3 minute read

Aurore Morisse

JANETTE RENCONTRE L’ART DE TRANSMETTRE

Élodie Lambion

Marchande d’art et acheteuse sur l’émission Affaire Conclue, présente pour la première fois au salon Antiques & Art Fair à Luxexpo The Box, avec naturel et sincérité, Aurore Morisse partage sa passion du métier, sa vision du marché. Un échange en toute transparence reflétant les valeurs, l’éthique, la nouveauté et la transmission qu’elle insuffle dans sa profession.

La conférence que vous présenterez lors du salon luxembourgeois aborde l’art 3.0. Comment le définiriez-vous ?

En fait, l’art 1.0, c’était acheter en boutique sans internet ni télévision. Pour l’art 2.0, tout était numérisé et pour l’art 3.0, tout le monde se dit antiquaire, le mot collectionneur est amené à disparaitre. En utilisant les plateformes à la place de chiner, les profils des clients ont changé : avant, ceux-ci cherchaient des choses exclusives, un patrimoine caché, ils avaient un grain de curiosité alors qu’à présent, ils veulent seulement posséder. L’art 3.0, c’est de la spéculation marketing. Certains clients n’achètent plus pour eux, mais pour montrer aux autres qu’ils ont.

Professeure, conférencière, en quoi la transmission est-elle essentielle pour vous ?

J’aime beaucoup partager, c’est le but de mon métier. Mon papa était lui-même antiquaire, il m’a transmis ses connaissances. Échanger, transmettre pour ne pas perdre, c’est une nécessité. Pour moi, un objet aussi, cela se transmet. Avant, chaque famille possédait des objets qui se léguaient de génération en génération. Chaque objet avait donc une âme, une histoire. Or, actuellement, il n’y a plus de transmission, de partage. Moi, j’ai ce besoin de le faire.

Quelle est l’origine de cet engouement pour les pièces ayant eu plusieurs vies ?

À cause du covid, les gens cloitrés chez eux ont refait leur intérieur. Certains ont investi dans l’art, car c’était plus facile pour eux que d’acheter une maison. Certains clients achètent parce qu’ils aiment l’objet tandis que d’autres viennent en me demandant quelle sera sa plus-value dans quelques années. Je ne suis pas Madame Irma. Il n’y a plus cet engouement lié à ce qu’on aime bien, mais on cherche l’aspect financier. On ne pense plus à léguer des choses à ses petits-enfants. Auparavant les collecteurs, dès que je rentrais un objet et avant même de le mettre en boutique, je les appelais, car ils aimaient l’exclusivité, c’était cela la possession. Aujourd’hui, posséder, c’est montrer à tout le monde qu’on a. Pour moi, il faut ressentir un frisson, comprendre que quelque chose se passe en voyant l’objet.

Quelle spécificité le marché luxembourgeois possède-t-il par rapport au patrimoine mobilier, à l’art ?

Le Luxembourgeois est très discret, il montre moins et en même temps, il possède ce brin de folie qui fait qu’il ne se pose pas de question.

Il veille à ce que le patrimoine national reste au Luxembourg. Privilégiant la qualité, il est prêt à mettre le prix. Il recherche une touche de fantaisie et en même temps la belle marchandise. À ce côté conservateur, davantage classique, s’ajoutent des influences parisiennes et bruxelloises.

Vous avez récemment ouvert une galerie d’art à Liège en Belgique. Peut-on espérer un jour l’ouverture d’une galerie d’art à votre nom au Luxembourg ?

J’adorerais ouvrir un pop-up store par exemple ou collaborer avec des hôtels. J’aime faire les choses que personne n’oserait faire. Il faut toujours aller à contre-courant. L’art, c’est cyclique, c’est acheter maintenant ce que les gens ne veulent pas tout en privilégiant la qualité.

Que vous apporte votre participation à l’émission « Affaire conclue » en tant qu’acheteuse ?

De la crédibilité et de la légitimité. Pour beaucoup, être marchande d’art, avoir 32 ans, être une femme et avoir autant de connaissances, ce n’est pas possible. Or, par le biais de l’émission, je montre que je pense avoir des connaissances, que je sais ce que je raconte, que je dois être meilleure, bosser deux fois plus que les hommes pour avoir réponse à tout. N’importe quelle femme doit être meilleure, nous n’avons pas le droit à l’erreur. Cette émission m’a donné confiance en moi, car je mettais mes capacités en doute. Je suis transparente dans mon métier, les clients m’apprécient pour cela et m’accordent leur confiance. Je garde des valeurs, ce côté éthique. Je n’ai aucun problème à me regarder dans le miroir le matin et le soir. Ce métier est basé sur la confiance, la longévité.

Qu’est-ce qui vous procure le plus de satisfaction dans votre profession ?

Lorsque les objets ont trouvé leur place chez les clients, que ceux-ci m’envoient des photos, me remercient et que par la suite, ils continuent à faire appel à moi. C’est d’ailleurs pour cela que je laisse à chacun la possibilité d’avoir un bel objet chez lui. Dans ma galerie, il y a également deux boites magiques : l’une avec des bijoux fantaisie et l’autre avec des médailles, des jouets. Lorsque des clients viennent avec leurs enfants, je propose à ceux-ci de choisir un objet dans l’une des deux boites. Récemment, un jeune garçon a choisi une petite voiture. Son papa est revenu peu après et m’a raconté que depuis il les collectionnait. Cela fait partie des moments forts de mon métier.

Ses actus

Mission

« Affaire conclue » du lundi au vendredi à 16h15 sur France 2

Au Luxembourg

Salon Antiques & Art Fair de Luxexpo du 27 au 30 janvier 2023

Conférence « L’art 3.0, quand le marché s’exporte à la télévision ! » le samedi 28 janvier 2023 à 15h, également à Luxexpo

Élodie Lambion

NOTRE MUSE DU MOIS