Les katas !

KARATÉ LES KATAS

ORIGINES ET APPLICA

Les katas à Okinawa sont au cœur du karate, à tel point qu’ils incarnent au sens le plus fort la tradition de cet art martial.

Déjà dans les années 1930, de jeunes Japonais de Tokyo se rendaient à Naha et à Shuri pour parfaire leurs connaissances dans ce domaine. Ils furent ensuite imités par les Kanazawa et autres Nishiyama.

Mais, au fait, combien dénombre-t-on au juste de katas à Okinawa ?

Et quelles sont leurs finalités ?

Autant de questions auxquelles Jean-Charles Juster, docteur en ethnologie et langue japonaises répond dans cet article résolument traditionnel.

Auteur : J.C Juster – Photos : D.R.

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n a un peu tendance à l’oublier, mais la pratique des katas n’est pas à Okinawa uniforme ni linéaire.

Certains peuvent servir à montrer ses capacités, son savoir-faire pourrait-on dire. Certains sont destinés à se renforcer, à bâtir un physique apte à la pratique, tandis que d’autres permettent d’acquérir des techniques destinées au combat. Ils sont même parfois utilisés à des fins divertissantes, comme une danse. Il ne faut pas oublier les katas forgés récemment, propres à certaines pratiques, ou ceux destinés aux débutant apparus au cours du XXe. Ainsi se concentrer sur une seule facette de la pratique des formes gêne la progression, puisque d’une certaine façon, on voit juste l’arbre qui cache la forêt.

Par ailleurs, il existe un très grand nombre de katas, peut-être trop important même, faisant qu’il est difficile, voire impossible de tous les connaître, ce qui entraîne parfois la disparition de certains. Ainsi, Motobu Chôki écrivait en 1932 qu’ils sont « nombreux », et qu’ « on en dénombre certains qui ont été oubliés ou bien encore qui ne sont pas pratiqués de nos jours » (dans Mon Karatejutsu, que j’ai édité en 2020).

Enfin, on trouve des katas présents dans certaines écoles et filiations, et absents dans d’autres.

Les finalités des katas Alors qu’en Occident on pratique les katas pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire accumulés des techniques, ou pire (mais de façon plus rare heureusement) seulement en vue des passages de grade, à Okinawa, ils ont plusieurs niveaux de pratique V Le kata comme une démonstration. Du temps du royaume comme maintenant, on réalise un kata lors d’une occasion particulière, pour faire montre de sa maîtrise ou de celle de l’école ou du dojo. Cela est très courant et permet aux anciens de saisir en un clin d’œil la valeur d’un adepte.

De la démonstration au spectacle il n’y a qu’un pas, et de fait, des katas sont parfois réalisés en musique. Il ne s’agit pas de danses ou de danses martiales, mais bien de katas tels qu’on les trouve dans les dojos. Seul leur rythme change parfois, selon les besoins des exécutants qui sont

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dans la majeure partie des cas des pratiquants qui se parent de tenues en accord avec ces prestations scéniques.

V Se renforcer avec le kata. Chaque école compte un kata dit souvent de base (ou plutôt fondamental). Ainsi Sanchin se trouve au socle des pratiques inscrites dans le nahate et assimilées, Naifanchi shodan constitue la fondation du shurite et du tomarite. Certaines tendances ajoutent aussi Seesan, comme l’Okinawa kenpô par exemple.

Le V kata pour combattre. Certaines formes sont plus propices que d’autres à acquérir des aptitudes à l’affrontement, qu’il soit ritualisé ou de survie. Dans le karate uechi, Seesan est ainsi un pur kata de combat. Il en va de même pour Sanseeruu du nahate ou d’Uuseeshii du shurite.

Parce qu’elles ne nécessitent pas de modifications particulières pour être mise en application contre un adversaire, les techniques de ces katas en font des outils particulièrement propices à la formation au combat.

L’ancienneté des katas On pense avec nos yeux d’Occidentaux que tout ce qui touche au karate est ancien, puisqu’on adopte par automatisme le raccourci que la tradition remonte forcément loin dans le temps. Certes, il est vrai qu’une très grande partie d’entre eux datent du XIXe siècle, voire avant et qu’un nombre plus petit sont encore plus vieux. Mais, car il y a toujours un mais dans les arts martiaux okinawanais, des katas datent simplement des années 1930, tandis que d’autres ont été forgés entre les années 1960 et le début la fin des années 1990.

S’il est évident que Seesan, Sanchin, Uuseeshii, Sanseeruu, ou encore Wanshuu, qui prennent leur origine en Chine d’une façon ou d’une autre, datent sans doute d’avant le XIXe siècle, des formes comme Passai ou Chintoo doivent leur présence à Okinawa à la présence de Chinois hébergés au port de Tomari durant ce même siècle.

Par ailleurs, en 1941, un collège de maître présidés par Nagamine Shôshin et Miyagi Chôjun mis en place les Fukyû gata ichi et ni –soit un et deux : kata pour la diffusion [du karate]. Miyagi en fonda un autre, dit Gekisai dai ni, le Gekisai dai ichi correspondant au Fukyû gata ichi. (Le Karate en 90 dates, p.39). Ces katas sont toujours vivement pratiqués à Okinawa. Par contre les Douze katas fondamentaux (Kihon gata jûni dan) forgés en 1937 ont été pratiquement abandonnés de nos jours. Seuls des dojos se réclamant de Chibana Chôshin pratiquent toujours les deux premiers uniquement.

Plus proche de nous, Uechi Kan.ei établit Kanshiwa (d’abord Kanshû), Seiryû et Kanchin ; Yagi Meitoku créa Genbu, Seiryû, Byakko et Shuzaku. Il y a tout juste vingt ans, Kinjô Takashi, que l’on commence seulement à connaître en France forgea Kôkuken.

Tous ces katas apparus récemment, et qui ne sont de fait pas classiques, sont dit « sôsaku kata » soit katas créatifs.

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1 Un jeune

NAGAMINE Shôshin (Matsubayashi-ryû) dans le kata Chatan Yaraa Kuusankuu.

2 Matsumura Passai par

MIYAHIRA Katsuya. Il était reconnu dans tout Okinawa pour ses katas.

3 Uechi Kan.ei de

l’Uechi-ryû dans le kata Sanseruu.

4 Shimoji Yasuo dans le kata Sanseeruu.

5 Chibana Chôshin dans le kata Matsumura Passai.

6 Shimabukuro Zenryô, disciple de Kyan, dans le kata Chintoo.

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KARATÉ Miyagi Chôjun (à gauche) enseignant aux élèves d’un lycée de Naha.

Nombre et répartition des katas On le sait, différentes écoles partagent des katas communs.

Ainsi, le karate marqué par Itosu compte les cinq Pin.an que l’on trouve dans les écoles Kobayashi (dite aussi Shôrin), Shitô, Matsubayashi-ryû. Mais le shurite resté en dehors de la filiation d’Itosu, comme la Shôrinji-ryû de Nakazato Jôen ne compte pas ses katas, ni les Fukyû gata, par contre elle compte le kata Seesan, relativement peu présent dans le shurite à Okinawa, alors qu’il est un passage obligé pour les pratiquant de la Gôjûryû ou de l’Uechi-ryû comme de l’Okinawa kenpô.

Il existe bien sûr des différences entre les katas : l’Uuseeshii de la Kobayashi est quelque peu différent de celui de la Matsubayashi-ryû ou de la Shôrinji-ryû.

Pareillement Sanchin est réalisé avec les poings serrés dans la Ryûei-ryû et la Gôjû-ryû alors que dans le karate uechi les mains sont ouvertes, comme en Chine.

Résumons ci-dessous leur nombre, en nous limitant aux 5 grandes écoles okinawanaises : V KOBAYASHI-RYÛ 19 V SUKUNAI HAYASHI-RYÛ 19 V MATSUBAYASHI-RYÛ 19 V UECHI-RYÛ 8 V GÔJÛ-RYÛ 12

On remarque que les écoles issues du shurite, qui de fait comprennent les katas Pin.an, au nombre de cinq et les trois katas Naifanchi, comprennent le plus de formes : presque une vingtaine. Soit trois fois plus que ce qui était la « norme » de façon classique à Okinawa avant la modernisation du karate à partir du début du XXe siècle. La Gôjû-ryû dépasse la dizaine, du fait de la présence des deux Fukyû gata, et seule l’Uechi-ryû s’en tient à un nombre limité, qui a tout de même presque triplé par rapport à l’enseignement originel du fondateur, puisque de trois, elle est passé à neuf.

En somme, toutes les écoles se sont en quelque sorte éloignées de la tradition de jadis à mesure qu’elles s’ouvraient sur un public plus important et cherchaient à développer des éléments pédagogiques visant à encadrer cet enseignement en groupe.

Au final, combien y a-t-il de katas à Okinawa ? Il est peu aisé de donner un nombre précis, mais dire qu’on peut dénombrer une cinquantaine de formes classiques et une dizaine de katas forgés au cours du XXe siècle est une réponse satisfaisante.

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