guide de bonnes pratiques

Liberté et prise de risque des usagers des structures ap F
association des paralysés de france
de
Liberté et prise de risque des usagers des structures ap F
association des paralysés de france
association des paralysés de france
3.
3.
3. Expériences
3.2
1.
2.
3. Expériences
3.2
« Les établissements, sanitaires comme médico-sociaux, doivent satisfaire à des obligations qui sont autant de droits pour les bénéficiaires de la prise en charge. Ces droits, pour la plupart codifiés depuis les lois du 2 janvier et du 4 mars 2002, ne sauraient plus aujourd’hui être remis en cause. Il convient cependant de remarquer que leurs enjeux et logiques sont parfois ambivalents et que leur mise en œuvre s’avèrera parfois délicate pour l’établissement et les professionnels débiteurs, contraints de procéder à des arbitrages et à rechercher des points d’équilibre [ ]. Une garantie de sécurité ne saurait se limiter à une démarche sécuritaire. » François Vialla 1
1 “Accueil des personnes âgées en EHPAD : entre liberté et sécurité. Ambivalence mais non ambiguïté du discours juridique“. F. Vialla / Médecine et Droit 2014 (2014) 109–115.
Le questionnement des équipes APF sur le cadre réglementaire ou les recommandations en matière de dispositif de “contention” s’est multiplié ces dernières années. Ces interrogations s’inscrivent dans une évolution plus vaste qui traverse les secteurs sanitaires et médico-sociaux.
Plus de dix ans après les lois du 2 janvier, du 4 mars 2002 et du 11 février 2005, puis les premières recommandations relatives à la liberté d’aller et venir 2, ce courant revendique avec toujours plus d’acuité l’effectivité de la mise en œuvre des droits individuels des usagers ; y compris dans les situations où la vulnérabilité des intéressés ou leur prise de risques provoque un réflexe protecteur et un sentiment de responsabilité des professionnels qui peuvent aboutir à brider l’exercice de ces droits.
En 2015, la loi d’adaptation de la société au vieillissement entérine d’ailleurs cette évolution en affirmant et renforçant le respect des droits fondamentaux des usagers des structures médicosociales, notamment les droits intimement liés à leur sécurité et à leurs droits d’aller et venir, mais sans toutefois donner des clés d’application de la conciliation de ces principes dans la réalité quotidienne des structures.
Dans le même temps, des observateurs attentifs notent que, malgré la diffusion et l’adhésion au cadre réglementaire, malgré l’impulsion donnée sur la lutte contre la maltraitance (la promotion de la bientraitance) et la démarche qualité, des atteintes aux droits des usagers restent non rares dans le quotidien des établissements et services, et sont souvent motivées par des raisons de “sécurité“ ou de protection des personnes, y compris contre elles-mêmes comme si la primauté des droits individuels sur ces considérations n’était toujours pas pleinement intégrée dans les pratiques.
Parfois, les frontières et arbitrages entre droits / devoirs / obligations des usagers sont établis au sein d’une structure, dans l’objectif de faire au mieux pour les personnes accueillies mais sans une maîtrise suffisante de notions juridiques complexes ou difficiles à replacer précisément en situation (ex : notions de prise de risque, de mise en danger, de vulnérabilité…). Les orientations nationales de l’association (charte de l’APF, projet associatif, modèles de règlements de fonctionnement…) sont fortes mais laissent une marge d’interprétation peut-être trop importante. Cela peut faciliter des pratiques trop dépendantes de la sensibilité d’un responsable ou de quelques acteurs.
La méconnaissance de leurs droits par les usagers eux-mêmes, leur très faible repérage des ressources ou des points de comparaison extérieurs à leur établissement, ajoutent au risque de voir entérinées comme un état de fait – parfois “cautionnées“ dans des écrits institutionnels (projet d’établissement, règlement de fonctionnement) des atteintes plus ou moins graves aux droits des personnes accueillies.
On constate souvent du côté des professionnels ou des responsables une peur d’être mis en cause à titre personnel quand l’exercice des droits par les intéressés s’accompagne d’une prise de risque. Aussi est-ce souvent par des impératifs de sécurité, individuels ou collectifs, que sont justifiés diverses contraintes, interdictions ou empêchements de fait. L’absence d’aide apportée à une personne dépendante pour exercer des choix en est un exemple frappant.
Un premier échange lors d’une réunion des responsables régionaux de l’offre de service a permis d’étayer par de multiples exemples la quotidienneté de ces entorses aux droits et du recours fréquent à une argumentation sécuritaire, souvent en lien avec l’état de santé des usagers et/ou leur capacité à décider pour eux-mêmes.
1 2 Liberté d’aller et venir dans les établissements sanitaires et médico-sociaux, et obligation de soins et de sécurité, ANAES-HAS, déc. 2004
En l’absence de référentiel abordant l’ensemble de ces situations vécues, malgré quelques recommandations officielles ou internes 3, le choix d’élaborer un guide interne spécifique s’est imposé, renforcé par la nécessité de rappeler les orientations APF en disposant d’une référence partagée, d’expliciter un cadre juridique nuancé et complexe, mais dont l’orientation générale reste claire, de proposer des solutions pratiques mises en œuvre par d’autres équipes médicosociales, APF 4 ou externes.
Sans vouloir gommer la grande diversité de situations rencontrées selon le type de structure (avec ou sans “mur“), l’âge et le handicap du public accueilli ou accompagné, y compris des personnes en grand déficit cognitif ou psychique n’ayant pas ou peu conscience de leur environnement, ou encore les spécificités liées à des mesures de protection juridique, le choix a été fait de n’élaborer qu’un seul guide pour toutes les structures médico-sociales APF : le propos juridique et éthique sous-jacent étant universel…
Par ailleurs, la forme même du guide permettra aux parties de différencier ces situations, puisque si les deux documents princeps : 01 (celui que vous avez sous les yeux) et 02 (document de référence juridique) sont transversaux, différents documents d’application thématiques déclinent les différentes problématiques telles qu’elles se présentent “sur le terrain“. Une recommandation forte et transversale qui ressort de ce guide est par ailleurs l’impérieuse nécessité de personnaliser les réponses, ce qui est sauf exception toujours possible notamment en prenant appui sur le cadre juridique, les outils et l’ensemble des recommandations médico-sociales pour un accompagnement individualisé.
Il apparaît en effet qu’un des premiers vecteurs de restriction de droit ou de liberté est, outre la méconnaissance ou l’interprétation inadaptée du cadre juridique, l’application collective de mesures justifiées par la situation d’une ou de quelques personnes 5
Les recommandations générales et la démarche de questionnement (“ check-list“) qui sont rassemblées au chapitre 3 du présent document sont donc des références rappelées dans chacune des fiches d’application.
Elles font le lien avec les moyens indispensables de la mise en œuvre de ces préconisations : formation des personnels ; écrits institutionnels (livret d’accueil, contrat de séjour ou document individuel de prise en charge, protocoles et procédures…) ; analyse des pratiques professionnelles et réflexion éthique qui doivent se poursuivre dans les équipes, pour les situations limites pour lesquelles le droit n’offre pas de réponse.
Enfin, si la question de la santé est souvent évoquée dans ce guide, celle spécifique du refus de soins est renvoyée au guide de bonnes pratiques APF dédié (APF : Refus des soins par un usager d’une structure médico-sociale - recommandations APF, janv. 2012 (Blog de la DDOS).
La délimitation du sujet et le cadrage méthodologique sont l’œuvre d’un groupe de travail restreint réunissant des responsables régionaux de l’offre de service (RROS) et des membres de la direction du développement et de l’offre de service (DDOS), aboutissant à une première proposition de contenu qui a été rapidement étayée par des illustrations (situations réelles) apportées par les membres des équipes régionales.
3 Voir annexes
4 Certaines limites sont cependant inhérentes à l’exercice, comme l’adaptation à certains contextes comme les temps de travail en ESAT.
5 Voir à ce sujet la différence entre principe de prévention et principe de précaution
1.3
Une première réunion du groupe de travail élargi (directeurs, cadres intermédiaires, conseil national des usagers (CNU) APF, Groupe d’éthique APF) a permis de finaliser le cadrage du sujet, notamment pour limiter l’abord de certains thèmes (suffisamment vastes pour faire l’objet chacun de plusieurs guides ; ex : vie affective et sexuelle…) au fil rouge du présent document : les motivations sécuritaires de restriction des droits des usagers.
Une primo rédaction a ensuite été proposée au groupe restreint puis élargi avant une version plus aboutie discutée par le groupe de travail plénier. Un groupe plus large de relecture a ensuite été sollicité, puis une contribution partenariale externe sollicitée auprès du centre d’études et de recherches en droit de la santé (CEERDS) rattaché à l’université de droit de Montpellier 6 et dirigé par le Professeur François Vialla, pour bénéficier d’une expertise juridique pointue sur les questions traitées, ainsi que du regard d’une équipe ayant déjà travaillé sur la vulgarisation de ces notions en vue de guides pour des professionnels de terrain.
Î Membres du groupe de travail restreint
Responsables régionaux de l’offre de service (RROS) : Suzanne Jouffray, Denis Labarre, Maxence Lebas, Jean-Luc Péron, Didier Sarrels, Anne Théry. Direction du développement et de l’offre de service (DDOS) : Sophie Baudier (Responsable de la participation des Usagers, Direction Qualité APF), Michel Delcey (Consultant interne offre de soins), Laurène Dervieu (Juriste droit des usagers et des structures), Marie Rabourdin (Responsable du Département polyhandicap/Handas).
Î Membres groupe de travail élargi (en plus des précédents)
Sandrine Belin (Cadre, FV-FAM l’Etincelle, Lyon), Catherine Deschamps (Groupe éthique APF), Frédérique Dilly (Directrice, IEM Polyhandicap Metz), Philippe Haenel (Membre du CNU, usager FAM Strasbourg), Julie Merveillau (Cadre de santé, IEM Talence), Yann Moreau (Directeur, FAM Douvres la Délivrance), Nicolas Morvan (Membre du CNU, FAM Montséjour Bordeaux), Nathalie Renard (Directrice, SAVS-SAMSAH Nice), Martine Villedieu (Directrice, FAM Vernouillet).
Î Membres du groupe de relecture (en plus des précédents)
Linda Aouar (Conseillère Affaires Juridiques et Contentieux DG APF), Evelyne Marion (RROS Bourgogne-Franche-Comté), Anne Etcheverry (Directrice juridique droit social), Amaëlle Penon et Aude Bourden (Conseillères nationales politiques de santé et médico-sociale). Le Comité Technique des Médecins (CTM) de l’APF présidé par le Docteur Dominique Bourchany a par ailleurs donné un avis sur le document et notamment la rédaction du chapitre consacré à la contention.
L’ensemble des thématiques abordées étant extrêmement divers, mais les notions juridiques et le cadre législatif et réglementaire étant en grande partie communs à ces problématiques, le guide est composé de :
D E ux D ocum E n T s PR inc EP s (01 ET 02)
© Le document Princeps 01 (le présent document).
© Le document Princeps 02 est le document de référence juridique et comporte l’analyse du cadre juridique dans lequel s’inscrivent ces tensions ainsi qu’un glossaire et des références bibliographiques. Sa lecture préalable est indispensable à l’utilisation des recommandations générales comme des différents documents d’application.
6 Mission d’étude et de recherche sur la direction du professeur François Vialla, professeur des universités et directeur du CEERDS. Ont contribué à cette mission : Lucile Lambert-Garrel, Maître de conférences, Directrice du DU environnement juridique et social du Handicap, Paul VERON, Docteur en Droit (la décision médicale ; auteur de plusieurs articles consacrés à la liberté d’aller et venir), Maxime DELOUVEE, Doctorant Cifre (Convention Industrielle de Formation par la Recherche) - Fondation John Bost (spécialisé sur les questions de la vulnérabilité ; en cours de rédaction d’un guide des droits des personnes vulnérables), Romain PORCHER, doctorant contractuel (recherche dans le champ de la normativité éthique), Manon MAZZUCOTELLI, Doctorante Cifre cabinet HOUDARD, Marine BRUNEL, Doctorante Cifre clinique Ste Thérèse, Léo Roque, doctorant.
D E s D ocum E n T s D ’a PP licaT ion T hémaT iqu E s REGR ou P és E n DE ux
sé R i E s
© liberté d’aller et venir des usagers :
Î 01. Contention physique en lien avec des comportements problèmes (dont “dispositifs anti fugue“) ;
Î 02. Autres dispositifs de limitation de mobilité (maintien, posture, positionnement…) ;
Î 03. Privation ou limitation d’usage du fauteuil roulant ;
Î 04. Gestion des horaires de sorties ;
Î 05. Confinement (isolement) en lien avec un risque de contagiosité.
© Prise de risques des usagers en lien avec leur santé :
Î 06. Tabac en institution : réglementation (lieux collectifs ou privatifs), risque incendie…
Î 07. Tabac et consommation individuelle : aide à fumer, régulation de la consommation…
Î 08. Alcool : règles collectives et prises de risques individuelles …
Î 09. Drogues illicites : règles collectives et prises de risques individuelles …
Î 10. Régime alimentaire (médical) : règles collectives et prises de risques individuelles……
© chaque document d’application thématique fait l’objet d’une présentation similaire :
Î La problématique abordée sous forme de questionnement pratique pour les équipes médico-sociales (Exemple : peut-on brider la vitesse d’un fauteuil roulant électrique d’un usager agressif ? Aider un usager à fumer du cannabis ? Imposer un régime hypocalorique à une personne en surpoids ? Etc.).
Î Le cas échéant, pour chaque problématique, une analyse juridique succincte si elle est spécifique, ou le renvoi aux notions juridiques d’appui développées dans le document princeps 02 de référence juridique ;
Î Des recommandations de bonnes pratiques APF fondées chaque fois que possible sur des expériences d’équipes médico-sociales : expériences réussies (ce qui peut inspirer l’action) mais aussi plus difficiles, y compris sous forme de contre-exemples de pratiques devant être évitées ou corrigées.
Î Un rappel des recommandations générales et de la démarche transversale de questionnement ci-dessous.
NB : ces éléments sont valables pour (adaptables à) toutes les situations évoquées dans ce guide (cf. ci-dessous le détail de certains de ses principes) :
• Individualiser strictement les mesures (les restrictions collectives de droit doivent être exceptionnelles et justifiées par des obligations ou des principes de bien vivre en collectivité) ;
• Rechercher toutes les alternatives moins contraignantes à une mesure envisagée ;
• Légitimer les prises de risques comme une composante normale de l’accompagnement proposé par les établissements et services médico-sociaux ;
• Informer et rechercher le consentement de la personne par tous moyens ;
• Parvenir à un compromis avec l’usager et le formaliser en utilisant de manière appropriée les outils de la loi du 2 janvier 2002 ;
• Elaborer et mettre en œuvre les mesures de façon collégiale, avec les niveaux de validation requis (direction, médical, etc.) ;
• Les réévaluer régulièrement avec l’intéressé (le cas échéant selon les recommandations de ce guide) ;
• Former les personnels, promouvoir une culture du droit et de la bientraitance ;
• En cas de difficulté, utiliser toutes les alternatives au contentieux (médiation, personne qualifiée, etc.).
NB : voir aussi la « check-list » proposée au § 2.2
2.1.1
n D ivi D ualis ER sTR icTE m E n T l E s m E su RE s PR is E s
Il apparait en premier lieu nécessaire de veiller à une personnalisation et une singularisation des situations et éviter à tout prix une standardisation des pratiques : les mesures collectives aboutissant à une restriction des droits doivent être bannies des pratiques ou, quand elles sont inévitables, faire l’objet d’adaptations personnalisées (y compris sous forme de dérogations pouvant être inscrites dans le contrat de séjour ou le PPA de la personne).
Î Exemple
Si la majorité des résidents accueillis nécessite la clôture permanente de l’enceinte d’un établissement, on doit systématiquement se poser la question, pour chaque usager, si un assouplissement de la mesure (disposer des clés ou du code par ex) n’est pas possible, et le mettre en œuvre.
C’est ainsi au regard des situations individuelles que doit être arbitrée la question du sacrifice d’un droit par rapport à l’autre (cf. principe de proportionnalité, § 2.1.4). La mesure prise devra nécessairement être précise et motivée après une étude au cas par cas. Concrètement, un usager qui présente un risque d’absence inquiétante (“fugue“) accueilli en établissement devra faire l’objet d’une surveillance particulière. De même, une personne avec des troubles de l’orientation ou des fonctions exécutives pourra a priori faire l’objet d’une restriction
de liberté, qui devra toutefois être proportionnée à son état. Il est en effet rare que l’altération du discernement soit totale.
Sur ce point, la conférence de consensus sur la liberté d’aller et venir dans les établissements sanitaires et médico-sociaux et obligations de soins et de sécurités en date de 2004, précise que :
« Pour chaque personne, il faut analyser les capacités préservées et les compensations possibles, notamment avec un accompagnement, une éducation et des aides techniques adaptées, plutôt que de prendre en compte uniquement les déficiences ou le diagnostic médical. Une analyse s’impose également en tenant compte des interactions entre les difficultés rencontrées par la personne et l’environnement, sur lequel il est possible d’intervenir ».
Ce dernier point est essentiel : de la même façon que la logique inclusive pousse à adapter la société à la diversité des individus et non les individus “différents“ à la société, il est impératif qu’avant qu’une mesure de contrainte soit prise envers un individu, on ait étudié et mis en œuvre les adaptations environnementales susceptibles d’éviter cette contrainte.
Î Exemple
Supprimer (en pratique) le droit d’une personne de sortir dans l’environnement de l’établissement parce que celui-ci ne répond pas aux normes d’accessibilité, implique au préalable une action (par ex concertée avec le mouvement associatif) pour rendre accessible cet environnement et pouvoir supprimer la contrainte pesant sur l’individu.
2.1.2 l é G i T im ER l E s PR is E s DE R isqu E s Dans l’accom PaG n E m E n T mé D ico-social
Les établissements médico-sociaux ont pour vocation première de constituer de vrais lieux de vie ou d’accueil, dont les personnes accueillies et accompagnées au quotidien, représentent l’enjeu essentiel du fonctionnement. L’établissement médico-social doit donc permettre, dans toute la mesure du possible, à la personne de vivre “normalement“, et par conséquent lui permettre, comme à tout un chacun, une certaine forme de prise de risque.
Il ne s’agit pas de sacrifier toute considération sécuritaire sur l’autel de la toute-puissance des droits ou libertés fondamentales mais de permettre aux personnes de se confronter à ellesmêmes et d’acquérir ou de récupérer un maximum d’autonomie, de leur donner l’occasion d’essayer, de se tromper, de recommencer… La gestion du risque est une composante normale de l’accompagnement proposé par les établissements et services médico-sociaux.
La gestion du risque ne doit toutefois pas se faire sans garde-fou pour le directeur et ses équipes, des outils juridiques sont ainsi à leur disposition pour formaliser ces décisions. Le projet personnalisé est à ce titre l’outil idéal pour déterminer, au regard des souhaits de la personne mais également de ses capacités, les conditions d’exercice de sa liberté d’aller et venir.
L’idée qui doit ainsi gouverner toute décision de “prise de risque“ significative / particulière est qu’elle doit faire au mieux l’objet d’un écrit afin de constituer un moyen de preuve si une action en responsabilité venait à être engagée en cas de dommage causé ou subi par la personne concernée 7
Î Exemple
Pour répondre favorablement à la demande d’un jeune résident de laisser une porte entrouverte la nuit (habitudes de vie, angoisse...) alors que les portes doivent souvent être fermées en lien avec la réglementation incendie.
De même, s’agissant de personnes mineures ou de personnes sous tutelle, il est essentiel de définir avec elles (qui doivent continuer à être les interlocuteurs principaux des équipes et ont le
7 NB : la formalisation n’évacuera pas la mise en cause en termes de responsabilité si les conditions de la responsabilité sont réunies : faute, défaillance dans l’organisation…. La formalisation dans le projet ou tout autre document doit donc intégrer le souhait de l’usager et les précautions (protocole, dispositif de protection…) mises en place pour avoir une traçabilité de la démarche, de la connaissance des risques fléchés et des solutions mises en place avec l’accord de la personne ou de son représentant.
droit de participer aux décisions dans la limite de leur degré de maturité ou de discernement) et le représentant légal, les axes d’accompagnement souhaités et les risques acceptés.
Il s’agit également, et dans la mesure du possible d’assurer une forme de collégialité dans les prises de décisions et les prises de risques et de réévaluer de façon régulière la situation de la personne, de réinterroger ses souhaits, ses envies, afin éventuellement de redéfinir le projet d’accompagnement.
Une fois de plus, l’enjeu est d’apporter une réponse qui ne soit ni systématisée, ni codifiée mais adaptée à la situation propre de la personne.
On peut résumer cette manière de travailler en quelques points et mots clés :
• Permettre à la personne de s’exprimer, avec un mode de communication alternatif si besoin ;
• Prendre en compte le souhait de la personne (écoute) ;
• Chercher avec les différents acteurs les solutions à mettre en œuvre (collégialité) ;
• Mettre par écrit les décisions (formalisation) ;
• Les réévaluer régulièrement, notamment au regard de l’évolution de la situation (évaluation).
2.1.3 i nfo R m ER la PER sonn E ET RE ch ER ch ER Pa R Tou T moy E n son cons E n TE m E n T
• Rechercher le consentement de la personne, quel que soit son niveau de dépendance, est absolument essentiel et doit être systématique ;
• Adapter l’information au niveau de compréhension de la personne. Utiliser tous les moyens de communication adaptés (cf. outils PULSE, etc.) ;
• Chaque mesure prise doit avoir fait l’objet d’une information précise et lorsque la personne n’est pas en mesure de donner son consentement, des procédures formalisées et explicites doivent être mises en œuvre afin d’obtenir le consentement du représentant légal ;
• Pour aller plus loin, voir l’avis sur le consentement des personnes vulnérables de la Commission nationale consultative des droits de l’homme 8 .
2.1.4 Pa Rv E ni R à un com PR omis av E c l’usaGER ET l E fo R malis ER
(Utiliser de manière appropriée les outils de la loi du 2 janvier 2002)
Î La proportionnalité de la mesure adoptée
Derrière l’idée de compromis, se trouve en creux la notion de proportionnalité, la justesse de la solution proposée et choisie face aux difficultés rencontrées. Il est donc intéressant de proposer un parallèle entre le principe de proportionnalité applicable aux normes juridique et la construction de réponses face à des situations complexes.
Le principe de proportionnalité consiste ainsi à trouver « la juste mesure à observer dans l’application à un litige de deux principes antinomiques d’égale valeur qui ont l’un et l’autre vocation à en gouverner la solution 9 ». Ce principe doit normalement conduire les personnes qui se trouvent face à un conflit de deux normes contraires mais chacune légitime, non pas à affirmer la primauté d’une règle sur l’autre mais à mettre concrètement en balance les conséquences qui découleraient de l’application de chacune afin de faire prévaloir celle qui sauvegardera au mieux les intérêts en présence.
Il s’agit donc simplement d’une conciliation entre deux règles pour parvenir à aboutir à un résultat juste et équilibré sans que le droit fondamental affecté puisse l’être de manière excessive, autrement dit, de trouver la bonne adéquation entre le moyen employé et le but poursuivi. Ce principe renvoie à celui de la balance bénéfice-risque lié quasiment systématiquement à l’état de santé de la personne.
Une fois la solution trouvée et le consentement de la personne recueilli, il est nécessaire que l’établissement formalise ce compromis.
8 JORF n°0158 du 10 juillet 2015 texte n° 126 : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000030862460
9 Décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, Loi pour la sécurité intérieure
Différents outils sont à sa disposition pour ce faire :
Î Le règlement de fonctionnement (RF)
Il s’agit du document qui établit la norme générale. Comme sera dit et répété dans le guide, le RF ne doit pas être une liste d’interdictions à respecter, mais au contraire un outil de communication, un outil pédagogique. Il s’agit d’un document extrêmement précieux qui doit permettre d’énoncer les règles collectives tout en encourageant la responsabilisation des usagers. Les RF des structures APF sont fondés sur des modèles nationaux par type de structures disponibles en gestion documentaire.
Dans sa recommandation « concilier vie en collectivité et personnalisation de l’accueil et de l’accompagnement », l’ANESM 10 conseille ainsi d’opter pour des formulations qui :
• Engagent le collectif : « pour certaines activités, vous serez amenés à… »
• Contextualisent une obligation « pour des raisons d’hygiènes et de sécurité, pour préserver le calme au sein de l’établissement… »
• Appellent à la responsabilité « pour faciliter l’organisation, en cas d’absence, merci de prévenir… »
• Qui évoquent la possibilité plus que la restriction : « il vous est possible de … »
NB : le RF ne peut contenir de dispositions contraires à la loi et notamment aboutir à une restriction des droits, restriction qui serait de plus collective et non adaptée à chaque situation singulière.
Î Le projet d’établissement
Cet outil doit venir préciser les actions de promotion engagées par l’établissement pour assurer les droits des usagers, et notamment la liberté d’aller et venir des personnes.
Î Le contrat de séjour
Le contrat de séjour peut par exemple prévoir une dérogation particulière pour un usager à une disposition prévue au sein du règlement de fonctionnement si cette dérogation semble nécessaire au bon accompagnement de l’usager. Il est recommandé de s’inspirer du premier alinéa de l’article L.311-4-1 du CASF 11 qui, s’il ne s’applique en principe qu’aux personnes âgées, représente un excellent moyen d’inscrire dans le contrat de séjour, donc dans un document officiel et contractuel, les dispositions qui sont prises pour un usager donné à la fois pour assurer sa sécurité et « soutenir » l’exercice de sa liberté d’aller et venir. Ces dispositions étant prises après procédure collégiale et avis du médecin coordonnateur (à défaut, du médecin traitant).
Î Le projet personnalisé (d’accompagnement)
Le projet est par nature l’outil qui doit, après négociation avec l’usager / son représentant, définir de manière précise et adaptée à la personne accueillie ou accompagnée les mesures concrètes de mise en œuvre de l’exercice de ses droits et libertés en fonction de ses capacités, de ses incapacités, de ses envies, de ses besoins, de son environnement et de son entourage. Le projet personnalisé doit ainsi être l’outil qui permet l’articulation entre les attentes de la personne et l’offre de l’établissement dans le respect de ses droits et libertés. Comme pour tout PPA, ces objectifs peuvent faire l’objet d’autant d’étapes que nécessaire.
Î Le CVS
Cette instance peut servir à des moments de sensibilisation, de concertation et de participation
10 Concilier vie en collectivité et personnalisation de l’accueil et de l’accompagnement, Recommandations de bonnes pratiques professionnelles, ANESM, sept. 2009
11 Art. L311-4-1 « I. Lorsqu’il est conclu dans un des établissements d’hébergement relevant du 6° du I de l’article L. 312-1, y compris ceux énumérés à l’article L. 342-1, le contrat de séjour peut comporter une annexe, dont le contenu et les modalités d’élaboration sont prévues par décret, qui définit les mesures particulières à prendre, autres que celles définies au règlement de fonctionnement, pour assurer l’intégrité physique et la sécurité de la personne et pour soutenir l’exercice de sa liberté d’aller et venir. Ces mesures ne sont prévues que dans l’intérêt des personnes accueillies, si elles s’avèrent strictement nécessaires, et ne doivent pas être disproportionnées par rapport aux risques encourus. Elles sont définies après examen du résident et au terme d’une procédure collégiale mise en œuvre à l’initiative du médecin coordonnateur de l’établissement ou, en cas d’empêchement du médecin coordonnateur, du médecin traitant. Cette procédure associe l’ensemble des représentants de l’équipe médico-sociale de l’établissement afin de réaliser une évaluation pluridisciplinaire des bénéfices et des risques des mesures envisagées. Le contenu de l’annexe peut être révisé à tout moment, selon la même procédure, à l’initiative du résident, du directeur de l’établissement ou du médecin coordonnateur ou, à défaut de médecin coordonnateur, du médecin traitant, ou sur proposition de la personne de confiance désignée en application de l’article L. 311-5-1 ».
des usagers aux réflexions et décisions institutionnelles. Attention toutefois, le CVS ne doit jamais servir à régler des situations individuelles.
Î La fin de l’accompagnement ?
Si la situation est trop complexe, qu’elle dégénère, qu’elle pèse de manière trop lourde sur le fonctionnement général de l’établissement ou du service, et qu’après diverses tentatives de médiation, aucune solution satisfaisante n’a pu être trouvée, la fin de l’accompagnement de l’usager peut être envisagée. La personne pouvant être réorientée vers un établissement ou un service plus adapté à son état.
Attention ! Pour tous les établissements et services pour lesquels il est nécessaire d’avoir une orientation afin de bénéficier de leur accompagnement, cette décision n’appartient pas à l’établissement : une décision préalable de la CDAPH est en effet nécessaire (Cf. article L 241-6 du CASF).
2.1.5 oRG anis ER la collé G iali T é DE s D écisions m ETTRE à sa P lac E l’évaluaT ion mé D ical E DE s si T uaT ions
Beaucoup de situations de restriction de liberté d’aller et venir sont motivées par l’état de santé de la personne concernée (l’altération de l’état de santé ne se limitant pas à la présence d’une maladie). Il s’agit en particulier de troubles cognitifs ou psychiques (désorientation, comportement perturbateur…), mais aussi de capacités en lien avec les atteintes ou l’évolution des pathologies invalidantes : motricité fine et conduite d’un FR électrique, risque infectieux pour les tiers, etc.
Les troubles cognitifs ou psychiques questionnent simultanément la valeur de l’information reçue et donc de la participation de l’intéressé aux décisions (consentement « éclairé », codécision).
De ce fait, les décisions qui doivent être prises et relèvent en dernier ressort des responsables de structures, doivent faire l’objet d’une élaboration et d’une mise en œuvre collégiale car elles impliquent une analyse faisant appel à différentes expertises, dont médicale, mais également une compréhension et une acceptation par l’ensemble des professionnels qui conditionnent une application “bien traitante“ et une réévaluation régulière.
C’est dans ce cadre que pour certaines mesures particulières une prescription médicale peut-être nécessaire (Exemple pour la contention) : il faut la comprendre non comme une délégation de décision au médecin mais comme une précaution supplémentaire visant à confirmer la nécessité de la mesure par l’analyse de la situation mais également la recherche de toute autre alternative médicale.
ces constats imposent une double vigilance :
Î S’assurer d’une réelle évaluation médicale des situations individuelles
• Lorsque cela est obligatoire comme dans toute mesure de contention (cf. chapitre 4.1) notamment ;
• Mais également pour éviter l’arbitraire d’une appréciation subjective et non qualifiée, notamment des « troubles du comportement » ou de la capacité à consentir. Les médecins et professionnels de l’équipe qui participent à ces évaluations (ergothérapeutes, psychologues par exemple) ont eux-mêmes le devoir, au moindre doute, de s’entourer d’avis spécialisés et/ ou d’une évaluation collégiale impliquant des experts extérieurs à la structure. Si le caractère pluriprofessionnel d’une équipe médico-sociale est nécessaire dans ce type d’évaluation, il n’est pas toujours suffisant quand ce qui est en jeu est une décision concernant le fonctionnement au sein de la structure elle-même (risque de manque de recul, voire conflit d’intérêts).
Î Ne pas donner à la “décision médicale“ la portée qu’elle n’a pas
Elle ne peut pas servir “d’abri“ pour limiter les droits des personnes et/ou penser dégager sa propre responsabilité. Une contre-indication médicale n’est pas une interdiction légale, elle s’adresse à un usager (et seulement indirectement aux intervenants professionnels), usager qui conserve le droit de la refuser et de ne pas en tenir compte, comme pour toute “prescription“.
L’avis médical – qui doit être réévalué en permanence - n’est donc pas une justification suffisante mais un garde-fou (une des conditions nécessaires) d’une décision délicate aboutissant à restreindre les droits d’une personne.
2.1.6 f o R m ER l E s PER sonn E ls ET c R é ER un E acculT u R aT ion insT i T u -
T ionn E ll E
Modifier ou améliorer les pratiques des équipes à ces questions passe par un travail de fond et la réitération de moyens connus mais incontournables :
• Sensibiliser les équipes à l’importance et au poids des libertés fondamentales : on ne saurait leur porter atteinte sans raisons valables, sans avis externe, sans formalisation, sans réévaluation régulière, etc.
• Savoir (ré-)interroger les contraintes et les habitudes organisationnelles particulièrement prégnantes dans les accompagnements au long cours, imaginer des alternatives, se renseigner sur les (bonnes) façons de faire d’autres équipes similaires, etc.
• Créer une culture de la collégialité et de la participation des usagers : cultiver les décisions partagées, construites et réévaluées avec les personnes accompagnées ;
• Dédramatiser le risque, consubstantiel à tout accompagnement : travailler les représentations professionnelles et la résonnance psychologique des prises de risques (sentiment d’échec, d’impuissance ou de limite dans l’aide que l’on peut apporter…) ;
• Analyser les pratiques.
2.1.7 uT ilis ER Tou TE s l E s alTER naT iv E s au con TE n T i E ux
Avant d’avoir recours à la voie contentieuse, d’autres modes de résolution des conflits peuvent être envisagés, en voici quelques-uns susceptibles de trouver à s’appliquer dans le secteur médico-social et particulièrement s’agissant des questions attenantes au présent guide ; aucune des alternatives ci-dessous n’est exclusive des autres. Elles peuvent si cela se justifie être menées de concert et dans le cadre des procédures internes APF, notamment de la saisine de la direction régionale concernée (cf. Annexe 1 : saisine des ressources internes) :
Î La procédure de conciliation 12
Le mode alternatif de règlement des conflits par excellence est la procédure de conciliation. Elle désigne l’arrangement amiable auquel parviennent des personnes en conflit, au besoin avec l’aide d’un tiers. Il s’agit d’un mode alternatif, rapide et gratuit de règlement des litiges dont la nature ne nécessite pas l’engagement d’une procédure judiciaire.
La conciliation implique généralement l’intervention d’un tiers, le plus souvent un auxiliaire de justice bénévole, présent au sein des maisons de justice et du droit qui présente certaines garanties en termes de discrétion et d’impartialité. Il peut être saisi directement par les parties sans aucune formalité, ou par délégation du juge lorsque les parties en sont d’accord. Le conciliateur est ainsi chargé de rencontrer les parties, de les écouter et de les inviter à adopter une solution de compromis.
La conciliation concerne toutefois essentiellement les “petits“ litiges de la vie quotidienne : conflit de voisinage, difficulté de recouvrement d’une créance, contestation d’une facture, etc. Le recours à la conciliation est ainsi expressément exclu dans les conflits opposant des particuliers à l’administration, ainsi que dans certaines matières d’ordre public (filiation, autorité parentale).
En cas de compromis, le conciliateur dresse un constat, signé par les parties, qu’il dépose auprès du tribunal d’instance. Le juge peut alors lui donner force exécutoire. Précisons que le recours à un conciliateur constitue une démarche gratuite et sans effet sur les délais relatifs à l’action judiciaire.
Exemple : Recours à la procédure de conciliation en cas de conflit entre un usager et un service d’aide à domicile dans l’hypothèse où un usager refuserait de payer le service au motif qu’il aurait été porté atteinte à ses droits fondamentaux, que l’auxiliaire de vie n’aurait pas répondu à certaines demandes (Exemple aide à fumer, achat de cigarettes, refus d’acheter les aliments demandés).
12 Les développements concernant la procédure de conciliation sont tirés du site « vie-publique » de la Direction de l’information légale et administrative ; voir notamment les maisons de justice et du droit
Î Le Défenseur des droits 13
Cette instance est une autorité indépendante qui a pour mission principale d’aider les personnes (physiques ou morales) à faire valoir leurs droits. Il lutte notamment contre les discriminations, et favorise un égal accès de tous aux droits. Le Défenseur des droits dispose d’un pôle santé 14 spécifiquement chargé d’une mission d’information, de médiation et de traitement des réclamations des usagers du système de santé.
le défenseur peut être ainsi saisi par toute personne qui s’estime :
• Lésée par le fonctionnement d’un établissement de santé, d’un ESMS ou d’un cabinet médical ;
• Lésée par le comportement d’un professionnel de santé ;
• Victime d’une discrimination.
Il peut être saisi par : la personne concernée, en cas de décès son ayant-droit, le représentant légal s’il s’agit d’une personne majeure protégée ou d’un mineur, une association agréée. Lorsque la personne est mineure, outre le représentant légal, le Défenseur des droits peut être saisi par un membre de la famille, d’un service social ou médical ou encore d’une association de défense des droits des enfants.
les réclamations peuvent concerner entre autres :
• Les droits des patients : accès au dossier médical, préjudice lié à un acte médical, fin de vie, etc.
• La sécurité des soins comme les infections liées aux soins, les erreurs médicales, etc.
• La sécurité des personnes comme les maltraitances, la violence, les médecines alternatives, etc.
• La protection des personnes vulnérables : les enfants, les personnes âgées, les personnes atteintes de troubles mentaux, les personnes handicapées, les personnes précaires, les détenus, etc.
• La déontologie des professionnels de santé : le secret médical, l’accès aux soins, la continuité des soins, le refus de soins, etc.
il peut être saisi :
• Par courrier avec copies des justificatifs : Le défenseur des droits, 7 rue Saint-Florentin, 75409 Paris CEDEX 08.
• Par internet : http://www.defenseurdesdroits.fr, aller à la rubrique accédez au formulaire et remplir l’un des deux formulaires en ligne, selon le but recherché (saisine ou témoignage).
• Par téléphone : dans chaque département, un délégué du Défenseur des droits assure une permanence.
Exemple : Si des soins ou mesures médicales sont imposés abusivement à un usager (ex : contention).
Î Réclamation auprès de l’ARS 15
En cas de dysfonctionnements constatés plus que de conflits, il est possible de déposer une réclamation auprès de l’ARS. L’auteur de la réclamation doit adresser une lettre explicative accompagnée de toute pièce justificative au service inspection-contrôle de l’ARS qui peut être sollicité dans deux cas :
• L’usager souhaite obtenir des informations,
• L’usager souhaite faire cesser un dysfonctionnement.
13 Les missions et procédures du défenseur des droits sont régies par la Loi organique du 29 mars 2011 (n°2011-333)
14 Guide droit des usagers de la santé, Le défenseur des droits, Version 1 document de travail.
15 Cf. Articles L1435-1 et s. du CSP
l’aRs peut alors :
• Réorienter l’usager vers l’instance compétente, ou vers l’autorité compétente notamment lorsque les établissements dépendent du conseil départemental ou du préfet,
• Classer sans suite,
• Interroger la structure en lui demandant la communication de tout document utile (enquête sur pièces),
• Inspecter l’établissement (enquête sur place).
Au terme de son enquête l’ARS peut prendre une décision (administrative uniquement) dont la finalité sera de faire cesser le dysfonctionnement constaté.
Exemple : Ces réclamations sont justifiées lorsque sont constatés des dysfonctionnements majeurs au sein d’un établissement, par exemple la mise en place de dispositifs portant atteinte à la liberté d’aller et venir (portes systématiquement fermées, impossibilité pour les usagers de sortir, restrictions des allers-venues. etc.) : un usager peut légitimement déposer une réclamation auprès de l’ARS pour dénoncer ces abus.
Î Former un recours devant les ordres professionnels 16
Les ordres professionnels ont pour mission de veiller au respect des règles déontologiques et professionnelles. Il est ainsi possible de déposer plainte auprès du conseil de l’ordre. Celui-ci va alors organiser une procédure de conciliation. Contrairement à l’ARS, les conseils ordinaux ne reçoivent que les plaintes adressées par la personne concernée ou ses ayants droit.
La procédure de conciliation est commune quelle que soit la profession concernée. La plainte est adressée au Conseil départemental de l’Ordre professionnel concerné, dont dépend le praticien (lieu de son cabinet/lieu d’exercice). Dès la réception de la plainte, le président du conseil va désigner un conciliateur parmi les membres de la commission, chargé d’entendre les parties et de parvenir à une conciliation dans un délai d’un mois à l’issue de laquelle un procès-verbal est établi.
En cas de conciliation partielle ou de non conciliation il y a alors transmission à la juridiction disciplinaire de la profession concernée. Les professionnels de santé encourent des sanctions disciplinaires pouvant aller du simple avertissement à l’interdiction d’exercer ou la radiation. En revanche, la chambre disciplinaire ne peut prononcer des sanctions financières telles que des dommages et intérêts ou un remboursement des honoraires perçus par le professionnel.
Exemple : Ce type de recours peut trouver à s’appliquer s’agissant de la problématique de la contention, de prescriptions abusives, de comportements attentatoires à la liberté de choix de la personne, etc. 16
2.2 Questionnement tension droit-sécurite : check-list
Î L’intéressé
1. Quelle est la position de l’usager sur le problème soulevé ?
2. L’usager se met-il en danger lui-même ou met-il d’autres personnes en danger ?
3. L’usager concerné est-il mineur, majeur ?
4. L’usager est-il sous mesure de protection, et laquelle ?
Î L’entourage
5. Quel rôle tient la famille ? (famille, responsable légal, mandat de protection, tutelle de fait…)
6. Le représentant légal est-il au courant de la situation, quelle est sa position ?
Î Les professionnels. La question soulevée :
7. Est-elle liée à un manque de formation des professionnels (ne savent pas faire, ne savent pas ce qu’ils peuvent ou doivent faire) ?
8. Est-elle liée à une incohérence des pratiques professionnelles ? (certains font d’autres non)
9. Est-elle liée à un refus de faire des salariés, et pourquoi (culture, éthique, mise en danger…) ?
10. A-t-elle fait l’objet d’une traçabilité objectivée (nombre d’incidents repérés) ?
11. A-t-elle déjà fait l’objet d’échanges, de formation ou de consignes qui ne l’ont pas résolue ?
Î La structure
12. Le sujet abordé est-il cité dans les outils loi 2002-2 de la structure (PE, RF, livret d’accueil…) ?
13. S’agit-il d’un problème technique (matériel, logistique) ?
14. Le problème est-il soulevé par plusieurs usagers ? Si oui, le CVS est-il informé, qu’en pense-t-il ?
15. Le problème soulevé se confronte-t-il aux limites d’autorisations ou de missions de la structure, à son classement ERP ? Quelles réponses dans le CASF ? Dans l’arrêté d’autorisation ?
Î L’accompagnement
16. Le problème soulevé a-t-il fait l’objet d’un accompagnement transcrit dans le projet personnalisé de l’usager ?
17. Des essais, des mises en situation ont-ils eu lieu ?
18. Si le problème soulevé est lié à un public spécifique non majoritaire dans la structure, comment se traite ce problème dans des structures spécialisées ?
Î Les ressources externes
19. Ne ferais-je pas mieux de demander conseil à un tiers extérieur à l’établissement (éclairage technique, juridique, médical, éthique, médiation…) ?
20. La question posée relève-t-elle d’une procédure interne ou externe obligatoire (maltraitance, signalement) en lien avec la direction régionale ?
a nn E x E 1 : R E ssou R c E s in TER n E s a P f
Pour aller plus loin et/ou ne pas rester seul dans la résolution d’une tension liberté / sécurité :
• Equipes régionales APF
• Service juridique, dont foire aux questions et blog « Faites valoir vos droits »
• Bientraitance : procédure maltraitance (guide interne APF), formations
• Démarche qualité et évaluation (interne, externe) : cf. point 4.4 lien avec le RIA
• APF Formation (bientraitance, droits des usagers…)
• Guides et référentiels APF en gestion documentaire ou sur le blog de la Direction du Développement et de l’Offre de Service (DDOS) : http://dac.blogs.APF.asso.fr/
NB : Un lien est à faire entre ce guide et le référentiel inter associatif (RIA) qualité, notamment :
c ha P i TRE 1
Pour les droits et le respect de la personne accompagnée, notamment les thèmes ou critères :
• 1.1.d : L’ESSMS veille au quotidien à respecter et faire respecter les droits de l’usager ;
• 1.2 : L’exercice de la citoyenneté, de la participation, des obligations, droits et libertés individuels ;
• 1.3 : La protection et la sécurité : prévention et gestion des risques ;
• 1.4.b : L’adaptation des locaux et des équipements aux besoins et au confort de l’usager et aux prestations proposées (disposition, aménagement, architecture intérieure et extérieure, favorisant l’orientation de l’usager, son autonomie et son intimité (personnalisation des espaces privatifs, évolution de son cadre de vie individuel et collectif).
c ha P i TRE 2
Pour un parcours et un accompagnement cohérent et adapté, notamment :
• 2.1.b : Co-construction du projet personnalisé ;
• 2.1.c : La place de l’usager, expert de sa situation ;
• 2.2.b : La personnalisation du projet dans la mise en œuvre et son actualisation.
• Référentiel APF : Pour un accompagnement adapté à l’état de santé de l’usager, notamment :
• S.1.c : Les droits de l’usager en tant que personne soignée ;
• S.2.a : Le cadre légal et conditions d’exercice des professionnels de santé non médicaux ;
• S.2.b : Le cadre légal des actes infirmiers et soins courants (rôle propre, collaboration) ;
• S.2.c : Le rôle du médecin de l’ESMS (non libéral) ;
• S.3 : La gestion des risques de santé pour les usagers.
• Pour les usagers notamment : CVS, CNU
• Groupe d’éthique
• PULSE : http://dac.blogs.APF.asso.fr/outils-pulse.html
a nn E x E 2 : R E ssou R c E s E x TER n E s
• CISS : collectif inter associatif sur la santé dont l’APF est membre fondateur, n° Santé Info Droit : 0810 004 333 (n° Azur, tarif selon l’opérateur téléphonique) ou 01 53 62 40 30 (prix d’une communication locale)
• Défenseur des droits : www.defenseurdesdroits.fr
le droit des usagers au risque des enjeux de sécurité
association des paralysés de france
Les libertés individuelles sont définies comme étant « des facultés innées, inhérentes à la personnalité, reconnues à tout individu de se déterminer par sa seule volonté dans sa vie personnelle (privée comme professionnelle) » 17
Il s’agit entre autres de la liberté de choisir son mode de vie, sa religion, son lieu de résidence, de la liberté d’opinion (liberté de pensée, d’expression), de la liberté de décider pour soi-même et évidemment de celle qui nous intéresse particulièrement dans le présent guide : la liberté d’aller et venir.
Ces libertés, dites libertés fondamentales ou droits fondamentaux, sont ainsi normalement protégées tant par la norme juridique, - la source juridique suprême étant la constitution et son préambule - que par les différentes juridictions, françaises mais également européennes (notamment la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH)). Ces juridictions doivent ainsi veiller à ce que soit permis l’exercice de ces libertés et des volontés légitimes de chacun, dans les limites des nécessités de l’ordre social.
Il arrive pourtant que ces droits et libertés, aussi fondamentaux soient-ils, puissent faire l’objet de limitations. Limitations qui trouvent le plus souvent leur justification dans une nécessité inhérente à l’exercice d’un autre droit fondamental de valeur équivalente.
S’agissant de notre sujet, les deux principes qui seront constamment mis en balance sont la liberté, et notamment la liberté d’aller et venir, d’un côté, et la prévention d’atteinte à la sécurité des personnes qui constitue également un droit fondamental de valeur constitutionnelle, de l’autre 18
Se confrontent donc deux principes apparemment concurrents : le respect de la liberté des personnes et l’assurance de leur sécurité. La question de l’arbitrage entre sécurité et liberté se pose ainsi de manière délicate, de même que la nécessité de parvenir à un juste équilibre.
La notion de sécurité entendue au sens constitutionnel revêt toutefois un sens bien particulier : elle doit être entendue au sens objectif de « toute action visant au maintien ou au rétablissement de l’ordre et de la paix publique » 19. Ce qui est en jeu ici est la sécurité des personnes et des biens résultant d’une menace à la collectivité et non d’un simple risque 20
Au regard de ces développements, il ne fait aucun doute que la notion de sécurité au sens du présent guide, à savoir le fait d’assurer la sécurité des usagers des établissements et services médico-sociaux, sur le plan physique comme psychique ne rentre pas dans cette définition constitutionnelle du « droit à la sécurité » 21
17 Vocabulaire juridique, Gérard CORNU, PUF, p 538.
18 Le Conseil constitutionnel a souligné dans une décision en date du 20 Janvier 1981 que «La liberté individuelle et celle d’aller et venir doivent être conciliées avec « ce qui est nécessaire pour la sauvegarde des fins d’intérêt général ayant valeur constitutionnelle » comme « la prévention d’atteintes à l’ordre public, notamment à la sécurité des personnes et des biens, nécessaires, l’une et l’autre, à la sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle». Cons. Const., déc. N°80-127 DC.
19 Franck Moderne cité par Jean VAUJOUR in Jean VAUJOUR avec la collaboration de J.BARBAT, La sécurité du citoyen, Violence et société, Que sais-je ?, PUF, 1980, p5-6.
20 Cette distinction entre menace et risque est notamment empruntée au rapport rédigé sous la direction de M. Alain BAUER, criminologue, Président du Conseil d’orientation de l’observatoire national de la délinquance « une approche fine permet de distinguer : - les menaces, ce que l’homme s’inflige à lui-même volontairement : guerres, attentats, massacres, etc. - Les risques, d’origine naturelle pour lesquels l’homme, s’il intervient, ne le fait qu’involontairement » cf. rapport au Président de la République et au Premier ministre, Déceler-Etudier-Former : une voie nouvelle pour la recherche stratégique, 20 mars 2008, p.15.
21 Développements inspirés de l’article de Marc Antoine GRANGER, allocataire-moniteur, Université de Pau des Pays de l’Adour « existe-t-il un « droit fondamental à la sécurité » ? » 1er juillet 2008.
L’obligation de sécurité, au cœur des enjeux de responsabilité des ESMS, n’est pas un droit constitutionnellement garanti comme peut l’être la liberté d’aller et venir, mais n’a qu’une valeur légale ou règlementaire. A ce titre, la constitution ayant une valeur normative supérieure à la loi, la liberté, et notamment la liberté d’aller et venir doit être considérée comme étant supérieure à la loi. En d’autres termes, la liberté prime sur la sécurité.
Par principe, et du fait de sa valeur constitutionnelle, seule l’autorité de l’Etat peut apporter des privations à la liberté d’aller et venir et uniquement pour des motifs d’ordre public. Toutefois, au quotidien et en l’absence de précisions textuelles ou jurisprudentielles applicables à toutes les situations, notamment celles qui nous intéressent dans le présent guide, dans l’hypothèse d’un conflit entre droits et libertés, le principe qui doit prévaloir afin d’arbitrer entre les deux est celui de la proportionnalité, et notamment de la proportionnalité des mesures adoptées par rapport au but poursuivi.
Cet arbitrage et la proportionnalité de la mesure peuvent être contrôlés par le juge, a posteriori de la situation rencontrée. L’objet même de ce guide sera ainsi d’aider à la compréhension des logiques qui sous-tendent le droit et des risques réellement encourus. Son but est de donner des repères dans ce type de situations complexes pour parvenir à construire la solution la plus juste pour la personne accompagnée, en rappelant que des professionnels, même en équipe, ne peuvent s’ériger seuls en arbitres. La question spécifique de la gestion du risque autour de la liberté d’aller et venir des usagers d’ESMS est emblématique des tensions pouvant exister entre deux enjeux apparemment légitimes.
1.2.1 P R inci PE s
« Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté 22 de sa personne » 23. La liberté d’aller et venir est une liberté fondamentale qui a été élevée en 1979 au rang de liberté constitutionnelle par plusieurs décisions du Conseil Constitutionnel 24. Ces textes sont considérés comme ayant un « effet direct », c’est-à-dire qu’ils peuvent être directement invoqués devant les juridictions françaises par tout justiciable.
Il est donc clairement établi que la liberté d’aller et venir constitue une liberté fondamentale et universelle dont dispose tout individu.
Si cette liberté ne revêt pas un caractère absolu et qu’elle est limitée dans certains cas particuliers, on observe toutefois dans certains établissements et services médico-sociaux une tendance à restreindre de manière substantielle l’exercice de ce droit.
Ces restrictions trouvent pour la plupart leurs origines, évidemment non dans l’indifférence ou la malveillance des équipes d’encadrement, mais essentiellement dans la volonté de satisfaire à des exigences de prises en charge souvent interprétées de manière particulièrement strictes. D’autres raisons peuvent également être appelées pour expliquer l’existence de certaines contraintes : raisons architecturales, difficultés organisationnelles, nécessités médicales, problèmes financiers, considérations sécuritaires. Parmi toutes ces raisons, les questions de sécurité et, derrière elles,
22 Le droit à la sûreté correspond, à l’origine, aux garanties offertes aux personnes visant à les protéger de toute arrestation ou détention arbitraire (cf. DUDH, CEDH). Dans les ESMS, ce droit à la sûreté résonne différemment et désigne le droit à la protection contre les pratiques abusives de certains personnels (abus de faiblesse, abus de confiance), ainsi que les abus de pouvoir ou les mesures et décisions arbitraires prises par les établissements ou services. Ce droit à la sûreté est donc à différencier du droit à la sécurité.
23 Ainsi la Déclaration universelle des droits de l’Homme consacre-t-elle le principe général de liberté individuelle en son article 3 duquel découle celui de la liberté d’aller et venir, liberté fondamentale qui garantit à tout citoyen le droit de se déplacer et de se mouvoir, librement et sans contrainte.
24 Cons. Const., déc. N° 79-107 DC, 12 juillet 1979, Ponts à Péage. Décision originelle suivie par deux autres (Cons. Const., déc. N°2003-467DC du 13 mars 2003 et déc. N°20225-532 CD du 19 janvier 2006) dans lesquelles les sages du Conseil ne se sont pas contentés d’insister sur le caractère fondamental de cette liberté mais l’ont expressément rattachée aux articles 2 et 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen la proclamant ainsi comme liberté constitutionnellement garantie. Elle est également confirmée par des textes internationaux et notamment garantie aux paragraphes 1 et 2 de l’article 2 du Protocole n° 4 de la Convention européenne des droits de l’homme qui visent à assurer la liberté pour toute personne de circuler à l’intérieur du territoire dans lequel elle se trouve ainsi que de le quitter : « quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d’un Etat a le droit d’y circuler librement et de choisir librement sa résidence »). De même, le paragraphe 1 de l’article 18 du Traité CE dispose que « tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ».
celles de responsabilité sont les plus fréquemment invoquées, et notamment la crainte des équipes de voir leur responsabilité engagée en cas d’absence inquiétante (“fugue“) ou d’accident.
L’enjeu du guide et des documents d’application thématique sera donc sur cette question, d’une part, de donner un cadre à l’exercice de la liberté d’aller et venir des personnes afin de limiter au maximum les entraves à cette liberté, et d’autre part, de tenter d’apporter des réponses afin que pour chaque personne et chaque situation un ajustement soit opéré qui permette la conciliation entre sécurité et respect de la liberté.
la liberté d’aller et venir concerne un vaste domaine dont on peut sérier les atteintes en :
• Restrictions de la liberté de déplacement à l’intérieur d’un lieu de vie
• Privation du moyen de locomotion : fauteuil roulant confisqué, FR électrique débrayé en mode manuel…
• Mesures d’isolement ou barrières face à un risque de “fugue“, d’agression envers autrui : porte (fenêtre) fermée ou condamnée, barrière type sécurité enfant, y compris sur prescription médicale.
• Mesures d’isolement pour risque infectieux (ex : confinement à la chambre), avec ou sans évaluation médicale rigoureuse du risque ; stigmatisation par des signes visibles par tous (sur la porte du studio par ex).
• Architecture inadaptée ou obstacles limitant les déplacements à l’intérieur de l’établissement, verrou de porte trop haut pour une personne en fauteuil roulant…
• Restriction de la liberté de déplacement à l’extérieur (de l’établissement, du domicile)
• Restriction de sorties (horaires imposés, besoin d’aide non assuré, fermeture de l’établissement, grille d’enceinte s’ouvrant avec des bips dont le nombre est restreint ou l’usage limité à quelques personnes, limitations de sortie basées sur des règles collectives (édictées par l’établissement), ou pour des raisons de sécurité en lien avec le projet de la personne…
• Non mise à disposition des veilleurs pour des couchers tardifs afin d’éviter les sortie de nuit non contrôlées.
• Obligation faite aux résidents de rendre compte de leurs allers et venues (au-delà de présence / absence ou système de géolocalisation imposé : GPS ou autre système “marqueur” (bracelets…).
• Etc.
Chacune de ces situations fait l’objet d’un document d’application thématique en lien avec le présent document (voir présentation du guide : 1.3.b). Les motifs de sécurité invoqués visent le plus souvent à prévenir des accidents (chutes) ou des risques d’absence inquiétante (“fugue“) 25
1.2.2 ca DRE ju R i D iqu E
Les personnes accueillies en établissements ou services médico-sociaux sont, par principe, libres d’aller et venir. Si cette liberté n’est pas expressément affirmée dans l’énumération des droits et libertés individuels garantis à l’usager, elle est toutefois mentionnée par la charte des droits et libertés de la personne accueillie en son article 8 consacré au droit à l’autonomie 26
Si cette liberté fondamentale peut toutefois être restreinte, eu égard aux objectifs recherchés, et notamment à la sécurité des personnes, toute atteinte à la liberté d’aller et venir d’une personne doit reposer sur un risque objectivé, identifié et précisément évalué ; que ce risque trouve son origine dans des troubles d’ordre physique ou psychique.
Le risque juridique de voir sa responsabilité engagée en cas d’accident ou d’absence inquiétante (“fugue“) d’un usager, s’il existe évidemment, doit toutefois être relativisé. Les juridictions ont en effet eu à de nombreuses reprises l’occasion de rappeler le caractère essentiel de la liberté d’aller et venir. La Cour de Cassation a ainsi récemment affirmé 27 que le principe applicable est
25 Le terme ‘’fugue“, péjoratif s’agissant notamment d’adultes, est parfois conservé dans ce guide en raison de son caractère usuel et de l’absence de synonyme consensuel. Chaque équipe est invitée à en utiliser un pour son propre usage (‘’absence inquiétante, ou préoccupante“, etc.)
26 Arrêté du 8 septembre 2003 relatif à la charte des droits et libertés de la personne accueillie, mentionnée à l’article L. 311-4 du code de l’action sociale et des familles, art. 8 : « Dans les limites définies dans le cadre de la réalisation de sa prise en charge ou de son accompagnement et sous réserve des décisions de justice, des obligations contractuelles ou liées à la prestation dont elle bénéficie et des mesures de tutelle ou de curatelle renforcée, il est garanti à la personne la possibilité de circuler librement. A cet égard, les relations avec la société, les visites dans l’institution, à l’extérieur de celle-ci, sont favorisées » (…).
27 Cass. civ. 1ère, 29 mai 2013 no12-21194. « (…) qu’il résulte de l’article L. 3211-2 du Code de la santé publique qu’une personne hospitalisée sous le régime de l’hospitalisation libre pour des troubles mentaux dispose des même droits liés à l’exercice des libertés individuelles que ceux qui sont reconnus aux malades hospitalisés pour d’autres causes, que, dans cette hypothèse, le principe applicable est celui de la liberté d’aller et venir ; qu’il ne peut être porté atteinte à cette liberté de manière contraignante par voie de “protocolisation” des règles de sortie de l’établissement… ».
celui de la liberté d’aller et venir ; qu’il ne peut être porté atteinte à cette liberté de manière contraignante par voie de “protocolisation” des règles de sortie de l’établissement…
Si cet exemple concerne un patient hospitalisé dans le secteur psychiatrique, de tels exemples existent également s’agissant de résidents accueillis en EHPAD : l’obligation de sécurité n’est pas une obligation de résultat qui serait inconciliable avec le respect de la liberté d’aller et de venir qui est posé parallèlement ; seule une obligation de vigilance de moyens lui incombe qui doit s’apprécier au regard de la connaissance du comportement antérieur de l’usager par l’établissement. Cela est rappelé par un arrêt récent de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence 28 et confirmé par de nombreux autres arrêts 29
En résumé, en cas d’absence inquiétante (“fugue“), comme en cas d’accident, si un établissement :
• A mis en place une surveillance adaptée au comportement de la personne ;
• N’a pas commis de faute ou de négligence ;
Il n’y a alors pas de raison pour que sa responsabilité soit engagée. Sachant que si l’établissement n’avait pas connaissance du “comportement de la personne“ on ne peut normalement pas lui reprocher de n’avoir pas mis en œuvre une surveillance adaptée. Toutefois, invoquer l’ignorance implique d’être sûr que l’établissement pouvait vraiment, sans être fautif, “ne pas savoir“.
Î Exemple
Exemple d’une décision suite à l’absence inquiétante (“fugue“) d’un jeune garçon en centre de vacances : Cass. civ. 27ème, 28 janvier 1987 « centre de l’Enfance à la mer », n°85-16.486 : « (…) attendu que la Cour d’appel, par motifs propres et adoptés, énonce, au vu des documents versés aux débats et antérieurs aux faits litigieux que Michel B. n’était pas un enfant anormal, différent de ses camarades, qu’il n’avait jamais fait de fugue, qu’il n’était pas possible d’attacher un gardien à ses pas ou de limiter la liberté relative dont bénéficiaient les autres adolescents et que la fugue du mineur qui avait trompé la vigilance de ses éducateurs ne pouvait être prévisible ; Que de ces constatations et énonciations, la Cour d’appel (…) a pu déduire, justifiant légalement sa décision qu’aucune faute n’était démontrée à l’encontre du Centre de l’Enfance à la mer ; »
On peut retenir de tout ce qui précède, et notamment des décisions de justice, que la responsabilité de la personne morale gestionnaire, du directeur ou de ses salariés est rarement engagée dès lors que le principe de la liberté d’aller et venir des personnes accueillies est la finalité, que les précautions “raisonnables“ 30 ont été prises et que les obligations de surveillance sont assurées.
La question de la responsabilité étant récurrente, il nous a semblé essentiel de rappeler les notions qui se trouvent au fondement de l’engagement des diverses responsabilités.
28 CA Aix-en-Provence 15 février 2012 : « (…) l’article L. 311-3 dudit code [Le CASF] qui dispose que l’exercice des droits et libertés individuels est garanti à toute personne prise en charge par des établissements et services sociaux et médico-sociaux, que lui sont assurés le respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité et de sa sécurité. Si ce texte impose à l’établissement une obligation de sécurité, il ne peut s’agir d’une obligation de résultat qui serait inconciliable avec le respect de la liberté d’aller et de venir qui est posé parallèlement ; seule une obligation de vigilance de moyens lui incombe qui doit s’apprécier au regard du comportement antérieur de l’usager et de la connaissance de ce comportement par l’établissement ».
29 CA Toulouse 26 juin 2007 06/01599 / CA Versailles 17 décembre 1997 / Cass. civ. 1ère 15 décembre 2011 n°10-25.740.
30 (A cet égard, il est important de distinguer le principe de prévention de celui du principe de précaution. Cf. glossaire).
Au sens général du droit, la notion de responsabilité renvoie à « l’obligation de répondre d’un dommage devant la justice et d’en assumer les conséquences civiles, pénales, ou disciplinaires etc. soit envers la victime, soit envers la société » 31
Au regard de cette définition il apparait bien qu’à l’occasion d’un dommage, plusieurs sortes de responsabilités peuvent être engagées, chacune répondant à sa propre logique.
Les deux grands régimes de responsabilité sont d’un côté la responsabilité civile et de l’autre la responsabilité pénale.
Nous vous proposons un tableau 32 ci-dessous qui établit les grandes distinctions entre ces deux régimes : c ritères
But Réparation du dommage
Î Faute
Fondement
Î Présomption de responsabilité
Î Sans faute
Maîtrise de l’action La victime
Sanctions Dommages-intérêts (parfois exécution en nature)
Juridiction compétente
Tribunaux civils
1.3.1 l a RE s P onsabili T é civil E
Répression
Protection de la société
Faute pénale prévue par un texte
Le ministère public est maître de la poursuite
Î Peines privatives de liberté
Î Amendes et autres peines
Î Tribunal de police (contraventions)
Î Correctionnel (délits)
Î Cour d’assises (crimes)
Cette responsabilité est engagée dans le cas d’un préjudice causé à autrui. Il s’agit alors de réparer, sur un plan pécuniaire ses conséquences dommageables. Le principal fondement de l’engagement de la responsabilité civile est la faute, (même s’il existe des cas de responsabilité sans faute). La responsabilité civile se décline elle-même en deux types de responsabilités : la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle (ou extracontractuelle).
NB : un principe de non-cumul préside à l’engagement de ces responsabilités : la victime ne peut choisir sur quel fondement elle engage son action. Si le dommage résulte de l’inexécution d’une obligation contractuelle les règles de la responsabilité délictuelle ne pourront en aucun cas trouver à s’appliquer, et inversement.
Si les deux régimes se distinguent, dans les deux cas l’existence du droit à réparation pour la victime et corrélativement la mise en cause de la responsabilité de l’auteur ne peuvent naitre que si trois conditions sont réunies :
31 Vocabulaire juridique, Gérard Cornu, PUF, p 807.
32 Droit civil, B.HESS-FALLON, A-M SIMON, Editions SIREY, 6ème édition, 2001, p 243.
1. Un dommage (matériel, moral, corporel, économique) qui doit être certain 33, légitime 34 et direct 35
2. Une faute (ou fait générateur de responsabilité) qui peut-être une faute du fait personnel, du fait d’autrui, ou du fait des choses qu’on a sous sa garde.
3. Un lien de causalité entre la faute et le dommage
A noter que des causes d’exonération existent (le cas de force majeure, le fait d’un tiers, ou la faute de la victime par exemple) pour lesquelles la responsabilité ne saurait être engagée.
Î Responsabilité contractuelle
Aux termes de l’article 1147 du Code civil, la responsabilité contractuelle sanctionne le préjudice subi par une partie à l’occasion de l’inexécution d’un contrat. Il est important de préciser qu’en matière contractuelle, seul est réparé le dommage prévu ou prévisible lors de la signature du contrat, limite qui n’existe pas en matière délictuelle.
Il convient également de préciser que dans le cadre de la responsabilité contractuelle les parties sont le co-contractant (l’usager ou son représentant légal) et l’APF personne morale représentée par une personne physique habilitée par délégation de pouvoir à engager contractuellement l’association. Le directeur qui signe le contrat de séjour s’engage au nom et pour le compte de l’APF dans le cadre de sa fonction de directeur de l’établissement et du service.
Î Responsabilité extracontractuelle (ou délictuelle)
La responsabilité délictuelle se définit comme l’obligation de réparer le dommage causé à autrui par un fait illicite ou anormal imputable au responsable. Par opposition à la responsabilité contractuelle, la responsabilité délictuelle sanctionne tout dommage né en dehors de l’exécution d’un contrat. La victime est alors presque toujours indemnisée par le versement d’une somme d’argent à titre de dommages-intérêts.
Dans le cadre de la mise en jeu de la responsabilité délictuelle de l’auteur du dommage, c’est l’APF personne morale qui est mise en cause soit en tant qu’employeur (dommage causé par un salarié à un usager…) soit en tant qu’organisatrice des activités au cours duquel le dommage a été causé (dommage causé par un bénévole à un usager..). Pour toutes ces situations, l’APF a souscrit une assurance permettant de couvrir ce risque et l’APF peut, en fonction de circonstances exceptionnelles le cas échéant, se retourner contre le salarié auteur du dommage.
Au sein de ce régime de responsabilité, il est nécessaire de distinguer la responsabilité du fait personnel de la responsabilité du fait d’autrui.
© la responsabilité du fait personnel
Elle est posée par l’article 1382 du code civil qui dispose : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Au fondement de la responsabilité du fait personnel se trouve donc la notion de faute. Le droit de la responsabilité a cependant largement évolué et donné lieu à l’apparition des cas de responsabilité sans faute, et a également été dévié de ses principes fondateurs par le développement des assurances qui supportent désormais la réparation de la faute en lieu et place de l’auteur du dommage (ce qui permet une meilleure indemnisation des victimes).
Si le code civil ne donne pas de définition précise de la faute, on peut toutefois la définir comme « la violation d’un devoir ou la transgression d’une norme juridiquement obligatoire » 36, et « le comportement illicite de celui qui ne respecte pas l’ordre juridique établi ».
33 « Un dommage certain est un dommage dont on a la certitude qu’il s’est déjà réalisé (préjudice actuel) ou qu’il se réalisera un jour (préjudice futur), par opposition à un dommage éventuel qui est trop hypothétique pour être réparé » in B. FAGES, droit des obligations, L.G.D.J, 2ème édition, 2009, p 310 et s.
34 « Le dommage n’est réparable que si la victime a été lésée dans un intérêt pouvant être considéré comme légitime » in B. FAGES, droit des obligations, L.G.D.J, 2ème édition, 2009, p 367 et s.
35 Le dommage direct est celui qui résulte du fait dommageable, cette notion se confond en réalité avec la condition du lien de causalité entre le fait initial et le dommage.
36 G. Viney « Introduction à la responsabilité » 3e ed. LGDJ 2008.
Cette faute peut être commise :
• Involontairement, par méprise ou inattention, imprudence ou négligence, on parle alors de faute par omission (cf. art. 1383 du code civil). A noter que lorsque le préjudice a été causé par un fait involontaire on parle de responsabilité quasi-délictuelle et non délictuelle (faits volontaires).
• Volontairement, avec l’intention de nuire, on parle alors d’acte, ou de faute par commission (cf. art. 1382 du code civil).
Rappel : il appartient à la victime d’apporter la preuve de la faute, la preuve du dommage subi et la preuve du lien de causalité entre les deux.
© la responsabilité du fait d’autrui
Elle est posée par l’article 1384 du code civil et peut être engagée alors qu’on n’est pas directement responsable du fait illicite ou anormal mais que son auteur est placé sous votre responsabilité. La question est de savoir qui est civilement responsable. Cela concerne les structures médicosociales sous deux angles : - la responsabilité du commettant du fait des “préposés“ (ex : salariés) ; - la responsabilité du fait des usagers des structures ou services médico-sociaux.
• S’agissant des “préposés“ 37, la responsabilité de l’employeur peut être engagée en cas de fait dommageable commis par le préposé du fait d’une faute dans l’exercice de ses fonctions. En revanche, si le salarié agit sans autorisation, en dehors de ses fonctions et à des fins étrangères à ses attributions (les trois conditions sont cumulatives) alors l’employeur est exonéré de sa responsabilité et le salarié voit engagée sa propre responsabilité.
Une question particulière qui se pose ici est celle de la responsabilité du directeur de l’établissement, qui agit à la fois en tant que préposé (salarié) de l’association gestionnaire, et en tant que représentant de l’employeur. Question qui sera traitée dans une partie à part entière un peu plus loin.
• S’agissant des usagers, on observe depuis 1991 38 une extension du régime de responsabilité du fait d’autrui pour les ESMS. Deux idées principales sont à retenir concernant l’engagement de cette responsabilité :
• Cette responsabilité est une responsabilité sans faute, c’est-à-dire que l’établissement, même s’il n’a pas commis de faute dans l’exercice de son pouvoir d’organisation, de contrôle, ou de surveillance, verra sa responsabilité civile engagée. Les seuls cas dans lesquels le “gardien“ de la personne, peut s’exonérer de sa responsabilité sont les cas de force majeure ou lorsque le dommage est immédiatement le fait de la victime ou d’un tiers.
• Pour que la responsabilité de la structure soit engagée, il faut que cette dernière exerce un pouvoir d’organisation, de contrôle et de direction sur la personne et ce de manière permanente. Ce qui signifie par exemple, qu’un IEM qui accueille un enfant en demi-pension n’est pas responsable du dommage causé par un enfant accompagné dès lors qu’il n’exerce plus aucun pouvoir de contrôle sur ce dernier.
NB : cette logique de responsabilité du fait d’autrui ne vaut que pour les personnes accueillies en établissements médico-sociaux, et ne concerne pas les services médico-sociaux. A noter que les deux types de responsabilité contractuelle et délictuelle ne peuvent être engagés en même temps contre la même personne.
37 Préposé : personne qui accomplit un acte ou une fonction déterminée sous la direction ou le contrôle d’une autre (« lien de préposition »). Cette définition concerne tous les salariés (rapport d’autorité et de subordination incarné par le contrat de travail) et peut aller au-delà (ex : bénévole régulier chargé d’une mission).
38 Cass. Ass. Plén. 29 mars 1991, Blieck, n°89-15.231.
Î Focus : responsabilité civile et assurance
De manière générale, la responsabilité civile des ESMS APF, engagée en cas de dommages causés par un salarié ou un usager, est couverte par l’assurance souscrite par l’APF. Deux hypothèses sont à distinguer pour lesquelles le régime assurantiel ne fonctionnera pas :
• Les cas d’exonération de la responsabilité
• L’exclusion de garantie
L’exonération de la responsabilité renvoie à l’idée que l’auteur du dommage n’est que partiellement responsable du dommage (ex : évènement extérieur, imprévisible et insurmontable à l’origine du dommage). Si un dommage est le fait d’une émeute par exemple, aucune assurance ne viendra couvrir les dommages causés. L’exclusion de garantie correspond au cas dans lequel la responsabilité pénale de la personne est engagée. L’assurance ne couvre alors pas les dommages subis ou réalisés. A travers ces deux exemples on note bien que les assurances ne viennent pas couvrir tous les risques.
Dans le cadre professionnel, l’APF joue un rôle d’assurance en responsabilité professionnelle pour les salariés et couvre leur responsabilité civile dans le cadre de leur exercice professionnel, mais en aucun cas les assurances souscrites par l’APF pour ses salariés ne peut venir couvrir leur responsabilité pénale ou les actes intentionnels.
En matière d’assurance, chaque salarié n’est donc pas couvert par l’assurance de l’APF et reste ainsi responsable de ses actes dans deux cas :
• Si l’acte engage sa responsabilité pénale ;
• Si l’acte est détachable (extérieur, imprévisible, et insurmontable pour l’établissement) de l’exercice de salarié
Rappel : si certains actes n’engagent ni la responsabilité civile ni la responsabilité pénale, ils peuvent toutefois engager la responsabilité disciplinaire du salarié.
1.3.2 l a RE s P onsabili T é P énal E
Î La responsabilité pénale des personnes physiques (individus)
A la différence de la responsabilité civile qui a pour fonction de réparer un dommage, la responsabilité pénale tend à sanctionner l’auteur d’un comportement délictueux. Elle est ainsi engagée quand une personne commet une infraction (classée en trois catégories de gravité : contravention, délit ou crime).
Si l’infraction a entraîné un dommage, la responsabilité civile peut également être engagée :
• Soit la victime se porte “partie civile“ devant les tribunaux répressifs, c’est-à-dire qu’elle demandera des dommages-intérêts lors de l’action pénale ;
• Soit la victime agit devant les tribunaux civils, sachant que le juge civil devra attendre que le juge pénal ait rendu sa décision pour prononcer la sienne en vertu de la règle « le criminel tient le civil en l’état ».
NB : Nul n’est responsable pénalement que de son propre fait. (Article 121-1 du code pénal). Autrement dit, la responsabilité pénale ne peut être engagée qu’à l’égard de la personne qui a commis l’infraction, avec une exception s’agissant de l’engagement de la responsabilité pénale des personnes morales qui peut être engagée depuis 1994 (cf. art. 121-2 alinéa 1 du code pénal).
Toutefois s’agissant de la responsabilité pénale du directeur, celle-ci peut être recherchée en concomitance avec celle du salarié auteur direct de l’infraction dans la mesure où le directeur est en charge de l’organisation générale des activités, de leur contrôle et du bon fonctionnement de la structure qu’il dirige. Il dispose de tout pouvoir de décision pour mener à bien ces actions, ce pouvoir est formalisé dans le cadre de la délégation de pouvoir qu’il a signée. La responsabilité pénale qu’il engage est donc la contrepartie de son pouvoir de direction. En cas d’infraction pénale, le juge recherchera si, sur le plan de l’organisation, l’absence ou le défaut de celle-ci a concouru à faciliter ou permettre l’infraction commise par l’auteur direct.
Î La responsabilité pénale des personnes morales
La responsabilité pénale de l’association peut être engagée en cas d’infraction commise pour son compte par les personnes considérées comme représentantes de cette dernière (conseil
d’administration, directeur général, comité exécutif, etc.), et donc uniquement celles qui exercent certaines fonctions de direction, d’administration, de gestion ou de contrôle.
Toute personne titulaire d’une délégation de pouvoir doit également être considérée comme représentante de la personne morale dès lors que délégation de pouvoir vaut délégation de représentation. Le titulaire initial du pouvoir est le délégant. Il peut déléguer son pouvoir, c’està-dire transférer sa capacité d’agir à un délégataire ; celui-ci dispose alors de l’autorité, des compétences et des moyens, pour lesquels il doit rendre compte. Le délégataire peut lui-même déléguer à un sub-délégataire si le délégant l’y autorise et dans les mêmes conditions. Et enfin le sub-délégataire peut lui-même déléguer à un sub-sub-délégataire si le délégant l’y autorise dans les mêmes conditions.
Sous le contrôle du délégant, le délégataire exerce tout ou partie des pouvoirs de ce dernier. Trois éléments cumulatifs sont nécessaires afin d’identifier une délégation de pouvoir :
• Un lien de subordination (hiérarchie) ;
• Un dessaisissement du délégant au profit du délégataire ;
• Le transfert de la responsabilité pénale inhérente aux pouvoirs délégués.
La délégation de pouvoir n’est pour autant exonératoire de responsabilité pénale que si le délégataire dispose des compétences, de l’autorité et des moyens nécessaires pour assumer les pouvoirs qui lui ont été transmis 39
NB : concrètement, la délégation de pouvoir est un document écrit signé du délégant et du délégataire. A l’APF le document unique des délégations de pouvoir (DUD) permet d’avoir une lisibilité sur l’organisation de la chaine des délégations de pouvoir allant de l’Assemblée Générale jusqu’aux directeurs de structure, mais il n’est en lui-même ni une délégation de pouvoir ni la somme de celles existant à l’APF.
Les peines applicables sont (entre autre) : l’amende 40, l’interdiction définitive ou provisoire d’exercer une activité professionnelle, le placement sous surveillance judiciaire, la fermeture définitive ou provisoire de l’association 41, l’exclusion des marchés publics définitive ou provisoire, l’interdiction de faire appel public à l’épargne (cf. art. 131-9 du code pénal) ou la dissolution (dite peine de mort des personnes morales).
Dans le cadre professionnel, l’employeur peut voir sa responsabilité pénale exonérée s’il a délégué régulièrement 42 ses pouvoirs à l’un de ses subordonnés. Ce dernier se verra transférer la responsabilité pénale. De même la responsabilité pénale de l’employeur est écartée si la faute personnelle du salarié ou d’un tiers a été la cause unique et exclusive de l’infraction.
C’est le cas par exemple si un accident est dû à une intervention du salarié subite, imprévisible et contraire aux instructions reçues ou si l’accident est dû à la négligence du salarié au regard des instructions reçues.
Le lien unissant un employeur à chacun de ses salariés (ses préposés) est dénommé lien de subordination. Ce lien est indispensable car pour permettre à l’employeur de faire face à ses responsabilités il doit disposer d’un pouvoir de direction à l’égard de ses salariés.
Ce lien se matérialise à travers le contrat de travail qui fixe le cadre général de l’activité du salarié.
Conformément à la loi, l’employeur doit fixer les mesures d’application de la règlementation en matière de santé, d’hygiène et de sécurité ainsi que les règles générales relatives à la discipline. Ce dernier thème comprend des directives concernant le comportement à l’égard des usagers et de leur famille ; la maltraitance ; le harcèlement…
L’employeur met en place un Règlement Intérieur reprenant l’ensemble de ces obligations. Ce
39 Cour de Cass. Crim. 11 mars 1993. C.Cass. Crim. 30 mai 2000, 99-86695 , C.Cass. Crim 26 juin 2001, 00-83466.
40 Art. 131-38 du code pénal lorsqu’il s’agit d’un crime pour lequel aucune peine d’amende n’est prévu à l’encontre des personnes physiques. Pour les autres, les amendes sont égales au quintuple de celles prévues pour les personnes physiques.
41 Rappelons qu’un établissement ou un service n’est pas doté de la personnalité morale
42 Ce qui suppose de disposer de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires à la mise en œuvre de la délégation
Règlement s’impose à l’ensemble du personnel en vertu, précisément, de l’existence du lien de subordination. Toute infraction au Règlement Intérieur expose son auteur à une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement.
Î Les sanctions applicables à l’APF sont les suivantes (art. 37 du RI)
• Observation,
• Avertissement,
• Mutation disciplinaire,
• Mise à pied disciplinaire sans rémunération d’une durée maximum de 15 jours ouvrables (ramenés à 3 jours ouvrés dans les établissements soumis à la CCN 51),
• Rétrogradation,
• Licenciement pour faute avec préavis et indemnités de rupture,
• Licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnité de licenciement,
• Licenciement pour faute lourde, sans préavis ni indemnité de licenciement, ni indemnité compensatrice de congés payés pour la période de référence en cours.
NB : les services à domicile ne sont pas concernés.
Ce développement prend corps dans des hypothèses pouvant engager la responsabilité civile ou pénale d’un établissement. Cependant cette responsabilité trouve tout son sens en matière civile. Précisons que le lien unissant l’usager et l’établissement est d’ordre contractuel : le contrat de séjour (ou le DIPC) en témoigne. La responsabilité civile de l’établissement vis-à-vis de l’usager est donc de nature contractuelle 43. En revanche, vis-à-vis des tiers auquel l’usager peut éventuellement causer un dommage, la responsabilité est de nature délictuelle.
Les ESSMS sont ainsi soumis, selon la nature de leur activité, à une obligation de surveillance de leurs usagers. Cette obligation trouve son origine dans la jurisprudence qui a mis en place un régime de responsabilité civile pour défaut de surveillance susceptible d’engager une responsabilité, à condition que le défaut de surveillance considéré comme fautif puisse être prouvé.
Au titre de cette obligation, les établissements doivent mettre en œuvre une surveillance adaptée à tous types de situations afin d’essayer de prévenir au mieux tout risque de dommage causé à l’usager.
Cette obligation est une obligation de moyens, c’est-à-dire que la responsabilité de l’établissement ne saurait être engagée sans que la preuve d’une faute soit apportée (défaut de surveillance consécutif à une faute dans l’organisation/le fonctionnement de l’établissement). Sachant que le seul fait qu’un usager puisse échapper à la surveillance de l’établissement n’est pas un élément suffisant pour établir la faute et donc pour engager la responsabilité de l’établissement.
Pour apprécier la responsabilité, le juge procède à une interprétation a posteriori et in concreto de l’organisation et du fonctionnement de l’établissement. Différents critères sont ainsi appréciés :
• Les caractéristiques de l’établissement (notamment la nature de l’activité pendant laquelle est survenu le dommage).
• “L’état“ de l’usager (antécédents, comportement, absence / présence de troubles psychologiques, niveau de dépendance, fragilité, âge…).
Il n’existe pas de “niveau de surveillance standard“, la surveillance doit, en résumé, être circonstanciée, individualisée, et adaptée à l’état spécifique de l’usager, aux risques connus, ainsi qu’aux caractéristiques de l’établissement.
A noter que la responsabilité de l’établissement ne peut être engagée que si l’évènement pouvait être anticipé (donc prévisible) et que le personnel était en mesure de l’empêcher. Si le dommage est dû à une maladresse par exemple ou était trop soudain pour être empêché, la responsabilité ne saurait a priori pas être engagée.
L’analyse de la jurisprudence laisse apparaitre un usage fréquent du principe de proportionnalité et de l’équilibre « bénéfice/risque » permis par des appréciations in concreto (cf. glossaire) des situations. Toutefois, du fait de ces analyses “concrètes“ des situations, la jurisprudence est nécessairement très factuelle (au cas par cas).
Il est important de distinguer ces deux notions afin que salariés, directeurs et professionnels intervenants en ESMS prennent bien la mesure du fait que tout acte, toute action, toute initiative ne peut donner lieu à une possible judiciarisation.
Si la mise en danger engage la responsabilité pénale de celui qui la commet, les actes quotidiens réalisés par les professionnels, qui revêtent parfois une forme de risque ne sont pas susceptibles pour autant d’engager systématiquement leur responsabilité ou celle de l’établissement.
Le risque est un « événement dommageable dont la survenance est incertaine quant à sa réalisation ou à la date de cette réalisation; se dit aussi bien de l’éventualité d’un tel événement en général que de l’événement spécifié dont la survenance est envisagée » 44
La mise en danger d’autrui est une infraction prévue à l’article 223-1 du code pénal qui se définit par : « Le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité ».
Cette infraction n’est pas destinée à réprimer un manquement au devoir général de sécurité ou de prudence mais exige la violation d’une disposition précise prévue par un texte et qu’un certain nombre de conditions soit réuni 45. En l’absence de la violation d’une telle disposition, la faute d’imprudence ou de négligence, même d’une particulière gravité, n’est réprimée qu’à condition d’avoir produit un dommage 46
La faute est ainsi constituée quand l’auteur des faits, sans causer un dommage, a de façon manifestement délibérée, pris un risque susceptible de causer un dommage tel que décrit cidessus, au mépris de la vie d’autrui 47. Ce délit renvoie à une imprudence ou une négligence consciente constituée dès lors qu’il y a omission d’accomplir un acte commandé par un comportement normal 48
44 G. CORNU, Vocabulaire juridique, PUF, mars 2007, p. 833.
45 Cette infraction est une infraction complexe, c’est-à-dire qu’elle est la réalisation d’éléments matériels multiples et différents, puisque la chambre criminelle exige non seulement la preuve d’une violation de la norme légale ou réglementaire de sécurité, mais encore celle d’un comportement exposant à un risque immédiat de mort ou de blessures graves ainsi que d’un lien de causalité entre ces deux éléments. La preuve de l’exposition au risque ne découle pas de la violation manifestement délibérée de l’obligation particulière de prudence ou de sécurité que requiert l’article 223-1 du Code pénal.
46 NB : La mise en danger est un délit même si aucun dommage n’est survenu. A l’inverse, on peut commettre une faute d’imprudence qui ne constituera pas une faute pénale en tant que telle en l’absence de dommage.
47 Il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation, que celle-ci est très exigeante sur l’élément moral de la faute ; cet élément moral suppose une violation tout à la fois délibérée et cela manifestement, d’une obligation de prudence et de sécurité. Peu importe que soi(en)t identifié(es) la ou des victimes potentielles du dommage pour que le délit de mise en danger d’autrui soit constitué. Le fait qu’un préjudice ait été causé à une personne déterminée n’est qu’un élément parmi d’autres dans le faisceau des considérations de nature à fonder l’existence du risque. À la date de l’accident, ce n’était d’ailleurs pas la menace pesant sur la victime qui était relevée mais celle à laquelle étaient exposées l’ensemble des personnes présentes sur le site. Cass. crim., 7 janv. 2015, n° 12-86.653, FS-P+B+I, Sté Arkema France : JurisData n° 2015-000017.
48 Cass. crim., 18 juil. 1984, n° 83.95.016. – Cass. crim., 14 avr. 1993, n° 92.85.536.
Si tous les éléments mentionnés ci-dessus ne sont pas réunis, le délit n’est alors pas constitué. Toutefois, si à l’occasion d’une situation impliquant la gestion d’un risque un dommage survient, la responsabilité de la personne peut éventuellement être engagée si la prise de risque en question constitue une infraction pénale (négligence caractérisée par exemple).
Î Exemples (inspirés de jurisprudences avérées)
• Une aide-soignante accompagne un usager au parc. Il souhaite passer par une allée dont le sol est particulièrement accidenté. Le fauteuil se renverse. L’usager est blessé. Le “risque“ pris par l’A-S pourra être caractérisé comme étant une faute d’imprudence et sa responsabilité être engagée à ce titre. Mais si l’usager n’avait subi aucun dommage, et qu’aucun accident n’était survenu, la responsabilité de l’A-S n’aurait en aucun cas pu être engagée sur le fondement de la mise en danger d’autrui.
• Un infirmier administre à un usager une substance, sans savoir avec exactitude quelle prescription médicale il doit exécuter ou quelle posologie du médicament il doit administrer alors même que les atteintes physiques consécutives au surdosage du produit sont susceptibles de mettre en danger la vie du patient. L’infirmier fait par ailleurs preuve d’un manque de rigueur professionnelle en incitant le patient à s’auto administrer luimême le produit. Heureusement le patient s’aperçoit de l’erreur de surdosage et se rend à l’hôpital. Aucune atteinte physique n’est à déplorer. Même s’il n’y a eu aucun « dommage », l’infirmier a bien commis une succession de fautes dans la préparation et l’administration d’un médicament spécifique, de nature à exposer la personne à un risque grave de mort ou de blessures et s’affranchissant à cette occasion des obligations de prudence et de sécurité qui s’imposaient à lui 49, la mise en danger d’autrui est donc caractérisée.
Rappel : ces notions sont à distinguer de la non-assistance à personne en péril prévue à l’article 223-6, alinéa 2, du Code pénal, à savoir le fait pour quiconque de s’abstenir volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours.
Î Le cas particulier du suicide
La responsabilité des établissements ou services pour défaut de surveillance est principalement mise en œuvre dans les cas de suicide de personnes. Lorsque le suicide “intervient“ à l’occasion d’une “fugue“ de l’usager ou au sein même de l’établissement, le défaut de surveillance est systématiquement reproché à l’établissement. Pour retenir ou non la faute de surveillance de l’établissement ou du service, une analyse in concreto sera effectuée afin de déterminer de manière précise les circonstances dans lesquelles est intervenu le suicide. Plusieurs critères sont notamment pris en compte :
• L’imprévisibilité du geste 50 ;
• L’irrésistibilité du geste 51 ;
• Le lien de causalité entre le suicide et le défaut de surveillance (est-ce que le suicide serait survenu même en l’absence d’un défaut de surveillance ?).
Il est essentiel de noter que les cas où la responsabilité de l’établissement ou du service est engagée (objet d’une condamnation) sont ceux où plusieurs fautes ont été retenues : faute de surveillance, faute liée à un trop grand retard dans le déclenchement des recherches, faute dans l’organisation du service, etc.
49 Inspiré de la décision suivante : Cour d’appel d’Amiens, 7 janvier 2009, 08/00068.
50 I.e. qu’on ne peut pas prévoir.
51 I.e. qu’on ne peut pas empêcher.
Il est particulièrement difficile d’établir un cadre général sur cette problématique du fait du grand nombre de dispositions spécifiques qui impliquent une étude au cas par cas. La problématique soulevée est en réalité similaire à celle qui sous-tend l’ensemble du guide, à savoir la question de la conciliation entre l’autonomie et la protection (la “sécurité“) du majeur protégé ou du mineur (qui par nature n’a pas de personnalité juridique et est représenté c’est-à-dire dont les droits sont exercés – en principe – par les détenteurs de l’autorité parentale).
Si on essaie toutefois de généraliser, le code civil indique clairement que la protection juridique n’est instaurée que dans l’intérêt de la personne protégée et dans le respect de ses droits 52 L’article 459 du code civil, qui dispose que la « personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet », insiste ainsi très fortement sur la primauté de la personne : le consentement de la personne protégée doit toujours et systématiquement être recherché.
Le principe fondamental est donc bien celui de l’autonomie de la volonté du sujet protégé dans les décisions relatives à sa personne et notamment :
• L’intégrité corporelle (soins, traitement)
• La vie privé (fréquentations, allers et venues, vie affective, etc.)
En revanche tout ce qui a trait aux aménagements (assistance et représentation) relèvent de l’exception et font l’objet de la protection exercée par le tuteur.
Les mesures de protection engagées par le tuteur doivent ainsi être strictement nécessaires. Aux termes de l’article 415 du code civil, il est par ailleurs affirmé :
« Les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire selon les modalités prévues au présent titre. Cette protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne. Elle a pour finalité l’intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la mesure du possible, l’autonomie de celle-ci. Elle est un devoir des familles et de la collectivité publique. »
Sur la question spécifique d’une mesure prise par le tuteur limitant un droit du majeur protégé, et au regard de cet article, la jurisprudence ne va permettre la limitation de ce droit que si son exercice est contraire à l’intérêt du majeur protégé 53 :
• Soit parce qu’il constitue un danger pour sa survie financière ;
• Soit parce qu’il y a un risque d’atteinte à “l’intégrité corporelle“, en sachant que cette notion doit être interprétée avec beaucoup de prudence et de manière stricte : l’atteinte doit être, d’une part, avérée ou certaine, et d’autre part, revêtir une particulière gravité.
Pour le tuteur qui a « le devoir » d’exprimer le consentement de la personne représentée, la ligne directrice de toute action doit être l’intérêt de la personne, même si le fait de s’exprimer « au nom et pour le compte de » relève en pratique d’une fiction juridique.
Ces développements sont tout à fait transposables à la relation parents/mineurs: s’agissant des actes personnels du mineur et des atteintes possibles à son intégrité : son consentement doit systématiquement être recherché.
Sur la question de la gestion des conflits entre un établissement ou service médico-social et un représentant légal, plusieurs solutions peuvent être envisagées avant un éventuel recours au juge :
52 Article 415 du code civil : « Les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire selon les modalités prévues au présent titre. Cette protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne. Elle a pour finalité l’intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la mesure du possible, l’autonomie de celle-ci. Elle est un devoir des familles et de la collectivité publique ».
53 En effet, les mesures de protection obéissent aux principes de subsidiarité, de nécessité de proportionnalité et d’individualisation. Par exemple, l’article 459-2 du code civil qui prévoit que la personne protégée choisit le lieu de sa résidence et qu’en cas de difficulté le juge peut être saisi.
• Le recours à la personne de confiance dont la désignation est désormais possible pour des majeurs sous tutelle sous certaines conditions 54
• Le recours à la personne qualifiée 55. Il s’agira de négocier avec les curateurs ou représentants légaux.
(Pour plus de précisions voir également doc. princeps 01 – Recos générales)
Î Exemples
• Il peut s’agir de sécurité routière : interdiction d’achat d’un véhicule sans permis.
• Moyens financiers pour la consommation de tabac : si le majeur dispose des moyens financiers nécessaires et à moins qu’il ne vive dans une station-service ou soit sous assistance respiratoire et que sa bonbonne d’oxygène menace d’exploser avec une cigarette, le juge ne considérera pas le refus d’acheter les cigarettes comme justifié. Peu importe en effet, que le majeur fume un paquet par jour et compromette éventuellement sa santé sur le long terme : c’est son droit le plus strict, et l’atteinte à l’intégrité corporelle ne peut être invoquée. En revanche, si la consommation ou le comportement de la personne (qui s’endormirait constamment avec sa cigarette à la bouche ou jetterait ses mégots sur le sol par ex.) est tel qu’il existe un sérieux risque d’incendie qui peut porter atteinte à la vie de la personne ou de son entourage, alors une mesure particulière pourra être prise. Toutefois, ce qui sera questionné aura trait au maintien à domicile de la personne et non au fait de lui laisser de l’argent à disposition pour qu’elle s’achète des cigarettes…
• lieu de résidence et relations avec les tiers : le principe est le choix par le majeur : l’article 459-2 du code civil prévoit spécialement que la personne protégée choisit le lieu de sa résidence, est libre d’entretenir des relations avec tout tiers, dans sa famille ou à l’extérieur, et qu’elle peut recevoir leur visite ou être hébergée chez ceux-ci. En cas de conflit, le juge (ou le conseil de famille) peut être saisi par le majeur protégé ou la personne en charge de sa protection.
• Gestion des dépenses et fonds restants : en cas de curatelle renforcée, la règle est qu’une fois les dépenses (entendues au sens large : peut comprendre un peu d’épargne) réglées par le curateur, celui-ci doit remettre les fonds restants au majeur, sans droit de regard sur leur utilisation. L’article 472 du code civil dispose que le curateur « assure lui-même le règlement des dépenses auprès des tiers et dépose l’excédent sur un compte laissé à la disposition de l’intéressé ou le verse entre ses mains ». L’ancien article 512 du code civil se limitait à préciser que l’excédent était déposé « sur un compte ouvert chez un dépositaire agréé », laissant les juges et les curateurs libres d’affecter ces sommes sur un compte d’épargne ou sur un compte laissé à la disposition de la personne protégée. La notion même de « dépenses » visée par le législateur dans le nouvel article 472 peut impliquer la constitution « d’économies » donc d’épargne, dès lors que ces économies ne sont que le provisionnement de dépenses courantes fixes (logement, énergie, impôts, assurances, etc.) ou prévisibles (déménagement, voyages, procès, santé, équipement médical de la personne ou du lieu de résidence, etc.). L’excédent, qui doit être mis à la disposition de la personne protégée, peut dès lors, être considéré comme la somme restant après que toutes ces dépenses nécessaires à ses besoins ont été provisionnées. Ce provisionnement des dépenses ne peut nuire au train de vie de la personne protégée, ni permettre que le curateur constitue une épargne au nom de la personne protégée, dans un but autre que celui de participer à son bien-être présent et à venir. Comme la tutelle, la curatelle ne peut viser la préservation des intérêts successoraux.)
54 Cf. article L. 311-5-1 du Code de l’action sociale et des familles. En résumé sur les spécificités de la personne de confiance en ESMS : Lors de toute prise en charge dans un établissement ou un service social ou médico-social, il est proposé à la personne majeure accueillie de désigner, si elle ne l’a pas déjà fait, une personne de confiance. Cette personne de confiance peut ou non se confondre avec la personne de confiance prévue par le code de la santé publique. La personne de confiance est consultée au cas où la personne intéressée rencontre des difficultés dans la connaissance et la compréhension de ses droits. Si la personne le souhaite, la personne de confiance l’accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l’aider dans ses décisions. Lorsqu’une mesure de protection judiciaire est ordonnée et que le juge ou le conseil de famille, s’il a été constitué, autorise la personne chargée de la protection à représenter ou à assister le majeur pour les actes relatifs à sa personne, la désignation de la personne de confiance est soumise à l’autorisation du conseil de famille, s’il est constitué, ou à défaut du juge des tutelles. Lorsque la personne de confiance est désignée antérieurement au prononcé d’une telle mesure de protection judiciaire, le conseil de famille, le cas échéant, ou le juge peut soit confirmer sa mission, soit la révoquer.
55 Cf. article R. 311-2 du Code de l’action sociale et des familles.
Le droit au respect de la vie privée de la personne est un droit fondamental. Dans le secteur social et médico-social, ce droit est affirmé par l’article L311-3 du CASF qui assure aux bénéficiaires de l’aide et de l’action sociale le « respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité et de sa sécurité ».
Est ici développée la question du statut de la chambre en établissement uniquement. S’agissant des personnes qui se trouvent dans des habitats groupés, des appartements d’insertion, ou autre formes d’habitat dites “intermédiaires“, il s’agit - sauf exception - de dispositifs de droit commun (sans orientation par la MDPH). Les personnes qui bénéficient de ce type d’accompagnement sont donc considérées comme vivant à domicile et non en ESMS.
Î La chambre de l’usager : domicile, lieu de résidence, espace privatif ? Définitions
La notion de domicile a deux acceptions, l’une pénale, l’autre civile, qui ne revêtent pas la même réalité.
• au sens pénal, le domicile est le lieu où une personne a le droit de se dire “chez elle“ : une chambre d’hôtel, une chambre d’hôpital, ou même une tente de camping peuvent répondre à cette définition.
• En revanche, au sens civil, le domicile d’une personne est le lieu dans lequel une personne possède son principal établissement : il s’agit d’un attribut de la personnalité.
Il y a donc une distinction juridique à opérer entre le domicile et le lieu de résidence d’une personne. La résidence étant considérée comme : « le lieu où l’on habite de manière effective ; il implique une installation réelle, ayant un caractère suffisant de permanence, de fixité et de stabilité, sans pour autant être le domicile, où se situe le lieu du principal établissement, et le siège des affaires familiales » 56. En d’autres termes, la résidence renvoie au lieu où la personne se trouve de manière effective.
In fine, la distinction importe assez peu, l’essentiel est que tant le personnel de l’établissement que les usagers comprennent bien que la chambre dans laquelle ces derniers vivent au quotidien au sein de l’établissement est un espace privatif et que ce lieu doit être respecté : toute entrée à l’improviste, sans frapper, sans prévenir, constitue une atteinte à la vie privée.
Si la jurisprudence se refuse à considérer la chambre de l’usager en ESMS comme son domicile au sens de l’article 102 du code civil, toutefois, les décisions prises s’attachent à rapprocher les deux notions par l’usage de l’expression « espace privatif ».
Il a ainsi été jugé à de nombreuses reprises que la chambre d’un patient au sein d’un hôpital doit être considérée comme un lieu privé 57. Et par extension, la chambre d’un usager du secteur social et médico-social peut également être considérée comme telle. (A noter que les mots privatifs/ privés doivent ici être entendus comme des synonymes).
Un arrêté du 26 Avril 1991 58 précise que « L’espace privatif doit être considéré comme la transposition en établissement du domicile du résident. Il doit pouvoir être personnalisé et permettre aux personnes âgées qui le souhaitent d’y apporter du mobilier personnel, autre que cadres, photographies et objets familiers. Les résidents doivent ainsi disposer d’un lieu privé, qu’ils peuvent pleinement s’approprier, leur permettant s’ils le souhaitent d’organiser comme ils l’entendent l’aménagement de l’espace qui leur est dévolu. L’espace privatif doit également permettre à chaque résident de recevoir dans l’équivalent d’un chez-soi, facilitant ainsi ses relations sociales, notamment avec sa famille et son entourage ».
56 FJ. PANSIER, Domicile et demeure, Répertoire de procédure civile, Dalloz, avril 2008.
57 CAA Paris 17 Mars 1986.
58 Arrêté du 26 avril 1999 fixant le contenu du cahier des charges de la convention pluriannuelle prévue à l’article 5-1 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales.
a cet égard, un usager, dans la mesure où il respecte les conditions posées par le règlement de fonctionnement (horaires d’ouverture, de fermeture de l’établissement par exemple), peut :
• Recevoir qui il le souhaite dans sa chambre, dans le respect des dispositions prévues dans le règlement de fonctionnement (document opposable aux personnes extérieures à l’établissement) ;
NB : le nombre de places autorisées et le nombre de personnes pouvant être présentes le jour ou la nuit dans l’établissement ne sont absolument pas corrélées. Un visiteur ne devient pas un usager parce qu’il se trouve dans l’établissement. En revanche, il est important de se référer à l’avis de la commission de sécurité, notamment pour les visites la nuit, qui peut édicter un nombre limité de personnes pouvant être accueillies en tant que visiteur pour des motifs de sécurité (sécurité incendie notamment). Dans l’hypothèse où le visiteur serait lui-même en situation de handicap, il est important de préciser que l’établissement n’a en aucun cas à prendre en charge ses éventuels besoins en aide ou soins.
• Fumer (cf. document d’application spécifique) ;
• Faire ce qu’il souhaite dans les limites imposées par les normes de sécurité ;
• N’avoir aucune intrusion qui ne soit précédée d’une demande d’accord (frapper à la porte, attendre la réponse quand elle peut être donnée… convenir d’un signal type “ne pas déranger“, etc.)
• Apporter du mobilier personnel et organiser l’aménagement de l’espace et la décoration ; S’agissant de ce dernier point, il faut toutefois distinguer selon que l’établissement est classé en type U ou J. En effet, si l’établissement est de type U, le règlement de sécurité correspondant impose que tous les meubles et tentures répondent à des normes très strictes (matériaux ignifuge, non inflammables, etc.) alors que ces exigences ne s’imposent pas aux établissements classés en type J 59. Contraintes qui ont des conséquences sur la possibilité d’aménagement de la chambre ou du studio par la personne accueillie.
NB : la rédaction d’un état des lieux à l’arrivée dans le studio favorise l’appropriation des lieux par le résident. Voir aussi documents d’application concernant la contention et les autres limitations de mobilité (aménagements architecturaux facilitant la liberté d’aller et venir).
Rappelons au passage que le règlement de fonctionnement de l’établissement a pour seule vocation de définir les droits de la personne accueillie et les obligations et devoirs nécessaires au respect des règles de vie collective au sein de l’établissement ou du service 60. Les contraintes générales ne peuvent donc viser que les règles liées à la vie en collectivité. Tout ce qui a trait à l’intime, au personnel, au privé, doit ainsi être pensé de manière individuelle et évalué régulièrement.
Î S’agissant du cas particulier des établissements pour enfants, la question du statut de la chambre de l’usager doit évidemment être appréhendée différemment.
Juridiquement, les mineurs sont en effet considérés comme incapables (inaptitude juridique à exercer un droit). Ils ne peuvent ainsi exercer seuls leurs droits, sauf à être représentés par leur représentant légal (en général les parents). Un mineur ne peut donc se prévaloir de tous les droits dont dispose une personne majeure : les dépositaires de l’autorité parentale peuvent par exemple s’opposer à ce que le mineur reçoive la visite de certaines personnes, le mineur n’a pas le droit de fumer dans sa chambre, etc. Il est donc logique que les règlements de fonctionnement des établissements pour enfants soient plus restrictifs en matière de droits et libertés que ceux des établissements pour adultes. Toutefois, et sans qu’il soit besoin de s’appuyer sur de longs arguments juridiques, il va de soi que la vie privée d’un usager, qu’il soit majeur ou mineur, doit être respectée et que sa chambre en tant que lieu de vie doit l’être également. Par ailleurs, nombreux sont les articles du code de l’action sociale et des familles relatifs aux établissements accueillant des mineurs qui insistent sur la nécessité de préserver leur intimité et le respect de chacun 61 .
59 Voir articles 23 à 25 de l’arrêté du 10 décembre 2004 - Dispositions particulières au Type U et articles 22 à 24 de l’arrêté du 19 novembre 2001 - Dispositions particulières au Type J.
60 Cf. Article L311-7 du CASF.
61 Cf. Article D312-28 : « La disposition des chambres préserve une intimité suffisante pour les enfants ou adolescents ».Article D312-59-17 : « Les locaux sont adaptés à la vocation de l’établissement et à l’âge des personnes accueillies. Des sections séparées doivent être prévues pour les enfants, les adolescents et, si nécessaire, les jeunes adultes. Ils doivent permettre des prises en charge par petits groupes au sein d’unités de vie et créer un cadre favorisant le respect de chacun et de son intimité ».
auToRiTé PaREnTalE
Pouvoir que la loi reconnaît aux pères et mères sur la personne et les biens de leur enfant mineur non émancipé. C’est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant : le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, assurer son éducation et permettre son développement dans le respect dû à la personne. Elle est, en principe, exercée en commun par les pères et mères (art 371 et s. du code civil).
DéchaRGE (valEuR)
Une décharge de responsabilité, ou « clause de non-responsabilité » : document par lequel un établissement ou service entend s’exonérer de sa responsabilité en cas d’accident ou informe une personne des risques particuliers qu’elle encourt. Un tel document n’a strictement aucune valeur juridique. Il appartient à la victime d’un dommage de décider de poursuivre ou de ne pas poursuivre l’auteur de celui-ci, et non à l’auteur potentiel de demander à ce que la personne s’engage a priori de ne pas le poursuivre en cas de dommage.
DéléGaTion DE PouvoiR
Opération par laquelle le titulaire d’une fonction en transfère l’exercice à une autre personne.
DRoiT objEcTif / DRoiTs subjEcTifs
Î Droit objectif : ensemble des règles régissant la vie en société et sanctionnées par la puissance publique. Il s’agit de l’ensemble des lois, des décrets, des ordonnances, des coutumes, etc.
Î Droits subjectifs : prérogatives attribuées à un individu dans son intérêt lui permettant de jouir d’une chose, d’une valeur ou d’exiger d’autrui une prestation. Ces droits découlent du droit objectif.
DRoiT cRéancE
Un droit qui crée pour les personnes concernées la possibilité d’exiger la réalisation d’un service, d’une prestation.
EcRiTs insTiTuTionnEls, valEuR juRiDiquE
Î l e règlement de fonctionnement : il a pour objectif de faire connaitre les principes qui régissent la vie collective et les conséquences de leur non-respect, ainsi que les modalités pratiques d’organisation et de fonctionnement des établissements ou services. Il est la norme de référence pour les usagers et les professionnels à qui il est opposable (dès lors qu’il est démontré qu’il a été porté à la connaissance des usagers et qu’il est affiché dans les locaux) mais également pour les autorités, notamment judiciaires. En cas de conflit, le juge se réfèrera ainsi à ce règlement. Dès lors que le règlement de fonctionnement a une vraie valeur normative, il peut faire l’objet d’un recours auprès des juridictions pénales et civiles en cas de non-conformité de ses dispositions à la loi.
Î le projet d’établissement ou de service : il est « la carte d’identité » de l’établissement ou du service. Contrairement au règlement de fonctionnement, c’est un document qui, bien qu’obligatoire, est plus stratégique que normatif. Il fixe les modes d’organisation, tend à rendre lisible les valeurs de l’établissement et ses fondements philosophiques, mais il peut également être un outil de négociation budgétaire.
Î le livret d’accueil : il peut être considéré comme “la carte de visite“ de l’établissement. Il s’agit d’un document d’information notamment sur les prestations, l’organisation interne, l’organigramme, les coûts des prestations, les droits des usagers, les actions menées par l’établissement en matière de lutte contre la maltraitance et de prévention de la bientraitance. Au même titre que le projet d’établissement ou de service, sa valeur juridique est importante, il peut en effet servir de référence pour l’engagement de la responsabilité de l’établissement ou du service. A cet égard il est essentiel que le livret d’accueil ne contienne pas de fausses informations (importance des mises à jour), notamment sur des prestations que l’établissement ou le service ne serait pas ou plus en mesure d’offrir. Il est également obligatoire de disposer de cet outil.
Î le contrat de séjour : comme son nom l’indique, ce document est de nature contractuelle. Au regard du droit de la responsabilité contractuelle, tout défaut d’exécution des obligations fixées dans
le contrat peut ainsi être poursuivi devant les tribunaux ou donner lieu à la rupture du contrat par l’usager (ou par la structure sous réserve d’une autorisation de la CDAPH). La conclusion du contrat de séjour est obligatoire. Il est élaboré de manière individuelle avec chaque usager. Le nonrespect des dispositions contractuelles prévues au sein du contrat de séjour est susceptible d’engager la responsabilité du directeur de l’établissement.
Î le document individuel de prise en charge (DiPc) : ce document est établi à la place du contrat de séjour lorsque la prise en charge ou l’accompagnement ne nécessite aucun séjour ou hébergement ou lorsqu’il s’effectue à domicile ou en milieu ordinaire de vie. L’établissement du document individuel de prise en charge est également prévu lorsqu’un usager refuse la signature du contrat de séjour.
Î le projet personnalisé d’accompagnement : selon l’interprétation juridique dominante, partagée par l’APF, il est la matérialisation de l’avenant prévu à l’article L. 311-4 qui vient préciser les objectifs et la nature de la prise en charge et, à ce titre, il a une valeur contractuelle, notamment en termes d’obligations pour l’établissement qui s’engage à délivrer les prestations envisagées et à accompagner l’usager dans son projet.
EsPacE PRivaTif / PRivé
Le terme privatif (privé) s’oppose en ce sens au terme “commun“ et à celui de “collectif“.
Les parties qui sont affectées à l’usage d’une personne sont dites privatives. A l’inverse, lorsque les parties sont utiles à tous ou à plusieurs, elles sont dites communes. Un espace peut ainsi être privé mais collectif (un hall d’entrée d’immeuble) ou bien privé et privatif (un garage, une chambre, un appartement). Au regard du sujet qui nous intéresse, la chambre d’un usager doit être considérée comme un espace privé et privatif. Les espaces collectifs seront eux à considérer comme privés mais collectifs.
in concRETo (appréciation par le juge a posteriori)
Il s’agit d’une appréciation “concrète“ des faits : le jugement sera rendu en prenant en compte les circonstances de la cause. Elle se distingue d’une appréciation in abstracto, c’est-à-dire de manière abstraite, générale et impersonnelle. Il s’agit ainsi de juger au regard d’une situation particulière et non
d’un fait isolé de son contexte. Pour établir la preuve d’une faute pénale (imprudence ou négligence par exemple), une appréciation in concreto consistera à se fonder sur une liste de critères objectifs (tels que : nature des missions, moyens à disposition, pouvoir de la personne, aptitudes psychologiques, compétences de la personne mise en cause au moment des circonstances de l’espèce).
liciTE ET léGal
Î licite : ce qui est permis par un texte et plus généralement, conforme au droit.
Î légal : ce qui résulte de la loi, ce à quoi il n’est pas possible de déroger.
mEsuREs DE PRoTEcTion juRiDiquE
Î sauvegarde de justice : Régime de protection juridique (le plus léger et provisoire (un an)) sous lequel peut être placé un majeur qui, tout en conservant l’exercice de ses droits, a besoin d’être protégé dans les actes de la vie civile en raison d’une altération de ses facultés personnelles (cf. art.433 et s. du Code Civil).
Î c uratelle : régime intermédiaire de protection juridique sous lequel peut être placé un majeur lorsque, sans être hors d’état d’agir lui-même, il a besoin d’être conseillé et contrôlé dans les actes les plus graves de la vie civile, soit en raison d’une altération de ses facultés personnelles, soit à cause de sa prodigalité, de son intempérance ou de son oisiveté (cf. art.440 et s. du Code Civil).
Î Tutelle : régime de protection juridique (le plus lourd) pour sauvegarder dans leur personne et leurs biens certains individus incapables de pourvoir eux-mêmes à leurs intérêts et dont la charge incombe sous la surveillance du juge des tutelles, à divers organes (tuteur, conseil de famille, subrogé tuteur, etc.). (cf. art.440 et s. du Code Civil).
Î majeurs protégés : personnes bénéficiant des différentes mesures de protection citées ci-dessus
obliGaTion DE moyEns ET obliGaTion DE RésulTaT
Le droit distingue deux types d’obligations (voir chapitre 1.3 : principes de responsabilité).
Cette distinction est essentielle dans l’arbitrage liberté d’aller et venir et obligation de sécurité.
Î l’obligation de moyens : obligation en vertu de laquelle le débiteur de l’obligation n’est pas tenu d’un résultat précis. On par-
le généralement d’obligation de prudence ou de diligence. Ex : le médecin s’engage seulement à tout mettre en œuvre pour obtenir la guérison du malade sans garantir celle-ci. Il doit soigner avec « science et conscience » mais n’a pas une obligation de guérison. En termes de responsabilité, la conséquence de cette obligation est que celui qui estime avoir subi un préjudice doit prouver qu’une faute a été commise dans l’exécution de l’obligation pour que la responsabilité soit engagée.
Î l’obligation de résultat : obligation en vertu de laquelle le débiteur est tenu d’un résultat précis. Ex : le transporteur de personnes s’engage non seulement à déplacer le voyageur d’un endroit à un autre, mais encore à faire en sorte qu’il soit sain et sauf à l’arrivée. En termes de responsabilité, l’existence de cette obligation permet à la personne qui a subi un préjudice de mettre en jeu la responsabilité de son débiteur par la simple constatation que le résultat promis n’a pas été atteint, sans avoir à prouver une faute.
PRinciPE DE PRécauTion
PRinciPE DE PRévEnTion
Dans son acception commune (et non scientifique), le principe de prévention consiste à prendre toutes les mesures possibles afin d’éviter un dommage lorsque le risque craint est clairement identifié et réel ; à l’inverse du principe de précaution qui consiste à prendre des mesures pour prévenir un risque non certain (ou hypothétique).
RisquE
Le risque est un « événement dommageable dont la survenance est incertaine quant à sa réalisation ou à la date de cette réalisation ; se dit aussi bien de l’éventualité d’un tel événement en général que de l’événement spécifié dont la survenance est envisagée »
vulnéRabiliTé
En droit pénal, la notion de vulnérabilité renvoie à un état de fragilité qui peut être due à l’âge, à la maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, à un état d’ignorance ou à une situation de faiblesse.
L’état de vulnérabilité d’une personne est une circonstance aggravante pour la personne ayant commis le crime ou l’infraction à l’égard de celle-ci. Au regard du droit pénal, les personnes en situation de handicap entrent donc dans la catégorie des personnes
vulnérables et bénéficient à ce titre d’une protection renforcée (les sanctions en cas de crime ou d’infraction sont majorées).
Le fait d’être “dépendant d’un tiers“ en raison d’une déficience physique ou psychique constitue une présomption de vulnérabilité mais n’entraine pas nécessairement la reconnaissance de la vulnérabilité qui doit toujours découler d’une analyse in concreto de la situation. Cette présomption est donc toujours appréciée a posteriori, c’est-à-dire une fois qu’un dommage a eu lieu et qu’une procédure pénale est en cours. Dans le quotidien de la vie civile (hors cadre pénal), il n’y a pas lieu de lier vulnérabilité et handicap pas plus qu’il n’existe de présomption de vulnérabilité du fait du handicap. En ce sens, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), dans un avis du 16 avril 2015 (publié le 10 juillet 62) a proposé cette définition: « en droit, la personne vulnérable peut se définir comme celle qui n’est pas en mesure d’exercer tous les attributs de la personnalité juridique ». Au regard de cette définition, vulnérabilité et handicap ne sont donc en aucun cas systématiquement liés.
a nn E x E 1 : R éfé RE nc E s ju R i D iqu E s
Voir également les articles cités dans le texte et les différents documents qui composent le guide. Pour la jurisprudence, voir les notes de bas de page dans le texte.
Î Décret n° 2012-144 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis en établissement social et médico-social est par ailleurs paru le 30 janvier 2012, (Entré en vigueur le 1er juillet 2013).
Î Instruction n° DGOS/DSR/MISSION DES USAGERS_2011/139 relative à la conduite à tenir en cas de détention illégale de stupéfiant par un patient accueilli dans un établissement de santé
Î Ordonnance n° 2006-596 du 23 mai 2006 (codifiées L.3511-7 du code de la santé publique).
Î Décret n° 2006-1386 du 15 novembre 2006 fixant les conditions d’application de l’interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif.
Î Arrêté du 10 décembre 2004 (Articles 23 à 25) - Dispositions particulières aux établissements de Type U.
Î Arrêté du 19 novembre 2001 (Articles 22 à 24) - Dispositions particulières aux établissements de Type J.
Î Arrêté du 26 avril 1999 fixant le contenu du cahier des charges de la convention pluriannuelle prévue à l’article 5-1 de la loi no 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales.
ouvrages juridiques
Î Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, Coll. Quadrige dicos poche, PUF.
Î B.HESS-FALLON, A-M SIMON, Droit civil, Editions SIREY, 6ème édition, 2001.
Î B. FAGES, Droit des obligations, L.G.D.J, 2ème édition, 2009.
Î D. GIBRILA, Délégation de pouvoirs, Répertoire de droit des sociétés, Dalloz, décembre 2012.
Î Jean-Marc LHUILLIER, Le droit des usagers dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux, presses de l’EHESP, 4ème édition.
Î Franck MODERNE cité par Jean VAUJOUR in Jean VAUJOUR avec la collaboration de J.BARBAT, La sécurité du citoyen, Violence et société, Que sais-je ?, PUF.
Î FJ. PANSIER, Domicile et demeure, Répertoire de procédure civile, Dalloz, avril 2008.
Î Valérie TOULET, Droit civil, CPU, 7ème édition, 2002.
articles périodiques
Î Marc Antoine GRANGER, allocataire-moniteur, Université de Pau des Pays de l’Adour « existet-il un « droit fondamental à la sécurité » ? » 1er juillet 2008.
Î M.-J. LEVY, L’adulte handicapé mental en établissement social : l’institution et la personne, Revue de droit sanitaire et social, 1989.16.
Î Mélanie MERMOZ, Un EHPAD ouvert sur la ville, un espace de liberté en toute sécurité. ASH n°2902, mars 2015.
Î François VIALLA, « Accueil des personnes âgées en EHPAD : entre liberté et sécurité. Ambivalence mais non ambiguïté du discours juridique ». Médecine et Droit 2014, 109–115.
Î François VIALLA, « Etude n°15 : intimité et vie privée de la personne en institution », Jean-Baptiste Cf. Art.102 du code civil. THIERRY, Maître de conférence de droit privé ». p.254.
Î Mélanie MERMOZ, « Un EHPAD ouvert sur la ville, un espace de liberté en toute sécurité », ASH n°2902, mars 2015.
Î François VIALLA, « L’Accueil des personnes âgées en EHPAD : entre liberté et sécurité. Ambivalence mais non ambiguïté du discours juridique ». Médecine et Droit 2014 (2014) 109–115.
a nn E x E 2 : R E comman DaT ions ET R éfé RE nc E s PR of E ssionn E ll E s
Î Avis sur le consentement des personnes vulnérables. Commission nationale consultative des droits de l’homme. Assemblée plénière du 16 avril 2015 (JORF n°0158 du 10 juillet 2015 texte n° 126).
Î Comportements perturbateurs chez les personnes ayant des lésions cérébrales acquises avant l’âge de 2 ans : prévention et prise en charge, HAS oct. 2014.
Î Troubles du Comportement chez les Traumatisés Crâniens : Quelles options thérapeutiques SOFMER (label HAS), juillet 2013.
Î Charte de bonnes pratiques relatives à l’emploi des dispositifs de géolocalisation, juin 2013.
Î Refus des soins par un usager d’une structure médico-sociale - recommandations APF (gestion documentaire APF, janv. 2012).
Î Concilier vie en collectivité et personnalisation de l’accueil et de l’accompagnement , Recommandations de bonnes pratiques professionnelles, ANESM, sept. 2009.
Î Evaluation des pratiques professionnelles : rapport de l’expérimentation nationale, audit clinique ciblé appliqué à la diminution de la contention physique chez la personne âgée, HAS, juin 2006.
Î Recommandations AFSSAPS pour une bonne utilisation des barrières de lit, janv. 2006.
Î Conférence de consensus : Liberté d’aller et venir dans les établissements sanitaires et médicosociaux, et obligation de soins et de sécurité. HAS, 24 et 25 novembre 2004, Paris.
Î Strasbourg : Conseil de l’Europe. Recommandation Rec (2004) 10 du Comité des Ministres aux Etats membres relative à la protection des droits de l’homme et de la dignité des personnes atteintes de troubles mentaux. Strasbourg: Conseil de l’Europe; 2004 ; article 27.
Î Evaluation des pratiques professionnelles dans les établissements de santé : limiter les risques de la contention physique de la personne âgée . Recommandations ANAES, oct. 2000. Recommandation « source », dans laquelle la définition de la contention physique passive est posée.
Î Guide droit des usagers de la santé – Défenseur des droits
Î Place de la contention et de la chambre d’isolement en psychiatrie Note de cadrage en vue de la réalisation de fiches mémo, HAS, juillet 2015.
Î Le recours aux lieux de calme-retrait ou d’apaisement, projet de recommandations ANESM, programme de travail 2015-2016
Î Les repas dans les établissements de santé et médico-sociaux : les textures modifiées , mode d’emploi (retours d’expérience), ANAP, mars 2011.
Î Recueil d’actions pour l’amélioration de l’alimentation en EHPAD : document proposé par le ministère des affaires sociales et de la santé et le ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
association des paralysés de france
© Quelle est la définition d’une contention ?
© Un dispositif entravant la mobilité en relève-t-il forcément ?
© Pourquoi distinguer les contentions liées à un comportement problème ?
© Quelles sont les places de l’évaluation et de la prescription médicale ?
© Quels sont les moyens de la contention ? Quels en sont les risques ?
© Quelles sont les alternatives à la contention ?
© Les dispositifs “anti fugue“ (préférer l’expression : “absence inquiétante“) font-ils partie des contentions ? Quelles sont les conditions de leur mise en œuvre ?
La thématique abordée par ce document d’application est celle des contentions physiques passives motivées par des comportements problèmes 63, conformément à l’approche proposée par les recommandations de la HAS. Cet élément de finalité (pallier aux comportements problèmes) est essentiel pour le distinguer des dispositifs utilisés dans d’autres cadres (par exemple rééducation), dont les moyens peuvent être identiques mais dont le résultat, et non la finalité, est d’entraver la mobilité des personnes concernées. Dans le présent guide, le terme contention est donc réservé aux dispositifs s’inscrivant dans le cas des recommandations HAS.
Se reporter au DAT 02 pour les autres dispositifs de limitation de mobilité, ainsi qu’aux documents d’application 03 pour la privation ou la limitation d’usage d’un fauteuil roulant, 04 pour la limitation des horaires de sorties et 05 pour le confinement en chambre en cas de risque de contagiosité.
Î Définition ( ANAES, 2000) 64
« La contention physique, dite passive, se caractérise par l’utilisation de tous moyens, méthodes, matériels ou vêtements qui empêchent ou limitent les capacités de mobilisation volontaire de tout ou d’une partie du corps dans le seul but d’obtenir de la sécurité pour une personne [âgée] qui présente un comportement estimé dangereux ou mal adapté. »
On notera les trois éléments cumulatifs de cette définition et par conséquent ce qui en est exclu : 1. moyen physique limitant la mobilité, qu’il soit conçu spécifiquement (gilets et sangles thoraciques, ceintures ; harnais ; attaches de poignets et de chevilles ; sièges spécifiques ; barrières de lit, etc.) ou détourné de son usage (drap, vêtement 65, mais aussi positionnement (ex : assise profonde basculée en arrière empêchant le mouvement…), etc.) ;
NB : cela exclut les moyens techniques non physiques (ex : bracelets électroniques, portiques
63 Le présent document d’application concerne les contentions physiques passives en lien avec les comportements problèmes, selon l’approche des recommandations de la HAS : se reporter au document 02 pour les contentions et autres dispositifs utilisés dans un autre cadre (Exemple rééducation) dont le résultat, et non la finalité, est d’entraver la mobilité des intéressés.
64 Reprise dans l’audition publique HAS liberté d’aller et venir, 2004.
65 Exemple utilisation de moufles pour les personnes qui s’automutilent.
magnétiques…) qui visent à limiter les déplacements ; à l’inverse, les barrières physiques architecturales (à commencer par une simple porte verrouillée) en font partie.
2. finalité de sécurisation de la personne (ex : risque de chute, d’absence inquiétante (“fugue“)…),
NB : les plâtres, orthèses et autres dispositifs à but rééducatif, de positionnement ou d’installation ne constituent pas des contentions (ex : verticalisateurs, coussins de positionnement, attelles…) sauf bien sûr s’ils sont détournés de leur usage et de leur finalité première ;
3. motivation par un comportement dangereux ou inadapté.
NB : ce point est capital car il souligne non seulement une finalité différente, mais très généralement des circonstances de décision opposées : lorsque la contention est motivée par des comportements problèmes, on est le plus souvent dans une situation où le consentement éclairé de l’intéressé, même s’il doit être systématiquement recherché, ne peut être considéré comme pleinement valide. En effet, les recommandations de bonnes pratiques nous conduisent à considérer la contention comme un “soin“: si le consentement éclairé et l’accord de l’intéressé sont exprimés et valides, une simple prescription médicale (ou selon le cas l’inscription dans le cadre du projet personnalisé) suffit. Ce n’est que lorsque la contention est une mesure en pratique imposée à l’intéressé que les précautions et la procédure plus lourde des recommandations de bonne pratique doivent s’imposer.
a titre d’exemples :
© Les barrières de lit ou les sangles ne relèvent pas de la contention lorsqu’elles ne visent “qu’à“ prévenir la chute d’une personne qui les accepte ou les demande ; mais elles relèvent bien de la contention lorsqu’elles visent à empêcher une personne à sortir de son lit du fait de comportements problèmes (risque d’absence inquiétante (“ fugue“), ou de simple déambulation nocturne jugée inopportune…).
© La limitation d’utilisation d’un fauteuil roulant électrique (FRE) n’est pas stricto sensu une mesure “physique passive“ mais doit être assimilée à de la contention lorsqu’elle vise à limiter les conséquences d’un comportement perturbateur (ex : l’usager utilise le FRE de façon agressive en heurtant volontairement d’autres personnes ou des biens matériels) ; à l’inverse, il ne relève pas de la contention si la mesure vise, avec son accord, à protéger un usager qui n’a plus les capacités de piloter son FRE en toute sécurité. Voir document d’application spécifique (DAT 03).
La HAS souligne par ailleurs que ne font pas partie des contentions ainsi définies les dispositifs à visée posturale (qui participent au maintien d’une attitude corrigée, dans le cadre d’un traitement rééducatif) ou active (le plus souvent par un kinésithérapeute qui prépare la verticalisation après une période d’alitement prolongée). Voir document d’application spécifique (DAT 02).
Si certaines bonnes pratiques applicables à la contention ainsi définie sont utilisables pour toute forme de limitation de mobilité ou de déplacement, il ne peut être question d’alourdir toute mesure de rééducation ou de confort par des procédures inutiles : par ex, il serait inadapté d’imposer le renouvellement (pluri)hebdomadaire d’une prescription médicale pour la mise en place de barrières de lit, ou d’une sangle abdominale de fauteuil, non motivée par des comportements problèmes, dès lors que cette prescription a été réalisée dans des conditions ordinaires à commencer par l’accord de l’intéressé.
Î Evolution du regard sur la contention
Le regard sur la contention a considérablement évolué ces dernières années, en lien avec l’évolution sociale et réglementaire des droits des patients et/ou des usagers du secteur médicosocial (2002) puis avec tout le mouvement de lutte contre la maltraitance issue de la gériatrie où la pratique de la contention est peut-être la plus fréquente. Un autre facteur de ce changement de regard, sans doute moins noble mais tout aussi important, est la mise en évidence des conséquences indésirables et des risques fréquents et parfois dramatiques de la contention, avec l’engagement de responsabilité qui en découle. Voir encadré ci-dessous. Ces évolutions ont fortement contribué – à partir des premières recommandations ANAES de 2000 :
1. a médicaliser cet acte, non dans une optique de captation de la décision par une profession (les recommandations vont systématiquement dans la direction inverse : collégiale et pluri professionnelle), mais en considérant qu’une contention visant la sécurisation d’une personne en raison d’un problème de santé (comportement problème) est un acte de soins qui doit répondre aux mêmes exigences chaque fois que possible de consentement, de propositions alternatives, d’analyse de la balance bénéfice – risque et de sécurisation des pratiques professionnelles : la prescription requise ne vaut pas décision mais la conditionne de même que sa réévaluation régulière (cf. recommandations ci-après).
L’évaluation de la balance bénéfice / risque est donc un critère majeur de la décision de contention, en ayant conscience que :
• Les risques sont sauf exception portés par l’individu subissant la contention,
• Les bénéfices sont aussi souvent attendus pour l’entourage de cet individu que pour lui-même, et qu’il ne faut pas assimiler “justification“ à “bénéfice“.
2. a l’entourer de recommandations de bonnes pratiques portant sur la contention directement ou indirectement, par le biais de l’accompagnement des personnes avec des troubles psychiques ou, par exemple, du consentement des personnes vulnérables (cf. ci-après).
Î Mesures d’isolement ou barrières physiques prévention des absences inquiétantes
Le terme fugue étant péjoratif, on utilisera plutôt dans ce document l’expression “absence inquiétante“ pour signifier, soit qu’elle n’a pas fait l’objet d’une information préalable lorsque celle-ci se justifiait (par exemple pour des mineurs), soit qu’elle se prolonge au-delà d’une durée convenue ou annoncée, soit que l’état de santé physique ou psychique de la personne rende son absence d’emblée inquiétante.
Face à ce risque, les mesures envisagées peuvent relever de la contention physique ‘‘classique“ évoquée ci-dessus, mais plus souvent faire appel à des éléments architecturaux ou des dispositifs technologiques (voir ci-dessous § 2.2) de surveillance ou d’alerte. Ces dispositifs peuvent représenter de véritables alternatives moins contraignantes à la contention physique et méritent d’être connus. Cependant, ces moyens n’en sont pas moins assimilables à la contention s’ils visent à répondre à des comportements problèmes, et d’une façon plus générale à des restrictions (atteintes) à la liberté d’aller et venir.
Comme pour n’importe quel dispositif, toute mesure absolue, définitive ou collective doit être prohibée. Il n’est pas possible d’empêcher les gens de se déplacer et de les contraindre à rester dans leur chambre ou dans l’établissement sans aucune possibilité de sortir. Voir pages suivantes : recommandations.
Î Les risques de la contention physique 66
Risques physiques / somatiques
© Décès : plusieurs dizaines de décès documentés pour les barrières de lit (strangulation) depuis 1996. Il y a plus de décès par contention physique que chimique (seule).
© Augmentation du risque de chute et de traumatisme. Augmentation paradoxale, mais réelle : la contention génère de l’agitation et de l’agressivité ; s’y ajoute l’aggravation des conséquences des chutes des personnes entravées (notamment basculement avec le fauteuil roulant), qui sont par ailleurs plus fréquentes que les autres atteintes de poly pathologies majorant les risques en cas de chute (y compris du fait des traitements, dont anticoagulants).
© Complications de l’immobilisation (augmentation forte dès que la contention dépasse 4 jours, notamment au lit) : Déminéralisation, troubles du transit, etc. Attacher une personne pour qu’elle ne bouge pas est en soi anti-physiologique.
© Inconfort : liées aux contentions, ou à d’autres dispositifs « de sécurité » comme les sangles de lève malade laissées entre la personne et le FR (sources d’inconfort, de glissement, etc.).
© Risques en cas d’incendie (immobilisation).
Risques psychologiques
© La contention provoque une souffrance psychique constante : restriction du pouvoir d’autodétermination, privation de liberté ; sentiment de punition et d’injustice, d’indignité (expression spontanée de ceux qui peuvent s’exprimer : « esclaves », « animal attaché ») ; altération et dégradation de l’image et de l’estime de soi, fragilité, désespoir, humiliation ; culpabilité et honte quand les comportements problèmes sont perçus (se sentir une charge pour famille et proches) ; parfois reviviscences de souvenirs traumatisants pour les personnes (violences dans l’enfance ou parcours de vie).
© La contention augmente voir déclenche l’agitation et les comportements problèmes, sans compter les reviviscences de souvenirs traumatisants pour les personnes (ex prisonniers de guerre, enfants attachés…).
© Risques sociaux : perte d’autonomie, risque de maltraitance et de culpabilité des personnels
© Des études montrent que la contention ne diminue pas la charge de travail des équipes, mais augmente la culpabilité des personnels ce qui est le terreau de la maltraitance : les personnels se sentent « obligés » de justifier la contention et ne peuvent souvent le faire qu’en abondant dans le sens des « motivations » (justifications a posteriori) qui font porter à la personne elle-même la responsabilité de la mesure prise et en dégradent un peu plus l’image (dangerosité, majoration de l’importance des troubles, déni des alternatives possibles, etc.).
66 Cet encadré, comme l’ensemble du chapitre notamment les encadrés et notes de bas de page, emprunte beaucoup aux exposés faits lors d’une session spécifiquement consacrée à la question de la contention aux Entretiens de Montpellier, 4 mars 2015, portant sur l’expérience de cette pratique en gériatrie et services de soins de suite et de rééducation.
Se reporter au document princeps 02 de référence juridique et notamment à l’ensemble du chapitre sur la liberté d’aller et venir, ainsi qu’à l’annexe bibliographique.
2.1
© Art. 122-7 du code pénal : « N’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ». A noter le caractère « actuel ou imminent » du danger, il ne s’agit pas d’un risque pouvant se réaliser ultérieurement.
Cet article permet de fonder la légitimité du recours à des mesures de contention, ce que confirme un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 6 août 1997 67 précisant également que la mesure de contention ne constitue pas en elle-même une infraction. Cette décision rappelle par ailleurs que toute mesure de contention doit reposer sur une nécessité médicale.
© Cette nécessité est confirmée par le code de la santé publique qui, s’il ne donne aucune définition de la contention, le mentionne dans le rôle infirmier sur prescription 68
Différents dispositifs techniques “anti-fugues“ (souvent appelés gérontechnologies) permettent de limiter les sorties, de limiter les zones d’errance de la personne, ou de la retrouver rapidement en cas d’égarement : bracelets électroniques, capteurs de mouvements, boitiers de géolocalisation, système de reconnaissance biométrique, système de monitoring, etc. Visant clairement à pallier des comportements perturbateurs, ils entrent pleinement dans le champ de la contention physique passive décrite dans le présent document.
Ils se sont développés dans le secteur de la gériatrie mais concernent potentiellement l’ensemble du champ de la dépendance et notamment des troubles cognitifs ou psychiques.
Ne sont pas concernés ici les dispositifs de vidéo-surveillance anti intrusion ; il n’est toutefois pas inutile de rappeler que ces dispositifs lorsqu’ils sont mis en place ne doivent jamais être utilisés à d’autre fins que celles ayant motivées leur acquisition (surveiller les allers et venues des salariés, observer les usagers est interdit…).
S’ils peuvent s’avérer extrêmement utiles et rassurants, ils peuvent toutefois constituer une menace pour la liberté d’aller et venir dont dispose les personnes accueillies.
S’agissant de ce type de dispositif, le premier contrôle de la restriction, avant celui du juge, est celui effectué par la CNIL. Il est en effet impératif de déclarer toute activité de géolocalisation
67 Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 6 août 1997, 95-84.852.
68 Art. R. 4311-7 12° CSP : « L’infirmier ou l’infirmière est habilité à pratiquer les actes suivants soit en application d’une prescription médicale qui, sauf urgence, est écrite, qualitative et quantitative, datée et signée, soit en application d’un protocole écrit, qualitatif et quantitatif, préalablement établi, daté et signé par un médecin (…) 12° Ablation des dispositifs d’immobilisation et de contention ». Art. R4311-9 6°: L’infirmier ou l’infirmière est habilité à accomplir sur prescription médicale écrite, qualitative et quantitative, datée et signée, les actes et soins suivants, à condition qu’un médecin puisse intervenir à tout moment : (…) Pose de dispositifs d’immobilisation ».
afin de permettre un contrôle approfondi. Le premier article de la loi informatique et libertés dispose que « L’informatique doit être au service de chaque citoyen. Son développement doit s’opérer dans le cadre de la coopération internationale. Elle ne doit porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques » 69
La CNIL recommande de limiter au maximum les utilisations de dispositifs de géolocalisation des personnes hébergées en EMS et précise notamment que le bracelet de géolocalisation ne doit être proposé aux personnes âgées que sur prescription médicale. Il faut en effet que les difficultés d’orientation de la personne concernée soient constatées médicalement pour pouvoir installer ce type de dispositif 70
Î Il est nécessaire d’encadrer de manière stricte l’usage de tels dispositifs par 71 :
© Une appréciation au cas par cas, réévaluée régulièrement ;
© Un recueil du consentement chaque fois qu’il peut être obtenu, dans le cas contraire et comme toujours, informer la personne de la mise en place du dispositif et recueillir l’accord des représentants légaux ;
© La possibilité de pouvoir activer, désactiver et réactiver aisément les dispositifs par les personnes elles- mêmes lorsqu’elles sont en pleine possession de leurs moyens ;
© Un traçage proportionné au risque : préférer une surveillance ponctuelle à un système de surveillance permanente ;
© Une attention portée sur le respect des espaces intimes ;
© Une logique individuelle de prévention du risque et non de précaution générale : il ne parait par exemple pas acceptable d’équiper l’intégralité des usagers d’un établissement par un bracelet montre ou bracelet électronique. Pour ces dispositifs également, l’individualisation stricte des mesures s’impose.
Soulignons que ces conditions étant respectées, ce type de dispositif peut alors avoir pour objectif et effet une augmentation de la liberté d’aller et venir, en permettant les déplacements dans l’enceinte interne ou externe d’un établissement au lieu d’un confinement intérieur, voire dans la chambre.
2.3 Contention physique passive : recommandations professionnelles
Î Avis sur le consentement des personnes vulnérables. Commission nationale consultative des droits de l’homme. Assemblée plénière du 16 avril 2015
Î Charte de bonnes pratiques relatives à l’emploi des dispositifs de géolocalisation, juin 2013
Î Evaluation des pratiques professionnelles : rapport de l’expérimentation nationale, audit clinique ciblé appliqué à la diminution de la contention physique chez la personne âgée, HAS, juin 2006
Î Recommandations AFSSAPS pour une bonne utilisation des barrières de lit, janvier 2006
Î Conférence de consensus : Liberté d’aller et venir dans les établissements sanitaires et médicosociaux, et obligation de soins et de sécurité. HAS, 24 et 25 novembre 2004, Paris.
69 Commission Nationale Informatique et Liberté-CNIL, Éditorial du 5 mai 2008, Anne DEBET : « La surveillance des personnes vulnérables constitue une vraie question de société (...). Le progrès technique, le contexte sécuritaire et les impératifs de gestion incitent au développement de tels dispositifs, dans le but, louable, d’assurer la sécurité des personnes vulnérables. Si, envisagés au cas par cas, ces dispositifs peuvent se justifier (éviter les rapts d’enfants, permettre le maintien à domicile des personnes âgées, préserver la liberté d’aller et venir des personnes victimes de troubles du discernement ...), on touche là pourtant à un changement dans les modes de vie qui nécessite un débat de société ».
70 CNIL, Quand le bracelet électronique pour personnes âgées surveille aussi les salariés, juillet 2010, consulté le 14 août 2012.
71 Frédérique LESAULNIER, rédactrice en chef du pôle santé de la CNIL, Article « Gérontechnologies : des offres de service dont il convient d’encadrer l’usage »
Î Conseil de l’Europe. Art. 27, Recommandation (2004) 10 - Comité des Ministres aux Etats membres relative à la protection des droits de l’homme et de la dignité des personnes atteintes de troubles mentaux. Strasbourg: CE ; 2004 72
Î Evaluation des pratiques professionnelles dans les établissements de santé : limiter les risques de la contention physique de la personne âgée. Recommandations ANAES, octobre 2000. Recommandation « source », dans laquelle la définition de la contention physique passive est posée.
72 « Le recours à l’isolement ou à la contention ne devrait intervenir que dans des établissements appropriés, dans le respect du principe de restriction minimale, afin de prévenir tout dommage imminent pour la personne concernée ou pour autrui, et rester toujours proportionné aux risques éventuels ; le recours à de telles mesures ne devrait intervenir que sous contrôle médical, et devrait être consigné par écrit de façon appropriée ; la personne faisant l’objet d’une mesure d’isolement ou de contention devrait bénéficier d’un suivi régulier ; les raisons du recours à ces mesures, et la durée de leur application, devraient être consignées dans le dossier médical de la personne et dans un registre. »
MAUVAISES PRATIQUES
3.1 Enjeux : contention dans les structures APF, quelle réalité ?
Si les moyens de limitation de mobilité sont utilisés de façon très courante (barrières de lit, sangles, cales…), il s’agit très généralement de dispositifs ne répondant pas à la définition de la contention telle que définie ci-dessus. Ce qui ne signifie pas qu’ils ne devraient pas a minima répondre aux mêmes recommandations de base, à commencer par le consentement express de la personne. Cependant, dans le champ du polyhandicap notamment, ou du fait de la prévalence grandissante des “troubles associés“ cognitifs ou psychiques, des moyens de contention physique passive en lien avec des troubles du comportement sont bien utilisés dans nos établissements : barrières de lits, sangles, fenêtres ou portes “sécurisées“, pièces d’isolement (fermées) spécifiques, enceintes de terrain closes, voire systèmes de portique et d’alarme pour être alerté dès qu’un usager sort de l’enceinte de l’établissement.
Par ailleurs, l’évolution du regard sur la contention (cf. ci-dessus) et la prise de conscience de l’engagement de responsabilité qui s’y réfère ont fait émerger plus ostensiblement des questionnements et recherches de repères qui sont en partie à l’origine de ce guide.
Nos pratiques sont-elles conformes au meilleur attendu dans ce délicat domaine ?
Comme pour l’ensemble de ce guide, il ne s’agit pas de stigmatiser des équipes qui ont mis en place des mesures palliatives au mieux de ce qu’elles pensaient pouvoir faire, mais d’expliciter ce qui doit être évité en proposant ci-dessous, chaque fois que possible à partir d’expériences d’autres équipes, des alternatives à ces solutions qu’on ne devrait plus rencontrer ou dont la mise en œuvre doit être sensiblement modifiée :
© Contention mise en place sans évaluation ni prescription médicale, ou prescription initiale non réévaluée.
© Absence de recherche de consentement ou de participation à la décision, absence de lien entre la décision de contention et le projet d’accompagnement individualisé.
© Sangle abdominale imposée lors d’un épisode d’agitation et laissée en place en raison d’un risque de chute alors que l’usager ne veut pas la porter (non-respect du droit de refuser un acte ou un soin).
© Barrières de lits mises en place contre l’avis de la personne sans étude et proposition d’une alternative (lit médicalisé “Alzheimer“ surbaissé par ex).
© Lever volontairement retardé d’un usager dont on craint qu’une fois en fauteuil roulant il ne sème le désordre en salle de restauration.
MAUVAISES PRATIQUES
© Mise en place d’une sangle abdominale au fauteuil roulant sans évaluation préalable du positionnement optimal pour éviter un “glissé – avant’.
© Mesures d’isolement ou barrières physiques face à un risque de “fugue“, d’agression envers autrui : porte (fenêtre) fermée ou condamnée, barrière type sécurité enfant, interdiction de sortir de l’établissement…, y compris sur prescription ou consigne médicale.
© Architecture inadaptée ou obstacles limitant les déplacements à l’intérieur de l’établissement, verrou de porte trop haut pour une personne en fauteuil roulant…
© Système de géolocalisation imposé : GPS ou autre système “marqueur” (bracelets…)
On distinguera ci-dessous les mesures de contention physique passive individuelle (même si elles peuvent être reproduites pour plusieurs usagers), et les mesures plus souvent collectives de prévention des absences inquiétantes (“ fugues“) faisant appel à des moyens architecturaux de type barrières alarmes.
3.3.1
Î La décision de contention
C’est un acte de soins de dernier recours, complexe et contextualisé :
© s’inscrit dans une démarche pluriprofessionnelle en vue d’une décision collégiale que la prescription médicale conditionne mais ne constitue pas : on ne décide pas d’une contention sans l’accord formalisé d’un médecin ; un médecin ne décide pas seul d’une contention.
© Doit faire au préalable rechercher (et traiter) une cause évitable du comportement problème :
- Douleur ;
- Latrogénie médicamenteuse : intoxication, sevrage ou introduction d’un nouveau traitement 73 ;
- Syndromes anxiodépressifs, décompensations de maladies psychiatriques ;
- Changement de situation, perte de repères…
© nécessite une analyse médicale de la situation avant toute décision. Analyse qui vise dans toute la mesure du possible à :
Î 1. objectiver et analyser les troubles du comportement 74 et pas seulement à en faire le constat, de façon – notamment – à pouvoir proposer toute alternative possible à la contention avant d’envisager celle-ci, et en cas de contention d’en adapter ses modalités au plus près du trouble analysé.
Î 2. Objectiver et préciser la finalité (sécurisation attendue) qui ne se limite pas aux chutes, aux absences inquiétantes ou au risque d’automutilation 75 mais peut aussi ne pas être un bénéfice pour la personne elle-même : contention “légitimée“ par le manque de moyens humains ou matériels, la sécurité d’autres usagers, ou pour maintenir la “paix sociale“ dans un espace collectif, etc. Cette analyse conditionne les alternatives possibles.
73 En particulier : les psychotropes (anti parkinsoniens, anti dopaminergiques, neuroleptiques (dont Primpéran), antidépresseurs, antiépileptiques peuvent tous être facteurs déclenchant ou aggravants de confusion. Rôle possible également des anticholinergiques (dont ceux à visée urinaire, bronchodilatatrice…), des inhibiteurs de la pompe à proton, des fluoroquinolones, des dérivés morphiniques…
74 En gériatrie, on distingue par Exemple 1/ les états d’agitation ou de confusion 2/ les « déambulations excessives » (de type pacing (marche compulsive, linéaire, stéréotypée). La grille de référence est le NPI (inventaire neuro psychiatrique) : utilisée également pour l’admissibilité en UCC (unité cognitive comportementale). Comprend 10 domaines comportementaux, 2 domaines neurovégétatifs (sommeil, appétit) ; cotation 1 à 5 sur 3 critères : fréquence, gravité et retentissement sur activités professionnelles.
75 On peut citer parmi d’autres motifs « thérapeutiques » : empêcher le retrait (arrachage) de dispositifs médicaux (voie intra veineuse, sondes de nutrition ou d’élimination, masque à Oxygène, pansement…).
Î 3. objectiver et analyser les risques physiques et psychiques de la contention, au cas par cas, pour évaluer soigneusement la balance bénéfice (pour l’usager) / risque (pour l’usager) mais aussi, le cas échéant, proposer des mesures d’accompagnement notamment psychologique : information, soutien, apport de bien-être : pas de « double peine », la seule privation doit être la contention.
© Doit faire préalablement rechercher et proposer les alternatives (médicales ou non) possibles, présentant une contrainte moindre et/ou un meilleur bénéfice / risque. Il peut s’agir aussi bien d’alternatives s’adressant à l’individu (ex : traitement psychotrope, séance de relaxation…) qu’à l’environnement : cf. encadré ci-dessous.
© implique chaque fois que possible le consentement de l’intéressé et, le cas échéant, l’expression de ce consentement par son représentant légal ; ce consentement doit, comme pour tout soin, être renouvelé ou, s’il n’a pas été obtenu (ex : phase d’agitation), recherché à nouveau dès que possible ;
© Doit, quand la décision est prise, faire l’objet d’une prescription médicale détaillée (protocole) écrite, individualisée, datée, tracée dans le dossier médical, indiquant notamment :
Î Le moyen utilisé, qui doit être systématiquement le moyen préservant le maximum de liberté de déplacement et/ou de mouvement (ex : privilégier une solution architecturale (il existe bien d’autres solutions que les unités fermées, y compris pour l’accueil de personnes désorientées et pouvant déambuler 76) à une contention au corps, etc.). Utiliser des systèmes homologués 77 .
Î Les risques identifiés qui doivent faire l’objet d’une information et d’un protocole de surveillance spécifique, cf. ci-dessous ;
Î La durée et/ou les périodes ou circonstances de la contention, la durée de validité de la prescription : cf. ci-dessous, surveillance et réévaluation.
Î Chaque fois que possible, si la contention est impossible à éviter, trouver tous les moyens pour en limiter la durée dans la journée en retirant la contention par exemple dans le cadre d’activités individuelles ou collectives, libres ou accompagnées ; un programme journalier est à élaborer, à mettre en œuvre et à réévaluer constamment.
© La décision et ses attendus doivent faire l’objet d’une information et d’un échange approfondi avec l’équipe médico-sociale, au-delà du caractère collégial de la décision par nature limité (directeur, médecin et quelques autres professionnels). Il est important de donner un sens au comportement problème et au moyen utilisé, de partager l’analyse des causes, etc.
C’est pourquoi une recommandation forte de l’APF est de tenir un registre des contentions sur le modèle de ceux préconisés pour les évènements indésirables : enregistrement de chaque décision, des modalités de décisions et de reconduction, des incidents survenus, etc. et d’en faire une analyse au moins annuelle dans un but d’amélioration des pratiques, de repérage des usages disproportionnés ou évitables ainsi que de prévention des risques inhérents à chaque contention.
Î La surveillance et la réévaluation de la contention © surveillance
La surveillance d’une contention est a priori un acte relevant du rôle IDE 78 : l’infirmier peut donc confier, sous sa responsabilité, ce soin en collaboration à des aides-soignants ou des AMP, le cas échéant dans le cadre d’un protocole de soins IDE.
Cependant, la surveillance de la contention ne se limite ni à la recherche ou à la prévention des complications médicales, ni au personnel infirmier. Elle s’inscrit dans un accompagnement
76 Un EHPAD ouvert sur la ville, un espace de liberté en toute sécurité. Mélanie Mermoz, ASH n°2902, mars 2015.
77 Ne pas utiliser de produits détournés de leur finalité (ex : drap de lit en sangle), jamais adaptés, augmentant les risques de la contention et favorisant les contentions sauvages (non prescrites ni réévaluées). Ne pas utiliser un produit pour un autre. Si la population accueillie présente un risque fort et récurrent de mise sous contention, prévoir (à côté des alternatives organisationnelles, architecturales ou techniques, cf.) un choix multiple de contentions homologuées permettant de minimiser les risques pour les usagers (matériaux, protection des zones d’appui ou de friction).
78 Article R4311-5, 27° du code de la santé publique (rôle propre) : « Recherche des signes de complications pouvant survenir chez un patient porteur d’un dispositif d’immobilisation ou de contention ». Art. R4311-6, 3° : dans le cadre de la santé mentale « Surveillance des personnes en chambre d’isolement ». Art. R4311-7, 12° (rôle sur prescription médicale) : « Ablation des dispositifs d’immobilisation et de contention ».
global et attentif de la personne contenue, et vise tant à prévenir les conséquences physiques ou psychologiques qu’à assurer la présence, la relation et les éléments de bien être pouvant être mobilisés pour que la contention physique imposée soit d’une part la plus supportable possible, d’autre part, la seule mesure restrictive subie par la personne.
Cet accompagnement fait notamment appel à des techniques non médicamenteuses de prévention de l’impact de la contention (ex : toucher massage, musicothérapie, etc.) pour en diminuer la charge anxiogène.
© Réévaluation
Les bonnes pratiques (HAS) indiquent une réévaluation au moins toutes les 24h (y compris en cas de renouvellement). Mais selon le motif de la contention, c’est bien avant un tel délai que la prescription médicale devra être revue et modifiée,
A l’inverse, si le délai recommandé n’est pas tenable (disponibilité médicale notamment en médico-social), la prescription doit inclure un protocole prévoyant qu’une infirmière DE puisse adapter, et comment, la contention prescrite ou la lever (dans certains pays anglo-saxons ou au Québec 79, les IDE ont la possibilité de prescrire elles-mêmes les contentions).
Lorsque le comportement problème est de survenue régulière et chronicisé, un protocole sous forme de prescription anticipée doit être établi pour pallier l’absence de disponibilité médicale immédiate, mais implique la réévaluation par le prescripteur ou un autre médecin dès que possible.
Le retrait du dispositif de contention, hors situation d’urgence ou disposition prévue par le protocole (prescription) initial, relève du rôle IDE sur prescription médicale (R4311-7, 11° du CSP).
Î Alternatives possibles à la contention
• le positionnement : C’est une alternative devant être systématiquement explorée notamment lorsque le motif invoqué de la contention est le risque de chutes ;
• fauteuil roulant : la question souvent évoquée est celle du « glissé avant ». Mais la sangle n’est pas la seule solution, loin de là, et ne devrait être utilisée que lorsque les autres possibilités ne sont pas réalisables (y compris après consultation dans une clinique du positionnement avec des ergothérapeutes spécialisées) : choix du FR (versions réglables, et/ou surbaissées notamment en cas de propulsion podale) ; réglage des appuis (assise, accoudoirs, cale-pieds…) ; adjonctions de cales, coussins (ex : à cuvette ischiatique, à appuis rétro trochantériens, etc.) notamment en cas de mouvements involontaires ; pour les enfants notamment, tablettes (au lieu de sangles) pouvant contribuer aux activités et à l’autonomie…
• Positionnement au lit : idem, l’alternative pouvant être le choix d’aides techniques à l’installation et au positionnement : préférer aux barrières un lit médicalisé en position basse et un simple matelas au sol en protection, ou un lit à barreaux « ordinaire » pour les enfants selon l’âge. Certains établissements ont personnalisé ces lits “contenant“ et protecteurs sous forme de petites maisons par ex.
Î S’adapter à l’usager et lui proposer des repères
• S’adapter à la personne, connaître ses goûts, ses habitudes, respecter son rythme de vie (diminue le risque de chute, de désorientation, etc.) ;
• Donner des éléments d’organisation de la journée, des repères temporels et spatiaux ;
• Formation et coordination des personnels – stratégie d’équipe – attitude ; former au toucher relationnel ;
• Se présenter, nommer la personne, instaurer un climat de confiance ;
• Orienter son attention (la capter ou la divertir), établir un contact visuel ;
• Organiser une surveillance bienveillante ;
• Anticiper les besoins prévisibles : ex, horaire d’élimination régulier, éviter les « levers » intempestifs ;
• Limiter l’angoisse de l’isolement : réponse rapide aux appels, valider la parole du patient (renforcement positif) ;
• Stabilité des intervenants, homogénéité des réponses apportées ;
• Respect des rituels (ex : endormissement) voire ritualisation rassurante des temps d’aide et de présence ;
• Intégration des réponses de la famille, des objets familiers ou transitionnels.
Î Organisation collective et institutionnelle
• Adaptation des lieux de vie : espaces de déambulation « libre », permettant une surveillance visuelle non contraignante ;
• Revalorisation par les activités proposées ;
• Environnement apaisant (décoration zen, musique, aromates…).
Î Moyens architecturaux et géolocalisation
Pour les établissements à population à fort risques d’absence inquiétante (“fugue”) surtout. Ils visent certes à restreindre la liberté de déplacement mais pour éviter des moyens de contention physique plus contraignants touchant directement au corps et à la mobilité des personnes dans leur environnement institutionnel :
• Adaptation de l’environnement : murs, barrières, contrôles d’accès (ex : par digicode) y compris dans le sens de la sortie, disposition de portes de sorties en zones sombres (moindre incitation à les franchir), circuits et espaces de déambulation.
• Télésurveillance : les moyens disponibles combinent un dispositif portable de géolocalisation (puce électronique sur un support de type bracelet, téléphone…) et un dispositif de télésurveillance : bornage fixe (ex : au niveau des portes ou clôtures en limite d’implantation ou de propriété) et/ou à un paramétrage sur périmètre (y compris extérieur à l’institution, on passe alors en général d’un dispositif wifi à un système GPS), dispositif relié à des outils informatiques d’alerte et de visualisation géographique (écrans, bips portables pour les professionnels) ainsi que d’identification de la personne « surveillée ». Une déclaration à la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) est obligatoire. Des recommandations spécifiques sont disponibles : Charte de bonnes pratiques relatives à l’emploi des dispositifs de géolocalisation, juin 2013.
Î Critères HAS (ANAES, 2000) pour la contention des personnes âgées
Ces critères peuvent bien sûr concerner l’ensemble des usagers du secteur médico-social notamment ; ils s’adressent, comme l’ensemble de ce document, aux contentions physiques passives de sécurité de personnes en raison de leur comportement problème.
Référentiel de pratique pour la contention
critère 1 : la contention est réalisée sur prescription médicale. Elle est motivée dans le dossier du patient.
critère 2 : la prescription est faite après l’appréciation du rapport bénéfice / risque pour le sujet âgé par l’équipe pluridisciplinaire.
critère 3 : une surveillance est programmée et retranscrite dans le dossier du patient. Elle prévient les risques liés à l’immobilisation et prévoit notamment les soins d’hygiène, la nutrition, l’hydratation et l’accompagnement psychologique.
critère 4 : la personne âgée et ses proches sont informés des raisons et des buts de la contention.
Leur consentement et leur participation sont recherchés.
critère 5 : le matériel de contention sélectionné est approprié aux besoins du patient. Il présente
des garanties de sécurité et de confort pour la personne âgée. Dans le cas de contention au lit, le matériel est fixé sur les parties fixes, au sommier ou au cadre du lit, jamais au matelas ni aux barrières. Dans le cas d’un lit réglable, les contentions sont fixées aux parties du lit qui bougent avec le patient. En cas de contention en position allongée, les risques liés aux régurgitations et aux escarres sont prévenus.
critère 6 : l’installation de la personne âgée préserve son intimité et sa dignité.
critère 7 : selon son état de santé, la personne âgée est sollicitée pour effectuer des activités de la vie quotidienne et maintenir son état fonctionnel. La contention est levée aussi souvent que possible.
critère 8 : des activités, selon état, lui sont proposées pour assurer son confort psychologique.
critère 9 : une évaluation de l’état de santé du sujet âgé et des conséquences de la contention est réalisée au moins toutes les 24h et retranscrite dans le dossier du patient.
critère 10 : la contention est reconduite, si nécessaire et après réévaluation, par une prescription médicale motivée toutes les 24h.
3.3.2 Dis P osi T ifs TE chnolo G iqu E s DE PR év E n T ion DE s abs E nc E s inquiéTanTEs
Î Ces technologies ne sont à utiliser que lorsque : 1. u ne réponse humaine qui doit toujours être préférée est réellement impossible (cf. recommandations HAS/ANAES).
2. Elles constituent une alternative moins contraignante à une autre forme de contention ou de limitation de mobilité ; par exemple un système de portique de sécurité peut permettre à des résidents de circuler librement dans l’enceinte de l’établissement, terrasses et jardins compris, alors qu’ils risqueraient d’être confinés à l’intérieur des murs si ce dispositif n’existait pas.
3. et/ou elles permettent d’individualiser une mesure qui sinon aurait un impact collectif sur l’ensemble des usagers ; par exemple un système de géolocalisation de type montre électronique peut être une solution intéressante puisque ciblée sur une ou quelques personnes, à l’inverse d’une mesure architecturale ou de surveillance électronique globale collective ; autre exemple encadré ci-dessous.
nb : toute mesure doit être proportionnée à l’état de la personne. Si elle ne présente aucun risque d’égarement ou de “fugue“, et est parfaitement autonome, on ne doit même pas se poser la question d’un dispositif électronique. Il est également essentiel de recueillir le consentement de la personne pour toute mise en place de ce genre de dispositif (cf. recommandations ci-dessus pour l’ensemble des contentions).
Î Exemple : Une alternative qui sera expérimentée dans un IEM en reconstruction est l’utilisation de cartes personnelles pour l’ouverture des portes (cartes qui peuvent se fixer sur un fauteuil roulant) pour commander l’ouverture /fermeture des portes. Les autorisations (sorties, accès et horaires) seront personnalisées et programmées en central.
Î Exemple : On doit constamment réfléchir collectivement avec les usagers à des alternatives aux mesures contraignantes (barrières, géolocalisation). Par exemple, le port par l’usager d’une carte pour les situations d’urgence (mon handicap en quelques mots), les absences inquiétantes (identité et lieu de résidence, qui contacter) et de partenariats avec les commerçants de quartier.
Î Exemple : L’EHPAD de Maromme « le Village des Aubépins » près de Rouen qui a fait l’objet d’un article dans les ASH 80, extrait de l’article : « Tous les résidents sont équipés d’une « montre autonomie » dotée d’un dispositif d’alarme. En cas de problème, ils peuvent appeler le personnel en appuyant sur une fonction très visible. De plus, une fonction active automatique l’alarme en cas de chute (quand la montre est à proximité du sol pendant quelques secondes le signal se déclenche). Il est en outre possible d’y adjoindre une fonction « anti-égarement ». Quand le résident s’approche d’une des bornes situées près des sorties de l’établissement, un signal est déclenché et le personnel est averti. Sur les 80 résidents du Village des Aubépins, le dispositif « anti-égarement » n’a été activé que pour une douzaine. Une décision qui n’est pas prise à la légère ».
Î Exemple : L’IEM de Chartres de Bretagne qui a mis en place un système de portique et d’alarme pour être alerté dès qu’un usager sort de l’enceinte de l’établissement, ce qui au-delà de l’alerte permet en fait d’élargir le périmètre de libre circulation des usagers.
Î Réduire et pallier les obstacles architecturaux
Si l’établissement fait face à des difficultés architecturales qui empêchent les gens de circuler librement, il est nécessaire de mettre en place l’aide humaine nécessaire pour leur permettre de se déplacer.
Les adaptations architecturales ne concernent pas que la mobilité (motricité) mais également des difficultés cognitives, psychiques ou sensorielles, et concernent donc autant la signalétique, des repères d’orientation que l’absence de marches…
Î Exemple : Au foyer de Gap, pour certains résidents désorientés et ne pouvant regagner leur chambre depuis les espaces collectifs sans aide alors qu’ils sont physiquement indépendants pour leur déplacements intérieurs, des repères visuels personnalisés ont été mis en place avec succès.
On peut aménager l’existant au profit de tous en faisant un travail sur la valeur d’usage, sur l’aménagement de l’espace, des meubles…. Cela nécessite parfois de toucher aussi à l’organisation du travail mais au bénéfice d’un meilleur confort de travail 81
L’association des principaux intéressés (usagers, élus en situation de handicap) est un point capital et c’est dès la phase de programmation que ce travail doit être mené.
Î Exemple : Au foyer du Havre. Association de l’ensemble des usagers au projet architectural et à la maîtrise d’ouvrage, pour reconstruire et repenser l’établissement selon leurs souhaits.
Î Exemple : A l’IEM de Viriat . Les familles ont collaboré au projet architectural en pensant chaque espace, aménagement en fonction des difficultés de leurs enfants mais aussi du repérage dans le temps et l’espace (les jeunes internes doivent sortir de l’IEM pour aller à l’internat). 80 ASH, 20 mars 2015 – N°2902, p 26-28.
association des paralysés de france
1.1 Questionnement
© Les dispositifs de maintien, de prévention des chutes ou de posture et de rééducation sontils des contentions ?
© Quelles sont les conditions de leur mise en place ?
© Pourquoi distinguer les contentions liées à un comportement problème ?
© Comment s’inspirer des recommandations de pratiques liées aux contentions passives en lien avec des troubles du comportement pour ces dispositifs dont le résultat, sinon la finalité, est une limitation de mobilité pour les personnes concernées ?
1.2 Introduction
© Il convient de mettre à part la “contention chimique“, qui n’est pas traitée dans ce guide : mal nommée (on devrait parler de thérapeutique médicamenteuse, l’expression même de contention chimique impliquant une prescription abusive), le cadre juridique et les bonnes pratiques ne se distinguent pas de ceux régissant la mise en place de traitements pharmacologiques si ce n’est, dans les situations d’urgence (agitation, confusion aiguë), par l’absence de recueil de consentement possible. Ces traitements, y compris anticipés, doivent faire l’objet d’une expertise spécialisée (psychiatrie, neuropsychiatrie), n’être utilisés qu’en cas d’absence prouvée d’alternative non médicamenteuse et, comme tout traitement, d’une réévaluation régulière et de choix étayés 82
© Voir le document d’application thématique 01 pour les contentions physiques passives utilisées dans le cadre de comportements perturbateurs (absence inquiétante (“fugue“), agressivité, agitation…), qu’il est important de pouvoir différencier de la limitation de mobilité évoquée dans le présent document.
© Voir également le DAT 03 pour ce qui concerne les fauteuils roulants (limitation d’utilisation).
© Les dispositifs évoqués dans ce chapitre sont des moyens visant ou aboutissant à une limitation de mobilité, utilisés dans un objectif de rééducation ou de réadaptation ou dans un cadre préventif et de confort (positionnement) :
• Dispositifs passifs de posture ou de maintien : sièges coquilles, corsets, coussins et autres dispositifs de positionnement, cales et autres dispositifs de maintien, tablettes, attelles, plâtres, orthèses, sangles de maintien dans le cadre d’un positionnement (ex : verticalisation) ;
• Dispositifs actifs de rééducation de tractions, étirements, orthèses dynamiques…
• Dispositifs de positionnement et d’installation, notamment au lit ou au fauteuil : coussins, dossiers, cales, etc.
• Dispositifs de sécurité visant pour l’essentiel la prévention des chutes (mais sans lien avec des troubles du comportement) : sangles, harnais, attaches diverses, barrières de lit, etc.
82 Monothérapie et molécule à demi-vie courte chaque fois que possible, élimination d’un facteur déclenchant ou pathogène (dépression sous-jacente, épine irritative somatique, etc.), Voir les recommandations récentes : Comportements perturbateurs chez les personnes ayant des lésions cérébrales acquises avant l’âge de 2 ans : prévention et prise en charge, HAS oct. 2014. Troubles du Comportement chez les Traumatisés Crâniens : Quelles options thérapeutiques Sofmer (label HAS), juillet 2013.
Si ces dispositifs peuvent être identiques à ceux utilisés pour la contention physique passive des personnes avec troubles du comportement, ils s’en distinguent :
1. Par une finalité différente (si l’aspect préventif peut être partagé, il ne s’agit pas de pallier un risque d’agitation, d’absence inquiétante, d’agressivité…) ;
2. Par l’obtention possible d’un consentement éclairé valide (voire d’une demande de l’intéressé lui-même) : on n’est donc pas dans la situation d’un soin ou d’une contrainte imposé(e) à un tiers, mais bien d’une disposition expliquée, négociée le cas échéant, et acceptée par l’intéressé.
Ces dispositifs sont donc des contentions au sens ordinaire du terme, mais ne répondent pas à la définition ANAES/HAS et donc pas aux obligations posées par les recommandations liées concernant la contention physique passive visant la sécurité de personnes présentant des troubles du comportement.
Pour autant, ils représentent bien des limitations de mobilité temporaires (rééducation) ou durables (positionnement) qui peuvent être subies, surtout pour des personnes dépendantes aux capacités motrices réduites qui ont besoin d’une tierce personne pour tout changement de position ou déplacement.
Par ailleurs, il peut arriver que leur finalité première soit subrepticement étendue voire détournée (cf. contre exemples ci-dessous) notamment en cas de troubles cognitifs ou psychiques associés, et/ou lorsque la personne est insuffisamment associée à la décision, et que l’appréciation de la balance bénéfice / risque est ainsi négligée.
Ils nécessitent donc une vigilance et des précautions particulières dans la décision puis le suivi de leur mise en œuvre, qui consistent à s’inspirer des recommandations de bonne pratique édictées pour les contentions physiques passives au sens ANAES/HAS, mais sans la procédure lourde de validation et de réévaluation dont la nécessité découle d’une contrainte imposée à un tiers.
Contrairement aux contentions physiques passives en lien avec des troubles du comportement au sens des recommandations HAS (voir fiches d’application thématique numéro 01), les dispositifs évoqués dans le présent document relèvent tous de “soins“ préventifs, rééducatifs, réadaptatifs… a ce titre, ils relèvent tous d’une prescription médicale :
Î Soit formelle lorsqu’il s’agit par exemple d’une rééducation impliquant l’immobilisation par posture ou sanglage,
Î Soit sous la forme d’un projet de soin personnalisé médicalement validé pour de simples éléments préventifs de sécurité appelés à rester pérennes dans le temps (Exemple : barrières de lit, sangles ventrale de maintien…).
Comme toute prescription médicale, il s’agit d’une décision partagée en santé qui s’inscrit dans le cadre du code de la santé publique (article L 1111–4 introduit par la loi du 4 mars 2002 83) ; cette prescription n’a donc de sens et ne peut être mise en œuvre qu’avec l’accord ou le consentement éclairé de la personne à qui elle s’adresse. Ce même article confère aux refus par l’intéressé un caractère quasi absolu qui doit donc être respecté, y compris en cas de mise en danger, sauf dans des circonstances exceptionnelles (risque vital immédiat) a priori sans lien avec la mise en œuvre des dispositifs évoqués.
Dans le cas des mineurs ou des majeurs protégés et représentés (tutelle), le droit de co–décider est exercé par le représentant légal dans l’intérêt de la personne concernée, mais le même article du code de la santé publique précise que le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Au total, les mesures de limitation de mobilité (dont certaines utilisent les mêmes moyens que ceux de la contention visant à limiter les conséquences des comportements perturbateurs) relèvent du droit ordinaire des personnes malades et usagers du système de santé. Le cadre réglementaire est donc celui longuement décrit dans le guide APF « refus des soins par un usager d’une structure médico-sociale » 84
Il n’existe pas de recommandations spécifiques concernant ce type de dispositif, hors une application respectueuse de ces droits de l’usager. Il est cependant possible de s’inspirer des recommandations de bonne pratique concernant les contentions en lien avec des troubles du comportement : cf. doc. DAT 01.
83 CSP L1111-4 :« Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé. Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement. Le suivi du malade reste cependant assuré par le médecin, notamment son accompagnement palliatif. Le médecin a l’obligation de respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité. Si, par sa volonté de refuser ou d’interrompre tout traitement, la personne met sa vie en danger, elle doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable. Elle peut faire appel à un autre membre du corps médical. L’ensemble de la procédure est inscrite dans le dossier médical du patient. Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins palliatifs mentionnés à l’article L. 1110-10. Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment.Lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-6, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté. Lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, la limitation ou l’arrêt de traitement susceptible d’entraîner son décès ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale mentionnée à l’article L. 1110-5-1 et les directives anticipées ou, à défaut, sans que la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-6 ou, à défaut la famille ou les proches, aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d’arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical. Le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Dans le cas où le refus d’un traitement par la personne titulaire de l’autorité parentale ou par le tuteur risque d’entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur sous tutelle, le médecin délivre les soins indispensables ». »
84 Disponible en gestion documentaire APF ou sur le blog de la DDOS
MAUVAISES PRATIQUES
Pour les équipes médico-sociales APF, la mise en place de ce type de dispositif de limitation de mobilité est très fréquente : matériels de maintien, de positionnement, de prévention des chutes (notamment en fauteuil roulant) ou de dispositifs médicaux liés aux rééducations, réadaptations (posture, verticalisation…).
Il est donc important en termes de bonne pratique de trouver un juste milieu entre une banalisation qui conduirait à oublier certaines précautions, à commencer par l’implication et l’accord de l’intéressé, et une “usine à gaz“ qui déboucherait sur des protocoles complexes pour mettre en place des mesures de bon sens pleinement acceptées par les personnes concernées.
Tout l’enjeu sera, dans une individualisation stricte et une évaluation médicale collégiale des situations, de déterminer le but premier de la mise en place de ces dispositifs et le consentement aux mesures adoptées, pour se référer soit aux bonnes pratiques d’une prescription médicale ordinaire, soit à un protocole plus complexe mais plus protecteur des droits des personnes dès lors que la mesure leur est en pratique imposée.
pratiques devant être évitées ou corrigées
Comme pour l’ensemble de ce guide, il ne s’agit pas de stigmatiser des équipes qui ont mis en place des mesures palliatives au mieux de ce qu’elles pensaient pouvoir faire, mais d’expliciter ce qui doit être évité en proposant ci-dessous, chaque fois que possible à partir d’expériences d’autres équipes, des alternatives à ces solutions qu’on ne devrait plus rencontrer ou dont la mise en œuvre doit être sensiblement modifiée :
© Des temps de verticalisation, de positionnement de rééducation plus ou moins imposés, ou imposés au-delà du temps fixé par la prescription médicale et le projet de soins.
© Non prise en compte des réactions de la personne (douleur, besoin de faire une pause…) pendant une rééducation.
© Le positionnement “sécurité“ durant le temps où les professionnels sont occupés avec d’autres usagers.
© Prescriptions médicamenteuses abusives ou non conformes aux bonnes pratiques, absence de recherche d’alternatives, médicaments donnés à l’insu de l’intéressé (dans un laitage par ex.).
Certains des critères de bonne pratique issus de ceux de l’ANAES/HAS doivent s’appliquer à ces dispositifs de rééducation, de posture ou de positionnement :
1. la limitation de mobilité est réalisée sur prescription médicale, motivée dans le dossier médical ou de soins de l’usager. Elle est datée, signée, indique l’objectif, les conditions de réalisation et la durée du dispositif.
2. la prescription est formalisée après appréciation pluri professionnelle du rapport bénéfice / risque ou inconvénient pour l’usager. En aucun cas, d’autres considérations ne peuvent être prises en compte et notamment des éléments relatifs à l’environnement (organisation collective, manque de personnel, etc.).
NB : pour des dispositifs extrêmement courants, pleinement acceptés ou demandés par l’intéressé, et dont la mise en œuvre pérenne dans le temps (Exemple : barrières de lit, sangles de maintien), on peut accepter que la prescription médicale prenne la forme d’une mention dans le volet soin du projet personnalisé.
3. le consentement et la participation de l’intéressé à la décision sont impératifs (le cas échéant exprimés par le représentant légal), s’agissant d’un acte de soins ou de rééducation situé hors urgence et sans conflit de droit avec d’autres obligations (assistance à personne en péril, mise en danger d’un tiers…). Il est mis fin à la limitation de mobilité à la demande de l’intéressé, comme pour tout soin hors urgence vitale, son refus est opposable et aucun soin ne peut être réalisé sans son accord 85 .
4. une surveillance adaptée est programmée et retranscrite dans le dossier de l’usager, selon le dispositif et la situation. Elle prévient les risques liés à la limitation de mobilité et prévoit le cas échéant notamment les soins d’hygiène et l’accompagnement psychologique.
5. le matériel utilisé est approprié et présente des garanties de sécurité et de confort. Des protocoles décrivant la mise en place du dispositif, son retrait, etc. peuvent être élaborés pour les intervenants devant le mettre en œuvre.
6. l’installation de l’usager préserve son intimité et sa dignité.
7. l’intérêt et les modalités de la limitation de mobilité sont réévalués régulièrement, selon la périodicité convenue et indiquée dans la prescription médicale, ou à la demande de l’usager ou d’un intervenant ayant contribué à son élaboration ou sa mise en œuvre. La reconduction éventuelle (nouvelle prescription médicale) est motivée et tracée dans le dossier de l’usager, et/ ou dans son projet personnalisé.
8. Toujours rechercher le dispositif le moins contraignant, la durée utile la plus courte, etc.
85 Comme pour tout soin ou décision thérapeutique, il est tenu compte du degré de discernement ou de maturité de l’usager (troubles cognitifs, mineurs) mais c’est bien le droit ordinaire (droits des patients, droits des usagers) qui s’applique ici.
association des paralysés de france
© Peut-on et dans quelles conditions limiter ou interdire l’usage de son FR par un usager ?
© Quelle est la responsabilité d’une équipe médico-sociale lorsqu’un usager se met en danger ou met en danger des tiers par un usage non maîtrisé de son FRE sur la voie publique ? Y compris en cas d’ébriété ?
© Un usager peut-il passer outre la préconisation médicale (“contre-indication“, refus de prescrire ou de renouveler le FR) ?
1.2 Introduction
Ce document concerne l’ensemble des situations dans lesquelles est envisagée ou mise en œuvre une restriction d’usage du fauteuil roulant (FR), manuel ou électrique (FRM / FRE) de l’usager.
La fréquence des retours d’expérience sur ce type de restriction de liberté et de mobilité et l’enjeu majeur pour le déplacement des personnes concernées motivent la rédaction d’un document d’application spécifique, même si les éléments relèvent selon les cas des documents d’application thématique 01 (contention) ou 02 (autres dispositifs de limitation de mobilité).
il fauT Donc DisTinGuER DEux TyPEs DE siTuaTions :
© situations 1 : celles où l’usager a une maîtrise insuffisante de son FRE et se met en danger ou met en danger involontairement les autres, en lien avec des troubles moteurs, de la coordination, ou des troubles cognitifs (attention, trouble des exécutifs, désorientation…) ou visuels (acuité, champ visuel, négligence…) sans anosognosie (non conscience de son état) ou déni des troubles… Une “variante“ est celle d’un usager en état d’imprégnation alcoolique (ou sous l’emprise d’autres psychotropes licites ou illicites).
© situations 2 : celles où l’usager utilise le FRE dans le cadre d’un comportement agressif et dangereux pour les autres, et/ou qu’il y a une méconnaissance ou un déni des troubles cognitifs ou des limites de capacité et qu’en pratique l’obtention d’un consentement éclairé (ou d’un refus éclairé) ne semble pas possible : on est alors dans le cadre d’une contention (et en principe on devrait être dans le cadre d’une mesure de protection juridique).
Le danger de pilotage d’un fauteuil roulant dû à la consommation excessive d’alcool peut selon les cas entrer dans la première ou la seconde catégorie. Voir aussi la fiche d’application 08 concernant l’alcool.
NB : les deux types de situations posent la question de la place et de la limite de la prescription médicale, notamment dans le cadre du renouvellement du fauteuil roulant et de sa prise en charge financière.
Pour l’ensemble de ce chapitre on se reportera au document princeps 02 de référence juridique, sur la liberté d’aller et venir.
Se reporter également au document d’application sur la contention et aux procédures qui y sont liées chaque fois que la privation ou la limitation d’utilisation du fauteuil roulant répond à une situation où sont présents des troubles du comportement et l’impossibilité d’un consentement éclairé.
Par ailleurs, et ce n’est pas un point négligeable, le fauteuil roulant d’un usager, même acheté à l’aide de financements publics (assurance-maladie, prestation de compensation du handicap…) ou de solidarité privée (mutuelle, fonds…), est le plus souvent la propriété de la personne qui l’utilise. Ce qui signifie clairement, qu’en dehors de la privation de liberté que peut constituer la confiscation d’un fauteuil roulant, il s’agit aussi d’une atteinte à la propriété pouvant être qualifiée de vol.
DEux siTuaTions sonT à DisTinGuER :
Î L’usager (d’un service) vit à domicile
Rappel : le FRE n’est pas assimilable à un véhicule automobile tel que défini par le code de la route mais il est assimilable à un véhicule terrestre à moteur au sens du code des assurances 86 Ainsi, dans cette situation, et sauf à considérer la situation où la personne serait sous tutelle ou mineur, cas où son tuteur pourrait voir sa responsabilité engagée elle reste bien responsable de ses faits et gestes.
A ce titre, si elle causait un accident par exemple à l’occasion de la conduite de son fauteuil roulant, seule sa responsabilité personnelle (civile et/ou pénale) serait engagée. Elle devrait alors venir indemniser les personnes victimes et les dommages matériels qu’elle causerait. A noter qu’en ce qui la concerne, elle serait plus ou moins couverte suivant les contrats qu’elle a souscrits, garantissant sa responsabilité civile.
La responsabilité du service ne saurait de son côté être engagée.
Î L’usager est accueilli en établissement s’agissant de la responsabilité civile de l’établissement, comme il l’a été rappelé dans les principes généraux (cf. document princeps 02), du fait du régime de la responsabilité du fait d’autrui applicable aux établissements sociaux et médico-sociaux, c’est normalement l’établissement qui est responsable du préjudice causé à autrui par l’usager, (préjudice qui sera alors pris en charge par l’assurance en responsabilité civile de l’établissement). Toutefois, sur ce point spécifique, au
86 Il est donc soumis à une obligation d’assurance dans les conditions prévues pour les véhicules terrestre à moteur (assurance de responsabilité civile couvrant sans plafond les dommages corporels, qui peut être prise dans le cadre d’un contrat assurance habitation). Réponse ministérielle du 9 juin 2015, publiée le 21 juin - Direction de l’information légale et administrative (Premier ministre). https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/008264
regard du mécanisme prévu par la loi Badinter, dès lors qu’un véhicule terrestre à moteur est impliqué dans un accident c’est l’assurance venant couvrir le véhicule responsable (en l’espèce le fauteuil) qui couvrira les dommages causés. Sachant que les personnes qui disposent d’un FRE sont dans l’obligation de souscrire à cette assurance afin de couvrir les dommages pouvant être causés à l’occasion de la conduite de leur fauteuil. C’est donc la responsabilité civile des personnes et non de l’établissement qui dans telles circonstances sera engagée.
s’agissant de la responsabilité pénale de l’établissement, elle ne serait être engagée que si une faute a été commise par l’établissement (faute dans l’organisation du service, défaut de surveillance, etc.). Pour rappel, en matière de surveillance, l’établissement est seulement soumis à une obligation de surveillance de moyen, adaptée à la situation de l’usager qui doit également trouver à s’appliquer dans le respect des droits et libertés de l’usager, (notamment la liberté d’aller et venir…).
il n’incombe donc pas, par exemple, à l’établissement de suivre l’usager lors de ses sorties dans le but de s’assurer qu’il ne boit pas. De même, un usager déjà passablement éméché qui souhaiterait sortir en ville ne peut être retenu de force au sein de l’établissement. Dans ce cas, si la personne souhaite sortir en violation du règlement ou des consignes du personnel de l’établissement, il peut être exigé d’elle qu’elle signe un document attestant de sa sortie de l’établissement en dépit de l’avis de l’établissement. Si toutefois il semble évident que la personne n’est pas lucide et risque de mettre sa vie en danger, il peut alors et en dernier recours, être envisagé d’empêcher physiquement sa sortie.
Î Situations 1 : difficulté de maîtrise du FRE par l’usager
Elle peut procéder d’une atteinte motrice (ex : coordination), sensorielle (acuité ou champ visuel…), cognitive ou psychique (attention, trouble exécutif, désorientation spatiale, etc.).
NB : pour la conduite du FRE en état d’ivresse, voir ci-dessus 2.1.
Le plus souvent, cette question se pose pour les déplacements extérieurs et tout particulièrement sur la voie publique (trottoirs, chaussée…) : risques d’accidents (chutes, heurts, collisions) avec dommages aux tiers ou aux biens, risques de désorientation de l’usager qui ne retrouve plus son chemin pour rentrer.
Mais la question peut également se poser dans un établissement du fait de la vie collective et de la protection des autres personnes et des biens, notamment lorsque la maladresse du pilotage aboutit involontairement mais régulièrement à des heurts.
Les mesures envisagées, et parfois mises en œuvre trop rapidement ou sans les précautions nécessaires, sont la limitation de vitesse imposée du FRE (qui peut en pratique empêcher une utilisation pour des trajets extérieurs), le débrayage du moteur voire la confiscation du fauteuil.
Comme pour toute atteinte au droit fondamental d’aller et venir (et, pour la confiscation, au droit de propriété), ces mesures ne peuvent être prises que si le risque de blessure grave ou de mise en danger de sa vie est sérieux et attesté pour l’usager ou les tiers. Il est alors absolument indispensable de se référer aux recommandations transversales et à la démarche générale de décisions proposées dans le guide (cf. annexes 2 et document princeps 01).
Î Situations 2 : Conduite du fauteuil roulant et comportement perturbateur
Ces situations sont notamment celle dans lesquelles un comportement agressif de l’usager devient dangereux pour les tiers, le fauteuil étant notamment utilisé “comme une arme“ pour intimider ou blesser.
Dans ces situations, le cadre à observer est celui des mesures de contention : voir recommandations ci-dessous et document d’application spécifique.
Comme pour l’ensemble de ce guide, il ne s’agit pas de stigmatiser des équipes qui ont mis en place des mesures palliatives au mieux de ce qu’elles pensaient pouvoir faire, mais d’expliciter ce qui doit être évité en proposant ci-dessous, chaque fois que possible à partir d’expériences d’autres équipes, des alternatives à ces solutions qu’on ne devrait plus rencontrer ou dont la mise en œuvre doit être sensiblement modifiée :
MAUVAISES PRATIQUES
© Confiscation du fauteuil roulant électrique d’un usager chaque week-end en raison du nombre insuffisant des personnels pour assurer une “surveillance“ ou accompagner les sorties.
© Renouvellement du FRE (prescription médicale) conditionné par la condamnation (imposée avec la complicité des proches) d’un portail automatique permettant à un usager de sortir de sa propre maison vers un cheminement extérieur réputé dangereux pour lui.
© Débrayage du fauteuil roulant électrique d’un usager par des personnels à leur initiative, sans aucune évaluation collégiale de la situation, sans traçabilité de la décision ni lien avec le projet personnalisé.
Î Situation 1 : difficulté de maîtrise du FRE par l’usager
• Evaluation collégiale impliquant l’intéressé sur la réalité et la nature du danger ;
• Evaluation médicale (ergo + médecin) de la situation, en appui sur des éléments objectifs : ne pas s’en tenir à une impression ou un test rapide, utiliser des outils d’évaluation adaptés (bilan neuropsychologique, test de conduite du fauteuil mené selon des méthodologies éprouvées…) ;
• Recherche et mise en œuvre de toutes les alternatives, qu’elles soient liées à la personne (mise à jour d’une correction optique, rééducation ergo pour réapprendre à conduire le FRE…), au matériel (ex : réglage de la sensibilité d’un joystick, adaptation des commandes), à l’environnement matériel (protections des murs et portes, accessibilisation…) ou humain (augmentation du plan d’aide, accompagnement par un tiers…) ;
• Proportionnalité de la mesure : toujours retenir la disposition la moins contraignante, la plus temporaire, la plus adaptée au danger réel ;
• Protocolisation de sa mise en œuvre visant à en limiter la portée à la réalité du danger : ce n’est pas parce qu’une mesure de privation de liberté a finalement été décidée faute d’autre alternative que n’importe qui peut la mettre en œuvre dans n’importe quelle situation de sa propre initiative ;
• Réévaluation régulière et recherche permanente d’alternatives (différentes ou pouvant devenir faisables selon l’évolution de la situation).
Témoignage du savs 06 : préserver la liberté d’aller et venir
M. D, 40 ans, vit dans un appartement adapté au sein d’une résidence ordinaire. Il est titulaire de son bail de location et bénéficie d’un accompagnement SAVS classique et d’aide humaine. Des tensions ont surgi autour de l‘autonomie de déplacement à l’extérieur dont il est avide et des troubles cognitifs dont il souffre. Il utilise un fauteuil électrique, à de nombreuses reprises il a chuté, s’est perdu, est tombé en panne de batterie…. Nous étions alors contactés par des passants, les pompiers qui ne manquaient pas de nous faire remarquer à quel point nous étions irresponsables de le laisser seul dans la nature (ils connaissaient vraisemblablement mal la loi) et s’indignaient que nous ne soyons pas forcement en capacité de venir le chercher à 3h du matin à l’autre bout de la ville. Pour simplifier le tout, M. D bénéficie d’une mesure de protection et nous étions toujours dans l’embarras quant à ces incidents que la tutrice ne manquait pas de nous reprocher. Sortir représente en effet une petite prise de risque que chacun d’entre nous prend chaque jour, un peu majorée chez lui mais en aucun cas de nature à l’assigner à résidence. Cependant, il y avait nécessité de trouver tous ensemble un accommodement raisonnable pour préserver sa liberté d’aller et venir et baliser le risque. Conjointement nous avons établi un listing des précautions à prendre avant de sortir et M. D comme les auxiliaires de vie veillent désormais lorsqu’il s’en va à ce que son téléphone portable et les batteries du fauteuil soient chargés au maximum, à ce qu’il se munisse d’eau et d’une casquette. Il indique lorsqu’il le sait à l’avance
le secteur de la ville où il se rend afin de faciliter les recherches lorsqu’il se perd, il n’est pas en capacité de donner des indications claires permettant de le retrouver. Enfin il nous informe de son départ mais pas de l’heure de retour présumée… Nous sommes simplement convenus d’informer la tutrice s’il est absent au passage de l’auxiliaire de vie et n’a pas pris la précaution de prévenir de cette absence.
Î Utilisation du FRE dans le cadre d’un comportement agressif
Si l’usager utilise son fauteuil avec une volonté de nuire (ex : il fonce sur des tiers pour leur faire mal ou simplement peur) ou dans le cadre d’un comportement auto-agressif, les mesures envisagées doivent être comprises comme relevant d’une contention et la procédure de mise en place doit en suivre les recommandations et le cadre.
L’analyse des causes, du signifié implicite du comportement agressif, le soutien psychologique éventuel qui en découle font partie des “bonnes pratiques“ ; dans certains cas des mesures éducatives peuvent s’avérer une véritable alternative à une contention mécanique par débrayage ou confiscation du fauteuil : cf. encadré.
Exemple d’alternative à la suppression / limitation du fRE :
Le FAM de Douvres a imaginé un contrat éducatif, appelé « permis de conduire », avec un résident qui utilisait son FRE pour agresser les usagers, le personnel ou le matériel.
1. Le résident a d’abord passé une validation de conduite avec notre psychomotricien et l’ergothérapeute pour évaluer et garantir ses capacités. Il lui ait délivré un “permis de conduire avec 12 points“.
2. En cas de comportements répréhensifs, une note d’incident est rédigée une commission se réunit dans les plus brefs délais. Composée d’un membre de la direction, d’un éducateurcoordinateur, d’un paramédical, elle apprécie la recevabilité, elle peut demander des compléments d’information.
3. La commission reçoit ensuite le résident, accompagné par un tiers de son choix. Elle reprend les faits, entend la personne, évalue les circonstances atténuantes. Une décision est prise à la majorité des membres. Cela peut aller d’un « non-lieu », d’un rappel des règles, à une suppression de points, voire à un retrait provisoire (de 3 à 15 jours maximum). Dans ce cas, un nouveau passage de permis est mis alors en place pour récupérer son permis.
Dans tous les cas, il est proposé au résident de ré-évoquer les faits et ses motivations en rencontrant la psychologue de l’établissement ou ses référents. On a constaté une baisse significative d’incidents avec même parfois la demande du résident de ne pas utiliser son FRE lorsqu’il sent qu’il risque de mettre lui-même ou autrui en danger.
Î Place de la prescription médicale du fauteuil roulant électrique
La question de la prescription médicale (PM) du FRE lui-même (et non ici de l’éventuelle limitation d’utilisation) peut se poser dans ces deux situations, notamment lors du renouvellement du fauteuil. Cette prescription entre dans plusieurs cadres et il est important de les distinguer afin de donner à cet acte médical toute sa place mais rien que sa place :
• La PM valide et formalise la conclusion de l’évaluation médicale de la situation; elle peut préconiser des adaptations qui sont des alternatives à une interdiction d’utilisation (ex : sensibilité de la commande, limitations de la vitesse, commande par tiers pour le déplacement extérieur, etc.) ;
• La PM permet à l’usager en tant qu’assuré social d’obtenir la prise en charge prévue par l’assurance maladie pour le matériel prescrit (et par ricochet le financement complémentaire prévu au titre de la prestation de compensation) ;
• Mais la prescription médicale n’est pas un “permis de conduire“ un fauteuil roulant électrique. Un usager, même sans PM, peut s’il en a les moyens acheter un FRE et l’utiliser.
• De même, une contre-indication médicale n’est pas une interdiction (un médecin n’est pas un officier de police judiciaire…) et n’a pas d’autre valeur ou effet que d’empêcher sa prise en charge financière. Si un usager passe outre la préconisation négative qui lui est faite par l’équipe APF (cela peut parfois être avec l’aval et la prescription d’un autre médecin), se procure et utilise un FRE, l’avis de l’équipe doit simplement lui être rappelé et signifié par écrit (courrier, projet personnalisé) mais sans que cela ne change, autant que possible, l’accueil et l’accompagnement qui lui est proposé par ailleurs.
• Par conséquent, la décision de limitation d’utilisation d’un FR doit (comme toute atteinte aux droits et aux libertés liée à l’état de santé ou aux capacités des personnes) s’appuyer sur un avis médical formalisé mais la décision elle-même n’est pas prise par le médecin (seul ou même éclairé par l’expertise d’un ergothérapeute), comme toutes les recommandations le soulignent.
association des paralysés de france
© Un établissement peut-il décider arbitrairement des horaires et conditions de sortie pour ses usagers ?
© Comment concilier les règles de vie collective et les moyens humains disponibles avec la liberté d’aller et venir des usagers ?
Dès lors qu’un ESMS constitue un lieu de vie dans lequel un certain nombre de personnes, tant usagers que professionnels cohabitent, des règles de vie collective doivent être posées. Il est essentiel de rappeler aux usagers que toute vie en collectivité, à l’instar de la vie en société, donne nécessairement lieu au respect de certaines obligations, garantes du bon fonctionnement de l’établissement et du bien-être de chacun. Ces obligations trouvent leur traduction dans le règlement de fonctionnement des établissements.
Pour autant et comme le préconisait M. Levy 87 « Le règlement ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ». Il peut en effet être tentant de faire du règlement de fonctionnement une longue liste d’interdictions. Soit dit en passant, il va sans dire qu’un règlement de fonctionnement ne peut contenir une disposition contraire au droit ou à la réglementation…
Toutes les références juridiques utiles à la compréhension et à l’application de ce document d’application se trouvent aux paragraphes 1.2.1 du document princeps 02 de référence juridique qui développe les grands principes relatifs à la liberté d’aller et venir. Le cadre juridique spécifique se trouve au paragraphe 1.2.2 du même document.
Sur ce sujet spécifique, il est par ailleurs utile de rappeler qu’enfermer de façon systématique les usagers dans leur chambre la nuit est un élément susceptible de constituer le « délit d’hébergement et d’atteinte à la dignité » 88, par lequel contraindre une personne vulnérable est considéré comme une atteinte à la dignité de celle-ci et donc susceptible d’engager sur cette base la responsabilité pénale.
87 M.-J. Levy, L’adulte handicapé mental en établissement social: l’institution et la personne, RD sanit. soc. 1989.16.
88 CA Paris, 19 juin 2007, n°07/00477, JurisData 207-339908.
MAUVAISES PRATIQUES
L’enjeu principal de cette partie est comme pour l’ensemble du guide, la recherche du juste équilibre entre la préservation de la liberté et la restriction. Dès lors que la restriction systématique est une atteinte à la dignité et que la permission de sortie peut-être risquée, il est nécessaire de proposer à chaque usager concerné un encadrement individuel, objectif et proportionné.
Comme pour l’ensemble de ce guide, il ne s’agit pas de stigmatiser des équipes qui ont mis en place des mesures palliatives au mieux de ce qu’elles pensaient pouvoir faire, mais d’expliciter ce qui doit être évité en proposant ci-dessous, chaque fois que possible à partir d’expériences d’autres équipes, des alternatives à ces solutions qu’on ne devrait plus rencontrer ou dont la mise en œuvre doit être sensiblement modifiée :
© “Pointeuse“ : dans ce foyer de vie, un registre des entrées– sorties a été institué, suite à la “fugue“ d’un résident retrouvé désorienté et errant dans un quartier éloigné de la ville. Désormais résidents doivent tous “pointer“ lorsqu’ils quittent l’enceinte de l’établissement en indiquant leur destination et leur horaire de retour. Le président du CVS a bien contesté cette mesure collective, mais le conseil de la vie sociale n’est que consultatif…
© Restriction de sorties : (horaires imposés, besoin d’aide non assuré, fermeture de l’établissement, grille d’enceinte s’ouvrant avec des bips dont le nombre est restreint ou l’usage limité à quelques personnes, limitations de sortie basées sur des règles collectives (édictées par l’établissement), ou pour des raisons de sécurité en lien avec le projet de la personne…
© non mise à disposition de veilleurs pour permettre des couchers tardifs afin d’éviter les sortie de nuit non contrôlées.
NB : se reporter au document d’application thématique 01 “contention“ et aux procédures à mettre en place dans ces situations pour les dispositifs contraignants : dispositifs électroniques de fermeture de portes, bracelets émetteurs, codes pour ouvrir les portes… Voir également les documents d’application thématique 02 (autres limitations de mobilité) et 03 (limitation d’usage du fauteuil roulant).
Est évoquée ici une gestion des règles de sortie qui permet à l’établissement d’éviter des mesures de type de contention ou de limitation de mobilité, au moins pour tous les usagers pour qui cela est possible, et de parvenir ainsi à concilier la liberté d’aller et venir des personnes et leur protection.
Si aucune recette miraculeuse ne peut évidemment être donnée, il faut veiller à ne pas poser d’interdictions trop absolues, ou de règles trop strictes, qui seraient attentatoires à la liberté d’aller et venir, y compris pour les sorties tardives ou imprévues qui peuvent inquiéter les équipes ou apporter une contrainte supplémentaire en termes de disponibilité. Encore une fois, l’individualisation stricte des mesures doit être la règle. Chaque fois qu’une mesure de limitation est posée, elle doit être proportionnée et donc graduée.
© Le recours à l’information préalable, formule la moins attentatoire à la liberté d’aller et venir doit être retenue chaque fois que possible. Elle peut-être respectueuse de la vie privée des personnes, comme dans l’exemple ci-dessous :
Î Exemple : Un résident doit s’absenter et prévient du moment présumé de son retour… Il peut déposer à l’accueil une enveloppe cachetée dans laquelle il mentionne où il se rend ou qui on peut joindre en cas de problème…. L’enveloppe est ouverte en cas d’absence au-delà de ce qui est prévu. Elle lui est restituée ou est détruite en cas inverse. Cela contribue à sécuriser tout le monde.
© Pour certains usagers, qui présentent des risques très particuliers (usager qui aurait déjà fait l’objet d’absences inquiétantes par exemple), une demande d’autorisation de sortie peut-être prévue. C’est toujours le cas en ce qui concerne les établissements pour mineurs.
© Dans tous les cas, l’établissement s’efforcera de mettre à disposition les moyens humains nécessaires à l’accueil des personnes souhaitant revenir à l’établissement à des horaires inhabituels (soirée notamment).
Î Exemple : Dans notre établissement, les couchers tardifs ont toujours posé problème faute de moyens humains disponibles (veilleurs de nuit souvent occupés à d’autres tâches), pénalisant le désir de sorties de certains résidents. La solution est venue d’une AMP qui a suggéré de contacter une association de bénévoles, ce qui a permis au moins deux soirées par semaine, de permettre leurs sorties et surtout leurs rentrées tardives.
© Si un usager souhaite sortir en dépit des obligations ou règles contenues dans le règlement de fonctionnement, il peut être envisagé de lui faire signer un document attestant de sa volonté de sortir en violation des règles et contre l’avis de la direction. Rappelons qu’un tel document n’est pas une “décharge“ mais une attestation que l’usager était informé et a agi sciemment en dépit des conseils ou règles donnés.
© La découverte d’une BMR 90 chez un usager justifie-t-elle des mesures d’isolement et lesquelles ?
© Qui doit être informé du “portage“ d’une BMR et par quelle voie ?
© Quelle est la place de l’analyse médicale de la situation pour étayer d’éventuelles mesures préventives ?
La situation évoquée est celle un usager touché par une affection potentiellement contagieuse, et pour lequel les mesures envisagées dépassent les précautions standard ou complémentaires habituelles 91 – y compris le fait de garder sa chambre le temps de l’épisode infectieux - et fait envisager des mesures durables de confinement ou de restriction de circulation au sein de l’établissement.
La situation type est celle de la découverte du portage d’une bactérie multi résistante (BMR) chez un usager.
Bien qu’elle ne fasse pas partie stricto sensu de l’objet du guide “droits – sécurité“ (le risque ne concerne pas l’usager lui-même, mais peut toutefois en concerner d’autres), cette situation est emblématique des restrictions de liberté qui peuvent être imposées pour des motifs de sécurité à défaut d’une analyse approfondie des risques (et des droits de l’usager) et elle est source de nombreuses interrogations des équipes médico-sociales.
Cette situation est par ailleurs souvent à l’origine de pratiques discutables sur la confidentialité des informations de santé, pratiques également basées sur une mauvaise appréciation du risque et sur des peurs non fondées.
90 Bactéries multi-résistantes (aux antibiotiques)
91 Lavage des mains, port de gants ou masque selon le mode de contagiosité, élimination des déchets de soins à risque infectieux, etc.
Sur le plan juridique, rien de spécifique : ne sont acceptables que les mesures de contraintes ponctuelles strictement nécessaires à la réalisation des soins ou dûment justifiées par le risque que l’état de santé de l’usager fait réellement courir à d’autres, professionnels notamment.
Dans un tel cadre, il est particulièrement important de faire la différence entre principes de prévention (qui doit s’appliquer ici mais reposer sur des données objectives) et principe de précaution : Cf. glossaire juridique dans le document princeps 02 de référence du guide.
Il s’agit donc de fonder les décisions sur une évaluation médicale rigoureuse du risque, en écartant les peurs irrationnelles de risques épidémiques ou liées à une sémantique mal maîtrisée : l’expression “multi résistante“ est en effet souvent mal comprise et assimilée à un caractère particulièrement dangereux (pathogène) de la bactérie en cause, alors que ces deux éléments n’ont aucun rapport entre eux.
Ce type de question ne fait pas partie du quotidien et donc de l’expertise de routine des médecins (salariés ou libéraux) intervenant en structure, et il est préférable de s’appuyer sur un avis extérieur (sans pour autant plaquer les solutions proposées, le plus souvent pour le milieu hospitalier, à une structure médico-sociale ou au domicile d’une personne) : service ressource ARS, CCLIN, etc. De nombreuses ressources existent sur Internet et on peut particulièrement citer la récente publication de la société française d’hygiène hospitalière (SF2H) : “Bonne pratique essentiel en hygiène à l’usage des professionnels de santé en soins de ville“, tout à fait adaptée au secteur ambulatoire et donc aux structures médico-sociales (lien direct vers le document).
L’enjeu principal est donc de préserver la liberté d’aller et venir et d’une façon plus générale la vie et la participation sociale de l’usager concerné, en ne posant que les restrictions réellement nécessaires pour éviter la transmission de la bactérie en cause.
Pour ce faire, des éléments de compréhension et de bon sens doivent être rappelés :
© Le terme “multi-résistante“ caractérise le fait que la bactérie en cause ne peut être traitée par les antibiotiques habituels (elle est résistante à de nombreux antibiotiques) ; mais une BMR n’est ni plus contagieuse ni plus pathogène (dangereuse) qu’une autre bactérie.
© Comme pour n’importe quel autre germe, la contagiosité est liée au site de portage dans l’organisme : une BMR urinaire ne va pas vous sauter au visage depuis la vessie du porteur ! Et une bactérie retrouvée sur la peau ne contaminera personne au travers d’un pansement fermé… Il faut raison garder.
© Le diagnostic de BMR est d’ailleurs sauf exception celui d’un portage “sain“, ce qui signifie bien que la bactérie est présente chez le porteur sans entraîner de conséquences pathologiques. Elles peuvent bien sûr être plus dangereuses chez une personne immunodéprimée, mais ni plus ni moins qu’un autre germe.
© Si les BMR sont une question d’actualité en santé publique… c’est parce que leur repérage (dépistage) permet d’éviter des traitements antibiotiques inappropriés qui leur conféreraient une résistance encore plus universelle et donc l’incapacité de les traiter lorsque c’est indispensable. Elles représentent donc d’abord un risque de santé publique (pour la société, l’organisation des soins, leur coût) et non un risque individuel pour les personnes “contact“.
Les précautions qui découlent du diagnostic d’un portage de BMR doivent donc être basées sur ce rationnel et concernent essentiellement l’adaptation des procédures de soins (soins techniques, nursing…) pour les personnes concernées, et seulement à titre exceptionnel des mesures de restriction de déplacement et de participation sociale ; celles-ci ne peuvent être justifiées qu’en cas de transmission aérienne (respiratoire) du germe en cause, ce qui est beaucoup moins fréquent que les portages cutanés ou urinaires par exemple.
Comme pour l’ensemble de ce guide, il ne s’agit pas de stigmatiser des équipes qui ont mis en place des mesures palliatives au mieux de ce qu’elles pensaient pouvoir faire, mais d’expliciter ce qui doit être évité en proposant ci-dessous, chaque fois que possible à partir d’expériences d’autres équipes, des alternatives à ces solutions qu’on ne devrait plus rencontrer ou dont la mise en œuvre doit être sensiblement modifiée.
Le premier contre-exemple ci-dessous peut aujourd’hui prêter à sourire mais certains protocoles proposés en établissement médico-social (comme celui cité dans ce même encadré) sont du même ordre au détriment du droit de l’usager :
MAUVAISES PRATIQUES
© siDa et masque chirurgical : dans les premières années après le début de l’épidémie de SIDA, un malade gravement atteint se trouve hospitalisé en réanimation. L’agent d’entretien chargé de laver le sol de la chambre, pourtant informé des modes de contamination qui sont déjà bien connus, non content de porter un masque chirurgical, retient sa respiration au seuil de la chambre pour donner deux ou trois coups de serpillères et revenir dans le couloir reprendre son souffle avant de recommencer…
© BMR urinaire et confinement en chambre : dans cet établissement, la découverte sur un compte rendu d’hospitalisation du portage urinaire d’une BMR par un résident provoque un mouvement de peur et la mise en place d’un protocole surréel : confinement de l’usager dans son studio, hors sorties à l’extérieur de l’établissement, table à part dans la salle de restauration, étiquetage bien visible sur la porte de sa chambre avec consigne de port de gants jetables pour tous ceux qui y entrent…
Î L’analyse médicale préalable aux décisions doit être documentée et approfondie
Comme cela est expliqué ci-dessus, c’est justement parce qu’il est demandé aux médecins de ne pas tenter de traiter ces BMR en cas de simple “portage“ que d’autres précautions doivent être prises pour éviter leur transmission et leur dissémination. Ainsi, la conduite à tenir dans cette situation doit prendre en compte uniquement le risque réel et le mode de transmission (respiratoire, contact...) à d’autres personnes (usagers, professionnels).
Î Exemple : Portage urinaire d’une BMR : les soignants (IDE, AS, AMP, etc.) qui sont en contact avec ses sécrétions doivent prendre des précautions supplémentaires (en plus des précautions standard) lors des soins ou de l’aide à la vie quotidienne : cela concerne ici essentiellement le circuit d’élimination du linge et déchets de soins.
Î Exemple : Portage cutané d’une BMR (staphylocoque…) à proximité d’une escarre : les précautions supplémentaires, qui ne concernent en pratique que les soins infirmiers, seront une vigilance particulière sur la protection et la couverture de la plaie…
Î Eviter toute stigmatisation et rupture de confidentialité inutile
Dans l’immense majorité des situations, et notamment lorsqu’il n’existe aucun risque de transmission aéroportée, la connaissance du statut de “porteur de BMR“ n’a pas à être divulguée à d’autres personnes que celles ayant, le cas échéant, des précautions supplémentaires à prendre en plus des précautions universelles (lavage des mains, port de gants, etc.).
De ce fait, il n’est pas acceptable de voir dans des établissements médico-sociaux la porte du studio d’un résident placardée d’une mention plus ou moins explicite de contagiosité supposée, ou des stigmatisations indirectes même “opérationnelles“ comme la présence permanente d’un chariot de soins ou de sacs d’élimination du linge ou des déchets de soins spécifiques devant la porte de la chambre.
association des paralysés de france
NB : voir le document d’application thématique 07 pour toutes les questions liées à la consommation individuelle de tabac par un usager et notamment l’aide à cette consommation.
© Dans un lieu de vie collectif, quelles sont les dispositions devant être mises en œuvre pour concilier liberté de fumer et contraintes de sécurité pour les personnels et les biens (dont risque incendie) ?
© En établissement, un résident peut-il fumer dans sa chambre, et à quelles conditions ?
© Quelles sont les règles spécifiques pour les établissements accueillant des mineurs ?
© Quelle protection des personnels contre le tabagisme passif, en établissement ou à domicile ?
Sont abordées ici les questions “institutionnelles“ liées à la consommation de tabac par des usagers : les questions en lien avec le risque santé pour l’usager lui-même de sa propre consommation sont traitées dans le document d’application 07.
Deux enjeux majeurs de sécurité peuvent être dégagés :
© Un enjeu de santé publique : les établissements et services sont en effet tenus du fait même de leur nature de promouvoir et de soutenir les mesures engagées par le gouvernement sur le plan de la santé, notamment pour la prévention du tabagisme passif (autres usagers, personnels, visiteurs).
© Un enjeu de sécurité plus immédiat relatif au risque incendie dans les EMS : En lieu de vie collectif notamment, un certain nombre de dispositions doit donc être mis en place pour concilier liberté de fumer et contraintes de sécurité pour les personnes ou les biens. Pourtant, il ne semble pas rare que les précautions prises ou les mesures préconisées dépassent le cadre des obligations légales et aboutissent à une restriction de liberté pour les usagers fumeurs, tout particulièrement du fait d’une interprétation excessive des textes réglementaires par les commissions de sécurité, entérinée par les équipes médico-sociales, conduisant à des atteintes disproportionnées aux libertés et aux droits élémentaires (ex : disposer d’un briquet dans sa chambre).
Plusieurs cas de figure sont développés afin de différencier le cadre juridique qui s’applique et l’engagement des responsabilités :
© Le fait de fumer dans les lieux à usage collectif ;
© Le fait de fumer dans les lieux à usage privatif² ;
© Le cas spécifique des mineurs et des établissements pour enfants ;
© L’intervention des professionnels dans une chambre/un domicile de fumeur.
L’interdiction de fumer dans les espaces à usage collectif 92 s’étend sans aucun doute aux personnes hébergées dans les établissements médico-sociaux. Leurs usagers ne sont donc pas autorisés à fumer dans les locaux affectés à l’ensemble des personnes (usagers et salariés). Il s’agit notamment des lieux d’accueil, de réception, salles de restauration, espaces de repos, lieux de passage, toilettes communes, salles de réunions, etc. De même, il est interdit pour les usagers de fumer dans les moyens de transport collectif : véhicules de la structure, véhicules des salariés, taxis, véhicules scolaires, etc.
Il y a lieu de veiller strictement à ce que l’interdiction de fumer soit bien respectée dans tous ces lieux qui constituent des lieux collectifs. Si l’établissement a mis en place des emplacements réservés aux fumeurs, les usagers seront toutefois tout à fait libres de s’y rendre 93. Il s’agit non d’une obligation mais d’une faculté laissée à la discrétion du directeur. Toutefois, si le directeur fait le choix de mettre en place ces espaces, il est fortement recommandé que l’espace fumeur ainsi créé soit abrité et accessible afin que les usagers dépendants puissent sans difficulté aller fumer seuls aux abords extérieurs des bâtiments.
La personne hébergée en établissement médico-social (pour adultes) est autorisée à consommer du tabac dans sa chambre, cette dernière étant considérée comme un espace privatif (cf. guide princeps 02 de référence : statut de la chambre de l’usager). En témoigne notamment la circulaire du 12 décembre 2006 94
92 Posée par l’ordonnance n° 2006-596 du 23 mai 2006 (codifiées L.3511-7 du code de la santé publique), et précisée par le décret n° 2006-1386 du 15 novembre 2006. A noter que l’interdiction de fumer dans les lieux collectifs doit faire l’objet d’une signalisation apparente (cf. article R. 3511-6 du code de la santé publique), de même que le numéro de la plate-forme téléphonique « tabac info-service » : 0825-309-310 (0,15 euros la minute) doit être affiché dans les emplacements prévus pour l’information des usagers et celles des professionnels.
93 Pour plus de précisions sur le sujet, voir circulaire tabac – interdiction de fumer dans les lieux affectes a un usage collectif du 13/02/2007 Réf. PR-PRH/AE-DDSC-NN/03-07.
94 Circulaire en date du 12 décembre 2006 relative à la lutte contre le tabagisme dans les établissements sociaux et médico-sociaux assurant l’accueil et l’hébergement mentionnés aux 6, 7, 8 et 9 du I de l’art. L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles qui dispose que : « Le mot établissement s’entend comme tout lieu collectif où sont réalisées des prises en charge sociales et médico-sociales. Elle [la circulaire] vise, d’autre part, à rappeler que la personne hébergée ou le résident est autorisé à consommer du tabac dans sa chambre, cette dernière étant considérée comme un espace privatif ». « Enfin, bien que les gestionnaires et les responsables d’établissements soient tenus d’assurer la protection individuelle et collective des personnes hébergées ou des résidents, l’interdiction de fumer ne s’étend pas à leur chambre. En effet, la chambre doit être assimilée à un espace privatif. Toutefois, pour se prémunir contre le risque d’incendie, le règlement de fonctionnement de l’établissement fixera les recommandations à observer liées à l’autorisation de fumer dans les chambres et édictera une interdiction formelle de fumer dans les lits. Dans l’hypothèse de chambres collectives, il appartiendra aux responsables d’établissements de prendre les mesures nécessaires pour regrouper dans la mesure du possible les personnes hébergées ou les résidents consommateurs de tabac. Dans le cas où, dans la même chambre, un des occupants s’opposerait à la consommation de tabac, aucune autorisation ne pourrait être accordée à l’autre ou aux autres occupants. Dans tous les cas, les établissements concernés par la présente circulaire devront, par tous moyens utiles, informer, préalablement à leur admission, les futurs hébergés ou résidents des règles qui y sont applicables en matière de consommation de tabac ».
Au regard de cette circulaire et de la jurisprudence concernant le statut de la chambre de l’usager, la chambre d’un résident doit être considérée comme une extension de son domicile, et à ce titre, aucune interdiction absolue de fumer dans les chambres ne peut être formulée. La seule limite existante étant une interdiction formelle de fumer dans les lits.
Au regard de la loi, l’interdiction de fumer s’applique dans les établissements destinés à l’accueil et à la formation ou l’hébergement des mineurs. L’interdiction est ainsi totale : interdiction de fumer dans les espaces couverts, dans les espaces extérieurs, dans les chambres et aucune possibilité de créer un espace dédié.
Subsiste toutefois une incertitude juridique concernant les jeunes majeurs (au-delà de 18 ans) qui continuent à être accueillis dans des établissements pour mineurs et qui théoriquement devraient pouvoir avoir le droit de fumer dans leur chambre. Une interprétation stricte du texte peut conduire à dire que l’obligation concerne les établissements « pour mineurs », peu importe donc que les mineurs puissent en réalité être des majeurs : le statut de l’établissement primerait a priori sur la « majorité » de la personne et donc sur son droit individuel à fumer dans sa chambre. Aucune décision n’ayant jamais tranché dans un sens ou dans l’autre, l’incertitude persiste et il convient de s’en tenir par précaution à l’interprétation stricte du texte (interdiction totale).
La question qui se pose ici est celle de la conciliation entre la protection des salariés intervenant auprès des usagers et la liberté de fumer des personnes tant dans leur chambre qu’à leur domicile. La pierre d’achoppement réside ici dans le fait que le lieu de travail du professionnel est également et dans le même temps le domicile de la personne. S’opposent donc le droit du salarié à refuser de travailler dans des conditions de travail qui mettent sa santé en danger et le droit de l’usager à fumer chez lui (ou dans sa chambre).
© s’agissant du droit de l’usager, si on s’appuie sur les conditions cumulatives justifiant une interdiction de fumer, à savoir qu’il doit s’agir d’un lieu « fermé et couvert » et « d’un lieu affecté à un usage collectif » le domicile, lieu privé par excellence, ne remplit pas ce dernier critère et ne peut faire l’objet d’une interdiction de fumer. L’usager est donc parfaitement en droit de fumer chez lui. De même, au regard des développements précédents l’usager qui fume dans sa chambre dispose des mêmes droits.
© De son côté, le salarié peut-il refuser d’intervenir (se prévaloir de son droit de retrait) auprès d’un usager au motif que ce dernier fume et que ses conditions de travail s’en trouveraient détériorées ou dangereuses pour sa santé? L’article L. 4131-1 du code du travail dispose que :
« Pour pouvoir se retirer légalement d’une situation de travail, le salarié doit avoir un motif raisonnable de penser qu’il encourt un danger grave et imminent pour sa santé ».
Le droit de retrait est ainsi normalement “réservé“ à des situations exceptionnelles et nécessitant une réponse urgente. Si au regard de cette définition, il n’est pas certain que le droit de retrait puisse être invoqué dans ce genre de cas, l’employeur est toutefois tenu d’une obligation de sécurité de résultat vis-à-vis de ses salariés en ce qui concerne leur protection contre le tabagisme dans l’entreprise, et la violation de la réglementation anti-tabac peut constituer un grief opposable à l’employeur dans le cadre d’une prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié 95 Il est donc nécessaire de trouver une réponse concertée entre les différents acteurs et de parvenir à une conciliation (voir recommandations).
MAUVAISES
PRATIQUES
Si la prévention des conséquences du tabac est devenue une priorité de santé publique, il s’agit de parvenir à conjuguer la liberté individuelle des personnes de fumer et le droit à la protection de la santé et de la sécurité de chacun.
Comme pour l’ensemble de ce guide, il ne s’agit pas de stigmatiser des équipes qui ont mis en place des mesures palliatives au mieux de ce qu’elles pensaient pouvoir faire, mais d’expliciter ce qui doit être évité en proposant ci-dessous, chaque fois que possible à partir d’expériences d’autres équipes, des alternatives à ces solutions qu’on ne devrait plus rencontrer ou dont la mise en œuvre doit être sensiblement modifiée :
© Interdiction de fumer dans le lieu de vie privatif (et pas seulement dans le lit) par “précaution“ ;
© Non-respect de l’interdiction de fumer dans un établissement pour mineurs ;
© Limitation d’accès aux espaces fumeurs (accessibilité, besoin d’aide, emplacements) et/ou refus d’aide, attente du bon vouloir d’un aidant.
3.3.1 R E comman DaT ions G éné R al E s
De façon globale, il s’agit pour les directions de structures médico-sociales de mettre en œuvre :
© Un plan d’action d’information et de sensibilisation concernant les méfaits du tabac ;
© Une signalisation concernant les interdictions de fumer dans les espaces collectifs ;
© Un accompagnement des fumeurs à long terme.
Il est donc important que la structure ait à sa disposition des informations sur le tabac, ses effets, et les différents moyens de sevrage, ou puisse s’appuyer sur des ressources et expertises extérieures vers lesquelles orienter les intéressés (consultation de tabacologie, addictologie, etc.).
Le projet personnalisé doit formaliser le fait qu’un usager souhaite diminuer ou arrêter le tabac, indiquer les modalités souhaitées, prévoir les situations d’échec ou de “manque“.
© Intégrer dans le règlement de fonctionnement un chapitre détaillé sur les autorisations et les interdits dans ce domaine en respect avec la législation, dont la vie en collectivité.
© suR lE RisquE incEnDiE
• Ecrits de la loi 2002-2 : il est obligatoire de préciser, dans le règlement de fonctionnement, l’ensemble des recommandations liées aux consignes de sécurité qui accompagnent la possibilité de fumer dans les chambres. Des sanctions peuvent également y être prévues pour les usagers qui refuseraient de se plier aux règles. Ces informations peuvent également être rappelées, de manière plus succincte, dans le livret d’accueil et dans le projet d’établissement.
• s’agissant des règles de sécurité incendie, que les usagers fument ou ne fument pas, les dispositifs qui doivent être mis en place sont strictement les mêmes. Il est ainsi nécessaire de disposer d’un système de détection, d’un dispositif d’isolement, et d’un plan de formation du personnel. Des mesures simples peuvent être associées, comme encourager pour les fumeurs l’usage de briquets non rechargeables pour éviter le stockage de combustibles et éviter leur manipulation (risque incendie).
• o bligations ERP : selon le type d’ERP auquel correspond l’établissement (type J ou type U s’agissant du secteur médico-social), les obligations ne sont pas les mêmes 96. Il appartient dans tous les cas aux commissions de sécurité de déterminer et d’informer les établissements de leurs obligations et de veiller à leur mise en place (en restant vigilant sur d’éventuelles interdictions abusives de ces commissions) 97
3.3.2 s u R l E TabaG ism E Passif subi ou RE fusé Pa R un PR of E ssionn E l su R l E li E u DE vi E PR ivaT if DE l’usaGER (chamb RE E n E ms , D omicil E ) Il faut éviter d’être confronté à un refus pur et simple d’intervention d’un professionnel auprès de la personne d’une part, à un refus de toute conciliation de l’usager d’autre part. La solution doit résulter d’une négociation avec l’usager, l’enjeu étant de trouver un compromis afin de permettre l’intervention du salarié dans les meilleures conditions possibles, en ayant recours le plus possible à des salariés fumeurs et volontaires.
Ex emple : ne pas fumer pendant l’intervention des professionnels, ou ne fumer que sur balcon ou terrasse, aérer sa chambre ou le lieu de l’intervention le temps nécessaire avant l’intervention…, opter pour la cigarette électronique (vapotage) au moins pendant les périodes d’intervention, etc.
Les établissements ou services peuvent également inscrire au sein du livret d’accueil, et même du contrat de séjour, ce type de “règles“ qui ne sont a priori rien d’autres que des règles de savoir-vivre…
3.3.3 s u R la mis E E n P lac E DE s E m P lac E m E n T s fum E u R s Sur ce point, la note produite par l’APF en 2007 98 concernant le tabac précise que « L’APF souhaite que la mise en place d’emplacements fumeurs (lorsque cela n’est pas interdit par la réglementation) se fasse dans une concertation entre les différents acteurs présents, professionnels et usagers, en respectant les procédures de consultations spécifiques aux uns et aux autres. Le décret du 15 novembre. 2006 réaffirme l’importance de ce dialogue social entre les différents acteurs. Ce dialogue doit, certes, permettre de réaliser les aménagements nécessaires à la mise à disposition éventuelle d’un local “fumeurs“, mais il doit aussi être l’occasion de mener une réflexion plus large sur l’ensemble des questions d’organisation et de fonctionnement de la structure (conditions du travail des professionnels, installation éventuelle d’un fumoir, signalétique, conditions de travail...) et d’accompagnement des fumeurs désireux d’arrêter de fumer ».
96 Arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public (ERP).
97 Les commissions de sécurité et d’accessibilité ont un rôle consultatif. Leurs avis ne sont que des mesures préparatoires aux décisions des autorités de police. Les commissions de sécurité ont pour fonction essentielle de donner un avis lorsque leur intervention est prévue pour l’application des réglementations dans le cadre de la sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les ERP. La commission rend un avis sous forme d’un procès-verbal de réunion ; il appartient alors au maire de prendre une décision ayant valeur d’acte administratif. Cet acte, accompagné du procès-verbal de la commission, doit être motivé et notifié à l’exploitant par voie administrative ou par lettre recommandée avec accusé de réception. Ce n’est jamais l’avis de la commission qui s’impose à l’exploitant mais la décision du maire. En cas d’avis qui semblerait contraire aux dispositions légales, il est possible de faire un recours pour excès de pouvoir contre l’acte administratif qu’est la décision du Maire.
98 Tabac – Interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, Pôle Réseau – Pôle Ressources humaines, 13 fév. 2007. Gestion documentaire APF
association des paralysés de france le droit des usagers au
Les questions auxquelles le présent document d’application tente de répondre sont les suivantes :
© A-t-on le droit de restreindre la consommation de tabac d’un usager dépendant “pour son bien“ ?
© Le tabac présentant un risque pour la santé, est-on responsable et de quoi si on l’aide à se procurer du tabac et/ou à fumer ?
© Si c’est sa demande, comment peut-on aider à réguler sa consommation ? A arrêter de fumer ?
© Comment donner une information pertinente aux usagers sur les dangers du tabac ?
© Un tuteur peut-il interdire au majeur protégé de fumer ?
La thématique abordée par ce document d’application concerne la liberté d’un usager de fumer du tabac au regard du risque que cela présente pour sa propre santé. Les questions posées par l’usage du tabac en collectivité, qu’il s’agisse de tabagisme passif pour des tiers ou de sécurité incendie, sont traitées dans le document d’application thématique 06.
Fumer du tabac est en France à la fois déconseillé et parfaitement légal ; il s’agit donc pour les usagers majeurs non seulement de l’expression d’un désir mais d’un droit absolu, dès lors qu’ils ont des moyens financiers de se procurer du tabac.
En dehors des questions liées au tabagisme passif et à la sécurité incendie qui sont traitées ailleurs, le cadre juridique sera donc celui de l’opposition entre une incitation et des conseils pour diminuer ou cesser la consommation de tabac “dans l’intérêt de la santé de l’usager“, et le refus de tout ou partie de ses conseils par l’intéressé. On est donc dans un cadre similaire à celui du consentement ou du refus des soins (ici : préventifs) par un usager (L1111-5 du CSP) :
© Obligation pour les professionnels de santé d’informer la personne des conséquences de son choix, de lui proposer une aide pour diminuer ou arrêter sa consommation, de renouveler régulièrement cette information et les conseils au bénéfice de sa santé, de consigner le refus de l’intéressé dans le dossier médical ;
© Respect absolu de la volonté de l’intéressé et, pour les personnes dépendantes, apport d’une aide entrant dans le cadre de l’aide à la vie quotidienne.
Î L’aide apportée à un usager désirant fumer (acheter, aider l’achat, aider à fumer)
Dès lors qu’on ne peut interdire à quelqu’un de fumer dans son espace privatif (qu’il s’agisse de sa chambre ou de son domicile) hors circonstances particulières (cf. document d’application 06), invoquer la dangerosité ou les méfaits de la cigarette comme motif pour refuser d’accompagner une personne aux fins d’acheter des cigarettes ne peut pas constituer un motif légitime de refus, dès lors que l’activité d’aide à la vie quotidienne et à la vie sociale sont bien des missions de l’établissement ou du service.
Rien n’interdit d’aider à fumer du tabac une personne qui ne serait pas en mesure de le faire ellemême. La seule limite est que le professionnel qui le souhaite soit lui-même protégé du tabagisme passif. Cela peut impliquer de rechercher des solutions pour n’avoir qu’à allumer la cigarette de l’usager et non rester auprès de lui pendant sa combustion (ex : porte cigarette adapté).
Dans ce genre de situations, il est important de conserver des traces des échanges et des décisions qui sont prises et de privilégier l’outil qu’est le projet personnalisé. Comme pour le refus des soins, mettre en place une procédure formalisée d’information et de prise d’acte peut être intéressant dans ces cas pour lesquels il existe un vrai risque pour la santé de la personne.
a noter qu’aucune décision de justice n’a jamais été rendue :
• Ni sur l’engagement de la responsabilité d’un médecin qui n’aurait pas « réussi » à faire en sorte qu’un patient arrête de fumer et qui serait éventuellement décédé des suites de sa consommation de cigarette.
• Ni sur l’engagement de la responsabilité d’un professionnel au titre d’un empoisonnement au cas où ce dernier aurait aidé un usager à fumer une cigarette.
Î Interdiction posée par le représentant légal d’un majeur protégé (tutelle)
Demander à fumer du tabac n’est pas seulement l’expression d’un désir mais aussi celui d’un droit, même si c’est nocif pour sa santé et que “l’interdiction“ posée par un tuteur peut être “comprise“ comme visant l’intérêt de la personne protégée.
Ainsi, le tuteur (d’un majeur protégé) n’est pas a priori fondé à refuser l’argent nécessaire à la consommation de tabac. Il ne décide pas pour la personne, mais exerce son droit à elle de décider ce qui en pratique peut être très proche mais reste, dans le principe et le droit, fondamentalement différent.
MAUVAISES PRATIQUES
L’enjeu essentiel est la préservation ou la restauration d’une liberté (celle de fumer) dont l’exercice peut être jugé contraire à l’intérêt de son bénéficiaire. Mais pas plus qu’il ne viendrait à l’esprit de quiconque de priver une personne ayant l’usage de ses bras et son argent de fumer, l’accompagnement des personnes en situation de handicap ou de dépendance ne saurait déboucher sur “l’utilisation“ de cette dépendance pour contraindre une personne à renoncer à son désir et à son droit de fumer du tabac.
En pratique, les professionnels peuvent être confrontés à des situations plus complexes (intervention d’un tiers (tuteur, proche), position médicale “rigide“, etc.) ou se poser des questions d’engagement de leur responsabilité dans l’aide apportée à un acte “nocif“, par méconnaissance du cadre légal qui reste celui du droit absolu de consommer un produit licite d’une part, de refuser des préconisations médicales d’autre part.
Comme pour l’ensemble de ce guide, il ne s’agit pas de stigmatiser des équipes qui ont mis en place des mesures palliatives au mieux de ce qu’elles pensaient pouvoir faire, mais d’expliciter ce qui doit être évité en proposant ci-dessous, chaque fois que possible à partir d’expériences d’autres équipes, des alternatives à ces solutions qu’on ne devrait plus rencontrer ou dont la mise en œuvre doit être sensiblement modifiée :
© Limitation d’accès aux espaces fumeurs (accessibilité, besoin d’aide, emplacements) et/ou refus d’aide, attente du bon vouloir d’un aidant.
© “Pression“ à cesser de fumer telle que des tentatives d’arrêt deviennent quasi obligatoires.
© Confiscation des cigarettes ou mise à disposition au compte-goutte pour “aider“ un usager à réduire sa consommation malgré lui, hors problématique financière (usager n’ayant pas suffisamment d’argent pour acheter la quantité voulue).
© Non accès à l’information, à l’éducation à la santé, aux moyens d’aide au sevrage ou aux alternatives (cigarettes électroniques).
© Refus d’un professionnel d’aider un usager à gérer ses cigarettes à sa demande (pour motif « déontologique », professionnel de santé notamment).
© Refus d’aider une personne à fumer en raison d’une interdiction médicale alors que l’intéressé a refusé cette préconisation et souhaite continuer à fumer.
3.1.1 i nfo R m ER su R l E s Dan GER s D u Tabac ET PR o P os ER un E ai DE P ou R a RR ê TER DE fum ER
Il appartient aux soignants et particulièrement au médecin (de la structure le cas échéant), d’informer la personne des risques qu’elle encourt en continuant sa consommation de tabac, mais également de lui présenter les différents dispositifs d’aide d’arrêt du tabac.
Si la personne souhaite au terme de ces échanges entreprendre une telle démarche, il appartiendra aux équipes de la soutenir (dans la limite de ce que prévoit leur accompagnement) et de mettre en place les actions d’éducation à la santé, l’accès aux ressources externes facilitatrices (consultations de tabacologie, etc.).
Si sa démarche, ou ce que la personne accepte, n’est pas un arrêt mais une limitation de la consommation de tabac, que cela soit pour des considérations de santé et/ou des préoccupations économiques (coût du tabac pour des personnes ne disposant souvent que de très faibles revenus), et qu’elle souhaite être aidée pour cela, cette aide entre bien sûr dans l’accompagnement médico-social et doit lui être proposée.
Toutefois, si les mesures envisagées et négociées avec l’intéressé consistent à gérer pour lui son stock de cigarettes et/ou à ne les lui fournir qu’au compte-gouttes ou selon un rythme ou à des horaires convenus, il faut prêter une particulière attention à ce qu’un tel dispositif – assez fréquemment utilisé en établissement – ne glisse pas insidieusement vers un contrôle par un tiers de la consommation sans que le consentement de l’intéressé ou sa demande initiale ne reste le vrai motif de la procédure ainsi mise en place.
3.1.2 R E m ETTRE E n PER s PE cT iv E l E “ RE fus“ D ’un T u TE u R P ou R RE s PE cTER l E souhai T D u maj E u R PR oT é G é
On l’a vu, dans le cadre juridique dans lequel s’exerce la protection juridique, le tuteur n’a “pas le droit“ d’empêcher la consommation de tabac qui relève d’une liberté personnelle.
Toutefois, même si cela peut lui être rappelé, l’enjeu dans les situations concrètes sera plus souvent de ne pas opposer le droit (de la tutelle) mais de tenter de convaincre le tuteur de laisser le majeur protégé exercer sa liberté comme tout un chacun pour aboutir à une bonne pratique tout en nuances comme dans l’exemple ci-dessous :
Î Exemple au FAM de Douvres-la-Délivrande :
Le frère de M P. qui est également son tuteur refusait de donner de l’argent pour qu’il puisse s’acheter des cigarettes. Nous l’avons rencontré en compagnie de M. P Nous lui avons expliqué :
• Que la demande de M. P était légitime car non prohibée par la loi,
• Que nous étions également là pour aider M. P à gérer sa consommation, pour l’aider à la limiter,
• Que ce dernier était d’accord pour limiter sa consommation dans une fourchette que nous avons négociée ensemble,
• Qu’il était convenu avec lui que, comme pour les autres résidents, nous lui proposerions régulièrement de l’aider à arrêter cette consommation.
Le frère de M. P nous a expliqué ses craintes pour la santé de son frère mais il a compris le sens et accepté notre démarche.
3.1.3 Toujou R s RE s PE cTER l E RE fus DE la PER sonn E ET P ou R suiv RE l’accom PaG n E m E n T
Le tabac représentant un danger potentiel pour le consommateur lui-même, les professionnels sont invités tout d’abord à tenter de convaincre et d’accompagner la personne dans un programme de sevrage ou de réduction de la consommation. Toutefois, si la personne refuse tout traitement et exprime expressément sa volonté de continuer à fumer, un professionnel n’a pas à empêcher la personne de le faire et doit, par voie de conséquence, l’aider à fumer.
Cette aide entre dans le cadre de l’aide à la vie quotidienne et l’APF recommande fortement que, tout étant fait pour protéger le salarié du tabagisme passif, tout soit fait pour aider une personne qui maintient son souhait de se procurer et de consommer du tabac. Il serait d’une violence inqualifiable “d’utiliser“ la dépendance d’une personne en situation de handicap pour l’empêcher d’adopter un comportement librement permis à des millions de concitoyens.
Il n’est en aucun cas possible d’interdire à une personne de consommer du tabac ou de lui imposer un sevrage tabagique. Un médecin ne peut prescrire contre l’avis de son patient et, de son côté, le fumeur ne peut se le voir imposer quand bien même cela serait nécessaire au regard de son état de santé, et ce conformément aux dispositions de l’article L 1111-4 du code de la santé publique. Voir encadré ci-dessous, expérience d’une équipe médico-sociale.
Î Témoignage de l’équipe du SAMSAH de Nice :
Nous avons accompagné au SAMSAH M.X dans son retour à domicile suite à un AVC invalidant. Cet accompagnement s’est effectué jusqu’à son décès soit sur une durée de 3 ans. M. X avait gardé de son AVC des séquelles motrices marquées par une hémiplégie gauche et un épisode dépressif majoré par son état de santé. Cet AVC s’inscrivait dans un contexte pluriel. En effet M. X souffrait d’une bronchopathie chronique obstructive post tabagique sur antécédents de néoplasie pulmonaire. Il semblait également avant son AVC avoir des difficultés à prendre soin de lui comme suivre l’observance de son traitement, se rendre à des consultations médicales…
De retour à son domicile, M.X a repris sa consommation de tabac, refusait l’oxygénation recommandée, s’alimentait peu.
Bien entendu l’équipe a déployé toute son énergie et sa créativité pour l’informer des risques et conséquences de ces comportements sur sa santé mais sans succès. La difficulté pour nous était de s’assurer que la dépression dont il souffrait et d’éventuelles séquelles cognitives ne venaient pas parasiter sa compréhension et influencer ses décisions. Dans cette idée un bilan neuropsychologique a été réalisé écartant la présence de troubles cognitifs (mémoire, concentration, langage). Il fallait se décentrer et éviter de se focaliser sur ce qui apparaissait comme une conduite à risque.
L’équipe médicale a tenté de développer avec lui une autre vision des soins notamment en prenant en compte son angoisse à se rendre à ses différentes consultations médicales. Aussi celles-ci ont pu être préparées en amont et accompagnées. Un temps de reprise des informations reçues étaient également effectué au domicile de Monsieur ou en extérieur.
Parallèlement à la coordination des soins médicaux, l’équipe a décidé de mettre ainsi l’accent sur sa reconstruction identitaire en luttant contre les différents éléments dépressifs et en développant son lien social. Cela s’est concrétisé par la mise en place d’une auxiliaire de vie, déménagement et aménagement dans un logement adapté, aide administrative, acquisition d’un FRE, sorties et activités éducatives (cuisine, activités sportives et de loisirs adaptées comme la musculation, course, tir sportif), travail thérapeutique régulier avec la psychologue, balnéothérapie. Cet accompagnement personnalisé a permis de diminuer l’état dépressif en soutenant son estime et sa confiance en lui.
Le lien avec l’équipe se renforçant, les messages passaient mieux, un peu plus d’oxygène, peutêtre même un peu moins de tabac mais surtout la conviction qu’il s’agissait d’un choix de vie qui pour nous se précisait, un choix éclairé, une « prise de risque » décidée et mesurée.
Nous l’avons accompagné quotidiennement ou presque quand son état de santé s’est dégradé nécessitant d’adapter l’accompagnement à ses nouveaux besoins. M. X a finalement accepté
d’être hospitalisé un temps. Nous avons pu « négocier » avec lui et le service hospitalier un temps d’investigations plus long et ainsi plus poussé. Des solutions alternatives comme le passage d’une auxiliaire de vie la nuit ont été évoquées avec lui afin de permettre son maintien à domicile dans les meilleures conditions de sécurité. Un maximum de confort, un minimum de mise en danger jusqu’à son décès.
La désignation d’une personne de confiance et ses directives anticipées n’ont pu être obtenues par l’équipe. Ces décisions complexes étaient difficiles à prendre pour Monsieur. Il lui a été difficile de se positionner même s’il lui est arrivé de s’exprimer sur ce thème à quelques occasions. L’accompagnement en a été marqué par un refus de prise de position claire et formalisée à ce sujet, même s’il a souvent déclaré qu’il ne souhaitait pas d’acharnement thérapeutique. Lorsque son état de santé s’est fortement dégradé nécessitant une dernière hospitalisation en urgence, rien n’avait été acté. Il n’avait pas revu son frère depuis 2 ans, un très long entretien avec l’infirmier a permis la restauration du lien et une dernière visite où il a pu exprimer son souhait. La collaboration et le partage d’information (toujours en accord avec lui) avec l’équipe hospitalière les a préparé à entendre la décision de M. X lorsqu’encore conscient il a repoussé les soignants provoquant l’arrêt de la réanimation.
Nous n’avons pas obtenu l’arrêt du tabac, nous n’avons pas réussi à le convaincre de respecter la prescription d’oxygène, ni de formaliser des directives anticipées mais nous avons le sentiment d’avoir dans le respect de ses choix et de ses décisions « pris soin de lui ».
le droit des usagers au risque des enjeux de sécurité
association des paralysés de france
Les questions auxquelles le présent document d’application tente de répondre sont les suivantes :
© Peut-on mettre des boissons alcoolisées à disposition des usagers d’un établissement ?
© Quelles règles de vie collective peuvent interférer avec la liberté de consommer de l’alcool ?
© Peut-on interdire complètement l’alcool dans un établissement ? Dans la chambre des résidents ?
© Comment mener des actions de prévention ou de sensibilisation sur les dangers de l’alcool, quelles ressources externes mobiliser ?
© Une structure médico-sociale a-t-elle pour mission la prise en charge en addictologie d’un usager ?
© Peut-on interdire ou limiter (“réguler“) la consommation d’alcool d’un usager parce qu’elle est excessive ou “mauvaise pour sa santé“ ?
© Engage-t-on sa responsabilité en aidant un usager à se procurer ou à consommer de l’alcool, ou est-ce que cela entre dans l’aide à la vie quotidienne ?
© Que faire si un usager refuse la contre-indication du médecin relative à sa consommation d’alcool ?
La thématique abordée par ce document d’application est celle des tensions liberté / sécurité que peut générer la consommation d’alcool, dans un cadre collectif ou à titre individuel et privé, et l’engagement éventuel de responsabilité des professionnels notamment lorsque l’usager :
© Présente un risque de santé en lien avec cette consommation : contre-indication médicale, consommation excessive, addiction, etc.
© Est dépendant d’une aide pour assurer cette consommation.
© Présente un comportement-problème en lien avec cette consommation.
NB : Les questions relatives à l’interférence entre consommation d’alcool et conduite d’un fauteuil roulant sont traitées dans le document d’application n° 03.
S’il existe de nombreux textes qui abordent la question de la consommation de tabac (du fait du risque de tabagisme passif), la consommation d’alcool est un sujet bien moins règlementé. Les textes sont ainsi muets sur la question de l’alcool en établissement médico-social.
Rappel :
© s’agissant des établissements pour mineurs :
Il est interdit de mettre de l’alcool à disposition des mineurs. De même que toute possession et/ou consommation « cachée » d’alcool pourra être sanctionnée (sanctions à prévoir dans le règlement de fonctionnement). Cependant, une fois ce principe énoncé, on sait que dans la vraie vie et pour des établissements accueillant des adolescents, le caractère binaire de la réglementation (mineur/majeur) n’est pas spontanément opérationnel. C’est pourquoi, tout en rappelant cette interdiction de principe posée par la loi, on pourra sans doute s’inspirer de certains éléments décrits ci-dessous pour les usagers majeurs.
© s’agissant des établissements pour adultes :
Au regard des développements précédents, et notamment du statut de la chambre de l’usager, la personne, est par principe libre de “stocker“ de l’alcool dans sa chambre ou son studio et a fortiori, d’en consommer. Cela n’exclut pas de l’encourager à limiter ce stockage à des proportions mesurées.
La consommation d’alcool et, dans certains cas, une consommation excessive ou l’addiction à ce produit des personnes accueillies en établissement médico-social ou accompagnées à domicile, représente un vrai sujet auquel peuvent se trouver confrontées les équipes.
La régulation de la consommation d’alcool n’est pourtant pas évidente, au regard notamment d’une absence de cadre juridique précis. Sans interdire l’alcool en établissement, comment parvenir à éviter les cas de consommation excessive et les risques que cela peut engendrer, notamment pour des personnes pour qui le risque est accru du fait de l’association médicament/ alcool ?
Encore et toujours, il s’agira de gérer la contradiction entre le respect de la liberté de la personne accueillie ou accompagnée et l’obligation d’assurer sa sécurité, voire celle de l’entourage en cas d’ivresse ou de comportement inadapté induit par l’alcool.
le cap à tenir, notamment en collectivité (établissement), est marqué par deux types d’écueils :
© Comme pour tout comportement à risque (ex : tabac), atteindre au droit des personnes en “utilisant“ leur dépendance physique pour les obliger à adopter le comportement attendu “pour leur santé“ ;
© Ou à l’inverse aboutir par laxisme à une forme d’incitation à la prise de risque ou au maintien d’une dépendance à l’alcool.
Si certaines mesures font appel à l’organisation collective dans le cadre du projet d’établissement (ex : choisir de mettre ou non à disposition du vin à table, informer ou sensibiliser sur le sujet…), l’essentiel se jouera dans la personnalisation de l’accompagnement proposé et du respect du libre choix des personnes.
Î Deux types de situations peuvent nécessiter une régulation ou une intervention :
© les troubles du comportement induits par l’alcool dans l’espace collectif :
Tant que cette consommation n’impacte ni le collectif ni les conditions d’intervention des professionnels, il n’y a pas lieu d’intervenir pour réguler cette consommation, hors demande de l’usager lui-même notamment pour une aide au sevrage ou à la réduction.
S’agissant de cas d’ivresses “ponctuelles“, il appartient au directeur de l’établissement d’inscrire au sein du règlement de fonctionnement, comme pour la cigarette, qu’il est nécessaire d’adopter un comportement civique et de ne pas être en situation d’ébriété au sein de l’établissement. Il est également possible de prévoir d’éventuelles sanctions en cas d’atteintes aux règles. Rappelons que le règlement de fonctionnement ne peut pas interdire ce que la loi autorise et, par exemple, ne peut en aucun cas interdire toute consommation d’alcool dans l’établissement ou dans l’espace privatif que sont les chambres.
Il en est de même lorsque le collectif se trouve affecté par les comportements abusifs et chroniques d’usagers consommateurs excessifs et dépendants à l’alcool : incivilités, violence, détérioration du matériel, nuisances sonores etc. Une action concertée avec le médecin ou les soignants est alors encore plus indispensable.
MAUVAISES PRATIQUES
© le risque pour la santé de l’usager lui-même en raison de sa consommation d’alcool.
Lorsque la consommation d’alcool entraine ou risque d’entraîner une détérioration sérieuse de l’état de santé et une mise en danger de l’usager lui-même, il appartient au médecin de l’établissement ou du service, en lien avec le médecin traitant et les autres intervenants médicaux choisis par l’usager :
• D’informer celui-ci des risques que sa conduite entraine sur sa santé, notamment s’il y a cumul avec d’autres risques (ex : épilepsie) ou des traitements en cours,
• De proposer un accompagnement médical adapté pour tenter de réguler voire d’arrêter la consommation,
• D’analyser les interactions possibles entre le traitement médicamenteux et la consommation d’alcool et de (faire) adapter ces traitements à cette réalité si elle ne peut être modifiée.
Comme pour l’ensemble de ce guide, il ne s’agit pas de stigmatiser des équipes qui ont mis en place des mesures palliatives au mieux de ce qu’elles pensaient pouvoir faire, mais d’expliciter ce qui doit être évité en proposant ci-dessous, chaque fois que possible à partir d’expériences d’autres équipes, des alternatives à ces solutions qu’on ne devrait plus rencontrer ou dont la mise en œuvre doit être sensiblement modifiée :
© Mettre systématiquement à disposition de l’alcool sur les tables alors que certains font des efforts pour s’abstenir
© Refuser de servir un usager au motif qu’il boit trop, ou que ce n’est “pas bon pour lui“
© Ne pas autoriser la conservation d’alcool dans le lieu de vie (usagers majeur)
© Refuser d’accompagner un usager pour acheter de l’alcool
© Etablir (et afficher) une liste des usagers pour qui le médecin contre-indique l’alcool
3.3.1
Î S’appuyer sur des ressources et expertises externes
Travailler en réseau est toujours utile, et c’est impératif dès que la situation est celle d’une dépendance avérée, ou qu’il faut entreprendre un accompagnement de type sevrage, à domicile comme en établissement. Qu’il s’agisse de supports d’information (pour les usagers, pour les professionnels) ou de recours à des acteurs spécialisés dans le champ de l’addictologie (cf. encadré ci-dessous).
Î Informer et éduquer à la santé
L’information porte sur la consommation (seuils), les mécanismes de dépendance, les effets potentiellement néfastes de l’alcool, les interactions avec la prise de médicaments, l’intérêt et les méthodes possibles pour réduire ou stopper sa consommation, la qualité de vie qui pourrait en résulter… Le savoir-faire et les documents disponibles en centres spécialisés (encadré) ou à l’INPES 99 sont particulièrement utiles.
99 L’institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES), fusionné avec d’autres agences nationales au sein de l’Institut National de Santé publique (INSP), a édité un petit guide pratique à destination des médecins
Î les csaPa : Centres de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie = soins spécialisés de première intention. Gratuits et anonymes, ce sont des lieux d’accueil, d’information, d’évaluation et de prise en charge ambulatoire médicale, psychologique et sociale,
Î les centres de cure en alcoologie (soins de suite spécialisés) : proposent des séjours longs comprenant à la suite du sevrage physique une période de consolidation de l’abstinence.
Î les mouvements d’entraide : Alcooliques Anonymes, Vie libre, Alcool assistance-croix d’or, Croix bleue...
Î Partenariat avec les forces de police en cas de comportement ébrieux répété en public.
Î Ressources : Liste des centres d’alcoologie sur le site de L’ANPAA : Annuaire des structures de soins en alcoologie sur le site de la Société française d’alcoologie ; N° d’appel Écoute Alcool : 0 811 91 30 30 (7 jours sur 7, de 14h00 à 02h00, coût d’une communication locale depuis un poste fixe).
Î Accompagner/Soigner
La problématique (dépendance) alcoolique s’inscrit dans le cadre d’une histoire personnelle, de facteurs déclenchants et de traits de personnalité qui impliquent d’une part l’individualisation d’autre part le recours à un soutien qualifié pour tout accompagnement sur ces questions. Sur un plan plus quotidien, sera bénéfique tout ce qui favorisera la communication, les liens sociaux, permettra de “distraire“ de l’envie de boire, notamment des activités valorisantes ou relaxantes. On peut par ailleurs réfléchir à une procédure interne relative à l’alcool, qu’il s’agisse de conduite à tenir en cas d’imprégnation alcoolique d’un usager (ex : lui proposer de rester dans son logement pour sa sécurité mais aussi pour le calme des autres usagers, proposer un repas en chambre pour la même raison, etc.), ou la gestion au quotidien ou lors de moments de fêtes, etc.
3.3.2 q u E sT ions s P écifiqu E s
Î Faut-il mettre de l’alcool au quotidien sur les tables en établissement (pour adultes) ?
Il n’existe sur cette question aucune recommandation “idéale“, mais le premier écueil à éviter est une prise de position absolue dans un sens ou un autre :
• Interdire toute consommation à table en institution serait priver une majorité de personnes accueillies d’un droit ou même d’une simple habitude qui peut faire partie de leur qualité de vie. Cela peut également encourager des consommations “cachées“. Le fait de réserver à des moments de fêtes (ou au dimanche) la consommation d’alcool serait quelque peu infantilisant ou socialement normatif (application à tous des “bonnes mœurs bourgeoises“).
• A l’inverse, disposer par avance sur chaque table de l’alcool peut réellement inciter à consommer, ou à consommer plus, des personnes pour qui l’alcool est un risque ou qui ont fait d’énormes efforts pour diminuer voire arrêter leur consommation.
Le juste milieu pourrait donc être que les boissons alcoolisées soient disponibles mais apportées sur table à la demande et, pourquoi pas, de façon individualisée (au verre par exemple). On pourra dans ce cadre privilégier les boissons peu alcoolisées et encourager et valoriser la consommation d’autres boissons sans alcool, y compris dans les occasions festives.
La question peut également être abordée par le CVS et donner lieu à un avis des usagers sur la manière dont ils veulent que les choses soient organisées.
Î Peut-on empêcher l’achat d’alcool par un usager, en refusant de l’aider pour cela ?
Si le service peut préconiser à un usager la modération ou l’arrêt de la consommation d’alcool, celui-ci est toutefois libre de ne pas prendre en compte ce conseil ou cette prescription dès lors qu’il a été informé des risques qu’il encourait. Ce refus de l’usager doit ainsi être respecté par le service qui l’accompagne.
Un usager qui souhaite consommer de l’alcool doit donc pouvoir le faire : comme pour le tabac, seules des situations médicales exceptionnelles (où la mise en danger vital imminent serait associée à la consommation d’alcool) pourraient justifier que le service s’abstienne de respecter son droit.
Il n’y a donc normalement pas lieu d’interférer sur les choix de vie de la personne accompagnée et de l’empêcher d’acheter de l’alcool si elle le souhaite, ou de conditionner les interventions au fait qu’elle n’achète pas d’alcool en présence des auxiliaires de vie du service. Cela n’empêche pas d’inviter les salariés à conseiller à l’usager la modération dans ces achats et à noter conseils et refus dans le dossier de l’usager.
De même, un usager dépendant physiquement pour boire doit pouvoir être aidé à le faire dans le cadre de l’aide à la vie quotidienne, y compris quand cette consommation peut nuire à sa santé et qu’il en est informé, même s’il existe une contre-indication médicale (cf. infra). Refuser cette aide serait maltraitant.
Il est également important de rappeler que n’entre pas dans les missions d’un SAAD, d’un SAVS ou d’un SAMSAH, et même d’un foyer, la prise en charge de l’addictologie des personnes. Comme rappelé précédemment, il s’agit d’orienter et d’accompagner la personne vers un centre de soins d’accompagnement et de prévention en Addictologie en ambulatoire (CSAPA).
Î Une prescription médicale peut-elle interdire à un usager la consommation d’alcool ? Peut-elle forcer un professionnel de la structure à empêcher un usager de boire ?
Une prescription médicale s’adresse à l’usager, dans le cadre d’une codécision en santé (L1111-4 du CSP) 100, ce qui signifie clairement que :
• Le médecin n’est pas “officier de police judiciaire“ et que la contre-indication médicale qu’il peut poser est une préconisation forte, un conseil motivé mais en aucun cas n’a de valeur d’interdiction légale ; un médecin ne peut ni interdire ni autoriser la consommation d’alcool qui relève de la liberté individuelle.
• Pour les intervenants (soignants, aidants), le refus de l’usager (droit fondamental) prévaut toujours sur la contre-indication médicale (conseil dont l’usager est le destinataire) sauf lorsque l’usager est représenté par une personne qui exerce son droit (représentant légal) ;
• L’usager est non seulement en droit de la refuser, mais le médecin (et avec lui tous les professionnels) doi(ven)t respecter ce refus dès lors qu’il s’acquitte de ses obligations (informer, tenter de convaincre, le cas échéant en faisant appel à un confrère qui peut ici être un addictologue, noter les éléments dans le dossier…), obligations qui incombent à tout professionnel de santé 101. On ne prescrit pas contre “son patient“, puisque la prescription est le résultat d’une information, d’un consentement éclairé et d’une décision partagée.
- Pour un usager, seules des circonstances exceptionnelles peuvent autoriser le médecin à passer outre ce refus : en pratique, il ne s’agit que d’un risque vital immédiat (urgence médicale) ;
- Pour un mineur, la question ne se pose pas en structure médico-sociale puisqu’il est interdit de lui fournir de l’alcool ;
- Pour un majeur représenté (tutelle), la situation est plus délicate puisque d’un côté c’est le tuteur qui exerce le droit de co-décider pour la santé du majeur protégé, d’un autre côté le majeur protégé conserve un droit d’être informé et de participer aux décisions dans la limite de son degré de discernement : son consentement doit donc être systématiquement recherché. Il n’existe dans cette situation aucune bonne pratique “toute faite“, l’éventail des situations et notamment des troubles cognitifs ou psychiques ayant conduit à la tutelle étant extrêmement divers. Voir à ce sujet les récentes recommandations de la CNDH sur le consentement des personnes vulnérables qui invitent à établir une procédure d’information spécifique et collégiale 102
100 « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé » (L1111-4 du CSP).
101 Professions médicales et paramédicales 102 Avis sur le
En pratique donc, et sauf dans la situation des majeurs représentés (tutelle) pour laquelle il est nécessaire, au cas par cas, dans le cadre des bonnes pratiques et du projet personnalisé, de définir une ligne de conduite concernant la consommation d’alcool, il est interdit d’interdire la consommation d’alcool par un usager, sauf en établissement en cas d’impact significatif – via un comportement perturbateur – sur la vie collective, et même dans ce cas il s’agit de limitation de la consommation et non d’une interdiction de consommer.
En cas de danger lié à des interactions médicamenteuses, si l’usager refuse ou ne parvient pas à réduire ou arrêter sa consommation d’alcool, comme cela serait fait pour toute autre personne en « difficulté » avec l’alcool, c’est au(x) médecin(s) d’ajuster et de choisir les traitements en tenant compte de cette réalité, et non à une équipe médico-sociale de contraindre la consommation et de priver l’usager de ses droits pour se mettre en conformité avec la préconisation médicale.
association des paralysés de france le
Les questions auxquelles le présent document d’application tente de répondre sont les suivantes :
© Peut-on “fermer les yeux“ sur la consommation de drogues illicites par un usager ? Quid du secret professionnel ? La situation est-elle différente en établissement et au domicile de l’usager ?
© Quelle responsabilité prend-on en aidant un usager à se procurer de la drogue ou à la consommer ?
© La notion de drogues “dures“ et “douces“ (cannabis notamment) a-t-elle un fondement juridique ?
© Comment aider une personne à diminuer ou arrêter sa consommation ?
Il n’est pas rare que des usagers d’établissements ou services médico-sociaux soient des consommateurs occasionnels ou réguliers de stupéfiants, à des fins récréatives le plus souvent comme dans la population générale, mais aussi parfois pour calmer certaines douleurs et contractures musculaires que les traitements “classiques“ ne parviennent pas à soulager.
Pourtant, si la consommation de tabac ou d’alcool est tout à fait licite (bien qu’encadrée), en revanche, en France, la consommation des autres drogues et notamment de cannabis reste illégale et punie par le code pénal. Il s’agit ici de voir quelles sont les limites à la fois juridiques et éthiques de l’accompagnement médico-social sur ces questions.
Là encore, les écueils se trouvent dans les positionnements excessifs : ne pas se préoccuper de pratiques illicites au sein d’une équipe ou à l’inverse penser que sa responsabilité est engagée dès qu’on a connaissance d’une consommation de produits interdits et priver les personnes du droit de transgresser la loi 103
La question de l’addiction fréquente à ces produits est une autre dimension de la problématique de l’accompagnement.
103 Le code pénal français n’interdit pas les comportements ou actions délictueuses ou criminelles, mais indique la punition applicable en cas de délit ou de crime constaté à partir d’une procédure judiciaire engagée.
La loi n’établit aucune distinction entre les drogues dites “douces“ et “dures“. Les développements suivants valent donc pour tous types de drogues (cannabis, héroïne, cocaïne, méta-amphétamine, substances hallucinogènes, etc.).
sont ainsi prohibées (punies par la loi) :
© La consommation de stupéfiants (cf. article L. 3421-1 du code de la santé publique) ;
© La détention de stupéfiants, ainsi que leur transport, offre ou cession (cf. art 222-37 du code pénal) ;
© La production de stupéfiants (cf. art 222-35 du code pénal et art R. 5132-86 du CSP) ;
© La complicité de celui qui « facilite par aide ou assistance » la préparation ou la consommation de stupéfiants (art. 121-7 du code pénal) ;
© L’incitation à la consommation (art 222-37 du code pénal) qui consiste notamment à « faciliter par quelque moyen que ce soit, l’usage illicite de stupéfiants » ;
© La provocation à la consommation (art 3421-4 du CSP) (forme d’apologie de la drogue) ;
© Des personnes morales (ex : APF) peuvent être déclarées responsables pénalement 104
au regard de ces différents articles :
© Un usager (personne) n’a pas le droit de consommer des stupéfiants.
© Un professionnel qui “aiderait“ par un acte technique – mettre la cigarette à la bouche de la personne en situation de handicap, arroser un plan de cannabis, accompagner l’usager chez son dealer… – l’usager à consommer des stupéfiants, pourrait également engager sa responsabilité pénale sur le fondement de la complicité ou de l’incitation à la consommation.
Le cadre juridique est donc sans nuance, mais les recommandations et orientations APF peuvent tenir compte de la large tolérance sociale s’agissant de la consommation “privée“ (n’être “que“ consommateur (et non revendeur), ne consommer que chez soi ou dans un lieu privatif, et sans conséquence pour la collectivité (ex : conduite de véhicule sous emprise d’une drogue)).
Î Obligation de dénonciation ?
Le professionnel qui a connaissance du fait qu’une personne (usagère d’un établissement ou d’un service) détient ou consomme des stupéfiants doit-il ainsi la dénoncer ?
104 Art. 121-2, 222-34 à 222-39 ; article 131-38 et 131-39. L’interdiction mentionnée au 2° de l’article 131-39 porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise.
Tant le code pénal (article 226-13) pour les professionnels soumis au secret professionnel 105 que le code de la santé publique (article L1110-4 106) pour tous les professionnels travaillant dans le secteur médico-social, interdissent la révélation d’une information à caractère confidentiel par celui qui en est dépositaire. Ce n’est pas la force de l’obligation de secret que le code pénal (la notion de secret professionnel) modifie, ce sont les voies éventuelles de poursuite et les sanctions contre l’auteur d’une violation de son obligation de secret.
Les seules exceptions à cette interdiction de révélation doivent être explicitement prévues par certains textes et, s’agissant de drogue, ne concernent que les crimes donc la production de drogue et en aucun cas la détention ou la consommation.
Il en résulte que, quel que soit leur statut au regard du code pénal (soumis ou non au “secret professionnel“), tous les professionnels du secteur médico-social sont soumis à l’obligation de respect de la vie privée et du secret des informations concernant chaque usager (L1110-4 CSP) et n’ont en aucune façon le droit de dénoncer une détention ou une consommation de drogue, dénonciation qui pourrait être punie en tant que violation de cette obligation de secret 107
En France, le seul dispositif qui existe afin que des personnes malades puissent bénéficier de médicaments dérivés du cannabis (Marinol, Dronabinol), est « l’autorisation temporaire d’utilisation » (ATU), délivrée par une cellule dédiée de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Cette procédure est toutefois assez peu utilisée.
A noter que le 8 janvier 2014, l’ANSM a délivré une autorisation de mise sur le marché pour un médicament fabriqué à base de cannabis, le Sativex. Ce médicament ne peut toutefois être prescrit que pour le traitement symptomatique de la spasticité (contractures) liée à la sclérose en plaques des patients adultes, résistante aux autres traitements.
105 A ce sujet, les interprétations juridiques divergent : pour certains, ne sont soumises au secret professionnel au sens du code pénal que les professions pour lesquelles un texte le prévoit expressément ce qui est le cas de certains professionnels du médico-social seulement (médecins et autres professionnels de santé, assistants sociaux par exemple) ; pour d’autres, comme chaque professionnel du secteur médico-social peut être considéré comme dépositaire d’informations à caractère secret par état, profession, fonction ou mission, il est également soumis au secret professionnel au sens du code pénal. Ce débat juridique n’a pas d’incidence sur la conduite à tenir ici, puisque tous les professionnels du secteur médico-social sont soumis à une obligation de respect du secret des informations concernant l’usager (L1110-4 du CSP, cf. note suivante.).
106 Article L1110-4 du code de santé publique : « I.-Toute personne prise en charge par un professionnel de santé, un établissement ou un des services de santé définis au livre III de la sixième partie du présent code, un professionnel du secteur médico-social ou social ou un établissement ou service social et médico-social mentionné au I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations le concernant. Excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret couvre l’ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel, de tout membre du personnel de ces établissements, services ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s’impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. »
107 A noter par ailleurs, qu’une instruction de la DGOS en date du 13 avril 2011 confirme la prévalence du secret professionnel s’agissant de la consommation de stupéfiant. Si cette instruction s’adresse exclusivement aux établissements de santé, elle traduit toutefois la volonté des autorités publiques de privilégier la relation de confiance avec les patients et leur rétablissement à tout signalement aux autorités judiciaires.
MAUVAISES PRATIQUES
La tension liberté – sécurité s’exerce ici dans un cadre très particulier, qui est celui d’une interdiction réglementaire générale, mais d’une tolérance sociale ancienne et assez large concernant au moins l’usage “à titre privé“ de drogue dites « douces », même si on a vu que le cadre juridique ne les distingue pas des autres stupéfiants.
S’il n’est pas question de ne pas tenir compte du caractère illégal de ces drogues (on ne peut pas faire comme s’il s’agissait d’alcool par exemple, notamment dans un lieu de vie collectif), toute la question éthique de l’accompagnement sera de rappeler le cadre réglementaire sans pénaliser des usagers qui, s’ils disposaient de leur indépendance physique, pourraient comme tout un chacun profiter de cette tolérance sociale. Il y a donc, pour une association comme l’APF promouvant le droit des personnes et l’égalité des citoyens, un positionnement naturel à encourager une aide humaine ou technique à disposer de son propre corps.
Comme pour l’ensemble de ce guide, il ne s’agit pas de stigmatiser des équipes qui ont mis en place des mesures palliatives au mieux de ce qu’elles pensaient pouvoir faire, mais d’expliciter ce qui doit être évité en proposant ci-dessous, chaque fois que possible à partir d’expériences d’autres équipes, des alternatives à ces solutions qu’on ne devrait plus rencontrer ou dont la mise en œuvre doit être sensiblement modifiée :
© Dénonciation d’un consommateur de drogue en violation du secret professionnel et de l’obligation de respecter la confidentialité des informations concernant la santé ou la vie privée d’une personne.
© Accepter d’entretenir une plantation cannabis pour un usager, en établissement ou à domicile, surtout quand sa dimension montre de toute évidence qu’elle dépasse la seule consommation individuelle de cet usager.
3.3.1 R E comman DaT ions G éné R al E s
© Inscrire l’interdiction de consommation du cannabis (ou d’autres stupéfiants) dans le règlement de fonctionnement. Il peut notamment être inscrit dans le règlement de fonctionnement que les stupéfiants trouvés seront confisqués et remis aux autorités compétentes (police ou gendarmerie), sans mentionner aucunement le nom de la ou des personne(s) impliquée(s).
NB : - Il ne s’agit donc pas de dénoncer la consommation d’un usager (nominativement) auprès de ces autorités, mais d’informer l’usager du fait que ces produits leur seront remis, sans mention de leur provenance, par le directeur 108 ;
- La recherche de produit illicite dans les studios des usagers ou à leur domicile (fouille) serait inacceptable et en contradiction avec le respect de l’espace privatif qu’ils constituent (cf. document princeps 01 du guide)
© Rappeler aux professionnels la loi : ils ne doivent pas servir d’intermédiaire pour l’achat de stupéfiants notamment, ne pas tolérer et encore moins favoriser la revente par un usager dans les locaux de l’établissement ; de même la production (plantation) de cannabis ne doit pas être tolérée dans l’établissement, même dans les lieux privatifs que sont en principe les chambres. Ces règles peuvent être inscrites au sein du règlement de fonctionnement ;
© veiller à ce que les locaux de l’APF ne soient pas utilisés comme point de rassemblement pour des “dealers“ venus de l’extérieur ;
© informer les usagers :
• Sur le plan légal (rappeler que c’est puni par la loi et éventuellement dans le règlement de fonctionnement afin de responsabiliser l’usager).
• Sur le plan médical : informer sur les dangers liés à la consommation de drogue, orienter vers des ressources et expertises extérieures comme les centres d’addictologie, CSAPA pour aider à diminuer ou arrêter, médicaments de substitution, etc.
© Eduquer : prévoir des interventions dans le cadre de l’éducation à la santé pour faire évoluer les pratiques individuelles liées à la consommation de drogue ; Etc.
3.3.2 R E comman DaT ions s P écifiqu E s
Î Peut-on aider un usager dépendant qui a besoin d’aide à fumer son cannabis 109 ?
S’agissant du cas très particulier de “l’assistance à fumer“ pour une personne dépendante, nous avons vu qu’il s’agissait d’une facilitation à la consommation constitutive d’une infraction pénale. Même si cela peut paraître très excessif pour des drogues d’usage courant dans un lieu privatif (cannabis…), le professionnel, en réalisant cet acte, peut se rendre coupable de complicité ou d’incitation à la consommation.
L’APF, en tant qu’employeur, se doit de rappeler la règle qu’elle ne peut appeler à transgresser même si, ce faisant, elle est en contradiction avec les valeurs de sa charte (« la personne en situation de handicap a le choix et la maîtrise de son existence ») et que cela conduit à priver, du fait de leur dépendance physique, des personnes de la tolérance qui est en pratique accordée à tout autre citoyen.
Î Un usager se fait “livrer“ de la drogue à son domicile lors de l’intervention d’un professionnel, ce dernier engage t’il sa responsabilité pénale ?
Est-ce que le fait d’ouvrir la porte au dealer constitue un acte de complicité ou d’incitation à la consommation ? Aucune décision de justice n’a jamais été rendue concernant un tel cas. Toutefois, l’auxiliaire de vie, ou l’AMP qui se contente d’ouvrir la porte à un tiers (dont elle ne connait a priori par l’activité ou le motif de la venue) ne saurait être accusé de complicité… L’élément intentionnel, nécessaire pour établir l’infraction, manquerait dans de telles circonstances.
Le professionnel doit en parler avec son directeur pour que des solutions soient trouvées dans le cadre de l’organisation employeur 110. Par ailleurs, si un professionnel exprime expressément ses craintes, et formule auprès de son employeur et de l’usager, son refus d’être confronté à
108 cf. Instruction DGOS/DSR/MISSION DES USAGERS/2011/139 du 13 avril 2011 s’appliquant aux hôpitaux : “Ainsi, il est recommandé, lors de la découverte ou de la remise volontaire de produits stupéfiants illégaux, d’informer le patient du fait que ces produits seront remis, sans mention de leur provenance, par le directeur de l’établissement de santé aux autorités compétentes (police, gendarmerie)”.
109 Ce paragraphe et notamment l’attitude de dialogue et d’analyse mentionnées ne sauraient en aucun cas valoir pour un autre produit illicite que le cannabis, dont l’usage privé reste interdit mais largement toléré.
110 Cela permet notamment de ne pas exposer le salarié au risque ou qu’il soit soumis à des pressions ou des menaces d’un réseau de dealers.
pareille situation, il conviendra d’en discuter avec l’usager afin de trouver un consensus et que ce dernier trouve un autre moyen pour se faire livrer le cannabis, à un autre moment que celui de l’intervention du professionnel du service.
Î Un usager ne peut se déplacer seul pour aller chercher sa commande auprès de son dealeur, un professionnel peut-il l’accompagner ? Quels sont les risques ?
Le professionnel, dans ce type de situation, est plus “actif’’ que dans la situation précédente : la nature de l’aide apportée est plus visible, plus évidente, et donc plus facile à qualifier… Le risque pénal est donc plus important que dans le cas précédent. Il faut clairement déconseiller ce type d’aide.
Î Comment informer un usager sur le danger des drogues et/ou l’aider à diminuer ou arrêter sa consommation ?
Les principes et les ressources sont sensiblement les mêmes que pour l’alcool, avec des ressources spécifiques pour les toxicomanes. Comme pour l’alcool, les structures médico-sociales ne sont pas “responsables“ de la prise en charge de ses addictions, mais ont un rôle de conseil, d’orientation, d’éducation à la santé :
• s ’appuyer sur des ressources et expertises externes, travailler en réseau est toujours utile, et c’est impératif dès que la situation est celle d’une addiction avérée, ou qu’il faut entreprendre un accompagnement de type sevrage, à domicile comme en établissement. Qu’il s’agisse de supports d’information (pour les usagers, pour les professionnels) ou de recours à des acteurs spécialisés dans le champ de l’addictologie et/ou de la toxicomanie (cf. encadré ci-dessous).
Î les csaPa : Centres de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie = soins spécialisés de première intention. Gratuits et anonymes, ce sont des lieux d’accueil, d’information, d’évaluation et de prise en charge ambulatoire médicale, psychologique et sociale,
Î Drogues infos services : 0 800 23 13 13 (appel gratuit)
Ouvert de 8h à 2h, 7 jours/7 - Service anonyme. - Informations sur les drogues, l’alcool, les dépendances. Écoute, soutien, conseils et orientation
Î site du ministère de santé : liste des structures d’aide : http://www.drogues.gouv.fr/ être-aide/ou-trouver-laide
• informer et éduquer à la santé :
L’information porte sur la consommation (seuils), les mécanismes de dépendance, les effets potentiellement néfastes du produit, les interactions avec la prise de médicaments, l’intérêt et les méthodes possibles pour réduire ou stopper sa consommation, la qualité de vie qui pourrait en résulter… Le savoir-faire et les documents disponibles en centres spécialisés (supra) sont particulièrement utiles.
• accompagner/soigner :
La problématique (dépendance) s’inscrit dans le cadre d’une histoire personnelle, de facteurs déclenchants et de traits de personnalité qui impliquent d’une part l’individualisation d’autre part le recours à un soutien qualifié pour tout accompagnement sur ces questions.
Sur un plan plus quotidien, sera bénéfique tout ce qui favorisera la communication, les liens sociaux, permettra de “distraire“ de l’envie de consommer, notamment des activités valorisantes ou relaxantes.
d ocument d’application
Régime alimentaire médical, règles
collectives et prises de risque individuelles
association des paralysés de france
© Peut-on obliger un usager à suivre un régime médical lorsque son surpoids entraîne des conséquences néfastes pour sa santé ou s’ajoute à d’autres facteurs de risque (ex : hypertension, diabète…) ?
© Un établissement doit-il proposer une qualité de restauration telle qu’aucun risque pour l’état de santé des résidents (et personnels le cas échéant) ne puisse lui être reproché ?
© Peut-on imposer un régime hypocalorique à un usager au motif que les professionnels ont du mal à le soulever pour l’aider dans les actes essentiels ?
© Comment un établissement doit il répondre aux demandes d’usagers concernant un régime alimentaire fondé sur des croyances (ex : religion) ou des habitudes de vie personnelles (ex : végétarisme) ?
© Peut-on installer un distributeur de sucreries dans un établissement pour enfants ?
© Quelle responsabilité si on accompagne un usager obèse dans l’achat de boissons ou de sucreries ?
Pour les personnes accueillies en établissement médico-social le temps des repas constitue un moment essentiel de la journée et la nourriture un objet de plaisir et de satisfaction. Mais l’alimentation peut aussi devenir un sujet de conflit entre les usagers et l’équipe médico-sociale, les souhaits des uns ne correspondant pas à la volonté des autres. De même, l’alimentation peut parfois, pour des personnes dont les capacités à communiquer sont limitées, être un moyen pour elles de traduire un mal-être ou une détresse, se traduisant par le refus de manger, ou le refus de manger sous une certaine forme.
Dans le cadre de ce document et de ce guide, n’est traitée que la question de la tension entre la liberté de choisir ses aliments (nature, quantité, horaires…) et les risques pour la santé que ces choix peuvent entraîner, notamment lorsqu’il s’agit du refus d’une préconisation médicale. Cela concerne donc d’abord une ‘’mauvaise’’ alimentation de l’usager, pouvant entrainer des risques particuliers pour sa santé (prise de poids, excès de sucre, de sel, risques spécifiques (diabète…)), en lien avec le rôle de l’établissement sur l’organisation collective concernant l’alimentation et la restauration ;
Î Les régimes pour convenance personnelle
Cette question se pose essentiellement en établissement assurant la restauration. Il peut s’agir de régimes alimentaires fondés sur des croyances (alimentation hallal, casher, observance d’un jeûne, etc.), des choix ou habitudes de vie (ex : régime végétarien, régime relevant d’une “méthode unetelle“ visant la perte de poids ou le bien-être, éviction de certains aliments sans motif médical attesté, etc.).
Il s’agit de choix personnels qui ne sont pas opposables aux établissements mais, pour résumer rapidement les textes et la jurisprudence à ce sujet, ceux-ci doivent néanmoins chercher des solutions pour tenter d’y répondre dans le cadre de l’individualisation souhaitée des accompagnements.
En particulier, le droit à la pratique religieuse dans les établissements sociaux et médicosociaux (article 11 de la charte des droits et libertés de la personne accueillie 111 ) n’inclut pas d’obligation de mettre en œuvre les régimes alimentaires prescrits par les religions, pas plus d’ailleurs qu’il ne remet en question le caractère laïc de notre association (charte APF).
L’idée essentielle dans ce genre de situations est donc d’essayer de répondre positivement aux demandes spécifiques d’alimentation dès lors que celles-ci n’entravent :
• Ni les exigences liées à la santé des personnes,
• Ni la liberté d’autrui (on ne peut envisager d’imposer aux usagers des contraintes qui ne sont pas les leurs),
• Ni les contraintes découlant des nécessités de bon fonctionnement du service (au regard du coût des aliments par exemple).
Î Les régimes médicalement motivés
Qu’il s’agisse de simples conseils, d’éducation à la santé ou thérapeutique, de prescriptions médicales formelles, la motivation préventive ou thérapeutique est liée à l’état de santé de la personne après évaluation médicale : que le risque pour la santé soit lié à la qualité ou la quantité de l’alimentation elle-même (risque de dénutrition, d’obésité, de carence…), à sa nature (allergies, intolérances objectives), à une pathologie (diabète…), à une interférence avec un traitement médicamenteux (anticoagulants…), etc.
Le cadre juridique général est celui des codécisions en santé (consentement / refus) par l’usager car le régime alimentaire qui lui est proposé est une préconisation médicale, qui ne devrait faire l’objet d’une prescription formalisée qu’avec l’accord de l’intéressé (on ne prescrit pas “contre“ le patient) :
art. l1111-4 du csP : « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé.
Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement. Le suivi du malade reste cependant assuré par le médecin, notamment son accompagnement palliatif.
Le médecin a l’obligation de respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité. Si, par sa volonté de refuser ou d’interrompre tout traitement, la personne met sa vie en danger, elle doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable. Elle peut faire appel à un autre membre du corps médical. L’ensemble de la procédure est inscrite dans le dossier médical du patient. [ ] Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. [ ] ».
Lorsque l’usager refuse tout ou partie de la préconisation médicale, y compris lorsqu’il met sa vie en danger, le cadre juridique est donc celui décrit dans le guide APF « refus des soins par un usager d’une structure médico-sociale », citée ci-dessus et auquel on se reportera. Le principe général est donc le respect du refus opposé par l’usager, les circonstances dans lesquelles la mise en danger peut prendre la forme d’un danger vital immédiat étant exceptionnelles dans ces situations (allergies vraies à un aliment avec risque de réaction grave : syndrome de Lyell, œdème de Quincke…).
nb : lorsqu’un régime hypocalorique est envisagé pour une personne dans le but premier de faciliter l’aide qui lui est apportée dans la vie quotidienne (lever, transferts, etc.), on sort du cadre d’un régime médicalement motivé même si un bénéfice peut également être attendu pour l’intéressé. Quoi qu’il en soit, le refus de ce dernier n’en est que plus opposable : il est inenvisageable d’imposer un “régime forcé“ aux usagers et ce d’autant que le motif n’est pas (d’abord) un bénéfice direct pour eux 112
Î La qualité nutritionnelle des repas servis en établissement Il n’existe pas de cadre juridique à proprement parler concernant le régime alimentaire des personnes accueillies en ESSMS. S’il semble évidemment nécessaire de prôner une alimentation saine et équilibrée, il est également important de ne pas sacrifier le plaisir que constituent les repas au profit de considérations nutritionnelles personnelles (des professionnels) ou sociales, même s’il y a lieu de tenir compte et de s’inspirer des préconisations et programmes de santé publique 113
Le Projet National Nutrition Santé 2011-2015 a, entre autres, pour objectif, de développer les actions de dépistage, de prévention, de surveillance de l’état nutritionnel pour les personnes en situation de handicap et considère que : « le dépistage, le traitement et la prévention des troubles nutritionnels des personnes handicapées sont des points majeurs de la prise en charge médico-sociale globale intégrée du handicap ».
Un décret (n° 2012-144) relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis en établissement social et médico-social est par ailleurs paru le 30 janvier 2012, (entré en vigueur le 1er juillet 2013) 114 .
Un arrêté doit en préciser les dispositions, il n’est cependant pas encore paru.
112 On peut faire le parallèle avec certaines interventions qui peuvent être proposées à une personne dans le but de faciliter l’aide dont elle bénéficie, notamment lors des soins de nursing (par exemple le traitement chirurgical de rétractions musculo tendineuses qui entraîne un positionnement d’un membre très gênant lors des manipulations) : si le but premier n’est pas un bénéfice direct pour l’intéressé, personne (on l’espère) n’aurait l’idée de l’opérer sans qu’elle consente de façon éclairée à cette intervention. Le raisonnement (et surtout le cadre réglementaire: celui du droit des usagers) est identique pour un régime hypocalorique.
113 Favoriser l’accès de tous à une « bonne » alimentation, développer une offre alimentaire de qualité, favoriser la connaissance et l’information sur l’alimentation, sont ainsi des volontés gouvernementale affichées, et notamment dans le programme national pour l’alimentation (PNA) mis en place par le ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Il y est ainsi précisé que « Les enfants, les personnes moins favorisées, les personnes âgées et les patients des hôpitaux ont un accès facilité à une alimentation de bonne qualité gustative et nutritionnelle, y compris en restauration collective. Expliquer et promouvoir le caractère bénéfique de notre modèle alimentaire, fondé sur l’équilibre entre les aliments, est donc essentiel ».
114 Il est ainsi codifié à l’article D.203-29 du code rural et de la pêche maritime : « Afin d’atteindre l’objectif d’équilibre nutritionnel des repas servis par les services de restauration des ESMS, sont requis, conformément à l’article L.230-5 [] - quatre ou cinq plats proposés à chaque déjeuner ou dîner ; - le respect d’exigences en matière de taille des portions et de fréquence des repas ; - l’adaptation des plats proposés aux goûts et habitudes alimentaires des résidents ; - le respect d’exigences adaptées à l’âge ou au handicap des résidents ; - la définition de règles adaptées pour le service de l’eau, du pain, du sel et des sauces ; - le respect d’exigences minimales de variété des plats servis. »
MAUVAISES PRATIQUES
Une vraie responsabilité pèse sur les établissements s’agissant de l’alimentation proposée. Mais cette responsabilité consiste à prendre en compte dans les projets personnalisés de chaque usager les considérations nutritionnelles appropriées en fonction tant de leurs particularités que de leurs souhaits et de pouvoir proposer l’alimentation adaptée correspondante.
En en aucun cas il ne s’agit d’obliger les usagers à renoncer à leur droit de refuser ces propositions et/ou à manger “ce qu’ils veulent“. Il s’agit vraiment pour les équipes d’associer les usagers à leur “projet alimentaire“ sans jamais les “priver“.
Comme pour l’ensemble de ce guide, il ne s’agit pas de stigmatiser des équipes qui ont mis en place des mesures palliatives au mieux de ce qu’elles pensaient pouvoir faire, mais d’expliciter ce qui doit être évité en proposant ci-dessous, chaque fois que possible à partir d’expériences d’autres équipes, des alternatives à ces solutions qu’on ne devrait plus rencontrer ou dont la mise en œuvre doit être sensiblement modifiée :
© Régime hypocalorique imposé à une personne pour faciliter ses transferts qui nécessitent actuellement l’aide de deux auxiliaires.
© Limitation de la liberté de choix et d’achat de nourriture lors d’un accompagnement dans un magasin.
© Non prise en compte de l’équilibre alimentaire (quantitatif et qualitatif) des repas servis dans un établissement, alors que la majorité des usagers accueillis y prennent du poids
© Liste établie et affichée en salle à manger des usagers ayant l’obligation de suivre un régime alimentaire « médical » : violation stigmatisante de l’obligation de confidentialité (affichage), prévalence d’une logique collective sécuritaire sur un accompagnement personnalisé négocié intégrant le droit de refus des usagers (constitution d’une liste).
© Régime hypocalorique imposé à un usager qui le refuse (ou motivé par les difficultés que le poids représente dans l’aide à la vie quotidienne et non la santé de l’intéressé)
© Menu alternatif (en cas de non concordance entre le plat proposé et les goûts du résident) à base de jambon (de porc) alors qu’un ou plusieurs résidents ont des croyances religieuses qui s’opposent à sa consommation.
© Refus d’accompagner un usager pour des courses alimentaires au motif qu’il lui est conseillé de maigrir.
3.3.1 accom PaG n E m E n T PER sonnalisé ET alim E n TaT ion
Î Proposer, tracer, ne pas imposer
Le dialogue entre l’usager et l’équipe doit prévaloir, avec l’obligation de prendre en compte les risques, d’en garder des traces, sans jamais interdire formellement. En matière d’alimentation tout particulièrement, la règle est : proposer, tracer, ne pas imposer.
Hors l’effort que chaque établissement doit faire pour proposer une restauration équilibrée sur le plan nutritionnel (cf. ci-dessous), c’est dans le cadre d’un accompagnement individualisé et en appui sur le projet personnalisé de chaque usager que les questions relatives à son alimentation doivent être abordées et négociées, dans le respect strict de son droit, et d’abord de son droit de refuser.
Certaines équipes ont mis en place des outils particulièrement intéressants pour servir de support à cette recherche de compromis où l’ensemble de la question alimentation (les risques mais autant le plaisir, les goûts, etc.) est abordée :
La Fiche d’Alimentation négociée du FV/FAM de Parthenay
Reproduite avec l’aimable autorisation de Lionel Cantet, directeur
A découper ci-contre
Î Respecter le choix des personnes et assurer l’aide à la vie quotidienne
Un usager souhaite aller acheter du chocolat ou des gâteaux à l’épicerie alors que ce sont des produits qui lui sont déconseillés, faut-il accepter de l’accompagner ?
Si les professionnels ne doivent pas inciter les usagers à acheter et stocker au sein de leur chambre trop de nourriture, et peuvent déconseiller à l’usager de faire ces achats, en revanche, il ne leur appartient en aucun cas de lui refuser cet accompagnement ou de lui interdire d’avoir à disposition des gâteaux dans sa chambre.
3.3.2 P R o P os ER un E amélio R aT ion DE l’équilib RE nu TR i T ionn E l au s E in DE l’é Tabliss E m E n T
Î Recommandations générales
Il est toujours utile de s’entourer des avis d’une commission menu où les usagers sont bien représentés pour prendre en compte leurs attentes et y répondre au mieux (qualité des repas, quantité, variété).
De nombreuses références et ressources existent sur le sujet auxquelles on se référera. Certains ont été conçus pour les EHPAD mais peuvent tout à fait trouver à s’appliquer dans les établissements pour personnes en situation de handicap. On peut citer notamment :
• Recueil d’actions pour l’amélioration de l’alimentation en EHPAD : document proposé par le ministère des affaires sociales et de la santé et le ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Bien qu’à destination essentiellement des personnes âgées ;
• Les repas dans les établissements de santé et médico-sociaux : les textures modifiées, mode d’emploi (retours d’expérience), ANAP, mars 2011.
Sonde de gastrostomie
Pas d’alimentation orale Alimentation orale autorisée
Positionnement et installation
Du résident :
Assis dos droit
Tête anté-fléchie, menton rentré
Maintien manuel de la tête
Bascule du fauteuil en avant en arrière
m até R iel
tablette :
Fixe Amovible
Autre
Du soigant :
Côté droit
Côté gauche
A rebord Isotherme assiette : Canard Découpé 2 anses Paille
Verre :
Pour assiette Support yaourt antidérapant :
Ordinaires Adaptés
aide au R e Pas
Aide totale
Indépendant(e)
Aide partielle Couper les aliments Aider à finir le plat Autre
aliments
Entrée
Salade verte
Légumes
Viande
Poisson
Quiche, croque, pizza...
Fromage
Pâtisserie
Fruits
Couverts : Crus Cuits Compote
Pain
boissons
Prise :
Coupés menu
Au verre
Normales A la paille
Epaissies : “type nectar” : 1 dose + 150 ml
“type compote” : 1 dose + 100 ml
“type crème dessert” : 2 doses + 150 ml A là cuillère
Pas de liquide
goûts du R ésident
Aime
N’aime pas
H abitudes
Liées à une pratique religieuse ou autre :
Alcool :
Petit déjeuner :
Goûter :
Autre :
C onsignes et R e C ommandations
Régime, contre-indications et allergies : Apports et compléments alimentaires :
Conseils liés aux troubles de la déglutition :
A éviter
A conseiller
C om PR omis ( si contradictions entre attentes du résident et avis spécialisés)
Réf. : Fo / RES / 11
Version : B
Page : 2 / 2
signatures :
Résident ou Tuteur
Référent
en accord avec le résident date de la rencontre : ....... /....... / .......
Responsable Santé & Vie Quotidienne
Î Préconisations et points de vigilance
• Il s’agit en premier lieu de s’assurer d’abord que tous les usagers soient bien associés à cette démarche et qu’il y a une véritable volonté de les éduquer à une « bonne alimentation ».
• Mettre en place un questionnaire de satisfaction, essayer de connaitre les attentes et interrogations de chacun, instaurer un lieu de parole sur le sujet, prévoir des temps de concertation, etc.
• Faire venir des intervenants extérieurs : nutritionniste, médecin, diététicien, psychologue etc. pour aborder les enjeux liés à l’alimentation en termes de santé par exemple.
• Adapter les supports d’information pour les usagers ayant des difficultés de compréhension.
• S’assurer ensuite que l’ensemble des dispositions prises sont conformes aux obligations nutritionnelles en ESMS (cf. décret n° 2012-144 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis en établissement social et médico-social).
NB : ne jamais priver les résidents. Eduquer ne veut pas dire imposer un régime alimentaire nouveau ou priver les usagers de certains aliments. S’agissant des sauces et du pain par exemple, le décret parle de « définir des règles adaptées pour le service de l’eau, du pain, du sel et des sauces ». Il s’agit donc de trouver des règles adaptées, en aucun cas de supprimer de manière arbitraire certains aliments…
Î Peut-on installer un distributeur de sucreries dans un établissement pour enfants ?
S’agissant des distributeurs de boissons et de produits alimentaires, seule la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique pose une interdiction en son article 30 en disposant que :
Les distributeurs automatiques de boissons et de produits alimentaires payants et accessibles aux élèves sont interdits dans les établissements scolaires à compter du 1er septembre 2005.
Il n’existe à l’inverse pas de textes législatif ou règlementaire qui viendraient interdire l’installation de ce type de distributeurs dans les établissements sociaux et médico-sociaux.
Cependant, même si l’article ne s’adresse qu’aux établissements scolaires, on doit émettre une réserve sur la pertinence d’installer de tels distributeurs dans des établissements accueillant des enfants… Sachant qu’une telle initiative va à l’encontre des objectifs du Programme National Nutrition Santé (PNNS) qui insiste sur les effets négatifs du grignotage qui « perturbe l’acquisition de bonnes habitudes alimentaires chez les enfants ».
En résumé, il n’y a pas d’interdiction stricte concernant l’installation d’un distributeur de boissons et de produits alimentaires ; néanmoins une telle initiative ne semble ni conforme aux politiques de santé publique et d’éducation à la santé menées actuellement, ni adaptée au public accueilli.
L’APF recommande donc que ce type de distributeurs ne soit pas installé dans ses établissements.
A noter que même s’il n’y a pas de base juridique sur cette question s’agissant des établissements pour adultes, cette recommandation a tout lieu de leur être étendue.
association des paralysés de france
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Rédacteurs : Michel DELCEY, Consultant interne offre de soins Laurène DERVIEU, Juriste droit des usagers et des structures médico-sociales
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