Dossier UMQ - Le Québec économique 2018

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PRIORITÉS ET ENJEUX STRATÉGIQUES DE L’UNION DES MUNICIPALITÉS DU QUÉBEC PROPOS RECUEILLIS PAR EMMANUELLE GRIL

En cette année électorale, l’Union des municipalités du Québec (UMQ) est à définir sa plateforme et ses grandes priorités. Tour de piste avec son président et maire de Drummondville, Alexandre Cusson. VILLE DE DRUMMONDVILLE

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ALEXANDRE CUSSON Maire de Drummondville

ituée au cœur des actions de l’UMQ pour l’année 2018, la plateforme que l’organisation a bâtie avec ses membres détermine les grands enjeux et les priorités stratégiques. « Nous avons notamment mené une série de consultations auprès de nos cinq caucus d’affinité, où chacun a pu exprimer ses préoccupations en fonction de sa réalité spécifique », explique Alexandre Cusson. Il souligne que l’adoption en juin 2017 du projet de loi no 122, la Loi visant principalement à reconnaître que les municipalités sont des gouvernements de proximité et à augmenter à ce titre leur autonomie et leurs pouvoirs, a constitué un tournant historique. « Les municipalités disposent désormais d’une plus grande autonomie pour répondre aux besoins de leurs citoyens, ainsi que de nouveaux pouvoirs en matière de fiscalité, d’aménagement du territoire et de développement économique », se réjouit M. Cusson. Il ajoute toutefois qu’il faut à présent passer de la parole aux actes et entrer dans une phase de concrétisation.

FISCALITÉ ET FINANCES D’ores et déjà, trois grands enjeux ont été ciblés pour contribuer à développer des gouvernements de proximité efficaces et des régions prospères. Le premier concerne la fiscalité et les finances. « Selon les dernières données disponibles, en 2016, 71 % des revenus des municipalités provenaient de l’impôt foncier. Il est essentiel de diversifier les sources de revenus pour réduire cette dépendance. De plus, il faut s’assurer que certaines modifications législatives qui entreront bientôt en vigueur – la légalisation du cannabis, par exemple – n’engendreront pas des dépenses supplémentaires pour les municipalités », mentionne M. Cusson. Par ailleurs, l’impact majeur de la croissance du commerce électronique sur le commerce de détail a aussi des conséquences sur les revenus issus de la taxation foncière. « Il faut s’adapter à la nouvelle économie. Les commerçants investissent moins dans le bâti, les locaux sont plus petits, même si les besoins des citoyens ne varient pas. Le capital LE QUÉBEC ÉCONOMIQUE : : ÉDITION 2018

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immobilier n’a donc plus la même importance », explique Alexandre Cusson. Enfin, il émet le souhait que le gouvernement du Québec effectue le paiement complet des taxes sur ses propres immeubles (écoles, hôpitaux, bureaux administratifs, etc.) et qu’il partage les fruits de la croissance économique avec les municipalités. « Il faut implanter des solutions durables pour instaurer une fiscalité municipale qui soit davan­­tage en lien avec la transformation de l’économie et les responsabilités croissantes des gouvernements de proximité, comme le proposait le Livre blanc municipal », déclare le président de l’UMQ. MOBILITÉ ET TRANSPORT Le transport est un axe majeur du développement local et régional. Mais pour atteindre son but, il doit être sécuritaire, efficace, accessible, abordable et écologique. Dans ce domaine, les défis sont nombreux, qu’il s’agisse de transport par route, par air ou par voie maritime.

À cet égard, M. Cusson rappelle que les munici­ palités du Québec investissent plus de 2 G$ par an dans les transports en commun. « Ce sont des partenaires très importants dont il faut tenir compte. Ils figurent au premier plan en matière de développement de la mobilité et du transport durables et, de ce fait, ce sont des acteurs clés dans l’atteinte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre », note-t-il. Pour assurer la pérennité du réseau, le président de l’UMQ insiste sur la nécessité de développer de meilleurs programmes et d’entamer des dis­ cussions sur le partage des coûts d’exploitation. « Majorer le financement du transport collectif provenant du Fonds vert, permettre aux munici­ palités de prélever une taxe sur chaque litre d’essence et de percevoir des droits sur les immatriculations sont autant d’exemples des propositions que nous comptons mettre de l’avant », dit-il. Par ailleurs, les transports aérien et maritime ont aussi leurs propres enjeux. Pensons aux dessertes aériennes, au manque de concurrence et à son impact sur le prix des billets d’avion, à la mise à niveau des infrastructures portuaires, aux offres de circuits de traversiers et de croisières internationales, etc. DÉVELOPPEMENT LOCAL ET RÉGIONAL Alors que le rôle des élus municipaux en matière de développement économique local et régional s’est accru depuis l’abolition des centres locaux de développement (CLD) et des conférences régionales des élus (CRÉ) en 2014, les fonds nécessaires pour leur permettre de prendre le relais ne semblent pas avoir suivi. « Pourtant, lorsqu’il y a un transfert de nouvelles responsabilités, il devrait aussi y avoir des ressources finan­cières supplémentaires en contrepartie », fait valoir Alexandre Cusson qui tient à souligner que les municipalités ne sont pas seulement des acteurs de premier plan dans le quotidien des citoyens, mais qu’elles jouent aussi un rôle primordial dans le développement économique.

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« L’apport des gouvernements de proximité est essentiel pour permettre à l’économie du Québec de conserver un taux de croissance soutenu et de demeurer concurrentielle », affirme-t-il, souhaitant que le message de l’UMQ soit entendu par le gouvernement provincial.


LA FISCALITÉ ET LES FINANCES

AU CŒUR DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DES MUNICIPALITÉS PROPOS RECUEILLIS PAR YASMINA EL JAMAÏ

Découvrez les fruits de la concertation des membres de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) concernant les affaires fiscales et financières des régions de la province. VILLE DE LONGUEUIL

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SYLVIE PARENT Mairesse de Longueuil

LA TAXATION FONCIÈRE uzanne Roy, mairesse de Sainte-Julie et ex-présidente de l’UMQ, fait remarquer qu’à l’approche des élections générales provinciales, 71 % des revenus municipaux proviennent encore des impôts fonciers. Le Québec en dépend d’ailleurs plus que les autres provinces canadiennes. La diversification des sources de revenus des municipalités est ainsi jugée essen­ tielle pour remédier à cette disproportion fort contraignante pour les villes. Sylvie Parent, mairesse de Longueuil, membre du conseil d’administration et du comité exécutif de l’UMQ, estime qu’il s’agit de l’enjeu principal pour l’ensemble des municipalités, dans un contexte où leurs responsabilités ne font que croître avec le temps, tandis que le financement ne suit pas. Les deux mairesses interrogées voient dans le cannabis une source supplémentaire de revenus souhaitable pour les municipalités, d’autant plus que ces dernières devront acquitter des sommes liées à la sécurité publique et à l’urbanisme pour faire suite à la légalisation de cette substance. Or, les municipalités voient difficilement la possibilité d’alourdir ainsi leur fardeau fiscal actuel. Les membres de l’UMQ s’entendent donc pour réclamer que le tiers des revenus fiscaux perçus au Québec sur la vente du

VILLE DE SAINTE-JULIE

SUZANNE ROY Mairesse de Sainte-Julie

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cannabis revienne aux municipalités. Pour l’heure, le budget du ministre des Finances Carlos Leitão, datant du 27 mars, prévoit une prestation de 62 M$ sur deux ans destinée aux municipalités, dont plus de la moitié des revenus devraient provenir de la vente du cannabis. Comme le constate Mme Parent, même si ces sommes prévues dans le budget provincial 2018-2019 constituent un pas dans la bonne direction, il faudra s’assurer de mettre en place un mécanisme de compensation juste et équitable pour le futur. Suzanne Roy met de l’avant les propositions concrètes que l’UMQ souhaite voir appuyées par les partis politiques durant la prochaine campagne électorale, notamment que le gouvernement paie la totalité de ses taxes foncières le plus rapidement possible. La mairesse précise que le fait que le gouvernement ne paie pas 100 % de ces taxes influe sur l’achat par les municipalités de biens et de services, lesquels sont surenchéris. Ainsi, lorsqu’une municipalité absorbe les montants de ces taxes, seulement la moitié lui est remboursée par le gouvernement. La résultante, selon la mairesse, est que le gouvernement s’enrichit du développement économique issu des villes. Elle explique que les municipalités ne récoltent donc pas les fruits de la croissance qu’elles génèrent, 10

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ce qui les empêche de réinvestir en stimulant un développement économique plus poussé dans les régions. En outre, la mise en place de solutions durables sur tous les plans ne peut être priorisée, faute de moyens financiers. Mme Roy souligne que la problématique foncière fait en sorte que les municipalités se trouvent confrontées à des choix ardus : d’une part, l’obligation de procéder à plus de construction pour offrir des services aux citoyens ; d’autre part, la responsabilité de mettre en place des aménagements durables et de protéger les boisés, ce qui occasionne des investissements majeurs et se traduit par des pertes importantes de revenus fonciers. De son côté, Mme Parent spécifie qu’à l’heure actuelle, les compensations tenant lieu de taxes foncières ne couvrent que les trois quarts des sommes que le gouvernement doit aux munici­ palités ; elle demande donc à ce dernier de payer la totalité de ces taxes. Non seulement faut-il remédier au fait que les seuls bénéfices que les municipalités récoltent se trouvent dans la taxation foncière, recommande la mairesse de Longueuil, mais il faut aussi déterminer des mécanismes pour que les villes puissent toucher leur juste part des retombées économiques qu’elles génèrent.


Le manque à gagner pour Longueuil relativement aux compensations gouvernementales tenant lieu de taxes représente certainement quelques millions de dollars, comme l’explique Sylvie Parent. Tout comme les autres membres de l’UMQ, elle considère qu’il est essentiel et prioritaire que Québec verse la totalité de ses taxes foncières. C’est une question d’équité par rapport à l’ensemble des citoyens qui paient des taxes municipales. En outre, les sommes récupérées seraient investies dans les services directs aux citoyens, qui sont de plus en plus demandés.

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La situation relative à la taxation foncière est exacerbée par la nouvelle économie caractérisée par la domination d’entreprises influentes comme Amazon, Airbnb et Netflix et par l’avènement du commerce électronique qui exerce une pression à la baisse sur la construction d’hôtels et de centres commerciaux, selon Mme Roy. Elle explique que cette nouvelle réalité fait en sorte que les revenus issus des impôts fonciers s’amenuisent. Le budget du Québec du 27 mars dernier prévoit l’instauration d’une « taxe Netflix » pour recueillir la TVQ de la part des géants du numérique ainsi que d’Uber. Néanmoins, la récupération de ces montants ne semble ni aisée ni garantie.

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LA TVQ ET LE RÉÉQUILIBRAGE FISCAL L’UMQ réclame au gouvernement un remboursement total de la TVQ payée par les municipalités, lesquelles s’acquittent entièrement de leurs responsabilités. Se prononçant au nom des membres de l’UMQ, Sylvie Parent réclame aussi qu’une partie de la TVQ, soit 1 %, soit versée aux villes. Elle fait également remarquer que la nouvelle économie centrée sur le numérique se développe de plus en plus au détriment d’auteurs secteurs économiques. De plus, les nouveaux types de transactions électroniques génèrent beaucoup moins de richesse foncière pour les villes que par le passé, précise la mairesse. Devant ce manque à gagner, les municipalités, qui se trouvent au centre du développement économique régional, doivent obtenir le remboursement de la taxe foncière et d’une partie de la TVQ. La mairesse de Sainte-Julie renchérit qu’il est raisonnable, voire logique, que le gouvernement s’acquitte de ses responsabilités fiscales auprès des municipalités. En l’absence d’action et de fonds additionnels, les dépenses par les municipalités sont muselées, et l’offre de services, comme la bonification des parcs à proximité des écoles, devient irréalisable. Tous les membres de l’UMQ jugent inéquitable ce type de dilemme financier auquel font face les municipalités.

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Mme Roy est aux prises avec une situation inextricable pour le moment qui l’empêche de respecter ses engagements portant sur la protection environnementale. Elle explique que les municipalités comme la sienne se retrouvent confrontées à faire des choix financiers plutôt qu’à privilégier l’aména­ gement durable et à préserver les boisés, en raison de la perte importante de leurs revenus. Dans un même temps, les municipalités doivent répondre aux demandes diverses des citoyens en leur fournissant davantage de services pour améliorer leur qualité de vie et leur bien-être. Avec la poussée croissante de la nouvelle économie centrée sur le numérique plutôt que sur les aspects concrets comme les biens immobiliers, Suzanne Roy craint que la baisse envisagée sur le plan de la construction se traduise par un manque de revenus encore plus considérable pour les municipalités. En l’absence d’un rééquilibrage fiscal, les municipalités ne peuvent déployer davantage de mesures durables ni faire plus de choix écologiques à grande échelle. Les villes n’ont pas les moyens financiers d’effectuer les investissements qu’elles souhaiteraient pour éviter la construction de biens immobiliers dans les boisés. Même chose pour la préservation de la faune et de la flore et pour la sauvegarde de la biodiversité. Or, comme l’explique Suzanne Roy, les boisés sont les poumons des villes et assurent précisément la qualité de vie des citoyens.


LA MOBILITÉ ET LE TRANSPORT

VILLE SAINT-JEAN-SUR-RICHELIEU

DEUX ENJEUX NÉVRALGIQUES POUR LES MUNICIPALITÉS PROPOS RECUEILLIS PAR YASMINA EL JAMAÏ

Parmi les enjeux prioritaires des membres de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) figurent la mobilité et le transport, deux sujets largement débattus dans l’actualité. Voici les propositions que l’UMQ défend dans le cadre de sa plateforme municipale.

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LE TRANSPORT COLLECTIF ET LE TRANSPORT ADAPTÉ uzanne Roy, mairesse de Sainte-Julie et ex-présidente de l’UMQ, prévoit que les élections générales provinciales de 2018 porteront largement sur la mobilité et le transport. Elle souligne d’ailleurs qu’il faut majorer le financement du transport collectif provenant du Fonds vert, institué en 2016 pour favoriser le développement durable du Québec en protégeant l’environnement, en préservant la biodiversité et en luttant contre les changements climatiques. Selon elle, il s’agit de l’outil par excellence pour la réduction des gaz à effet de serre. Or, 41,7 % de ces gaz sont émis par le milieu du transport, rappelle la mairesse. Mme Roy préconise aussi que toutes les municipalités qui le désirent puissent prélever une taxe sur chaque litre d’essence vendu en tant qu’outil de financement supplémentaire du transport collectif comme le font Montréal et la région Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine. Le maire de Mirabel, Jean Bouchard, qui préside également la Commission de l’aménagement et des transports de l’UMQ, abonde dans le même sens. Il recommande aussi que soit accordé un financement aux municipalités par l’intermédiaire de la perception des droits d’immatriculation pour aider à développer un aménagement du réseau de transport en commun.

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JEAN BOUCHARD Maire de Mirabel

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Autant Mme Roy que M. Bouchard souhaitent que le gouvernement respecte son cadre financier en assumant 65 % des coûts en ce qui a trait au transport adapté, et ce, pour l’ensemble des régions du Québec. Suzanne Roy souligne que le gouvernement a l’engagement moral de verser ces sommes prévues pour le transport adapté, au lieu de la proportion de 55 % actuellement allouée.

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JÉRÔME LANDRY Maire de Matane Président du Comité sur le transport maritime de l’UMQ Représentant de la région du Bas-Saint-Laurent au Conseil d’administration de l’UMQ

ROGER ST-LAURENT, PHOTOGRAPHE

DANIEL CÔTÉ Maire de Gaspé Président du Comité sur le transport aérien de l’UMQ

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Dans le même ordre d’idées, la mairesse de Longueuil, Sylvie Parent, qui est également membre du conseil d’administration et du comité exécutif de l’UMQ, souhaite que le gouvernement du Québec compense les dépenses additionnelles qui découleront de l’arrivée du Réseau express métropolitain (REM). À titre d’exemple, le Réseau de transport de Longueuil (RTL) devra assumer une facture additionnelle importante pour rabattre les autobus vers les gares du REM, comme le prévoit l’entente entre la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) et l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM). Actuellement, les municipalités financent la majeure partie des coûts d’exploitation en matière de transport collectif, indique Mme Parent. Jean Bouchard et Jérôme Landry, maire de Matane, président du Comité sur le transport maritime de l’UMQ et représentant de la région du Bas-Saint-Laurent au Conseil d’administration de l’UMQ, sont préoccupés par les congestions routières. Pour y remédier à Mirabel, M. Bouchard recommande l’instauration de mesures afin d’améliorer la fluidité de la circulation sur les autoroutes utilisées par des dizaines de milliers d’automobilistes, de même que l’ajout de voies réservées pour le transport collectif dans le but d’assurer une mobilité durable, notamment pour les grands secteurs de la Rive-Nord et de la Rive-Sud. Par ailleurs, le maire se dit déçu qu’aucun engagement n’ait été pris pour prolonger l’autoroute 13 dans le budget du 27 mars et pour limiter la congestion sur les autoroutes 13, 15 et 50. Du côté de Matane, la congestion quotidienne des routes et la détérioration de celles-ci sont problématiques. En somme, les municipalités s’enten­ dent pour dire que le partage des coûts d’exploitation du transport collectif avec le gouvernement doit être révisé. Pour sa part, Daniel Côté, maire de Gaspé et président du Comité sur le transport aérien de l’UMQ, attire l’attention sur l’accélération de l’érosion des berges dans sa ville et ailleurs en Gaspésie et sur le danger que l’accès routier à une partie de la région soit de nouveau coupé. Pour éviter l’isolement de la pointe gaspésienne, un repositionnement du réseau routier nécessitant un investissement de 100 M$ serait souhaitable.


LE TRANSPORT AÉRIEN Suzanne Roy déplore les investissements insuffisants dans les aéroports régionaux. Même si Québec prévoit une enveloppe de 173 M$ pour la modernisation des aéroports régionaux et la réduction des tarifs aériens, les membres de l’UMQ estiment que le montant pour la remise à neuf de ces aéroports devrait plutôt se situer autour de 400 M$ sur 5 ans. Mme Roy et M. Côté souhaitent que des mesures stimulent la concurrence dans le marché aérien en réduisant le coût exorbitant des billets d’avion. Suzanne Roy rappelle qu’il est bien plus cher de s’envoler vers les Îles-de-la-Madeleine que vers n’importe quel pays euro­péen. Quant à M. Côté, il doit effectuer 9 heures de trajet en voiture ou 12 heures d’avion pour arriver à Sept-Îles, qui se trouve pourtant de biais avec Matane ; sa région reste inaccessible au commun des mortels en raison des tarifs aériens astronomiques.

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Aux dires du maire de Gaspé, pour stimuler la concurrence et l’augmentation de lignes aériennes provenant d’avions nolisés, un soutien du gouvernement est requis, à plus forte raison à cause de la concurrence exercée par Air Canada. Les mesures recommandées concernent le financement de l’infra­ structure, le soutien gouvernemental au développement de ces lignes et des programmes d’aide pour les trans­ porteurs aériens afin qu’ils desservent les régions sans être acculés à la faillite. Selon M. Côté, le modèle québécois axé sur l’absence de concurrence et des tarifs élevés doit être remplacé ; l’aide du gouvernement par l’établissement d’un prix plancher sur les vols aériens en régions et par le soutien offert aux transporteurs est la bienvenue.

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que la prestation de l’investissement gouvernemental soit accélérée en vue de la sauvegarde des emplois et des entreprises.

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LE TRANSPORT MARITIME Jérôme Landry préconise une solution au problème de congestion et de détérioration des principaux axes routiers du Québec par l’utilisation du fleuve SaintLaurent. Le transport avec un seul navire permettrait de remplacer celui de 400 à 500 camions standard en répondant plus efficacement aux besoins des entreprises. Pour y parvenir, le financement de la mise à niveau des infrastructures maritimes s’avère essentiel. Le maire de Matane souligne que les nouveaux navires que l’on construit actuellement sont ultrapolyvalents, car ils permettent le transport de différents types de marchandises et des opérations de transbordement plus efficaces. M. Landry considère que l’industrie maritime procure un transport moins énergivore que celui des camions. De plus, la dégradation du réseau routier serait ralentie, et la congestion diminuerait.

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LE TRANSPORT FERROVIAIRE Pour les régions, en général, la priorité revient au transport aéroportuaire, tandis que l’enjeu primordial pour Gaspé est le transport ferroviaire, notamment en raison des investissements requis en infrastructures marqués par un sous-financement chronique depuis les 40 dernières années, selon M. Côté. Il ajoute qu’en dépit de l’engagement du ministère du Transport d’investir 100 M$ dans les infrastructures, il semblerait que seuls 4 M$ aient été dépensés. Or, de 700 à 1 000 emplois sont rattachés au chemin de fer, ce qui est considérable pour la région gaspésienne, et l’essor des entreprises se trouve freiné par un accès insuffisant au transport ferroviaire. Par exemple, l’usine de pales d’éoliennes LM Wind Power se voit imposer des surcoûts considérables pour transporter des composantes de grande taille par camions avec l’accompagnement obligatoire de véhicules de sécurité, ce qui n’est pas nécessaire dans le cas du transport ferroviaire commercial. M. Côté insiste pour 16

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Pour que ce projet se matérialise, le maire de Matane recommande la révision de la fiscalité afin que les règles du jeu sur le plan du transport routier soient les mêmes que celles en vigueur pour le transport maritime. Les trans­ porteurs routiers n’assument pas les coûts réels de leurs activités, contrairement au secteur maritime où les frais de quayage, de déglaçage et de sécurité environnementale sont pris en charge. Par ricochet, le transport maritime, qui est beaucoup plus écologique, serait plus compé­titif que le transport par camions pour certains types de marchandises. M. Landry estime qu’il incombe aux gouvernements de s’engager vigoureusement dans la mobilité durable de personnes et de marchandises en utilisant davantage le fleuve Saint-Laurent. Le maire préconise également le respect des espèces comme les baleines, ainsi que celui de l’écosystème marin, ce qui est d’ailleurs facilité depuis l’évolution de l’industrie maritime (traversier écoénergétique électrique, coques résistantes pour éviter les déversements). Parmi les autres propositions de l’UMQ figure la bonification de l’offre pour les croisières internationales et les croisières fluviales même l’hiver, ce qui stimulerait le développement économique des régions concernées. Bref, le transport aérien, ferroviaire et maritime constitue un enjeu central pour le développement socioéconomique de toutes les régions du Québec, mais aussi pour le rapprochement des citoyens des grands centres urbains, conclut le maire Daniel Côté.


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LE DÉFI DU DÉVELOPPEMENT LOCAL ET RÉGIONAL PROPOS RECUEILLIS PAR EMMANUELLE GRIL

Les compressions effectuées au cours des dernières années par le gouvernement provincial dans le budget consacré au développement local et régional ont fait mal aux municipalités. Elles se sont toutefois retroussé les manches et proposent plusieurs pistes de solution pour réussir à relever le défi.

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n 2014, le gouvernement a aboli les conférences régionales des élus (CRÉ) et les centres locaux de développement (CLD). Désormais, ce sont les élus locaux – des municipalités et des municipalités régionales de comté (MRC) – qui doivent gérer les sommes incluses dans les fonds locaux d’inves­ tissement. Plusieurs ont vu dans ce geste une perte d’expertise, de leviers économiques et d’outils de concertation. UNE DURE PERTE Même si le gouvernement Couillard a affirmé avoir maintenu les budgets consacrés au développement, c’est un tout autre son de cloche que l’on entend sur le terrain. « Environ 60 % de mon budget destiné au développement local et régional a disparu », constate Vicki-May Hamm, mairesse de Magog, en Estrie, et présidente du Caucus des cités régionales de l’Union des municipalités du Québec (UMQ). « Nous avons réfléchi aux différentes façons de faire face à ces compressions. Par exemple, nous avons mis sur pied une équipe économique intégrée au sein de la MRC et conclu des ententes avec des experts qui aident à répondre à des besoins plus pointus, par exemple en matière d’immigration, de transport, etc. », précise-t-elle.

VILLE DE MAGOG

VICKI-MAY HAMM Mairesse de Magog Présidente du Caucus des cités régionales de l’UMQ LE QUÉBEC ÉCONOMIQUE : : ÉDITION 2018

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Jean-Maurice Matte, maire de Senneterre en AbitibiTémiscamingue et président du Caucus des municipalités de centralité de l’UMQ, estime pour sa part que la disparition des CLD et des CRÉ a fait très mal en matière de cohésion régionale. « On ne s’en est pas encore remis. Qui plus est, l’abolition des CRÉ a généré une centralisation de l’action gouvernementale. Les ententes administratives avec le gouvernement ou les ententes multiministères n’existent plus. Il faut donc apprendre à travailler autrement », déplore-t-il. Il précise que les MRC disposent de certains outils, mais que cela demeure à échelle variable. « Avec ce changement, les municipalités qui étaient déjà engagées dans un processus de développement local et régional ont réussi à tirer leur épingle du jeu, mais c’est moins vrai pour d’autres », mentionne M. Matte.

VILLE DE SENNETERRE

JEAN-MAURICE MATTE Maire de Senneterre Président du Caucus des municipalités de centralité de l’UMQ

Caryl Green, mairesse de Chelsea en Outaouais et présidente du Caucus des municipalités locales de l’UMQ, ne voit pas non plus cette abolition d’un œil favorable : « Avec la fin des CLD et des CRÉ, nous n’avons plus de vision régionale ; il nous manque assurément une table de concertation. On met en place des ententes avec d’autres municipalités, mais c’est du cas par cas et l’on travaille à la pièce. » DES ENJEUX SPÉCIFIQUES Sur le terrain, on s’entend pour dire que cette perte a porté un dur coup aux municipalités. Celles-ci doivent aussi faire face à leurs propres enjeux en matière de développement local et régional. Vicki-May Hamm illustre cette réalité avec le cas de Magog. « Lorsque je suis arrivée en poste il y a huit ans, nous venions de perdre 4 000 emplois dans le secteur manufacturier. Nous avons donc travaillé à diversifier l’économie pour favoriser la reprise », mentionne-t-elle. Un processus couronné de succès puisqu’aujourd’hui, la municipalité a renoué avec la croissance. « Nous avons revu le plan de développement pour le parc industriel et nous accueillons désormais beaucoup de petites entreprises en R et D, en technologies de l’information, par exemple », se réjouit la mairesse. Le prochain défi consiste toutefois à recruter la main-d’œuvre nécessaire pour pérenniser et poursuivre cette expansion. « Nous voulons continuer à attirer des entreprises et des investissements, mais pour y parvenir, nous devrons réussir à séduire et à retenir les ressources humaines », estime Mme Hamm.

VILLE DE CHELSEA

CARYL GREEN Mairesse de Chelsea Présidente du Caucus des municipalités locales de l’UMQ

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Jean-Maurice Matte abonde dans le même sens. « Nous aussi connaissons une pénurie de main-d’œuvre. C’est un grand défi pour les régions comme l’Abitibi, où l’on exploite les ressources minières et forestières », assure-t-il. La difficulté consiste à inciter les nouveaux venus à s’établir pour de bon, au lieu de faire du fly in-fly out et, récemment, du drive in-drive out, en provenance des régions voisines. « Les travailleurs viennent une semaine ici, puis repartent chez eux pendant quelques jours, et ainsi de suite. Résultat : ils ne s’installent jamais chez nous, et la main-d’œuvre locale manque à l’appel », explique-t-il.


De son côté, la municipalité de Chelsea connaît ses propres difficultés, compte tenu de la proximité d’Ottawa et de Gatineau, deux centres urbains qui exercent un fort pouvoir d’attraction sur la main-d’œuvre. « Nous devons composer avec cette concurrence. Nos employés nous quittent pour avoir accès à un meilleur salaire. De plus, nous connaissons plusieurs enjeux en matière de transport, mais aussi de logement, car les maisons sont chères dans notre municipalité », souligne la mairesse.

concer­­ta­t ion est essentielle si l’on veut adopter une approche régionale, ce qui est plus difficile dans les conditions actuelles », remarque Mme Green.

La mise en place récente d’un transport collectif créant un lien entre le monde rural et urbain va sans doute apporter un début de solution, de même que la construction de 1 000 nouvelles résidences d’ici 5 à 10 ans. « Il faut toutefois conjuguer ce processus de densification et de développement avec notre volonté de préserver l’environnement et le patrimoine, ainsi que le cachet particulier de notre région », fait valoir Mme Green.

Jean-Maurice Matte abonde dans le même sens et souligne que le gouvernement doit voir les municipalités comme de véritables partenaires en plus de partager avec elles les fruits de la prospérité : « L’assiette fiscale associée à la crois­sance économique devrait être redistribuée plus équita­ blement. De plus, il faut que le gouvernement paye les taxes sur les édifices qui lui appartiennent : écoles, hôpitaux, bâtiments administratifs, etc., ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. » Un avis que partagent tous les intervenants municipaux interrogés.

DES PISTES DE SOLUTION De l’avis des trois élus municipaux interrogés, les program­ mes mis en place par le gouvernement pour soutenir le développement local et régional devraient être assouplis. « Par exemple, on annonce des programmes, mais pour y avoir accès, la MRC doit verser 30 ou 50 % des montants. On n’a pas toujours les fonds nécessaires. En outre, la

« Il est grand temps que le gouvernement nous offre une aide qui respecte l’ADN des régions, et non pas des programmes mur à mur », estime pour sa part Mme Hamm qui plaide pour l’introduction d’outils plus souples et mieux adaptés à la réalité et aux besoins précis des MRC.

D’une MRC à l’autre, les besoins sont multiples, mais dans tous les cas, les municipalités appellent à un réinvestisse­ ment dans les gouvernements de proximité et souhaitent un meilleur partage des fonds publics.

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LES PROPOSITIONS DE L’UMQ Après consultation de ses membres, l’UMQ a bâti une plateforme définissant ses priorités. Celles-ci sont au cœur des actions qu’elle mènera en 2018, une année électorale. La plateforme constitue donc un outil qui donnera aux partis politiques l’occasion de se positionner et de prendre des engagements vis-à-vis des gouvernements de proximité et en faveur des régions. Pour répondre aux grands enjeux de l’ensemble des municipalités, mais aussi à certains défis sectoriels en matière de développement local et régional, l’UMQ a présenté un certain nombre de propositions. En voici quelques-unes :

accroître et consolider les emplois gouvernementaux en région ; réinvestir dans les organismes municipaux de développement économique ; bonifier le Fonds d’appui au rayonnement des régions (FARR) et assurer un plus grand respect de l’autonomie municipale ; bonifier le Fonds de développement des territoires (FDT) ; soutenir financièrement le développement de municipalités intelligentes ; compléter le déploiement des infrastructures numériques dans toutes les régions ; transférer aux gouvernements de proximité les ressources financières nécessaires à l’accueil et à l’intégration des immigrants ; permettre aux municipalités de conclure des ententes de financement avec le gouvernement fédéral sans avoir recours à l’adoption d’un décret d’exclusion ; favoriser la collaboration entre les établissements d’enseignement, les centres collégiaux de transfert technologique (CCTT) et les entreprises ; poursuivre la mise en place de CCTT et assurer leur financement ;  partager équitablement avec les municipalités les redevances sur les ressources naturelles ; mettre en place un programme de sylviculture intensive ; créer un programme pour soutenir les créneaux forestiers d’avenir ; compléter le déploiement du réseau de distribution de gaz naturel ; soutenir l’émergence de filières énergétiques vertes. 20

LE QUÉBEC ÉCONOMIQUE : : ÉDITION 2018


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