ISOLOIR magazine spécialisation Presse ISCPA 2017

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Hors-série - Mars 2017

Génération désabusée recherche alternatives —1— MAQUETTE FINALE FINALE.indd 1

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L’équipe

© Marion Gergely

L’ Isoloir est un magazine édité par Directrice de la publication Directeurs de la rédaction

Couv’ : Manifestation du 2 juin 2016 à paris. © Léa de cazo

Rédactrice en chef Rédactrice en chef adjointe Maquettistes Secrétaires de rédaction Journalistes

Isabelle Dumas Claire Pourprix, Raphaël Ruffier, Olivier Vassé Marlène Thomas Victoria Havard Selena Miniscalco et Amélie Vuargnoz Anne Rivière, Marion Gergely, Victoria Havard Matthieu Bassaïstéguy, Angélique Bernard, Hugo Dervissoglou, Manon Dognin, Clémentine Emonoz, Marion Gergely, Victoria Havard, Selena Miniscalco, Anne Rivière, Marlène Thomas, Amélie Vuargnoz

47, rue Sergent Michel-Berthet, 69009 Lyon Toute l’équipe de Isoloir tient à remercier Kevin Kristen enseignant de PAO à l’ISCPA, Tanguy Colon étudiant en 2ème année de journalisme et Maxime Roye, étudiant en 3ème de communication qui nous ont apporté leur aide pour l’élaboration de ce magazine

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Édito © Manon Dognin

La politique, un truc de vieux ?

Désintéressés, désabusés ou encore désengagés (voir article pp.16-17). Ces termes sont régulièrement utilisés afin de décrire le rapport des jeunes à la politique. Avec un taux d’abstention de 66 % pour les 18-34 ans aux élections régionales de 2015 et de 19 % (des 18-25 ans)* à l’élection présidentielle de 2012, ce constat ne peut être complètement nié. Néanmoins, des nuances sont à apporter. Il n’est pas rare d’entendre dans la bouche de ces derniers : « La politique c’est barbant », « Je ne me reconnais pas dans les politiques », « Je ne sais pas pour qui voter ». En effet, la jeunesse rencontre un réel problème de représentativité. L’âge moyen des élus de l’Assemblée nationale est de 54 ans, un chiffre qui s’élève à 61 ans chez les sénateurs. Ces “vieux de la vieille” indétrônables n’ont éviPar Marlène Thomas demment pas les mêmes préoccupations que de jeunes étudiants ou actifs inquiets pour leur avenir. Ils représentent plus de 6 millions de personnes (18-25 ans), pourtant, les sujets touchant la jeunesse sont relativement peu évoqués par les candidats à la présidentielle. Ces éléments expliquent un certain manque d’engouement de cette population pour la politique, qu’ils associent à un enjeu d’anciens. Un relatif rajeunissement des candidats à la présidentielle Cette année est tout de même à marquer d’une pierre blanche, puisque trois des principaux candidats à l’élection présidentielle ont moins de 50 ans. Marine Le Pen et Benoît Hamon ont soufflé leurs 49 bougies. Le cadet de cette course au pouvoir est bien sûr Emmanuel Macron, 39 ans. François Fillon, 63 ans et le patriarche Jean-Luc Mélenchon, 65 ans, plombent la moyenne d’âge des cinq prétendants, la faisant s’élever à 54 ans. Les deux hommes sont tout de même bien loin des 81 ans de François Bervas, un candidat à la présidentielle plutôt loufoque (voir portrait p. 88). Des jeunes à la recherche d’alternatives Sans surprise, le candidat d’En marche !, qui se veut ni de droite ni de gauche, suscite donc l’engouement chez les jeunes électeurs à la recherche d’alternatives, qui vont à ses meetings comme à un concert de Beyoncé (voir p. 56-57). Même si les meetings sur fond de Jay-Z sont plus fun que ceux où résonnent des chants patriotes, cette vague de ras-le-bol fait surtout le jeu du Front national, qui se revendique « premier parti des jeunes » (article p.14-17). Finalement, c’est à travers des actions citoyennes, à l’échelle locale, que les jeunes commencent à retrouver goût à la politique. Impliqués dans les conférences citoyennes ou les associations à dimension politique, cette forme de démocratie participative prend une nouvelle place sur la scène politique française (voir pp. 34-38). Notre système, on ne peut plus vieillissant, entrerait-il dans une phase de renouveau ? Le lifting s’est un peu fait attendre et le retard avec les pays nordiques ou anglo-saxons ne sera pas facile à rattraper. Mais on avance dans la bonne direction. * Source chiffres : Insee

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sommaire © FNJ, Marion Gergely et Léa De Cazo

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Dissensions à gauche, bis repetita ? Les candidats draguent à l’international

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Société

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Système

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Dépouillement

Front national : roulez jeunesse ! Désabusés un jour, désabusés toujours ? Ces hommes qui se cachent derrière les femmes politiques

L’obscur financement des partis Sondages, le bon filon

Transition

Jeunes et politiques alternatives, mode d’emploi Le vote blanc, à quoi ça sert ?

Tractation

Les politiques se la jouent geek Lire entre les lignes des discours politiques L’anglais s’invite dans la campagne

P. 58

4e pouvoir

P. 68

Tendances

P. 86

Politiquement incorrect

Quand les journalistes changent de casquette Journalistes et politiques, une dépendance réciproque Le off fait débat

Les musiciens américains en rythme contre Trump ‘‘T’as le look coco’’ Les politiques dans les starting-blocks

À la rencontre de candidats insolites Prototypes d’électeurs clichés

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L e s é c h o s d e cam pag ne

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Après un mois de débâcle médiatique, l’heure est au constat pour François Fillon. L’affaire du Penelope Gate a largement ébranlé la campagne du candidat. D’une part, à cause du temps perdu à se justifier sur les faits, ce qui équivaut à environ 1h30 de temps de parole. Ceci sans compter les reprises et analyses des différents médias les jours suivants, sa conférence de presse du 6 février dernier ou son intervention au 20 heures de TF1. D’autre part, on peut aussi noter sa chute vertigineuse dans les sondages. Selon un récent sondage de l’Ifop pour iTélé, le candidat serait passé de 28 % à 18 % des intentions de vote entre les mois de décembre et de février.

En France, on n’aime pas le succès, alors on va le chercher ailleurs. Emmanuel Macron, le 21/02 à Londres

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François Fillon, la grande dégringolade

Macron, l’homme à abattre ? C’est incontestablement la surprise de cette campagne présidentielle. « C’est un peu un clignotant, Emmanuel Macron, un jour de droite, un jour de gauche », lançait Benoît Hamon sur France 2, le 29 janvier dernier. Une position qui dérange tous les bords politiques et qui fait du candidat d’En Marche ! un concurrent d’autant plus sérieux. C’est surtout sa progression dans les sondages qui en fait l’homme à abattre pour ses adversaires. Cette position lui interdit tout faux pas et les autres prétendants à l’Élysée le surveillent de très près. Marine Le Pen et François Fillon en tête de liste, n’ont de cesse de mettre à mal la stratégie de l’ancien ministre de l’Économie. Preuve qu’ils le redoutent, tous dénoncent la platitude de ses prises de parole et un « candidat sans programme », un « candidat attrape-tout ». En faisant le choix de bâtir sa popularité sans programme précis, Emmanuel Macron s’expose encore davantage aux critiques. Toutefois, cela ne l’empêcherait pas, d’après un récent sondage réalisé par la société belge Dedicated Research, le 20 février, d’arriver en tête du premier tour devant Marine Le Pen.

© Elyxandro Cegarra

Affaire Théo : cachez cette vérité que je ne saurais voir Comme si l’affaire Fillon ne suffisait pas à détourner l’attention des électeurs, l’affaire Théo, mais surtout sa récupération politique, vient une nouvelle fois creuser l’écart existant entre l’élite politique et les citoyens. Alors que de nombreuses personnes sont descendues dans les rues pour exprimer leur crainte quant au laxisme de la justice après ces événements, certains politiques, à l’instar de Marine Le Pen, ont soutenu les forces de l’ordre coûte que coûte. La candidate FN profite ainsi de l’occasion pour remettre le sujet de l’insécurité dans les banlieues sur la table.

François Hollande a rendu visite à Théo à l’hopital, le 7 février dernier. © Twitter François Hollande MAQUETTE FINALE FINALE.indd 6

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L es éc hos d e ca mp a gn e

François Bayrou, le renoncement sacrificiel Depuis plusieurs semaines, le président du MoDem, François Bayrou, faisait planer le suspense autour d’une éventuelle candidature à la présidentielle. Mais mercredi 22 février, coup de tonnerre : le maire de Pau annonce ne pas se présenter, pour la première fois depuis 2002. Après avoir longtemps laissé croire qu’il allait faire cavalier seul, François Bayrou a finalement décidé, après l’avoir beaucoup critiqué, de soutenir Emmanuel Macron dans la course à l’Élysée. C’est donc la fin d’une aventure pour l’élu qui s’est résigné à ce retrait « par sacrifice ».

Marine Le Pen/UE : la guerre est déclarée

François Fillon n’est pas le seul à devoir répondre de suspicions d’emplois fictifs. Marine Le Pen est accusée par le Parlement européen d’avoir employé deux de ses proches, rémunérés en qualité d’assistants parlementaires par l’UE. Son garde du corps, Thierry Légier, employé depuis 2010 et Catherine Griset, sa chef de cabinet, représentent un préjudice financer de 340 000 euros, que la présidente du Front national a refusé de rembourser au Parlement européen. La deuxième perquisition au siège du FN, n’a, à ce jour, donné aucune preuve infirmant ou confirmant la suspicion d’emplois fictifs. Preuve une fois encore du mépris de Marine Le Pen pour les institutions européennes.

La présidentielle 2017 en chiffres

23 avril / 7 mai

65 000 bureaux de vote

44,7 millions d’électeurs

54 candidats*

Les enjeux du mandat

Travail 39 heures par semaine

Nucléaire

77 % de l’électricité produite par les centrales

Logement 3,5 millions de mal logés

État d’urgence L’état d’urgence a été prolongé pendant 20 mois

Cannabis 1,4 million de consommateurs

Immigration

160 000 demandeurs d’asile par mois dans l’UE

Famille

11 500 personnes concernées par le regroupement familial

Prison

63 375 détenus pour 58 311 places

© Isoloir *au 1er février 2017 Sources : voxe.org et France Bleu

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Dé pou ille m e nt

petits arrangements entre ‘‘amis’’ Par Mathieu Bassaïstéguy

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Les défections s’accumulent un peu plus chaque jour au Parti socialiste. Après la fronde des députés lyonnais, c’est au tour de certains ex-candidats à la primaire socialiste de faire faux bond à Benoît Hamon. Alors que le candidat socialiste tente de se rapprocher de Jean-Luc Mélenchon afin de forger une gauche forte, il doit également composer avec de nombreuses candidatures dissidentes.

’était le 22 février dernier sur le plateau de FranceInfo, François de Rugy, ex-candidat écologiste à la primaire de la gauche, annonçait son ralliement au mouvement En Marche ! d’Emmanuel Macron. Comme chaque participant à la primaire, il s’était pourtant engagé à soutenir le vainqueur du scrutin.

En effet, l’ancien du Parti écologiste n’a que très peu goûté au rapprochement de ces dernières semaines entre Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon. Pour lui, il paraît inconcevable de « constituer un programme commun de gouvernement » avec le candidat de la France insoumise, notamment à cause de ses positions sur certains points centraux comme « la question européenne ».

La gauche divisée À vouloir rallier le plus grand nombre, Benoît Hamon serait-il en train de se perdre dans le jeu des alliances politiques ? En effet, le nombre conséquent de candidatures à gauche a de quoi

À quelques semaines de l’élection présidentielle, Benoît Hamon fait face à une vague massive de défection des élus socialistes. © DR

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inquiéter le candidat socialiste. Outre Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon, Philippe Poutou (NPA), Yannick Jadot (EELV), Nathalie Artaud (Lutte ouvrière) ou encore Charlotte Marchandise-Pasquier, candidate de la Primaire citoyenne, sont tous susceptibles de voler des voix à Benoît Hamon. Une blessure toujours présente À l’instar de l’élection présidentielle de 2002, la gauche semble répéter les erreurs qui l’avaient conduite à un cuisant échec et à la démission du socialiste Lionel Jospin. Crédité de seulement 16,18 % des voix au premier tour, l’ancien Premier ministre avait par la suite annoncé son retrait de la vie politique (voir p. 30). Une blessure encore présente dans le cœur de tous les socialistes, alors que Jean-Marie Le Pen avait su, lui, se hisser au second tour avec 16,86 % des voix. Au grand dam des électeurs de gauche, l’histoire semble donc doucement se répéter et le Parti socialiste pourrait ne pas s’en relever. De nombreux élus socialistes lyonnais ont d’ores et déjà annoncé leur ralliement au mouvement En Marche ! en vue des prochaines élections législatives, comme Georges Képénékian, David Kimelfeld ou encore Gérard Collomb.

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Dépouilleme n t

Marine Le Pen, ici en présence de Michel Aoun, a prévu très peu de déplacements à l’international pendant sa campagne. © AP Images

ce que leurs relations internationales disent d’eux

Par Marlène thomas

Pour la première fois, Marine Le Pen a rencontré publiquement un chef d’État, le président libanais Michel Aoun. Les rencontres des candidats avec les dirigeants internationaux, ainsi que leurs déplacements à l’étranger sont loin d’être anodins pour ces aspirants à la présidence de la République.

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ans la course à la présidentielle, rien n’est laissé au hasard. Ainsi, pour les candidats, les rencontres avec les dirigeants internationaux et leurs déplacements à l’étranger sont souvent symboliques et leur permettent de renforcer leur image de “présidentiable”. Marine Le Pen a rencontré pour la première fois, le 20 février, un chef d’État étranger en fonction : le libanais Michel Aoun. Un choix révélateur puisque le Liban est le seul pays du Moyen-Orient à être dirigé par un président chrétien, bien que ce dernier soit soutenu par les chiites du Hezbollah. En outre, cet État abrite également un million de réfugiés syriens. Pour la présidente du FN, qui est contre leur accueil en France, la coopération est donc importante. Le 8 février, Benoît Hamon et Emmanuel Macron ont rencontré le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, à l’occasion de sa visite à Paris. Un moyen pour le socialiste de rappeler

son engagement à « reconnaître l’État palestinien ». Macron s’est lui fait plus discret sur la question. Même s’il a évoqué cette rencontre dans un tweet, celui-ci ne faisait état d’aucun positionnement. L’ancien ministre de l’Économie s’est déclaré favorable à une solution à deux États, mais refuse qu’une pression soit mise sur Israël. Berlin, un rendez-vous majeur Un pays semble incontournable pour les candidats à la présidentielle : l’Allemagne. Emmanuel Macron a été le premier à s’y rendre, le 10 janvier. Une évidence pour celui qui a mis l’Europe au cœur de sa campagne alors que la thématique est de moins en moins ‘‘tendance’’. Un bon moyen de gagner des voix chez les électeurs du centre, traditionnellement ‘‘europhiles’’ et de s’opposer au repli national. François Fillon a lui aussi effectué un déplacement à Berlin, le 23 janvier. Il s’est démarqué de son rival en rencontrant la chancelière , Angela Merkel, et deux de ses ministres. Même s’il a insisté sur la nécessité d’un « sursaut européen », il n’a pas hésité à imposer ses différences sur la politique migratoire en déclarant : « La France ne

peut pas accepter plus de réfugiés », sans perdre de vue sa ligne conservatrice. Rencontre Hamon-Varoufakis : un symbole progressiste Benoît Hamon n’a pour sa part pas encore mis les pieds outre-Rhin, au lieu de cela il a déjeuné avec l’ancien ministre des Finances grec, Yanis Varoufakis, début janvier. Il s’est déclaré particulièrement « sensible » au « concept de désobéissance constructive » porté par l’ancien élu grec, qui consiste à « ne pas accepter tout ce qui nous est mis sur la table par la Banque centrale européenne, par la Commission européenne ». Il s’inscrit ainsi dans une démarche progressiste. Les politiques montrent également leurs positionnements en refusant de serrer certaines mains. Ainsi, François Fillon sollicité plusieurs fois, en décembre, par le roi Salman d’Arabie Saoudite, n’a pas donné de suite. Il a dénoncé le rôle du pays dans la propagation de l’islam rigoriste et souhaite se rapprocher davantage de l’Iran. D’habitude, ce sont les dirigeants saoudiens qui font patienter les Français. La roue tourne.

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Génération désabusée d’un renouvea

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Pages 12 à 25 Avant d’être une lutte de pouvoir entre différents individus, la politique est avant tout une question de société. Divisée, cette dernière a vu l’émergence, depuis les années 80, de générations désabusées qui peuvent même aller jusqu’à la violence. Quelques années plus tard, c’est vers le Front national qu’une partie de cette jeunesse décide de se tourner. Cette campagne 2017 a aussi été marquée par la victoire du conservatisme de François Fillon, qui affiche publiquement sa foi. Un problème de taille dans un pays laïc. Même si sa femme Penelope a peu de chances d’endosser le rôle influent de première dame, nous ne pouvons que nous demander qui comblera ce vide. Une femme ou bien un homme de l’ombre ? Portrait de ces oubliés de la sphère politique.

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Socié té

La jeunesse n’em me Par Anne Rivière

Deux jeunes militants du FNJ tractent à Lyon. © FNJ

Un récent sondage démontre qu’un jeune sur cinq serait sympathisant du Front national. Un constat sans appel, alors qu’en 2002, ces derniers descendaient dans la rue pour crier leur rancune contre Jean-Marie Le Pen, en lice pour le second tour. Comment expliquer un tel revirement en l’espace de quinze ans ?

© FNJ

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n 2016, selon un sondage Odoxa, 20 % des jeunes de 18 à 34 ans déclarent se sentir proches des idées du Front national. C’est notamment grâce à une communication rondement menée que le parti s’attire la sympathie des millenials. En 2011, Marine Le Pen remplace son père à la tête du parti. S’entame alors un processus de rupture avec son passé sulfureux. Gaëtan Dussausaye, responsable national du Front national de la jeunesse (FNJ) depuis 2014, avoue observer un rajeunissement parmi les 25 000 adhérents actuels du FNJ. En juin dernier, les derniers chiffres faisaient état d’une moyenne d’âge de 23 à 27 ans. Le FN se « normalise »

Alors, vieux jeu le FN ? Rien n’est moins sûr. Au sein du parti, les jeunes élus sont légion : « L’investiture et la mise en avant médiatique de certains profils très jeunes, dès 2013, vise à démontrer que ce parti peut offrir des responsabilités nationales importantes à la jeunesse, comme pour mieux montrer son engagement auprès d’elle », explique Florian Silnicki, expert en communication politique. Citons Étienne Bousquet-Cassagne, lancé en politique à 23 ans et responsable FN en Lot-etGaronne, ou Stéphanie Koca, « mini Marine », élue à 20 ans au conseil régional des Hauts-de-France.

Pour cette présidentielle, le processus de dédiabolisation, même s’il est loin d’être achevé, a porté ses fruits : « Le FN a compris que pour séduire ces électeurs jeunes, il fallait changer d’image. Comme le serpent qui changerait de peau, c’est une mutation graphique, idéologique. On ne communique plus avec une flamme, on communique avec une rose », lance Florian Silnicki. Autre constat, on ne communique plus sur le FN, mais sur le profil de Marine, désignée uniquement par son prénom. L’image rassurante d’une femme, mère de famille, avocate, presque ‘‘comme les autres’’, au fort capital sympathie. « Je me retrouve dans la vision portée par Marine. Elle a une capacité à cerner les problèmes du quotidien et elle dénote avec le personnage politique habituel, bedonnant, avachi sur son fauteuil à l’Assemblée », s’amuse Gaëtan Dussausaye, engagé à 17 ans. Paradoxalement, c’est bien l’image d’un personnage suffisamment fort pour soutenir un pays qui plaît à Gabriel, jeune sympathisant FN. Âgé de 20 ans, c’est la première élection à laquelle il participe et il est « 100 % sûr qu’il votera pour Marine. Elle a une stature rassurante, le charisme nécessaire pour gouverner. On l’imagine plus facilement aux côtés de Trump que Mélenchon, par exemple. »Quand on interroge le jeune homme sur le passé polémique du parti auquel il donnera sa voix, il avoue ne pas y avoir pensé. Pour rappel, Jean-Marie Le Pen avait été condamné à dix-huit reprises pour propos négationnistes et coups et blessures. Preuve de plus que la stratégie de normalisation a fonctionné, pour Florian Silnicki : « On

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em merde plus le front national observe une mutation par rapport au père, à l’histoire du parti et aux Ligues qui ont pu lui donner naissance. Ça s’éloigne progressivement des esprits des électeurs. » Marine, candidate du renouveau ? Alors, peut-on plus parler d’un vote d’adhésion ou de transgression ? « Il y a la volonté d’un renouveau », explique Florian Silnicki. « L’attente du public jeune est de rejeter les codes de l’ancien monde pour en adopter de nouveaux. » Gabriel, qui n’adhère pas à toutes les idées du FN, se rend bien compte que sa voix sera plus « un vote de réaction, de ras le bol ». Pour le jeune homme, si la France reste dans le schéma traditionnel gauche/droite, les problèmes de chômage, d’insécurité, de terrorisme ne se résoudront pas. « Au FNJ, il y a une chose qui nous unit, c’est qu’on veut faire changer les choses », confirme Gaëtan Dussausaye. « L’actualité nous donne raison : difficile de faire exister une vraie démocratie avec les problèmes actuels. Marine est une vraie alternative. » Il faut dire que le programme 2017 du Front national propose du changement à la jeunesse : retrait de la loi travail, égalité salariale homme/ femme, développement de l’alternance, reprise des contrôles aux frontières, défense de la protection animale, retour à une monnaie nationale, etc. Des mesures concrètes, facilement compréhensibles, qui jouent leur rôle. Les réseaux sociaux comme caisse de résonance Le FN reste l’un des partis qui semble le plus s’intéresser au peuple. Les jeunes ayant besoin d’être écoutés, valorisés, un

« Le Front national a compris que pour séduire les jeunes, il fallait changer d’ image »

discours privilégiant la prise de pouls du peuple à des questions d’économie et de mondialisation joue en sa faveur. Une idéologie renforcée par un discours pessimiste : crise identitaire, perte des valeurs françaises, valorisation de l’image du “patriote” capable de sauver le pays. Car l’immigration est bel et bien la clé de voûte du Front. Gabriel nous explique que c’est ce point qui motive son vote : « L’accueil des migrants, pour moi, ça a été la goutte d’eau. Et les candidats de gauche veulent encore augmenter l’accueil des clandestins ? » Il avoue d’ailleurs compter sur les sites d’extrême droite pour « s’informer autrement », citant Fdesouche ou Boulevard Voltaire qu’il consulte sur Facebook. Pour rallier la jeunesse, le Front national va en effet s’adresser à elle directement sur son terrain de jeu : les réseaux sociaux. La majorité des membres du FN les utilisent comme un moyen de communication privilégié. « Facebook ou Twitter permettent d’être au plus près des électeurs, explique Gaëtan Dussausaye, qui gère également le community management du FNJ, avec des revues de presse ou des vidéos humoristiques comme on a pu le faire avec Macron. » Habitué des polémiques, le parti a trouvé ici une nouvelle façon de se faire entendre, sans filtre et sans passer par les médias. « Cette parole extrêmement cash, sans langue de bois apparente, contribue à sortir des codes de la politique traditionnelle que les jeunes ont tendance à rejeter », analyse Florian Silnicki. Dès 1996, le FN a su mener une transition en étant le premier parti à créer son site web. Vingt-sept ans plus tard, il reste le parti le plus populaire sur Facebook. (voir pp.46-47) Poster, c’est déjà militer.

Un tract de Marine Le Pen pour sa campagne. © FNJ

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Paroles de militants Alors que de nombreux jeunes se sont mobilisés derrière Benoît Hamon pour la primaire de gauche, le Front national ne manque pas non plus de soutiens chez les électeurs juniors. Au niveau national, le parti compte 25 000 adhérents de 16 à 25 ans, dont 1 500 à 1 800 en Auvergne-Rhône-Alpes. Un chiffre qui n’a de cesse d’augmenter, depuis cet été où 70 personnes ont rejoint les rangs du FNJ régional. La rédaction de l’Isoloir est allée à la rencontre de deux d’entre eux.

Par Marlène Thomas Sara, 20 ans : « On peut aimer ACDC et voter FN quand même » « Si j’avais pu, j’aurais voté FN depuis que je suis en 4e », raconte Sara, 20 ans, étun è l diante en journalisme, à Lyon. Sur ar M les conseils de sa mère banquière, la jeune militante originaire d’Avignon n’a pas encore adhéré au parti afin de ne pas avoir de problèmes dans ses études. Néanmoins, elle insiste sur le fait qu’elle n’a pas été influencée par ses parents dans ses choix politiques : « C’est moi qui ai converti ma mère au FN. Je suis dans une famille de droite, excepté du côté de mon père que je connais moins. Il était plutôt communiste. » Ce sont les questions d’immigration et de sécurité qui incitent Sara à voter FN. « Il faut recadrer les choses. J’ai beaucoup voyagé notamment dans les pays arabes. Ils sont tous normaux, gentils. En France, il n’y a pas que des racailles, mais il y en a quand même un certain nombre. » Un événement a fait office de déclencheur pour l’étudiante : « Je me souviens que quand j’étais petite on pouvait se promener dans Avignon avec des copines en mini-jupe sans se faire embêter, maintenant c’est infréquentable. » Même si elle assume ses opinions politiques, ces dernières ont parfois un certain poids dans sa vie personnelle. « J’ai dû rompre avec un copain à cause de cela. C’est difficile car à partir du moment où tu assumes, tu es assez exclue. C’est pesant. » Pourtant Sara est une jeune fille comme une autre : « On peut aimer l’aviation, les chats, ACDC et voter FN quand même », s’amuse-t-elle. h om eT

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Victor, 23 ans : « Je me sens en phase avec le FN depuis mes 8 ans »

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« Je suis rentrée au FN le 7 mai 2012. Quand François Hollande a été élu, je me suis dit “on est perdu, le FN est le seul moyen” », raconte Victor, 23 ans, responsable de la région Auvergne-Rhône-Alpes du Front National Jeunesse. L’étudiant en école de commerce assure s’être fait lui-même sa propre opinion sur le parti, même si le contexte familial a joué dans ce positionnement : « Je me sens en phase avec le FN depuis que j’ai 8 ans. Je suis issu d’une famille de militaires politisée par l’actualité géopolitique. Depuis que je suis petit, l’aspect patriote est omniprésent. » Bien qu’engagé pour le FN, Victor préfère séparer vie politique et vie professionnelle afin d’éviter certaines déconvenues : « J’étais très apprécié au début dans ma promotion et un jour j’ai senti un grand froid. Ils avaient appris que j’étais responsable pour le FN. » Mais cela ne le stoppe pas dans sa lancée. Selon lui, Marine Le Pen est la plus apte à devenir présidente, car « elle est là pour d e s convictions. » Pour ce petit-fils d’immigrés, © l’un des combats majeurs du FN est la DR lutte contre l’immigration : « Mes grands-parents sont venus du Portugal et d’Espagne dans les années 50 car la France est venue les chercher chez eux, elle avait besoin de main-d’œuvre. À l’heure actuelle, on n’en a plus besoin. » Il regrette aussi que les Français en difficulté reçoivent moins d’aides que les migrants et estime que ces réfugiés « devraient prendre les armes » au lieu de fuir.

« J’ai dû rompre avec un copain à cause de cela. C’est difficile car à partir du moment où tu assumes, tu es assez exclue.» — 14 — MAQUETTE FINALE FINALE.indd 14

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Soirée patriote : immersion chez les identitaires Par Anne Rivière

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En parallèle des Assises du FN, une soirée ‘‘Patriotes’’, ouverte à tous, était organisée par Génération identitaire Lyon, les 3 et 4 février. Ni une ni deux, je suis allée y faire un tour le samedi soir, incognito. Si BuzzFeed a eu la même idée, je n’ai, pour ma part, été témoin d’aucun salut nazi… malgré quelques paroles plutôt très orientées. Immersion.

’apprends par les réseaux sociaux l’existence d’une soirée patriotes organisée par les militants de Génération identitaire. Curieuse, le 4 février, je me pointe devant la Traboule, ‘‘Maison de l’identité lyonnaise’’. Il est 20h30, la soirée a commencé. Pour les non-initiés, c’est impressionnant. Une dizaine de jeunes hommes attendent devant l’entrée, clope au bec. D’autres sympathisants arrivent, ça se serre la main. Je passe la lourde porte en bois surmontée du drapeau tricolore, gardée par des jeunes de jaune vêtus.

c’est l’ambiance joviale. La moyenne d’âge ne doit pas dépasser 25 ans. Par contre, au niveau de la parité, ce n’est pas encore ça : un cinquième seulement de l’assemblée est composé de femmes. Pour choper, il faudra ruser ou arborer un t-shirt Pepe de France, ce même de la grenouille blasée repris par la droite réac. Ces t-shirts de la marque Bonne Dégaine sont vendus au fond du bar pour 25 euros. Un t-shirt Pepe the Frog sur le dos, des chants de « rebeyne » sur les lèvres, pinte à la main : et si c’était à ça que ressemblait vraiment la jeunesse identitaire lyonnaise ?

Frontistes et nationalistes

L’affiche de la soirée n’a pas menti. Sur les murs orange, le blason lyonnais se mêle aux vieux tonneaux. Ça sent la bouffe, le bois vieilli. La salle est déjà blindée, 150 personnes parlent dans tous les sens. Des baffles, s’égrènent des notes de guitare : l’honneur est à la chanson française, plus tard ce sera du Renaud. « Tu vas au meeting de Marine demain ? », « Ouais, il faudra arriver à rentrer tôt ! », plaisante-t-on. On s’en doute, beaucoup de patriotes sont séduits par les valeurs du FN. « Tu te rends compte, ça critique, mais elle porte l’un des programmes les plus réalistes. Quand tu vois qu’elle veut redonner ses lettres de noblesse à l’apprentissage manuel, renforcer l’éducation culturelle, je ne comprends pas que les gauchos se remettent pas en question », lance Paul, étudiant en droit. Mais ne croyez pas que Génération identitaire n’est qu’un bastion du FN. En creusant un peu, on trouve aussi des indépendantistes de tous bords. Un verre de rouge à la main, je me greffe à un autre groupe. Je suis tombée chez les Ardéchois. Un jeune à lunettes précise que « le pays a perdu toute sa superbe depuis la vague d’islamisation », surpris qu’un parti musulman ne se soit pas encore illustré. Combattre l’islamisme Car si les identitaires ont bien un ennemi commun, ce sont les « racailles ». Ce n’est pas pour rien que les murs sont ornés d’affiches à l’effigie de héros, comme Clément, 22 ans, « engagé pour combattre l’islamisme ». En attendant, ce qui marque,

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Jeunesse désenchantée : un éternel recommencement ? Par mARLène thomas Manifestation des jeunes contre la loi travail en 2016. © Johan Massot

“Perdue”, “sacrifiée”, voilà les deux termes les plus cités par les jeunes de 18 à 34 ans pour décrire leur génération dans l’enquête Génération quoi ? de FranceTV . Parmi les sondés, 46 % expriment aussi ne pas faire confiance à la classe politique. Même si ce sentiment se justifie, il n’est pas l’apanage de la jeunesse actuelle. Par le passé, les jeunes de diverses époques ont aussi connu leur lot de désillusions, menant au contexte que l’on connaît aujourd’hui. Éclairage à travers cinq décennies marquantes avec Régis Veydarier, docteur en histoire et enseignant d’histoire et société à l’ISCPA Lyon.

1968 - « La génération du rêve » Le 15 mars 1968, quelques mois avant l’historique révolte de la jeunesse, le journaliste Pierre Viansson-Ponté déclare dans un éditorial du Monde « La France s’ennuie ». Ceci reflète bien l’état d’esprit de la société française, enfermée dans un certain immobilisme dans lequel la jeunesse a du mal à trouver sa place. « C’était une société complètement verrouillée, avant 68 il y avait très peu de gens qui allaient à l’université, il y avait une sorte de déterminisme social. Rares étaient ceux qui pouvaient le dépasser. Alors qu’après 68, même si cela n’a pas servi à grand-chose, il y a vraiment eu une ouverture, au niveau des mœurs aussi », raconte le docteur en histoire, Régis Veydarier. À cette époque, il n’est pas possible de parler de génération désabusée, « au contraire, c’est la génération du rêve et on pouvait aussi plus compter sur les autres ». Les jeunes croient encore à la politique et gardent l’espoir. La droite étant au pouvoir depuis dix ans, la gauche est « dans la dénonciation » et semble encore pouvoir être un recours. « Elle n’a pas encore fait ses preuves », ajoute-t-il.

1978 - No future Alors que les pays industrialisés, comme la France, viennent de connaître une période de forte croissance (les Trente Glo-

rieuses), les deux chocs pétroliers (73 et 79) sonnent le glas de cette période faste. Le chômage se développe. Le milieu des années 70 est aussi marqué par le développement outreManche du mouvement socio-culturel punk qui a résonné jusqu’en France dès 1976. Le message, porté notamment par les célèbres Sex Pistols, « No future », reflète une période de transition. « La jeunesse française commence à devenir désabusée, à fatiguer. Mais la gauche est là, elle frappe à la porte, le rêve ne s’est pas totalement évaporé », analyse l’historien.

1988 - « Le temps de la désillusion » « 88, c’est la fin du premier mandat de François Mitterand, c’est le temps de la désillusion. » En effet, après avoir lancé une politique de relance de 81 à 82, le gouvernement prend le tournant de la rigueur en 83. « La gauche s’est mise à faire une politique beaucoup plus conservatrice sur le plan financier, économique, les grandes réformes étaient arrêtées. La crise se développe, il y a de plus en plus de chômeurs. » Le taux de chômage chez les jeunes s’élève à 9,5 % durant les années 80. Alors qu’au niveau international, l’ultra-libéralisme triomphe avec Margaret Thatcher au Royaume-Uni et Ronald Reagan aux États-Unis, le Front national gagne du terrain en France auprès des couches populaires. « La société rentre en déliquescence et la prise de conscience mondiale par rapport au sida en

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« Enragez étaient de


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Les années 90 sont également marquées par un contexte géopolitique tendu : guerre de Yougoslavie, du Koweït, génocide au Rwanda, etc. En France, en 94, les jeunes se mobilisent contre le Contrat d’insertion professionnelle ou « smic-jeunes » d’Édouard Balladur, qui prévoyait de payer les moins de 26 ans à 80 % du SMIC.

2017 - La fin d’un cycle ?

est un indicateur », déclare Régis Veydarier. Du côté des banlieues, la jeunesse se soulève en 1983 avec « la marche des beurs » pour protester contre la précarité et les discriminations.

1998 - L’associatif plus que le politique « La gauche au pouvoir a complètement détruit tout rêve, en France et ailleurs, en étant incapable de trouver des solutions et en laissant tomber ce qui fait son ADN. » La politique n’ayant pas fait ses preuves, les jeunes commencent donc à la délaisser au profit d’engagements dans l’associatif, plus concrets.

Presque vingt ans plus tard, la situation est loin de s’être améliorée. Chômage de masse, crise, état d’urgence, terrorisme ou encore problèmes dans les banlieues plombent la société française et impactent particulièrement la jeunesse. En effet, au troisième trimestre 2016, le taux de chômage chez les jeunes s’élevait à 25,1 %, soit 667 000 jeunes de moins de 25 ans, selon l’Insee. « La gauche n’a apporté aucune solution, elle a fait de petites choses mais c’est du ravalement de façade. Ce n’est pas du structurel, mais du conjoncturel », analyse l’historien. Une énième déception pour les jeunes générations. La prise de conscience des graves problèmes écologiques, grâce aux avancées de la science, place aussi ces derniers dans une posture difficile : ils sont conscients que la Terre n’est pas une richesse inépuisable et qu’agir ne pourra au mieux que faire ralentir le processus. L’avenir est plus qu’incertain. L’écologie est donc désormais un vrai enjeu politique, notamment pour la gauche. L’élection de Donald Trump aux États-Unis et le Brexit ne font qu’accroître ce sentiment d’instabilité globale. « Les gouvernements successifs ont proposé des solutions qui n’ont pas marché. Il y a un phénomène d’accumulation, une sorte de défaitisme. En même temps, on est vraiment dans une période de mutation, on peut être curieux de ce qu’il va se passer, parce qu’il va devoir forcément se passer quelque chose. Ça ne peut plus durer comme cela », conclut Régis Veydarier.

« Enragez vous », « Abolition de la société des classes » étaient des slogans de la jeunesse en mai 68. © DR

Deux facteurs au désengagement politique Pour Gérard Mauger, sociologue spécialisé sur la construction sociale des générations, le désengagement politique des jeunes s’explique par deux facteurs. Tout d’abord, par des raisons structurelles sociologiques : « Depuis les années 80, les générations sont anxieuses. Accéder à l’emploi a cessé d’être une chose évidente, même pour les diplômés. » Cette anxiété se caractérise actuellement par un « repli sur soi » et « une hantise du déclassement social », l’engagement politique est secondaire. Le sociologue soulève aussi une autre explication directement liée à l’état du champ politique : « Alors que l’opposition droite/ gauche a longtemps structuré le champ politique, on s’est aperçu qu’il y avait un alignement des deux. La différence entre la droite et la gauche devient de plus en plus indiscernable. S’engager dans un univers perçu comme homogène n’aide pas à la mobilisation. »

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Marie Quinette : « L e modernisent et huma ni Par sELENA mINISCALCO Fascinantes, discrètes ou humanistes, l’Élysée a vu passer son lot de premières dames depuis le début de la Ve République. En 2012, François Hollande marque un tournant en devenant le premier président à ne pas être marié. Marie Quinette, experte en communication et auteure du mémoire Le rôle des premières dames dans la communication des présidents de la Vème République, nous explique l’importance de ces femmes qui font les beaux jours de la presse people.

Isoloir : En France, la première dame se fait très discrète par rapport aux États-Unis par exemple. Quel est son rôle dans l’opinion publique ? M.Q. : La France est l’un des pays, avec les États-Unis, où les premières dames sont les plus médiatisées. Ce sont des personnages publics, voire de véritables “people”, qui ont régulièrement fait les unes des magazines. Regardez par exemple le nombre de couvertures consacrées au Gayet Gate, à la sortie du livre de Valérie Trierweiler, ou, avant cela, à l’idylle Nicolas Sarkozy-Carla Bruni… Cela est d’autant plus flagrant lorsqu’on se compare à d’autres pays comme la Belgique ou l’Allemagne, où

les femmes des politiques sont souvent complètement inconnues du grand public. Isoloir : Peut-elle avoir un impact positif sur l’opinion que les Français ont d’un dirigeant ? M.Q. : Oui, c’est en tout cas la principale mission qui leur est attribuée. Les premières dames renseignent les citoyens sur qui est leur président dans la sphère privée. Elles ont une influence positive sur l’image de leur conjoint : elles modernisent et humanisent le président. Avec une première dame, on se trouve dans le registre de l’affectif. Elles apportent douceur et féminité

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L es premières dames a nisent le président » à un personnage qui est une figure d’autorité par excellence.

élection présidentielle.

Isoloir : La place de la femme dans la société a beaucoup évolué depuis le début de la Ve République. Le rôle de la première dame a-t-il également changé au fil des années ?

Isoloir : Justement, qu’attendent les Français d’une première dame, à présent ?

M.Q. : Oui, sans aucun doute, on a observé un important accroissement de son rôle jusqu’à sa quasi-disparition aujourd’hui avec le quinquennat de François Hollande. Au départ, la première dame était cantonnée au rôle de maîtresse de maison de l’Élysée et ses missions se limitaient à incarner la parfaite femme au foyer, comme Yvonne De Gaulle par exemple. Puis, les premières dames ont donné un sens nouveau à leur engagement en s’investissant dans des associations ou au profit d’œuvres caritatives : Claude Pompidou s’est engagée en faveur des enfants handicapés, Danielle Mitterrand en faveur des droits de l’Homme à l’international, Bernadette Chirac pour les enfants hospitalisés, via l’opération Pièces jaunes… Par la suite, la première dame a pu avoir un rôle plus politique en exerçant une véritable influence, comme Cécilia Attias, qui faisait partie du cabinet de Nicolas Sarkozy. Aujourd’hui, le rôle de première dame n’existe plus, il sera d’ailleurs intéressant d’observer le rôle que tiendront les femmes de candidats lors de la prochaine

M.Q. : Est-ce que les Français attendent encore une première dame aujourd’hui ? Rien n’est moins sûr… Son rôle n’a d’ailleurs jamais eu d’existence officielle et François Hollande a introduit une véritable rupture à ce niveau-là. Isoloir : François Hollande est le premier homme politique à entrer à l’Élysée sans être marié. Quel impact cela a-t-il sur son image ? M.Q. : Je pense que le Gayet Gate a profondément nui à sa réputation. Dans la configuration politique actuelle, les Français votent avant tout pour une personnalité. La vie privée des hommes politiques est considérée comme un moyen d’en savoir plus sur ceux à qui ils confient le pouvoir. Mais maintenant que la crise est passée, je n’ai pas l’impression que les Français soient particulièrement affectés par l’absence de première dame. Les mœurs ont évolué, ils acceptent désormais qu’un président soit célibataire.

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lumière sur les ho m

On connaît tous ces différentes femmes politiques, mais pas forcément leurs conjoints, pour la plupart engagés dans leur propre carrière. Si plusieurs couples arrivent à gérer la distance et à allier politique et vie de famille, d’autres, n’y ont pas survécu. Qui sont réellement ces hommes de l’ombre ?

Marine Le Pen et son compagnon Louis Aliot. © DR

Par Angélique Bernard

M

yriam El Khomri & Loïc Il y a ceux qui ont fait le choix de la discrétion et qui assument d’être « le mari de ». C’est le cas de Loïc, cet informaticien lambda, qui partage la vie de la ministre controversée Myriam El Khomri, médiatisée depuis sa fameuse loi Travail. Son compagnon, lui, a fait le choix de l’anonymat le plus total. On ne connaît même pas son patronyme et aucune photo de lui n’a filtré sur la toile. Le couple, qui s’est rencontré sur les bancs de la fac, vit dans un appartement quelconque Porte de Saint-Ouen, avec leurs deux filles. La simplicité est le mot clé chez les El Khomri. Rama Yade & Joseph Zimet Il en est de même pour Joseph Zimet, historien de profession et conjoint de l’ancienne secrétaire d’État aux Sports, Rama Yade. Ce dernier ne voit aucun problème à ce que sa femme soit mise en avant et pas lui. Au contraire : « Joseph Zimet joue en 2e division quand Rama Yade évolue en Champions League », plaisantait-il en parlant de lui à la 3e personne.

Même s’il n’a jamais voulu être mis en lumière, Joseph Zimet a un parcours en politique loin d’être inexistant. Contrairement à son épouse, à droite, lui milite pour le PS. Des convictions opposées qui n’ont pas empêché le couple de s’unir, puisqu’ils se sont mariés en 2005 et sont parents d’une petite Jeanne, née en 2013. La politique rapproche les cœurs Najat-Vallaud Belkacem & Boris Vallaud L’un des couples les plus connus de la scène politique n’est autre que celui de Najat Vallaud-Belkacem, (ministre de l’Éducation nationale), 39 ans, et de Boris Vallaud, 40 ans. Cette dernière aborde même régulièrement le sujet dans les médias. Les deux Lyonnais d’origine ont su s’adapter à la distance : en 2012, Najat Vallaud-Belkacem rejoint le gouvernement de François Hollande et doit donc poser ses valises dans la capitale. C’est avec ses deux jumeaux, nés en 2008, qu’elle prend la route. Son conjoint enchaînait alors les voyages, jusqu’à être nommé conseiller de cabinet du ministre Arnaud Montebourg. Il obtient ensuite le poste de secrétaire général adjoint de l’Elysée, jusqu’en janvier 2017. Si le couple semble filer le parfait amour, les deux tourtereaux ont surtout un projet commun :

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o mmes de l’ombre se présenter aux législatives (lui dans les Landes, elle à Villeurbanne). Une nouvelle relation à distance ne semble pas leur faire peur. Même si combiner vie de famille et emploi du temps de ministre n’a pas l’air facile, Najat Vallaud-Belkacem « ne compte pas s’arrêter là » et a confié vouloir un troisième enfant dans une interview à Gala, fin 2016. Marine Le Pen & Louis Aliot Le Front national aussi rapproche les cœurs. Si on a l’habitude de la voir aux côtés de Florian Philippot, c’est pourtant Louis Aliot qui partage la vie de Marine Le Pen depuis 2010. L’actuel vice-président du FN joue d’abord le gendre idéal auprès de Jean-Marie Le Pen, qui le nomme coordinateur de sa campagne présidentielle, de 2002 à 2010, et membre de son cabinet. En 2004, il saute le pas et devient assistant parlementaire de Marine Le Pen. Un an après, il gravit encore un échelon en devenant secrétaire général du Front national. Ce père de deux enfants, divorcé, officialise finalement sa relation

avec Marine Le Pen en 2010, mais pas de mariage à l’horizon. Des rumeurs publiées par le magazine people Closer annonçaient même une séparation en 2014. La candidate a tenu à démentir dans la foulée en publiant une photo sur son compte Twitter, où elle et son compagnon s’embrassent à pleine bouche avec le commentaire suivant : « En direct de Perpignan, dédicace à Closer !!! :D ». Louis Aliot deviendra-t-il un jour le Premier homme de France ? En tout cas, il affirme être prêt : « Le jour où Marine entre à l’Élysée, je m’efface complètement, je ne veux pas lui faire du tort », déclarait-il en 2015. C’est beau l’amour.

La politique et la femme indépendante

NKM et son ancien compagnon Jean-Pierre Philippe © BestImage

Rama Yade et son compagnon Jozeph Zinet © Martin Bureau / AFP

Si certaines arrivent à allier politique et vie amoureuse, d’autres, désormais séparées ou divorcées, font cavalier seul. C’est le cas de Ségolène Royal. Depuis la fin de sa relation avec François Hollande, en 2007, après trente ans de vie commune et quatre enfants ensemble, la ministre de l’Environnement reste célibataire. Même chose pour Christiane Taubira, séparée depuis 2002 du leader indépendantiste guyanais Roland Delannon, pour cause de conflit politique. Nathalie Kosciusko-Morizet est elle aussi divorcée de JeanPierre Philippe, ancien maire socialiste de Villefontaine (Isère) et conseiller de Jack Lang de 2000 à 2002. Ils ont eu deux enfants ensemble. Depuis, des rumeurs ont enflammé la toile concernant une supposée relation entre NKM et Joey Starr. Le principal concerné a nié sans pour autant s’éterniser. Question couple improbable, difficile de faire mieux. Marion Maréchal-Le Pen, elle, n’a que 27 ans mais a déjà un mariage et un divorce à son actif. Elle est également mère d’une petite fille, née en 2014, Olympe. Depuis, elle papillonne et fait la une des magazines avec différents compagnons. Et si Marion se refaisait une jeunesse ?

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Société

Dominique Simonnet : « La violence n’est pas acceptable en dé mo pAR mANON dOGNIN et clémentine emonoz « Humiliation », « incident », c’est en ces termes que sont souvent décrits les dérapages violents envers des personnalités politiques. Récemment, Manuel Valls a suscité l’émoi des médias après s’être fait gifler lors d’un déplacement à Lamballe (Bretagne). Essayiste et politologue, Dominique Simonnet dresse un constat de l’utilisation de la violence en politique. Une utilisation loin d’être démocratiquement légitime, mais qui met en lumière un ressenti sociétal. Isoloir : Qu’est-ce que ces dérapages anecdotiques révèlent du mal-être des citoyens ? Ces derniers cherchent-ils à humilier l’homme politique ? D.S. : Cet acte mineur est hautement symbolique. La gravité du geste est plus importante que la réalité elle-même. C’est, d’une certaine manière, une insulte à la démocratie. En France, nous sommes censés respecter des règles, des valeurs et respecter l’adversaire. Ce genre d’actions reflètent, au mieux, une ignorance et au pire, un mépris de ce qu’est une démocratie. Avec l’accession au pouvoir de Donald Trump, on note une volonté de salir l’autre. Isoloir : Quand vous parlez de mépris, est-ce que ce citoyen ne s’est pas contenté de « rendre » la violence morale que lui fait subir l’élite politique ? D.S. : Valls n’a, jusqu’à présent, giflé personne. C’est purement de la rhétorique. Cela voudrait dire que la violence est

un moyen acceptable dans un pays démocratique. Il y a plein d’autres moyens de manifester son désarroi dans un pays tel que le nôtre, c’est la richesse de ce régime. Il existe des gens qui sont dans une telle détresse qu’ils voient la violence comme la seule issue possible. Je pense que ceux qui ont recours à la violence ne sont pas nécessairement les plus démunis, comme on a tendance à le penser. Ce sont plutôt ceux qui ont une volonté de faire passer leurs idées par la force. Isoloir : Est-ce légitime que les médias s’attardent autant sur un petit geste, aussi symbolique soit-il ? D.S. : On voit les chaînes infos faire des commentaires à n’en plus finir. C’est totalement excessif, puisque ça lui donne de l’importance, et ça ne correspond pas forcément à la réalité. Je comprends cependant qu’il soit difficile, en tant que journaliste, de définir quelle considération on donne à pareil événement. Il ne faut pas traiter la chose comme un fait politique grave, mais plutôt sous forme d’édito, en y apportant une ré-

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François Hollande enfariné en 2012 à la Fondattion Abbé Pierre. © DR

dé mocratie » 1997 Jean-Marie Le Pen se fait prendre à partie par des militants indépendantistes et antiracistes à l’aéroport de Fortde-France (Martinique). Les agresseurs expliquaient agir suite aux propos tenus par le frontiste sur le concept de ‘‘race’’.

flexion sociologique. Évidemment, les choses prennent toujours plus d’ampleur lorsqu’il s’agit d’une image. Le fait qu’un geste soit filmé contribue à lui donner du poids. Isoloir : La violence peut-elle servir en politique ? D.S. : Je pense que cela a un double effet. Un effet dissuasif pour les gens qui sont heurtés et légitimement choqués. J’espère encore qu’il s’agit de la majorité des citoyens. A contrario, cela renforce aussi ceux qui se laissent séduire par un discours simpliste et raciste.

« Le fait qu’un geste soit filmé contribue à lui donner du poids.»

2007

2012

2016

Souvenez-vous de la célèbre phrase de Nicolas Sarkozy au Salon de l’Agriculture « casse- toi pauvre con ! » qui avait suscité un tollé médiatique.

François Hollande est enfariné par une professeure de lettres modernes. Cette dernière avait évoqué la « trahison socialiste » pour justifier son acte.

Un shampooing aux œufs à Montreuil (93) pour l’ex-ministre de l’Économie, Emmanuel Macron. Il condamnera « la bêtise et la violence » des syndicalistes et des militants communistes opposés à la loi travail.

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Quand la religion fait le pAR Victoria Havard

En affichant sa foi en direct sur TF1, le 3 janvier dernier, François Fillon a provoqué un “sacré’’ tollé. Le débat s’est alors ouvert sur la place de la religion dans la politique, sujet d’autant plus sensible au vu du statut fragile de la laïcité. Décryptage.

«J

e suis gaulliste, et de surcroît, je suis chrétien. Ça veut dire que je ne prendrai jamais une décision qui sera contraire au respect de la dignité humaine, de la personne humaine, de la solidarité », déclarait François Fillon au JT de TF1, le 3 janvier, ouvrant ainsi le débat sur la place de la religion dans la politique. Il serait tout d’abord judicieux de définir le principe de laïcité, composé de deux éléments : la séparation des Églises et de l’État (loi de séparation de 1905) et la neutralité des institutions.

Aujourd’hui, la question repose sur la neutralité des représentants desdites institutions. Rappelons que l’article premier de la Constitution de 1958 protège la foi des citoyens : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. » Mais qu’en est-il d’un candidat à la présidence française ? A-t-il le droit de proclamer sa foi en direct ou de légitimer l’un de ses projets par sa chrétienté ? Nous avons interrogé Thomas Rudigoz, maire du 5e arrondissement de Lyon. Croyant et pratiquant, il nous explique qu’il ne ferait pas « de procès d’intention à François Fillon. Qu’il ait, par sa foi, des sensibilités, ne me choque pas. En politique, plus vous montez, plus c’est sensible. J’estime qu’un candidat à la présidentielle peut aussi être transparent, tant que ce n’est pas à vocation électoraliste.

Sinon, cela devient malsain ». La religion, un argument de marketing politique? C’est en effet ce qui a été reproché au candidat de droite à la présidentielle. Hugo Baillet, professeur de communication politique à l’ISCOM, interprète l’intérêt politique du candidat : « Sur cet exemple précis, il a utilisé cette stratégie car il sait qu’une partie de l’électorat pratiquant s’est rangé du côté du FN. Il voulait leur faire un nouveau signe. Mais ce n’est pas forcément une bonne idée sur le plan politique, il risque de perdre des électeurs, surtout après la polémique de revenir sur le mariage pour tous. » Reste à savoir ce que représente l’électorat que François Fillon essaye d’accrocher. Jean-François Colismo, historien des religions, a déclaré

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ait le jeu des politiques au Parisien : « Personne ne connaît le poids du vote catholique. On sait juste qu’il est à droite. Mais disons que le noyau dur des pratiquants, qui représente 8 % de la population, est acquis à François Fillon, du moins en grande partie. » La foi de la discrimination Bien que la déclaration de François Fillon ne porte pas atteinte au principe de laïcité directement, les propos restent maladroits. Prendre l’exemple de la religion catholique comme base du respect de la dignité humaine sous-entendrait alors que les autres religions ne partagent pas ces principes.

C’est contre ce genre de déclaration que Najib Azergui, fondateur du parti Union démocrate des musulmans français (UDMF), tente de lutter. Ce dernier a réagi vivement, en disant que « les dérives politiques ne faisaient qu’alimenter les amalgames. » Il en profite pour préciser qu’« aujourd’hui, la laïcité est un terme devenu fourre-tout, un bouclier contre l’islam : il y a un vrai travail de pédagogie à faire sur ces notions. » Finalement, nous pouvons nous demander pourquoi le religieux revient sur le devant de la scène. Jean-François Colismo propose une interprétation : « La religion revient partout dans le monde comme un facteur politique, parce qu’il permet de poser le problème de l’identité au sein de la mondialisation. Or, la laïcité n’est pas une identité, mais juste un mode d’organisation de l’État avec les religions. »

« La religion relève de l’intime » L’ancien Premier ministre, Manuel Valls, a déclaré le 9 janvier 2017, au Parisien, que « la religion relève de l’intime. Je respecte les convictions de chacun, mais je refuse d’avoir à juger la pertinence d’un projet en fonction de sa religion ».

« J’admire ceux qui croient en un dieu » Plus modéré dans ses propos, l’ancien candidat à la primaire de la gauche, Arnaud Montebourg, a déclaré au micro d’Europe 1 admirer « ceux qui croient en un Dieu. Je l’ai cherché pendant longtemps, je n’en ai pas trouvé le secours, malheureusement. Mais il doit de toute manière rester en dehors du champ politique ».

Les propos de François fillon ont « créé un sentiment de malaise »

lickr e Peres / F

© Stéphan

Selon la candidate d’extrême droite, Marine Le Pen, sur le plateau de France 2, le 10 janvier 2017, les propos de François Fillon ont créé « un sentiment de malaise. Les Français sont attachés à leurs croyances, quand ils en ont. L’utilisation opportuniste de cette foi, pour se défendre d’une critique politique, est profondément contraire à la laïcité, aux valeurs qui sont les nôtres. Comment lutter contre le communautarisme, contre ceux qui veulent faire de la politique au nom d’une religion, par exemple l’islam, si M. Fillon utilise ce type d’arguments sur la Sécurité sociale ? »

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Système

Ce qu’on nous

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Syst ème

us ca$h Pages 28 à 31 L’incontournable “système’’, dont on entend parler à tort et à travers, mérite d’être précisé. Nous avons donc entrepris une analyse plus poussée de deux de ses aspects : le financement des différentes formations politiques, souvent au détriment des petits partis, et le business juteux des instituts de sondage. Oui, ces sondages qui ne cessent de se tromper. Isoloir vous éclaire sur le sujet.

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S ystè m e

un bulletin qui vaut de l’or Par Victoria Havard

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D’où vient l’argent des partis politiques ? À l’aube de la campagne présidentielle de 2017, la rédaction d’Isoloir a tenu à vous expliquer comment les partis sont financés, ainsi que l’enjeu financier que représentent les élections. Décryptage.

,70 euro par bulletin, par année et par parti. Voilà la formule magique des financements publics des partis politiques en France. L’État subventionne au total environ 85 % des dépenses des formations politiques, laissant 15 % de financements privés environ. Rappelons que ces remboursements par voix dans l’urne valent uniquement pour les élections législatives et sénatoriales, les campagnes présidentielles étant payées par les partis directement. Rajoutons que ces financements étatiques sont soumis à des conditions de représentativité et au respect de la parité. Le parti doit faire, au minimum, 1% des voix dans au moins cinquante circonscriptions et le montant des remboursements varie selon le nombre de parlementaires élus. L’enjeu financier des législatives

Sur une enveloppe de 70 000 000 euros environ par parti en 2007, les législatives ont rapporté gros… aux gros partis. Avec une alternance constante gauche-droite depuis cinquante ans, on ne doute pas que Les Républicains et le Parti socialiste soient à l’abri du gouffre financier. Mais est-ce le cas également pour les petits partis ? Ce système de financement n’ouvrirait-il pas la porte à des dérives, en remplaçant l’intérêt démocratique par l’intérêt financier ? « On voit bien dans certains petits partis que l’on essaye de présenter un maximum de candidats aux législatives

pour renflouer les caisses. L’État attribue environ 30 000 euros par candidat pour les élections nationales, remboursés uniquement quand les conditions de représentativité sont remplies », précise Messaoud Saoudi, professeur de finances publiques. Un financement des entreprises

public

pour

limiter

l’impact

Ce système de financement public, légiféré en 1988, a justement été voté pour lutter contre les dérives financières. Cette loi est la première à encadrer le système de financement des formations politiques, et a été prise pour corriger le tir à la suite de l’affaire Urba, scandale autour du financement illégal de la campagne présidentielle du Parti socialiste français, entre 1987 et 1989. Rappelons que les financements privés sont limités à 7 500 euros par an et par personne, en plus des cotisations des adhérents. « Les personnes morales, quelles qu’elles soient (les entreprises notamment), ne sont plus autorisées à verser le moindre don ni le moindre avantage en nature aux partis politiques », explique le site du Sénat. Ce qui n’est peut-être pas plus mal si l’on ne veut pas se retrouver dans un système à l’américaine, où celui qui met le plus d’argent sur la table, gagne la campagne.

© Montage : Amélie Vuargnoz

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Syst ème

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Nouvelle Donne : « Nous avons été évincés de la primaire de la gauche » Par Manon Dognin Les mouvements politiques alternatifs, à l’instar de Nouvelle Donne et ses 2 200 adhérents, peinent à se faire une place sur la scène politico-médiatique. Et pour cause, en plus d’être confrontés à de multiples freins stratégiques, ces petits collectifs voient bien souvent les partis majoritaires contrer leur progression.

«S

i nous ne sommes pas visibles, c’est en partie parce que les gens ne s’informent pas et ne sont pas politisés », avance Nicolas Ballouhey, adhérent de Nouvelle Donne. Le sort des petites formations politiques est assez inéluctable en France : leurs idées suffisent rarement à leur apporter la visibilité nécessaire pour les faire émerger. Malgré des propositions novatrices et des adhérents engagés, consultés systématiquement pour les prises de décision, le parti Nouvelle Donne comprend que les électeurs puissent avoir du mal à se tourner vers lui. « En 2002, on a beaucoup entendu que Lionel Jospin n’avait pas passé le premier tour à cause des voix laissées aux petits partis. Les présidentielles poussent davantage les gens à voter “contre” un candidat plutôt que “pour” un autre », reconnaît Nicolas. « La primaire citoyenne de la gauche n’avait rien d’ouverte » Pourtant positionné à gauche, pourquoi le mouvement Nouvelle Donne n’a-t-il pas participé à la primaire citoyenne de la Belle alliance populaire ? « Officiellement, nous avons postulé trop tard. Officieusement, le Parti socialiste et son premier secrétaire ont changé les règles du jeu au dernier moment. La primaire devait être ouverte à tous, mais le 1er décembre, lorsque Nouvelle Donne a voulu s’inscrire, elle était finalement réservée aux collectifs membres de la Belle alliance populaire », déplore l’adhérent. Il poursuit : « Cette primaire

n’était pas vraiment ouverte et nous en avons été évincés, en quelque sorte ». Par la suite, le parti a déposé un recours auprès de la haute autorité du PS. Il demeure en suspens à ce jour. Le Parti socialiste et le groupe de la Belle alliance populaire, auquel l’ensemble des candidats à la primaire de la gauche appartenaient, forcent ainsi les partis minoritaires à rester dans l’ombre. Des mesures en défaveur des petits partis En participant aux primaires, l’avantage est double pour les prétendants à la présidentielle. D’une part, le gagnant s’assure que ses concurrents n’iront pas récolter ses signatures après coup. D’autre part, le retentissement médiatique lié aux débats est considérable. « C’est pourquoi les petits candidats ont tenté leur chance », analyse Hugues Joneaux, un autre adhérent de Nouvelle Donne. « Avec la loi sur la modernisation de l’élection présidentielle, les parrainages ne sont plus privés. Même si cela nous permet d’identifier plus efficacement les élus à démarcher, c’est aussi contraignant, dans la mesure où ces derniers doivent, entre guillemets, assumer publiquement leurs choix. » Notons aussi ces mesures votées « en chœur par le PS et Les Républicains » : celle relative au temps de parole, qui favorise les candidats en tête des sondages chaque semaine ou encore celle supprimant l’envoi des programmes par voie postale aux citoyens. « Autant de petites choses qui nous mettent des bâtons dans les roues », explique Hugues. Mais comme on peut s’en douter, l’argent reste le nerf de la guerre. Rappelons qu’en France, les partis politiques bénéficient des subventions de l’État uniquement s’ils parviennent à présenter 51 personnes aux élections législatives, et qu’elles obtiennent chacune au moins 1% des voix.

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S ystè m e

Sondage, sondage dis-moi qui gagnera Par hugo dervissoglou Soumis à de nombreux paramètres pouvant évoluer très rapidement, les résultats des sondages sont à prendre avec des pincettes.

U

n sondage est un outil fiable, mais extrêmement fragile. Il est soumis à l’influence de l’actualité et au ressenti des personnes interrogées. Pour compenser en partie la volatilité des sondages, il est nécessaire de travailler sur un échantillon représentatif. Par exemple, on y retrouve la même proportion de personnes nées en 1980 que dans l’ensemble de la population.

Cette année, Les Républicains et le Parti socialiste ont organisé des primaires pour désigner un candidat unique à la présidentielle. Comme François Fillon, Benoît Hamon a créé la surprise. En effet, une partie de l’explication réside dans le fait que les résultats des sondages ne prennent pas en compte les personnes qui ne sont pas sûres de leur choix. Ainsi, celui de l’institut BVA, daté du 12 janvier, précise que 50 % des Français certains d’aller voter n’expriment pas encore d’intention de vote ou déclarent être incertains. Guillaume Inigo, chargé d’études à l’institut BVA, note toutefois que les sondages de l’entre-deux-tours de la primaire de gauche ont été plus précis, car ils avaient notamment pris en compte le report des voix d’Arnaud Montebourg vers son adversaire, Benoît Hamon. Pour réduire au minimum leur marge d’erreur, les sondeurs s’adaptent aux nouvelles technologies. Ainsi, BVA a lancé un site baptisé Pop 2017, regroupant les statistiques issues des réseaux sociaux. L’objectif étant d’avoir un échantillon plus important et de minimiser les marges d’erreurs.

© Marion Gergely

la Maison-Blanche accuse aujourd’hui journalistes et instituts de sondage de n’avoir pas vu venir sa victoire. Jusqu’à la dernière minute, Hillary Clinton était en tête. Mais ce sont les grands électeurs qui comptent, et le Républicain a remporté les États les plus indécis et les plus peuplés comme la Floride et l’Ohio, les fameux swing states. La personnalité rigide d’Hillary Clinton a aussi joué contre elle et a poussé les classes diplômées et même 4 femmes sur 10 à voter Trump. L’abstention a été la plus élevée depuis 2000 (45,8 % des Américains ne se sont pas déplacés). Au final, ce sont bien les citoyens qui ont le dernier mot, dans les urnes.

Et Clinton s’effondra Même aux États-Unis, personne ne pensait que la candidature de Donald Trump allait aboutir à son élection. Le locataire de

Renversements de situation - En 1995, Édouard Balladur se présente à la présidentielle face à Jacques Chirac. Donné largement perdant (30 % vs 16 %) le second profite des bourdes de son adversaire pour l’emporter. - Pour Lionel Jospin, 2002 restera la plus cuisante défaite de sa carrière. Il récolte 18 % des intentions de vote. Jean-Marie Le Pen, crédité au mieux de 14 %, crée la surprise en obtenant près de 17 % au premier tour, alors que Jospin échoue à 16 % et quitte la vie politique. - Fin 2016, Alain Juppé est tombé de haut. En tête des intentions de vote avec 30 % des voix avant le premier tour, il n’a pas vu venir François Fillon. Ce dernier a obtenu 44 % des suffrages, alors qu’il n’était crédité que de 12 % au début de la campagne.

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fructueuses opinions Par hugo dervissoglou Vous connaissez probablement les entreprises BVA, Ipsos ou TNS Sofres. Ce sont trois des noms qui reviennent régulièrement quand les médias évoquent la vie politique et les sondages. Pourtant, cette activité ne constitue qu’une infime partie d’un business juteux.

Lors des élections, les sondages ont une influence certaine sur la population.

L

es instituts de sondage ne font pas que prendre le pouls de l’opinion publique. En réalité cette activité ne représente même pas 3 % de l’activité d’un institut de sondage comme BVA. Chez le géant Ipsos (124 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2014), l’activité dite Public affair, c’est à dire les sondages politiques, ne représente “que” 24,6 millions. Notons tout de même que les instituts de sondage, notamment Ipsos, ont leur entrée dans les hautes sphères du pouvoir. De très chères études La Commission européenne a ainsi confié, sur la période 2004-2008, la réalisation de l’EuroBaromètre à Ipsos. Selon son dirigeant, ce contrat a rapporté plusieurs millions d’euros à l’entreprise qui était chargée de récolter des données sur les opinions et les habitudes de 27 000 Européens. Les instituts de sondage font majoritairement leur beurre grâce à leur travail avec les industriels et les grands groupes privés, qui leur demandent de préparer le terrain, pour le lancement d’un nouveau modèle de voiture, par exemple. Le prix d’une question d’opinion comme : « Préférez-vous Benoît Hamon ou Manuel Valls ? » est très facilement amortissable. Un sondage composé d’une unique question auprès d’un échantillon de 1 000 personnes est facturé entre © DR

700 et 1 000 euros, selon le commanditaire. Un sondage étant généralement composé de trois questions, il est donc facturé entre 2 000 et 3 000 euros. Pour ce qui est des études de marché, le prix varie en fonction de la notoriété et du poids financier de l’organisme qui les commandent. Le périmètre d’action joue également dans le prix à payer. La marque la plus vendue dans le monde, Coca-Cola, dépense des millions chaque année pour des études de marché à l’international. conflits d’intérêt entre instituts de Sondage et argent public Le chef de l’État a également le droit de commander des enquêtes de popularité. La question la plus couramment posée sera donc « Êtes-vous satisfait de l’action du président de la République ? ». Mais vous avez peut-être entendu parler de l’affaire des sondages de l’Élysée. Dès le début de son quinquennat, Nicolas Sarkozy avait voulu tester sa popularité auprès de la population et essayait de deviner qui pourrait être son adversaire. Parmi les questions posées, on retrouvait : « Pour chacune des personnalités suivantes, diriez-vous qu’elle ferait un(e) bon(ne) candidat(e) à l’élection présidentielle ? » Mais dans les propositions, seulement des cadres du Parti socialiste étaient proposés. En deux ans, l’Élysée avait commandé pour plus de 6 millions d’euros de sondages à des entreprises appartenant à certains de ses proches conseillers, le tout sans mise en concurrence, ce qui est illégal.

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« Je rêvais d’un autre monde » — 32 — MAQUETTE FINALE FINALE.indd 32

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Pages 34 à 43 ‘‘Politique alternative’’, ‘‘démocratie participative’’ sont des termes qui ne sont pas nouveaux dans les systèmes nordiques et anglo-saxons. Pourtant, en France, quand on les mentionne, les yeux s’écarquillent, les sourcils se froncent. On peut définir ‘‘alternative’’ par « possibilité de faire alterner, de faire succéder deux états, deux partis opposés », selon le Larousse. Une politique alternative est donc une nouvelle manière de gouverner, en opposition au modèle précédent. Et c’est ce que plusieurs courants de pensées tentent d’appliquer en France, à travers de nouveaux outils, voulant redonner le pouvoir de décision et d’action aux citoyens du pays. Tour d’horizon.

»

Manifestation du 26 mai à Lyon. © Léa De Cazo

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Les jeunes se sont rassemblés place Guichard à Lyon, pour le mouvement Nuit Debout. © AFP

petits pas pour grandes idées Par Victoria Havard

I

À chaque génération, ses défis. Pour les jeunes d’aujourd’hui, on oscille entre le constat d’un système défectueux, d’une crise politique, sociale et économique ainsi qu’un défi à l’échelle planétaire en termes d’écologie et d’énergie. De nouvelles solutions existent-elles ? Pouvons-nous avoir un impact sur le système ? Les jeunes peuvent-ils changer le monde ? Politique alternative, mode d’emploi.

l paraît que les Français sont pessimistes. Il paraît même que ce serait encore pire pour les jeunes français, encore plus désillusionnés que leurs voisins européens. Et, grande surprise, les jeunes n’auraient pas foi en la politique. Alors oui, on sait que chaque génération doit ressentir ce ras-le-bol et rester avec un arrière-goût amer en bouche à la vue du monde que les anciens lui ont laissé en héritage (pp. 16-17). Mais comme les situations difficiles sont le terreau d’avancées majeures, partons du principe qu’il en sera de même pour notre modèle de démocratie. Les regroupements citoyens ont commencé à prendre de l’ampleur : le mouvement des Indi-

gnés, en Espagne, Nuit Debout, en France, n’en sont que des exemples. 1. « Et on s’étonne que les jeunes n’ont pas foi en la politique » Matthieu a 20 ans. Il va voter pour la première fois en 2017. Quand on lui demande pourquoi il n’a pas foi en la politique, c’est la colère qui ressort en premier : « La politique, c’est bien le dernier de mes soucis », ou encore, « comme disait Coluche, ‘‘si le vote changeait quelque chose, cela ferait bien longtemps qu’il serait interdit’’, répond-il. Vous vous attendez à quoi ? J’allume la télé, je tombe sur vingt minutes d’un débat de la

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primaire de la droite. Je vois cinq politiques qui répondent aux questions de trois journalistes. Les journalistes partent du principe que tout le monde a le même niveau d’information qu’eux, alors que c’est leur métier de passer huit heures par jour à s’informer. Et les politiques ? C’est leur métier de répondre aux questions pièges des journalistes. Puis, quand un candidat prend la parole pour autre chose que tirer dans les pattes de son adversaire, on le coupe parce que le temps de parole n’est pas respecté ? À quel moment peut-on décider d’arrêter un candidat qui essaye d’expliquer aux citoyens son projet, juste pour une question de temps de parole ? Ce n’est pas ça le principe du direct ? De pouvoir justement prendre le temps ? Ah oui, j’oubliais que sinon la chaîne de télévision serait obligée de couper dans son temps de pub. » Voilà un bref extrait du ressenti des jeunes de sa génération.

es

Le problème ? C’est que ce jeune qui va voter en 2017 n’a que des connaissances très approximatives en termes de politique, de programme ou de candidats. Il ne connaît que ce que les médias titrent, comme les 900 000 euros de François Fillon, les violences policières, le manque de programme d’Emmanuel Macron ou encore l’avancée dans les sondages de Marine Le Pen. « Et on s’étonne que les jeunes n’ont pas foi dans la politique. » Son candidat ? « Un mec simple. Vrai. Honnête. Citoyen. » Au vu du bulletin blanc qu’il s’apprête à glisser dans l’urne, il n’a pas trouvé le candidat de son cœur, ou peut-être qu’il n’en a pas assez entendu parler.

dernière l’École supérieure de commerce et développement (ESCD) 3A, à Lyon : « Je voulais une école dans laquelle je reconnaîtrais mes valeurs, qui prône l’ouverture sur le monde et pas l’individualisme », explique Achille. Issus de milieux bien différents, les étudiants trouvent un terrain d’entente autour de valeurs communes. Café à la main dans la salle des associations du campus René Cassin, les échanges vont bon train : positions politiques, réformes sociales, modèles économiques, tous les sujets nourrissent le débat. Pour refaire le monde, les étudiants s’accordent à dire que « ça passe par le local ». Mais comme pour la plupart des jeunes de la génération Y, les beaux idéaux se trouvent vite rattrapés par les tâches de la vie quotidienne et laissent peu de place à l’action sur le terrain. Quelques-uns arrivent pourtant à dépasser cette barrière, en s’impliquant dans des actions qui n’ont pas forcément de portée politique. C’est le cas de Clémentine Bages, étudiante à l’ESCD 3A et présidente de l’association RenéSens, depuis ce début d’année. Elle explique s’être lancée dans l’aventure « parce qu’il y avait une place à prendre. Je viens du milieu associatif et c’est une cause à laquelle j’ai toujours été sensible. » Au menu de l’association du campus René Cassin, quatre projets phares : Bee Api, un projet qui vend le miel des ruches du campus, Les Paniers de René, pour consommer des produits locaux, bios, et de saison, Tribox, pour trier les déchets du campus, et Paï Naï, un projet dont l’objectif consiste à aller découvrir la permaculture en Thaïlande. Pourquoi les jeunes ne s’impliquent-ils pas plus ? Lissandre tente d’expliquer ce manque d’engagement par l’arrivée d’Internet. « Certes, c’est un super outil, mais je pense que cela a posé une barrière aux actions concrètes. » À double-tranchant, Internet est à la fois le symptôme d’un blocage pour les jeunes qui s’abrutissent sur les télé-réalités ou les vidéos de chats sur Facebook et la marque d’une avancée extrême en termes de connaissances et de communication. Internet, à bon escient, est à la base de toutes les nouvelles formes de démocratie.

2. Penser global, agir local Ils ont entre 20 et 22 ans. Comme beaucoup de jeunes de leur âge, Achille, Lissandre et Harold veulent réformer le système à leur manière. Poussés par leurs idéaux, ils ont intégré l’année

« Les journalistes partent du principe que tout le monde a le même niveau d’ information qu’eux, alors que c’est leur métier de passer huit heures par jour à s’ informer. » — 35 — MAQUETTE FINALE FINALE.indd 35

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Photo d’illustration © LyonMag

Démocratie ouverte, une nouvelle manière de s’engager Par Victoria Havard “Politique alternative’’, “démocratie participative’’, ces termes ne sont pas nouveaux dans les systèmes nordiques et anglo-saxons. Pourtant, en France, quand on le mentionne, les yeux s’écarquillent, les airs sont ébahis. On peut définir ‘‘alternative’’ par « possibilité de faire alterner, de faire succéder deux états, deux partis opposés », selon le Larousse. Une politique alternative est donc une nouvelle manière de pratiquer la politique, en opposition au modèle précédent. C’est ce que plusieurs courants de pensées tentent d’appliquer en France, à travers de nouveaux outils, voulant redonner le pouvoir de décision et d’action aux citoyens du pays. Tour d’horizon.

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Bouge ta démocratie Quand démocratie et réseaux sociaux font bon ménage, ça donne Bouge ta démocratie. Cette action à dimension pédagogique consiste en des collaborations de l’association avec le Youtubeur Accropolis pour parler différemment de la politique aux jeunes. Dans un premier temps, Armel Le Coz, délégué général de l’association Démocratie ouverte, a fait le tour de la région Centre-Val de Loire, à travers écoles, MJC, maisons familiales et rurales pour sensibiliser les citoyens entre 14 et 16 ans. « Aujourd’hui, de plus en plus de jeunes sont désabusés. Leur vision de la politique est très négative. Certains sont dégoûtés avant même d’avoir le droit de vote. Je n’ai pas la prétention de dire qu’on leur redonne de l’espoir, mais je pense que l’on peut les sensibiliser aux nouvelles formes de démocratie. » Quand on lui demande s’il pense que l’origine de ce dégoût vient d’un problème de communication, il répond que « c’est plutôt un problème d’opportunité. » Bouge ta démocratie est une initiative lancée par le collectif Démocratie ouverte, créé en 2012. Partie du constat que les pays anglo-saxons étaient beaucoup plus avancés que la France en termes de gouvernance ouverte, cette association « de transition démocratique » a pour vertu de « changer la démocratie française et francophone en l’améliorant », explique Armel Le Coz. Bouge ta démocratie n’est que l’une des actions mises en place par le collectif citoyen.

Parlements-et-citoyens.fr

« Certains sont dégoûtés avant même d’avoir le droit de vote. (...) Je pense que l’on peut les sensibiliser aux nouvelles formes de démocratie. »

Pouvoir élaborer les lois main dans la main avec les législateurs, c’est la formule proposée par le site Parlements-et-citoyens. Tout commence par une vidéo postée sur YouTube par un parlementaire. Il présente le projet de loi qui va être voté, explique ses enjeux avant de présenter ses propositions. Pendant un temps donné, une formation sur la thématique est proposée sur le site. Ensuite, les citoyens peuvent voter pour ou contre une proposition, et l’enrichir s’ils le souhaitent. Un Google Hangouts est organisé entre le parlementaire et les élaborateurs des propositions afin de débattre des points-clés de la loi. Une fois ce travail terminé, le parlementaire va proposer le projet de loi citoyen à l’Assemblée nationale ou au Sénat. C’est ainsi qu’ils peuvent s’impliquer dans la démocratie participative.

Communecter Si on vous dit qu’il existe un réseau social qui vous permet de rester connecté à votre commune, à ses citoyens, à ses événements et à ses entreprises, vous diriez quoi ? Certainement que cet outil, Communecter, est sur votre wishlist de démocratie collaborative.

Ici L’association Innovons pour la Concertation sur Internet tend à démocratiser l’usage du numérique dans le but de rapprocher les citoyens. Afin de pouvoir avoir accès aux nouveaux outils de démocratie participative, la maîtrise de l’outil Internet est indispensable. Plusieurs ateliers sont proposés : Open data, Je débute, 16-30 ans, réseaux sociaux, etc.

Ségolène Royal, à Liège. Cette manière de faire représente bien le concept des conférences citoyennes : les citoyens se réunissent autour d’un interlocuteur pour l’échange d’idées. © DR

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Change.org

Domedyne

Vous connaissez très certainement le célèbre générateur de pétitions citoyennes : parmi ses plus grandes victoires, on compte la pétition ayant milité en faveur de la libération de Jacqueline Sauvage, qui a récolté 820 000 signatures.

C’est une plateforme citoyenne dont le but est de créer son propre programme politique pour sa ville. Les propositions peuvent ensuite être approuvées par d’autres utilisateurs. À terme, elle a vocation à être un outil de démocratie participative à une échelle globale.

Voxe.org Le site Voxe vous propose un comparateur neutre de programmes, afin de vous aider à faire votre propre opinion pour la présidentielle 2017. Mais avant cela, vous pouvez vous informer sur les différents enjeux du mandat, en 30 secondes, 2 minutes ou 2 minutes 30.

Le mouvement des Indignés a commencé à Madrid, en Espagne. Le collectif citoyen se veut rassembleur et nonviolent. © DR

Mais aussi...

Vous connaissez certainement primaire-citoyenne.org, qui a choisi Charlotte Marchandise pour représenter les citoyens à la présidentielle 2017. Pour avoir une météo de l’opinion, il y a Gov. Kawaa est l’outil facilitateur de rencontres citoyennes. Stig permet de voter pour des idées citoyennes. En utilisant Baztille, vous votez pour un projet par jour, supporté par quelques élus. Sénat citoyen est un site porteur d’idées pour militer pour un Sénat composé de citoyens. Civocracy, un site pour aider sa ville à porter des projets. Pour être en contact direct avec les politiques, rendez-vous sur questionnervoselus.org ou questionnervoscandidats. org. Pour un média citoyen qui propose la contextualisation d’une question de société et deux tribunes, l’une pour et l’autre contre, afin de se forger sa propre opinion, on vous suggère La Drenche. Bulb in Town propose un financement participatif local, et l’application Politizr crée une communauté pour les élus et les anciens élus et invite au dialogue avec les citoyens.

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Partis citoyens :

« Au final, on tourne en rond » Par Manon Dognin De La Transition à Nous Citoyens, ils sont de plus en plus nombreux à vouloir redonner la parole au peuple, afin de faire face à son désintérêt croissant pour la politique. Un constat qui pousse ces petits mouvements à se lancer sur la scène politique, non sans embûches.

«J

’en avais marre de critiquer les partis politiques sans rien pouvoir y faire. Je voulais m’engager dans un mouvement dans lequel je me reconnaissais », souffle Adrien, jeune adhérent au mouvement Nous Citoyens. La Transition, Nous Citoyens ou encore Nouvelle Donne, autant de mouvements qui veulent s’inscrire parmi ces formations qui redonnent la parole aux citoyens et à leurs intérêts. Le constat à l’origine de ces jeunes formations politiques est bien souvent le même : les gouvernements français successifs sont « incapables de réformer le pays », selon Xavier Alberti, co-fondateur de La Transition. À ses yeux, la situation est particulièrement sensible pour la jeunesse française, car « d’une part, le pouvoir politique ne propose aucun projet de société mobilisateur et crédible pour les jeunes. D’autre part, notre système éducatif est le plus inégalitaire parmi les pays développés. » De son côté, Bernard Chanevez, délégué général du mouvement, estime que la France est « un surdoué qui s’ignore, avec de nombreux talents. » Il poursuit : « La France est bloquée et ce n’est certainement pas le moment de nous renfermer sur nous-mêmes. »

Malgré ses ambitions, la formation politique La Transition peine à remplir ses objectifs selon certains de ses anciens membres. Après un an d’adhésion au mouvement, c’est la déception qui prime pour Isabelle Mirocha. « Il y a une cruelle absence d’unité entre tous ces partis qui se veulent novateurs. Le traditionnel clivage gauche/droite empêche la mise en application d’idées concrètes. Au final, on tourne en rond, les dirigeants de ces partis adoptent des comportements carriéristes et on retombe dans le schéma habituel de la politique. »

« On retombe dans le schéma habituel de la politique » Toutefois, ces mouvements peinent à prendre de l’ampleur sur la scène nationale car leurs membres demeurent initialement politisés à gauche ou à droite. Ces micro-partis restent flous quant à leur nombre d’adhérents et des tensions internes sont parfois à l’origine du manque de visibilité de ces formations citoyennes. L’ancien président de Nous Citoyens, Nicolas Doucerain, a d’ailleurs démissionné en décembre dernier. « La perspective des élections de 2017 a suscité des oppositions. Entre ceux qui souhaitaient s’engager derrière un candidat [...] et ceux qui préféraient rester indépendants, le ton est vite monté », explique-t-il dans une lettre ouverte.

« Il y a une cruelle absence d’unité entre tous ces partis qui se veulent novateurs » © Xavier Albertti, co-fondateur de La Transition

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VOTER BLANC, OUI, MAIS POUR QUOI FAIRE ? Par Manon Dognin VOTE BLANC

VOTE NUL

Le fait de ne voter pour aucun candidat, ou pour aucune proposition lors d’un référendum, mais de déposer tout de même une enveloppe vide ou contenant un bulletin blanc dans l’urne.

Un vote considéré comme non valable lors d’une élection ou d’un référendum en raison de son inconformité (enveloppe déchirée, bulletin raturé, deux bulletins à l’intérieur de l’enveloppe)

Il indique une volonté de participer au débat démocratique tout en refusant les propositions suggérées.

Il est souvent le résultat d’une erreur de manipulation de l’électeur au moment du vote.

En France, depuis 2014, le pourcentage de vote blanc est connu mais n’est pas pris en compte dans la détermination des suffrages exprimés. Il n’a donc AUCUNE incidence sur le résultat de l’élection.

si le vote blanc était comptabilisé, Qu’est-ce que cela changerait ?

> Les électeurs verraient que leur avis est pris en compte, quel qu’il soit. Cela permettrait aussi de lutter contre l’abstention. > Il serait possible d’analyser le phénomène du vote blanc et d’en mesurer son ampleur. > Les électeurs ne voteraient plus “contre” un candidat mais “pour” leurs idées

la voix du peuple Si le vote blanc était reconnu et remportait plus de 50 % des suffrages, alors le peuple ferait savoir qu’aucun des candidats ne l’a convaincu. Le scrutin serait annulé et d’autres élections organisées. Dans ce même cas de figure, avec le système politique actuel, si le vote blanc récoltait 80 % des suffrages, cela n’aurait pas de conséquence directe. Les partis se répartiraient les 20 % restants et l’un d’entre eux serait tout de même élu, malgré une carence évidente de représentativité.

ces pays qui ont sauté le pas

ces candidats qui sONT POUR

Colombie Pérou Pays-Bas

Benoît Hamon (Parti socialiste)

Espagne

Stéphane Guyot (Citoyens du vote blanc) Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche)

Sources : viepublique.fr / parti du vote blanc © Manon Dognin

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Pour voter blanc, votez Stéphane Guyot Par marion gergely Aujourd’hui, le mécontentement exprimé par le vote blanc passe à la trappe. Depuis 2010, Stéphane Guyot, commerçant et père de famille, cherche à faire reconnaître le vote blanc comme suffrage exprimé. C’est d’ailleurs le seul point de son programme en tant que candidat à la présidentielle.

«I

l ne faut plus que les électeurs votent contre un candidat, m a i s p o u r celui qu’ils veulent voir au pouvoir », estime Stéphane Guyot, le “candidat du vote blanc’’ à la présidentielle. En 2012, lors de la précédente course à la présidence, ils ont été plus de 6 % à voter blanc. Mais peu importe, puisque ce suffrage n’influe pas sur les résultats. C’est cela que veut changer Stéphane Guyot. En 2010, il a créé l’association Citoyens du vote blanc, afin qu’il soit reconnu comme suffrage exprimé. Cette dernière compte 30 membres actifs et 2 700 sympathisants. Son ambition est pour le moins originale : « Mon but n’est pas de prendre la tête de l’État, mais bien d’offrir une alternative aux électeurs.

Si le vote blanc, que je représente, était majoritaire, alors il y aurait une nouvelle élection. Ce que je veux, c’est donner la possibilité aux citoyens de voter blanc et que leurs voix comptent. » Cette idée est née d’une conviction personnelle : Stéphane Guyot ne voulait plus « voter par défaut. Je veux que les citoyens aient le droit de dire ce qu’ils pensent. Les gens ne sont pas satisfaits des offres actuelles, c’est pour cela que je me propose comme candidat du vote blanc. »

sociaux. » Pour informer le plus grand nombre, l’association distribue aussi des tracts et organise de nombreuses réunions d’information, pour rencontrer ceux qui le souhaitent.

Donner le choix aux électeurs

Le mot d’ordre est d’inverser le rapport de force qui s’est installé entre les dirigeants « présents depuis une quarantaine d’années » et les citoyens. « C’est aux électeurs de choisir et s’ils expriment leur mécontentement à travers le vote blanc, alors c’est aux politiques de changer et non l’inverse. »

« Nous proposons une autre alternative, et ce qui est étonnant, c’est que les gens adhèrent », avoue le candidat. Mais le problème majeur de l’association (et de son candidat) est de se faire connaître : « Nous n’avons pas accès aux grands médias, mais nous sommes très actifs sur les réseaux

Stéphane Guyot ne veut pas que le vote blanc devienne un outil de communication, le ralliement à un candidat n’est donc pas une option pour lui. « Le sujet est présent à chaque campagne dans des programmes, mais le problème est qu’aussitôt que l’élection a eu lieu, le vote blanc passe à la trappe. » Pour l’association, le combat n’est donc pas prêt de s’arrêter. Même si Stéphane Guyot quittera ses fonctions de président en 2017, il laissera sa place à une nouvelle équipe déterminée à continuer la lutte.

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T r ansition

Le revenu universel pour les nuls Par Manon Dognin

Le revenu universel en quelques mots ?

Il consiste à verser tous les mois, sans condition, une somme fixe à l’ensemble des citoyens. Il est cumulable avec d’autres revenus.

- Favorise la liberté et l’égalité des citoyens

- Encourage l’assistanat et l’inactivité

- Développer le bénévolat

- Ceux qui font le choix de ne pas travailler profitent de ce système sans participer à son financement

- Réduire le temps de travail sans baisser le pouvoir d’achat

Plusieurs propositions Qui en profite ?

Quel montant ?

Tout le monde dès la naissance ou à partir de 18 ans

Les propositions vont de 500 euros à 1 000 euros/mois Montants variables selon l’âge

Baptiste M présente l universel debout Pa © Nuit de

Quel financement ?

Suppression du SMIC ainsi que des aides (RSA, APL, allocations chômage, etc.) Création d’un impôt sur la vente d’actions en bourse Augmentation de l’impôt sur le revenu/sur le patrimoine

1 000 milliards d’euros

450 milliards d’euros

Soit la moitié du PIB, ce serait le prix à payer pour un revenu de base de 1 500 euros par adulte et 750 euros par mineur

Soit les dépenses de la Sécurité sociale, ce serait le prix à payer pour un revenu de base de 800 euros pour l’ensemble des citoyens

Sources : le monde / les décodeurs © Manon Dognin

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Transit ion

Un concept pas si universel… Par vICTORIA hAVARD Baptiste Mylondo est économiste et membre du collectif Pour un revenu social (POURS). Enseignant d’économie générale et d’économie sociale et solidaire à l’École supérieure de commerce et de développement 3A, de philosophie économique à l’École centrale de Paris et d’économie internationale à l’Institut d’études politiques (IEP) de Lyon, il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la décroissance et le revenu universel en France.

L

’idée du revenu universel n’est pas nouvelle. Depuis plusieurs décennies maintenant, certains économistes et chercheurs se sont penchés sur la mise en application d’un revenu de base dans la société. Baptiste Mylondo, enseignant-chercheur, a toujours défendu cette notion de « revenu versé à tout le monde, sans conditions ni contreparties, tout au long de la vie. » Il va même plus loin, en remettant en cause la notion de travail dans la société. « L’emploi est survalorisé. Ce n’est qu’une des manières possibles de travailler parmi d’autres, c’est-à-dire faire des activités utiles socialement », déclare-t-il à Libération.

Quand on lui demande si la proposition de Benoît Hamon va jouer sur son vote à la présidentielle, l’économiste répond avec un sourire que « cela aura potentiellement une influence » sur le bulletin qu’il glissera dans l’urne. Mais le modèle de l’économiste diffère de celui défendu par Benoît Baptiste Mylondo Hamon : en effet, le présente le revenu progressiste souhaite universel à Nuit aller encore plus loin debout Paris © Nuit debout Paris dans le revenu universel de base. « Le revenu inconditionnel de Benoît Hamon n’est pas assez ambitieux au niveau du montant : à terme il propose 750 euros, ce qui est en dessous du seuil de pauvreté. » Pour le chercheur, un revenu à 1 000 euros par mois, (soit le montant maximal du seuil de pauvreté en France) est aujourd’hui possible, la question du financement étant pour lui une ‘‘fausse objection’’. Il l’explique ainsi sur Alternatives économiques : « Il est toujours possible de verser un revenu inconditionnel au niveau du seuil de pauvreté fixé à 50 % du niveau de vie médian et de garantir ce seuil de pauvreté à tous, en partageant de façon strictement égalitaire l’ensemble des revenus. Lorsque l’on compte un revenu disponible par habitant de 1 720 euros par mois en 2014, on peut conclure qu’il est possible de garantir un minimum de 1000 euros par personne. »

La bataille de crédibilité de Benoît Hamon Si le candidat à la présidentielle est parvenu jusqu’ici à orienter le débat autour de ses idées, c’est à présent la faisabilité de son programme qui préoccupe. Le revenu universel d’existence s’inscrit comme sa mesure phare, mais suscite de vives controverses. 750 euros, c’est la somme que devrait recevoir, à terme, l’ensemble de la population française mensuellement et ce, dès l’âge de 18 ans. Si la proposition elle-même a essuyé de nombreuses critiques, c’est avant tout son coût exorbitant, estimé entre 300 et 400 milliards d’euros, qui crispe la classe politique. Selon Benoît Hamon, instaurer un revenu universel d’existence permettrait aux citoyens de retrouver la maîtrise de leur vie, en articulant au mieux activité professionnelle et vie personnelle. « Ce serait une manière pour les salariés de réduire leur temps de travail sans perte de pouvoir d’achat », expliquait-il au Parisien fin janvier. Toutefois, le candidat ne prévoit pas de supprimer certaines aides comme le RSA, mais plutôt d’automatiser ce dernier à tous les ayants droit. « Le revenu universel ne se substitue pas à l’assurance maladie », poursuit le prétendant à l’Élysée. Mais comment financer cette réforme audacieuse dont la première phase se chiffrerait à 45 milliards d’euros ? Tout simplement par le réajustement naturel des tranches de l’impôt sur le patrimoine.

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Tractation

Opération s — 44 — MAQUETTE FINALE FINALE.indd 44

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Trac t at ion

Pages 46 à 57 Les méthodes de tractation ont bien changé en quelques années. Le porte-àporte, quasiment révolu, laisse désormais place aux réseaux sociaux ! Parce que nos politiques se sont - presque - tous remis au goût du jour, Isoloir vous propose de découvrir comment Twitter est devenu l’outil de base de la communication, mais aussi de cerner la place de l’anglais sur la scène politique, avant de conclure sur le décryptage de la parole de nos politiciens.

n séduction © Marion Gergely

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T r actation

#Présidentielle2017 Twitter, l’outil indispensable Twitter et élection semblent être devenus deux termes indissociables. Si tous les candidats sont présents sur la toile, ils sont loin d’avoir la même cote de popularité et la même stratégie digitale.

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witter c’est la liberté, l’instantanéité, l’interaction... Le réseau social au petit oiseau bleu est l’outil parfait pour faire campagne. Les candidats l’ont bien compris : quels que soient leur âge et leur parti, il est impossible d’être absent de Twitter pour réussir en politique aujourd’hui. C’est un excellent moyen de séduire un électorat jeune, mais surtout de partager ses idées sans contrainte, excepté les 140 caractères. « Twitter est un excellent outil pour faire part de ses convictions, de son programme ou pour relayer un évènement auquel le politique participe en tant que speaker. C’est l’outil du partage », nous explique Clément Pellerin, formateur aux nouveaux outils et com-

Par angélique Bernard munity manager. Finis les débats ennuyeux et chronométrés, de nos jours tout se passe sur Twitter, ou presque. Désormais, il est impossible de louper l’intervention d’un politique dans un média (par exemple, le rendez-vous chez Bourdin tôt le matin), tous offrent des séances de rattrapage sur leurs comptes respectifs. Chacun des candidats s’est aussi approprié son propre hashtag. Les #JLM2017, #Marine2017 ou #Hamon2017 envahissent donc nos timelines.

politiques issus du parti de Marine Le Pen sont ceux qui ont le plus de succès, car ils sont aussi les plus actifs. Si vous voulez du tweet rentre-dedans, appelez la famille Le Pen, tous sont présents, de Jean-Marie à Marion. Mais la palme revient à Marine Le Pen : elle est la femme politique française la plus suivie sur Twitter avec pas moins de 1,28 million de followers.

Le Front national, un parti ultra-connecté

Comment expliquer la popularité de Marine Le Pen ? Son côté humain peutêtre. On aurait presque oublié que la présidente du FN vit dans le même monde que nous. Pour chaque évènement ou déplacement, elle ne manque pas de poser pour une photo ou une vidéo où elle se met en scène (à cheval,

Si un parti a rapidement compris l’importance d’être présent sur le web, c’est bien le Front national. Le parti d’extrême droite a été le premier à créer son site web, en 1996. Sur Twitter, les

Des stratégies de séduction divergentes

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Trac t at ion

avec son conjoint, aux côtés de ses partisans). Tout est prétexte à augmenter son nombre de tweets et son capital sympathie. L’équipe jeune d’Emmanuel Macron a, sans surprise, misé sur la modernité. Infographies en couleur, citations fortes avec photos et #Macron : ce sont la com’ et l’image qui priment. Malgré cela, le candidat d’En Marche ! a du mal à décoller et

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à dépasser la barre des 500 K followers. Du côté de Benoît Hamon, même s’il a décidé de reprendre son compte en main, ce sont ses anciens tweets, plus drôles les uns que les autres, qui font le buzz. Le socialiste utilisait il y a quelques années son compte pour ‘‘raconter sa vie’’ et montrer son côté bon vivant. Si l’un d’eux a fait réagir, c’est bel et bien le « 1, 2, 3 Viva l’Algérie », ressorti en pleine Coupe d’Afrique des nations. En le voyant à la télévision, on ne l’imagine pas si décontracté.

Empêtrée dans le Penelopegate, l’équipe de François Fillon reste très sobre sur Twitter. Photos, mises au point, rien de très original. En pleine tempête médiatique, le candidat Les Républicains se doit d’être encore plus vigilant, car sur la Toile, tout peut aller très vite. « Il faut faire très attention, la moindre virgule de travers et c’est le risque d’un bad-buzz ou d’un emballement médiatique. Il faut s’en tenir au discours du politique et ne pas trop étaler sa vie privée non plus », ajoute Clément Pellerin. Par contre, pour les petits candidats, il est difficile de s’imposer sur la Toile et encore plus dans la sphère médiatique. Si Marine Le Pen remporte la palme de la popularité sur Twitter, pour la présidentielle, les réseaux sociaux seront-ils représentatifs ? Réponse en mai prochain.

« Il faut faire très attention, la moindre virgule de travers et c’est le risque d’un bad-buzz et d’un emballement médiatique.»

TOP 3 DES CANDIDATS SUR TWITTER #1

#2

#3

Marine Le Pen

Jean-Luc Mélenchon

EMMANUEL MACRON

@MLP_Officiel

@JLMelenchon

@EMMANUELMACRON

Followers : 1,29 M 12 500 tweets Inscrite depuis 2010

Followers : 972K 19 500 tweets Inscrit depuis 2009

Followers : 511K 1 840 tweets Inscrit depuis 2013

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T r actation

Les politiques et le digital, pour le meilleur et pour le pire Par selena miniscalco

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Plus difficile pour les candidats de sauter le pas sur YouTube. S’ils sont plusieurs à poster des vidéos d’eux en meeting, JeanLuc Mélenchon poste des vidéos de lui, façon Norman.

Comment ça marche ? Ici, pas de long discours, seulement des humeurs et des infos, en 140 caractères. Pour quel public ? Si 26 % des 25-34 ans* ont Twitter, le réseau social reste le préféré des professionnels. Qui ? Les hommes politiques sont tous, sans exception, inscrits sur Twitter : Marine Le Pen, Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon, François Fillon, etc.

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Comme YouTube, Snapchat refroidit encore les candidats. L’exercice est périlleux et Mélenchon s’est pris les pieds dans le tapis. Le seul candidat sur Snapchat a mis du temps à apprendre à se servir du réseau social. Soyez rassurés, il n’a pas encore utilisé le filtre chien.

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Comment ça marche ? Moins conventionnel que Twitter, les politiques peuvent se permettre d’être plus détendus. Messages plus personnels et photos y sont publiés, mais c’est surtout les vidéos en direct qui déclenchent une affluence d’audience. Pour quel public ? 62% des 25-34** ans sont sur Facebook. Son avantage : il permet de toucher un public très large en plus des jeunes, puisqu’il s’adresse à tous les âges et à toutes les catégories socio-professionnelles. Qui ? Comme pour Twitter, les politiques s’arrachent Facebook. Certains pourtant peinent à faire décoller leurs likes. Benoît Hamon comptabilise environ 125 000 mentions j’aime, quand Marine Le Pen, elle, en a plus de 1 200 000.

Comment ça marche ? Après Snapchat, Instagram est l’endroit parfait pour illustrer sa vie. Les politiques y postent des photos de leurs rendez-vous professionnels. Pour quel public ? 35 % des 25-34 ans*** sont inscrits sur Instagram, pourtant, la politique ne fait pas partie de leurs recherches préférées, contrairement à la mode, les voyages et les people. In

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Qui ? Si Benoît Hamon ou François Fillon sont inscrits et certifiés sur Instagram, la reine incontestable du réseau social est encore Marine Le Pen avec 42 500 abonnés.

Sources : * Blog du modérateur / ** Ipsos / *** Ipsos © FlatIcon

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Mélenchon ‘‘OKLM’’ sur les réseaux sociaux Par angélique Bernard

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Les jeunes et la politique ne font pas forcément bon ménage. La tendance est au ‘‘je m’en foutisme’’ et le manque de confiance envers les hommes politiques règne. Pour séduire un électorat jeune, les candidats l’ont compris, il faut miser sur les réseaux sociaux.

acebook, Instagram, Snapchat, YouTube, autant d’outils testés par les candidats à la présidentielle pour attirer un public jeune et connecté. Le pro en la matière c’est Jean-Luc Mélenchon : le plus âgé d’entre eux (65 ans) a fait le pari de ‘‘se la jouer djeuns’’. Parmi tous les politiques, il est la star de YouTube avec plus de 220 000 abonnés (dont 60 % ont moins de 34 ans). « Nous sommes la première chaîne politique du pays, on a eu 1 000 pouces bleus sur une vidéo donc nous sommes contents », se félicite-t-il.

Une équipe jeune pour un candidat qui casse les codes Son succès sur le web n’est pas anodin. Jean-Luc Mélenchon a su s’entourer d’une équipe jeune menée par Sophia Chikirou, directrice de la communication de sa campagne, qui n’en est pas à son coup d’essai. Cette femme, de 37 ans, a intégré l’équipe de Bernie Sanders aux États-Unis pour en retenir les meilleures techniques de communication. Le candidat peut aussi compter sur Antoine Léaument, un youtubeur de 27 ans, qui gère ses réseaux sociaux et notamment sa chaîne YouTube. C’est © Montage : Amélie Vuargnoz grâce à ce dernier qu’il est devenu actif. Il a désormais plus de 400 vidéos au compteur. La particularité de sa chaîne ? Deux rendez-vous hebdomadaires avec sa communauté : La Revue de la semaine (#RDLS), dans laquelle il traite cinq sujets qui l’ont intéressé et La Foire aux

questions des internautes (#FAQ). Un franc succès. Son but principal : s’adapter à une audience connectée mais surtout intéresser les jeunes à l’actualité. Dans ses vidéos, le candidat ne se prend pas au sérieux, c’est ce qui plaît à ses abonnés. « Sa chaîne lui permet d’être humain, il raconte sa vie, il montre qu’il est proche du peuple, c’est ce qu’on veut voir », réagissait Élisa, 21 ans, lors de son meeting à Lyon, le 5 février. « Il a tout compris en rejoignant le numérique pour cibler les jeunes. Il est drôle, c’est surtout un personnage qui intrigue », analysait Axel, 18 ans. En effet, on retrouve l’homme politique assis sur son canapé, une tasse de café à la main avec en fond le slogan ‘‘Keep calm and vote Melenchon’’. Les « Salut les amis » ou « Bonjour les gens » sont utilisés à gogo, comme on parlerait à sa bande de copains. Après Youtube, à la conquête de Snapchat ? Où « Mélench’ » compte-t-il s’arrêter ? Il a même ouvert un compte Snapchat, où les « OKLM » et « on est en PLS » ne se comptent plus. Un langage jeune, mais à trop vouloir en faire, le candidat ne perdrait-t-il pas sa crédibilité auprès de son électorat plus âgé ? Pour le moment, sa stratégie porte ses fruits et attise la curiosité. Et que dire de son ‘‘JLM hologramme’’ qui a fait sensation avec deux salles combles (à Lyon et à Paris) et plus de 60 000 vues en live sur la toile. Le candidat de la France insoumise tente des choses et pour le moment ça fonctionne. Reste à savoir s’il aura le même impact dans les urnes.

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T r actation

Et si vous compreniez vraiment ce qu’ils disent ? © DR

© Laurent Hazgui

© Patrick Hertzog

Par manon dognin En pleine campagne présidentielle, les prétendants à l’Élysée s’apprêtent à mettre toutes les chances de leur côté afin de convaincre leur électorat. Et s’il y a bien une arme à ne pas négliger lors de ces mois combatifs, ce sont les discours. Parce que les mots sont rarement innocents, Cécile Alduy, professeure à l’université de Stanford, a analysé la parole de nos candidats. Compilation d’un décryptage édifiant.

Les médias sont-ils responsables de l’uniformisation du discours des politiques ? C’est en tout cas ce que décrit Cécile Alduy dans son ouvrage Ce qu’ils disent vraiment, les politiques pris aux mots. Force est de constater qu’il est difficile pour les télévisions de retransmettre l’intégralité des discours politiques. Les médias exercent alors un filtre non négligeable sur leurs déclarations. De plus en plus, les politologues s’accordent pour dire que l’on assiste à une triangulation de la parole politique. Pour faire simple, la gauche comme la droite piochent dans le vocabulaire du camp opposé. Une pratique qui vise à brouiller les pistes et à récupérer les voix de ses adversaires.

« Marine Le Pen joue sur l’imaginaire du chef viril »

Macron Le nom « Macron » est sur toutes les lèvres depuis le début de la campagne présidentielle. L’auteure remarque que le leader d’En Marche ! est l’un des sujets les plus évoqués par ses adversaires et note même une certaine obsession pour ce candidat qui refuse de se voir apposer une étiquette politique. Bien que Cécile Alduy n’ait, faute de calendrier, pas eu le temps d’analyser précisément le vocabulaire d’Emmanuel Macron, elle constate qu’il endosse la casquette d’un coach de vie lorsqu’il s’adresse à ses électeurs et ses militants. L’universitaire va même jusqu’à le décrire comme un « marketeur » qui élabore des produits pour ensuite les présenter « comme si c’était le nouvel iPhone ». Son but est de motiver son auditoire et de le pousser à prendre son destin en main autour d’un jargon très positif. Les mots “renouveler”, “encourager”, “bouger”, dont il use avec récurrence, s’inscrivent tous dans une dynamique de mouvement très chère au candidat d’En Marche !.

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Trac t at ion

La République

Le mot fourre-tout par excellence utilisé par l’ensemble de la classe politique afin de désigner l’ennemi que représente le communautarisme. Cécile Alduy qualifie François Fillon « d’identitaire calme » lorsqu’il adosse systématiquement l’adjectif « française » au terme « République ». Ainsi, le candidat de la droite avance en sous-marin. Il ne brandit pas fièrement un drapeau tricolore, mais à force d’insistance, finit par dresser une vision nationaliste de la société en privilégiant la spécificité nationale face au reste du monde. Le discours est encore plus paradoxal du côté du Front national. Le parti surfe sur le mot “République” alors même que le mouvement est historiquement issu d’un courant antirépublicain, « suspicieux du jeu démocratique ». Pour Jean-Luc Mélenchon, la République est évoquée comme un changement radical de régime, le glissement vers une VIe République.

Laïcité

Le Peuple

Alors que François Fillon est le seul candidat à la présidentielle à utiliser un vocabulaire spirituel et religieux, le terme “laïcité” est devenu un incontournable de la parole politique. On peut quand même s’étonner qu’il soit devenu un instrument de la droite et surtout de l’extrême droite. Marine Le Pen est l’une des premières à se servir de la laïcité de manière stratégique. Dans son combat politique, elle en use uniquement pour cibler l’immigration, qu’elle assimile à la religion musulmane. Le sociologue Jean Baubérot parle à ce moment-là de « laïcité identitaire ». Elle a totalement redéfini la laïcité lors de sa campagne de 2012, un mot qui n’a initialement rien à voir avec le corpus du Front national. Une tactique qui suit le schéma d’apaisement du FN que tente de véhiculer Marine Le Pen. Quant à Jean-Luc Mélenchon, laïc clairement revendiqué, il ne parle quasi jamais de religion.

Pour Cécile Alduy, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon se disputent l’emploi de ce terme. L’auteure relate que les deux candidats sur-utilisent ce substantif par rapport à leurs rivaux. Pour preuve, c’est le 7e mot le plus employé par la présidente du Front national et le 9e pour le leader de la France insoumise. Chez les autres candidats, le terme de “peuple” ne se distingue que dans les 50 premiers mots les plus cités. Néanmoins, l’universitaire insiste sur le fait qu’il faut bien comprendre de quel peuple il s’agit. Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ne parlent en effet nullement du même. « Le peuple de Marine Le Pen, c’est toujours le peuple français. » La candidate fait usage de ce terme au sens politique alors qu’elle cherche avant tout à faire passer un message ethnique. Mélenchon voit dans le peuple son côté souverain, acteur de son histoire. Il choisit ce mot pour s’adresser aux « sans-voix », d’un point de vue sociologique. François Fillon, lui, ne tombe pas dans le jargon du populisme et préfère nommer les catégories socioprofessionnelles.

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Immigration © Albert Facelly

François Fillon en conférence de presse, le 6 février dernier, en plein Penelope Gate

Le sujet est l’un des marqueurs du clivage gauche/droite. Jean-Luc Mélenchon fustige souvent qu’il ne faut pas abandonner le terrain de l’immigration à la droite mais n’en parle jamais, ou seulement de manière positive. Cette attitude offre en parallèle un boulevard à la droite et l’extrême droite pour s’emparer du sujet. S’emparer du sujet pour mieux le stigmatiser, voilà comment l’auteure décrypte la situation. Pour François Fillon et Marine Le Pen, l’immigration doit être réduite au strict minimum et la différence entre le “eux” et le “nous” pour désigner l’immigré est soulignée de façon persistante. Les deux candidats emploient plus ou moins les mêmes expressions. Mais le ton varie : Fillon reste calme quand Marine Le Pen incarne la tempête. Cette dernière tend toutefois à adoucir son discours. Lorsqu’elle dit « La France est généreuse » mais prône dans la phrase suivante la fermeture des frontières, la présidente du FN détourne ainsi de son sens le mot “générosité”.

Virilité À en croire les recherches de Cécile Alduy, François Fillon et Marine Le Pen se plairaient tous deux à adopter un langage très genré. Le candidat des Républicains n’hésite en effet pas à se servir d’un vocabulaire viril. On pense notamment aux mots “muscler”, “durcir”, “redresser”, “combattre”, “détruire”, “briser”. Un champ lexical qui s’oppose à celui de “l’impuissance” et de la “mollesse”. La leader du mouvement Bleu marine prend également une posture virile lors de ses élocutions. « Elle joue sur l’imaginaire du chef viril », remarque l’universitaire. Lorsqu’elle chante le combat guerrier de Jeanne d’Arc ou prétend qu’il faut « bouter les étrangers hors de France », Marine Le Pen entre tout à fait dans un schéma de virilité. Jean-Luc Mélenchon, lui, s’inscrit dans un tout autre registre. Le leader de la France insoumise s’enracine dans une vision très marxiste de la société qui ne s’articule pas à travers le genre. Les droits des femmes sont d’ailleurs assez peu mentionnés.

Le langage corporel en dit long sur l’état d’esprit du candidat Républicain. © Benoît Tessier / Reuters

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François Fillon, ces signes qui ne trompent pas Par manon dognin

Beaucoup sont restés sceptiques face aux excuses de François Fillon lors de sa conférence de presse du 6 février dernier, où il se défendait sur les soupçons d’emplois fictifs. Rien d’étonnant selon les synergologues qui s’accordent à dire que la gestuelle de l’homme politique entre souvent en contradiction avec ses dires… Alors, pris la main dans le sac monsieur Fillon ?

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our François Fillon, ce n’est évidemment pas le caractère broussailleux de ses sourcils qui pose question mais plutôt leur mobilité », s’amuse Stéphane Bunard, synergologue. Qu’il s’agisse de sa dernière conférence de presse ou de sa venue au journal de 20h de TF1 après le Penelope Gate, le candidat Les Républicains adopte des comportements qui le trahissent quelque peu. Embarrassant, lorsque l’on est censé venir défendre sa moralité. « Quand Fillon lève les sourcils, il est sincère et parle avec le cœur. À l’inverse, lorsqu’il ment, son regard se baisse et se détourne de son interlocuteur », révèle le spécialiste de l’esprit

humain. Des détails insignifiants qui prennent toute leur importance alors même que François Fillon doit paraître irréprochable. « On s’aperçoit aussi qu’il applique les conseils des communicants à la lettre : tenir sa tête droite et sourire en cas de gêne », indique Smileys vidéo, une chaîne Youtube spécialisée dans le langage corporel. « Un regard peu combatif » Face à la presse, François Fillon a eu bien du mal à dissimuler son malaise. Buste instable, déglutitions répétées ou bras levés avec peu d’amplitude traduisent une incohérence entre ce qu’il dit et ce qu’il pense réellement. De son côté, la spécialiste du langage non-verbal, Caroline Messinger souligne que le candidat de la droite a une fâcheuse tendance à tourner la tête vers la gauche, ce qui témoigne d’un certain attachement au passé. Fâcheux, en effet, pour le prétendant à l’Élysée qui fait du changement son principal combat.

« Fillon baisse les yeux quand il ment » — 53 — MAQUETTE FINALE FINALE.indd 53

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L’ANGLAIS EN POLITIQUE : TO SPEAK OR NOT TO SPEAK ? Par anne rivière

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Crédibilité, relations internationales, charisme… La maîtrise de l’anglais apparaît comme un argument de poids. Alors qu’aucun des présidents sortants n’a su briller par son niveau linguistique, le débat est relancé en 2017 par le discours berlinois d’un certain Emmanuel Macron.

e 10 janvier dernier, Emmanuel Macron était en meeting à Berlin, un moyen assumé de renouveler sa croyance en l’avenir du duo franco-allemand. À l’université de Humboldt, il s’est fendu d’un long discours en anglais, « pour plus de facilité et de compréhension ». Le leader d’En Marche ! s’est donc affranchi de la francophonie, les hommes politiques étant traditionnellement invités à s’exprimer dans leur propre langue avec l’aide d’un interprète pour la traduction. Toujours prompt à réagir, Le Front national a vu rouge. « Pauvre France ! », s’insurge Marine Le Pen. Le désamour entre les frontistes et la langue anglaise ne date pas d’hier. En 2015, classée parmi les 1 000 personnalités les plus influentes au monde par le Time, la présidente du parti s’était rendue à leur gala new-yorkais. « Ah non, je ne parle pas anglais, moi. Je suis Française ! », lâchet-elle alors que le conseiller aux Affaires européennes du FN l’aide tant bien que mal à répondre aux journalistes. La langue du progrès Alors, Marine jalouse-t-elle les talents linguistiques d’Emmanuel ? En tout cas, l’ancien banquier marque des points dans sa stratégie et ringardise au passage ses concurrents. De son côté, le FN tente de surfer sur le buzz. « C’est un débat éternel. Il donne le bâton pour se faire battre auprès de l’extrême droite, car cela nourrit la thèse selon laquelle il est le candidat des riches et des mondialistes », estime Florian Silnicki, spécialiste en communication politique. Mais

à l’heure de la mondialisation, alors que d’autres candidats prennent des cours d’anglais, « Macron montre qu’il est moderne et qu’il sait communiquer avec les présidents étrangers. » Au vu de leur niveau d’études, on pourrait espérer que nos dirigeants soient bilingues. Toutefois, cette allergie à la langue anglaise est historique dans la classe politique. Dans les gouvernements de ces dernières années, rares sont ceux qui ont tiré leur épingle du jeu. Jacques Chirac, Fleur Pellerin, Dominique de Villepin et Christine Lagarde ont aussi su briller par leur maîtrise académique. Mais les cancres à l’accent franchouillard sont légion : notamment Valérie Giscard d’Estaing, François Mitterrand, Nicolas Sarkozy et Jean-Pierre Raffarin. C’est à ce dernier que l’on doit la pépite : «The yes needs the no to win against the no », prononcée en 2005 lors du référendum de la constitution européenne. 9 français sur 10 pour un président bilingue

Malgré ses efforts, François Hollande n’a pas convaincu : les trois quarts du panel ont jugé son niveau insuffisant. Le sujet a refait parler lors du dernier débat de la gauche, opposant Valls et Hamon. À la simple question « do you speak English ? », les deux finalistes ont brillé par leurs lacunes. « Yes, fluently, ça veut dire couramment », s’est félicité Benoît Hamon, tandis que Manuel Valls reconnaissait que sa maîtrise de la langue espagnole était bien meilleure que celle de la langue de Shakespeare. Malaise. Quant à « l’anglophile » qu’est François Fillon, en voyage à Berlin le 23 janvier pour rencontrer Angela Merkel, il a misé sur un discours en français. Il a officiellement préféré se démarquer de son rival Emmanuel Macron et admet officieusement parler anglais « comme un Pakistanais ».

En tout cas, un changement semble s’amorcer. En février 2016, un sondage d’ABA English auprès de 3 000 Français démontre que 55 % d’entre eux prendront en compte le niveau d’anglais des candidats dans leur vote en 2017.

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« L’anglais est quasiment absent chez les élus lyonnais » Par anGélique bernard

Le Front national a créé la polémique en critiquant le choix d’Emmanuel Macron de parler anglais en Allemagne (voir ci-contre). Une déclaration qui a aussi relancé le débat sur l’importance des langues en politique au niveau local.

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o you speak english ? » Lors de la commission générale du Grand Lyon, le 30 janvier, très peu d’élus pouvaient se vanter de maîtriser la langue de Shakespeare. « Une aberration », selon Alain Galliano, 11e vice-président de la Métropole aux Relations internationales, et maire divers droite de Craponne. « L’anglais n’est pas assez parlé à Lyon, même s’il y a une amélioration grâce aux nouvelles générations. Parmi les élus qui sont d’un âge avancé, l’anglais est quasiment absent », confie-t-il. S’il parle anglais couramment grâce à son parcours de diplomate et ses nombreux voyages, ce n’est pas le cas de bon nombre d’élus lyonnais, qui ne font pas d’efforts, estimant que ce n’est pas nécessaire à l’échelle locale. La maîtrise de l’anglais n’est, certes, pas obligatoire pour une personne travaillant uniquement à Lyon, mais fortement recommandée sur un CV. « Si on peut parler trois ou quatre langues, c’est du pain bénit, mais le

mieux est de maîtriser le français ainsi que l’anglais, cela ouvre beaucoup de portes. » Quand on lui demande s’il comprend la polémique autour d’Emmanuel Macron, il reste partagé : « Je suis pour la protection de la langue française, mais la polémique du FN n’a pas lieu d’être. Chaque fois que l’on peut parler français il faut le faire, mais à l’étranger, l’anglais est obligatoire pour dialoguer. Un homme politique au niveau national doit le maîtriser pour paraître crédible. » Logique donc, pour Alain Galliano qui représente Lyon à l’international. Moins pour d’autres élus locaux, plus fermés d’esprit sur le sujet. « L’anglais ne sert à rien »

« L’anglais n’est pas obligatoire, je ne le comprends pas et il ne sert même à rien. Les hommes politiques ont des traducteurs », soupire Claire Le Franc (PS), vice-présidente du Grand Lyon. Alice Milliard, conseillère Les Républicains à Tassin, partage la même opinion : « Pourquoi faire l’effort de parler anglais si les dirigeants étrangers en visite en France ne font pas l’effort inverse ? Je me fiche que notre président parle anglais, c’est la France qu’il représente. » Certes, mais en mettant de côté le chauvinisme français, baragouiner en anglais sans l’aide de personne est une plus-value. « Gérard Collomb prend des cours d’anglais depuis trois ans » Et Gérard Collomb dans tout ça ? L’ancien professeur de lettres classiques a boudé l’anglais jusqu’en 2013. Mais “Gégé” a décidé de sauter le pas. À 66 ans il n’est jamais trop tard. « Il me bluffe, depuis trois ans, il prend des cours d’anglais. Bon, de là à faire des affaires en anglais, non, mais il se fait comprendre et cela lui donne une bonne image à l’international », chuchote Alain Galliano. Un apprentissage que le maire de Lyon pourra peaufiner avec son poulain Emmanuel Macron ou lors de ses prochains déplacements.

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La macronmania se répand à lyon Par clémentine emonoz et hugo dervissoglou Ils sont jeunes, acharnés, engagés et « En Marche ! » derrière leur candidat. Alors que la présidentielle approche à grands pas, les Jeunes avec Macron (JAM) redoublent d’efforts pour rallier les citoyens à leur cause. Entre réunions et soirées, les JAM savent faire la fête et se « rassembler ». Ils sont de plus en plus nombreux dans la région lyonnaise. Une fourmilière terrée dans l’ombre qui compte bien hisser son candidat vers la victoire.

«L

e mouvement est national et il faut un lien entre les militants de Lyon et le QG de Paris, c’est ce que je suis. » C’est ainsi que se définit Jimmy Brumant, référent des Jeunes avec Macron (JAM) dans l’agglomération lyonnaise. Petit coup d’œil sur son profil LinkedIn. À seulement 23 ans, ce jeune a un parcours impressionnant. Un passage par le Canada, l’École centrale de Lyon et l’EM de la même ville. La spé-

cificité de Jimmy, c’est l’entreprenariat. On apprend, toujours par son profil, que le jeune homme monte ses premiers projets à l’âge de 15 ans. On comprend mieux cet attrait pour le candidat Macron, qui voue un culte au travail et à l’innovation. D’ailleurs, le jour de son meeting à Lyon, Jimmy ne s’est pas reposé une minute. Costume bleu marine sans cravate, le référent n’a cessé de scruter la foule et de sourire, bercé par les mots de son mentor. Il était absorbé par l’ambiance quand, sur les derniers mots du candidat En Marche !, la Marseillaise a retenti dans le Palais des sports. Sous les chants des 8 000 personnes présentes dans la salle, le regard tourné vers le futur, Jimmy imaginait déjà certainement son politicien confortablement installé à l’Élysée.

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Trac t at ion

Macron en meeting à Lyon, le 4 février. © Tim Douet

on

À Lyon, ils sont près de 600 à soutenir l’homme de l’ « antisystème », celui qui se veut à la tête d’un mouvement et non d’un parti. Et pour les attirer, il n’y a pas de secret. « Ouais, on a fait des soirées. Les soirées, ça attire la jeunesse. Et on espère que le nombre va encore augmenter », ajoute Jimmy. Juste après le meeting du 4 février, les JAM se sont rassemblés au Petit salon, une boîte de nuit électro/techno du 7e arrondissement, co-détenue par un fervent supporteur du clan EM. « Ce n’est plus la première fois qu’on se rejoint ici. Déjà le 12 janvier, on avait réussi à y faire venir Gérard Collomb », nous explique Guillaume Décès, un militant d’une trentaine d’années. Lors de cette soirée, la salle était comble. Juste après la diffusion d’une courte vidéo d’Emmanuel Macron qui souhaitait rappeler « à quel point il est reconnaissant envers ses Marcheurs », le maire de Lyon a enflammé les militants avec un discours de soutien au candidat. Gérard Collomb était alors entouré de “marcheurs” plutôt jeunes, entre 25 et 30 ans. Une sorte de petit cliché de famille ‘‘bobo-bourgeoise’’ à coup de blazers sombres, chemises et baskets de marque.

Une grosse fourmilière 8 février, 16h30, notification Whatsapp, « Hello, ça va ? Le bureau fait une petite réunion ce soir, dans le 1er, si ça t’intéresse. » C’est Marc Pommepuy qui me propose de les rejoindre. Marc est le chargé des relations presse dans le mouvement. Le mec, “gueule” de tombeur, tout sourire, soutient aussi notre « Gégé national ». Malheureusement, ce 8 février, le timing a été serré, mais Marc avait déjà su se rendre indispensable. Au meeting du Palais des sports, c’est grâce à lui que nous

avons pu nous asseoir juste sous le pupitre, dans les rangs des Jeunes avec Macron. Des jeunes investis, acharnés, tous vêtus de leurs t-shirts colorés En Marche ! et qui croient en Emmanuel comme au messie. À l’arrivée du candidat, on se serait cru à un concert de Beyoncé. Queen B aurait même eu des raisons d’être jalouse et Jimmy Brumant de confirmer, « je n’ai jamais vu un entrain pareil des jeunes pour un candidat. On dit que les jeunes ne sont pas intéressés par la politique, mais je pense surtout que, jusqu’alors, c’était surtout la politique qui ne s’intéressait pas aux jeunes. » Des réunions hebdomadaires Maintenant, les Jeunes avec Macron font en sorte de se retrouver. Ils organisent des réunions de quartiers dans des bars et se retrouvent en soirée. C’est un peu la famille. Ils discutent politique, problèmes de société et tractent pour faire connaître le mouvement. Driss Maallem-Debard, 23 ans, est référent des JAM à l’Université Lyon 2 qui regroupe près de 40 “marcheurs’’ sur le sol de la faculté. « La mobilisation à notre échelle c’est le tractage sur le campus et dans les rues. Nous, on ne fait pas de porte-à-porte », nous apprend-t-il. Allan Bouamran, 19 ans, lui aussi référent universitaire Lyon 2, explique que les élèves créent des groupes Facebook pour communiquer entre eux dans une même classe. « C’est par ce biais que l’on essaye de faire passer des messages ou des rendez-vous », ajoute-t-il. Ils sont partout ! Chaque semaine, à Lyon, c’est donc dans le premier arrondissement que les militants tentent de se retrouver. L’Anticafé accueille, le plus souvent le lundi, les militants dans ses espaces de partage afin de discuter de « qui fera quoi », comme l’explique Marc Pommepuy. Un petit tour de table permet de décider qui ira tracter, coller des affiches ou faire du porte-à-porte. « Ce n’est pas ce qu’on fait le plus souvent, en fait. La dernière fois c’était pour la grande marche avant le meeting », ajoute-t-il. Puis, il y a ceux qui sont actifs sur les réseaux sociaux, surtout Twitter. « Eux, ce sont un peu les militants rêvés. Ils démentent les mauvaises informations et partagent les contenus. Là aussi, ils se mettent d’accord pendant les réunions. Mais, si on peut vraiment parler d’un militant rêvé, on peut dire que c’est celui qui parle avec son cœur et qui soutiendra Macron pour tout ce qu’il est », conclut Marc, le sourire aux lèvres.

« Je n’ai jamais vu un entrain pareil des jeunes pour un candidat »

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Journalistes et po l de l’autre côté d u

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po litiques : d u miroir

Pages 60 à 67 Journalistes et politiques s’entendent comme larrons en foire. Ce microcosme poreux laisse place à des relations ambiguës, mais pas uniquement. Les journalistes qui partent travailler pour le compte des politiques ne sont pas rares. Comment passe-t-on d’un monde à l’autre ? Comment allie-t-on ces deux professions ? Décryptage.

Politiques et journalistes sont souvent associés © Marion Gergely

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Du journalisme à la politique, il n’y a qu’un pas pAR Marion Gergely © DR

Laurence Haïm est l’exemple le plus récent de la porosité de la frontière entre journalisme et politique. Cette journaliste a rejoint l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron, le 11 janvier dernier, après trente ans de correspondance pour iTélé aux États-Unis. Ce ralliement n’est pas le premier et certainement pas le dernier. Retour sur ces changements de voie qui bousculent le monde médiatique.

C Frédéric Poignard et Geoffrey Mercier ont sauté le pas et sont partis travailler à la Région. © DR

e manège entre journalistes et politiques n’est pas nouveau. Il a un nom, le « tourniquet ». Depuis des années, les journalistes politiques n’hésitent pas à se tourner vers la politique. Laurence Haïm (ex-iTélé) a rejoint Emmanuel Macron et les exemples sont nombreux, comme celui de Claude Sérillon (ex-FR2) devenu conseiller de l’Élysée ou encore celui d’Hélène Fontanaud (ex-Inrocks), conseillère en communication de Michel Sapin. Les journalistes qui passent en politique peuvent revenir dans le milieu de la presse après, à condition d’avoir occupé un poste dans l’ombre. Une méfiance grandissante envers les journalistes

Cette pratique, loin d’être nouvelle, conforte les lecteurs dans leur méfiance envers les journalistes. Selon un sondage Ipsos (2014), 71 % des Français jugent que les journalistes ne sont pas indépendants du pouvoir. Un chiffre qui amène au questionnement : pourquoi les journalistes changent-ils de voie aussi facilement ? La réponse semble unanime : c’est une évolution dans leur carrière, un changement dont ils avaient besoin, mais aussi une opportunité. « Quand on est journaliste, ce qui nous intéresse c’est tout ce qui concerne l’intérêt général. Mais c’est aussi une question de circonstances », explique Slim Mazni (ex-Lyon Capitale), qui a quitté le journalisme politique pour devenir collaborateur du PS à la région Au-

vergne-Rhône-Alpes. Pour Geoffrey Mercier (ex-Le Progrès), aujourd’hui directeur de cabinet adjoint de Laurent Wauquiez, la raison de son départ est proche de celle de son ancien confrère. « J’arrivais à un stade de ma carrière où j’avais besoin de me renouveler. Au service politique depuis cinq ans, je rencontrais souvent les mêmes problématiques. » Les journalistes, un véritable atout pour les politiques Quand on est un homme politique, avoir un journaliste dans son équipe est un atout indéniable et les journalistes en ont bien conscience. « On connaît les ficelles et les contraintes du métier. C’est plus facile pour nous de répondre aux attentes », raconte Frédéric Poignard (ex-Le Figaro), aujourd’hui attaché de presse à la Région. Geoffrey Mercier et Slim Mazni sont du même avis. « On parle le même langage », ajoute ce dernier. Pour les politiques c’est un gain de temps car ces fins connaisseurs du métier savent transmettre l’information rapidement à leurs collègues. Mais, pour Geoffrey Mercier, c’est pour leurs compétences que les anciens journalistes sont recrutés. « Laurent Wauquiez a recruté deux personnalités (Frédéric Poignard et lui-même, ndlr) et le critère n’était pas qu’ils soient journalistes. Mais c’était un plus pour lui car il avait besoin, en arrivant sur Lyon, de gens qui avaient des contacts et un réseau. » Nul doute que le carnet d’adresses fourni par les journalistes est d’une aide précieuse pour les politiques.

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Ces journalistes qui retournent leur veste pAR Marion Gergely

2017

Hélène Fontanaud : Elle devient la responsable de la communication du Parti socialiste en 2013. Auparavant, elle a été journaliste politique chez Reuters et Europe 1.

2013

2012 2014 Patrice Biancone : Il prend la tête du cabinet de la compagne de François Hollande à l’époque, Valérie Trierweiler (elle-même ancienne journaliste). C’est un ancien éditorialiste politique de RFI.

Laurence Haïm : correspondante aux États-Unis pour iTélé pendant trente ans, elle est aujourd’hui la porte-parole d’Emmanuel Macron.

Claude Serillon : ancien journaliste chez France 2, il devient le conseiller en communication de l’Élysée.

2012

Renaud Czarnes : Il a rejoint le cabinet de l’ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault, après avoir été journaliste chez Les Échos.

2009

Jean-Marc Plantade : Il a pris en charge la communication de la ministre des Finances, Christine Lagarde. Il travaillait auparavant au Parisien.

Françoise Degois : Ancienne dirigeante du service politique d’Europe 1, elle rejoint l’équipe de Ségolène Royal en 2009 comme conseillère politique.

2007

1989 © Selena Miniscalco

Noël Mamère : Maire de Bègles et député de la troisième circonscription de Bordeaux, il a été journaliste, notamment sur France 2. Il a gardé un pied dans ce monde jusqu’en 2015, en étant co-auteur de documentaires.

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Alexis Lévrier : « Il y a une fascination réciproque entre les politiques et les journalistes » pAR Marion Gergely

Alexis Lévrier, historien, est l’auteur de Le journalisme politique au risque de la connivence. Il nous explique pourquoi les politiques et les journalistes politiques sont si proches.

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DR

Isoloir : Les journalistes politiques qui se tournent vers la politique, est-ce une pratique française ou internationale ? A. L. : Cette pratique du « tourniquet » existe partout dans le monde. Cela existe dans les institutions européennes, et même aux États-Unis. En France, c’est plus systématique et les journalistes font des allers-retours. Le fait de se mettre au service d’un politique n’empêchera pas de redevenir journaliste après. Isoloir : À quel moment ces changements de voie ont-ils lieu ? A. L. : Ils se font un peu tout le temps. Les moments phares restent surtout les alternances politiques. C’est à ce moment que les journalistes se font embaucher par les politiques pour assurer leur communication. C’est ce qui s’est passé sous Sarkozy et sous Hollande. Isoloir : C’est donc relativement nouveau que cela se produise pendant une campagne électorale ? A. L. : Je trouve l’exemple de Laurence Haïm (ex-correspondante aux États-Unis d’iTélé) et d’Emmanuel Macron plutôt intéressant. D’abord, tous les deux critiquaient beaucoup le système français. Macron disait qu’il n’aimait pas la consanguinité entre média et politique. Il ajoutait que jamais on ne le verrait être ami avec un journaliste. Laurence Haïm, quant à elle, ne supportait pas cette proximité malsaine. Quand elle rentrait à Paris, les hommes politiques l’appelaient pour manger avec elle et cela la dégoûtait. Elle a également déclaré que cette ambiguïté était typiquement française et

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qu’on ne la verrait jamais aller avec un politique. Finalement, ils travaillent ensemble. De plus, Laurence Haïm est porte-parole, c’est un poste très exposé. Eux qui voulaient s’éloigner de cette tradition française de proximité la rejoignent et je trouve même qu’ils l’intensifient. Isoloir : Les journalistes se tournent-ils plus facilement vers des postes dans l’ombre ?` A. L. : Claude Sérillon (ex-France 2) est devenu, en 2012, conseiller en communication de François Hollande. Il n’était pas du tout exposé médiatiquement. Il y a de nombreux exemples comme celui-là. Laurence Haïm, elle, est constamment au premier plan pour parler aux journalistes, à ses collègues, ce qui rend la situation délicate. Ces derniers l’expliquent parce qu’ils connaissent l’envers du décor et qu’ils sont au courant du fonctionnement médiatique. On est dans une ambiguïté totale. C’est souvent compliqué de repasser dans le monde journalistique quand ce sont des postes aussi exposés. Ces journalistes changent alors de voie. Isoloir : Partir en politique, n’est-ce pas une volonté des journalistes de se rapprocher du pouvoir ? A. L. : Isabelle Juppé (ancienne journaliste et femme d’Alain Juppé) avait déclaré : « N’est-ce pas le rêve de tout journaliste politique que de vivre aussi près du pouvoir ? » Je crois que c’est le cas de Laurence Haïm. Les journalistes politiques et les politiques travaillent tout le temps ensemble, s’il n’y avait pas cette proximité, il n’y aurait pas d’information. Il y a aussi une fascination réciproque, sinon il n’y aurait pas autant de couples formés de journalistes et de politiques (lire pp. 64-65). Celui qui raconte très bien ce qu’est cette tentation, la difficulté de rester à distance, c’est Philippe Ridet (Le Monde) qui a écrit

Le président et moi. Le livre relate la campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy vue par un journaliste embedded (embarqué avec le politique). Il explique à quel point ça a été difficile pour lui, comme pour tous les journalistes, car une véritable relation s’est créée avec le candidat. Nicolas Sarkozy tutoyait les journalistes, mangeait et participait aux activités avec eux. À la fin de la campagne, il a demandé à sa rédaction de devenir correspondant à Rome pour fuir cette ambiance. Il n’est revenu que très récemment. Isoloir : Selon vous, est-ce inévitable que les journalistes politiques entrent dans les rangs de la politique ? A. L. : La distance parfaite entre journalistes et politiques n’existe pas. Pour ne pas laisser cette proximité envahir l’information, il faut montrer qu’il y a une éthique journalistique. Mais cette éthique a changé et je crois qu’il faut que les journalistes s’éloignent du pouvoir. Isoloir : Les journalistes politiques et les politiques sont formés ensemble, est-ce que cela joue un rôle important dans leurs relations futures ? A. L. : Au-delà de Sciences Po et des grandes écoles, il y a le problème de l’élite française qui est centralisée. Tous se forment dans les grands lycées parisiens, même s’il y a aujourd’hui d’autres grandes écoles, ailleurs en France. Les prépas parisiennes forment des élites, qui apprennent à se connaître très jeunes. C’est un microcosme qui vit ensemble dès le départ. Le vice fondateur est dans ce manque de diversité et le fait que l’on n’ait pas conscience que l’on ne peut pas former ensemble l’élite politique et médiatique. Il faut repartir à la base pour changer les choses et diversifier les formations. Si les journalistes étaient issus d’un milieu plus représentatif de la population, ils auraient des chances d’échapper à ce microcosme.

« Ils travaillent tout le temps ensemble, s’ il n’ y avait pas cette proximité, il n’ y aurait pas d’ information. »

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Les liaisons da pAR Mathieu bassaïstéguy « La même sphère sociale », « des relations très proches » voire « conflits d’intérêts ». Voilà comment sont souvent décrites les relations entre les journalistes et les politiques français. Pourtant, cet ‘‘entre soi’’ souvent décrié ne serait-il pas un effet inévitable de la profession de journaliste politique ? Certains défendent cette position en invoquant qu’une quelconque proximité ne joue pas sur l’objectivité. D’autres, au contraire, s’en insurgent, prônant la mise en place de « barrières » entre les deux sphères d’influences. Plus qu’un sujet d’actualité, ces ‘‘liaisons dangereuses’’ sont en fait une véritable singularité française.

L

es relations entre les hommes politiques français et les journalistes ont toujours été pointées du doigt. On se souvient, par exemple, de la réaction interpellée de Robert Ménard lors du ralliement de Laurence Haïm ( ex-iTélé) au mouvement En Marche !, évoquant des « relations incestueuses ». Plutôt déroutant de la part du fondateur de Reporters sans frontières. Celui qui est aujourd’hui élu FN a pourtant vécu ce type de relations lorsqu’il était journaliste. Il convient de rappeler que les rapports ambigus entre journalistes et politiques sont une véritable tradition du journalisme politique français.

Alexis Lévrier, auteur et spécialiste de la presse française (voir interview p.63), précise : « Cette tradition nous vient de l’Ancien régime ». Par le passé, la presse était sous le contrôle de l’exécutif et n’avait pas la chance de s’exprimer librement. Certains grands hommes d’État ont eux-mêmes joué les journalistes sous couvert d’anonymat : Louis XIII, Richelieu ou Napoléon. Avec l’avènement de la démocratie, cette proximité a perduré entre les deux milieux et certains journalistes la défendent encore. C’est le cas d’Étienne Gernelle, directeur du Point, qui prône l’idée que l’on ne peut pas avoir d’informations si l’on ne fréquente pas le ‘‘pouvoir’’. Gérard Angel, journaliste politique lyonnais, abonde dans ce sens et va même plus loin : « On se retrouve dans des endroits semblables. On a des centres d’intérêts communs, c’est donc normal d’avoir l’occasion de se retrouver ». Au même titre que le critique d’art se rend aux expositions, le journaliste politique se doit de fréquenter les lieux de pouvoir pour se tenir au courant de l’actualité. En effet, il n’est pas rare d’en voir déambuler certains près de l’hémicycle du Palais Bourbon ou autour des différents conseils régionaux et municipaux. Le rédacteur en chef des Potins d’Angèle précise : « Cette proximité avec les politiques nous permet d’avoir les infos, une meilleure compréhension de leur démarche ». Pour autant, l’homme ne se voile pas la face « cela peut entraîner une perte d’objectivité, mais n’avoir aucune relation avec un politique, ce n’est pas possible ». Ces rapports peuvent parfois entraîner certains problèmes

d’éthique, « les prises de parti » notamment. L’actualité nous en a encore donné un parfait exemple avec l’affaire Fillon. Il s’est rapidement tourné vers son ami Marc Ladreit de Lacharrière, propriétaire de La Revue des deux mondes, pour publier un numéro qui se veut une « totale apologie » du candidat. Il convient de rappeler que le titre est lui-même engagé dans cette affaire d’emplois fictifs. « Quand on est si proche du pouvoir, c’est difficile d’être indépendant » Ce ‘‘copinage’’ entre journalistes et politiques français remonte aux années soixante avec la célèbre Françoise Giroud qui dirigeait alors l’Express. Elle fut la première, à une époque où la classe politique comme le milieu journalistique étaient en majorité masculins, à lancer des jeunes journalistes femmes. Celles-ci avaient souvent, au-delà de leur talent, la particularité d’être belles. À partir de cette époque, un jeu de séduction s’invite dans le journalisme politique. La consigne de la rédactrice en chef est simple : « Habillez-vous sexy et allez draguer des hommes politiques ». Une méthode qui

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L’ancien couple Arnaud Montebourg et Audrey Pulvar (iTélé). © DR

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pourrait presque faire penser à celle des courtisanes. Michèle Cotta notamment, l’ancienne présidente de Radio France était connue pour avoir été la maîtresse de François Mitterand et Jacques Chirac. Un léger problème démocratique quand ces trois-là se trouvent réunis autour de la même table lors du débat de l’entredeux-tours de la présidentielle de 1988. Cette séduction était pourtant plus considérée comme de la ‘‘galanterie’’. L’idée était de passer sur un registre plus ‘‘sympathique’’ face aux politiques et leur art du maniement de la langue de bois. Cette pratique aura donc fonctionné un temps. Mais encore aujourd’hui, les relations entre politiques et journalistes semblent plus présentes que jamais, parfois à tort pour l’image de ces deux professions (le couple Hollande/ Trierweiler - ex-D8, ou Montebourg/ Pulvar - ex-France2/iTélé). Des journalistes pas assez indépendants En 2014, Ipsos publiait un sondage dans lequel 71% des Français jugeaient que les journalistes n’étaient pas indépendants du pouvoir. Ne seraientils que des attachés de presse de la classe

politique ? Pas tout à fait selon Gérard A n g e l , qui côtoie le milieu politique l o c a l depuis de nombreuses années : « On peut avoir des relations privilégiées, mais il ne faut pas oublier que l’on fait notre métier ». Une certaine distanciation serait donc primordiale pour préserver une relation professionnelle saine, un avis partagé par Geoffrey Mercier. Ancien journaliste au Progrès, celui qui a rejoint l’équipe de Laurent Wauquiez à la région nuance cependant : « On doit faire attention à toujours garder des barrières avec les politiques. Si on les franchit, on est plus du tout objectif ». Pour Gérard Angel, elles sont essentielles à la profession. Il les définit ainsi : « Les barrières qu’il faut se mettre, c’est de bien faire son travail. ». Il ajoute : « Il ne faut pas qu’un journaliste pense qu’il doit dire à un politique ce qu’il doit faire et viceversa ». Pour Geoffrey Mercier, qui les

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ns dangereuses

a définitivement franchies en se lançant dans la vie politique, la question ne se pose plus et une démarche comme la sienne ne fait qu’accréditer la théorie selon laquelle journalistes et politiques seraient du « même côté ». Cette idée est notamment mise en exergue par Alexis Lévrier. S’il rejoint Gérard Angel et Geoffrey Mercier sur la caractère inévitable des relations journalistes/politiques, celui-ci prône la transparence : « Aujourd’hui on en est à un point où il faut se diriger vers davantage de distance et de transparence, car ces reconversions sont le symptôme d’une connivence, ou en tout cas d’une ambiguïté ». Malheureusement, quand il convient de chercher des journalistes qui ont ‘‘déserté’’ la profession pour se lancer dans l’arène de la politique, on ne manque pas d’exemples (voir p.59 à 63).

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Le off, une question d’inter pr pAR Mathieu Bassaïstéguy Il est l’un des concepts centraux du journalisme politique. Le off est une pratique bien connue de la classe dirigeante et dont les journalistes sont friands. Sous couvert d’anonymat, les langues peuvent se délier et l’info exclusive arriver au détour d’une banale conversation. Pourtant, la définition même de ce off varie selon les valeurs et l’éthique de chacun. Que se cache-t-il vraiment derrière cette pratique et à quoi sert-elle ? Nous sommes allés le demander à certains proches de la sphère politique lyonnaise.

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ombien de fois un journaliste s’est-il vu confier par une personnalité politique un détail, une tendance ou bien une anecdote en terminant son allocution par « je vous dis ça en off bien sûr » ? Le mot est lâché, instaurant à la seconde même une relation « privilégiée » entre les deux interlocuteurs. Pourtant, pour Olivier Vassé, ancien rédacteur en chef de la Tribune de Lyon : « Il n’y a pas de off. Juste ce que l’on choisit

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de citer ou pas. » D’emblée, le débat est lancé. La pratique est en effet sujette à de nombreuses interprétations au sein même de la communauté journalistique. Gérard Angel, rédacteur en chef des Potins d’Angèle, pose la question : « Le off, c’est quoi ? Traduire ces propos, c’est très facile. Si un homme politique ne veut pas déclarer quelque chose, il ne le dit pas. » En ce sens, il rejoint l’opinion de son confrère mais précise cependant : « Il peut y avoir (du off, ndlr), quand il y a des relations personnelles avec un politique, très loin des relations de travail. » Le vétéran de la presse politique lyonnaise sait de quoi il parle. Le off

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n’existerait donc pas et il n’y aurait que du on, que l’on distillerait selon certains critères. « Le off, ça ne veut rien dire » Romain Blachier, b l o g u e u r politique et élu à la mairie du 7e arrondissement de Lyon, apporte ses arguments. Pour lui : « Le off ne veut rien dire. C’est seulement un concept qui s’oppose au on. Les raisons et les conséquences sont tellement vastes selon la teneur des propos ! » En effet, si la pratique du off fait tellement débat, c’est parce qu’elle varie constamment selon la personne à qui est faite la confidence, son contenu et bien sûr la façon dont elle va être réutilisé ou non. « Dire qu’il n’y a pas de off, ce n’est pas vrai. C’est un terme plutôt global. Il y a différents degrés, différentes natures, différents buts dans le off. » L’élu, qui ne cache pas en faire fréquemment usage, tout en soulignant que le off ne doit pas être le seul moyen de communication avec les journalistes, donne certaines de ses raisons : « Cela peut être pour faire apparaître la news sans votre nom, pour amener le journaliste sur une piste ou même pour que ce ne soit pas publié mais uniquement colporté en ville. Le off peut avoir une explication stratégique qui permet de comprendre ou fournir un élément d’explication. Sans pour autant sortir des scandales pour la presse people.»

er prétation

Dans l’anonymat du off, on peut tout dire Slim Mazni, ancien journaliste d’investigation à Lyon Capitale, semble partager cette opinion. S’il affirme avoir déjà été confronté à la pratique, « comme tout journaliste », il précise de suite qu’il existe « différents off ». Pour lui, il faut « éviter le off de confort », qui n’est en fait qu’un simple commentaire,

une petite phrase pour dénoter d’une ambiance, mais qui ne contient aucune information. Celui qui travaille désormais auprès du groupe PS à la Région pointe une des premières limites : « Dans l’anonymat du off, on peut dire ce que l’on veut. » Cependant, certains off restent primordiaux, voire indispensables, et la protection des sources n’est pas une valeur prise à la légère par les journalistes : « Il existe certains off sérieux pour préserver une info parce que ce qu’elle n’est pas divulgable en l’état », précise Slim Mazni. La temporalité d’une info - le décalage entre le moment où on l’acquiert et celui où on la publie - est primordiale pour la sérénité, voire la sécurité d’une source. Pourtant, le off ne peut pas se suffire à lui-même selon l’exjournaliste d’investigation : « Le lecteur doit se faire une idée à partir des infos du journaliste. Soit le off est corroboré par des documents, soit il n’y a que le off et là, on est prisonnier de l’honnêteté du journaliste. » En effet, si l’information provient uniquement de sources anonymes, comment croire en la véracité de ce que l’on lit ? Un rapport avant tout entre le journaliste et son lecteur Ne reste alors que la crédibilité du journaliste auprès de son lecteur, qui ne s’acquiert qu’au prix de longues années de rigueur. Pour Slim Mazni, il y a d’abord un « rapport de confiance entre le journal et le lecteur », car si on présume que ce qui est écrit est sérieux, rien ne permet de vérifier que le off est vrai. « L’épreuve du temps fait qu’untel est sérieux ou pas. Il ne suffit pas de qualifier le off d’honnête. La nature même du journal influe également. » Pour Romain Blachier, le sérieux n’est malheureusement pas toujours de mise dans le travail des journalistes : « Il y en a certains avec qui vous ne pouvez pas utiliser le off parce qu’ils n’ont pas les codes, l’intelligence ou le respect suffisants. » L’éditorialiste politique met en exergue les deux fléaux du off et des rapports entre journalistes et politiques. Ce qu’il appelle un « journalisme de connivence (“Je balance des trucs pour t’aider parce que t’es mon pote’’) et le journalisme de défiance avec des journalistes qui pensent que tous les politiques sont pourris ». Si certaines dérives sont donc parfois à déplorer, l’élu tempère : « Dans 90 % des cas, les limites sont très claires entre off et on pour les journalistes et il n’y aura pas de problème. Après, on n’est pas non plus là pour leur donner des ordres, le journaliste fait ce qu’il veut selon son éthique et il peut recouper les infos s’il le veut. » Au-delà de la « pratique », le off est avant tout un rapport de confiance entre le journaliste et son interlocuteur. Un contrat tacite passé entre les deux protagonistes dont chacun peut tirer les bénéfices : l’information pour le journaliste et l’assurance, pour l’élu, d’avoir fait passer un message sans se mouiller. Au fameux « ça reste entre nous », comprenez en réalité « vous pouvez le sortir, mais ne dites pas que cela vient de moi ».

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Tout est question d’im

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Pages 70 à 85 « L’image, pour séduire et communiquer », c’est le constat que tire Christian Delporte dans son ouvrage Image, politique et communication sous la Vème République. Que ce soit dans son dressing ou dans le choix de son sport dominical, le politique n’est plus en droit de se laisser aller. Cravates, costumes, séances de footing, l’image a une influence non négligeable sur l’opinion et devient un argument de campagne. Dans tous ses faits et gestes, le personnage politique est passé au crible. Musique, mode, sport, livre, people, tous les domaines sont bons pour séduire et le moindre écart est scruté à la loupe.

n d’image

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Green Day pendant les American music awards. © Kevin Winter/Getty Images

La chanson politique fait son grand retour “grâce” à Trump pAR Marlène thomas Alors que la musique traversait une période plutôt calme concernant l’engagement politique, 2017 apporte son lot d’inspirations aux artistes. L’élection de Donald Trump a ravivé la flamme de la contestation politique chez les musiciens, notamment américains. Du rock au rap, en passant par la pop, tous les styles sont concernés.

«L

a politique peut être renforcée par la musique, mais la musique a une puissance qui défie la politique », disait Nelson Mandela. Cette déclaration prend tout son sens actuellement aux États-Unis. Alors que l’engagement politique des musiciens semblait avoir presque disparu, du moins dans le milieu mainstream, l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche a réveillé les consciences en 2016.

De nombreux artistes s’étaient mobilisés pendant la campagne pour empêcher son élection, comme Prophets of rage (supergroupe composé d’ex-Rage Against the Machine, Cypress Hill et Public Enemy), mais en vain. Cet état de fait n’a néanmoins pas entamé la motivation des artistes. Une bonne nouvelle pour Philippe Manoeuvre, rédacteur en chef de Rock & Folk : « Avec l’élection de Trump, il va y avoir de bons disques. Rock & Folk est le seul journal qui ait envisagé que Trump puisse être élu. À chaque fois que je faisais une interview, je demandais “et si Trump passe ?”. Iggy Pop m’a déclaré que “ça serait la fin du déclin de l’empire américain”. Josh Homme a rétorqué : “Par contre, on fera de très bonnes chansons si Trump est élu. Tous les artistes rock vont lui en envoyer, comme à l’époque

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où il y avait la guerre du Vietnam.” On va à nouveau entendre des cris de rage. » « On va à nouveau entendre des cris de rage », Philippe Manoeuvre L’un des principaux groupes à s’être lancé sur ce terrain-là n’est autre que Green Day, avec l’album Revolution Radio, sorti le 7 octobre 2016. Un retour aux sources pour les auteurs d’American Idiot (2004). Le titre Troubled Times met en garde contre le climat de tension qui pourrait s’installer à cause du racisme, de l’islamophobie et de la régression des droits civiques portés par Donald Trump (voir p.72). Le groupe punk rock n’oublie pas non plus le mouvement Black lives matter dans le titre Bang Bang et s’attèle à défendre les forces de l’ordre dans Say

années d’absence. Gorillaz, le groupe virtuel britannique de Damon Albarn, a dévoilé, le 19 janvier, après six ans de silence, le titre Hallelujah Money en featuring avec le chanteur Benjamin Clementine. Le règne de l’argent y est pointé du doigt, tandis que l’Amérique de Trump est comparée à un « arbre » dont les fruits menacés doivent être protégés par un « mur ». Une référence directe à la volonté du président d’en faire construire un, le long de la frontière mexicaine. De leur côté, les Canadiens d’Arcade fire, qui n’avait rien sorti depuis 2013, se sont associés à Mavis Staples, une chanteuse soul américaine militante pour les droits civiques, afin d’enregistrer le single I give you power. Tous les bénéfices de la vente du titre et la monétisation du clip seront reversés à l’Union américaine pour les libertés civiles. Les rappeurs retournent leur veste

Les rappeurs américains ne sont pas en reste et prennent également position contre le nouveau président. Ils s’inspirent notamment de la démarche de la chanteuse R’N’B Beyoncé qui, avec son album Lemonade (avril 2016), a pris un réel tournant politique, en s’élevant contre les discriminations subies par les noirs. Néanmoins, E x t r a i t d e C a m pa i g n s p e e c h , E m i n e m Queen B, qui a participé à la Women march, n’a pas écrit de chansons anti-Trump, Y o u s ay T r u m p d o n ’ t k i s s a s s l i k e a p u p p e t contrairement aux rappeurs qui retrouvent un message ( Vo u s dites que Tr u m p ne lèche pas le cul social et contestataire. Eminem, T.I, The Game comme une marionnette) ou encore A Tribe Called Quest dénoncent tous le ra‘ C a u s e h e r u n s h i s c a m pa i g n w i t h h i s ow n c a s h f o r t h e cisme de Trump. Pourtant, le milliardaire était depuis f u n d i n ’ ( Pa r c e q u’ i l g è r e s a c a m p a g n e a v e c s o n p r o p r e a r g e n t ) des années un modèle de réussite dans le monde hip-hop américain et était A n d t h at ’ s w h at yo u w a n t e d ( E t c ’ e s t c e q u e v o u s v o u l i e z ) fréquemment cité dans les chansons. Par exemple, A f u c k i n ’ lo o s e c a n n o n w h o ’ s b lu n t w i t h h i s h a n d en 2009, Kendrick Lamar déclarait vouloir « devenir un o n t h e b u t t o n ( Un p u t a i n d e m e c i m p r é v i s i b l e q u i e s t f r a n c Trump » et non finir dealer. avec sa main sur le bouton) Une dizaine d’années plus tôt, Ice Cube (ex-N.W.A) W h o d o e s n ’ t h av e t o a n s w e r t o n o o n e — g r e at i d e a ! avait pour objectif de se faire « plus d’argent que Donald ( Q u i n’ a d e r é p o n s e p o u r p e r s o n n e - Gr a n d e i d é e ! ) Trump ». Les filles, la drogue et bien sûr l’argent étaient alors les sujets privilégiés par Goodbye. « C’est la première fois qu’une élection repose sur la les rappeurs. peur et la haine. Tout le monde est flippé et c’est ce que notre Le vent a tourné. disque reflète », avait déclaré Billie Joe Armstrong au magazine Kerrang. Sur la scène des America music awards, le chanteur De la complicité avec Obama à l’anti-Trump affiché n’avait pas hésité à scander : « No Trump ! No KKK ! No fascist USA ! » Mais ce revirement de situation globale dans la musique ne Pour d’autres artistes (pas seulement américains), l’élection du s’explique pas seulement par l’élection de Donald Trump. Pour milliardaire a été l’occasion de faire leur retour après quelques Philippe Manoeuvre, les labels et majors ont aussi leur part de

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responsabilité dans ce changement : « On déconseille le cri de rage, on dit aux gens “masquez votre message, déguisez-le, travestissez-le, faites-vous discret”. Aujourd’hui, on est dans un autre monde où tout est passé au crible ». Le prédécesseur de ce président ubuesque n’est pas non plus étranger à cette vague de politisation. Durant ses deux mandats, Barack Obama, mélomane dans l’âme mais aussi excellent communicant, n’a eu de cesse de se servir de la musique comme d’un véritable softpower. La diffusion de playlists sur Spotify, mais surtout la réception d’artistes à une ampleur inédite ont marqué ses huit années au pouvoir. Beyoncé, Jay-Z, Kendrick Lamar, Ariana Grande ou encore Aretha Franklin ont tous chanté pour l’ancien président. Cette complicité avec le pouvoir en place, faisant particulièrement consensus dans le milieu de la pop et du hip-hop, a fini d’affaiblir l’esprit contestataire des artistes américains. Le fossé entre les deux hommes n’en est que plus flagrant, attisant ainsi le retour de flamme de l’engagement politique.

Le freestyle contre Donald Trump Campaign, speech du rappeur de Détroit évoque le titre Mosh (2004) qui attaquait George W. Bush. © Kevork Djansezian

E x t r a i t d e T r o u b l e d t i m e s , G r e e n d ay W h at pa r t o f h i s t o ry w e l e a r n e d ( Q u e l l e p a r t d e l ’ h i s t o i r e a v o n s - n o u s a p p r i s e ) W h e n i t ’ s r e p e at e d ( Q u a n d e l l e e s t r é p é t é e ) S o m e t h i n g s w i l l n e v e r ov e r c o m e ( C e r t a i n e s c h o s e s n e s e s u r m o n t e r o n t j a m a i s ) If we don’t seek it (Si nous ne le cherchons pas) T h e w o r l d s t o p s t u r n i n g ( L e m o n d e s’ a r r ê t e d e t o u r n e r ) Pa r a d i s e b u r n i n g ( L e p a r a d i s b r û l e ) So don’t think twice (Alors ne réfléchissez pas à deux fois) W e l i v e i n t r o u b l e d t i m e s ( No u s v i v o n s d e s t e m p s d i f f i c i l e s )

Un énergumène à cheveux blonds représente Donald Trump dans le clip de Troubled times © Capture d’écran du clip, DR

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d Trump e Détroit attaquait jansezian

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Jean-Marie Jacono : « Les musiques cherchent plus à faire oublier la réalité sociale qu’à s’y confronter » pAR Marlène Thomas Alors que les Américains portent fièrement leur retour à une musique contestataire, les artistes français, notamment dans les musiques urbaines, ne se soulèvent que très peu. Explications de Jean-Marie Jacono, enseignant-chercheur et maître de conférence en musicologie à l’université d’Aix-Marseille, spécialisé dans les musiques urbaines. Isoloir : Pourquoi l’engagement politique n’est plus dans l’air du temps chez les artistes français ? J-M. J. : Il y a deux raisons. D’abord, les luttes sont très éclatées, il n’y a pas de grand mouvement social porteur d’une espérance. La seconde chose est qu’il y a une domination d’une forme de chanson mainstream. Elle est caractérisée par les phénomènes de télé-réalité, comme The Voice, qui sont très importants aujourd’hui, mais aussi par la domination du divertissement. Les artistes sont préformatés et l’une des caractéristiques de la production urbaine actuelle est la domination de la recherche du son et du rythme festif. Par exemple, le rappeur JUL conçoit des productions marquées par la technologie, il n’y a plus de discours politiques et sociaux. Les musiques cherchent à faire oublier la réalité sociale plus que de s’y confronter. Ce rapport à la politique est beaucoup plus clair dans les régimes d’oppression, le combat pour la liberté individuelle va de pair avec la critique du régime. Dans une démocratie c’est beaucoup plus complexe, il faut vraiment qu’il y ait un hurluberlu comme Trump pour créer des oppositions nettes.

ça. Si on avait dit il y a quinze ans que le FN était à 26 %, les gens auraient fait des barricades. Ce qui caractérise un peu toute cette période, c’est l’individualisation du rapport à la musique. On a, aujourd’hui, la possibilité de faire de la musique chez soi de manière beaucoup plus facile. L’individuel prime sur le collectif. Isoloir : Est-ce que les majors jouent un rôle là-dedans en évitant les chansons trop engagées ? J-M. J. : C’est plus insidieux que ça. Les majors ne demandent pas forcément à un groupe de se taire. Si la période était porteuse de chansons contestataires, les majors seraient les premières à financer ces artistes. Mais ils ont déjà sélectionné des gens via la télé-réalité en particulier, qui viennent d’éléments de distraction. On n’a plus besoin de leur demander de se taire puisqu’ils sont déjà dans un registre très particulier. Les artistes peuvent aussi dire ce qu’ils veulent, j’attends beaucoup du disque d’IAM, Rêvolution, j’attends de voir s’il va y avoir un basculement.

Isoloir : C’est un peu un choix de facilité ? J-M. J. : Bien entendu. Mais, on a quand même des rappeurs comme Keny Arkana, la Rumeur qui maintiennent la tradition du rap conscient. Il y a une vie souterraine des musiques urbaines à l’échelle d’un quartier, d’un groupe de cités. C’est dans cette articulation qu’on peut trouver un caractère politique, même si le message n’est pas forcément clair. Des pratiques émergent aussi dans le registre du divertissement et peuvent être à leur façon aussi politiques, dans la mesure où ils font autre chose qu’imiter. C’est une prise de position pour dire « on est différent, nous existons de manière spécifique ». Toutefois, les artistes restent des artistes, ce ne sont pas des militants. Ils se réservent le droit de hurler et d’aborder des tas de thèmes.

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Isoloir : Pourtant, la montée des extrêmes, la crise pourraient être propice, comme aux États-Unis, à un retour du message politique en France ? J-M. J. : Absolument, mais il y a une espèce de lassitude généralisée parce qu’il n’y a pas de force pour vertébrer tout

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Tenue correcte exigée ! Par Clémentine Emonoz Quand on est une femme en politique, les tacles sont fréquents, lâches, faciles. Dans ce domaine dominé par la gent masculine, les hommes se moquent souvent des choix vestimentaires de leurs homologues féminines. Cécile Duflot, Michèle Alliot-Marie pour les plus connues en ont fait les frais à plusieurs reprises, et font face à ce machisme politique qui a la dent dure.

L

Cécile Duflot, vêtue de la fameuse robe à fleurs qui a fait scandale à l’Assemblée nationale. © Sipa Press

’impitoyable sphère politique mène la vie dure aux femmes du milieu. Des femmes qui gênent par leur intelligence, leur charisme mais aussi, et surtout, par leurs choix vestimentaires.

Dans ce milieu shooté à la testostérone, se pourrait-il que la politique ait un sexe ? Bien sûr que oui, il est de toute évidence masculin, pas vraiment en faveur de l’égalité. Cécile Duflot en a fait les frais la première alors qu’elle était ministre de l’Égalité et des Territoires sous François Hollande, de 2012 à 2014. Le 17 juillet 2012, Madame Duflot ose la robe en Conseil des ministres. Une robe, ni trop longue, ni trop courte, ni trop décolletée et qui plus est accessible, puisqu’elle était vendue au prix de 60 euros sur le site Boden.fr. Une robe tout ce qu’il y a de plus respectable, donc. Pourtant, c’est sous les

sifflets et les rires des députés Les Républicains qu’elle prend la parole au micro de l’Assemblée. Un brouhaha auquel Claude Bartolone mettra fin avant de laisser la parole à la ministre qui tentera de remettre les choses en place par un « Mesdames et messieurs les députés, mais surtout messieurs visiblement... ». Cette robe était le signe de la féminité assumée et affirmée. Elle a pu déranger et affoler le « mâle » qui y voit ici, « un pouvoir et une liberté qu’il ne peut plus contrôler », d’après Fabienne Roos, styliste lyonnaise. « Si mon pantalon vous gêne, je l’enlève » Pourtant, la robe est longtemps restée le seul vêtement autorisé et toléré. En 1972, Michèle Alliot-Marie, alors jeune attachée parlementaire, se rend à l’Assemblée en pantalon. En 2017, rien de choquant, mais jusqu’alors, les femmes n’avaient théoriquement pas le droit de s’y rendre autrement qu’en tailleur.

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Son culot avait fait scandale et la jeune femme s’était vu refuser l’entrée. « Si mon pantalon vous gêne, je l’enlève », avait-elle répliqué avant de finalement être autorisée à mettre les pieds dans le bâtiment. Le jean, persona non grata ? Puis, il y a cette ordonnance du 7 novembre 1800 qui interdit à une femme de porter le pantalon sauf si elle « tient par la main un guidon de bicyclette ou les rênes d’un cheval ». Une loi qui a seulement été abrogée le 31 janvier 2013. De toute évidence, même un pantalon peut poser problème. Cécile Duflot en a là aussi fait les frais. En mai 2012, cette dernière s’était rendue au premier Conseil des ministres du gouvernement Ayrault, en jean. « Il faut faire la différence entre la dilettante du week-end et la tenue du Conseil des ministres ! C’est un moment protocolaire de la République où nous représentons tous les Français », tweetait Nadine Morano, apparemment choquée par cet habit. Pourtant, cette tenue casual incarne la simplicité et l’élégance sobre de la ministre, loin du bling-bling, tout en se permettant de jolies pièces comme un trench Burberry. Il n’existe aucune règlementation quant aux tenues des politiques lors des Conseils des ministres. Les seules règles découlent de pressions machistes, sociales et élitistes auxquelles toutes les femmes sont confrontées dans ce milieu d’hommes. Ce jean est la preuve que la ministre refuse de s’y soumettre. Il est symbolique. Pour rappel, l’Assemblée nationale autorise le port du pantalon dans ses locaux depuis 1980. Alors messieurs, mettez-vous d’accord...

Est-ce un crime d’avoir des goûts de luxe ? Apparemment, le casual de Cécile n’a pas sa place en politique. À ce propos, il est vrai que ce n’est pas le fort de Rachida Dati, garde des Sceaux sous le mandat de Sarkozy. Connue pour ses goûts de luxe et ses tenues de grands designers, Rachida Dati a plusieurs fois été victime de critiques sexistes à ce sujet. La dernière date du 17 juillet 2012. Alors que l’ex-ministre de la Justice préparait son éventuelle candidature à la tête des Républicains, Bernard Debré, député LR, a remis en cause ses capacités en se basant sur ses goûts. « Je ne crois pas que Vuitton et Dior aient leur place à ce niveaulà », avait-il déclaré au micro de LCP. Comme quoi, il est apparemment évident que les goûts vestimentaires de Rachida Dati soient représentatifs de ses aptitudes.

Rachida Dati, en grande fan de chaussures, ne quitte jamais ses talons hauts. © AFP

La robe scandaleuse s’expose aux Arts décoratifs La robe de Cécile Duflot en 2012 a marqué les esprits. Le 1er décembre 2016, les Arts décoratifs de Paris ont inauguré leur nouvelle exposition Tenue correcte exigée, quand le vêtement fait scandale. Pour l’occasion Denis Bruna, conservateur des collections mode et textiles antérieures au XIXe siècle, a souhaité contacter l’ex-ministre afin de récupérer ladite robe. Il est évident que cette petite robe à motifs bleus et blancs méritait une place dans les collections du musée. « Je la récupérerai peut-être quand l’expo sera finie, mais elle ne m’appartient plus vraiment, c’est le symbole du sexisme en politique désormais », avait déclaré Cécile Duflot au micro de France 3. Alors certes, cette robe est la sienne, mais une chose est sûre, elle est désormais entre les mains de l’histoire.

Même le tailleur se fait tailler En bonne élève, Roselyne Bachelot porte le tailleur en toutes circonstances. Autrefois vêtue de fuchsia, lilas, entre autres couleurs ‘‘tape-àl’œil’’, elle a pourtant dû revoir sa garde-robe en devenant ministre de la Santé sous Nicolas Sarkozy. Apparemment, les couleurs un peu trop flashy, qui faisaient son identité, étaient inadaptées à sa fonction. Sur les bonnes recommandations de ses conseillers, Madame Bachelot a laissé au placard les teintes voyantes pour des tons neutres et passe-partout. « Pas question d’attirer l’attention avec un look trop voyant et festif lorsqu’on a en charge des sujets aussi graves que le sida ou les scandales sanitaires », lui avaient-ils expliqué.

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Dis-moi quelle cravate tu p or Par Clémentine Emonoz

Les porteurs de cravates sont nombreux à se disputer ‘‘le bon goût’’ de l’indispensable accessoire politique. Petit tour d’horizon des profils types et des prises de risques.

catégorie : J’AI TROP DONNé, J’AURAIS PAS Dû L’exemple : Manuel Valls Le profil : Pour ceux dont l’humour et le charisme naturel ne suffisent plus à faire rire et parler les autres. Pour se faire remarquer, l’énergumène a donc choisi de tout miser sur la cravate. Ton sur ton avec la chemise ou bien satinée, tout est permis. Si bien d’ailleurs, qu’on en finit plus de discutailler autour de son mauvais goût au détriment de ses (peut-être) très bonnes idées politiques… On va dire que vous avez ce petit quelque chose que les autres n’ont pas. Prise de risque : 9 Fashion instinct : 1 – mais vraiment pour l’idée.

catégorie : JE PRENDS AUTANT DE RISQUES QUE POUR MON MANDAT L’exemple : François Hollande Le profil : Pour ceux qui ont choisi la cravate bleue. Ciel, de Prusse ou nuit, le bleu est la couleur de la sagesse, de la sérénité ou encore de la mer. Un choix qui, justement, ne fait pas de vagues, représentatif de ce qu’a été votre vie ces cinq dernières années. Chaque matin, vous vous arrachez les quelques cheveux qu’il vous reste au moment de choisir celle qui fera votre journée. Azur, marine, lagon ? Mais à quoi bon, puisque de toute façon, tout ce que l’on retiendra, c’est que cette cravate ne demande qu’à s’enfuir, vers la droite ou vers la gauche, faute d’avoir été maintenue en place. Qu’importe puisque c’est bientôt fini. Prise de risque : 1 Fashion instinct : 5 – ça reste une valeur sure, mais on attend toujours la pince pour que ce soit parfait.

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p ortes, je te dirai qui tu es catégorie : AH BON, ON EST DéJà EN 2017 ? L’exemple : Donald Trump Le profil : Pour les nostalgiques, les amoureux. Vous, que les stylistes et les conseillers en image hors de prix n’ont pas réussi à faire changer d’avis. Vous qui n’aimez pas changer et qui appréciez user vos accessoires favoris jusqu’à la corde. Tant pis si elle est trouée, trop longue, trop ‘‘old school’’, vous l’aimez cette cravate. Vous vivez avec elle une fougueuse histoire d’amour, à la vie à la mort. Elle, qui vous p(r)end fidèlement et amoureusement au cou, un peu comme le fait votre femme. Prise de risque : 8 Fashion instinct : 2 – parce qu’elle a été tendance, il fut un temps.

catégorie : à LA POINTE DE LA MODE L’exemple : François Fillon Le profil : Fashion victim assumée, dont le placard regorge de costumes parfaitement coupés et de chemises bien repassées. Vous portez la cravate en soie dans des tons chics, bordeaux ou violines, offertes à chacun de vos anniversaires par votre femme (et son salaire durement gagné). Vous avez vos habitudes chez ce petit tailleur de Saint-Sulpice (6e arrondissement de Paris), qui fait fermer boutique à chacune de vos visites. Adepte du sur-mesure et des vestes matelassées Barbour, on vous a un temps reproché d’être moins bien habillé que l’un de vos collègues. Des jours durant vous avez boudé, mais c’était pour mieux vous relever. Depuis, vous vous maintenez à la tête du classement des politiques les mieux habillés de France, selon GQ. Prise de risque : 7 Fashion instinct : 9

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La cravate ou l’habit du pouvoir Par Clémentine emonoz

On l’a aperçue fin janvier sur les podiums de la Fashion Week parisienne. On la pensait morte, démodée, ennuyeuse, bref, en adéquation avec nos politiques, un brin morose et rabat-joie. Pourtant, la cravate n’a jamais été aussi populaire. L’occasion pour nous de revenir sur l’importance de cet accessoire dans la sphère politique.

C

e n’est un secret pour personne. La cravate, apanage des hommes élégants, est dotée d’une certaine connotation phallique. Pour cet automne/hiver 2017, l’accessoire revient sur le devant de la scène : chez Balenciaga, Giorgio Armani et même sur le podium de la jeune marque Vêtements. L’accessoire politique n°1 serait-il en passe de redevenir un ‘‘it’’ qui ne toucherait plus seulement les élites ? Pour François Thibault, conseiller en image et expert en communication, c’est une valeur sure, « elle a toujours été, et continuera à être ».

Cela vous aurait évité bien des moqueries, notamment la création du site francois-tacravate.fr. Son slogan ? « Je suis la cravate de François Hollande et j’ai été portée 1 288 fois de travers pour 2 519 apparitions publiques ».

Quand Apollinaire la décrit comme objet de torture dans son poème La cravate et la montre, elle se veut pourtant être vec© AFP teur de bonne image. Le conseiller nous rappelle que le politique « qui représente la France se doit d’être en costume-cravate. Ce sont les codes de la société qui l’imposent. C’est l’uniforme politique facile, propre sur lui, classe et élégant. » Difficile donc d’oublier sa cravate quand on veut avoir une chance d’être pris au sérieux. « Un homme politique sans cravate peut vite paraître négligé. Il en va de sa crédibilité. Elle finit un look, ferme une chemise, habille un costume sobre. C’est l’habit du pouvoir », précise Nathalie, gérante d’un cabinet de relooking lyonnais.

« Tout est important dans le choix de la cravate, de la forme à la couleur. Le rouge est un choix délicat. Beaucoup l’osent, mais c’est la couleur qui excite, celle qu’il faudrait éviter. En politique, on doit rassurer et apaiser son électorat. Regardez la cravate flamboyante de Donald Trump et admirez le résultat », rappelle à nouveau la gérante Nathalie.

ELLE PEUT VITE FAIRE DéFAUT Une cravate mal mise ne pardonne pas, et François Hollande en a souvent fait les frais. En effet, la sienne a une fâcheuse tendance à pencher vers la droite. La grande Cristina Cordula s’est même intéressée au sujet pour le magazine Voici. Le problème viendrait de la physionomie du président, qui aurait « une jambe plus courte que l’autre, un problème d’épaule, une colonne pas droite ». En un quinquennat, M. Hollande, pourquoi n’avez-vous jamais investi dans une barrette à cravate ?

Jean-Luc Bennahmias et Bruno Le Maire, eux, feraient plutôt partie de la team “chemise entrouverte sur torse imberbe’’. Lors du premier débat de la primaire des Républicains, Le Maire avait choisi de ne pas en porter. En interne, ses experts en communication l’auraient sermonné : « Ce n’est pas possible pour un homme politique d’apparaître en direct sans sa cravate ». Elle n’apparaîtra à son cou qu’au second tour.

Quand Hugo Boss habillait les SS Grand ami d’Hitler, on disait aussi d’Hugo Boss qu’il était son créateur favori. C’est certainement l’une des raisons qui l’ont poussé à adhérer au parti nazi en 1931. Il a aussi contribué à la production des uniformes des SS et de la Wehrmacht, de 1933 à 1945. Les commandes sont si importantes que Boss trouve sa main d’œuvre parmi les travailleurs forcés français et polonais emprisonnés pendant la guerre. Aujourd’hui, les costumes de la maison Hugo Boss sont portés à travers le monde entier. Les hommes d’affaires et les politiques vouent un culte à la qualité qu’offre la marque, souvent sans avoir conscience de l’histoire qu’ils portent sur leur dos.

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les stars s’en mêlent Par Anne rivière

Pour les artistes, comédiens ou animateurs français, c’est une tradition. Tous les cinq ans, les personnalités soutiennent le candidat qui leur semble le plus crédible. Cette année pourtant, les engagements se font rares et plus mesurés qu’en 2012. Alors, qui soutient qui ?

À

Audrey Pulvar et Jean-Luc Mélenchon lors des GQ Men of the year 2012. © Bertrand Rindloff Petroff

quelques mois de la présidentielle, les people se font discrets pour soutenir leurs favoris. Pour certains, comme Doc Gynéco ou Jean-Marie Bigard, l’expérience de 2012 a été cuisante. Mais certains irréductibles continuent à flirter avec la sphère politique, souvent avec leur lot de revirements. La majorité des soutiens actés sont pour des candidats de gauche. Du côté des déçus de la primaire, Jean-Luc Bennahmias pouvait compter sur l’appui de son ami, le chanteur de jazz Sanseverino, accessoirement directeur de son comité de soutien. Un changement de cap pour celui qui défendait Mélenchon en 2012.

Benoît Hamon semble avoir conquis le cœur de la cinéaste Valérie Donzelli. Elle s’est improvisée chauffeuse de salle lors du meeting du 26 janvier à Montreuil, déclarant : « Sa campagne dégage un souffle qui me donne envie d’aller dans la Lune avec lui ». Hamon peut aussi compter sur Edward Snowden, qui l’a félicité sur Twitter après le débat face à Valls. Un appui désintéressé ? Pas si sûr : Hamon a déclaré vouloir accorder l’asile politique au lanceur d’alerte. Audrey Pulvar se détache de Montebourg

son camp et délaissé son ancien amour. Le leader de la France insoumise peut aussi compter sur d’autres poids-lourds du showbiz français : Hugues Aufray, Bernard Lavilliers ou encore Gérard Darmon. Et si Geneviève de Fontenay estimait qu’Arnaud Montebourg était le « plus crédible » pour 2017, elle l’a vite délaissé au profit d’Emmanuel Macron. Elle s’est même déplacée à Lyon, le 4 février, pour son meeting. Macron joue la séduction Malgré son peu d’expérience, Emmanuel Macron reste celui qui fédère le plus. Il semble avoir conquis l’ancienne chiraquienne Line Renaud : « Tous les candidats semblent un peu usés ! Il faudrait de la jeunesse et de la nouveauté », déclarait-elle à Téléstar. Le candidat avait été photographié alors que la chanteuse fêtait ses 88 printemps en juillet 2016. Il était accompagné de sa femme et d’un parterre de célébrités dont Muriel Robin, Stéphane Bern, Vanessa Paradis, mais aussi Johnny Hallyday, soutien de Sarkozy en 2007. Parmi ses adeptes, on retrouve aussi l’acteur François Berléand, la chanteuse Françoise Hardy ou encore Julie Depardieu.

« Sa campagne me donne envie d’aller dans la Lune avec lui »

Quant à Audrey Pulvar, ex-compagne d’Arnaud Montebourg, on l’a aperçue aux vœux à la presse de Jean-Luc Mélenchon début janvier. La journaliste semble donc avoir choisi

Les amitiés incongrues ne sont pas en reste. Le comédien Lambert Wilson a été photographié en train de signer un chèque à Yannick Jadot (EELV). L’émission Groland a, de son côté, appelé aux parrainages pour Jean Lassalle, vice-président du MoDeM.

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François Fillon, en séance de dédicace de son livre Faire, en novembre 2016. © Antoine Hennaff

Livres politiques : des pavés dans la mare Par Mathieu Bassaïstéguy

A

En 2015, les livres politiques ont représenté entre 1 et 1,5 % du total des ouvrages écoulés sur l’année. Un chiffre d’affaires de 44 millions d’euros qui a fini en partie dans les poches de nos politiques. En période d’élection présidentielle, chacun y va de son livre pour présenter son programme, son projet ou simplement ses idées. Mais dans un marché ultra concurrentiel, le menace du flop n’est pas loin pour ceux qui n’auraient pas la notoriété suffisante.

lors que les futurs candidats à l’élection présidentielle se font face par médias interposés, l’affrontement fait également rage dans toutes les librairies de France. En effet, à quelques semaines du premier tour, on compte de nombreux ouvrages réalisés par des candidats et d’autres personnalités politiques. Qu’il s’agisse d’un livre-programme, de mémoires, d’une biographie ou même d’un roman, les hommes et femmes politiques ont souvent la passion de l’écriture et du livre. Christian Le Bart, professeur

à Sciences Po Rennes et directeur de la Maison des Sciences en Bretagne, s’est penché sur ce phénomène du livre politique en publiant, en 2012, La politique en librairie. Dans son livre, l’auteur décrypte une pratique inhérente à la politique française : « En France les politiques qui écrivent des livres c’est une véritable tradition. Prenez le Général de Gaulle, Mitterrand, Giscard ou encore Sarkozy… Tout les présidents de la Ve République l’on fait ». Pourtant l’objectif n’est pas le même selon le type de livre publié par le politique : « La date de parution peut en dire long sur le livre d’un politique. » Mais le genre littéraire a

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également son rôle. En effet, un politique qui sort un roman ne va « pas faire passer le même message » que celui qui sort un livre ressemblant à un « programme électoral », selon Christian Le Bart. « Lorsqu’un politique sort un roman, qui n’est pas de nature politique justement, c’est bien souvent qu’il y a un réel plaisir derrière. Jack Lang notamment est un vrai passionné d’écriture. » Mais alors, quel intérêt pour les politiques de sortir leur livre et pourquoi le font-ils de façon si massive avant les élections ? Un nouvel outil de communication Le professeur de l’IEP de Rennes nous donne une réponse claire : « La plupart du temps, c’est une superbe vitrine. En publiant ces livres, ils mettent en place ce qu’on appelle des dispositifs d’auto-légitimation. » En effet, avoir son programme au cœur du rayon librairie de tous les supermarchés de France peut donner un certain poids à la parole du candidat, d’autant plus si la vente du livre est un succès. Car dans ce marché hyperconcurrentiel, il n’est pas rare de voir nos politiciens faire un flop, comme Christine Boutin et ses 38 exemplaires vendus. « Sortir un livre est aussi un risque. On se livre justement et bien souvent l’homme politique tente ainsi de descendre du piédestal de l’homme d’État pour se rapprocher du peuple », avec plus ou moins de réussite. En d’autres termes, plus qu’une véritable volonté d’écriture, le livre politique est aujourd’hui devenu un magnifique outil de communication : « Quand on sait que François Fillon a écoulé près de 100 000 exemplaires

de ses deux livres parus en 2015 et 2016, on appréhende un peu mieux le résultat, soi-disant surprenant, de cette primaire de la droite. » Un révélateur d’opinion publique Mais le candidat Les Républicains n’est pas le seul prétendant à l’élection présidentielle à truster le haut du classement des ventes. On pense notamment à Emmanuel Macron et son livre, Révolution, sorti en décembre dernier, aux éditions XO. « Pour Emmanuel Macron c’est assez différent puisqu’ici le livre est réellement le programme du candidat. » Un programme qui a donc déjà été tiré à près de 200 000 exemplaires, « un coup réussi » selon Christian Le Bart. C’est aussi le cas pour Jean-Luc Mélenchon, candidat de la France insoumise. Les ventes de son livre-programme, L’Avenir en commun, caracole actuellement en tête des ventes des ouvrages politiques de la rentrée 2017. Enfin, Christian Le Bart nous explique que la réception par la presse littéraire de livres écrits par des politiques est un très bon indicateur de la popularité de ces derniers. « Cela permet de prendre la mesure des rapports de forces internes au champ politique. En ce sens, les livres politiques sont un formidable révélateur des transformations contemporaines de la légitimité politique. » Publier un livre peut même servir de test aux hommes et femmes politiques. En effet, « un succès dans les rayons des librairies ne peut être que de bonne augure pour un politique. Il parvient, à travers cela, à diffuser son message au plus grand nombre ».

Les livres publiés par les politiques ces derniers mois, du plus cher au moins cher : 1 Emmanuel Macron, Révolution XO Éditions 17,90 € décembre 2016

François Bayrou, Résolution française Éditions de l’Observatoire 16,90 € février 2017

Rama Yade, À l’instant de basculer Les Éditions du Net 8€ décembre 2016

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François Fillon, Vaincre le totalitarisme islamique Albin Michel 9€ septembre 2016

Jean-Luc Mélenchon L’Avenir en Commun Éditions du Seuil 3€ décembre 2016

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Michaël Attali : « Le sport

est un outil de

Isoloir : Le sport apporte t-il une image positive aux politiques ? M. A. : Oui, il apporte une image très positive. Il véhicule de nombreuses valeurs, comme le travail ou le respect. Ils veulent donner une image de bien-être, de bonne santé. Cela c’est beaucoup développé depuis le XXe siècle. Après Mitterand, dans les années 80-90, le sport s’est individualisé. Le sacrifice de soi et la défense des valeurs sont primordiales pour les politiques. Isoloir : Les politiques jouent-ils avec la mise en scène de leurs activités sportives ?

com’ pour les

M. A. : Complètement ! L’exemple le plus frappant est celui de Nicolas Sarkozy, friand de se faire photographier en train de courir. François Hollande, lui, est beaucoup plus discret : on sait qu’il pratique un sport, mais il ne se montre pas. Le sport devient un outil de communication pour les politiques. Selon les disciplines, ils essaient d’interpeller certaines catégories sociales. Assister à des événements sportifs, c’est aussi se mettre en scène, montrer qu’ils partagent la même passion que les citoyens. Le sport ce n’est pas que pratiquer, c’est également aller à des rencontres.

politiques » Par Amélie Vuargnoz

Les politiques et le sport, c’est une grande histoire d’amour. Dans les tribunes des stades de football ou en train de faire leur jogging, nos dirigeants se mettent en scène. Michaël Attali, historien du sport et président de la Société française d’histoire du sport, s’est penché sur le sujet.

Isoloir : Est-ce légitime que les médias s’attardent autant sur un petit geste, aussi symbolique soit-il ? M. A. : On voit les chaînes infos faire des commentaires à n’en plus finir. C’est totalement excessif, puisque ça lui donne de l’importance, et ça ne correspond pas forcément à la réalité. Je comprends cependant qu’il soit difficile, en tant que journaliste, de définir quelle considération on donne à pareil événement. Il ne faut pas traiter la chose comme un fait politique grave, mais plutôt sous forme d’édito, en y apportant une réponse. Isoloir : Peut-on comparer le sport et la politique ? M. A. : C’est difficile de comparer ces deux domaines. Sur certains points oui. Sur la volonté d’arriver à l’objectif final, pourquoi pas. La mise en scène, également, car le stade peut être comparé à un théâtre ou à une salle de meeting par exemple. Mais le sport est plus individuel, on fait du sport pour soi, contrairement à la politique. Isoloir : Toutes la même image ?

FP

©A

les

disciplines

véhiculent-elles

M. A. : Pas du tout, il y a une différence entre le sport populaire et le sport dit “aristocratique”. C’est à dire que les politiques s’orientent plutôt vers la course à pied, la boxe ou encore le football, qui sont des sports accessibles à la plupart d’entre nous. La boxe va plutôt donner une image de combattant, de dépassement de soi tout comme le jogging (voir pp.83-84). Le football est un sport collectif donc il donne l’image du don de soi, du travail avec les autres. Contrairement au golf par exemple, qui a une connotation plus ‘‘riche’’.

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Benoît Hamon sort les crampons

Nicolas Sarkozy : « cours Forrest »

© P. Wojazer / Reuters

© Florence Durand / Sipa

On se souvient tous de son fameux tweet « 1,2,3 viva l’Algérie ». Mais détrompez-vous, le football n’est pas le sport de prédilection de Benoît Hamon. C’est le rugby qui occupe une place de choix dans la vie du candidat. C’est à l’âge de treize ans qu’il débute dans la discipline. Aujourd’hui, il fait partie du XV parlementaire, équipe composée de députés et de sénateurs. Au poste d’ailier droit, Benoît Hamon souligne avec humour : « Je joue à droite pour mieux repiquer à gauche », selon ses propos à l’Équipe, le 13 janvier dernier. Ce sport collectif, qui renvoie à des valeurs de combativité, de respect et de solidarité, lui donne une bonne image. Le rugby permet bien évidement aussi d’entretenir la forme du candidat avant la course à la présidentielle, et le combat risque d’être tout aussi agressif que sur le terrain. Reste à savoir qui marquera l’essai en premier.

Quand on parle de sport et de politiques, la passion de Nicolas Sarkozy pour le jogging est incontournable. On a tous déjà vu au moins une fois l’ancien président de la République pratiquer la course à pied. Nicolas Sarkozy a déjà foulé, baskets multicolores aux pieds, le sol de nombreuses villes françaises ou étrangères. Chaque sortie est organisée de la même manière : petit short, garde du corps, photographes et ‘‘en avant Guingamp’’. La mise en scène est de rigueur chez l’ancien chef d’État. Ce sport populaire permet aux Français de s’identifier plus facilement à leurs politiques. Il renvoie aussi une image de combativité, de régularité et surtout de dépassement de soi. Le concept même de « l’esprit sain dans un corps sain », dont Nicolas Sarkozy est friand.

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© Jean-François Monier / AFP

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François Fillon se la joue Flash McQueen Adepte de courses automobiles, François Fillon arbore fièrement le casque et la combinaison et raffole des sensations fortes. Il n’est pas rare de le croiser sur les circuits, et il assume. Mais attention, les grosses voitures ne sont pas pour lui, il rappelle bien qu’il continuera à rouler dans sa vieille Peugeot 306 S16, quoi qu’il arrive. L’ancien Premier ministre, qui prend les rênes ou plutôt le volant de la droite, compare sa campagne politique à une « course d’endurance ». Il se trouve même des points communs avec le célèbre pilote Jacky Ickx : « Au début de la course des 24 Heures du Mans 1969, Jacky Ickx part le dernier... Et le dimanche à 16 heures, il franchit la ligne d’arrivée le premier », déclarait-il le 20 novembre. On ne pourra pas lui reprocher de manquer de confiance en lui. Alors à fond les ballons, Fillon?

Pas de vélo, pas de footing, pas de danse classique non, Valérie Pécresse enfile ses gants de boxe et monte sur le ring. Un sport qui véhicule des notions de combativité, de riposte ou encore de maîtrise de soi. Mais attention, on ne croisera jamais Valérie Pécresse dans un tournoi. La femme politique utilise la boxe comme un défouloir… mais c’est avant tout une question de communication. Une telle discipline sportive donne une image plutôt jeune aux politiques et par conséquent ils se rapprochent plus facilement de la jeunesse. « Lorsque ce sport est pratiqué par une femme, il lui attribue également une image virile qui peut être utile en politique », souligne Delia Dumitrescu, spécialiste de la psychologie politique et de l’analyse des communications. Alors Valérie, impose toi !

© Elodie Grégoire / Agence REA

Valérie Pécresse monte sur le ring

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Les 3 conseils de Jean-Pierre Clémenceau pour être au top à la présidentielle Par Amélie Vuargnoz

1.

Être candidat à la présidentielle n’est pas de tout repos. Pour être en forme, aussi bien physiquement que mentalement, les politiques entretiennent leurs corps. Alors quels sont les exercices pour affronter les dernières semaines avant l’objectif final ? Réponse avec Jean-Pierre Clémenceau, coach sportif de politiques et de stars comme Jean Reno, Adriana Karembeu ou encore Zazie.

La respiration

L’objectif est avant tout de gérer ses émotions. « Le meilleur moyen est de se concentrer sur sa respiration. C’est l’un des points les plus importants pour la préparation aux meetings, conférences, interviews… », insiste Jean-Pierre Clémenceau. Avant tout, les politiques ne doivent pas s’énerver contre un opposant ou un adversaire. « Pour garder son calme, je donne le conseil de faire deux respirations, puis répondre. Cela permet de réfléchir à ce que l’on va dire et d’adopter un ton plus calme et serein », souligne le coach sportif. Le travail de la respiration consiste également à ne pas s’emballer trop rapidement. « Il ne faut pas que l’homme ou la femme politique présente des signes de nervosité, comme la transpiration par exemple. »

3.

Le renforcement

Pour être tonique et résistant tout au long de la campagne, Jean-Pierre Clémenceau recommande à ses clients de renforcer tous les muscles du corps. « C’est surtout, un travail au niveau des abdominaux et du dos. » Pour tenir le rythme, le cardio est un point indispensable. Avec les emplois du temps souvent chargés des politiques, leur rythme cardiaque est mis à rude épreuve : « Il faut impérativement travailler le coeur. C’est le moteur du corps. »

La mobilité

2.

Les élu(e)s se doivent d’avoir une certaine prestance. « Sans forcément passer par un travail de musculation, nous travaillons la posture. Il faut que le politique se tienne bien droit. La posture est déterminante dans la qualité d’orateur », explique le coach sportif. Selon lui, lorsque la tenue est tonique et rigide, l’oral n’en est que meilleur. Lors de leurs grands discours, les politiciens sont scrutés par les caméras, les photographes. Leur tenue, après leur style vestimentaire, doit être irréprochable. On leur demande même quelques fois de rentrer le ventre.

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Ils auraient mieux fait de se taire… Par Hugo dervissoglou

« Les hommes politiques ne vivent pas dans le même monde que nous, ils ne connaissent pas nos problèmes » est le reproche le plus fréquemment fait aux politiciens. Retour sur les petites bourdes de ces hommes et femmes venus d’un autre monde.

« Je me suis laissé déborder par mon engagement public »

« Lorsqu’on habite Stains en région parisienne ou Villeurbanne en région lilloise, il est plus simple de créer son entreprise et de chercher des clients que d’obtenir un entretien d’embauche »

C’est ce qu’a déclaré Thomas Thévenoud, en 2014. Il sera démis de ses fonctions après neuf jours pour une longue liste d’impayés -parmi lesquels ses impôts- et plaidera la « phobie administrative ». Député de Saône-etLoire, il a trouvé un remède efficace en se faisant mensualiser. Sur Twitter, il annonçait d’ailleurs avoir payé sa part en postant sa déclaration.

Parler d’entreprenariat, Emmanuel Macron sait le faire. En revanche, Brigitte aurait dû être professeure de géographie, cela aurait pu lui éviter ce genre de bourde dans son ‘‘oeuvre’’ Révolution, tirée à des milliers d’exemplaires. Rappelons tout de même que Villeurbanne se situe à l’Est de Lyon, et non dans les Hauts-deFrance.

© Thomas Thévenoud : wikicommons / Emmanuel Macron : Mat Beaudet / Jean-François Copé et Manuel Valls : DR

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P olit iquemen t in co rre ct

« Je n’ai aucune idée du prix que coûte un pain au chocolat, ça dépend des tailles. Mais je pense que ça coûte entre 10 et 15 centimes »

Invité de Thomas Sotto (Europe 1), lors des lundis de la primaire, JeanFrançois Copé est interrogé par un auditeur sur le prix de la viennoiserie. Petit rire forcé et c’est le drame. La phrase fera la une de la matinale quasiment toute la semaine. Le maire de Meaux finira même par rencontrer, sur France 2, une boulangère de Boulogne-Billancourt qui avait eu l’idée de créer un tout petit pain … à 0,15 € l’unité.

« C’est vrai que nos sociétés changent... il suffit de regarder le cas d’Uber pour ce qui concerne les taxis, Amazon pour les commerçants, R’n’B pour l’hôtellerie »

Lors du débat d’entre-deux-tours de la primaire de la gauche, la langue de Manuel Valls a fourché. L’ancien Premier ministre a voulu évoquer la plateforme de réservation de logements en ligne Airbnb. On sait au moins ce qu’il apprécie dans la culture US.

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Société

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Pour une France jeune, votez François Bervas, 81 ans Par Marion Gergely

François Bervas, 81 ans, a fait la guerre d’Algérie et se présente aujourd’hui à l’élection présidentielle. Il dit être le seul candidat « sans peur et sans reproche ». Convaincu et fier de ses convictions, il les défend corps et âme.

L

a voix de François Bervas, 81 ans, habitant du Plessis-Robinson dans la banlieue parisienne, ne tremble pas. Avec pas moins de dix diplômes scientifiques, dont un d’ingénieur en génie atomique, et quatre décorations militaires dont la Légion d’honneur, François Bervas est fier de son parcours et le fait savoir. Ce n’est pas sans une bonne dose d’autosatisfaction qu’il parle de lui : il estime être le meilleur combattant que la France ait connue depuis Bayard.

En fauteuil roulant depuis trente ans, le candidat ne doute pas de pouvoir faire de la France « le pays le plus sûr, le plus dynamique, le plus attractif du monde ». Paradoxalement, il pense que « les vieux sont incapables de faire une révolution ». Ses ministres auront donc une moyenne d’âge de 25 ans, car « toute la nation a été construite par des jeunes. » Il se présente afin de les mettre au pouvoir et ainsi changer l’ordre éta-

bli. Selon lui, ce sont aux jeunes diplômés qui sortent des écoles de relancer le système français : « Avant de chercher du travail, il faut défendre l’intérêt de la France. » Parmi ses propositions, on retrouve ainsi la suppression du Code du travail : « Il est illisible. Au Danemark, il n’en existe pas et tout se passe très bien. Chaque personne travaillera le nombre d’heures qu’il souhaite et sera payé en conséquence. Les gens choisiront aussi l’âge auquel ils voudront partir à la retraite. Chacun est libre. » Autre mesure clé, l’alliance franco-russe. « Les gens ne comprennent pas le fonctionnement de l’Europe. Il suffit de simplifier les choses. C’est pour cela que je propose de quitter l’Otan et de faire une alliance avec la Russie. Nous deviendrons ainsi le plus grand marchand d’armes au monde. » « Plus de terrorisme, plus de désordre intérieur » Le candidat fait également de la sécurité un point d’orgue de son programme. Selon lui, qui dit sécurité, dit terrorisme.

Le moyen le plus simple pour y mettre fin dans l’Hexagone serait de rencontrer Abou Bakr al-Baghdadi, chef de l’État islamique. « Nous avons attaqué Daesh sans raison, je propose de retirer nos troupes de leur territoire. » Dans son programme, il explique également que les djihadistes français seront réexpédiés en Syrie. Ceux souhaitant se convertir au djihad pourront le faire à condition de partir pour ne jamais en revenir. En ce qui concerne la sécurité intérieure, les mesures sont strictes. Toutes les manifestations seront interdites pendant ses vingt-sept mois de mandat, en référence à la durée du séjour des jeunes appelés pendant la guerre d’Algérie. Les manifestants cagoulés seront aussi abattus. Ne serait-ce pas un peu extrême monsieur Bervas ? La réponse semble quelque peu incohérente : « Vous croyez que ce n’était pas extrême quand, pendant la guerre d’Algérie, au moins vingt jeunes innocents étaient tués ? » Il compte également créer un bagne en Guyane, autogéré par les délinquants. Aujourd’hui, avec son programme atypique, le candidat déclare avoir tout de même « 304 promesses de signatures ».

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© Marion Gergely

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Avec Nicole, dites oui à la chatocratie ! Par Marion Gergely

Nicole est candidate à l’élection présidentielle et se démarque clairement de ses concurrents. Avec son pelage grisonnant, cette exotic shorthair, la même race que le célèbre matou du dessin animé Garfield, est la première chatte à se présenter. L’idée de sa campagne germe en novembre, avant de se lancer en janvier. Elle se veut la représentante de la condition animale.

Autour d’elle, un véritable « État-major » a été mis en place. Chaque chatte

du Gentlecat a son rôle et pas de parité qui tienne : c’est un gouvernement exclusivement féminin. Leur fonction a été choisie selon leur caractère : « Jeanne va toujours vers les gens, elle adore le contact, c’est pour cela qu’elle est la chargée de communication de Nicole. »

les droits des animaux soient respectés et améliorés est l’objectif final de la campagne, dont la pétition sur Internet comptabilise plus de 680 signatures.

Un véritable message avec cette candidature La candidature de la chatte a beau être inédite, elle a tout de même un but : faire évoluer les mentalités quant à la condition animale. « Nous souhaitons faire réagir et sensibiliser les gens à la condition des animaux et pas seulement des chats. Nous axons notre campagne autour de ces félins, mais nous souhaitons que tous les animaux bénéficient de notre action », explique Jérémie Perie. Pour soutenir Nicole, il est possible de faire un don. L’argent récolté remboursera en partie les frais de campagne (création du site web, impression de tracts). La somme restante sera reversée à l’association Les chats et nous. Habituellement, 10 % des bénéfices du bar sont reversés à des associations de protection animale. ‘‘Patouner’’ pour que

© nicole2017.fr

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icole. La chatte est connue au Gentlecat, un bar à chats situé à Lyon. Mère de onze enfants, toujours avec le même chat, elle a travaillé pour promouvoir sa race et a toujours eu un comportement irréprochable. Cette dernière a été choisie comme candidate à la suite d’une primaire chatocrate qu’elle a remportée. Mais comment organiser une primaire entre six chats ? Jérémie Perie, un des gérants de l’établissement, explique s’être beaucoup amusé : « Nous avions mis plusieurs gamelles avec des croquettes et il y en avait une qui était gagnante. Finalement, ce sont nos trois plus jeunes chattes qui se sont dirigées vers la bonne. Mais n’ayant pas l’âge requis, nous avons attendu qu’une de nos doyennes choisisse la gamelle gagnante. Finalement, Nicole est celle qui a réussi et je trouve que le rôle lui correspond parfaitement. »

Les petits secrets de Nicole : - Son péché-mignon : le pain avec du beurre. En bonne française, elle aime aussi beaucoup la rosette. -  Elle est une grande fan du cheesecake à la carotte depuis qu’elle a atterri le nez dedans après un saut raté. -  Dormir reste son passe-temps favori. - Elle a 40 ans en âge humain, soit seulement cinq ans chez les chats. -  Elle aime poser pour les photos, comme pour son affiche de campagne.

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Électeurs de gauche et d Le béret bolchévique : Sortir sans son béret bolchévique ? Blasphème. Enfin, ce n’est pas tant que tu portes un attachement particulier à ton look, mais plutôt qu’il faut bien trouver une façon de dissimuler tes cheveux crasseux. Parce qu’à force de te séparer de tous les produits dangereux pour l’environnement, il te reste peu de choses pour prendre un tantinet soin de toi.

poils du torse qui dépassent : On irait pas jusqu’à dire que tu es crade, mais on s’en rapproche tout de même dangereusement. Ce n’est pas tant ta pilosité excessive qui nous rebute, mais plutôt ces relents de transpiration alliés à une certaine effluve de tabac froid.

Le joint au bec : Conscient de la fatalité et de la cruauté du monde, tu préfères t’isoler avec un bon gros tarpé afin de réfléchir à la raison de ta vie sur cette planète. Et comme une fois défoncé, tu t’aperçois que ta petite âme de révolutionnaire ne pourra rien face à la vague bleu Marine qui menace de déferler sur le pays, tu ne vois rien d’autre à faire que de squatter la place de la République, une bière à la main. Perspicace !

L’Humanité : Ton journal de prédilection reste incontestablement l’Humanité, dans lequel tu retrouves toutes les valeurs anticapitalistes si chères à tes yeux. Pour toi, Libération a largement perdu de sa saveur ces dernières années et depuis tu ne jures plus que par le bébé de Jean Jaurès.

Vélo électrique : Quoi de mieux que de respirer l’air finement pollué des grandes agglomérations françaises ? Tu es parfaitement apte à nous en parler puisque tu te déplaces exclusivement en bicyclette et comme tu n’en fais jamais trop, électrique de préférence. Puis quelques fois, tu t’autorises une petite folie : la trottinette.

Téléphone de merde : L’orthographe et toi, ce n’est clairement pas une histoire d’amour. Tu n’écris pas forcément bien la France mais comme on est gentils, on accepte l’excuse du vieux Nokia 3310. Celui-ci allié à tes gros doigts qui peinent à atteindre les touches désirées… Bon allez, c’est pardonné !

Pantalon bien trop large : Bon là par contre, on est désolé, mais aucune excuse ne peut être reçue. Quelles que soient tes convictions, rien ne permet un tel attentat au style. Donc par pitié, le sarouel pause-caca, on oublie, genre définitivement !

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et de droite : starter pack Lunettes de soleil de kéké : Ray-Ban aviateur sur le nez, ou plutôt sur la tête en ce qui vous concerne, vous misez sur un look d’homme mystérieux, dynamique et sûr de lui. Mais la fashion police a là aussi son mot à dire : les lunettes de soleil, comme leur nom l’indique, ça se met lorsqu’il y a du SOLEIL. Sinon vous ressemblez juste à Kevin lors des soirées dansantes du camping de Palavas-les-Flots. Cheveux : Parce qu’on a jamais l’air assez coincé, la coupe doit être figée, stricte et vous donner cet air de fils à papa prêt à croquer la vie à pleine dents (avec l’argent de ce dernier, du coup). Bah oui, à défaut d’être encore tout à fait riche, il faut bien faire jouer son capital social.

Polo sur les épaules : Cela fait maintenant des années que vous pensez être à la pointe de la mode en nouant fièrement votre ‘‘pull-over’’ (mot hasbeen que vous êtes d’ailleurs l’un des seuls à utiliser en 2017) autour de vos épaules. Mais non, c’est juste moche et cela vous donne tout bonnement l’allure d’une jeune tête à claque tout droit sorti d’un lycée privé du 16e.

Le Figaro : Votre esprit est une fleur qui s’entretient avec délicatesse. C’est pourquoi nulle autre lecture que celle du Figaro ne doit venir parasiter vos pensées si bien formatées. Alors, vous n’avez de cesse de lutter contre ce complot médiatico-gauchiste qui, à tout moment, peut commettre l’impensable : vous ouvrir l’esprit. Si toutefois cela devait arriver, pas de panique, il ne s’agirait en aucun cas d’une fracture du crâne.

Smartphone dernière génération et montre bien chère : Parce qu’il serait honteux d’avoir l’air d’un plouc (et que ce n’est vraiment pas votre genre), vous devez impérativement avoir en votre possession THE smartphone dernière génération. Vous auriez également pu brandir une pancarte « regardez-moi, j’ai réussi ma vie ! », mais vous avez finalement opté pour la dernière Rolex, soit l’équivalent de 16 fois le SMIC à votre poignet. Une broutille, qu’on se le dise !

Mocassins en daim : Mesdames et messieurs, cessez toute activité. Nous arrivons à ce que l’on appelle communément une pièce maîtresse : le mocassin à ‘‘glands’’. À un détail près, vous pourriez presque passer pour un hipster…

Voiture avec chauffeur : L’ubérisation de la société ne vous dérange guère. Normal, c’est à peine si vous la percevez. Franck, votre chauffeur de longue date, saurait nous en parler. BMW, vitres teintées, votre carrosse sait se faire remarquer. Un petit côté bling-bling qui vous confère presque un style de rappeur, le côté thug life en moins !

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