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Sexperte

Sexperte Sophie Pilcer, sexologue

APRÈS UN ENFANT, BAISSE DE DÉSIR!

Oh! Qu’il est mignon ce petit chérubin, on dirait bien qu’il ressemble à son papa dit papa ours. Ou, non, je trouve qu’il a les yeux de sa maman dit maman ours. Ou, non, il a le nez de son grand-père et la bouche de sa grand-mère, quoique ce teint mat, c’est plutôt du côté de chez nous.. Bref, vous la connaissez la chanson de c’est le nôtre, il est de notre lignée, il est à nous et pas à vous… C’est la chanson du nouveau-né qui n’a pas le temps d’arriver que, déjà, on se l’arrache…

On s’arrache sa filiation, son appartenance familiale à grands coups de dissection, et du morcellement sur la scène familiale digne d’une démonstration de Charcot. On omet, on oublie ses parents ou plutôt, non, on les assigne au rang de simples géniteurs. Et on oublie que ce Jano et cette Janette fraîchement parents en prennent pour 20 ans minimum de responsabilités, de soucis, d’attention et d’angoisses en tout genre. Oui, évidemment dans un monde idéal, il conviendrait de penser à aider, soulager ces jeunes parents, penser à eux, s’occuper d’eux, leur permettre d’avoir du temps pour eux. Mais nous ne sommes pas dans un monde idéal, mais dans un monde où tous les papas ours et les mamans ours zappent la dégringolade libidinale qu’ils ont vécu il y a fort, fort, longtemps. Parce que, oui, dégringolade il y a et le mot n’est pas trop fort!

Notre Janette, le ventre vide, est certes pleine de bonheur - quoique, ça, c’est encore à voir, tant de jeunes mères simulent le bonheur à l’arrivée de bébé alors qu’elles sont pétrifiées d’angoisse. Et l’angoisse ne fait pas bon ménage avec le désir… Vous voyez le tableau! Ah et j’oubliais les quelques kilos bien résistants, dans ce que certains appellent les poignées d’amour, n’arrangent rien à l’affaire. Quelle affaire me direz-vous? L’affaire cachée, clandestine, honteuse pour certaines que l’arrivée de bébé ne rime pas avec explosion sexuelle. «Il faut du temps», serait le mantra de ces jeunes mères allaitantes, qui se perdent de vue pour n’avoir d’yeux que pour ce petit être tant adulé!

Mais rares sont les nouvelles mères qui osent réclamer, revendiquer un temps sexuel mort après l’arrivée de bébé, rares sont les mères qui osent tout simplement prendre du temps rien que pour elles, un temps égoïste, un temps de reconstruction, de séduction, de plaisir et c’est là que pourrait intervenir la horde familiale. Et Jano dans tout ça, il sert à quoi? Il comprend quoi à cette dégringolade? Souvent pas grand-chose, mais la faute à qui? Il faut lui dire que vous n’êtes pas prête, que vous n’en avez pas envie, que c’est trop tôt, mais lui dire sans le repousser, lui dire que vous avez besoin de tendresse, que vous rêvez qu’il vous prenne dans ses bras comme juste pour vous prendre dans ses bras avec amour et tendresse sans transformer ce doux moment en un préliminaire qui de toute façon n’aboutira là maintenant à rien de sexuel parce que vous avez besoin de vous retrouver, de retrouver votre corps, de vous regarder à nouveau dans les yeux de Jano, d’être enlacée dans ses bras gratuitement. Oui, après bébé, vous avez besoin d’un enlacement gratis, alors Jano, on y va, on embrasse gratis sans embrasement, sans dérapage, sans malentendu. Sans malentendu à condition d’être entendue, chère Janette. Et pour être entendue, il va falloir parler, oser dire vos besoins, oser dire que l’arrivée de bébé a tout chamboulé, oser dire que le grand chamboulement de la maternité n’est pas synonyme d’épanouissement sexuel, oser dire la complexité de cette jeune maman que vous êtes heureuse et parfois si perdue.

Osez livrer sans honte la complexité de vos désirs, le bonheur maternel et le libidogramme plat, c’est votre vérité et il n’y a qu’elle qui compte et qui peut être livrée sans aucune culpabilité, elle est la vérité de tant et tant de Janette devenues mères!