Immobilier commercial volume 10 - numéro 2

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TRANSPORT ET DÉVELOPPEMENT URBAIN

L’ÉTALEMENT URBAIN, ENCORE ET ENCORE Paul Lewis Expert invité

L’attrait du 450 continue de se maintenir, comme le montrent les premières données du recensement de 2016, récemment publiées : la population de la banlieue croît toujours beaucoup plus rapidement que celle de l’île de Montréal. Alors que la croissance démographique de la région de la métropole a atteint 4,2 % pour la période de 2011 à 2016, elle a été de 2,9 % sur l’île de Montréal, comparativement à 5,3 % hors de l’île1. Ces données ne surprennent personne.

La croissance démographique de l’île de Montréal est beaucoup le fait de l’immigration, car le centre continue de perdre des habitants au profit des banlieues. Les données sur les migrations entre les régions du Québec en 2015-20162 permettent de pousser plus loin notre compréhension des transformations qui s’opèrent dans la région de Montréal. Les migrations interrégionales se font selon le cycle de vie. C’est dans la vingtaine qu’elles sont les plus importantes, alors que les plus jeunes migrent davantage pour poursuivre des études, entrer sur le marché du travail ou fonder une famille. En 2015-2016, l’île de Montréal a accueilli 38 000 personnes des autres régions du Québec, mais en a perdu près de 55 000, essentiellement au profit des régions adjacentes : Laval, Laurentides, Lanaudière, Montérégie. Paul Lewis est doyen de la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal et chercheur à l’Observatoire Ivanhoé Cambridge du développement urbain et immobilier, dont il a été directeur jusqu’en 2012. Ses recherches portent principalement sur les transports, notamment la mobilité des jeunes, de même que la planification et la gouvernance des services de transport.

Laval, pour la première fois, a aussi enregistré un bilan négatif, au profit de la Rive-Nord et de la Rive-Sud. Les pertes sont faibles, mais elles témoignent d’un changement du processus d’urbanisation, qui conduit les populations de plus en plus loin de la zone centrale : « La détérioration du bilan lavallois depuis six ans est surtout attribuable à la baisse des gains face à Montréal, bien qu’au cours de la toute dernière année ce soit l’augmentation des pertes face aux autres régions adjacentes qui explique la baisse du solde global3. » Ces données pourraient ne pas être inquiétantes si la poursuite de l’étalement urbain permettait d’augmenter les densités en banlieue. Mais ce

n’est pas le cas, du moins sur l’ensemble du territoire. La région continue de s’urbaniser à des densités relativement faibles, surtout parce que ses limites se trouvent sans cesse repoussées. Dans ce contexte, les coûts de l’urbanisation ne peuvent être optimisés. Ce sont surtout les transports qui posent pro­ blème sur ce plan. La poursuite de l’étalement accroît encore plus notre dépendance auto­ mobile. La région se trouve ainsi scindée en deux : la zone centrale, où la part modale du transport collectif (et du transport actif) est très élevée, parce que les conditions sont réunies pour que ce soit possible ; en périphérie, où la part modale du transport collectif diminue très rapidement, au fur et à mesure que l’on s’éloigne du centre, jusqu’à devenir homéopathique. Pour augmenter les densités, la Communauté métropolitaine de Montréal a proposé, dans son Plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD), de canaliser 40 % de la croissance dans des pôles desservis par des systèmes de transport collectif à haut niveau de service (bus express, métro, train, système léger sur rail, etc.) ; c’est ce qu’on appelle le transit-oriented development (TOD). Mais cette proposition pourra difficilement transformer les caractéristiques de l’urbanisation, surtout parce que la croissance de la région se fait déjà dans des pôles de densité dans une proportion similaire ; le PMAD ne propose donc pas de rupture qui pourra transformer nos façons d’urbaniser le territoire.

1. Voir par exemple Ville de Montréal, Service du développement économique (8 février 2017). Population et démographie, [En ligne], http://ville.montreal.qc.ca/pls/ portal/docs/PAGE/MTL_STATS_FR/MEDIA/DOCUMENTS/POPULATION%20ET%20D%C9MOGRAPHIE_8FEV2017_1.PDF. 2. Payeur, Frédéric F. et Martine St-Amour (février 2017). La migration interrégionale au Québec en 2015-2016 : les gains disparaissent à Laval, les pertes s’accentuent de nouveau sur la Côte-Nord, Coup d’œil, Institut de la statistique du Québec, no 50, [En ligne] http://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/population-demographie/ bulletins/coupdoeil-no50.pdf. 3. Ibid., p. 5.

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IMMOBILIER COMMERCIAL : : AVRIL – MAI 2017


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