris, Fantin et compagnie, 1819, t. I, pp. 1-13. 4. La bulle Unigenitus ou Unigenitus Dei Filius est la bulle que le pape Clément XI édicte en septembre 1713 pour dénoncer le jansénisme. Elle vise plus particulièrement l'oratorien Pasquier Quesnel et condamne comme fausses et hérétiques cent une propositions extraites des Réflexions morales, son ouvrage paru en 1692 et qui continue d'asseoir son succès.

Le barreau devient ainsi une force politique organisée. En 1730, la consultation dite « des quarante » (parce qu’elle était signée par quarante avocats) affirme ainsi, notamment que « les lois sont de véritables conventions entre ceux qui gouvernent & ceux qui sont gouvernés », en précisant que le Roi est réduit à « ne pouvoir traiter que d’égal à égal, par forme de contrat avec ses sujets ». Mais cette indépendance nouvellement affirmée sera aussi mise au service de causes individuelles. La deuxième moitié du siècle est marquée par une série de procès célèbres, au premier rang desquels l’affaire Calas. Calas était un négociant protestant, condamné à mort pour parricide par le Parlement de Toulouse. Il est exécuté en 1762. Voltaire en fait un symbole des dysfonctionnements de la justice de son temps. Il charge l’avocat Elie de Beaumont de rédiger des consultations publiques, co-signées par de nombreux autres avocats, dans le but de développer des arguments en vue de la révision du procès. La critique est virulente et souvent ad hominem. En 1765, Calas est réhabilité. D’autres affaires suivent le même canevas. L’affaire Cléreaux, jeune domestique chassée par son maître, un riche négociant de Rouen, qui l’accusait de vol et refusait de lui rendre ses maigres économies, en constitue l’archétype. C’est Maître Froudière qui assume sa défense. Il utilise les mêmes armes : consultations et mémoires publics. La défense de rupture est née. « Qu’est-ce que le juge ? », demande le bâtonnier Falconnet : « la voix du souverain. Qu’est-ce que l’avocat ? La voix de la Nation ». Le barreau s’est clairement affirmé comme un contrepouvoir. L’affaire Linguet va servir de détonateur. Linguet est un jeune avocat particulièrement brillant, qui manie avec une grande aisance la provocation.


le journal des avocats

Après s’être illustré dans les affaires Marthe Camp et Comte de Morangiès, notamment en utilisant la presse pour se ménager le soutien de l’opinion publique, il accepte la défense, en 1773, de la marquise de Béthune dans un conflit qui l’oppose au marquis de Béthune, au duc de Lauzun et au maréchal de Broglie. Ceux-ci ont pris pour conseil un avocat célèbre, plus âgé et plus classique, Gerbier. Celui-ci, qui a perdu plusieurs affaires contre Linguet, tente d’écarter celui-ci de l’affaire, en invoquant divers arguments qui nous paraitraient aujourd’hui étranges.

C’est dans ce contexte que le chancelier Maupéou, pour briser l’opposition répétitive de l’Ordre entreprend d’imposer une grande réforme.

Gerbier obtient un avis favorable d’un comité ad hoc au début de l’année 1774. Linguet se déchaine, fait éditer à trois mille exemplaires des Réflexions pour Me Linguet, avocat de la comtesse de Béthune.

Le 2 septembre 1790, dès le début de la révolution, avant même l’abolition des corporations par la loi Le Chapelier (14 juin 1791), l’Assemblée constituante dissout l’Ordre des avocats et bannit la notion même d’avocat :

« Si mon Ordre ne vient pas à mon secours, j’en appelle à la justice : si la justice… avait la faiblesse de se taire… j’en appellerais au public… », écrit-il. L’Ordre estime que les bornes ont été dépassées. La radiation de Linguet est sollicitée. Il est amusant de relever que l’avocat général qui la soutiendra s’appelle Jacques de Vergès… Une première « défense provisoire de communiquer » est annulée par le Parlement en janvier 1775. Mais le 3 février 1775, après une passe d’armes d’une virulence inouïe, l’assemblée générale du barreau (qui, il est vrai, sort d’une crise particulièrement grave, comme nous allons le voir) vote la radiation par cent nonante-sept voix sur deux cent dix. Linguet a perdu. Mais l’Ordre n’a pas gagné, et la liberté d’expression non plus. Dans un retentissant Appel à la postérité, Linguet le discrédite : « Il existe en Europe… une société qui a le privilège de ne reconnaître aucune espèce de loi, ni de puissance, ni d’autorité, qui fait des procès à ses membres, sans rien écrire, sans rien constater, sans rien examiner, sans rien alléguer, qui les condamne à la mort civile et les exécute sans qu’il y ait aucune ressource pour éluder ses arrêts ».

Il s’agit de supprimer les offices et de créer un nouveau Parlement. L’opposition est vive. La grève est déclenchée. Après 4 ans de paralysie totale de l’Ordre, Louis XVI finira par abandonner la réforme, mais c’est un barreau complètement divisé qui sort de cette épreuve.

Article 10 : « Les hommes de loi, ci-devant appelés avocats, ne devant former ni ordre ni corporation, n’auront aucun costume particulier dans leur fonction ». La défense sera dorénavant assurée par des « défenseurs officieux » ou « hommes de loi », qui ne doivent répondre devant aucune autorité disciplinaire. Il est piquant de relever que ce vote, acquis à l’unanimité moins une voix, intervient sur la proposition d’un avocat, Nicolas Bergasse, et que les avocats composent pourtant une bonne partie de l’assemblée (un tiers environ : l’assemblée législative, qui succède à la Constituante, est même composée de près de 400 avocats sur 745 députés). Il semble que les Ordres, assimilés, malgré les dénégations de leurs membres les plus éminents5, aux corporations, aient été, aussi en raison de leurs luttes internes, emportés par l’abolition de toutes les institutions de l’ancien régime. 5. « À aucune époque, nous n’avons formé une corporation. Nous n’avons jamais été que les membres d’une société libre et volontaire… » écrit F. Liouville en 1864 (De la profession d’avocat, Paris, Cosse et Marchal, 1864, p. 262). Et le bâtonnier Georges Flécheux de renchérir : « Nous ne sommes ni une corporation, ni un syndicat : nous sommes un Ordre » (Gazette du palais, 29-30 janvier 1992, p. 16).

HEN


Exit le Parlement, exit l’Ordre. La robe disparaît. Le barreau serait-il contraire aux droits de l’homme ?

Conformément au décret, un tableau est dressé dans toutes les villes comptant au moins vingt avocats.

Mais ce n’est pas pour très longtemps. La nécessité de la défense est d’abord affirmée par le décret des 29 janvier et 20 mars 1791, qui institue les avoués, chargés de représenter les parties devant les tribunaux mais qui autorise celles-ci, pour leur défense à « employer le ministère d’un défenseur officieux pour leur défense, soit verbale, soit par écrit ».

Dans nos provinces, le premier tableau à Bruxelles est dressé le 13 juin 1811. Il compte 174 noms (un chiffre qui représente moins de la moitié du nombre d’avocats au Conseil de Brabant à la fin de son existence, quinze ans plus tôt). Le premier Conseil de discipline se réunit le 22 juin, sous la présidence du bâtonnier Jean-Baptiste Kockaert.

Très vite, la nécessité d’une profession dotée d’une déontologie, en la parole de laquelle les juges peuvent se fonder, apparaît comme une évidence. L’action des juridictions est véritablement paralysée par les défaillances des défenseurs officieux. Les anciens avocats sont priés de reprendre du service. Et l’on voit apparaître deux classes de défenseurs : les avocats du marais, d’une part, c’est-à-dire les anciens avocats, parmi lesquels Berryer, père et fils, et les autres. Dès 1796, de nouvelles dispositions sont adoptées, qui font réapparaître les avocats. La robe revient en 1802. La loi du 13 mars 1804 reconnait le titre d’avocat : « Il sera formé un tableau des avocats près les Tribunaux ». Mais c’est à ce moment que Napoléon refuse de signer le projet de décret que lui soumet son cousin Cambacérès. « Ce sont des factieux », écrit-il.

Liège emboite le pas de Bruxelles dans les semaines qui suivent. Le bâtonnier Charles François Joseph de Warzée préside le premier conseil de discipline le 12 septembre 1811. Maître de Warzée avait été « avocat fiscal » du Conseil ordinaire de Liège, député aux Etats, dès 1785. Siègent également dans ce premier conseil de l’Ordre : Maîtres Dejaer, Harzé, Moreau, Stellingwerff, Henkart, Jean-Hubert Vincent, qui sera bâtonnier en 1825-1826 et, surtout, JeanFrançois Lesoinne, qui sera huit fois bâtonnier, d’abord de 1814 à 1820, puis, immédiatement après la révolution, de 1831 à 1833. Lesoinne compte parmi les plus grands ténors de notre barreau, se distinguant notamment pour ses plaidoiries dans l’affaire du Duché de Bouillon, que se disputeront la France et les Pays-Bas de 1814 à 1825. Il plaide ce dossier aux côtés de Jean-Baptiste Teste, avocat français exilé après la défaite de Napoléon, qui s’inscrit alors au barreau de Liège et en deviendra à son tour bâtonnier, à une époque charnière, en 1829-1830.

L’histoire récente ne lui donne pas tort. Après bien des efforts, les anciens avocats obtiennent néanmoins de Napoléon le rétablissement des barreaux et des Ordres d'avocats par le décret du 14 décembre 1810. C’est au Procureur général qu’est confié le soin de nommer le Bâtonnier et les membres du conseil de l'Ordre. Et « le grand juge », entendez le ministre de la Justice, a le pouvoir de rayer un avocat du tableau, sans même l’avoir entendu.

Le statut des avocats à la barre est défini par le décret du 14 décembre 1810. Il reste manifestement empreint de la plus grande méfiance : il est interdit aux avocats « de se livrer à des injures ou personnalités offensantes envers les parties ou leurs défenseurs, d'avancer aucun fait grave contre l'honneur et la réputation des parties, à moins que la nécessité de la cause ne l'exige, et qu'ils n'en aient charge expresse et par écrit de leurs clients ou des avoués de leurs clients ; le tout à peine d'être poursuivis, ainsi qu'il est dit dans l'art. 377 du Code


le journal des avocats

pénal » ou « de s'écarter, soit dans leurs discours, soit dans leurs écrits, ou de toute autre manière quelconque, du respect dû à la justice ; comme aussi de ne point manquer aux justes égards qu'ils doivent à chacun des magistrats devant lesquels ils exercent leur ministère » ou encore, « d'attaquer les principes de la monarchie et les constitutions de l'Empire, les lois et les autorités établies ». En 1815, sous le régime hollandais de Guillaume Ier, aucun grand changement n’intervient pour les avocats des neuf départements belges.

Sept avocats6 sont alors venus à son aide, surmontant leur crainte de ce pouvoir despotique, en signant une consultation de défense commune, dans laquelle on pouvait lire : « L’article 227 de la loi fondamentale eût tendu un piège aux Belges animés par le patriotisme, si l’auteur d’un écrit rédigé dans le but d’utilité générale, mais qui attaque les actes ministériels en signalant leurs vices, était exposé à perdre la liberté et peut être la vie dans les angoisses d’une prison. L’habitude de sévir contre les hommes qui déplaisent aux puissants, de les emprisonner s’ils sont indigènes, de les exiler s’ils sont étrangers, anéantirait toutes les suretés du royaume ». Ce texte leur valu une suspension et ils furent à leur tour emprisonnés par ordre du ministre de la Justice Van Maanen. La chambre d’accusation les déchargea de la plainte, mais leur suspension ne fut pas révoquée. Il va de soi que ces sanctions ont laissé un douloureux souvenir aux avocats du Barreau de Bruxelles. Nouvel incident en 1827, lorsque Van Maanen défendit un projet d’organisation judiciaire qui imposait la langue néerlandaise comme langue judiciaire, même pour les plaidoiries. Bien que l’intérêt des Barreaux ait été directement en jeu, les avocats bruxellois n’ont, dans un premier temps, que très peu protesté, car à leurs yeux, Van Maanen était un dictateur dont on ne pouvait braver les volontés.

Le Gouvernement néerlandais fera d’ailleurs usage du décret napoléonien qui avait prévu la possibilité, pour le ministre de la Justice, de sanctionner un avocat. Maître Vanderstraeten, un avocat bruxellois, qui avait vivement critiqué le comportement des ministres de Guillaume dans un livre intitulé De l’état actuel des Pays-Bas (1819), fut emprisonné et mis au secret comme un criminel d’Etat.

Il n’en alla cependant pas ainsi en Wallonie, et particulièrement à Liège. Les avocats liégeois – seul barreau des provinces francophones de l’époque, le second ne sera créé, à Mons, qu’en 1833 - ont été les opposants les plus virulents de la politique linguistique de Guillaume Ier et de son ministre de la Justice. Celui-ci se plaint, en 1829, de l’esprit d’opposition des avocats méridionaux qui, « au lieu d’être un des principaux piliers du bâtiment 6. Mes Tarte, Beyens (aîné et cadet), Barthélemy, Donker, Defrenne et Stevens.

HEN


étatique, nuisent autant aux institutions que ce bâtiment risque de tomber en ruine ». Les avocats liégeois ne se plièrent donc pas à cette législation. C’est le 25 juillet 1830 que le conseil de discipline bruxellois se réunit pour la dernière fois sous le régime néerlandais. Alexandre Gendebien est nommé bâtonnier au cours de cette réunion. Il sera l’un des acteurs politiques de ces mois révolutionnaires. Et c’est la révolution belge !

À Liège, les avocats forment la colonne vertébrale de la contestation. Dix d’entre eux deviendront d’ailleurs membres du Congrès national. Le Congrès national comprend, au total, cinquantesept avocats sur un total de deux cents membres. Il faut y ajouter dix-neuf magistrats. Les avocats liégeois qui siègent au Congrès national sont : • Jean-Joseph Raikem : il est bâtonnier en 18281829 et participe activement à la révolution. Il est ministre de la Justice de 1831 à 1832, président de la Chambre de 1832 à 1839 puis redevient ministre de la Justice en 1839. Il devient Procureur général en 1848. A sa retraite, en 1867, il se réinscrit au barreau et, fait assez rare pour être souligné, sera à nouveau bâtonnier de 1868 à 1870.

• Louis-Joseph Lebeau : entré au barreau en 1819, il fonde en 1824, avec Devaux et Rogier, le Matthieu Lansberg, journal politique libéral, qui deviendra, dès 1826, Le politique. Très actif pendant la révolution, il est nommé avocat général dès septembre 1830. En 1831, sur l’insistance du régent Surlet de Chokier, il accepte la présidence du Gouvernement. Il rentre dans le rang après l’arrivée au pouvoir de Léopold Ier, mais c’est à lui que celui-ci fait appel, le 2 août 1831 lorsque les Hollandais marchent sur la Belgique. Grâce au soutien des français, obtenu par Lebeau, les Hollandais sont arrêtés. Il sera à nouveau ministre de 1832 à 1834, puis devient Gouverneur de Namur. Il est rappelé au pouvoir en 1840 pour diriger le premier Gouvernement libéral homogène. • Charles Rogier : il entre en politique en collaborant au Matthieu Lansberg dès 1824. Il est docteur en droit en 1826 et entre au barreau, qu’il ne fréquentera cependant guère. Il se fait remarquer par plusieurs articles très virulents, notamment à propos des lois de néerlandisation de la justice et de l’administration. En 1830, il est poursuivi pour outrage au Roi. Le 1er septembre, il prend possession de la caserne de Saint-Laurent, à la tête des volontaires liégeois. Il siège au Gouvernement provisoire, aux côtés de Gendebien. Gouverneur de la province d’Anvers, puis ministre de l’intérieur et des travaux publics, il dirige le Gouvernement de 1847 à 1852 puis de 1857 à 1867. • Etienne Constantin de Gerlache, passionné par la musique, consacre un essai à AndréModeste Grétry. C’est lui qui ramènera son cœur de Paris (cœur qui se trouve toujours dans la statue de Grétry devant l’Opéra). Membre des Etats Généraux dès 1828, il s’y oppose virulemment à Van Maanen. Il est premier vice-président du bureau du Congrès national, battu de justesse pour la présidence par Surlet de Chokier. Quand ce dernier devient Régent, c’est de Gerlache qui assume la présidence du Congrès national. En cette qualité, il préside la délégation qui porte au prince Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha le décret qui l’élit Roi des Belges. Il est à la gauche du Roi lorsque celuici prête serment.


le journal des avocats

• Jacques Stanislas Fleussu qui participera notamment aux travaux préparatoires de notre Constitution, aux côtés de Joseph Forgeur. Au Congrès national, il représente l’arrondissement de Waremme. • Hyacinthe Cartuyvels y représente également l’arrondissement de Waremme. • Laurent Dethier, qui fit partie du Congrès de Franchimont, dont il assumera la présidence. Au congrès national, il représente l’arrondissement de Verviers. Plusieurs fois bourgmestre de Theux, il siégea à la Cour d’appel de Liège et fut le dernier des échevins de la Cour de justice du ban de Theux, au marquisat de Franchimont. • Henri Dewandre, bâtonnier en 1826-1827, ne siège au Congrès que pendant quelques mois, en 1831. • Paul Devaux qui fonde, avec Joseph Lebeau et Charles Rogier, le Matthieu Lansberg. Il est membre du Gouvernement de Joseph Lebeau en 1831. C’est lui qui suggère le nom de Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha comme premier roi des belges. • Joseph Forgeur, (eh oui, si vous habitez dans le quartier du Boulevard d’Avroy, vous comprendrez mieux les noms des rues que vous fréquentez… !) commandant en second de la Garde urbaine liégeoise, qui reçoit, en ce titre, la reddition de la citadelle de Liège. Il sera l’un des quatre secrétaires du Congrès national. Il fut bâtonnier de 1836 à 1839, puis de 1846 à 1848, de 1859 à 1861 et, encore, juste avant sa mort de 1870 à 1872. • Ajoutons qu’au Congrès national, ils siègent aux côtés du baron Edouard D’Huart (1880-1884), futur Gouverneur de la province de Namur, et d’Ignace Henry (1794-1890), alors magistrat, futur président du tribunal de première instance de Dinant et membre du Conseil provincial de Namur, qui inaugurera une lignée de juristes comprenant Alix (1839-1928), notaire à Dinant, Marcel (1895-1984), avocat puis référendaire du tribunal de commerce de Liège, Jacques (1927-1987), bâtonnier du barreau de Liège, et quelques autres…

Pendant ce temps, dans la capitale, les avocats agissent de manière proactive. Ils lancent via la presse, en totale infraction à la législation impériale toujours en vigueur, une convocation pour une assemblée générale extraordinaire, à tenir le 7 avril. Le procureur général Van Meenen écrit au dernier bâtonnier nommé, Van Volxem, pour s’opposer à cette action spontanée. Passant outre cet avertissement, les avocats décident, par scrutin majoritaire, que l’existence d’un Ordre des avocats n’est pas contraire à la Constitution. Ils décident d’élire un conseil de discipline de quinze avocats dont le plus âgé des élus sera bâtonnier (Defrenne), le plus jeune secrétaire (Jottrand). Ce nouveau conseil, se réunissant une semaine plus tard, décide, à l’unanimité, d’envoyer une copie de ses procès-verbaux aux autres barreaux belges (c’est-à-dire, à l’époque, Liège, Gand et Anvers). La semaine suivante, il décide d’établir un tableau. Deux années après le début de la révolution belge et une année après l’installation du premier Roi, le barreau de Bruxelles s’est donc fait son propre législateur. Bien que les autres barreaux belges n’aient pas agi de la même façon explicite, notamment parce qu’à Liège le Procureur général n’usait pas de son pouvoir de surveillance de l’Ordre, ainsi qu’en témoignent les correspondance que le Procureur général Regnier écrivit au bâtonnier de Warzée dès la création de l’Ordre, là aussi les demandes d’une réforme de la réglementation napoléonienne étaient souvent répétées. Toutes ces réorganisations conduisent à une adaptation réglementaire en 1836. L’arrêté royal du 5 août 1836 reproduit en grande partie le décret de 1810, mais en modifie quelques articles cruciaux, en premier lieu en abrogeant la nomination du bâtonnier et des membres du conseil de discipline par le procureur général et en limitant le pouvoir du ministre de la Justice. C’est donc en 1936 que les barreaux acquièrent leur indépendance.

HEN


Sans liberté de parole, la défense n’est que simulacre. Sans défense libre, il n’est pas de vraie justice7.

Gandhi, Nehru, Fidel Castro ou Nelson Mandela (prix Ludovic Trarieux 1985), qui étaient tous avocats.

Est-il étonnant que les avocats aient eu la faveur d’un prestige tout particulier aux époques où ils se sont engagés tout particulièrement dans la vie de leur cité

Ce l’est aujourd’hui dans un nombre malheureusement sans cesse croissant d’états. Nous pensons à l’Iran, bien sûr, à Nasrin Sotoudeh ou Abdolfattah Soltani, à la Chine, à Wang Yu ou Wang Quanzhang, à l’Égypte, à Mohamed Ramadan ou Mahienour El-Masry, à la Syrie et Razan Zaitouneh, si elle est toujours en vie, au Pakistan, aux Philippines, au Mexique, où les assassinats d’avocats semblent être devenus un mode de gouvernement, mais à tant d’autres pays encore…

Ce fut le cas au XVIe siècle, à l’époque où Loisel prêtait serment. Ce le fut encore au long du XVIIIe, à l’époque des quarante, de Voltaire et de Linguet, puis lors de la révolution française, et, à la même époque, aux Etats-Unis, lorsque derrière Patrick Henry, un avocat de Virginie, les colons obtinrent leur indépendance. Ce le fut à nouveau en 1830, à Liège et à Bruxelles, lorsque, derrière Gendebien, Rogier et de Gerlache, les avocats jouèrent un rôle majeur dans l’avènement de notre Royaume. Ce fut le cas en Inde, à Cuba ou en Afrique du Sud, où l’on n’oubliera pas les rôles que jouèrent

7. « Point de justice sans défense, point de défense sans avocat, j’ajoute point d’avocat sans l’existence d’un Ordre qui peut assurer les garanties que le défenseur doit donner et celles qu’il doit avoir » disait Jules Grévy (cité par A. Delvoye, « Introduction », in La parole de l’avocat, Anthemis, 2010, p. 10). « L’indépendance est aussi le détachement du pouvoir politique dans la défense des droits. C’est un des fondements de la noblesse du barreau », ajoute Rémo Danovi (in L’avocat et le respect de son image, Bruylant, 1998, p. 72, cité par R. De Briey, « L’indignation collective et le rôle des Ordres », in La parole de l’avocat, Anthemis, 2010, p. 129. Celui-ci ajoute « … dont les Ordres sont dépositaires »). Citant le bâtonnier De Lavallade, du barreau de Bordeaux, Luc Maréchal énonce quant à lui : « Le barreau existe pour faire progresser les mœurs et reculer la tyrannie. Le barreau existe pour assurer partout le triomphe des droits de l’homme et de la liberté… Il ne faudrait pas perdre de vue que la justice, comme notre démocratie l’entend n’est pas une de ces valeurs toujours présente dans la cité, quoi qu’il advienne » (L. Maréchal, « Résister encore et encore », in La parole de l’avocat, Anthemis, 2010, p. 138).

A ces époques, en ces lieux, les avocats ont exprimé la plus belle de leurs qualités : l’indépendance. Souvenons-nous-en. L’indépendance du barreau est une des conditions, non seulement, du droit exorbitant qui est accordé aux avocats de parler au nom de leurs concitoyens, alors même que leurs droits les plus fondamentaux – la liberté, la dignité – sont en jeu, mais aussi du fonctionnement correct des institutions judiciaires. Comment le juge peut-il rendre la justice s’il n’est pas assuré d’avoir pu entendre chacune des parties exprimer, avec la plus grande des libertés, sa part de vérité ? La longue et lente marche de la liberté d’expression d’avocat n’est autre que celle du droit à un procès équitable consacré par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Les avocats ne sont peut-être que des marchands de mots, des « marchands de vent » a dit il y a une trentaine d’années un ancien bâtonnier du barreau de Liège, mais c’est avec ceux-ci que l’on façonne l’humanité.


le journal des avocats

Terminons donc ensemble par une prière à Saint-Yves : Saint-Yves, tant que tu as vécu parmi nous Tu as été l’avocat des pauvres, Le défenseur des veuves et des orphelins, La Providence de tous les nécessiteux ; Écoute aujourd’hui notre prière. Obtiens-nous d’aimer la justice comme tu l’as aimée. Fais que nous sachions défendre nos droits, Sans porter préjudice aux autres, En cherchant avant tout la réconciliation et la paix. Suscite des défenseurs qui plaident la cause de l’opprimé Pour que « justice soit rendue dans l’amour. »

Patrick Henry

Julie Henry

HEN


• Marc ISGOUR •

D’un empire à l’autre

Marc Isgour est avocat au Barreau de Bruxelles depuis 1991 et associé dans le cabinet Berenboom & associés depuis plus de 10 ans. Il est spécialisé en droit de la propriété intellectuelle, droit des médias et droit à la vie privée. Il a enseigné ou enseigne toujours ces matières à l’ULB, l’ULg et l’UCL. Après avoir été membre du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA), il est devenu membre du Comité sectoriel pour l’Autorité fédérale de la Commission de la protection de la vie privée. Marc est passionné de photographie et de voyage depuis toujours. Durant ses études secondaires et avant d’être avocat, il a d’ailleurs travaillé comme assistant-photographe.


Lorsque Myriam Robert-César m’a téléphoné pour me proposer d’écrire une participation rédactionnelle pour le numéro de septembre et pour m’informer que le fil rouge de ce numéro sera « le style Premier Empire dans tous les domaines », en boutade, je lui ai répondu : « le Premier Empire, je n’y connais rien, mais par contre je peux vous envoyez des photos de l’empire du soleil levant1 d’où je reviens et qui connaît par ailleurs un nouvel empereur2. Myriam Robert-César m’a répondu « d’accord, vous pouvez m’envoyer une dizaine de photos et un petit texte ». Voilà donc que je dois tenter de faire le lien entre ces deux empires ! Après avoir feuilleté de nombreux livres sur le Premier Empire, je ne vois rien qui puisse le rattacher au Japon. Manifestement, ce dernier pays ne préoccupait pas vraiment Napoléon. Quant au Japon, à l’époque dans l’ère Edo3, celui-ci ne voyait l’Europe qu’à travers le prisme hollandais, par ailleurs allié de la France impériale de Napoléon. Autre problème, l’empereur du Japon serait tabou. En effet, un éditorialiste japonais cité dans le Monde du 20 octobre 1988 indiquait « il est inutile de proposer un article non pas de critique, mais simplement de réflexion sur l’empereur. Il sera refusé. […] La concurrence ne joue pas, car toutes les rédactions savent très bien qu’aucun concurrent ne transgressera le tabou du chrysanthème [emblème de la maison impériale] »4. Même si cette affirmation est à nuancer – depuis que les autorités américaines après 1945 se sont efforcées de faire rentrer le Japon dans la démocratie – la presse japonaise se montre beaucoup moins tapageuse que les monarchies comme l’Angleterre ou Monaco.

1

2

3

1. Cette expression tire son origine directement de l'étymologie du terme japonais « 日本 » (Nippon dont 日 signifie soleil (ou jour) et 本 signifie origine (ou racine). Nippon ou Nihon peut donc se traduire comme « origine du soleil », soit « soleil levant ». 2. Le 1er mai 2019, le prince Naruhito est devenu le 126e empereur du Japon après l’abdication officielle de son père Akihito. 3. L’ère Edo s’étend de 1603 à 1868. 4. Cité par Philippe Pelletier, La fascination du Japon : idées reçues sur l’archipel japonais, Ed. Le Cavalier Bleu, août 2018, p. 179.

4


5

Le Japon est sans doute le pays de la contradiction. Baigné de traditions millénaires et d’une modernité incroyable. On y voit ainsi des touristes japonais en costume traditionnel, téléphones en main, passer de nombreuses minutes à chercher des aiguilles de pin à trois branches, dans les jardins d’un temple, sous un arbre sacré, car celles-ci allaient leur porter bonheur. On y voit des écoliers en tenue stricte visitant les temples au côté de jeunes punks qui en font autant. Le Japon est empreint de la tradition extrême orientale de respect de la nature, mais le Japon est aussi l’un des pays les plus pollués de la planète, notamment par une utilisation inconsidérée du plastique. Il vient en outre d’autoriser à nouveau la chasse à la baleine. Le Japon n’ayant que 2 % de sa population provenant de pays étrangers, résolument fermé aux réfugiés5, connaissant un incroyable déclin démographique et dont la plus grande partie de la population ne parle que le japonais, mais, dans les faits, extrêmement accueillant et courtois à l’égard des étrangers. À propos du Japon, l’Anglais Basil Hall Chamberlain6 écrivait en 1890 un article intitulé « le monde du tout-à l’envers » dans lequel il développait l’idée que « les Japonais font beaucoup de choses de façon exactement contraire à ce que les Européens jugent naturel et convenable ». Ainsi, il relevait par exemple que les couturières japonaises enfilaient leurs aiguilles en poussant le chas sur le fil au lieu de pousser le fil dans le chas. Elles piquaient aussi le tissu sur l’aiguille au lieu, comme nous faisons, de piquer l'aiguille dans le tissu. Les Japonais montaient à cheval par la droite, contrairement à notre usage. Etc.

6

Le jésuite portugais Luis Frois7 relevait déjà en 1585 d’autres contradictions et différences de mœurs. Ainsi, dit-il : nous portons le meilleur vêtement dessus et le moindre dessous ; eux ont le meilleur dessous et le moindre dessus. Chez nous, les vêtements noirs ne sont jamais cousus de fil blanc ; les Japonais ne voient aucun inconvénient à coudre du noir avec du blanc. 5. 20 droits d’asile accordés en 2017, contre 26.531 en France (Le Figaro Magazine, 27 avril 2019, n°2009, p. 48). 6. Basil Hall Chamberlain est un écrivain britannique (1850-1935) qui fut conseiller étranger au Japon pendant l'ère Meiji. Professeur à l'université impériale de Tokyo, il est l'un des premiers japonologues actifs au Japon durant la fin du XIXe siècle. 7. Luis Frois (1532-1597), qui résida plus de 30 ans dans l’archipel nippon écrit en 1585 « Européens & Japonais : Traité sur les contradictions et différences de mœurs ». Cet ouvrage, retrouvé en 1946 par un certain Josef Franz Schutte aux archives de Madrid, n’a été publié en allemand qu’en 1955 et édité en français qu’en 1993.

7


le journal des avocats

En Europe (à l’époque), l’honneur et le bien suprême des jeunes femmes sont la pudeur et le cloître inviolé de leur pureté ; les femmes du Japon ne font aucun cas de la pureté virginale, et la perdre ne les déshonore ni ne les empêche de se marier.8 Nous considérons (toujours à l’époque) comme renégat et apostat celui qui renie sa croyance ; au Japon, il n’est nullement infamant de changer de secte autant de fois qu’on le veut. Etc. Si les quelques exemples qui précèdent paraissent quelque peu dépassés, d’autres sont toujours d’actualité9 : nous saluons en nous découvrant ; les Japonais le font en retirant leurs souliers. Chez nous, le noir est la couleur du deuil ; chez les Japonais, c’est le blanc. Chez nous, les gens se lavent le corps en se cachant ; au Japon, ils le font dans des bains publics. Dans le métro, chez nous les portiques d’entrée ont une barrière fermée ; au Japon la barrière est ouverte. Là où s’achèvent les dernières pages de nos livres, commencent les leurs. Et la liste pourrait être encore longue. Mais trêve de littérature et place aux photos.

8

9

Marc Isgour

10

8. Cette affirmation n’empêche pas aujourd’hui que les naissances hors mariage ne représentent que 2,3 % contre 59,7 % en France et que près de 40 % des Japonais de 19 à 34 ans n’auraient aucune expérience de l’autre sexe et qu’en 2017, 47 % des adultes n’ont pas de relation sexuelle régulières, cela alors que chaque métropole abonde en love-hôtels, sex-shops géants et club à hôtesses. 9. Le Figaro Magazine du 27 avril dernier titrait en couverture : « Japon – L’empire des secrets – Pouvoir, justice, immigration, sexe…ce pays qui ne fait rien comme les autres », (Edition internationale, n°2009, 2019)

ISG


11

12

1. Barriques de saké (Sanctuaire Meiji – Tokyo) - 2. Fushimi-yagura (Palais impérial de Tokyo) - 3. Taxi tokyoïte - 4. Tokyo towers - 5. Kyoto 6. Tokyo - 7. Koya-san - 8. Sanctuaire de Miyajima - 9. Nécropole de Koya-san - 10. Koi de Koya-san - 11. Métro de Tokyo - 12. Torii de Miyajima


le journal des avocats

14

13

15

16

17

18

13. Kyoto - 14. Osaka Castle - 15. Kyoto - 16. Kiyomizudera (Kyoto) - 17. L’enfer du jeu (Osaka) - 18. Epson team lab museum (Tokyo)

ISG


• Maurice KRINGS •

REFLEXIONS EN DESORDRE SUR LE THEME DU STYLE "PREMIER EMPIRE"

Maurice Krings est avocat et actuellement dauphin du barreau de Bruxelles. Il a également été administrateur d’AVOCATS.BE dont il a été le trésorier avec en outre la charge des questions fiscales (TVA), droit économique, prévention du blanchiment et matière financières (contrôles des comptes de tiers). Son domaine de prédilection dans sa vie d’avocat est le droit des sociétés, matière qu’il a enseignée pendant 10 ans à l’école du stage du barreau de Bruxelles. Son hobby est l’histoire, avec un intérêt tout particulier pour celle de l’organisation des institutions publiques à Bruxelles au Moyen-Âge.


le journal des avocats

Portrait of - de Talleyrand-Périgord, by Pierre-Paul Prud'hon, 1817. The Metropolitan Museum of Art.

Le Premier Empire ? On pense à Napoléon. Le style "Premier Empire", en mobilier, trop lourd à mes yeux ! Napoléon ? Ne m'inspire vraiment pas. J'ai horreur de la guerre et de son cortège de violences. Napoléon voulait-il construire l'Europe ? On n'a jamais rien construit que d'éphémère sur la base de coups de canon, de destructions, de pillages et de dizaines de milliers de jeunes vies sacrifiées.

J'évoquerai plutôt une personnalité dans l'ombre de Napoléon : celle de Talleyrand. Pourquoi Talleyrand ? Parce qu'il portait un bien joli prénom? Non pas ! Ce personnage Talleyrand m'a toujours intrigué… On ne s'attardera pas à cet épisode de sa vie qui l'a vu brièvement évêque d'Autun. Talleyrand n'avait nullement désiré l'état ecclésiastique.

Certes on pourrait rappeler que l'œuvre de Napoléon, du Premier Empire, ne se résume pas aux guerres qu'il a été porter dans l'Europe entière, de l'Espagne à la Russie et même au-delà puisqu'il s'est aventuré jusqu'en Egypte. Je pourrais plutôt rappeler le code civil qui porte son nom. Je pourrais rappeler toute l'œuvre codification dont il fut l'instigateur.

En réalité, sa situation de fils aîné du chef de famille aurait dû le conduire à d'autres ors que celui de la croix pectorale, mais un accident de jeunesse l'avait rendu pied bot et le jeune Talleyrand fut contraint au séminaire sans qu'on lui ait demandé son avis. Dans ses Mémoires, celui qui fut prince de Bénévent, a confié que la Révolution l'avait libéré d'un état auquel il n'était pas destiné.

KRI


Non, le personnage a quelque chose de fascinant si l'on songe qu'il servit la Convention. Il était encore évêque lorsqu'il monte à la tribune pour livrer et sacrifier le clergé. Après un bref exil en Angleterre puis "aux Amériques" pendant la période de la Terreur, notre homme revint en France quand la situation se fut calmée et se mit au service successivement du Directoire, puis du Consulat, puis de l'Empire. Napoléon est-il vaincu et envoyé à l'Ile d'Elbe ? Pas de problème pour Talleyrand qui sera président du Gouvernement provisoire, ensuite Ministre sous la Première Restauration, ce qui le conduisit à l'apogée de sa vie politique et diplomatique comme envoyé plénipotentiaire de Louis XVIII au Congrès de Vienne. Lors de la Seconde Restauration (après Waterloo), les Britanniques s'inquiétèrent du projet constitutionnel archi-réactionnaire de Louis XVIII et intervinrent auprès de ce dernier pour qu'il rappelle Talleyrand en son gouvernement. Pourquoi Talleyrand ? Parce que celui-ci s'était signalé au Congrès de Vienne par des conceptions politiques très libérales pour l'époque, à l'opposé des projets de Louis XVIII. Voilà donc l'inusable Talleyrand revenu aux affaires après l'exil – cette fois définitif – de Napoléon à Sainte-Hélène. C'est Chateaubriand qui a raconté dans ses Mémoires d'Outre-tombe la scène de Talleyrand arrivant au palais royal pour y présenter au souverain Fouché venu prêter serment et jurer fidélité au Roi : "… Tout à coup une porte s'ouvre. Entrent silencieusement le vice appuyé sur le bras du crime : M. de Talleyrand marchant soutenu par M. Fouché. La vision infernale (…)". L'incarnation du vice. Voilà comment Talleyrand était perçu par ses contemporains. Toutefois tombé en disgrâce fin 1815, Talleyrand se retira en son château de Valencay (acquis sur ordre de Napoléon) jusqu'à ce que Louis Philippe d'Orléans réussisse son coup d'Etat en juillet 1830, entamant ainsi l'éphémère épisode de la "Monarchie de Juillet". Ce sera l'ultime retour aux affaires et le chant du cygne de Talleyrand, envoyé en ambassade à Londres. Il y resta pendant quatre ans.

Tout le mal imaginable a été dit de Talleyrand. Ayant traversé les flots tumultueux des cinq ou six régimes successifs qu'il servit, jamais dans des fonctions subalternes mais toujours proche du sommet, on s'est interrogé sur cette faculté de se maintenir au faîte de l'Etat, sans apparemment aucun remord, ni scrupule. Avait-il un génie transcendant ? Ses contemporains le lui ont contesté, mais il faut préciser que Talleyrand était autant méprisé et détesté que craint. Avait-il une doctrine d'Etat, une pensée de gouvernement arrêtée ? Bien que cela lui ait également été contesté, il faut admettre que Talleyrand fut tout au long de sa vie animé d'un sens libéral profond tant sur le plan politique (ce qui en faisait un homme de progrès pour son époque) que sur le plan économique. Talleyrand avait selon toute vraisemblance une réelle et forte conception politique. Pourquoi m'attardé-je sur la personne de Talleyrand ? Parce qu'on relirait aujourd'hui utilement ses prises de position au sujet de l'Europe. Talleyrand était un formidable visionnaire : en 1815, au Congrès de Vienne, il dérangea beaucoup de monde en voyant dans l'Allemagne un Etat fédéral, pilier de l'Europe. Je reviens un instant à l'ambassade d'Angleterre : en 1830, lorsque le roi Louis-Philippe lui demanda d'accepter de représenter et défendre les intérêts de la France à Londres, Talleyrand avait 76 ans. Sa santé était déjà déclinante. Dans l'état d'instabilité politique de l'Europe en 1830 (la Belgique conquit son indépendance par les armes et cela perturba fort le gouvernement britannique de l'époque qui observa cela d'un très mauvais œil), la tâche d'ambassadeur à Londres était de première importance. Talleyrand s'acquitta du reste de cette tâche à son honneur. Le 24 septembre 1830, Talleyrand débarquait à Douvres et écrivit au Roi qu'il entamait sa mission animé "du désir surtout d'établir enfin cette alliance de la France et de l'Angleterre que j'ai toujours considérée comme la garantie la plus solide du bonheur des deux nations et de la paix du monde". L'alliance de la France et de l'Angleterre,… gage de la paix du monde. La phrase a sans doute perdu de sa pertinence au XXIe siècle, mais j'écris plus volontiers : l'alliance de la France et de l'Angleterre, gage de l'avenir de l'Union européenne.


le journal des avocats

L'Homme aux 6 TĂŞtes (Charles Maurice de Talleyrand PĂŠrigord) by Unknown artist - hand-coloured etching, published 1815 -11 1/4 in. x 8 1/8 in. (286 mm x 206 mm) paper size. Given by Henry Witte Martin, 1861

KRI


« La destruction des canonnières françaises » ou « le petit Boney et son ami Talley dans une grande joie », caricature britannique montrant Napoléon, assis sur l'épaule de « Talley », scrutant joyeusement (à travers un grand document roulé en longue-vue nommé « le plan de Talleyrand pour envahir la Grande-Bretagne ») la Manche, où la flotte française se fait détruire par les boulets des navires britanniques.

Au moment où l'Europe s'interroge sur ce que sera le Brexit, la vision que Talleyrand avait de l'Europe pourrait – devrait – donner à réfléchir. L'alliance de la France et de l'Angleterre, gage de l'avenir de l'Europe. Mais, m'objectera-t-on, Talleyrand était un homme du continent et ce qu'il a pu penser il y a deux siècles importe peu aux yeux des Anglais puisque ce qui compte du point de vue de l'Angleterre, c'est ce que pensent les Anglais, aujourd'hui. Or à cet égard la réalité se décline sur le mode d'un amer constat : après 45 ans d'intégration dans le Marché Commun, devenu l'Union européenne, les Anglais ont, dans leur majorité, exprimé la volonté de quitter cette Union Européenne. Et ils ne sont pas les seuls… Que le referendum britannique ait été fortement influencé par une désinformation

massive imputable à des eurosceptiques, ne change rien à la réalité : une large frange de la population y rejette le projet européen. Si un discours grossièrement mensonger a pu prospérer en Grande-Bretagne (et peut également avoir les faveurs des foules dans nombre de pays), c'est parce que l'Europe prête malheureusement le flanc à la critique. L'actualité européenne la plus récente a encore fournit des arguments aux eurosceptiques. Je fais ici référence à la récente crisette de l'Union européenne à l'occasion du choix des titulaires des principales fonctions dirigeantes des institutions européennes. Les citoyens de l'Union européenne ont voté le 24 mai pour un nouveau Parlement et à quel spectacle a-t-on assisté dans les semaines qui ont suivi ?


le journal des avocats

D'obscurs marchandages, à l'écart de l'opinion publique dont résultent des désignations qui sont tout sauf transparentes et démocratiques. On apprend même que celui qui a été choisi par les chefs d'Etats et de gouvernements pour être le représentant de l'Europe dans ses relations internationales est un Espagnol, inconnu du public européen et de surcroît qui avait publiquement fait savoir avant sa désignation qu'il ne souhaitait pas être chargé de cette fonction ! Par quels méandres tortueux est-on arrivé à pareils résultats ? On a loué, paraît-il, les talents de diplomate du président Macron qui aurait, au cours de jours et nuits de discussions au conseil européen, habilement circonvenu les oppositions des uns et des autres pour faire triompher ses vues, ses choix et ses exclusives. Est-ce là une habileté qu'il faudrait louer en se rappelant le "modèle" Talleyrand ? Si on a pu dire de Talleyrand que c'était un grand diplomate, c'est notamment parce qu'il avait une perception de l'Europe qui était très en avance sur son temps. Les parallèles entre le président Macron et Talleyrand sont inspirants. Comme Talleyrand, Emmanuel Macron a servi des maîtres successifs et peu compatibles : il fut un haut responsable d'une banque d'affaires avant d'être ministre d'un président socialiste de la République, pour finalement en prendre la place après avoir atomisé le parti socialiste français. Talleyrand n'aurait pas pu mieux faire. Talleyrand fut avant l'heure un grand défenseur de l’idée européenne. Le président Macron est, dit-on, un grand défenseur de

l'Europe. Mais si Talleyrand fut un homme politique pleinement de son temps avec les méthodes de son temps, les méthodes du président Macron se doivent d'être celles du XXIe siècle et non plus celles qui ont pu avoir cours il y a deux siècles, à l'époque de Talleyrand. Je pleure le Brexit, je désespère en observant cet échouage annoncé de l'Union européenne et de tous ses remarquables projets. Je tremble à la lecture des invectives des ennemis jurés de l'Europe qu'ils s'appellent Donald Trump ou son demi-sosie Boris Johnson, ou d'autres, en me rappelant que leurs méthodes d'injures étaient celles d'un nommé Hitler. Je frémis en observant le développement de politiques si mal nommées d'illibérales dans tant de pays européens. J'enrage au spectacle de cette incapacité des dirigeants européens à délivrer un autre message qu'une suite de compromis alambiqués. Je ne me résigne pas à voir un homme qu’on dit intelligent, le président Macron, utiliser des méthodes de négociations au style très impérial, un style d'un autre temps. Un style très "Premier Empire".

Maurice Krings

KRI


• Audrey LACKNER •

Au rythme de

Waterloo

Audrey Lackner est avocate au barreau de Bruxelles, spécialisée en droit commercial et droit civil, et directrice de la Conférence du Jeune Barreau pour l'année 2019-2020.


le journal des avocats

Je ne me souviens pas d’un jour de mon enfance qui n’ait pas été bercé par la musique. La légende – autrement dit ma mère – affirme que je chantais avant de savoir parler. A cette époque, les bons, mais aussi les mauvais moments, étaient toujours rythmés par des chansons. C’est bien connu, la musique a le pouvoir de guérir tous les maux. Jusqu’à ce que j’atteigne l’âge d’avoir mon premier walkman, la fréquence radio était choisie à la seule discrétion de ma mère qui me faisait découvrir les chansons de ses jeunes années, « ses vieux machins » comme elle les appelait. Aujourd’hui, lorsque j’écoute Nostalgie en chantant à tue-tête sur des mélodies de mon adolescence devant les regards interrogatoires des plus jeunes, cette expression prend tout son sens. Son répertoire allait des comptines classiques pour enfants aux chanteurs français incontournables entre les années 50 et 90. Mais plus que la musique et le rythme des chansons qu’elle m’a fait découvrir, avec lesquelles nous avons passé des moments inoubliables, elle mettait un point d’honneur à ce que j’écoute et comprenne le sens des paroles. Et comme on ne chante pas ce qu’on ne comprend pas, nous n'écoutions pas de chansons en anglais.

LAC

Elle a malgré tout instauré quelques exceptions à la règle, n’ayant pu résister aux deux groupes phares des années 70 : Queen, qu’elle a eu l’immense chance de voir en concert, et ABBA. A 10 ans, je découvrais donc les titres mythiques tels que Mamma mia, Dancing Queen, Knowing me Knowing you et… Waterloo. Contrairement aux chansons de Jean-Jacques Goldman que j’avais analysées dans les moindres détails, je ne m’étais jamais attardée sur les paroles de Waterloo et encore moins sur sa symbolique. Je dois avouer que je n’imaginais pas que le disco puisse être destiné à autre chose que de faire danser les gens. Tout ce que je savais de cette chanson, c’était qu’elle avait permis au groupe suédois de remporter l’Eurovision en 1974. Naïvement, je pensais qu’elle traitait simplement de la Bataille de 1815, et le décalage avec le rythme entraînant de la chanson me plaisait assez. J’ai donc décidé de découvrir ce qu’il se cachait derrière ce texte. Sans grande surprise, j’ai constaté que le texte de Waterloo fait effectivement référence à la célèbre Bataille. Mais ce qu’il évoque surtout, c’est l’histoire de la capitulation d’une femme face à son prétendant:

At Waterloo Napoleon did surrender And I have met my destiny in quite a similar way (…) Waterloo I was defeated, you won the war Waterloo promise to love you for ever more Waterloo couldn't escape if I wanted to Waterloo knowing my fate is to be with you (…) Waterloo finally facing my Waterloo Traduction : A Waterloo, Napoléon se rendit Et j'ai rencontré mon destin d'une manière assez similaire (…) Waterloo j'ai été vaincu, vous avez gagné la guerre Waterloo promet de t'aimer pour toujours Waterloo ne pourrait pas s'échapper si je voulais Waterloo, sachant que mon destin est d'être avec vous (…) Waterloo, finalement je fais face à mon Waterloo.


La symbolique de la capitulation amoureuse est donc au cœur du texte de la chanson, à l’instar de Napoléon qui a capitulé après avoir combattu. Mais en réalité, mes recherches m’ont amenées à découvrir qu’ABBA était loin d’être le seul groupe à avoir été inspiré par la Bataille de Waterloo. On ne compte en effet plus les titres qui y font référence,

que ce soit pour parler de l’évènement, ou de sa symbolique. A cet égard, mon attention a été attirée sur une expression particulière qui se retrouve tant dans le titre phare du quatuor que dans d’autres morceaux : « Mon Waterloo ». En 1962, Jean Ferrat utilisait notamment cette expression dans sa chanson « Napoléon IV » :

J'suis dans la débine, Et ma Joséphine Qui ne vit pas que d'l'air du temps, Va me laisser choir sur le champ Sur le champ de bataille, Quand l'amour se taille On arrive au bout d'son rouleau, Moi j'viens d'connaître mon Waterloo Plus connue en anglais, l’expression « Meet your Waterloo » signifie connaître un échec ou encore rencontrer un obstacle infranchissable. Au Québec, elle est utilisée fréquemment et a été traduite par « Frapper son Waterloo ».

Le chanteur country Bourbon Gauthier a notamment écrit une chanson en 2008 dans laquelle il reprend cette expression : J’ai frappé mon Waterloo à Montréal Mes illusions ont pris un coup fatal

Aujourd’hui encore, plus de 200 ans après la Bataille de 1815, Waterloo continue d’être un symbole qui inspire de nombreux artistes, que ce soit pour chanter l’amour, la tristesse, le désespoir,

l’échec, ou même pour faire passer des messages plus forts. En 2013, le chanteur Argentin Ivan Noble chantait « Waterloo » pour évoquer la douleur amoureuse :

La mayor parte del tiempo estoy pensando en vos, Sangro en mil pedazos Cada vez que alguien te nombra, Yo no se mas nada Cada vez lo se mejor, Hoy tengo un pasaje en Business A mi Waterloo Traduction : Je pense à toi la plupart du temps, Je saigne en mille morceaux Chaque fois que quelqu'un vous nomme, Je ne sais rien d'autre Chaque fois que j’en sais plus, Aujourd'hui j'ai un ticket en Business À mon Waterloo


le journal des avocats

En 2018, avec son titre « Waterloo », la célèbre chanteuse Zazie personnifie l’expression, celle-ci

représentant la guerre comme un être barbare qui met en péril la paix et la prospérité :

Il a battu sa mesure, il a cogné si dur Séché nos larmes sous l'armure, allons les hommes droit dans le mur De l'amour à la haine, À la mort je vous mène Waterloo, Oh, Waterloo T'auras ma peau, mes plaies et mes peines, Waterloo (…) Va-t-on toujours, tambour battant faire couler, couler le sang Chanter nos funérailles, tous ces morts au champ de bataille Se peut-il que l'on sème Autre chose que la haine et le chaos Oh, Waterloo! T'auras ma peau, mes plaies et mes peines Waterloo

Une chose est sûre, le titre d’ABBA ne résonnera plus jamais de la même façon pour moi. Et il me tarde de le raconter à ma mère.

Audrey Lackner

LAC


REDUCING WEIGHT, INCRE A SING YOUR ENERGY, FEELING MORE REL A XED… Whatever your goal, let our experts, world-class facilities and holistic approach to health and wellbeing help you get there.

Start seeing results in 90 days. Become a member now with our 90-Day Guarantee*.

BE REL AXED

BE CO ACHED

BE A CTI V E

BE T OGETH ER

ASPRIA.COM

0 2 5 0 8 08 0 8


” M Y E N E R G Y, MY FOCUS, M Y R E S U LT S . ”

* Terms & conditions apply.


• Gérard LEROY •

COÏNCIDENCES

Avocat au barreau de Bruxelles depuis 1965, Gérard Leroy a récemment pris sa pension tout en terminant les dossiers en cours. Cela lui permet de se consacrer davantage à son hobby, étant des conférences avec diapositives sur des sujets historiques ou artistiques.


le journal des avocats

Quelques propos sur les coïncidences... La coïncidence se distingue du mystère en ce qu'elle apparait comme totalement indépendante de l'action de l'homme. Et pourtant... Dans son acception commune, la coïncidence se présente d'elle-même. Elle s'impose. Comment se fait-il qu'à l'élection présidentielle de 2017 en France, le nom de 4 candidats se terminait par ON : MacrON, FillON, MélanchON, HamON ? Pourquoi les quatre grands chanteurs français de la fin du siècle dernier avaient-ils un nom qui commençait par B: Brassens, Bécaud, Brel, Barbara? Pourquoi le nom de nombreux leaders allemands de la dernière guerre commençait-il par un H: Hitler, Himmler, Heydrich (adjoint d'Himmler et chef de la Gestapo) et Rudolph Hess? Pour le moment on n'en sait trop rien. Quelqu'un essaiera-t-il un jour de donner une explication à ces coïncidences ? Il se dit que certains destins sont parallèles et de nombreux chercheurs ont développé la thèse suivant laquelle, par exemple, Napoléon et Hitler ont vécu à 129 ans d'intervalle des éléments identiques à propos desquels on peut parler de coïncidences. Voire. Effectivement, Napoléon a envahi la Russie le 24 juin 1812 et Hitler le 22 juin 1941, soit à deux jours près 129 ans plus tard. Des chercheurs ont trouvé que Napoléon a été sacré Empereur en 1804 et Hitler est devenu Chancelier en 1933, soit 129 ans plus tard; mais c'est tout. Napoléon est né le 15 août 1769 et Hitler le 20 avril 1889 soit 120 ans plus tard. Napoléon est mort le 5 mai 1821 et Hitler le 30 avril 1945 soit 124 ans plus tard. En cherchant bien, on trouve que 129 ans avant l'Anschluss, rattachement de l'Autriche à l'Allemagne d'Hitler, le 12 mars 1938, Napoléon signait un traité à Vienne mais il y était déjà entré en 1805. Certains estimeront devoir poursuivre cette recherche en se demandant la place de l'espace de 129 ans dans l'harmonie du monde. Un autre classique du genre est la comparaison entre les assassinats des présidents américains Abraham Lincoln et John Kennedy. Nous avons ici un double jeu de coïncidences: un écart de 100 ans entre certaines dates et divers éléments de fait. La vérification est beaucoup plus difficile que dans le cas précédent dès lors que de nombreux éléments ne se trouvent pas dans un dictionnaire même encyclopédique. De plus, le rapport Warren sur l'assassinat du président Kennedy a été tellement décrié qu'on n'ose ajouter crédit à une quelconque autre source officielle. On est dès lors contraint de picorer dans Internet. L'écart de 100 ans entre les deux destins n'apparait ni dans les dates de leurs naissances, ni dans celles de leurs décès. Par contre, Lincoln est entré au Congrès en 1846 et Kennedy 100 ans plus tard, en 1946. Lincoln est devenu Président en 1860, Kennedy en 1960. Leurs vice-présidents et successeurs s'appelaient tous deux Johnson. Andrew Johnson était né en 1808, Lyndon Bayne Johnson en 1908. Les assassins des deux présidents sont nés à presque 100 ans d'intervalle, Booth en 1838, Oswald en 1939. Les deux furent assassinés avant leur procès.

LER


D'autres affirmations sont fantaisistes. A titre d'exemple, on peut lire que la (qu'une ?) secrétaire du président Kennedy s'appelait Lincoln et que la secrétaire d'Abraham Lincoln s'appelait Kennedy, ce qui n'est pas établi ; le secrétaire de Lincoln s'appelait John Nicolay. D'autres affirmations nécessiteraient des études en bibliothèque. Nous en resterons donc là. Certains auteurs ont tendance à dire que ce que nous appelons coïncidences n'est que le fruit du hasard et, qu'à la limite, on pourrait prouver tout et n'importe quoi. En réalité, dans certaines histoires de famille, c'est le contraire: on croit voir des coïncidences là où souvent se cache une relation de cause à effets. On n'accepte généralement pas que "les enfants subissent les actes de leurs pères". On a tort. Les événements que nous vivons sont influencés par ce qui est arrivé à nos ancêtres ou ce qu'ils ont fait en bien ou en mal. De nombreuses études ont été rédigées à ce sujet. Anne AncelinSchützenberger, qui enseignait à l'université de Nice, a exposé son expérience en psychogénéalogie dans son livre Aïe, mes aïeux, paru en 1993 chez La Méridienne et Desclée de Brouwer, avec une quinzaine de rééditions. L'auteur évoque des malheurs passant de génération en génération par une espèce d'horrible loyauté familiale. Dans telle famille, à chaque génération, on trouve une mort tragique que l'on n'ose appeler suicide. Dans telle autre famille, à chaque génération, l'aîné des enfants meurt jeune. Il arrive que certaines dates soient néfastes. La Bible connait ces phénomènes: "C'est moi le Seigneur ton Dieu, un Dieu jaloux, poursuivant la faute des pères chez les fils sur trois et quatre générations." (Ex 20.5) Les Grecs anciens avaient perçu une causalité analogue. La faute dérègle l'ordre cosmique et engendre le malheur. Ce malheur passe de génération en génération et ne cesse que lorsque l'ordre cosmique est rétabli, malheureusement avec de nombreux dégâts collatéraux. Sophocle l'expose dans Antigone, Oedipe Roi et Oedipe à Colone. La guerre suscite dans certaines familles des déchirements qui durent. On appelle parfois coïncidences les conséquences d'une blessure familiale, qui se répètent de génération en génération. Coïncidences, déterminisme, psychogénéalogie... Nous avons encore beaucoup à apprendre.


le journal des avocats

Et quelques mots au retour d’un voyage au Portugal...

L'aigle terrassé par le lion

A Boa vista (Porto), au centre d’un parc il y a une colonne qui représente le lion anglais terrassant l’aigle Napoléonien. C’est très symbolique. © André Moulin

A la fin du siècle dernier, à l'occasion d'une visite d'Etat en Belgique, la reine Elisabeth II d'Angleterre avait visité le site de Waterloo. Elle avait été choquée de constater que le site faisait la part trop belle à Napoléon. Elle n'aurait certainement pas eu la même impression au Portugal. Lorsque Napoléon décida le blocus continental pour abattre l'Angleterre, le Portugal était confronté à un dilemme: s'il prenait part au blocus, l'Angleterre lui raflait toutes ses colonies; s'il refusait, Napoléon l'attaquait. le Portugal resta au côté de l'Angleterre. Par trois fois les armées françaises l'envahirent. Le souvenir en est cuisant et on en trouve la marque.

LER


A Porto, au milieu d'un parc s'élève une colonne...

...au-dessus de laquelle un lion terrasse un aigle.

Dans le palais-hôtel de Buçaco, de magnifiques Azulejos racontent l'histoire du Portugal. On y rappelle notamment la bataille de Buçaco, en 1810, qui vit la victoire des anglo-portugais de Wellington sur les français de Masséna, Junot et Ney.

Si Napoléon est admiré en deçà des Pyrénées, il a laissé un souvenir hostile au-delà du Douro.

Gérard Leroy


La rencontre entre les entreprises et les personnes en situation de handicap autour d’un ouvrage commun.

Reliure artisanale Mailing-Manutention Digitalisation Upcycling

Entreprise de Travail AdaptĂŠ Maatwerkbedrijf rue Bodeghemstraat, 78-82a 1000 Bruxelles - Brussel +32 (0)2 511 04 17 louvroir@skynet.be

www.louvroir.be


• Xavier MAGNEE •

SANS RANCUNE ?

Xavier Magnée est avocat au barreau de Bruxelles. Il a prêté serment en 1960 et fut stagiaire du bâtonnier Edgar Van Pé.


le journal des avocats

Pour ou contre l’indépendance de l’Italie. Ils se sont battus le 24 juin 1859. A Solferino. La France et l’Autriche, Napoléon III contre François-Joseph. Un carnage. Trois cent trente mille hommes se seraient affrontés, selon les historiens. C’est l’origine de la Croix-Rouge, l’œuvre de Henry Dunant.

La bataille de Solferino - Peinture d’Ernest Meissonier au Musée national du château de Compiègne

Changeons de sujet. Au Mexique, des natifs ont pris le pouvoir. On aura tout vu. Ces indiens confisquent les biens de l’Eglise. Et ne payent pas leurs dettes. Au grand mécontentement de Rome, des anglais, des espagnols et des français. Former une escadre, les envahir ? Ce n’est pas une mince affaire. Ces gens sont chez eux et s’y connaissent en guerre, civile ou pas. Les embuscades, les émeutes, les pièges : ils sont chez eux et s’y connaissent. Mais il s’y trouve aussi des gens de bonne famille, le plus souvent en exil, généralement ruinés : les conservateurs mexicains. Mécontents de Benito Juárez alors au pouvoir chez eux, et chez lui. Benito Juárez 1861-1862. Peint par Pelegrín Clavé, huile sur toile 74x60 cm, Museo Nacional de Historia. Castillo de Chapultepec. CNCA. INAH.

MAG


Il fallait y reprendre le pouvoir. Ils souhaitaient y installer, avec l’aide des créanciers souverains d’Europe, un empereur d’origine catholique. C’est que les jeunes protestants d’Amérique avaient aussi des ambitions sur place. Tout commence comme au théâtre. Un très distingué mexicain en exil séduit l’Impératrice Eugénie, laquelle avait déjà conquis Napoléon III. « Beau pays au sous-sol riche, bien tenu par sa bourgeoisie, cherche prince catholique pour y régner et rembourser quelques dettes ».

Portrait de Maximilien Ier, empereur du Mexique par Franz Xaver Winterhalter (1805-1873)

L’affaire est, nous dit-on, rondement menée. Napoléon III s’entend raconter qu’un certain Maximilien de Habsbourg, bien de sa personne, aurait refusé le trône de Grèce. « Vous avez dit Habsbourg ? ». « Le frère de François-Joseph ? Celui de Solferino ? ». C’est lui. Mais l’affaire, si c’en est une, est rondement menée.

Maximilien a épousé notre princesse Charlotte, (17 ans) fille de Léopold Ier, sœur de Léopold II. Ils vivent à Miramare, près de Trieste. Partageant la fortune et les vaines ambitions dont François-Josef craint le pire. Alors, veut-elle devenir impératrice ? Autant, bien sûr, que son cher Maximilien est enchanté de se voir empereur. Certes, François-Joseph exige de ce dernier qu’il abandonne tout droit à la succession de l’empire austro-hongrois ? Passons. Je ne sais pas si Maximilien l’a dit, mais « Paris vaut bien une messe ».

La princesse Charlotte de Belgique Tableau de Franz Xaver Winterhalter © KIK-IRPA, Bruxelles


le journal des avocats

Et Napoléon III de leur assurer l’armée française du maréchal Bazaine pour garantir sur place l’installation paisible de l’empire et son maintien. On sait quels combats, alternant avec les fanfares et les défilés, ont permis d’installer officiellement l’empire au Mexique. Quelques temps. Mais l’affaire tourne mal. Et Napoléon III fait rentrer Bazaine ! Maximilien est seul, contre la révolution qui triomphe lentement mais sûrement. Ses troupes mexicaines sont submergées, sous les ordres de ce qui survit de l’état-major : quelques généraux mexicains. Des fidèles ou des traîtres ? Allez savoir.

Achille-François Bazaine, Marechal de France (1811-1888) Peint par Jean-Adolphe Beaucé (1818–1875)

L’impératrice Charlotte, « Carlotta », revient en France. Cherche du secours. Il n’y a personne pour l’accueillir à Saint-Nazaire. L’empereur des français la laisse loger au Grand-Hôtel et l’accueille fort mal. « Reviens, Bazaine ! ». C’est non. Et notre courageuse impératrice, espérant encore, se rend à Rome. Où le Souverain Pontife la reçoit. C’est que les biens de l’Eglise, nationalisés, n’ont pas été récupérés. Et que les chances de Maximilien sont minces. Il a déçu. L’Eglise ne va pas gonfler les dépenses inutiles dans ce maudit Mexique.

Portrait de l'impératrice Charlotte du Mexique par Albert Grafle

L’impératrice surmonte mal son désespoir, sans même l’espérance de retourner « au pays », auprès de son cher Maximilien. Elle se croit empoisonnée, et cela lui vaut d’être la seule femme à être logée sur place, par le Pape. Mais, très vite, elle est reprise en mains par l’Autriche et cloîtrée à Miramare, dans la conciergerie de son château d’amour. La conciergerie, sous la surveillance d’une gardienne. Prisonnière, un an. Enceinte ?

MAG


Exécution de l'empereur Maximilien. Querétaro, 19 juin 1867. Anonyme © photo RMN-grand palais

Maximilien meurt là-bas à Miramare. Fusillé sous les ordres de Benito Juárez.

Et puis, au terme de cette année de captivité et de médiations habilement menées par le baron Goffinet notre reine Marie-Henriette intervient pour sa belle-sœur et obtient, non sans peine, que Charlotte revienne en Belgique. Folle ? Elle s’éteignit, à Bouchout, le 19 janvier 1927.

Fallait-il que François-Joseph et Napoléon III, les ennemis de Solferino, soient peu rancuniers pour asseoir ensemble cet empereur du Mexique, frère de l’un, avec l’armée de l’autre ! Un trône ou une chaise électrique ? Fallait-il rêver d’un empire dans un tel pays ? Et dans les conditions que vivait alors l’Europe : les hostilités Prusse-Autriche ? Une nouvelle révolution française ?


le journal des avocats

Et pourquoi Maximilien ? Fallait-il se débarrasser du fils né des amours de l’archiduchesse Sophie et de l’Aiglon ? Et donc se défaire aussi du petit-fils de l’Aiglon, qui serait né à Miramare ? Descendant direct de Napoléon le Grand ? Enlevé à sa mère ? De quoi devenir folle.

Charge des hussards à la bataille de Solferino

Mais il est tard. Vous avez dit « Solferino » ? Sans rancune.

XM

MAG


• Martin ORBAN •

Hundert Jahre Vertrag von

Versailles

Einige Betrachtungen

Cent ans du traité de

Versailles

Quelques réflexions

Martin Orban est né en 1953. Avocat au Barreau de Verviers et puis à celui d’Eupen depuis 1977. Ancien Bâtonnier. Parallèlement à sa profession il s’engage depuis longtemps en politique communale.


le journal des avocats

William Orpen, The Signing of Peace in the Hall of Mirrors, Versailles, 28th June 1919, 1925 Imperial War Museum, London, 152 x 127cm

Vor genau hundert Jahren wurde im Schloss von Versailles zwischen den kriegsführenden Parteien des Ersten Weltkrieges ein Friedensvertrag unterzeichnet, der die Landkarte Europas grundlegend veränderte. Ein im Verhältnis zum Gesamtvertrag eher unwesentlicher Punkt sah vor, dass die preußischen Kreise Eupen und Malmedy dem Königreich Belgien einverleibt werden sollten. Für mich Anlass zu einigen eher persönlichen und weniger historischen Betrachtungen.

1. Seit ebenfalls hundert Jahren wiederholt sich jedes Jahr zum 11. November in allen belgischen Gemeinden - so auch in meiner Heimatstadt Eupen - dasselbe Ritual. Morgens Te Deum in der Pfarrkirche, feierliche Ansprache des Dechanten – Gedenken an die Opfer der beiden Weltkriege, Zukunft und Frieden aufbauen auf den Erkenntnissen der Geschichte, Völkerverständigung, zum Abschluss Abspielen der Brabançonne auf der sonst nur Kirchenlieder gewohnten altehrwürdigen Orgel, dann Festzug mit Musikkapelle, Honoratioren, Veteranen des letzten Weltkrieges, Vertreter der patriotischen Vereinigungen, jedes Jahr dieselben Bemerkungen darüber, dass nicht nur die Veteranen

und die Vertreter der patriotischen Vereinigungen, sondern generell die Anzahl der Teilnehmer immer kleiner wird…, Ankunft auf dem Ehrenfriedhof mit dem imposanten Kriegerdenkmal und den vielen gleichen Kreuzen auf frisch gestutztem Rasen, Kranzhinterlegung durch den Bürgermeister, den Militärkommandanten der Kaserne und den Vertreter der patriotischen Vereinigungen, Trompetensolo „Ich hatt‘ einen Kameraden“ und dann zum Abschluss die Brabançonne, diesmal von der Blaskapelle, einige Veteranen erheben die zittrigen Hände zum militärischen Gruß.

ORB


2. Am nächsten Nachmittag in meiner Anwaltskanzlei : mehr Anrufe, da ja am Vortag Feiertag war, unter anderem der Anruf eines Anwaltskollegen aus Dortmund, mit der Erwähnung, dass er am Vortag ergebnislos versucht habe mich telefonisch zu erreichen, und der höflichen Nachfrage, was denn in Belgien gefeiert worden sei. Meine eher scherzhaft gemeinte Antwort: „Wir haben den Sieg über Deutschland gefeiert“. Erstaunen und Irritation bei meinem deutschen Gesprächspartner, Unverständnis darüber, dass so viele Jahre nach

Ende der beiden Weltkriege, vielen Jahrzehnten europäischer Einigung und offenen Grenzen noch ein vermeintlich gegen Deutschland gerichteter Feiertag besteht. Erklärungen meinerseits: die Feier richtet sich nicht gegen den ehemaligen Kriegsgegner, sondern dient dem Gedenken an die Opfer auf beiden Seiten und generell den Opfern aller Kriege und soll in Wirklichkeit der Völkerverständigung und dem Frieden dienen.

3. Am Abend erinnere ich mich wieder an das Gespräch und stelle mir die Frage, ob ich als „kleiner Belgier“ nicht unbewusst vielleicht meinen Gesprächspartner aus dem „großen, mächtigen Deutschland“ habe provozieren wollen. Dabei wird mir bewusst, dass ich ganz offensichtlich Opfer meiner schulischen Erziehung und der Einimpfung von patriotischem Gedankengut zum Opfer gefallen bin: Im deutschsprachigen Gebiet Belgiens wurde nach dem Zweiten Weltkrieg, aufgrund der Erfahrungen in der Zwischenkriegszeit, ein nach heutigen Verhältnissen übertriebener Patriotismus anerzogen: Wir sind belgische Patrioten, stehen treu zu unserem Vaterland und zu unserem Königshaus! Vergessen und unterdrückt wurde die Tatsache, dass meine Vorfahren wie alle Bewohner der

ehemals deutschen Kreisen Eupen und Malmedy im Ersten Weltkrieg für den deutschen Kaiser gekämpft haben und dass wir eigentlich den 11. November nicht als „Sieger“, sondern als „Besiegte“ begehen müssen, wobei dasselbe auch für den Zweiten Weltkrieg gilt, als Eupen-Malmedy vom deutschen Reich annektiert wurde und die meisten männlichen Einwohner aus Eupen-Malmedy in der deutschen Wehrmacht kämpfen mussten. Ich hätte an sich meinem deutschen Kollegen erklären müssen, dass wir am 11. November in Eupen der Toten der beiden Weltkriege gedenken und die Ostbelgier dem Sieg des neues Vaterlandes und der Niederlage des alten, beziehungsweise zeitweiligen Vaterlandes gedenken, wobei die Wirklichkeit wiederum komplizierter ist, da die Einwohner der „Ostkantone“ darüber gespalten waren, welches Land denn nun das Vaterland war.

4. Seither sind viele Jahrzehnte vergangen. Von den Teilnehmern der letzten beiden Weltkriege leben nur mehr ganz wenige. Übrig bleiben die Erinnerung und die Gräber auf dem Eupener Ehrenfriedhof, auf dem unter gleichen Kreuzen die Toten der beiden Weltkriege ruhen, ob sie nun für den deutschen Kaiser, den belgischen König oder gar den Führer gekämpft haben, ob für das deutsche oder belgische Vaterland und ob sie

überhaupt für irgendjemanden oder für irgendeine Überzeugung gekämpft haben und gestorben sind. Für die überwältigende Mehrheit wird wohl gelten, dass sie in Wirklichkeit für niemanden haben kämpfen und sterben wollen. Dass Begriffe wie „Sieger oder Besiegte“ völlig fehl am Platz sind, belegt eindrucksvoll die Geschichte meiner Vorfahren.


le journal des avocats

Photo des festivités en 1937, lors de l´inauguration du monument de Jef Lambeau. © Staatsarchiv in Eupen, 9-006 Fotoatelier Lander Eupen (Negative), Nr 19/1

5. In einer Zeit, in der rechtes Gedankengut, Fremdenhass und nationaler Egoismus immer weiter zunehmen, müssten Gedenktagen wie dem 11. November eigentlich mehr Bedeutung gegeben werden.

Sicherlich unter dem Motto „Nie wieder Krieg“, aber auch „Wehret den Anfängen“. M.O.

ORB


Il y a 100 ans exactement, au Château de Versailles, un traité de paix fut signé par les belligérants de la première guerre mondiale, ce qui modifia la carte de l’Europe de façon fondamentale. Un point, plutôt secondaire par rapport à l'ensemble du traité, prévoyait de céder les cantons prusses d’Eupen et de Malmedy au Royaume de Belgique. C’est, pour moi, l’occasion d’émettre quelques réflexions plutôt personnelles qu’historiques.

1. Ainsi, depuis 100 ans, le 11 novembre, chaque année dans toutes les communes belges - donc également dans ma ville d’origine Eupen - se répète le même rituel. Le matin, Te Deum dans l’église paroissiale, allocution solennelle du Doyen : souvenir des victimes des deux guerres mondiales, construire l’avenir et la paix sur base de notre histoire, entente entre les peuples et, pour terminer, la Brabançonne sur l’orgue traditionnel. Ensuite, cortège avec fanfares, dignitaires, vétérans de la dernière guerre, représentants des associations patriotiques. Et chaque année les mêmes remarques que non seulement les vétérans et les représentants des associations patriotiques

disparaissent peu à peu mais que le nombre des participants se réduit fortement. Arrivée au cimetière face à l’imposant monument aux soldats morts et aux nombreuses croix identiques sur la pelouse fraîchement coupée, Dépôt d’une couronne par le bourgmestre, le commandant militaire et les représentants des associations patriotiques. Solo de trompette « Ich hatt' einen Kameraden » (« J’avais un camarade ») et enfin la Brabançonne interprétée cette fois par la fanfare, quelques vétérans levant une main tremblante en guise de salut militaire.


le journal des avocats

2. Le lendemain après-midi dans mon bureau : nombreux appels téléphoniques puisque le jour précédent était férié. Entre autres, l’appel d’un collègue avocat de Dortmund qui me signale qu’il a tenté de me joindre en vain et qui me demande poliment ce qui était fêté la veille en Belgique. Ma réponse sur le ton humoristique : « Nous avons fêté la victoire sur l’Allemagne. » Surprise et irritation de la part de mon confrère allemand, incompréhension qu'après autant d’années après la fin de la guerre, autant d’années

d’unité européenne et d’ouverture des frontières subsiste encore un supposé jour férié contre l’Allemagne. Explications de ma part : la fête n’est pas contre les anciens adversaires de guerre, mais sert à se souvenir des victimes des deux camps et, plus généralement, des victimes de toutes les guerres, En réalité, cette fête devrait servir à la compréhension entre les peuples et à la préservation de la paix.

3. Le soir, me remémorant cette conversation, je me demande si (en tant que « petit Belge ») je n’ai pas voulu provoquer inconsciemment mon confrère de la « grande Allemagne ». Et c’est ainsi que je réalise que je suis manifestement victime de mon éducation scolaire et de mon inoculation de pensées patriotiques : dans la partie germanophone de la Belgique, après la seconde guerre mondiale, sur base des expériences de l’entre-deux-guerres, un patriotisme exagéré fut légitimé : nous sommes des patriotes belges, nous sommes fidèles à notre patrie et à notre maison royale ! Oublié et refoulé le fait que mes ancêtres, comme tous les habitants des anciens cantons allemands Eupen – Malmedy s’étaient battus pour l’empereur

allemand pendant la première guerre et donc que nous devons envisager le 11 novembre non comme « vainqueurs » mais comme « vaincus ». D’ailleurs, ceci vaut également pour la seconde guerre mondiale puisque « Eupen-Malmedy » fut annexé à l’empire allemand et que la plupart des habitants de sexe masculin d’Eupen-Malmedy furent forcés de se battre dans les rangs de l’armée allemande. J’aurais dû expliquer à mon collègue allemand que, le 11 novembre, nous commémorons les morts des deux guerres mondiales et que les Belges germanophones se souviennent avant tout de la victoire de la nouvelle et de la défaite de l’ancienne patrie, ce qui est dans les faits bien plus compliqué, car les habitants des « Cantons de l’est » étaient partagés sur la question de savoir quelle était leur véritable patrie.

4. Depuis, beaucoup de décennies ont passé. Très peu de survivants.

En réalité, pour la majorité écrasante, personne n’aura voulu se battre et mourir.

Il nous reste le souvenir et les tombes du cimetière d’Eupen où reposent les morts des deux guerres mondiales : qu’ils se soient battus pour l’empereur allemand, le roi des Belges ou même pour le « Führer », pour la patrie allemande ou belge. Qu’ils se soient battus et qu’ils aient donné leur vie pour quelqu’un ou pour quelconque conviction.

Les notions de « vainqueurs – vaincus » sont par conséquent totalement déplacées, c’est ce que l’histoire de mes ancêtres démontre parfaitement.

ORB


Signature du Traité de Paix - Sortie des Alliés après la signature du traité de paix, 28 juin 1919

5. À l’époque où les pensées d'extrême droite, la xénophobie et l’égoïsme national ne cessent de croître, les journées du souvenir comme le 11 novembre gagneraient à recevoir plus d’importance.

Certainement sous la divise « Plus jamais la guerre » mais aussi « Gare aux débuts ! »

Martin Orban

Chaleureux remerciements de l’auteur et de l’éditeur à Madame Yvette NYS pour son soutien lors de la traduction et à Monsieur Norbert Kreusch d’Eupen, pour son aimable recherche de belles illustrations.


S A M ED I S L ES V O I T U R I ER I P R I V E PA R K I N G I O F F E R T E L I V R A I S O N

Une plaidoierie se prĂŠpare aussi

la nuit ! Nouveau showroom - Nouveau site web

Place de la Chapelle 10 Kapellemarkt, 1000 Bruxelles - Brussel +32(0)2 511 43 98 I aubonrepos.be


• Yves OSCHINSKY •

ET SI

NAPOLEON

N’AVAIT PAS EXISTÉ ? ELUCUBRATIONS

Yves Oschinsky a été bâtonnier du barreau de Bruxelles. Passionné par la défense des droits de l’homme, il préside l’Institut des droits de l’Homme du barreau de Bruxelles. Il est impliqué dans les organisations internationales de barreaux, notamment au sein de l’Europe ; il a été le chef de la délégation belge au sein du CCBE et a présidé la Fédération des Barreaux d’Europe. Il est actuellement administrateur de la Fondation des avocats européens.


le journal des avocats

Mais revenons à Napoléon.

Signature de Napoleon Bonaparte, gravure ancienne. Dictionary of Words and Things – Larive and Fleury - 1895

Les passionnés d’anniversaires, avides de consécrations, ont pourtant gardé très discret l’anniversaire, ce 15 août 2019, des 250 ans de la naissance de Napoléon Bonaparte, alors, par exemple, qu’un retentissement exceptionnel a été donné aux 500 ans de la mort de Léonard de Vinci. Est-ce à dire que l’art et la science marquent davantage les esprits qu’une personnalité aussi riche que fut celle de Napoléon, qui fut peut-être le plus grand stratège militaire de tous les temps et qui, de toute évidence, changea le cours du monde ? Ou bien, peut-on penser que, somme toute, les victoires militaires et les conquêtes de territoires ne seraient que des leurres et seraient finalement peu de choses dans l’évolution de l’humanité ? Que représente aujourd’hui une domination territoriale, voire économique, au regard des enjeux climatiques dont les risques bien réels laissent indifférents et sceptiques ceux qui exercent les pouvoirs les plus importants et génèrent les plus grandes responsabilités sur cette Terre qui, pourtant est bien celle de tous ceux qui la peuplent ?

Comment les chantres de la laïcité ont-ils laissé passer cette date symbolique du 15 août, pour rappeler, chaque année, à l’un des moments clés des consécrations catholiques, que Napoléon fut celui qui introduisit en France, ce pays qui alors était d’une puissance si forte et d’une étendue aussi extraordinaire, le principe de la laïcité toujours aujourd’hui si prégnant chez nos voisins d’OutreQuiévrain et consacré dans les textes par une fameuse loi de 1905 ? Austerlitz, du nom d’une petite ville de l’actuelle Tchéquie, au sein de l’Empire d’Autriche, que rien ne destinait à entrer dans la postérité. Alors que les troupes des empires d’Autriche et de Russie se trouvaient sur le plateau de Pratzen, Napoléon, dans un génial talent tactique, crée une souricière amenant les troupes austro-russes à dégarnir leur front sur le plateau, permettant alors aux troupes de Napoléon, profitant en outre d’un épais brouillard, de donner l’assaut et de conquérir le plateau de Pratzen. C’est cette bataille d’Austerlitz, en 1805, qui causera la débâcle russe et autrichienne, amenant l’empereur François 1er d’Autriche à solliciter des négociations diplomatiques avec Napoléon, permettant ainsi à celui-ci d’asseoir sa domination sur un territoire s’étendant sur la presque totalité de l’Europe. Quel eût été le sort de l’Europe, quelque 150 ans plus tard, si l’empire d’Autriche avait conservé sa puissance, l’Autriche d’aujourd’hui ne représentant aujourd’hui qu’un petit pays ayant adhéré en 1995 à l’Union européenne ?

OSC


Et, auparavant, le petit caporal autrichien auraitil seulement pu réaliser d’autres rêves que ceux d’un peintre sans intérêt ? La 2ème guerre mondiale aurait-elle simplement existé ? Quelle eût alors été la géopolitique d’aujourd’hui ? Les Anglais ont constitué un fil rouge obsessionnel des objectifs de domination de Napoléon et se sont régulièrement trouvés sur sa route, lui donnant plus souvent qu’à son tour du fil à retordre. Il mena en fin 1808 la campagne d’Espagne, à l’origine, pour faire pièce aux forces britanniques qui avaient pris pied en Espagne. Déjà auparavant, l’amiral Nelson avait défait la flotte française de l’amiral Villeneuve, lors de la célèbre bataille de Trafalgar en 1805, créant de lourdes pertes dans la marine française et anéantissant l’essentiel des bâtiments de guerre français.

En réaction, Napoléon va mettre en place une guerre économique contre le Royaume-Uni, à travers sa décision de créer un Blocus continental, faisant interdiction aux ports des pays alliés à l’Empire d’y laisser entrer des navires anglais et d’effectuer toute exportation vers le Royaume-Uni. La réponse du berger à la bergère entraîna le Royaume-Uni dans un contre-blocus visant à empêcher l’arrivée en Europe des marchandises provenant des colonies. Cette guerre économique de plusieurs années ne se solda point à l’avantage de la France napoléonienne. Le coup de grâce, comme on le sait, fut infligé à l’Empereur lors de la bataille de Waterloo, le 18 juin 1815, sous le commandement du duc de Wellington. Ce que l’on sait moins, c’est le rôle décisif joué par les troupes de l’infanterie hollando-belge dirigées par le général Chassé, ancien officier supérieur de l’armée napoléonienne, dans la victoire des Anglais. Les Français ont heureusement pu masquer ce pénible anniversaire du 18 juin 1815 par la consécration bien plus glorieuse de l’appel du 18 juin 1940 du général de Gaulle, appelant les Français à la résistance, sur les ondes de la BBC. On le voit, c’est un ancien contentieux très lourd qui oppose la France au Royaume-Uni, dont les suites se poursuivent à coup sûr aujourd’hui. La France a-t-elle une revanche à prendre, en particulier au sein de l’Europe, à l’heure du Brexit ? Ne serait-ce pas là l’occasion de remporter une victoire économique, dont les fondements auraient été mis en place, au sein de l’Union européenne, par le « général » Michel Barnier ?

MOSCOW, RUSSIA - MARCH 12, 2016: A stamp printed in Gibraltar The Battle of Trafalgar 21 October 1805, 200 Years of the Gibraltar Chronicle, 2001 - Image - © Olga Popova / Shutterstock.com

Si l’histoire des relations entre les Français et les Anglais, très brièvement évoquée plus haut, avait été différente et si la bataille de Waterloo avait tourné à l’avantage de Napoléon, les Anglais auraient-ils été si arrogants ? L’idée même du Brexit aurait-elle pu seulement poindre ?


le journal des avocats

Deux lieux phares de Londres rappellent Trafalgar et Waterloo : c’est dire toute l’importance que ces victoires historiques représentent pour l’Angleterre. Le passé est tout aussi prégnant en France : les plus grandes avenues de Paris portent le nom des victoires de l’armée napoléonienne ou de ses maréchaux, la gare d’Austerlitz évoque l’une des plus belles batailles remportées par Napoléon, que serait la plus belle avenue du monde si elle n’était surmontée de l’Arc de Triomphe dont la construction a débuté en 1806, en commémoration de la bataille d’Austerlitz, même un délicieux bonbon porte le nom de Napoléon, … London Trafalgar Square

Waterloo underground station in London

Pour nous, avocats, dont la profession et son Ordre avaient été abolis par les révolutionnaires de 1789, même si de nombreux avocats avaient bien accueilli la Révolution française, ce furent aussi des avocats qui obtinrent de Napoléon qu’il édictât un décret du 14 novembre 1810, s’appliquant à la Belgique, partie de l’Empire, rétablissant les barreaux et les Ordres d’avocats. Pour autant, l’Empereur qui, selon ses mots, voulait « couper la langue à un avocat qui s’en sert contre le gouvernement », donna au Procureur général près la Cour impériale la compétence de nommer le bâtonnier et les membres du conseil de discipline, avant qu’en 1832, le barreau belge prit son indépendance et élit directement les responsables de ses Ordres. Nous fêtions ainsi le bicentenaire de notre profession en 2011. Qu’en eût-il été sans Napoléon ? Et puis, si Napoléon n’avait pas existé, combien de mes amis eussent-ils été privés de cultiver, à juste titre, une véritable passion pour l’Empereur ?

Arc de Triomphe - Paris

Yves Oschinsky

OSC


• Marco OSSENA CANTARA •

GUINTI dernier

Marco Ossena Cantara plonge ses racines dans le Frioul italien, comme son nom l’indique. Marié à Mimie depuis 40 ans, il est père de deux enfants : Sarah, 34 ans et Maxime 31 ans. Deux petits enfants : Eliott, 5 ans et demi (Eliott y tient…) et Livia 18 mois. Il a été avocat au barreau de Verviers du 1 octobre 1978 au 4 décembre 2014. Le cabinet était professionnellement orienté vers le droit de la responsabilité et la réparation du préjudice corporel. Après 36 années passées au sein de l’avocature, il est devenu juge de police, nommé dans l’arrondissement de Liège et affecté à la section de Verviers. Passionné de voyages et de sports mécaniques, il livre ici un cruel souvenir d’adolescent.


le journal des avocats

Fils d’émigré italien, bien que né en Belgique, j’ai toujours entretenu cette fibre latine qui nous fait qualifier par d’aucuns de « chauvins » mais qui est en fait seulement la conséquence d’un attachement presqu’inconscient et irrépressible à une mère patrie en conflit permanent avec celui que nous vouons à notre pays d’accueil. Nous sommes un peu comme ces enfants qui nourrissent un égal amour envers leur famille biologique et celle d’adoption. Impossible de les départager jusqu’au moment où l’une se trouve opposée à l’autre : que faire lorsque, en football, la Belgique rencontre l’Italie ? Qui supporter ? Je ne vous le révèlerai pas ! Ceci explique sans doute combien, depuis mes plus tendres années, j’ai toujours été un fan absolu de Ferrari, vouant aux gémonies tel pilote vraiment trop nul (ou dérangeant) pour l’aduler dès qu’il passait chez les rouges, sauf VETTEL auquel j’ai toujours eu beaucoup de mal à m’attacher bien qu’avec l’âge j’aie, je pense, gagné quelque peu en objectivité sans toutefois avoir pu atteindre un certain niveau d’excellence… A une époque où l’Italie ne peut que regretter ses grands champions passés, je voudrais rappeler ici celui qui, dans mon adolescence, m’avait donné à espérer un nouveau champion du monde italien. En 1970 s’est couru le dernier grand-prix de Belgique de formule 1 sur le « grand circuit » de

Francorchamps, un tracé de 14,100 km, soit un peu plus du double de sa longueur actuelle, que Chris AMON avait bouclé en 3’27’’4/10èmes à la vitesse moyenne de 244,744 km/h. Un tracé qu’affectionnaient les pilotes de l’époque comme ceux d’aujourd’hui d’ailleurs, un circuit dont le grand Dan GURNEY disait qu’il différenciait les hommes des petits garçons. Je ne traduirai pas dans le langage de Kevin DE BRUYNE… A l’époque j’avais 16 ans et la vie m’avait gâté de deux cousines plutôt avenantes, auxquelles le sourire et une certaine audace ouvraient bien des portes. Comme elles me tiraient volontiers dans leur sillage, elles constituaient pour moi un véritable sésame. Combinez ceci au fait que mon père était responsable, pour compte de la société distributrice d’électricité, du bon approvisionnement des infrastructures nécessaires au déroulement de la manifestation, nous disposions d’un lot de cartes d’accès les plus diverses nous permettant de poser nos pas un peu partout en cette époque bénie où les teams ne se barricadaient pas encore derrière murs et volets interdisant diverses zones au grand public pour les réserver à ceux qui peuvent se permettre de débourser plus de 1.000.00 € pour admirer les bolides au plus près. Cette année-là c’est Pedro RODRIGUEZ DE LA VEGA qui l’avait emporté après une lutte acharnée avec Chris AMON qui échouait à peine à plus d’une seconde.

OSS


Mais l’essentiel de mon propos n’est pas là. Les circonstances décrites ci-avant m’avaient permis de partager une coupe, ou plutôt un gobelet en plastique, d’un champagne que Franco LINI, ex directeur sportif de Ferrari et célèbre journaliste sportif italien, ne manquait jamais de transporter dans le coffre de sa propre Ferrari, avec un jeune pilote romain qui venait de terminer son premier grand-prix de formule 1 au volant de la magnifique Ferrari 312 B à une brillante quatrième place derrière un certain… Jean-Pierre BELTOISE que le destin lui fera rencontrer l’année suivante de la manière la plus tragique qui soit.

Giunti en compagnie de l’ingénieur Mauro FORGHIERI lors du grand-prix de Belgique de 1970,

Malheureusement, au niveau de la F1, GIUNTI a souffert de la concurrence avec Clay REGAZZONI et ne disputera que 4 grands-prix en 1970, tandis que l’année 1971 allait s’avérer funeste. GIUNTI sur la ligne de départ du grand-prix de Belgique en 1970.

GIUNTI était un garçon simple, sympa, qui ne dédaignait pas se mélanger aux quelques privilégiés, dont nous étions, autorisés à investir l’espace réservé à son écurie.

Pour cette année-là, GIUNTI était resté sous contrat avec Ferrari tant en formule 1 qu’en sport prototypes.

A l’époque, point de home hospitality tels que nous les connaissons aujourd’hui mais seulement une surface au milieu des voitures, camions, pneus usagers et outillage divers encerclée par une foule nombreuse autorisée à se balader dans les box. Il était précisément venu s’assoir sur une pile de pneus et avait trinqué avec nous. Cette rencontre a engendré chez moi un attachement tout particulier pour ce pilote dont chacun reconnaissait l’immense talent et restait convaincu que 1971 serait le début d’une grande carrière permettant à l’Italie de retrouver un nouveau champion du monde.

Le cockpit de la 312 B dans sa sobriété de l’époque.


le journal des avocats

Dans cette dernière catégorie, la Scuderia avait construit sa botte secrète dans la perspective de la mise en conformité de ses bolides avec la nouvelle règlementation qui allait entrer en vigueur en 1972 : la 312 PB.

Le développement de cette voiture, qui allait remporter en 1972 toutes les courses auxquelles elle a participé, avait été confié à Ignazio GIUNTI qui la partageait avec Arturo MERZARIO lors de sa première apparition aux 1.000 km de Buenos-Aires, alors qu’elle n’avait guère plus de 2.000 km à son actif. Cette petite voiture de seulement 3 litres de cylindrée équipée d’un douze cylindres à plat ne souffrit nullement de la comparaison avec les monstrueuses PORSCHE 917, championnes du monde en titre, et prit la seconde place des essais après la PORSCHE de OLIVER et RODRIGUEZ, qui avait battu le record du tour, mais devant celle de Jo SIFFERT et Dereck BELL. Le lendemain, 10 janvier 1971, GIUNTI prit un départ exceptionnel et devança la PORSCHE de Pedro RODRIGUEZ mais le petit mexicain n’aura pas trop de mal à faire parler la différence de puissance et à placer son bolide en tête de la course. Les petites 3 litres étaient toutefois moins gourmandes en carburant et GIUNTI va reprendre la tête à la faveur des ravitaillements. Au 37ème tour de course, la MATRA 660, une autre « petite » trois litres que BELTOISE partageait avec son beau-frère François CEVERT, tomba en panne sèche à 750 mètres des stands, dans la petite côte menant vers la ligne d’arrivée. Il semble que son team ait mal calculé la consommation ne tenant notamment pas compte du carburant ingurgité à l’occasion du tour à accomplir pour le départ lancé.

Trois photos de la Ferrari 312 PB à Francorchamps en 1971

Quoi qu’il en soit, bien que ceci fut formellement interdit, BELTOISE, pourtant chantre de la sécurité en course, sauta de sa voiture et entreprit de la pousser, lui faisant traverser la piste en fonction de la déclivité de celle-ci alors que des bolides passaient de tous côtés. Les commissaires agitèrent mollement le drapeau jaune mais nul n’intervint pour faire cesser ce comportement hautement accidentogène.

OSS


Dans son 38e tour, GIUNTI était dans l’aspiration de la 512 M de l’écurie FILIPINETTI pilotée par Mike PARKES, que j’aurai également l’occasion de rencontrer à Francorchamps en 1971. La 512 évita de justesse la MATRA, la frôlant en passant à sa gauche. Elle était bien plus haute que la petite 312 de GIUNTI légèrement décalée à droite qui s’en alla heurter la française de plein fouet. Le bolide rouge s’enflamma instantanément et partit en tête-à-queue s’immobilisant 150 mètres en amont. Il faudra deux minutes à peine aux secours pour extraire le pilote de ce qu’il restait de la voiture. GIUNTI, l’homme au casque orné de cette magnifique aigle bicéphale avait, à 29 ans seulement, déjà rejoint le paradis des pilotes, tandis que BELTOISE, qui se trouvait à ce moment sur la droite de sa voiture (il venait de tourner le volant de cette conduite à droite), s’en sortira indemne, se précipitant en dehors de la piste qu’il traversa devant la voiture d’un Jo SIFFERT rendu méfiant parce qu’alerté d’avoir, les tours précédents, aperçu la MATRA dans des positions diverses. Après l’épreuve qui ira à son terme, show must go on, FANGIO, alors directeur de course, incriminera le destin. La presse française imputera à GIUNTI « une erreur de calcul » lui reprochant de ne pas avoir ralenti la cadence alors que les drapeaux jaunes étaient déployés.

Beltoise de pousser sa voiture, et Giunti, pour ne pas avoir respecté les drapeaux jaunes agités ordonnant l'arrêt immédiat pour cause de danger ". Notons ici qu’un drapeau jaune n’impose pas et n’a jamais impliqué un quelconque arrêt mais seulement de réduire la vitesse en raison du danger signalé… Encore eut-il fallu qu’il soit démontré que GIUNTI avait pu se rendre compte de leur présence. Au final, BELTOISE, dont la responsabilité a été reconnue, s’en tirera avec une suspension de trois mois qui ne l’empêchera de prendre part qu’à trois courses… La mort de GIUNTI ne fut toutefois pas vaine si l’on veut considérer que son accident constitua indubitablement un des éléments fondateurs d’une réflexion en profondeur devant conduire à revoir certaines pratiques en matière de sécurité générant des changements salutaires. Pour le jeune adolescent que j’étais, un mythe disparaissait et s’évaporait avec lui l’espoir d’un nouveau champion du monde italien que j’attends toujours… Aujourd’hui encore, revoyant les éléments de cette affaire pour rédiger ce petit texte, je me sens envahi par une profonde tristesse. Repose en paix Ignazio nous ne t’oublions pas.

Les autorités sportives italiennes insistèrent sur la lourde responsabilité de BELTOISE, sollicitant le retrait à vie de sa licence de pilote. Bref, chacun y alla de ses considérations en fonction de ses affinités. L’association des pilotes de grands-prix qui s’était réunie à Johannesburg rendit public par la voix de son président, le suédois Jo Bonnier, un communiqué précisant : "Après une enquête très approfondie sur place (Buenos-Aires) nous sommes arrivés à la conclusion que les responsabilités doivent être partagées entre Beltoise, les commissaires et Giunti : Beltoise, pour ne pas avoir respecté les règlements qui interdisent de pousser une voiture, les commissaires, pour ne pas avoir empêché

Marco Ossena Cantara

Autocollant officiel des pilotes Ferrari de l'écurie de Maranello Propriété de l'éditeur (1977)


DS 3 CROSSBACK

L’A L L I A N C E D U R A F F I N E M E N T E T D E L A T E C H N O L O G I E AVA N C É E . D É C O U V R E Z L A N O U V E L L E M A R Q U E D S S U R D S A U T O M O B I L E S . B E

3,7 - 5,1L / 100KM

97 - 115G CO2 / KM (NEDC)

INFORMATI ONS EN VIRO N N EMEN TALES [[AR AR 19/03/2004 19/03/2004]] : WWW.DSAUTOMOBILES.BE/FR/UNIVERS-DS/CONSOMMATION-A-L-USAGE.HTML - VISUEL N O N CO N TRACTUE L


• Raoul Maria de PUYDT •

SPRANKELEND KLEURENFESTIVAL VAN DELPHINE Raoul Maria de Puydt is ereadvocaat van de Nederlandse Orde van advocaten van de balie te Brussel. Oud-lid van de Raad van Orde en eerste secretaris van de Tuchtraad van Beroep van de Vlaamse balies. Auteur van “Deontologie van de Vlaamse advocaat” (2009). Dichter en essayist. Poëzie vertaald in een tiental talen. In 2014 verscheen zijn “Verzamelde gedichten” in het Nederlands en het Frans. Schreef als kunstrecensent talrijke artikels en monografieën over o.a. Felix De Boeck, Piet Gilles, William Sweetlove en Joseph Willaert. Zijn boek “De pioniers van de abstracte kunst” ging de wereld rond. Levert bijdragen aan het Nationaal Biografisch Woordenboek (Koninklijke Academie van België).

LE BUBBLY LOVE MACHINE DE DELPHINE Raoul Maria de Puydt est avocat honoraire de l’Ordre néerlandais des avocats du barreau de Bruxelles. Ancien membre du Conseil de l’Ordre et premier secrétaire du Conseil de discipline des barreaux néerlandophones. Auteur de la ‘’Deontologie van de Vlaamse advocaat’’ (2009). Sa poésie a été traduite dans une dizaine de langues. En 2014 paraît son ‘’Recueil de poèmes’’ en Néerlandais et en Français. Il écrit en tant que critique d’art un grand nombre d’articles et de monographies sur e.a. Félix De Boeck, Piet Gilles, William Sweetlove et Joseph Willaert. Son livre ‘’Les pionniers de l’art abstrait’’ a fait le tour du monde. Il contribue au ‘’Nationaal Biografisch Woordenboek’’ (Académie Royale de Belgique).


le journal des avocats

Kort na haar jeugdjaren verhuist Delphine Boël, samen met haar moeder, naar Londen, waar ze studeerde aan de kunstacademie van Chelsea. Ze behaalt er haar bachelordiploma met onderscheiding (1990) en gaat werken bij de ‘Great Western Studio’, een Londense kunststudio waar een paar honderden artiesten er hun ateliertje hebben (1992 – 2003). Haar eerste solotentoonstelling in België vindt plaats te Brussel (2001), stad die ze niet kan loslaten, in de galerij Hyper Space gerund door Marie-Puck Broothaers, de dochter van Marcel Broothaers (1924-1976), gelegen te Elsene. Zij pronkt er met o.m. twee werken die de volle aandacht trekken : een installatie ‘The sphere of life’, een baarmoeder, oorsprong van de levende kunst, met in een aquarium een visje dat er is opgehangen; een frivool zitmeubel ‘The Lover’s Throne’. In 2002 viel haar de eer te beurt om een week lang, in navolging van andere beroepskunstenaars, gastcolleges te geven aan het Hoger Instituut voor Schone Kunsten (HISK), Lange Leemstraat te Antwerpen. Voor het Zweedse vodkamerk ‘Absolut’ mocht ze inmiddels een publiciteitslabel op hun flessen creëren (2003), dit door tussenkomst van Wim Delvoye (°1965). Het is bekend dat Andy Warhol (1928-1987) de eerste was die hiervoor geselecteerd werd. Delvoye sleepte haar datzelfde jaar mee naar de Biënnale van Venetië, waar ze samen exposeerden in het Palazzo Zenobio. Haar tweede expositie in België vindt plaats in de abdijhoeve ten Bogaerde te Koksijde (10 – 28 juli 2004) en werd een succes : +/- 10.000 bezoekers. Bijna alle veertig geëxposeerde werken, hoofdzakelijk in papier-maché werden verkocht. Blikvanger was ongetwijfeld ‘Delphine Manneken Pis’ (h. 3m42). Het is alsof Niki de Saint-Phalle (1930-2002) herboren was. Haar ‘Nana’s’, beschilderd met schrille kleuren, werden door Delphine omgetoverd tot burleske beelden, in een driekleurige verf gezet. De gemeente Koksijde kocht het beeld ‘The Royal Sacred Four Legged Monster’ aan. Kunstwerk dat thans het nieuwe glazen gemeentehuis siert samen met vele andere kunstenaars o.m. Panamarenko. Voor het goede doel maakte Delphine op wereldaidsdag een cactus waarvan de stekels wijzen op de schade die het aidsvirus kan aanrichten (2004).

PUY


‘Love for ever’ dans l’atelier de l’artiste (2019) Acrylique sur toile et bois


le journal des avocats

Ter gelegenheid van een expo met o.m. Wim Delvoye in de galerij Pierre Bergé, te Brussel (2007) brengt ze een totaal nieuw genre, art video en 3D werk, met o.m. de grote installatie ‘Just another Day in Manhattan’ vergezeld van een oproep aan het publiek: ‘Ik hoop dat u mij, Delphine, nu beschouwt als een artieste”. Dat gebeurde naar aanleiding van de publicatie van haar biografie ‘Couper le cordon, de navelstreng doorknippen’ (2008), waarmee ze afrekent met haar verleden en tenvolle opteert om in de wereld te figureren als artieste. Aldus werd de tentoonstelling bij galerij Pieters in het kunstoord Sint-Martens-Latem een ware overrompeling, met meer dan 40.000 exemplaren van haar biografisch boek (NL / FR) verkocht (2008). We hebben nog tien jaar te gaan in ons verhaal. Inmiddels is Delphine reeds enkele jaren teruggekeerd naar het Brusselse, waar ze haar atelier heeft (2003). Jaarlijks tekenen we een aantal tentoonstellingen op in alle hoeken van het land, zonder de retrospectieve tentoonstelling te vergeten in het gemeentelijk museum van Elsene (2017). Inmiddels reisden haar werken de wereld rond en hangen ze in musea of op kunstbeursen te Houston, Miami, Southampton, Grimaud / Sint-Tropez, Parijs, Stockholm, Venetië, … De tijd van de papier-maché is voorbij. Sinds 2003 vullen er teksten veel van haar creaties op. Tussenin ontwerpt ze een multiple (22 ex.) die de vingerafdruk van haar identiteit openbaart. Ook neons van ‘het kind van de liefde’ (Love Child) (2011) (7 ex.) verlichten niet alleen donkere ruimtes, maar verduidelijken haar boodschap. Delphine focust zich geregeld op het wereldnieuws in de kranten, waardoor ze haar werk doorspekt met haar boodschap van liefde en met de levensvragen, die onze planeet zich dagelijks stelt. Het zijn identieke onderwerpen, die deze popkunstenares al die jaren onder andere kunstvormen weet in de verf te zetten : het gedramatiseerde levensverhaal van een vergeten kind. Neem even de reeks ‘bla, bla, bla’-schilderijen, de algemene kletspraat die overal in de wereld beoefend wordt, meermaals geaccentueerd, door die woorden in het brons te gieten (2010-2019). De blabladoeken met kruis ‘Blabla does not Delfine the Divine’ vormen de overgang naar een god, die levensvreugde moet brengen en die ze in een sterke reeks (2014) uitschreeuwt ‘Dear God’, laat in hemelsnaam de waarheid, de vreugde, de liefde zegevieren. Ze keek in de spiegel en God antwoordde “Pray Harder”. Haar geroep nam de toon aan van de ‘Art brut’, zoals bij ‘Hypocriet’. Stilaan verzacht haar boodschap tot een lovemachine. Alles in de wereld wordt beheerst door machines en robots. Zelfs fysici en filosofen verwerken deze evolutie, los van alle emoties. Het leven wordt hard. Daar komt de kunstenaar tussen met zijn verftoets : in alle toonaarden de onnoemelijke herhaling van de boodschap ‘love’ steeds ‘love’ ! Op haar grote doeken mogen de kunstliefhebbers op elk vierkantje drukken met het ultieme liefdesverhaal naar wens. Het wordt een berg van kleuren door het aanbrengen van acryltoetsen als een tepel, die in het oog springt bij elke aanschouwer, die de liefde wil aanraken. Thans maakt haar werk furore in de ‘Belgian gallery’ te Namen. Zolang Delphine creatief blijft is haar verhaal onuitputtelijk.

PUY


Peu après ses jeunes années, Delphine Boël déménagea avec sa maman vers Londres, où elle étudia à l’Académie des Arts de Chelsea. Elle y obtint son diplôme de bachelor avec distinction (1990) et alla travailler au ‘Great Western Studio’, un studio d’art londonien où une centaine d’artistes avaient leur atelier (1992 – 2003). Sa première exposition solo en Belgique se déroula à Bruxelles (2001), à la galerie ‘Hyper Space’ gérée par Marie-Puck Broothaers, la fille de Marcel Broothaers (1924-1976), située à Ixelles. Elle se fit remarquer par deux œuvres qui attirèrent toute l’attention : une installation ‘The sphere of life’, un utérus, origine de l’art vivant, avec dans un aquarium un petit poisson qui y est suspendu,et un canapé frivole ‘The Lover’s Throne’. En 2002 elle a eu l’honneur une semaine durant, à l’exemple d’autres artistes professionnels, de donner des cours à l’Institut Supérieur des Beaux-Arts (HISK), Lange Leemstraat à Anvers. Pour la marque de vodka suédoise ‘Absolut’, elle a pu entretemps créer une publicité sur leurs bouteilles (2003), ceci grâce à l’intervention de Wim Delvoye (1965). Il est connu que Andy Warhol (1928-1987) fut le premier à être sélectionné pour ce genre de travail. Delvoye emmène Delphine la même année à la Biennale de Venise, où ils exposèrent ensemble au Palazzo Zenobio. Sa deuxième exposition en Belgique se déroula à la ferme de l’abbaye ten Bogaerde à Koksijde (10 – 28 juillet 2004) et fut un succès : +/- 10.000 visiteurs. Presque l’ensemble des 40 œuvres exposées, principalement en papier-mâché, furent vendues. Sans aucun doute l’accroche était le ‘Manneken Pis de Delphine’ (h. 3m42). C’est comme si Niki de Saint-Phalle (1930-2002) était à nouveau parmi nous. Ses ‘Nanas’ peintes avec des couleurs criardes, furent par un tour de passe-passe de Delphine transformées en statues burlesques, peintes aux couleurs tricolores belges. La commune de Koksijde acheta la statue ‘The Royal Sacred Four Legged Monster’, œuvre d’art qui depuis lors orne le hall de la nouvelle maison communale en verre, parmi les œuvres de beaucoup d’autres artistes, dont Panamarenko. Pour la bonne cause, Delphine réalisa pour la journée mondiale du Sida, un cactus dont les piquants évoquent les dégâts que peut provoquer le virus du Sida (2004). A L’occasion d’une expo avec Wim Delvoye à la galerie Pierre Bergé, à Bruxelles (2007) elle développe un genre totalement nouveau: un travail de l’art numérique (vidéo et en 3D). On y retrouve la grande installation ‘Just another Day in Manhattan’ accompagnée d’un appel au public: ‘’J’espère que vous me considérez, moi, Delphine, maintenant comme une artiste’’. De même, à l’occasion de la publication de sa biographie ‘Couper le cordon’ (2008), dans laquelle elle règle les comptes avec son passé, elle opte complètement pour figurer dans le monde comme artiste à part entière. Ainsi l’exposition à la galerie Pieters à Sint-Martens-Latem, haut lieu de l’art, fut une véritable consécration. Plus de 40.000 exemplaires de son livre bibliographique (FR / NL) vendus !


le journal des avocats

PUY

‘Bubbly Love Machine’ (2019) - Acrylique, gesso et pailettes sur toile


Nous devons encore avancer de 10 ans dans notre aperçu. Entretemps Delphine est déjà depuis quelques années de retour à Bruxelles où elle a son atelier depuis 2003. Nous notons annuellement quelques expositions dans tous les coins du pays sans oublier le musée d’Ixelles qui lui consacre une rétrospective en 2017. Entretemps ses œuvres voyagent autour du monde et sont accrochées dans des musées ou dans des ‘Art Fairs’ à Houston, Miami, Southampton, Grimaud / Saint-Tropez, Paris, Stockholm, Venise… Le temps du papier-mâché est révolu. Désormais des textes remplissent nombre de ses créations. Entre les deux, se situe un multiple (22 exemplaires) qui révèle une empreinte de son identité. Aussi des néons de l’enfant de l’amour (Love Child) (2011) (7 exemplaires) n’éclairent pas seulement des espaces sombres, mais précisent également son message. Delphine se focalise aussi sur les nouvelles mondiales, glanées dans les journaux, qu’elle truffe de son message d’amour et de questions sur la vie, que notre planète pose tous les jours. Ce sont des sujets identiques que cette artiste pop, toutes ces années, met en peinture sous d’autres formes d’art : l’histoire dramatique de la vie d’une enfant oubliée. Prenez la série de peintures ‘bla, bla, bla’, les ragots généraux qui sont pratiqués partout dans le monde, la plupart du temps accentués, par ces mots coulés dans le bronze (20102019). Ces toiles ‘blabla’ avec la croix ‘Blabla does not Delfine the Divine’ forment la transition vers un dieu, qui doit apporter l’attachement à la vie et qu’elle laisse hurler dans une forte série ‘Dear God’. Elle fait triompher la vérité, la joie, l’amour. Elle regarda dans le miroir et Dieu répondit "Pray Harder". Son cri adopte le ton de l’’Art brut’, comme dans ‘Hypocrite’. Peu à peu, son message s’adoucit jusqu’à devenir une machine d’amour. Tout dans le monde est dominé par les machines et les robots. Même les physiciens et les philosophes acceptent cette évolution, vide de toute émotion. Là intervient l’artiste avec ses touches de couleur : dans toutes les tonalités, le message ‘love’ toujours ‘love’ est répété sans cesse ! Au travers de ses grandes toiles les amateurs d’art peuvent inscrire selon leur désir sur chaque case leur propre histoire d’amour. Cela devient un tas de couleurs par l’apport de touches acrylique comme un mamelon, qui saute dans l’œil de chaque personne qui le contemple, qui veut atteindre l’amour. Actuellement, elle expose avec ferveur ses créations diverses à la ‘Belgian Gallery’, place d’Armes à Namur. Aussi longtemps que Delphine restera créative, son histoire sera inépuisable.

Raoul Maria de Puydt


La Maison de la Montagne

Partenaire de vos vacances en famille ou entre amis

Organisation de sĂŠminaires professionnels Ă la montagne

Contact : info@lamaisondelamontagne.be 067/88.36.01 www.lamaisondelamontagne.be


• Cavit YURT •

Des joies acidulées du bonbon

Napoléon Cavit Yurt est avocat au barreau de Bruxelles. Connaisseur averti du droit de la procédure pénale, il s'est spécialisé en droit pénal du roulage et en cassation pénale. Il consacre l'autre moitié de sa vie à l'illusionnisme.


le journal des avocats

Les petites choses recèlent en leur cœur des passeports vers de grands ailleurs. La fleur tenue par la dame de cœur, une certaine façon de nouer un nœud papillon, de porter la toge ou le regard, tous ces sésames ouvrent maintes cavernes. Le bonbon Napoléon est l’une de ces clés vers le lointain qui sommeille ici, quelque part. Ses particularités ne sont pas étrangères à l’étrange voyage gustatif et olfactif qu’il permet. L’emballage d’abord, qui est la couverture jetée par les marchands sur ce qui se dérobe d’abord à nous. Il fallait y penser, à cette transparence qui fait de chaque emballage une vitrine de la promesse contenue au-delà. Les Fruittella ont résolu autrement le problème: c’est la couleur de l’emballage et le fruit représenté dessus qui vous renseignent sur la promesse. Le bonbon Napoléon va plus vite: il montre la couleur et la texture, d’emblée. On n’achète pas un(e langue de) chat dans un sac opaque. Et puis, il y a Napoléon, bien sûr. Sa silhouette a, pour les besoins de cette cause sucrée, été immortalisée jadis en vert, naguère en noir. Emballage transparent aux bords rouges, NAPOLEON en lettres majuscules. On raconte que le choix du personnage s’est porté sur Bonaparte car un concurrent avait déjà mis la main sur César… Quel étrange sens de la démesure pour des confiseurs que de vouloir convoquer directement, pour des bonbons, les grands empereurs de l’Histoire. Une fois l’emballage ôté, on savoure d’abord la fine couche poudreuse de sucre, antichambre visuelle et gustative d’un voyage progressif dans un pays singulier, là où tout n’est que sucre, poudre et acidulé. Le bonbon Napoléon a en effet pris le parti de stratifier les plaisirs: d’abord la fine couche sucrée, puis l’écorce dure du bonbon proprement dit, le cœur enfin

YUR


porteur d’un élan acidulé renouvelé. Les aliments qui parviennent à se ménager un cœur explosif porteur de la même chose – mais sous une autre forme – se comptent sur les doigts d’une main de tricheur: l’artichaut, la calzone, le moelleux au chocolat et le bonbon Napoléon. Cette explosion du cœur au dernier moment, cet ultime sursaut du bonbon qui vous dit au moment de s’éteindre à jamais la grandeur infinie qu’il a pu contenir, et voilà cet ailleurs, ce lointain de poche que permettent les choses bien faites. Si vous mettez du cœur à vos ouvrages, il y a fort à parier que leurs cœurs disent en chœur quelque chose de grand, quelque chose de beau, sur la superbe possibilité d’autre chose qu’offre tout métier trempé dans l’encre de l’exigence. Le monde est comme demandeur d’éruptions alternatives. Et nous devons tout à la fois être volcan, magma, vulcanologue et Pompéi. La rareté finit de parfaire la création. Comme les meilleures choses, le bonbon Napoléon ne se trouve pas partout. Créé en Belgique, actuellement fabriqué aux Pays-Bas, il n’est diffusé que dans le Benelux et le nord de la France. Il n’est donc pas directement accessible pour un Istanbuliote ou un Sicilien – pour ne prendre que deux exemples au hasard – lesquels pourraient, toute leur vie, passer à côté d’une belle promesse de poche. Mais toute existence a, comme tout empire, ses limites, ses Waterloo et ses Bérézina. Après tout, nous ignorons pour notre part presque tout du vezir parmağı (doigt de vizir) ou du cannolo. C’est que pour goûter d’autres ailleurs, il faut visiter d’autres palais.

Cy


Qui pense revenu garanti, pense PRECURA !

Spécialiste en assurance revenu garanti en cas d’incapacité de travail suite à un accident ou une maladie, PRECURA est depuis des décennies le partenaire privilégié des barreaux. PRECURA vous offre la couverture la plus étendue même en cas de Burn-out ou dépression.

Assurer votre revenu et maintenir votre niveau de vie, PRECURA s’en occupe !

www.precura.be


Situation du 7e Corps - 22 décembre 1805 (Nafziger - 805LXC) Commandant : Augereau / 2ème Division Maurice Mathieu Brigade Sarazin : 1er et 2e Bataillon du 63e de Ligne, 61 Officiers, 1396 hommes Le 26 décembre 1806, Napoléon donnait l'ordre au Maréchal Augereau de se placer en réserve en Souabe, puis de prendre ses cantonnements dans le pays de Darmstadt. Le 63e fut placé dans cette dernière ville.

Tambour de Grenadiers vu à Berlin en octobre 1806, d'après Zimmermann; document original conservé à la Anne S. K. Brown Military Collection, Brown University Library (avec l'aimable autorisation de Mr Peter Harrington, Conservateur de la Bibliothèque).


Coloriage militaire 1806 - 1.

Copie établie, pour Empéri Museum par le dessinateur belge W. Aerts en 1925 (ancienne collection Brunon) Commandant : Augereau 2ème Division Maurice Mathieu Brigade Sarazin : 1er et 2e Bataillon du 63e de Ligne, 61 Officiers,


Fig. 3 ; Officier de Grenadiers en 1807-1808 d'après la suite dite de Otto de Bade (Kolbe)


Coloriage militaire 1806 - 2.

Fac-similé réalisé par L. Rousselot et publié en 1942-1943 par A. Depreaux


Ils ont prêté leur plume et leurs images ! Ze hebben ons hun pen en hun beelden geschonken…

© Louis Dehin

Sie haben uns ihre Texte und Bilder geschenkt...

Christine BRÜLS

Jean de CODT

Bruno COLSON

Marie COQUIL

Herman DE CROO

Francis DELPÉRÉE

François DESSY

Patrick HENRY

Julie HENRY


le journal des avocats

Nos plus vifs remerciements vont aux auteurs de ce numéro pour leur sympathique et talentueuse collaboration. Nous remercions la Direction du HILTON GRAND'PLACE Bruxelles pour les lots qu'elle a accepté d’offrir pour nos auteurs dans le cadre d’un échange publicitaire pour notre TOMBOLA DES AUTEURS. Nos remerciements vont également à tous nos annonceurs pour leur fidèle contribution à l'image de qualité de ce magazine.

Marc ISGOUR

Maurice KRINGS

Audrey LACKNER

Gérard LEROY

Xavier MAGNÉE

Martin ORBAN

Yves OSCHINSKY

Marco OSSENA CANTARA

Raoul Maria de PUYDT

Cavit YURT


OÙ RETROUVER TOUS NOS AUTEURS WAAR VINDT U ONZE AUTEURS WO KÖNNEN SIE UNSERE AUTOREN TREFFEN Les auteurs de ce numéro Septembre 2019 sont répertoriés par le chiffre 30 en rouge. Les auteurs du numéro HORS-SERIE du 1er septembre 2016, pour AVOCATS.BE, sont répertoriés par Dans vos numéros 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019 du -journal des avocats- vous retrouverez, classés par ordre alphabétique, les avocats, magistrats, juristes, auteurs et artistes suivants :

A

Michel Amas Anne Ariën Roman Aydogdu

15 25 4 - 18

B

Jean-Pierre Babut du Marès Philippe Balleux Jochen Bauerreis (DE) Robrecht Bauwens Alain Berenboom Michel Benichou Pascal Bertrand Carl Bevernage Marina Blitz Dominique Blommaert Julie Bockourt Pierre Bogaerts Olivier Bonfond Thierry Bontinck Stéphane Boonen Jacques Borlée (Coach) Xavier Born Pierre Bouchat (expert) Dietrich Bourguignon Martine Bourmanne Jean-Pierre Bours Thierry Braibant Jean-Paul Brilmacker Christine Brüls Jean-Pierre Buyle

1 - 12 9 - 16 - 17 - 20 - 23 14 11 - 17 - 23 12 28 6 28 15

19

4 - 8 - 12 - 20 16 6 11 8 11

29 19

12 - 15 - 17 7 - 25 10 - 30 1-2-3-4-5-6-7 11 - 14 - 16 - 20 - - 23 - 27

C

Peter Callens Sylvie Callewaert François Canonica Sandrine Carneroli Jean-Marc Carnicé Christian Cauwe Benoît Cerexhe Roger Chaidron Françoise Chauvaux Mariapaola Cherchi Thérèse Chotteaux (sculptrice) Michel Claise Jérôme Cochart Daniela Coco Philippe Coenraets Marteen Colette (OVB) François Collon Olivier Collon Bruno Colson Marie Coquil Jean-Philippe Cordier Pierre Emmanuel Cornil Sébastien Courtoy Katrien Crauwels Guillaume Croissant

28 10 15 4 15 27 11 8 - 11 - 12 - 18 - 19 4 28 11 9 13 - 27 8 - 9 - 10 3 - 19 4 7 1 - 20 30 30 17 29 15 26 9


le journal des avocats

D

Georges-Albert Dal Marc Dal Christian Dalne David Dandoy Jérôme Dayez Bruno Dayez Robert De Baerdemaecker Jean-Pierre de Bandt Jérôme de Brouwer Stefaan De Clerck Jean de Codt Herman De Croo Jean-Pierre De Cuyper Jacques De Dobbeleer Vincent Defraiteur Isabelle De Jaegere Thierry Delaey Caroline Delaude (FR) Romain Delcoigne Caroline Delesie (FR) Stéphane de Lobkowicz Anna Dejonckheere Geoffrey Deliège Martine Delierneux Francis Delpérée Pascale Delvaux de Fenffe François Dembour Willy Demeyer Nicole Deprez An de Puydt Raoul Maria de Puydt Didier Dequévy Guy De Reytere Yves Derwahl Aimery de Schoutheete Charline Desmecht François Dessy D Francis Desterbeck Patrick Dewael Xavier Dewaide Bernard Dewit Denis Dobelstein Véronique Drehsen Caroline Dubois Nicolas Dubois Marie-Fraçoise Dubuffet Roland Dumas (Fr) Axel Dumont Marie Dupont

3 1 - 23 7 23 1 1-2-9 4 - 19 - - 28 28 4 12 18 - 26 - 28 - 30 12 - 17 - 30 12 4 1-3 17 - 23 14 11 11 14 8 29 6 - 20 - 22 - 26 2 - 25 - 30 28 - 29 7 12 29 28 - 30 25 4 2 - 5 - 19 - 23 4 10 5 - 6 - 7 - 9 - 12 - 14 15 - 16 - 17 - 20 - 21 23 - 29 - 30 27 11 11 15 2 1 - 2 - 10 4 6 11 3 - 21 7

ABC

E

Isabelle Ekierman Elie Elkaim (CH) Marie-Céline Elleboudt Vincent Engel (écrivain) Alexis Ewbank Pascal Eydoux

4 14 8 11 18

F

Marine Fabbricotti Maxime Fabry Julien Feltz Christiane Féral-Schuhl Benoît Feron Jérôme Flahaut Nathalie Fonsny Roland Forestini Michel Forges Jean-Jacques Forrer

10 13 - 20 13 9 2 - 11 13 18 5 - 19 15 - 20 - 21 - 28

Alezio Fulmini

24

Patrick Geelhand de Merxem Koen Geens Ruthven Gemmell WS Vincent Ghislain Alexandre Gillain François Glansdorff Didier Goeminne Jean-Marc Gollier Michel Graindorge Vincent Grévy Simon Gronowsky Anne Gruwez Emmanuel Gueulette

18 - 19 - 20 - 22 - 23 - 26 27 24

G

4 - - 27 11 - 18 - 26 1 - 2 - 5 - 21 - 26 16 11 2 20 2


K H

Andrea Haas Olivier Hamal Bernard Hanotiau

16 11 9

Paul Hautecler (architecte) Klaus Heinemann Marie-Paule Helpens Astrid & Alexandra Henkes Julie Henry Patrick Henry Pierre Henry Delphine Heritier Elvira Heyen Jean-Paul Hordies Guy Horsmans Frédéric Huart Jean-Damien Huberty

11 12 5 - 18 26 30 5 - 12 - - 30 20 26 24 3 - 4 - 25 22 3

I

Guido Imfeld Marc Isgour

20 30

J

Valentin Jadot Alain Jacobs-von Arnauld Laila Jalajel Edward Janssens Christian Jassogne Ingrid Jodocy Dominique Jossart Frank Judo

9 4 - 9 - 12 - 18 - 21 - 24 - 22 26 20 8 4 28

Olivier Haenecour

L

Axel Kittel Charles Kaisin Michel Kaiser Charles Kaufhold Philippe Kenel Fernand Keuleneer Andreas Keutgen Louis Krack Maurice Krings

Vinciane Labeye Audrey Lackner Marie-Jo Lafontaine (artiste) Karl-Heinz Lambertz France Lambinet Hugo Lamon Frédéric Laurent Véronique Laurent Mathieu Lavens Marc Lazarus Daniel Leclercq Juan Le Clercq Cédric Lefèbvre Pierre Legros Eric Lemmens Rolf Lennertz Serge Léonard Antoine Leroy Gérard Leroy Luc Lethé Matthew Levitt Jean-François Libert Laurent Liégeois Vincent Lurquin Aurelia Luypaerts

3 - 29 11 4 14 17 - 23

28 19

22 - 23 30

5 - 29 30 11 1-9 13 - 27 19 - 21 - 26 16 3 - 10 13 - 17 - 27 1 - 26 22 4 3 - 25 3 4 - 8 - 23 - 26 8 2 - 11 3 1-2-3-5-6-7 8 - 9 - 15 - 17 - 20 23 - 26 - 27 - 30 2 - 5 - 22 24 22 14 5 12


le journal des avocats

M

O

Robert MacLean Xavier Magnée Michel Mahieu Bernard Mailleux Bernard Mairiaux Jacques Malherbe Dominique Matthys Christophe Marchand Luc-Pierre Maréchal Bee Marique Paul Martens Amandine Martin Christine Matray Cécile Meert Jan Meerts Hugh Mercer Jean-Pol Meynaert Wilfried Meynet Yola Minatchy Xavier Miny Luc Misson Stéphanie Moor Pierre Moreau François Motulsky Céline Mouthuy Walter Muls

Judith Orban Martin Orban Yves Oschinsky Marco Ossena Cantara

24 4 - 16 - 30 4 29 8 9 18 - - 26 9 13 1 13 2 - 10 6 25 24 1 - 29 14 5-6 7 - 13 - 15 - 17 - 27 1 3 - 7 - 24 18 9 - 26 - 29 16 28

R

Mathieu Parret Alice Pastor (MC) Pierre Paulus de Châtelet Jean-Baptiste Petitat Alix Philippe Marie-Françoise Plissart Marie-Andrée Pieters Alexandre Pirson Claude Pirson Charles Price Damien Poncelet Corinne Poncin Andrée Puttemans

Carole Raabe David Ramet Frédéric Reard Myriam Rémion Bernard Renson Pierre-Jean Richard Juliette Richir Jean-Marc Rigaux Yohann Rimokh Jean-Philippe Rivière Jacqueline Rousseaux Ghislain Royen

7 27 11 - 19 20 - 21 - 22 - 25 11 1 - 2 - 5 - 15 - 22 27 16 - 18 - 22 6 - 11 - 19 - 21

Myriam Royen (son épouse) Anne-Sophie Rutsaert

2 3 - 4 - 6 - 8 - 9 -11 12 - 17 - 19 - 21 - 24 - 27 11 11

Jean Saint-Ghislain Arianne Salve Nicolas Saspi (photographe) Vincent Sauvage Frank Samson André-Marie Servais Pierre-Dominique Schupp (CH) Pierre Sculier Alain Smetryns (Magistrat) Luc Simonet Jehanne Sosson Pierre-Marie Sproockeels Marcel Siraut Frank Spruyt Cécile Staudt Benoît Stévart Jo Stevens (OVB)

4 13 - 15 - 22 11 8 - 23 17 4 14 16 11 3-6 1 - 10 - 20 - 21 - 22 - 28 9 - 21 - 23 1 8 29 4 - 20 4

13 - 26 4 - 30 4 - - 30 8 - 9 - 15 - 30

S P

ABC

13 14 2-4 19 5 5 16 13 10 28 13 1-2 10


T

V

Fabienne Tainmont Alex Tallon Marc Taylor Patrick Thevissen Eric Therer Nicolas Thieltgen (GDL) Pierre-Yves Thoumsin Miguel Troncoso Ferrer

23 14 - 28 24 1 22 14 13 - 24 7

Gauthier Vael Louis Van Bunnen Tamar Van Colenberghe Dirk Van Gerven Catherine Van Gheluwe Xavier Van Gils Jean Van Rossum Jozef Van Waeyenberge Séverine Vandekerkove Jean-Jacques Vandenbroucke Claude Vanwelde Benjamin Venet Michela Velardo Kathleen Vercraeye Benjamin Verheye Guy Verhofstadt Liliane Versluys Kati Verstrepen Samuel Vieslet François Vincke François Viseur Michel Vlies Olivier Vrins

19 2-3-6 13 11 - 16 - 22 4 - 17 - 25 4 24 11 3 27 7 - 21 3 28 16 19 - 22 11 9 - 10 - 19 - 24 - 29 19 13 17 25 8 5 - 6 - 7 - 8 - 9 - 15

W

Jean-Paul Wahl Jennifer Waldron Alexandre Wattiez-Raemaekers Vincent Wauthoz Anne Welsch Christophe Wilner Pierre Winand Anne Witmeur Hippolyte Wouters Paul Wouters

5 - 18 2 - 28 15 6 28 25 4 23 - 28 1 - 22

Y

Victor Yangandi Cavit Yurt Onur Yurt

22 3 - 5 - 6 - 11 - 14 - 16 17 - 18 - 20 - 21 - 22 23 - 24 - 25 - 26 - 27 - 30 4-11 - 17 - 18 - 20

Marie Zagheden Suzanne Zuehlke

6 - 21 - 29 28

Z

De auteurs zijn verantwoordelijk voor de door hun geuite standpunten, die niet noodzakelijk de standpunten van de uitgevers weerspiegelen. De auteurs stellen steeds zelf een tekstje op waarin ze zichzelf voorstellen. Les opinions exprimées par les auteurs n’engagent qu’eux-mêmes et ne reflètent pas nécessairement celles des éditeurs. La présentation de nos auteurs est toujours rédigée par chacun d’eux.


Abonnez-vous ou renouvelez dès AUJOURD'HUI votre abonnement AU JOURNAL DES AVOCATS et recevez les trois prochains numéros. dès parution CHEZ VOUS POUR VOUS ou AU CABINET POUR TOUS Continuez votre collection !

ALLIGATORS & Cie S.A.

CONTACT tél 02 688 15 57 Fax 02 688 15 57 info@journaldesavocats.com www.journaldesavocats.com

Bd du Souverain, 47/2 B-1160 Bruxelles

OUI, JE M'ABONNE AU - journal des avocats Société : ......................................................................... Maître

Madame

Monsieur

Nom .....................................................................................

J'aime le - journal des avocats Dès réception de ce montant par l'éditeur, je recevrai les 3 prochains numéros du -journal des avocats (en 1 ou 3 ex) à mon adresse ci-dessus.

Prénom ................................................................................ Adresse ................................................................................ CP ............. Localité ............................................................ T.V.A. .................................................................................... E-mail .................................................................................. Tél. ....................................................................................... JE PAYE CE JOUR le montant de 60,00€ pour un abonnement à 3 numéros tva et frais d'envois compris. JE PAYE CE JOUR le montant de 140,00€ pour un abonnement à 3 numéros en 3 exemplaires tva et frais d'envois compris. Au compte numéro : IBAN : BE93 3300 5838 5667 - BIC : BBRUBEBB De :

Alligators & Cie S.A. Bd du Souverain, 47/2 B-1160 Bruxelles

À renvoyer directement Soit par courriel à :

info@journaldesavocats.com

par courrier à :

ALLIGATORS & Cie S.A. Bd du Souverain, 47/12 B-1160 Bruxelles

Lu & approuvé DATE ET SIGNATURE


INFORMATION A cet instant même, si vous êtes un heureux abonné, VOUS L’AVEZ EN MAINS ce très beau numéro automne 2019 sinon seulement SOUS LES YEUX en version digitale !

PLANNING & programme éditorial 2019 et 2020 HIVER 2019-2020 : sortie prévue le lundi 2 décembre LE NUMERO FESTIF DE NOTRE DIXIEME ANNIVERSAIRE... AU PROGRAMME : FÊTER L'AMITIE, L'HIVER, LA FORÊT, et nos prochaines "PETITES RENCONTRES" au Cercle Royal Gaulois Artistique et Littéraire.... PRINTEMPS 2020 : sortie prévue le 10 avril FIL ROUGE SPÉCIAL : Pour vous MADAME, MADEMOISELLE,... Tout ça pour vous MONSIEUR ! AUTOMNE 2020 : Sortie prévue le 1er septembre pour la Rentrée judiciaire et les prestations de serment FIL ROUGE : LA CHASSE ET LES CHASSEURS (dans tous les domaines) HIVER 2020-2021 : sortie prévue le 1er décembre FIL ROUGE : VOYAGES ET VAGABONDAGES

NB : Aucun thème n’est imposé à nos auteurs. Le FIL ROUGE indique le style de mise en page et d’agréments servant celle-ci.

« PETITES RENCONTRES » de notre DIXIEME ANNIVERSAIRE : Nos « PETITES RENCONTRES » réuniront le 5 décembre 2019 à Bruxelles, dans ce très bel endroit, 150 à 200 avocats dont 9 seront sélectionnés qui ne disposeront que de 3 minutes de parole « montre en mains » pour présenter leur passion à l’auditoire ! Plaisir et rires garantis ! Annonceurs, sponsors et invités privilégiés d’autres secteurs seront également présents. www.issuu.com/jda- le SEUL magazine DE LOISIRS conçu et réalisé pour les avocats Document informatif non contractuel


Editeur responsable : Myriam Robert-César Conception Coordination générale Direction artistique : Myriam Robert-César +32 475 907 901 Ont collaboré à ce numéro : les Bâtonniers, et Avocats suivants : - Christine Brüls - Jean de Codt - Bruno Colson - Marie Coquil - Herman De Croo - Francis Delpérée - François Dessy - Julie Henry - Patrick Henry - Marc Isgour - Maurice Krings - Audrey Lackner - Gérard Leroy - Xavier Magnée - Martin Orban - Yves Oschinsky - Marco Ossena Cantara - Raoul Maria de Puydt - Cavit Yurt Pour proposer votre collaboration rédactionnelle En cas de changement d’adresse Pour commander des exemplaires supplémentaires Pour vous abonner Pour toute insertion publicitaire Envoyez simplement un e-mail à info@journaldesavocats.com ou téléphonez au +32 (0)475 907 901 Mise au net Anthony Lackner - Peek's +32 (0)495 340 590 Imprimé en Belgique Imprimé sur papier FSC et ECF Papier Multi Art Silk – Intérieur en 150 gr. - Couverture en 300 gr. Finition : Pelliculage blanc brillant ou noir mat soft-touch Embellissement au vernis à chaud Dépôt légal : Année 2019 - 3ème trimestre Edité par : Alligators & Cie s.a. Boulevard du Souverain, 47/2 Bruxelles +32 (0)2 688 15 57


le journal des avocats MAGAZINE DE LOISIRS . SANS CONNOTATION JURIDIQUE

Un chapitre du style empire - AUTOMNE 2019


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.