ENTREVUE
Lorsque Daniel Fournier, aujourd’hui âgé de 59 ans, prend les rênes d’Ivanhoé Cambridge, il sait qu’un grand défi l’attend. Celui qui a déjà fait un passage à la SITQ en 2008-2009 à titre de vice-président directeur et chef de l’investissement, au moment même où la Caisse annonçait une perte de 40 G$, n’a pas hésité longtemps avant d’accepter cette fonction : « J’avais le choix, car j’étais sur le point de signer une autre offre ailleurs. Mais la Caisse constituait le plus grand des défis parce que ce n’est pas juste pour soi-même qu’on y travaille », confie l’homme, un vétéran de l’immobilier qui a le service public à cœur. Et un parcours hors norme.
Originaire de Pierrefonds, Daniel Fournier vit avec sa mère et sa sœur de qui il est très proche, au sein d’une famille unie. Au secondaire, il étudie au collège Loyola High School et s’adonne à un sport qui le mènera loin : le football. Recruté à 16 ans par un collège privé américain, la Phillips Exeter Academy situé dans le New Hampshire, il joue au football tout en poursuivant ses études. Boursier, il passe ainsi plusieurs années aux États-Unis et obtient un baccalauréat en histoire de l’Université de Princeton, un domaine qui le passionne toujours autant, déclare celui qui a été président du conseil d’administration du Musée McCord. Son diplôme en poche, Daniel Fournier, récipiendaire d’une bourse Rhodes, entame des études en droit à l’Université Oxford. Au même moment, cet ancien capitaine des Tigers de Princeton est repêché par les Rough Riders d’Ottawa. Il tente alors l’audacieux pari de concilier sport et études. « Ce n’était pas très réaliste, dit-il en riant, et ça n’a pas vraiment impressionné un de mes professeurs en Angleterre. » Après une saison, il choisit de terminer ses études et met fin à sa carrière de footballeur. À 25 ans, le jeune homme rentre au pays et s’installe à Montréal. Malgré son parcours universitaire qui lui aurait permis de briguer des postes à l’étranger, Daniel Fournier n’a jamais songé à travailler ailleurs que dans la métropole et se dit « très fier d’être montréalais ». Aujourd’hui, c’est encore à Montréal qu’il vit, avec sa femme, Caroline Drouin, et ses quatre enfants, deux filles et deux garçons, âgés de 16 à 22 ans. 8
photo : jbc média par denis bernier
Un passé d’athlète
«
La Caisse constituait le plus grand des défis parce que ce n’est pas juste pour soi-même qu’on y travaille.
»
– Daniel Fournier
Un MBA en immobilier L’immobilier ne tarde pas à s’imposer comme une voie d’avenir pour celui qui savait déjà pendant ses études à Oxford qu’il ne pratiquerait pas le droit. En effet, Daniel Fournier entre rapidement au service de Gestion Canderel où, dit-il sur un ton amusé, « j’ai fait un MBA en immobilier ». Il voue d’ailleurs une grande admiration à Jonathan Wener, fondateur et président de Canderel, pour qui « tout tournait autour de la création de valeur ». L’esprit entrepreneurial de Jonathan Wener nourrit celui de Daniel Fournier qui crée, dans les années 1980, Placements Equidev, une compagnie privée qui achète entre autres le magasin Ogilvy et l’hôtel Ritz-Carlton. Sur sa feuille de route apparaît également un court passage en politique fédérale comme candidat conservateur dans Outremont aux élections de 2006. L’année suivante, il participe à l’écriture d’un ouvrage sur le fédéralisme canadien. Il siège par ailleurs à de nombreux conseils d’administration, tels que ceux de CB Richard Ellis Canada, Standard Life, Summit Reit et Canadian Tire. À l’époque de sa nomination à la tête d’Ivanhoé Cambridge, il occupe le poste de président du conseil d’administration de GENIVAR. Bref, lorsque Michael Sabia le rappelle à la Caisse en juin 2010, Daniel Fournier est fin prêt à accomplir son mandat au sein de la filiale immobilière, qui incarne, selon lui, « un rare mélange entre le système de gouvernance de la Caisse et l’esprit entrepreneurial d’Ivanhoé Cambridge ». Et le mandat est important. Moins d’un an après sa nomination, les filiales immobilières SITQ et Ivanhoé Cambridge sont fusionnées en une seule entité axée désormais sur la gestion et l’investissement immobilier et dotée d’une gouvernance centralisée. Le dirigeant s’entoure d’une équipe solide et expérimentée, dont fait partie William R.C. Tresham, président, Investissements, un homme que Daniel Fournier connaît depuis Princeton, afin d’amorcer le repositionnement stratégique d’Ivanhoé Cambridge qui doit, selon lui, s’adapter aux cycles rapides de l’économie et se positionner comme acheteur, deux leçons tirées de la crise de 2008.
Immobilier commercial — Novembre-décembre 2013