SENSIBLE by ISCPA - MAG des SPE Presse 2021/22

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SENSIBLE

Numéro unique. Février 2022

L'homme face à ses émotions

La masculinité mise à nu

Sports “féminins” ça fait mâle Ces disciplines qui peinent à séduire les hommes

La France en machocratie Le machisme en politique a la vie dure

“Chéri, t’as mis ton slip contraceptif ?” Les méthodes existent, la volonté manque 1


L ’homme face à ses émotions

SENSIBLE

Directeurs de publication : Isabelle DUMAS, Patrick Girard Directeurs de rédaction : Raphaël RUFFIER, Benjamin ROURE, Thierry KIEFER Rédacteur en chef : Chemssdine BELGACEM Directeur artistique : Tom BARAFFE Maquettistes : Margot LAURENT, Macéo CARTAL Rédacteurs : Margot LAURENT, Emma RESSEGAIRE, Antoine CANTIN-GALLAND,

L’homme face à ses émotions. L’adage dit souvent que l’homme est dénué de quelconque émotion. Bruit de couloir ou rumeur avérée, nul doute que cette représentation a collé à la peau de l’homme par le passé. Dans les sociétés ancestrales, l’homme se devait d’être viril, inspirer confiance et sérénité au sein de la population. Ce personnage l’a parfois permis d’accéder à certains rôles cruciaux dans ces anciennes civilisations. Construire un monde autour de l’homme, par les hommes et pour l’homme était le terreau commun de la grande majorité des sociétés de l’Antiquité et du Moyen-Âge. Des responsabilités clés qui n’ont fait qu’accroître certaines inégalités criantes avec la femme. Le regard ancien de la société sur la gent masculine l’a également enfermé dans un modèle exclusif qui a sûrement mis en geôle certains rêves inassouvis de l’homme par le passé. L’homosexualité, le manque de souveraineté, et même l’hypersensibilité n’étaient pas tolérés chez un homme. Fort heureusement, la situation a trouvé une issue positive. L’homme a été décentralisé pour permettre logiquement à la femme d’avoir sa part méritée et équitable du gâteau. Implicitement, cela a également permis à l’homme de s’exonérer de nombreuses prérogatives propres à lui-même.

Antonin GIZOLME, Chemssdine BELGACEM, Clément BARBIER, Cyprien ETAIX, Enzo MARTINET, Félix MOURAILLE, Kevin MONACI, Macéo CARTAL, Mattéo ROLET, Nathan CHAIZE, Oscar BERTRAND, Pierre BENARD, Thibaut EPERDUSSIN, Tom BARAFFE.

L’homme face à ses émotions. Telle est la promesse de tous les rédacteurs de Sensible, qui se considère comme une revue masculine non machiste et ouverte à tous. À travers 96 pages, nous décortiquons l’homme et ses émotions, plus ou moins enfouies, dans notre société contemporaine. Face à des problématiques propres à notre génération, comment l’homme entretient-il ses relations avec la société à travers ses émotions ? Cette question met en relief chacune de nos réflexions à travers moult sujets actuels. Dans une société qui contraste fortement avec celles de nos aînés, l’homme ne ressent plus les mêmes émotions qu’il a pu avoir par le passé. N’étant plus au centre de l’affiche, l’homme a su se réadapter, même si cela n’est pas toujours facile à l’heure actuelle, mais ce repositionnement a créé de nouvelles interactions dans de nombreux domaines. En amour comme au travail, les émotions de l’homme actuel sont souvent décuplées. Tellement mises en exergue qu’elles doivent être extériorisées, quitte à rendre l’homme « sensible ». Finalement, la sensibilité ne serait-elle pas l’apanage de l’homme actuel ? À vous de tirer une conclusion et il est grandement recommandé de lire notre revue avant de vous prononcer.

Chemssdine BELGACEM, rédacteur en chef de Sensible

ISCPA LYON - 47 Rue du Sergent Michel Berthet, 69009 Lyon

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Quand sensibilité rime avec normalité

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Sommaire 06

JOIE Iels poussent la féminité à l’extrême

ACTUALITÉS

PEUR

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Cancer du sein, pas qu’au féminin

20

54

ANGOISSE

Sport et homosexualité : la tolérence au rendez-vous ?

18

AMOUR

SOUMISSION Macho et 2022, ça match plus Les femmes rentrent dans le rang ?

« Patron, ma femme gagne plus que moi ! »

Quand les hommes vendent leur corps aux femmes

La femme, taille patron

22

Agresseur malgré moi

23

Et si j’étais un homme ?

En politique, les plus grands devant Autopsie du hater de Sensible

26 29 32 34 37

72

Papa a la maison, maman au travail

74

14 ans, toujours puceaux

75

Chauve qui peut

76

Macho vs sensible, l’agenda TV

77

Darmanin ou Pierre Menès, quel macho êtes-vous ?

La galanterie, nom masculin

63

Réapprendre à faire l’amour

64

« Chéri, t’as mis ton slip contraceptif ? »

68

Ils ont chanté l’amour

69

Les signes préliminaires de l’Amour

HONTE

AGRESSIVITÉ

MÉPRIS

62

L’homme, victime cachée des violences conjugales

86

E.P.S. : Egalité Presque Sacrifiée

88

Jouir pour faire plaisir

90

40

La France en machocratie

50

Ces hommes qui font un “métier de femme”

80

L’image b(i)aisée du porno

Hypersensibilité, la force du mâle

92

44

« Papa où t’es ? »

51

Machisme, bons et mauvais élèves

83

Men are (vraiment) trash ?

Moi, émotif et alors ?

95

46

“Sports féminins”, ça fait mâle

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Le burn-out au masculin, ça fait mâle La guerre, apanage de l’homme ou de l’Homme ? Vladimir Poutine promet « une réponse immédiate aux conséquences jamais vues » à l’encontre de tous les pays qui tenteraient de s’interposer à ses opérations en Ukraine - © AFP PHOTO / SPUTNIK / Alexey NIKOLSKY

24 février 2022. Après l’annonce d’une opération militaire par Vladimir Poutine, dirigeant de la Russie, des forces terrestres russes sont entrées sur le territoire ukrainien. Décrit comme un homme fort, image qu’il glorifie, Poutine pose une question : la guerre est-elle l’apanage de l’homme ?

Ç

a y est, les sirènes anti-bombardement retentissent. Les premières explosions secouent les habitants de Kiev ou d’Odessa. Les forces russes entrent sur le territoire ukrainien et les gardes-frontières ont fait état d’un premier mort. Le président Russe Vladimir Poutine est décrit comme un fou, qui n’écoute personne et ne reculera devant rien. Il promet « une réponse immédiate qui conduira à des conséquences encore jamais vues » pour les pays qui tenteraient de s’interposer.

Au XXIe siècle, l’avènement des hommes forts Dans la rédaction de Sensible, à l’instant de cette déclaration de guerre, une question nous taraude : « La guerre est-ce un truc d’homme, si le président russe avait été une présidente, aurait-il pris la même décision ?» Poutine et l’Ukraine, Erdogan et les Kurdes, Bachar Al-Assad

et son propre peuple, George W.Bush et le terrorisme. Tous ces dirigeants qui déclarent des guerres sont des hommes, souvent qualifiés « d’hommes forts ». Tous remplissent des critères de virilité, et les porte en étendard de leur politique extérieure et intérieure.

La dame de fer comme exception

dirigeant à dirigeant ne seraitelle pas simplement liée à la surreprésentation de hommes au pouvoir ? Selon l’anthropologue Catherine Panter-Brick, entre 1950 et 2004, dans 188 pays, seuls 48 dirigeants politiques ont été des femmes. Elle estime que « la question relève de stéréotypes de sexe et dénote une conception simpliste de la gouvernance ».

Pourtant, dans un passé pas si lointain, des femmes ont aussi été belligérantes. Un nom, un seul au sens évocateur : La Dame de fer. Margareth Thatcher, une femme qui mena une guerre violente mais extrêmement populaire. Elle lui valut une victoire écrasante aux élections de 1983.

Steven Pinker écrivait dans La part d’ange en nous : « Les femmes ont été, et seront, la force pacificatrice ». Un stéréotype certes, mais qui cracherait sur une « force pacificatrice » constituée de 49,6 % de la population mondiale ? Encore faudrait-il que la parité en politique devienne une réalité.

Si d’ordinaire le burn- out touche davantage les femmes que les hommes, ces derniers ne sont pas épargnés par ce phénomène. Une tendance qui a augmenté avec la crise sanitaire.

L

es femmes sont « davantage sujettes au burn-out ». C’est du moins la réflexion qu’a divulgué le psychologue Patrick

Légeron en 2016. Un constat qui tend à changer aujourd’hui. Interrogé par le New York Times, l’ex-enseignant Jonathan Malesic déclare que, « quand les hommes rencontrent des difficultés, au travail ou ailleurs, ils ont moins tendance à en parler ». L’OMS constate aussi cette tendance et qualifie le syndrome comme « résultant d’un stress chronique au travail qui n’a pas été géré avec succès ». Outre la distance et le manque d’efficacité

professionnelle, le cabinet Empreinte Humaine a mesuré qu’à l’automne « trois fois plus » de burn-out s’étaient déclenchés depuis le début de la crise. Selon Patrick Légeron, auteur de l’ouvrage Le stress au travail, un surinvestissement des personnes dans leur travail est en cause un phénomène accentué chez les hommes qui les « fragilise ». Thibaut EPERDUSSIN

Balance ton Bar, le nouveau combat contre la drogue du viol 45 000 €. C’est ce que va investir la ville de Paris dans la campagne « Balance ton bar ». Originaire de Belgique, et bien développée en France, cette campagne vise à aider les victimes d’agressions sexuelles au GHB , la drogue du viol, mais également à faire de la prévention. La campagne est popularisée partout en France, le gouvernement a décidé d’ajouter sa pierre à l’édifice. Au programme, des affiches installées dans les toilettes de nombreux établissements, portant les inscriptions « ton ami(e) a été violé(e) ? », « tu penses avoir été violé(e) ? », accompagnées d’un QR Code pour alerter les forces de l’ordre.

Une fois sur place, des prélèvements ADN et toxicologiques sont faits pour identifier drogue et agresseur. Ces dernières vont également former gérants et serveurs de ces établissements de nuit à mieux appréhender ces situations. Ces derniers mois, le nombre de témoignages d’agressions sexuelles au GHB a explosé, notamment dans le milieu étudiant. À Montpellier, au mois d’octobre, une cinquantaine de témoignages ont été recueillis en quelques jours. Outre-Manche, le constat est le même: près de 200 plaintes ont été déposées à Londres en l’espace de seulement 5 jours. Pierre BENARD

La guerre, un exemple de l’ampleur des stéréotypes de sexe Alors, la répétition des déclarations de guerres d’homme à homme, de 6

Nathan CHAIZE

Le mode d’administration du GHB s’effectue principalement par dilution dans un verre d’alcool. ©Pexels/ Isabella Mendes

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Depuis 2010, la part des hommes qui s’occupent du ménage a augmenté de 20 points. ©PexelsGustavo

71% des hommes s’occupent du ménage dans les foyers Une étude menée par le groupe Altice a montré un nouveau portrait de l’homme de 2022. Les résultats montrent un net changement de tendance, notamment en termes de consommation et d’implication au sein du foyer.

à un public féminin. L’écart le plus important est au niveau des produits d’entretien : 99 % des pubs sont pensées pour les femmes, alors que les hommes représentent 31 % des achats. Pour y remédier, Altice Médias ADS & Connect a identifié une nouvelle cible pour les publicitaires : les 25-49 ans impliqués dans les achats du foyer. Autrement dit, les hommes concernés par cette étude. Reste à savoir maintenant si les annonceurs vont séduire cette cible, et attirer d’autres consommateurs.

71 %

des hommes s’occupent eux-mêmes du ménage, et 76 % des repas quotidiens. Une donnée qui vient d’Altice Media ADS & Connect, en partenariat avec l’institut Kantar, publiée au début du mois de février. Dans cette étude, faite sur un échantillon de 1000 hommes, on apprend également que ces derniers sont impliqués dans 47 % des dépenses de grande consommation du foyer (courses, produits ménagers…). On monte même à 55 % parmi les hommes de moins de 35 ans. Des chiffres étonnants puisqu'il a été démontré que 79 % des publicités de ces produits sont destinées

Pierre BENARD

Jean-Jacques Bourdin visé par une seconde plainte Le 16 février, une femme de 61 ans a porté plainte contre l’animateur de télévision Jean-Jacques Bourdin. Elle lui reproche des faits de « harcèlement », de « harcèlement sexuel » et

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Screenshots Quand l’homme sensible veut sortir avec ses amis pour aller voir un film ou un concert, il se retrouve régulièrement face à deux cas de figure : refouler ou assumer sa réelle envie.

Option 1 : mettre de côté ses envies et jouer la sûreté, en proposant une sortie dont on sait qu’elle plaira à son pote, car légitimement “bon pour l’image”. Tu sais que c’est le genre de concert où ton ami pourra prendre une ou deux stories pour montrer qu’il était présent dans la salle, qu’il a des goûts musicaux populaires et certifiés “ à la mode”. N’allons pas caricaturer à outrance non plus, l’homme sensible fait aussi régulièrement partie du courant culturel “mainstream”, et aller écouter Booba ou Fast and Furious ne représente pas non plus une corvée.

Option 2 : assumer ce que les autres considèrent comme notre “côté fragile”. Bravo, à ceux qui ont le courage de le faire, car il est évident qu’affronter le regard et d’autant plus le jugement d’un proche est bien plus effrayant que celui d’un inconnu. Alors malheureusement, lorsqu’on a la témérité d’exprimer son réel souhait, il est probable de devoir essuyer moqueries et critiques, et finalement devoir faire marche arrière. Le jeu en vaut peut-être tout de même la chandelle : quoi de plus soulageant que de révéler un complexe et se rendre compte que notre ami possède le même ?

d’« exhibition sexuelle ». Il se serait notamment masturbé en la regardant. Le journaliste fait déjà l’objet d’une enquête à la suite d’une première plainte déposée par la journaliste Fanny Agostini.

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Peur

« LE COURAGE EST LE COMPLÉMENT DE LA PEUR. UN HOMME QUI EST SANS PEUR NE PEUX ÊTRE COURAGEUX » ROBERT ANSON HEINLEIN

L’homme ne cesse jamais d’avoir peur, jamais. Dans une société où les émotions apparaissent sur le visage des hommes, que dire de la peur? Est-ce que la phrase « Moi, je n’ai peur de rien ! » a sa place encore aujourd’hui ? Est-ce que Sylvester Stallone, Arnold Schwarzenegger ou Jean-Claude Van Damme ont été remplacés par la douceur de Tom Holland ou la légèreté de Timothée Chalamet ? La peur fait partie de notre quotidien. À vous le libre choix de l’accepter ou non.

Sport et homosexualité : la tolérence au rendez-vous p.12 Cancer du sein, pas qu’au féminin p.16 « Patron, ma femme gagne plus que moi ! » p.1810

La femme, taille patron p.20 Agresseur malgré moi p.22 Et si j’étais un homme? p.23 11


PEUR

À part Guillaume Cizeron, aucun homme n’avait fait son coming out dans le sport

Arnaud Bonnin : « L’homme homosexuel dans le sport est vu comme un sous-homme »

Avec un carton total chez les téléspectateurs de Canal +, le documentaire « Faut qu’on parle » a ouvert la voie aux prises de paroles des homosexuels dans le sport. Depuis quelques années, la parole s’est libérée et six sportifs dont trois hommes ont accepté de se confier en public : le nageur Jérémy Stravius, le rugbyman Jérémy Clamy-Edroux et le patineur Kevin Aymoz. À la base de ce travail long de dix mois, son réalisateur Arnaud Bonnin. Pour Sensible, l’ex-journaliste du groupe Canal revient en exclusivité sur son documentaire déjà culte. Le 15 décembre 2021, Arnaud Bonnin remportait le Prix Spécial aux micros d’or pour son documentaire, Faut qu’on parle. ©Micros d’or

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Pourquoi avoir décidé de vous pencher sur ce sujet aussi tabou ?

l’assumant : “ il n’y a pas de honte”, en posant la question directement aux sportifs .»

« On peut faire autant de sensibilisation qu’on veut avec les opérations menées par la ligue ou les fédérations, mais à partir du moment où on n’a pas de témoignages, ni de prises de paroles, de modèles, c’est une thématique oubliée. Il n’y a pas de cas célèbres en France. Il faut qu’on arrête l’hypocrisie et qu’on sorte du tabou, que des gens parlent, en faisant un longmétrage que personne n’avait fait avant. On voulait faire un documentaire collectif, c’était la seule manière d’avoir des coming out parce qu’ils avaient tous peur de prendre une vague d’insultes, de critiques ou de médiatisations liées à ça. Ils ne voulaient pas être seuls porte-parole de cette question-là. On voulait sortir de ce tabou. Il y avait encore des gens qui pensaient qu’il n’y avait pas d’homosexualité dans le sport. »

Sensible dresse un portrait de l’homme et ses émotions. On dit d’ailleurs souvent que ces hommes n’ont pas le droit d’exprimer leurs sentiments. Dans le sport, le coming out masculin est-il plus dur que pour les femmes ?

Comment avez-vous déniché vos personnages ? « Il y en a certains que je connaissais parce que j’avais fait des tournages avec eux et donc j’avais réussi à le savoir. Je pense à Céline Dumerc ou Astrid Guyart (NDLR : 2 des trois femmes qui apparaissent dans le documentaire avec Amandine Buchard). Je connaissais leur vie privée. Pour elles, c’était en allant sur le terrain et en les rencontrant précédemment. Pour Jérémy Stravius, je suis parti de la rumeur qui existe depuis longtemps dans le milieu de la natation. Je me suis dit, je vais y aller franco avec mon autre réalisateur en allant le voir et en lui expliquant le projet. On est obligés de se baser sur cette rumeur, mais pas dans un esprit voyeuriste et malvoyant. On voulait faire quelque chose de fort et positif. Mais on est obligés de partir de la rumeur parce que ce n’était pas écrit sur son front. Quand on est journalistes, on sait qu’il y a des rumeurs. Ça parle beaucoup. Nous nous sommes appuyés dessus en

« Clairement, le milieu du sport masculin est rempli de stéréotypes virilistes. La différence entre les hommes et les femmes est qu’un homme homo dans le milieu du sport est perçu comme une faiblesse. Chez les femmes, l’homosexualité est vue comme une surfemme. L’homme homosexuel est lui vu comme un sous-homme. C’est tout autant des stéréotypes débiles les uns comme les autres. Mais, c’est plus facile d’être une surfemme qu’un sous-homme, même si cela reste difficile à vivre. Il y a un peu plus de bienveillance dans les collectifs féminins. C’est vrai que dans la société en général, les collectifs masculins sont marqués par la concurrence exacerbée ou la compétition. Être un peu différent, sortir du cadre, ça reste encore plus compliqué ! »

« Les sportifs ont aussi participé à ce documentaire pour montrer la voie aux plus jeunes » Ces six sportifs que vous avez rencontrés, vous rendez-vous compte qu’ils font office de pionniers dans ce domaine ? « Nous voulions libérer la parole, encore plus pour les trois garçons du documentaire. Les filles, ça faisait un petit moment que c’était plus libre. Même s'il n’y avait pas des dizaines d'exemples. Les filles étaient plus en avance que les garçons sur ce point-là. À part Guillaume Cizeron, aucun homme n’avait fait son coming out dans le sport. Il était le seul. Il y en a trois autres qui arrivent. Il faut espérer que ça va libérer ceux qui en ont besoin. L’idée n’est pas de dire qu'il faut absolument parler, mais nous, on a parlé et ça fait 13

du bien. Ils veulent lancer un mouvement. J’espère que ça va permettre de libérer certains et même si ce ne sont pas des coming out médiatiques, mais dans leur milieu. Beaucoup de gens ne parlent pas, notamment des hommes, qui mentent dans leur milieu. Le but n’est pas de faire un coming out à la Une de l’Équipe. Le message est : si vous ressentez un mal-être, parlez et prévenez votre entraîneur ou vos coéquipiers. »

J’imagine que vous aviez une forte appréhension avant la sortie du documentaire, surtout sur un sujet aussi tabou. Comment l’avez-vous gérée ? « On était hyper inquiets pour les sportifs. On était très attachés à eux avec le tournage. Certains haters auraient pu les briser. On avait leur responsabilité puisque c’est nous qui sommes allés les chercher. Les retours négatifs font mal et pouvaient les sortir de leur routine de sportifs de haut niveau. Un petit grain de sable peut les gêner. On était finalement hyper rassurés de toutes les retombées sur le documentaire. Eux ont eu beaucoup de positif et des messages très bienveillants. Les sportifs ont aussi participé à ce documentaire pour montrer la voie aux plus jeunes. Ils voulaient aider les jeunes à se sentir mieux dans leur peau. Être homo n’est pas une fin dans le sport. Avoir les messages de ces gens-là était très positif. De nombreuses institutions s’en sont emparées comme les ministères ou les fédérations. Jérémy Clamy-Edroux a été reçu par Emmanuel Macron durant la finale du Top 14. Il y a eu une grosse manifestation politique et institutionnelle qui les a aussi beaucoup rassurés. Ils sont hyper solides. S'ils se font attaquer, ils ont de grands soutiens. Les ministères et les fédérations en cas de problème monteront au créneau. C’est un soulagement. » Propos recueillis par Oscar BERTRAND


Face à l’homophobie dans le sport, le match est encore loin d’être gagné. ©MadeinFoot

PEUR

Mettre l’homophobie sur le banc de touche Annoncer son orientation sexuelle dans le monde du sport reste délicat. Si le sport prône des valeurs universelles d’égalité, de respect et d’inclusion, il demeure néanmoins un milieu où les discriminations selon son orientation sexuelle sont légion, dans le sport amateur comme professionnel.

Moqueries, insultes et rejets demeurent, encore aujourd’hui, le quotidien des personnes homosexuelles dans le sport. Et très souvent, les discriminations liées à l’homophobie sont banalisées. Les insultes “pédé” ou “tapette” sont notamment monnaie courante dans les enceintes sportives. En effet, le sport reste à la traîne dans le combat contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle. Selon un sondage de l’Ifop, environ 20 % des athlètes LGBT auraient déjà été victimes de discrimination en club. Bien que certains sportifs et sportives commencent à faire leur coming out - comme ceux ayant témoigné dans le documentaire de Canal+ Faut qu’on parle (cf - page 14) - l’homosexualité est

encore un sujet tabou dans le sport français. Seulement sept témoignages de LGBTphobie dans le monde du sport ont été signalés en 2018, selon SOS Homophobie. Soit 0,5 % des 1650 signalés en 2017 à l’association. Un chiffre minime montrant que la parole des victimes n’est pas encore libérée et que ce problème sociétal est peu pris en charge. Depuis la signature d’une dizaine de fédérations de la charte contre l’homophobie dans le sport, en 2010 - sous l’égide de Rama Yade, alors secrétaire d’État aux sports peu de réelles mesures ont été prises. Certes, il y a eu la grande campagne “ExAequo”, contre les discriminations dans le sport, mais cela n’a pas fait avancer les choses 14

concrètement. De plus, le contenu de la proposition de loi “Sport et Société”, votée définitivement le 24 février prochain, visant à développer la pratique du sport pour le plus grand nombre, déçoit les organisations LGBT. Ces dernières dénoncent un manque manifeste de mesures pour améliorer l’inclusion.

Paris Aquatique : un modèle dans l’engagement de ce combat ? Pour briser cette omerta, certaines fédérations sportives développent des politiques “gay friendly” pour un sport inclusif. Ces dernières sont notamment sous l’égide de la Fédération Sportive LGBT+. C’est le cas de Les Rebelyons, une

association sportive lyonnaise fondée pour promouvoir une image positive de l’homosexualité et de l’inclusion dans un sport très genré : le rugby. C’est le cas également du Paris Aquatique, rassemblant plus de 550 adhérents. Fondé en 1990, le club lutte contre toutes les discriminations et plus particulièrement celles fondées sur l’orientation sexuelle comme l’explique Brice Mureau, responsable du pôle inclusion du club. « Paris Aquatique a été créé comme une association de sport qui lutte contre les discriminations et plus particulièrement celles liées à l’orientation sexuelle, puisque ça a été fondé par des homosexuels hommes et femmes, majoritairement par le genre masculin notamment au début. Le but ? Créer des espaces sportifs “safe” où il n’y a pas de jugements, de discriminations sexistes ou homophobes ou quoi que ce soit d’autre », explique-t-il. « Depuis, nous avons élargi notre engagement : promouvoir le sport pour tous et pour toutes quel que soit l’orientation sexuelle, comme je l’ai dit, mais également le milieu social, le handicap, le sexe, l’âge... » Ce genre de clubs sportifs pourrait permettre de faire évoluer les mentalités et de briser le tabou de l’homosexualité dans le sport. « On a réussi à faire valoir des compétitions mixtes qui ne se faisaient pas avant. Puis, même au quotidien, dans nos entraînements, envers nos adhérents et nos adhérentes, on a plein d’actions autour de ces questionnements sur la communauté LGBT+. C’est en continuant nos actions que les choses évolueront», poursuit-il. Des grandes figures du sport agissent de plus en plus pour faire reculer l’homophobie dans le sport. Elles participent à des campagnes de sensibilisation comme “#EqualGame”, lancée par l’UEFA, et prennent publiquement la parole sur ce sujet. Le footballeur français Olivier Giroud et son compatriote Antoine Griezmann ont notamment posé pour le magazine

Le footballeur Antoine Griezmann en couevrture du magazine « Têtu ». ©Têtu

LGBTQI+ Têtu. Ce dernier avait déclaré, dans un documentaire en 2019, qu’il serait « fier si l’un de ses coéquipiers venait à faire son coming out ». De plus, les instances sportives sanctionnent quasi systématiquement les actes relevant de l’homophobie. Une avancée de plus.

Les 22e Eurogames à Lyon en 2025 ? La France se lance également dans l’organisation de compétitions sportives visant à promouvoir l’égalité d’accès à la pratique, quelle que soit son orientation sexuelle. En 2018, c’est Paris qui avait organisé la 10e édition des Gay Games, un événement sportif et culturel historiquement destiné aux personnes homosexuelles, bisexuelles et 15

transgenres, sans pour autant exclure les hétérosexuels. Le mouvement sportif LGBT+ a déjà porté sa candidature pour accueillir, à Lyon, la 22e édition des Eurogames, prévue en 2025. Rassemblant plus de 4 000 sportifs pendant quatre jours, les Eurogames sont des minis Jeux Olympiques où des sportifs s’affrontent dans plus d’une vingtaine de disciplines. C’est aussi l’occasion d’échanger et de sensibiliser autour de certains thèmes comme la diversité, l’inclusion, la solidarité… Des actions prises, des événements organisés, des mentalités changées, l’homophobie tend à disparaître du sport. Le coup d’envoi peut enfin être sifflé. Emma RESSEGAIRE


En France, le cancer du sein touche seulement 550 hommes chaque année, mais globalement, le nombre d’hommes touchés a augmenté de 26 % en Europe au cours de ses 20 dernière années. Pourtant, beaucoup ignorent son existence. Président du conseil scientifique de la fondation ARC* Éric Solary révèle aujourd’hui les raisons d’un tel paradoxe.

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%. C’est la part des cancers du sein qui touche directement les hommes. Une donnée qui paraît faible et pourtant, elle est en constante augmentation. « Ces quarante dernières années, on a assisté à une hausse de 40% dans ces maladies aux États-Unis et 26 % ces 20 dernières années en Europe », confie Éric Solary, président du conseil scientifique de la Fondation ARC. Le développement de cette maladie s’explique par la cirrhose, la prise de poids, entraînant l’obésité, ou une surexposition aux radiations. La maladie n’est pas si différente selon les sexes précise le professionnel de santé, mais une divergence existe malgré tout. « Chez l’homme comme chez la femme, la maladie se traduit par une masse non-douloureuse dans le sein ou un ganglion sous le bras, également nondouloureux. La seule différence se situe dans la mutation du gène BRCA2 (gène supresseurs de tumeur, responsable de 10 à 20 % des cancers du sein), plus susceptible d’infecter l’homme que la femme. Cette mutation serait à l’origine de 15 à 20 % des cancers du sein chez l’homme.» Si cette tumeur touche plus les dames, les hommes en succombent plus souvent. En 2014, le taux de survie moyen, pour un homme était de 69 % une fois le cancer diagnostiqué, contre 80 % chez la femme. « Les études cliniques structurées sur

le sujet sont rares, car c’est un cancer peu courant. De ce fait, les hommes se sentent invulnérables. Ils ne sont pas dépistés à temps et donc pris en charge plus tardivement », affirme le docteur Solary. L’âge est également un facteur déterminant pour les malades. « Chez la femme, la sensibilisation se fait dès 50 ans avec des mammographies tous les deux ans. Pas chez l’homme… »

Un blocage psychologique plus important chez l’homme Mais si la maladie est peu connue, elle est d’autant plus taboue lorsque la nouvelle est accueillie par la gent masculine. « Les hommes peuvent être sujets à des blocages psychologiques du fait de contracter une maladie destinée en théorie aux femmes. Il n’est pas simple d’évoquer sa maladie en public, encore plus lorsqu’elle est rare et aussi stéréotypée que le cancer du sein», continue le professeur Solary. Ce dernier ne manque pas d’évoquer un phénomène de honte que certains patients ont pu ressentir. Selon lui, certains malades ressentent un sentiment d’humiliation. Pourtant, la maladie existe bien étant donné que les tissus sont identiques chez les deux genres. Les professionnels de santé doivent aussi s’adapter lorsqu’ils s’adressent à un homme. « Lorsque l’on évoque ce type de maladie, il faut se poser la question de la manière d’annoncer 16

« Au début, j’étais sujet à des moqueries » Le cancer du sein touche à 99 % les femmes. Pour les 1 % d’hommes concernés, les risques ne sont pas moins importants, mais sont souvent méconnus. Stéphane Cognon s’est vu diagnostiquer un cancer du sein en mars 2016. Depuis, cet ancien chargé de communication a décidé d’écrire un livre* pour sensibiliser l’opinion publique, et continue de témoigner pour aider les malades et leurs familles.

Quel a été votre première réaction lors de votre diagnostic ?

Schéma représentant une tumeur cancereuse chez l'homme ©journal des femmes santé

le diagnostic. Ceci étant, on ne fait pas de distinction entre un homme et une femme. On adapte notre approche en fonction de la personnalité du patient que l’on a en face de nous », souligne le docteur Solary. Outre cet aspect, les hommes sont plus craintifs. Il est difficile de faire admettre aux hommes qu’ils ont des seins. De ce fait, l'acceptabilité de la maladie est souvent plus délicate. Pour rappel, le cancer du sein a touché 550 hommes en 2019 en France. Un chiffre qui pourrait ralentir si plus d’études cliniques étaient rédigées sur le sujet. *Association pour la Recherche sur le Cancer

« Ça a été un véritable choc, je me suis senti déstabilisé. Je ne pensais pas avoir affaire à un cancer du sein. Pour moi, cette “petite boule” était un kyste. Je ne m’inquiétais pas. Mais à mesure que le temps passait, je commençais à me poser des questions. J’ai pris la décision de me rendre chez un chirurgien. Une fois, là-bas, on m’a dit que c’était gros pour un kyste. J’ai donc fait une biopsie, mais sans crainte. Je pense que je devais être dans le déni. Ma femme était enceinte quand on m’a annoncé la maladie. Pour elle, l’annonce était vraiment dure, surtout quand on parlait de traitement lourd. »

Comment avez-vous ressenti le regard des gens, que ce soit en privé ou en public ? « Au début, les gens ne me croyaient pas. Ils pensaient que c’était une blague. J’ai eu un peu des moqueries, notamment parmi mes proches qui prenaient ça à la légère. Mais ça n’a pas duré longtemps. Personnellement, ça ne m’a pas forcément déstabilisé, mais chacun réagit à sa manière. On n’a pas forcément envie que les personnes en rajoutent, c’est déjà difficile à gérer au quotidien. »

Quels problèmes avez-vous rencontrés face à cette maladie peu connue du monde médical ? « Le problème principal, c’est le retard du diagnostic. On ne pense pas que ça peut nous arriver, alors on n’y prête pas attention. Le risque, c’est que la maladie soit dormante et qu’elle se développe de manière fatale. Il a fallu que j'insiste pour que les médecins y prêtent attention. Ça, c’est un problème. Il faut parler de cette maladie en se disant, “je peux 17

Stéphane Cognon, l'un des rares homme a avoir eu un cancer du sein. ©Stéphane Cognon.

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Le cancer du sein, une maladie qui s’écrit aussi au masculin

en être victime”. Si les dépistages pour le cancer du sein chez la femme, c’est tous les deux ans à partir de 50 ans, il faut que ce soit aussi le cas pour les hommes. Certes, l’examen est plus compliqué, car le sein est plus petit, mais avec une bonne mammographie, on voit directement le problème. » Y a t-il des différences de traitement selon vous ? « Oui, je me suis aperçu qu’on n’était pas logé à la même enseigne. Les soins n’étaient pas forcément adaptés pour les hommes, ce qui apporte une problématique différente. »

Vous êtes aujourd’hui en rémission. Selon vous, comment sensibiliser la population à cette maladie et l’informer sur ses traitements ? « Aujourd’hui, je suis pair aidant. J’ai l’occasion d’intervenir auprès de malades, mais également de proches et autres personnes qui se poseraient des questions sur cette pathologie. Il faut que les gens puissent parler de leurs maladies. Pour ma part, je me suis tourné vers des associations comme Cancer contribution qui m’a permis de libérer cette parole face à cette maladie. Je pense que pour certains, c’est plus facile d’être aidant que d’appeler “à l’aide”. À travers ces prises de paroles, je transmets mon savoir expérimental. Une expérience qui, je l’espère, guidera tous les malades vers le chemin du soin. » Propos recueillis par Thibaut EPERDUSSIN * Je reviens d’un cancer du sein - Et comment je me suis rapproché des femmes, Stéphane Cognon. Éditions Frison Roche, avril 2019.


Les hommes angoissent quand leur compagne perçoit un meilleur salaire, selon une étude britannique ©Pexels/Andrea Piacquadio

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Inégalités salariales, la belle et le clochard C’est bien connu, les hommes gagnent en moyenne plus que leur femme. Mais il existe des exceptions. Une situation qui, dans une société qui ne cesse de changer, peut susciter la peur et engendrer quelques tensions. Explications.

L

e salaire de leur conjointe. Ce peut être une peur, voire une honte chez certains hommes. Selon une recherche britannique de l’Université de Bath, les hommes stressent naturellement quand ils assument la quasi-totalité des revenus du ménage. Si leur conjointe gagne suffisamment pour partager les dépenses, ce stress diminue. Mais suffisamment a des limites. Toujours selon les chercheurs de Bath, ce même stress remonte quand le salaire des femmes est à hauteur de 40 % du revenu familial. Jusqu’à en devenir une angoisse lorsque les conjointes gagnent plus que leur époux.

La peur qui mène au mensonge Un sondage CNN (chaîne de télé américaine) de 2018 révélait que certains hommes avaient déjà menti sur les chiffres de leurs salaires, et le grossissaient en moyenne de 2,9 %. Chez les

femmes aussi la réalité est cachée : 1,5 % du salaire est volontairement diminué dans certains foyers américains. Mais en France alors? Une étude de l’Insee montre que 25 % des hommes touchent un salaire moins important que leur partenaire. Et parmi eux, un petit lot de menteurs. « Il m’est déjà arrivé de grossir les chiffres de ma paye, oui, avoue Frédéric, électricien, et marié à une notaire. Ça faisait bizarre de voir ma femme avoir un meilleur revenu. On a grandi dans une société où l’homme gagne plus que la femme et où l’on trouve ça normal voire logique. » Ce n’est pourtant pas le même point de vue pour JeanLouis, préparateur en pharmacie à la retraite, dont le salaire était légèrement plus bas que son épouse. « C’est compliqué de faire face à cette réalité, mais je me rassure en me disant que plus tôt dans ma carrière, je gagnais plus que mes collègues femmes. En revanche, je n’ai jamais 18

dit à mon épouse que cela me dérangeait ». Mais du côté des dames, le mensonge existe aussi. « Je mens souvent sur le prix des courses, ou des sorties pour les enfants », avoue Nathalie, cheffe d’entreprise. Des mensonges qui se complètent avec une donnée intéressante : un tiers des couples ne met pas en commun ses revenus.

charges de travail plus importantes de la femme. Un mépris de l’homme donc, multiplié par son angoisse de voir son épouse gagner plus que lui, ferait grimper le taux de disputes. « Avec mon ex-femme on s’engueulait souvent, et ça a mené au divorce. Elle gagnait plus que moi, était moins souvent à la maison, et par conséquent nous sortions peu avec ses nombreuses heures de travail. Ça n'a pas aidé notre couple je pense, explique Ghislain, 47 ans et professeur des collèges. Il faut dire aussi que j’ai grandi dans un foyer où ma mère ne travaillait pas, et mon père était la seule source de revenus.» Un machisme dissimulé, parfois maladroit, mais qui explique peutêtre le comportement des hommes et l’angoisse causée par la situation.

Un changement de normes sociales ? De la place plus importante de certaines femmes dans les ménages découle une autre peur : celle des responsabilités inversées. Une peur partagée aussi bien par les hommes que par les femmes. « Il est bien plus souvent à la maison que moi, j’assume une grosse partie des dépenses mais un beau jour j’en aurais sûrement assez, j’appréhende ce moment », explique Séverine. « On se rend souvent au restaurant, et c’est elle qui paye. L’idée d’être un homme et d’être constamment invité, je n’aime pas du tout », avoue non sans mal Lionel, son

mari. Le ressenti de ne plus avoir ce rôle d’homme s’explique en grande partie par des normes sociales bien ancrées. « Les différences et inégalités entre les hommes et les femmes sont sociales, et non naturelles. Par habitude, les femmes sont moins bien payées, prennent plus de temps pour différentes tâches,

cas, en somme, l’homme vit mal d’être en décalage avec ce qu’on attend de lui comme homme, et à l’inverse la femme vit mal d’être en décalage avec son “rôle” de femme.

En définitive, il existe bien une peur chez les hommes de voir leur

Le fait qu’une femme gagne plus que son mari expliquerait 29 % des divorces comme s’occuper des enfants par exemple », détaille Laurence Tain, sociologue spécialiste des questions de genre et d‘égalité femmes-hommes. La situation « classique » est donc celle que tout le monde connaît : l’homme gagne plus que la femme. Dans un ménage, quand cela est inversé, les réactions sont différentes. « Certaines personnes acceptent cette situation, parce qu’ils souhaitent justement se décaler de ces normes ambiantes, c’est dans leur personnalité, justifie Laurence Tain. Et au contraire, d’autres le vivent mal, par rapport notamment à ce qu’ils ont pu voir à l’école, dans leur famille, dans la lecture ou même dans les films. » Dans ce deuxième

compagne gagner plus qu’eux ; stressés quand ils assument une grande partie des revenus, mais également quand leur conjointe a une dominance financière. Bien souvent dissimulée, par souci d’égo, cette peur se conjugue avec des nouvelles normes qui ne sont pas souvent acceptées. Quand l’un accepte cette nouvelle forme d’égalité, voire de dominance ; l’autre reste figé dans les pensées traditionnelles. À vous de déterminer le meilleur exemple à suivre, dans une société où les différences et les normes deviennent fébriles. Pierre BENARD

Des écarts salariaux qui peuvent mener au divorce Si le mensonge sur la paye perçue est bien souvent minime, les écarts de salaires dans les ménages peuvent être source de tensions. Selon une étude plus ancienne, datant de 2013, de la Booth School de Chicago, le fait qu’une femme gagne plus que son mari expliquerait 29 % des divorces. Un chiffre élevé, mais qui prouve aussi que ces conflits ne mènent pas toujours au pire. Ils peuvent « seulement » provoquer des tensions, notamment dues aux

Près d’un tiers des mariages se cassent quand la femme gagne plus que l’homme ©Pexels/cottonbro

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Isabelle Vray-Echinard : « Une cheffe d’entreprise, ça fait autant peur aux hommes qu’aux femmes » PDG de Mirima Design et de Classhotel, deux entreprises basées à Chassieu (Rhône), Isabelle Vray-Echinard a dédié une partie de sa vie au management. Cette patronne nous livre son ressenti sur ce sujet qui fait débat : la peur des hommes de se faire diriger par une femme.

Quel est votre regard sur cette peur que peuvent pour ça aussi que je parle d’autocensure de la femme. avoir les hommes à être dirigés par une femme ? Nous sommes obligées de nous blinder, nous n’avons « J’ai plus de trente années d’expérience dans le management, et je n’ai pas souvent eu cette impression-là. Cela dépend beaucoup de la posture du manager, qu’il soit un homme ou une femme. Il faut quand même dire que nous sommes dans une société culturellement patriarcale. Pour moi, manager en tant que femme ne devrait pas poser question. Pourtant, je pense que ce sont autant les hommes que les femmes qui ont peur d’être dirigés par une femme. Ce qui change, c’est que les hommes ont une peur, peut-être inconsciente, d’être touchés dans leur virilité. »

Selon-vous, les femmes auraient-elles également peur de se faire diriger par une cheffe ?

Comment ces paroles ont-elles évolué ?

« Le fait d’être managé par une femme pose question*. Car qui dit manager dit pouvoir, c’est une stupidité selon moi. En effet, diriger de manière autocratique ne fonctionne plus de nos jours. Si une femme est à la tête d’une entreprise, elle ne fait donc pas ou mal ce que la société attend d’elle culturellement parlant. J’insiste, c’est l’avis de la société. De manière générale, les femmes sont aussi en accord avec cette idée. Et même si cette façon de penser est amenée à changer avec les nouvelles générations, je pense que c’est encore bien ancré. »

Comment expliquer qu’aussi peu de femmes soient à la tête d’entreprises ? « Les hommes ne se posent pas la question de leurs compétences, alors que les femmes se la posent systématiquement. C’est encore une question culturelle selon moi. Ces dernières n’imaginent même pas accéder à un poste de management si elles ne se sentent pas légitimes pour le faire. »

Il y aurait une sorte de résignation finalement ? « Je n’irais pas jusque-là. C’est plus la peur du regard des autres. Lorsqu’une femme a un poste de direction, nous allons nous arrêter sur des détails sur lesquels nous ne nous arrêterions pas pour des hommes. La cheffe, elle-même, a donc intégré le fait qu’elle doive être “parfaite”. Par exemple, lors d’une réunion, si une femme est mal coiffée ou mal habillée, elle va faire l’objet de critiques de la part d’hommes mais aussi d’autres femmes. À l’inverse, jamais un homme ne sera sujet à de telles remarques. Je vous parle de cela avec le souvenir de mes trente années d’expériences en entreprise. »

De votre côté, comment avez-vous géré ce genre de remarques déplacées ?

Isabelle Vray-Echinard, PDG de Mirima et de Classhotel. © Tom Baraffe.

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pas le choix. Si le regard des autres nous tétanise, il faut rester chez soi. Après, il y a quand même des choses qui ont pu me blesser. Cependant, je ne l’ai jamais laissé paraître malgré la violence des propos. J’ai entendu des choses telles que “elle a dû coucher avec celui-là pour avoir le poste”. J’ai entendu cette phrase plusieurs fois. C’est une réalité, je ne peux pas le nier. Je pense que beaucoup de femmes aujourd’hui en souffrent, ou du moins ne veulent pas être exposées à ce genre de remarques, et donc ne tentent pas de monter dans la hiérarchie de leur entreprise. D’autant plus que les paroles désagréables viennent aussi de la bouche d’autres femmes. C’est sûrement une sorte d’envie finalement.»

« La différence c’est que moi, je me suis toujours moquée de cela. J’ai eu des postes à responsabilité très jeune, et je me suis dit que si je m’arrêtais au regard des autres, je ne progresserais jamais. C’est 21

« Je pense qu’elles n’ont pas beaucoup changé… La seule différence, c’est qu’auparavant, les choses se disaient. Aujourd’hui, avec le harcèlement, les propos déplacés, c’est moins dit, mais c’est sousentendu. À l’époque, certaines personnes pouvaient m’insulter en face. C’était parfois sur le ton de la plaisanterie, mais les gens étaient quand même convaincus par leurs dires. Je suis sûre que de nos jours, ces choses ne se disent plus mais se pensent toujours. Pour vous donner un exemple concret, toutes les semaines, lorsque je reçois des personnes dans mes locaux, les gens me demandent s’ils peuvent rencontrer le patron. Même aujourd’hui, on a du mal à me croire quand je dis que je suis la cheffe… C’est d’autant plus vrai que je suis dans l’industrie, un domaine réputé très masculin. Je ne sais pas si cela serait pareil dans le commerce. »

Comment gérez-vous la transparence des salaires au sein de vos entreprises ? « Chez moi, pour casser les idées reçues sur les patrons qui s’en mettent plein les poches, chaque année, nous faisons une séance pour présenter les comptes dans les moindres détails aux salariés. Lors de cette dernière, ils peuvent poser les questions qu’ils veulent. Du coup, il n’y a plus de problèmes. En France, il y a un vrai déficit de connaissances économiques. C’est pour cela que les salariés doivent savoir qu’une entreprise se gère comme la “bourse d’un foyer”. En plus de la transparence, ces séances avaient donc, en plus, un objectif d’apprentissage. Pour moi, le problème ne se pose pas. Je n’ai rien à cacher donc je suis totalement transparente. » Propos recueillis par Mattéo ROLET

*Une étude publiée par YPO – Young President’s Organization, communauté mondiale de dirigeants basée aux États-Unis – montre que seulement 5 % des femmes sont à la tête d’entreprises dans le monde.


Agresseur malgré moi Il est 23 h. La rue Neyret dans le 1er arrondissement de Lyon est quasiment déserte, et je rentre chez moi à pied. Mais je suis contraint de marcher à deux à l’heure. La raison ? Une fille presse le pas, une dizaine de mètres devant moi. Pour éviter de l’effrayer en me rapprochant d’elle, je ralentis. Je n’ai rien à me reprocher. Mais avec tous les mouvements féministes depuis cinq ans, je ne sais plus comment je dois me comporter dans la rue à cette heure. Sur Twitter, je vois souvent passer ces histoires de filles qui se font suivre, ou de mecs qui se collent à elle. En en parlant avec mon entourage, les avis sont plutôt mitigés. Quand j’explique aux femmes que je ralentis quand l’une d’entre elles est devant moi le soir, elles me remercient, et saluent un comportement rassurant. « C’est moins oppressant, on a moins le sentiment d’être suivi, ce qui arrive souvent », m’explique Léa, une étudiante lyonnaise. Mais avec les hommes il y a deux groupes. Ceux qui font comme moi, « je change de trottoir la plupart du temps, c’est juste pour éviter de lui faire peur sans le vouloir », dit un de mes amis. Et puis les autres. Ils s’en foutent, et avancent tête baissée. D’ailleurs, ils trouvent ridicule d’adapter sa vitesse ou de changer de trottoir. « T’as peur de quoi ? si t’as

rien à te reprocher et que tu comptes rien lui faire t’as rien à craindre. » Mais qui a le plus peur ? D’un côté, ils ont raison de me dire que c’est ridicule. Je ne suis pas un violeur et je ne compte pas agresser cette fille. Mais je ne veux pas me retrouver dans un thread Twitter sur le harcèlement de rue, parce que je marchais à côté d’une fille à 11 h du soir. Peut-être que je suis en train de devenir parano, en pensant à toutes ces histoires pendant le mouvement “#Meeto” et “Balance ton porc” ». Mais je ne suis pas le seul à l‘être. Cette fille devant moi l’est probablement. Je la comprend, avec toutes les atrocités qui font la Une de notre quotidien, elle a bien raison de se méfier à outrance.

je change de trottoir la plupart du temps, c’est juste pour éviter de faire peur sans le vouloir

D’autant que selon les statistiques de l’IPSOS, 81 % des femmes ont déjà subi du harcèlement sexuel dans un lieu public. 81%. 8 femmes sur 10. Ce chiffre donne mal à la

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tête, mais combien d’hommes en sont responsables ? Là, on arrive dans l’éternel débat de “Men are trash” et du “Not all men”. Moi, je ne me sens pas concerné, moi, je ne compte pas agresser cette fille. Un comportement d’autoflagellation Alors, à cause de quelques types qui n’ont aucune gêne et qui se permettent des horreurs, je dois me restreindre. Comme ce soir quand je marche à deux à l’heure, pour éviter de faire peur à cette fille. Mais je ne suis pas comme ces tarés. Pourquoi, serait-ce à moi de prendre la responsabilité d’autres personnes ? Ce n’est pas de ralentir ou de changer de trottoir qui va faire disparaître le harcèlement de rue et encore moins rassurer toutes les femmes que l’on croise tard le soir. Ça ressemble à un coup de poignard dans l’eau, mais j’aurais œuvré à ma manière. Et si les mentalités de certains débiles - et le terme est faible - ne veulent pas changer, le reste de la gente masculine peut au moins essayer d’être rassurant avec mesdames. Alors ce soir, je vais mettre 10 minutes de plus à rentrer chez moi, je vais être moqué par une partie de mes potes, mais cette fille devant moi ne rentrera pas chez elle terrorisée. C’est déjà ça.

Et si j’étais un homme ?

E

t si j’étais un homme ? M’auraiton traitée de la sorte ? Auraisje peur de sortir seule pendant la nuit ? En tant que jeune femme de 22 ans, ces questions, je me les pose souvent. Même trop souvent... « Et si j’étais un garçon, m’aurait-on laissée jouer au ballon dans la cour de récréation », ou encore « m’aurait-on interrogée en classe de physique ? ». Commençons par l’école primaire, la découverte du sexisme pour ma part. Aussi incompréhensible que cela puisse paraître, selon une étude*, les filles seraient moins interrogées lors des cours scientifiques. Alors, je me demande maintenant pourquoi dans un pays où la devise est “liberté, égalité, fraternité” les jeunes filles doivent déjà se battre pour être égales aux garçons ? Pourquoi même à 8 ans, nous ne sommes pas épargnées par ce sexisme omniprésent en France ? « Et si j’étais un homme, me regarderaiton de la sorte ? ». La salle de sport est un bon exemple de sexisme en France. Pour éviter d’être gênées, d’être scrutées, d’être reluquées de haut en bas, nous les femmes, nous en arrivons même à aller dans les salles de sport aux horaires les moins fréquentées. Vous rendez vous compte de la répercussion de vos actes ? Et quand je rentre chez moi, toujours ce genre de questions qui se balade dans mon esprit : « Et si j’étais un homme, aurais-je peur de rentrer seule chez moi le soir ? Auraisje constamment besoin de vérifier derrière moi si personne ne me suit ? ». Je pense que la réponse est malheureusement non… Et je

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pense surtout que ça commence à faire beaucoup pour quelqu’un qui n’est pas si différent de vous, les hommes. Vous ne trouvez pas ? « Et si j’étais un homme, je serais mieux payée pour le même travail ? » Évidemment, la réponse est oui. Sinon ça ne serait pas assez humiliant pour nous, les femmes. En effet, notre chère et belle société française a décrété qu’une femme, avec les mêmes capacités qu’un homme, n’est pas assez compétente pour être rémunérée au même titre. Et les chiffres** sont alarmants. En 2021, les hommes étaient rémunérés en moyenne 28,5 % de plus que les femmes. Oui, vous avez bien lu : 28,5 %. Autant dire qu’à partir du 3 novembre 2021, les femmes travaillaient “gratuitement” jusqu’à la fin de l’année. Enfin bref, si je le pouvais, je remplirais Sensible d’autres exemples aussi humiliants pour nous les femmes. Mais tout autant pour vous, les hommes, qui participez à ce désastre machiste. Alors messieurs, j’espère que vous vous rendez compte de ce que toutes les femmes autour de vous vivent depuis leur naissance jusqu’à leur mort. Maintenant il est temps de s’unir et de faire bouger les choses. Margot LAURENT *Selon une étude du Haut Conseil à l’Égalité sortie en 2017 **Selon une étude d’OXFAM France, sortie en 2021


Soumission « PARTOUT OÙ L’HOMME A DÉGRADÉ LA FEMME, IL S’EST DÉGRADÉ LUIMÊME » CHARLES FOURIER

Les rapports entre êtres humains, femmes ou hommes, sont peu souvent égaux. Notre société fonctionne globalement sur des rapports de force, assumés ou non. Qu’il s’agisse d’une hiérarchie au travail, du rapport enseignant/élève, parent/enfant et bien d’autres, il existe de nombreux modèles sociétaux, où un être humain domine légitimement ou non un de ses homologues. Grand mal nous fasse, durant des siècles, l’homme a été placé au-dessus de son alter ego féminin. Si la société tend à rééquilibrer logiquement ces rapports de force, le combat n’avance pas toujours aussi vite qu’il le devrait. Dommage, il paraît évident qu’il serait peut-être encore plus bénéfique à la gente masculine, obligeant certains de ces membres à devenir plus respectueux et par extension respectables, phénomène décrit avec justesse par Charles Fourier.

Macho et 2022, ça match plus p.26

En politique, les plus grands devant p.34

Les femmes rentrent dans le rang ? p.29

Autopsie du hater de Sensible p.37

Quand les hommes vendent leur corps aux femmes p.32 24

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SOUMISSION

Masculinisme : le mâle fait sa crise Le masculinisme suscite l’interrogation, pouvant passer du dédain à l’admiration. Si le terme est encore peu connu de l’opinion publique, ses partisans, eux, ne cessent de se rassembler et de se réformer. Ainsi, différents groupuscules masculinistes ont vu le jour, portant parfois des discours extrémistes et méprisants envers les femmes, remettant en cause la légitimité de leur combat.

L

undi 8 avril 2018, un masculiniste du nom d’Alek Minassian tue 10 personnes, dont 8 femmes à Toronto, au Canada. La raison ? Il n’aime pas la gent féminine. À ce moment précis, le masculinisme questionne et son image effraie l’opinion publique. Sa cause est prise au sérieux, ses adeptes sont de plus en plus nombreux, ses détracteurs se mobilisent et tapent du poing. Avec la diversité d’informations à son sujet, la vox populi ne sait plus où donner de la tête.

imposées par leur compagne ou encore les fausses accusations d’abus sexuels. » Il existe désormais cinq groupes masculinistes reconnus*. Chacun d’entre eux avec des idéologies différentes, parfois mesurées, parfois extrémistes. « Certains hommes sont devenus violents, misogynes, brutaux pour défendre de vrais problèmes sociétaux. Simplement, car ils n’étaient pas compris. Ce n’est pas étonnant que ces hommes se regroupent par la suite, et aient un langage et

Incompris ? Avec des cas extrêmes - comme l’attaque à Toronto - ou des causes parfois plus justes et justifiées, l’opinion publique est chamboulée. Le terme masculinisme devient flou et peut perdre de son sens. Leur combat est incompris. Pour Patrick Guillot, président du groupe d’études sur les sexismes, le mouvement a pris des proportions tellement inimaginables, que la cause initiale a perdu de sa nature. « Les prémices du masculinisme, c’est l’hominisme, ajoute-t-il. À la base, ces hommes-là défendent des causes légitimes comme la garde partagée en cas de divorce, les violences conjugales et viols qu’ils subissent, les paternités

« Notre éclatement en plusieurs sous-groupes n’a pas aidé dans la compréhension de notre praxéologie. » D’après Raffaello Bellino, créateur du site Les trois étendards (média masculiniste), la diversité des branches qui se raccrochent à l’idéologie et à l’essence même du masculinisme, a créé une indifférence collective. De ce fait, plus les groupes se diversifient, plus les adeptes peuvent devenir immodérés, causant, une nouvelle fois, une interprétation négative du masculinisme. « Les différents groupes masculinistes ne sont pas pris au sérieux, non pas parce qu’ils sont sous-représentés, mais surtout parce qu’ils sont très mal représentés », ajoute Raffaello Bellino. « Mal représentés » signifie plutôt des combats et causes comme le patriarcat, le machisme et le sexisme, qui seraient jugés anormaux au siècle de la diffusion progressive de la responsabilité sociale.

certains de ces groupuscules ont eu tendance à porter des discours sexistes, phallocratiques et frénétiques, en s’attaquant directement aux mouvements féministes, voire à la femme en elle-même. Pour se faire entendre et caractériser une sorte de domination masculine, certains optent pour un discours patriarcal et machiste comme Adez Infini, administrateur du groupe Facebook Masculiniste, qui souhaite avoir une « relation équilibrée avec les femmes et qu’elles reconnaissent notre autorité au sein du foyer ». D’autres sont plus subtils et se font passer pour les grandes victimes du féminisme, en attaquant directement le mouvement. « Le féminisme est une idéologie au sens propre, tandis que le masculinisme repose sur des fondements scientifiques, et non sur un ensemble de croyances instaurant une vision du monde

particulière. Le féminisme invente chaque jour de nouveaux concepts aberrants, absurdes et extravagants, sans aucun fondement scientifique. » En affirmant cela, Raffaello Bellino opte pour un discours belliqueux, visant à discréditer les pensées liées au mouvement féministe. Pourtant, le créateur du site Les trois étendards ne conçoit pas se faire passer pour des victimes, pour la simple et bonne raison qu’il laisse « la victimisation aux féministes, qui savent manier admirablement bien cette technique de manipulation ». Les extrêmes nuisent aux bonnes volontés Comme dans chaque mouvement engagé, des adeptes peuvent devenir extrémistes. Certains masculinistes auront toujours à cœur de se mettre à dos le mouvement féministe. « Notre combat est plus que jamais légitime, justement parce que les

mouvements féministes prennent toujours plus d’ampleur à l’échelle mondiale », affirme Raffaello Bellino. Aujourd’hui, les visages des mouvements masculinistes sont amochés, causés par une volonté de suprématie masculine, contrairement aux ambitions lors de la création des premiers mouvements. « Certaines de leurs causes sont perdues d’avance. Vouloir que l’homme soit supérieur à la femme est en totale contradiction avec leurs valeurs de base. Si aujourd’hui, ils ne sont pas pris au sérieux, c’est en partie pour ça. Cela fait de l’ombre aux vrais problèmes qui touchent les hommes », conclut Patrick Guillot. La lutte pour la défense des droits des hommes pourra débuter quand les problèmes liés à l’homme seront débattus et résolus, à l’instar de celui des femmes, mais certainement pas en prônant la masculinité comme une qualité supérieure.

Exagération ?

une attitude radicale », pense-t-il.

Dans une société où le féminisme est de plus en plus inclus et respecté, où la parole se libère, prônant, entre autres, l’égalité entre les hommes et les femmes, le masculinisme paraît irrationnel. Malgré des problèmes intelligibles, Kévin MONACI

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SOUMISSION

Raffaelo Bellino : « Il est inutile de pousser les hommes à devenir plus sensibles » Raffaello Bellino est le créateur du site « Les Trois Etendards ». Dans cet entretien, il aborde la construction d’un homme viril tout en dénonçant la société actuelle et les mouvements féministes qui empêchent ce processus. ATTENTION Sensible a interviewé Raffaello Bellino, cela ne veut pas dire que la rédaction acquiesce le discours tenu par les masculinistes. Mais il est important de donner la parole à tout le monde pour que toutes les visions soient représentées. Le but n’est pas de minimiser les propos qui vont suivre. L’objectif est de mieux comprendre comment se crée un machiste. Et comme disait Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire ». « Les mouvements féministes sont à mon sens pleinement responsables de la destruction de l’identité virile. L’idéologie des féministes ne peut conduire qu’à la catastrophe : la valeur d’une femme dépend de sa fertilité et de sa beauté, tandis que la valeur de l’homme dépend de ses ressources, de son intellect et de son caractère. Il est inutile de pousser les hommes à devenir plus “sensibles”, “à l’écoute”, ou “délicats”, les femmes s’en moquent également. »

Qu’est-ce qui différencie un homme viril d’un machiste ? « C’est l’utilité sociale. Ce que je veux dire par là, c’est que, lorsqu’une qualité masculine, un trait de comportement masculin ou un attribut viril est considéré comme “utile” aux femmes, alors cela ne pose pas de problème. Par exemple, la capacité de se sacrifier à la guerre, d’affronter le danger ou d’exercer des métiers physiques et pénibles. Dans ce cas de figure, les caractéristiques viriles ne posent pas de problème aux féministes. Mais lorsqu’il existe des comportements masculins qui ne profitent pas aux femmes, ces comportements sont qualifiés de “machistes”. »

Est-ce que la virilité , dont vous parlez (qui peut être assimilée à de la masculinité toxique) se crée plus à l’enfance avec l’influence de ses parents ou durant la jeunesse ? « Je répondrai que la virilité se cultive davantage avec l’influence des parents, et en particulier du père. La paternité n’est pas seulement une nécessité pour élever des jeunes garçons en bonne santé, c’est une nécessité pour empêcher l’effondrement d’une société. À titre d’exemple, le mouvement “Black Lives Matter” est devenu un cri de ralliement pour dénoncer le racisme systémique envers les Noirs, et la difficulté de leur situation aux États-Unis. Les problèmes structurels qui concernent la communauté afro-américaine sont dus principalement à l’effondrement des hommes noirs en tant que pères. Incapables de transmettre des valeurs masculines à leurs fils, les garçons grandissent dominés par leurs mères et leur vie d’adulte en est le reflet. »

Quelle analyse avez-vous de l’évolution de votre homme viril par rapport au siècle dernier ? « Il y a tant de choses qui ont changé en un siècle, qu’il serait impossible d’en faire une liste complète. Il y a toutefois des évolutions qui méritent d’être soulignées et qui ont radicalement changé la façon dont les femmes perçoivent les hommes, et la façon dont les hommes se perçoivent eux-mêmes. Ainsi, la diminution des métiers physiques et pénibles et la tertiarisation de l’économie ont rendu les hommes moins indispensables, et ont favorisé les femmes sur le marché du travail. » Quel est l’impact de ces mouvements féministes sur votre quotidien ?

Propos recueillis par Félix MOURAILLE

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Parité dans les armées : utopie ou nécessité ?

Avec 15.3 % de femmes, l’armée française est la quatrième la plus féminisée du monde, derrière Israël, la Hongrie et les Etats-Unis. - © : DR

15,5 %, c’est la part que représentent les femmes au sein des forces armées françaises. Bien loin d’une mixité parfaite, le gouvernement tente depuis des années de réduire cet écart, des efforts qui peinent encore à porter leurs fruits.

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% de femmes dans l’armée en 2025, c’est l’objectif fixé par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013. À trois ans de l’échéance, difficile d’imaginer que ce dernier soit accompli, à moins que la proportion féminine chez les militaires ne grimpe de dix points. Maître Paul, responsable du recrutement officiermarinier au sein du CIRFA (Centre d’Information et de Recrutement des Forces Armées) à Lyon, affirme : « On souhaite donner la chance à tous, notamment pour qu’il y ait plus de femmes ». Pourtant, il nuance vite ses propos : « En soit, ce n’est pas une nécessité de recruter plus de femmes. Il n’y a pas de besoin particulier à ce niveau ». Plus marquant encore que leur infériorité numérique globale, les femmes ne représentent que 6,7 % des militaires déployés lors des OPEX (opérations extérieures). « En opération, il y a beaucoup plus de demandes physiques, qui avantagent généralement les hommes », explique Maître Paul. Le mérite avant tout La disparité au niveau physique, c’est l’argument choc mis face aux porteurs de la féminisation militaire. Un rapport parlementaire d’octobre 2018 pointait d’ailleurs «

les plus faibles aptitudes physiques en moyenne », comme un frein majeur à la présence de femmes dans l’armée, au risque de les placer «en situation défavorable». Au niveau du recrutement, c’est d’ailleurs la seule différence entre les tests d’entrée des hommes et des femmes. « Les épreuves de sélection sont les mêmes. Ce sont les mêmes entretiens, les mêmes tests psychotechniques, les mêmes tests physiques, mais avec des barèmes différents », explique Maître Paul. Son mot d’ordre est clair : le mérite. « Avoir des femmes dans l’armée, c’est une chance, mais elles doivent mériter leur place. Si sur un même test les dix premiers sont des hommes, et bien, on prendra dix hommes », affirme le marin. « On casse les codes » S’il est facile de jeter la pierre lorsque l’on voit les chiffres, il faut aussi rappeler une réalité : l’armée attire globalement moins les femmes que les hommes. « Pendant la crise sanitaire, on ne pouvait plus organiser de forums

de recrutement, il n’y avait que des offres en ligne. On avait seulement 22 % de femmes qui postulaient. Depuis que l’on ressort, on casse les codes, on a environ 33 % de candidatures féminines », raconte Maître Paul. Alors, comment expliquer que les femmes soient moins attirées par l’engagement militaire ? Un côté viril qui tente les hommes ? « Je ne suis pas du tout d’accord », manifeste le marin, avant de conclure : « On est réellement devenu une armée de métier. Un tiers des recrutements fait suite à une annonce d’emploi. Les gens viennent chercher un métier et apprennent l’esprit guerrier et militaire une fois engagés ». Depuis quatre ans et la création de nouveaux sous-marins, adaptés à l’hygiène féminine, tous les postes de l’armée sont théoriquement ouverts aux femmes. Mais de la théorie à la pratique, la marche semble encore bien haute.

Graphique représentant la répartition des femmes par secteur dans l’armée française. - © : C.E

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Cyprien ETAIX


SOUMISSION

Manque deux sexes chez les CRS

«

En 2022, 9 CRS sur 10 sont des hommes. Bien loin d’approcher de la parité, le nombre de femmes au sein des Compagnies républicaines de sécurité augmente petit à petit. Pour preuve, il n’y avait aucune femme dans cette frange policière avant 2009, aujourd’hui, elles sont plus de 1200.

La première féminine chez les CRS, ce n’était pas fait exprès », livre Dominique*, brigadier au sein des CRS. Aussi improbable que véridique, l’anecdote concernant Emmanuelle Gayon, première femme ayant rejoint les Compagnies républicaines de sécurité en 2009, a ouvert la porte de ce milieu hermétique aux femmes depuis sa création, en 1944. « Comme elle s’appelle Emmanuelle, au moment de la candidature il y a eu un quiproquo, ils ont cru que c’était un mec. Quand ils s’en sont rendu compte, c’était trop tard, ils ne pouvaient plus faire marche arrière », explique le policier.

Aujourd’hui, l’intégration des femmes au sein de ces compagnies est une évidence, dans l’air du temps. « Nous reflétons la société actuelle. Cela se fait naturellement. On a les mêmes questions sur les collègues d’origine ethnique différente. Chez les CRS, il y a des noirs, des Arabes, des femmes, comme dans la société civile. C’est dans la continuité logique de ce qu’il se passe depuis un moment dans la police civile », décrit Dominique. Pascale Dubois, première cheffe des CRS Au-delà de cet aspect représentatif, la problématique du mérite reste

très importante. « Je ne vois pas pourquoi on aurait des places réservées », estime Joëlle*, CRS depuis dix ans. « Le mérite prime sur tout. Pour moi, s’il y a 100 places et que les 100 premières sont des femmes, je n’ai aucun problème à ce qu’elles prennent ma place. Idem si ce sont des hommes », indique Dominique. « Le concours est identique, sauf sur les épreuves physiques où on a des barèmes différents », déclare Joëlle. « Au début, on a eu tendance à nous protéger, mais on a vite fait comprendre qu’on voulait être traitées comme les hommes. Aujourd’hui, c’est le cas », se félicitet-elle. Dominique, lui, n’a jamais fait de distinction : « Mon chef de

Les policiers italiens ont dit non aux masques roses Ils ont vu rouge lorsqu’il a fallu porter du rose. Les membres de la police italienne ont refusé, fin janvier, de porter des masques FFP2 de couleur rose, estimant, selon leur syndicat, que cela était susceptible de « porter atteinte à l’institution » par sa « couleur excentrique ». Autres arguments avancés par ce dernier, le fait que le rose ne soit pas conforme à l’uniforme bleu de la police italienne ou encore qu’il porte préjudice « à la bienséance et au respect envers les forces de l’ordre ». Peu convaincant mais bien tenté, le syndicat affirme que ses revendications « ne naissent pas d’un préjugé contre cette couleur ». Finalement, la police tricolore n’a peut-être rien à envier à ses voisins et particulièrement de l’autre côté des Alpes.

Malgré leur augmentation globale au sein des CRS, il est encore rare de voir des femmes en intervention. © : T.B

section a toujours dit qu’elles avaient choisi d’être ici comme les hommes. D’autres n’avaient pas la même vision. Physiquement, c’est parfois plus difficile, mais quand il faut porter des gilets de 15 kilos sur le dos, pendant des heures, elles le font sans rechigner. Il faut tout de même noter que la plupart des femmes parmi les CRS n’ont pas de réelles attaches familiales, notamment d’enfants. Lors du concours, notre affectation varie en fonction de notre classement, cela joue sur les décisions de certaines femmes qui ne souhaitent pas trop s’éloigner.» Signe d’évolution évident, aujourd’hui et depuis 2020, c’est une femme, Pascale Dubois, qui est à la tête des Compagnies républicaines de sécurité. Pour Dominique comme Joëlle, cela s’inscrit dans la logique, alors qu’elle était l’adjointe de son prédécesseur. « Je n’ai jamais été dirigé par une femme au cours de ma carrière, mais cela ne me dérangerait pas du tout », affirme

le policier. « Quand il y a des collègues féminines, tu ne fais pas le goujat » Sur le terrain, la présence de CRS féminines a apporté des solutions à certaines problématiques gênantes auparavant. « Lors des contrôles sur des femmes, on ne pouvait pas réaliser de palpation hormis s’il y avait un danger imminent », conte Dominique. Voilà pour le côté pile, mais il y a le côté face. « Lorsqu’on intervient dans une cité ou autre, on est les premières cibles », livre Joëlle. Les relations entre collègues aussi ont leur lot de « moments spéciaux ». « L’absence de femmes n’avait pas forcément de raison politique. Lorsqu’il fallait partir sur de longs déplacements, avoir des femmes, ça posait un souci. Même là, tu pars un mois avec dix collègues féminines, ta femme grince des dents », plaisante Dominique. Il poursuit : « On est obligé de

faire plus attention, on n’a pas les mêmes discussions. Tu ne fais pas le goujat quoi. Le comportement change logiquement, comme quand il y a des stagiaires…». Aujourd’hui encore, la vie au quotidien reste particulière, comme la dépeint Joëlle : « Dans les campements, les femmes sont un peu à part, on a nos sanitaires, et autres installations. Ce type d’infrastructures n’existait pas auparavant, c’est une des raisons qui expliquait le manque de femmes ». Pour autant, en théorie, une fois en service le genre n’a plus à diviser les policiers. C’est en tout cas ce qu’affirmait au journal Le Point Pascale Dubois lors de sa nomination à la tête des Compagnies républicaines de sécurité : « Être une femme n’est pas un sujet ». De 0 à 10 % en 12 ans, la féminisation des CRS reste lente mais réelle. À voir si la nomination d’une femme à leur tête et l’accès aux postes de commandement aux policières pourraient accélérer ce processus.

*Les prénoms des deux CRS cités dans l’article ont été anonymisés, alors qu’ils ont accepté d’outrepasser leur droit de réserve afin de répondre aux questions de Sensible.

Cyprien ETAIX 30

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SOUMISSION

Gigolos, à votre service mesdames ! La prostitution, une pratique réservée aux femmes ou aux relations homosexuelles ? Loin de là. Les gigolos, ces hommes qui vendent des rapports affectifs et sexuels à des femmes, sont toujours aussi rares mais présents en France. Enquête.

«

J’ai occupé un poste d’ingénieur chez Airbus pendant 7 ans. Ensuite, j’ai décidé de me lancer dans une activité assez singulière pendant 2 ans. » À 30 ans, Martin Poquelin a pris un tournant inattendu en devenant… gigolo. Il a alors enfilé le costume de l’homme qui apporte une affection aux femmes et un rapport sexuel si affinités. En France, ils se comptent seulement en centaines, du moins si on prend en compte tous les professionnels référencés sur le web. Dans cette marmite, on n’englobe pas les travailleurs “ urbains ”, il est donc quasiment impossible de donner un chiffre exact. La plupart d’entre eux sont jeunes, en recherche d’un meilleur train de vie. Pour d’autres, comme Martin, qui a raconté son histoire dans son livre Un chesterfield à vendre, il s’agit surtout de donner un sens plus affectif à sa vie. « J’étais chez un ami à Paris, j’étais un jeune trentenaire pas en adéquation avec ma profession, je ne voyais pas la finalité dans mon métier », raconte ce Breton d’origine pour Sensible. « Il me dit alors : “ce soir, on se fait inviter par des femmes”. La soirée se passe bien, nous avons chacun un rapport avec une femme, et je me rends compte qu’il fait de l’escort, du coup, je constate que j’en ai fait aussi sans m’en rendre compte pour la première fois.

Quand je suis rentré à Toulouse, je me suis dit que je n’aimais pas ce que je faisais, et que j’avais bien aimé la veille. Tant que je peux me regarder dans une glace, j’avais envie de me lancer là-dedans. » Un accompagnement quotidien

moral

Pour se lancer, il décide alors de créer son propre site internet et profite du peu de concurrence à Toulouse pour recevoir de nombreux appels, même si la plupart du temps, il s’agissait d’une curiosité contagieuse. « Une demande sur trois débouchait sur un rendez-vous pĥysique à des cadences de deux à trois fois par semaine, des fois zéro ». Mais pour autant, la gratification n’était pas hors-norme, et les gigolos ont la plupart du temps un métier à côté pour survivre, le contraire de Martin. « Je prenais 100 de l’heure, donc ramener à la vie de tous les jours, c’était mal payé, précise-t-il. À titre comparatif, un plombier prend 45 € de l’heure, mais il travaille 8h par jour. En moyenne, je prenais à peu près 500 euros la semaine, donc environ 2 000 par mois ». Ses clientes étaient en général des femmes aisées ou divorcées qui recherchaient de l’affection, et encore plus quand il s’agissait de femmes en couple, explique-t-

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il d’ailleurs. « Je ne pense pas que ce soit misogyne de dire qu’une femme qui ressent un manque affectif peut le combler facilement. Pour l’homme, c’est différent, c’est tout ce changement de mentalité d’égalité homme-femme, que la femme a besoin de simplicité, de qualité dans l’échange, donc c’est simple et discret pour elle. »

La relation sexuelle était anecdotique par rapport au soutien moral que je leur apportais. C’était 40 % du temps

En France, des milliers de femmes se paient les services de prostitués hommes, appelés gigolos, pour des montants avoisinant les 100 € de l’heure. (© : Oscar Bertrand)

miroir des gens que je fréquentais. Ces personnes commençaient à ressentir une misère affective, un non-accomplissement de leur vie. Il n’y avait pas beaucoup de positif dans mes journées et dans mes échanges. » Une pratique encore inconnue

Dans son quotidien, Martin Poquelin s’apparente tout naturellement plus à un psychologue qu’à un prostitué. Il devait combler beaucoup de manque chez ses clientes. « J’avais un vrai devoir social. La relation sexuelle était anecdotique par rapport au soutien moral que je leur apportais. C’était 40 % du temps. La plupart du temps, elles voulaient simplement un accompagnement moral. Tout le but de mon activité était de rendre la conversation qualitative pour la personne qui me payait. C’était le gros du travail. » Un travail tellement important qu’au bout de deux ans, le Breton a décidé de dire stop, « lassé d’être l’éponge des plaintes. Je ressentais de la lassitude, parce que je suis devenu le

Dans une société qui tend à faire passer des messages d’égalité, difficile d’interpréter la rareté du métier. En France, on considère que 90 % des travailleurs du sexe sont des femmes, 5 % des transsexuels et 5 % des hommes. Parmi ces 5 % d’hommes, au moins 4 % sont réservés à de la clientèle homosexuelle. Alors qu’en est-il du reste ? Ignorance totale. « Nous ne sommes pas du tout dans les mêmes proportions », indique Frédéric Boissard, membre de la Fondation Scelles qui lutte pour les droits des prostitués en France. « Même pour la prostitution masculine, cela reste essentiellement des clients hommes. Je ne peux pas avancer que 99 %

des clients sont des hommes, mais il y a une forte proportion liée à de l’homosexualité. Ce n’est pas une prostitution exclusive. On sait qu’il y a des clients femmes. Le public que j’ai ou les connaissances que j’ai, elles sont rares. La prostitution avec des clients femmes s’oriente vers le tourisme sexuel, plutôt à l’occasion des déplacements ou voyages avec un caractère de déplacement touristique. » Cela reste encore loin du quotidien de Martin Poquelin.

Je ne peux pas avancer que 99 % des clients sont des hommes, mais il y a une forte proportion liée à de l’homosexualité

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La vente du corps d’un homme reste un sujet tabou. Culturellement, cette pratique est réservée à la femme. Mais avec les évolutions sociales, les sociologues, comme Vincent Rubio, spécialiste de la question de la prostitution et écrivain, considèrent que cette appropriation est ancestrale. Pour autant, lui aussi n’a jamais eu à faire à des gigolos dans ses recherches pour son livre. « Les gens se connaissent dans ce milieu. A priori, c’est aussi une pratique minoritaire si on la compare à la prostitution des femmes ou hommes pour hommes. Ce n’est pas un phénomène marginal. Il y a du monde dans ce domaine-là. La prostitution des hommes à destination des femmes est beaucoup moins importante. » Minoritaire et loin d’être inexistant, à l’inverse du Royaume-Uni où on en compte 20 000 selon Le Figaro, le gigolo reste une pratique taboue. Et cela a un prix.


SOUMISSION

En politique, la taille ça compte C. De Gaulle

1m81

F. Mitterrand

1m72

Victoire

Victoire

Défaite

1m81

1m89 Victoire

V. Giscard

1m89

A. Poher

1m75

Victoire

Défaite

1965

L. Jospin

Depuis l’instauration de la cinquième République, sept présidents ont été élus en étant plus grand que leur adversaire du second tour. Une tendance qui était légion au début de cette cinquième république, mais qui tend à revenir au goût du jour depuis l’élection de François Hollande.

G. Pompidou

1m96

J. Chirac

Mitterand, l’exception qui confirme la règle

F. Mitterrand

1m72

1m89

J.M. Le Pen

1m77

Victoire

34

S. Royal

1m71 Défaite

Défaite

2002

1m72 Victoire

F. Mitterrand

1m72

J. Chirac

1m89

Victoire

Défaite

Défaite

1981

1988

E. Macron

1m66 Victoire

1m89

1974

N. Sarkozy

J. Chirac

V. Giscard

Défaite

1969

Défaite

1995

F. Mitterrand

2007

1m73

F. Hollande

N. Sarkozy

1m66

1m70

Victoire

Victoire

M. Le Pen

1m71 Défaite

Défaite

2012

2017

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SOUMISSION

Être à la hauteur même en étant petit Symbole de virilité et de charisme pour certains, la taille des hommes politiques est souvent scrutée quand elle est au-dessus ou en-deçà de la moyenne. Dans l’histoire de la Ve République, les tailles sont tellement hétérogènes qu’il est compliqué de tirer des conclusions sur leur impact dans les votes. Néanmoins, une tendance se dégage depuis quelques années, issue de plusieurs évolutions.

S

ouvenez-vous des derniers JO, à Tokyo. Outre les performances remarquables de Rudy Gobert et consorts sur le parquet, la France a également vibré aux performances de l’équipe de basket à trois. Le temps d’une pub, on se met alors à imaginer ce genre de match à l’Élysée. Imaginez une confrontation du style jeu vidéo entre le trio Hollande-MacronSarkozy et une triplette GiscardDe Gaulle-Chirac. Ce n’est pas un blasphème que de prévoir une victoire facile des derniers cités. Mais la politique n’est pas une affaire de balle orange, et les dernières décennies le rappellent à notre bon souvenir. Autrefois un signe qui pouvait compter dans l’esprit des électeurs, la taille des présidents des derniers mandats est souvent en-deçà de la moyenne, qui est d’1m 75 en France. Bertrand Lohte, rédacteur en chef du pôle politique du quotidien Le Bien Public, jauge depuis des décennies ce changement de mentalité. « Il est vrai que la grande taille était un facteur d’éminence par le passé. Mais désormais, ça ne veut plus

rien dire. La vraie bascule a eu lieu avec François Mitterrand. Depuis, hormis Chirac, les présidents ont tous été de “petite taille”. Je n’ai pas le sentiment que ce soit un critère qui compte encore à l’heure actuelle. Le charisme et les idées sont les déterminants en politique. Une personne d’1 m 75 ou moins peut avoir plus de charisme qu’une personne de grande taille. » « Maintenant, c’est mal perçu de se moquer de ses adversaires en politique » Un charisme et une volonté de se faire entendre qui ont notamment permis à Saïd Kebbouche de gravir les échelons. Du haut de son mètre 68, il est désormais adjoint à la mairie de Vaulx-en-Velin. Bousculé voire raillé à ses débuts, il a su affronter ces obstacles pour parvenir à cet objectif. « Maintenant, c’est mal perçu de se moquer de ses adversaires en politique », analyse le Vaudais de naissance. « Heureusement que ce tournant a eu lieu, et c’est en grande partie dû à l’évolution des mentalités. À mes débuts, les moqueries étaient monnaie courante mais j’ai su

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montrer mes compétences par d’autres biais. » La petite taille n’empêche donc en rien d’avoir un pouvoir politique important à l’heure actuelle. Et comme il est mal perçu de vouloir déstabiliser un personnage politique de petite taille, il est également une mauvaise idée pour ce dernier de vouloir camoufler ce présumé complexe. Nicolas Sarkozy est l’archétype de ce dernier point. « Nicolas Sarkozy était raillé par de nombreux médias comme Charlie Hebdo pour sa taille et pour le fait que sa femme soit plus grande que lui, se rappelle Bertrand Lohte. Alors que François Hollande assumait sa petite taille, on sentait que Nicolas Sarkozy nourrissait un complexe à ce sujet. Il mettait des talonnettes énormes pour paraître plus grand. Ce genre de stratagème n’est pas apprécié en politique où il faut paraître comme étant le plus transparent possible. » En somme, tant que vous êtes honnête, peu importe votre taille, vous pouvez devenir présidents messieurs. Chemssdine BELGACEM

Portrait robot de l ’anti-lecteur de Sensible Portrait robot de l'anti-lecteur de Sensible à travers certaines des plus belles phrases sexistes de l'histoire moderne.

L'anti-lecteur de sensible peut être une femme. Interrogée sur la propreté de sa région, elle assène un: « Rien de tel qu'une femme pour faire le ménage. » Drop the mic. Valérie Pécresse

Coupe du monde de foot féminin. Canapé, bières, pizzas entre potes. Une belle inspiration, l'anti-lecteur de Sensible lâche : « Dès qu'il y a un bout de nichon qui pointe ça redevient intéressant.» Les copains s'esclaffent. Alain Soral

Interrogé sur sa volonté de présider la France, le spécimen sexiste - et conseiller Pôle emploi à ses heures perdues - lâche, croyant bien faire : « La France n'est pas un pays à prendre comme une femme. » Sa femme a dû apprécier. Qui sait, l'emploi fictif était peut-être une façon de se faire pardonner. François Fillon

Appel d'une femme ayant porté plainte pour agression sexuelle. Tranquillement dans son commissariat, le spécimen sexiste, qui pense avoir raccroché, lâche un : « Putain elle refuse la confrontation, en plus, la pute. » Policier parisien

Alors qu'une femme lui explique que le pouvoir ne peut pas rester aux mains des hommes - elle a osé - le machiste, serein rétorque : « Les femmes, le pouvoir s'évapore dès qu'elles arrivent ». Eric Zemmour

Accusé d'agression sexuelle pour des mains aux fesses, il estime que la phrase : « Il y a cinq ans, ce serait passé crème » est une bonne défense. Pierre Ménès Lorsqu'il est en difficulté, il sort son arme secrète : « Calmez-vous Madame, ça va bien se passer. » La "Madame" fait remarquer son sexisme, le spécimen a des difficultés à déglutir. Gérald Darmanin 37

Nathan CHAIZE


Mépris « LE MÉPRIS DES HOMMES EST SOUVENT LA MARQUE D’UN CŒUR VULGAIRE » ALBERT CAMUS

Mépris : fait de considérer comme indigne d’attention. Pour avoir la légitimité de considérer une personne comme inutile d’attention, il faut en avoir gros sur le cœur. Et ce cœur, justement, vulgaire lorsque nous autres, les hommes, ressentons ce drôle de sentiment. Vous n’aimez pas quelqu’un et vous le faites ressentir. Le mépris prend le dessus sur vous sans que vous ne vous en rendiez compte.

La France en machocratie p.40 « Papa où t’es ? » p.44 “Sports féminins”, ça fait mâle p.46 Ces hommes qui font un “métier de femme” p.50 Machisme, bons et mauvais élèves p.51 38

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© Assemblée nationale

il y est présent et c'est même une constante de la culture politique française, assène Ahmed Lahkim, président du parti UDLEF. La vie politique est quelque part à l'image de la société française. Et notre société est encore très empreinte de machisme. Certains candidats d'extrême droite poussent leur modèle de société avec une vision que je qualifierais de sexiste et d'un autre âge. »

Zemmour ou la relance du machisme politique

Trop de burnes dans les urnes

MÉPRIS

Valérie Pécresse qui se plaint d’un monde politique trop machiste à son goût, Éric Zemmour qui réinvente et remet sur la table des idées patriarcales et machistes. La campagne pour l’élection présidentielle du mois d’avril prochain bat son plein et pose une question : le machisme est-il un incontournable de la vie politique française ? Éléments de réponse.

L

undi 14 février dernier, jour de Saint-Valentin. Valérie Pécresse ne fête pas l'événement avec son mari. Elle sort d’un week-end marqué par son meeting parisien devant quelque 7 000 sympathisants. À la suite de son échec et des critiques qui s’en sont suivies, elle se défend en évoquant un « phénomène machiste » au sein de la sphère politique, en critiquant la place accordée aux hommes dans les médias et dénonçant des critiques misogynes envers les différentes candidates à l’élection présidentielle. « Si l’on critique Pécresse, c’est parce qu’elle n’a pas brillé, c’est tout, nous répond Janine Mossuz-Lavau, chercheuse au Cevipof (Centre de recherches

politiques de Sciences Po). Elle n’a pas été à la hauteur lors de son meeting. Elle a tort de jouer la victimisation alors qu’elle mettait en avant le fait d’être une femme depuis le début de sa campagne en espérant rallier des électrices. Si un homme était arrivé en disant l’inverse, on lui serait tombé dessus en le traitant de macho. Il est plutôt temps de dépasser cet argument du genre et les discours victimaires. » Jean Garrigues, historien politique, soutient la chercheuse dans sa réflexion : « De manière paradoxale, la façon dont Valérie Pécresse a essayé de se défendre après son meeting remet encore cette question du machisme au 40

cœur du débat public. En essayant de se victimiser par rapport à ce machisme, elle corrobore ceux qui partagent les idées d’Éric Zemmour. Il y a quelque chose de très pervers dans ce pingpong médiatique entre la vision de Zemmour et la manière dont Pécresse rentre dans son jeu. Beaucoup d’observateurs ont ressenti cette victimisation comme artificielle en montrant que ce n’était pas parce qu’elle était femme que son discours avait été critiqué, mais parce que son discours avait été raté. C’est maladroit dans la défense qu’elle a proposée. » Le machisme seraitil donc de retour en politique ? « Je ne dirais pas que le machisme est de retour dans la sphère politique,

Depuis l’officialisation de sa candidature à l’élection présidentielle fin novembre, Éric Zemmour expose sa vision de la femme et ses idées patriarcales. « Il est certain que l’arrivée d’Éric Zemmour et son positionnement archaïque sur la place de la femme dans la société renvoie à une France passée, analyse Jean Garrigues. Il amène une libération de la parole de ses soutiens qui remet l’éclairage sur une vision très traditionnelle de la femme. Il y a donc un retour du machisme au cœur des enjeux publics. C’est le retour d’une forme de machisme très traditionnelle, d’une vision de la femme plus traditionnelle, essentialisée dans son image de femme. Et cette essentialisation est comme le miroir d’une autre essentialisation, celle de la culture woke. Éric Zemmour devient en quelque sorte ‘‘l’idiot utile’’ des woke et réciproquement. Les paroles, les discours et les idées d’Éric

Valérie Pécresse s’est plainte d’un ‘‘phénomène machiste’’ à la suite de son meeting parisien en critiquant la place accordée aux hommes dans les médias et dénonçant des critiques misogynes envers les candidates à l’élection présidentielle. © LR

Zemmour sont une sorte de retour en arrière dans cette campagne. » Un retour en arrière que Sandrine Rousseau, finaliste des primaires écologistes, a subi lors de sa course à l’investiture du parti EELV. « J’ai subi, au cours de mes combats politiques, des tonnes de remarques, propos, sous-entendus misogynes et sexistes, raconte la féministe, J’ai vécu du cyber harcèlement parce que je suis une femme engagée. On peut critiquer une femme politique sur le fond de ses pensées, de son discours, ce qui est compréhensible. Mais quand l’on me traite de folle, d’idiote à longueur de journée… Vous savez, c’est très dur de subir du sexisme. Paradoxalement, cela montre la différence entre les femmes et les hommes, car il se dirige uniquement contre les femmes. Dès qu’elles parlent, elles sont jugées incompétentes alors

que les hommes, on les critique sur le fond. En tant que femmes, nous n’avons même pas le droit d’être critiquées sur le fond. Nous sommes jugées sur notre imbécilité supposée. » Un sentiment partagé par de nombreuses autres femmes victimes du mépris de leurs collègues politiques (voir encadré).

Les hommes attirés par le mépris de la femme ? Même si les propos d’Éric Zemmour peuvent paraître d’un autre âge pour de nombreux électeurs, certains sont attirés par l’ancien journaliste comme le décrit Jean Garrigues : « Incontestablement le discours et les idées machistes d’Éric Zemmour peuvent lui rapporter des voix électorales. Il fait appel à des pulsions, à des sentiments

Ségolène Royal, pionnière du 1er tour et victime des hommes « Ségolène Royal avait été confrontée en 2007 à des réactions machistes au sein même de son parti du PS », rappelle Jean Garrigues. Première femme française à avoir atteint le second tour de la présidentielle, Ségolène Royal n'a pas échappé aux nombreux a priori sexistes qui sévissent en politique. Dans son autobiographie, Ce que je peux enfin vous dire, l'ancienne candidate à la présidentielle a dénoncé le sexisme latent qu'elle a subi et que d'autres femmes continuent de subir. D'autant que ces remarques venaient de personnalités politiques censées être dans son camp et notamment de Laurent Fabius et le fameux « Qui va garder les enfants ? ». « Elle s’est lancée, mais n’avait pas les soutiens nécessaires derrière elle. Les éléphants du PS étaient contre elle et critiquaient sa qualité de femme », se souvient Janine Mossuz-Lavau, chercheuse au Cevipof. Heureusement, les mentalités ont quelque peu évolué depuis 2007 et malgré les remarques, les deux politologues sont unanimes : « Ségolène Royal a ouvert la voie en quelque sorte aux candidates comme Marine Le Pen, Valérie Pécresse ou Anne Hidalgo ». 41


Depuis le lancement de sa campagne fin novembre, Éric Zemmour a remis le machisme au cœur du débat public en prônant des idées patriarcales marquées. © Ugo Amez/ Sipa

partagés par certains Français. Pour une partie de la France rurale ou périurbaine, la France des villes est une France corrompue par une vision égalitaire. Cette vision de la femme résonne encore et fait sens dans la France profonde et aux yeux de beaucoup de Français. Cela leur permet de manifester leur mécontentement par rapport à la France des élites, des bobos ». De plus, le candidat de Reconquête ! incarne une figure masculine d’extrême droite. Un élément important au moment du vote selon Janine Mossuz-Lavau : « Jusqu’à maintenant, l’extrême droite n’avait pas de figure masculine, il fallait voter Marine Le Pen. Éric Zemmour joue donc sur le côté masculinité et attire des hommes d’extrême droite qui trouvent un discours plus marqué et donc une figure masculine à soutenir. Ils restaient dans leur vote Lepéniste car Marine est la fille de Jean-Marie. Mais désormais, ils ont un autre choix possible. Son discours est donc payant du côté des hommes ».

Quels moyens pour lutter contre les machos ? Dans les autres partis de l’échiquier politique français, les discours sont les mêmes : nous luttons contre le machisme. Mais les solutions employées sont différentes. « Nous avons une

charte des valeurs au PS qui est à la base de notre parti, nous informe Marc Cachard, secrétaire général du PS Rhône, elle entraîne l’exclusion en cas de non-respect. Nous disposons obligatoirement de représentantes chargées de l’égalité femmes-hommes dans chaque département. Il faut des peines exemplaires pour les machos. C’est par la loi et la contrainte législative que nous lutterons efficacement contre le machisme et le sexisme. Il y aura, néanmoins, toujours des nostalgiques, des Zemmour. » Du côté de LR, pas de charte. Le parti mise sur la prise de conscience de ses membres, à en croire Quentin Taïeb, président des Jeunes LR 69 : « Pour faire disparaître le machisme, il doit y avoir un travail intergénérationnel. Il y a déjà eu une évolution positive, la preuve, il n’y a jamais eu autant de femmes candidates à la présidentielle. Il faut arrêter avec ces débats femme-homme, les candidats sont élus sur un programme. On vote avant tout pour des idées. Le fait que le candidat soit un homme ou une femme est secondaire selon moi. Les questions à se poser sont plutôt : est-ce que le programme que je soutiens est le bon ? Est-ce que ma candidate ou mon candidat est à la hauteur de l’enjeu ? Et ça s’arrête là ». Du côté de EELV, Sandrine Rousseau met en avant le rôle 42

malsain des réseaux sociaux dans le machisme actuel : « Il faut interdire les propos sexistes, il faut progresser sur ce point. De plus, les réseaux sociaux doivent prendre leurs responsabilités. Ce qui me révolte, c’est que lors des attaques que j’ai subies sur certains d’entre eux, aucun compte n’a été bloqué, aucun signalement n’a abouti alors que j’ai reçu des menaces de mort, des menaces d’égorgement. Les GAFAM doivent répondre du droit, tout simplement ». Enfin, dans la majorité présidentielle LREM, aucun débat interne n’a été lancé mais l’on peut observer qu’aucune figure féminine n’est présente dans l’organigramme de la future campagne du président sortant.

La masculinité hégémonique, autre facette du mépris masculin Illustrant la bataille menée par certains hommes pour conserver leurs places et exercer un pouvoir patriarcal. Le tout au mépris de la femme et de ses éventuelles aspirations. Le phénomène de masculinité hégémonique n’est pas seulement à l’œuvre dans la vie civile mais également dans la sphère politique. L’hégémonie masculine en politique repose sur une histoire très ancienne. Sous la Révolution, lorsque des femmes ont voulu participer au débat public, elles ont créé des clubs de femmes qui ont été saccagés par les sans-culottes pour être empêchées de s’exprimer. Certaines ont été guillotinées. C’est alors exercer une culture d’exclusion de la femme hors de la sphère publique. Selon Jean Garrigues, il n’est donc pas étonnant de voir se conserver des réflexes machistes ou d’hégémonie masculine dans la classe politique actuelle. « Jusqu’à récemment, les hommes de plus de 50 ans, avec une vision traditionnelle et archaïque, y étaient surreprésentés, explique l’historien politique. Ils conservaient ces penséeslà. De nombreuses femmes ont reçu des quolibets, des insultes lorsqu’elles prenaient la parole au Parlement. Ce phénomène est encore incrusté dans la mentalité

de certains hommes. Néanmoins, c’est en train d’évoluer parce que les femmes ont de plus en plus de places dans le champ public. Il y a, d’ailleurs, plus de candidates que de candidats dans cette campagne présidentielle. De plus, ce sont des candidates de premier plan, elles sont crédibles à cette élection et même à la victoire. C’est une vraie nouveauté. Mais de manière symbolique, la présence du candidat Éric Zemmour est la manifestation de cette résistance d’une partie des hommes visà-vis de cette émergence des femmes dans le débat public. » Cette hégémonie met en rogne Sandrine Rousseau, elle la féministe qui défend les candidates victimes de ce système et veut mener le combat : « Nous avons un grand besoin de déconstruction du modèle politique masculin actuel pour lutter et renverser

cette masculinité hégémonique. Ces hommes-là doivent être marginalisés ». Elle aussi féministe, Janine Mossuz-Lavau se veut plus optimiste et dépeint un paysage qui s’éclaircit : « Il y a déjà beaucoup de choses qui ont disparues de la sphère politique. Le machisme est pas mal battu en brèche dans la société civile. C’est quand l’on monte dans les hiérarchies que cela devient plus compliqué. Notons qu’à gauche, le machisme est peu présent, de manière camouflée et non étalée. Le combat contre le machisme doit encore être mené dans une sphère particulière, celle de l’extrême droite ». L’extrême droite, dernier bastion machiste ? Jean Garrigues, en fin observateur de notre vie politique, y croit même s’il reste prudent dans sa conclusion : « L’évolution de la politique va dans le sens de l’éradication de ces réflexes machistes. La loi

est de plus en plus restrictive et contraignante par rapport à ces réflexes-là. Mais, comme toutes les évolutions culturelles, c’est une évolution lente à travers la contrainte légale et l’éducation, la prise de conscience par les hommes de leur hégémonie. Les générations nouvelles qui arrivent en politique sont incontestablement plus ouvertes au partage, à la mixité, à la parité que les générations précédentes. Mais il y a encore beaucoup de travail à faire. Et le succès d’un Éric Zemmour montre que le travail est loin d’être achevé ». Un travail qui sera largement observé durant cette année électorale. (NDLR : Malgré nos sollicitations, Reconquête ! n’a pas souhaité répondre à nos questions.)

Antoine CANTIN-GALLAND

Le Parlement, lieu de tous les sexismes De nombreuses parlementaires ont fait les frais d'un machisme toujours présent au Parlement. Que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat, les exemples ne manquent pas. Tout a peut-être commencé avec elle, Edith Cresson, seule Première ministre française, nommée en 1991. Un député la qualifie alors dans l'hémicycle de « Pompadour », par comparaison avec la favorite du roi Louis XV. Plus récemment, on peut citer des bêlements de chèvre lors d’une allocution de la députée LREM Alice Thourot en août 2017, des caquètements de poule en 2013 à l’encontre de l’élue écologiste Véronique Massonneau, une comparaison à un pot de fleurs en 2012 pour la ministre de l’époque Fleur Pellerin. Les députés masculins de l’Assemblée iront encore plus loin en 2014 lors d’une audition de la ministre de l’Écologie Ségolène Royal. « Vous me permettrez Madame la ministre de vous féliciter pour le choix de la couleur de votre tailleur. Le vert vous va effectivement à merveille », lui fera remarquer un élu UMP. Enfin, la scène sexiste la plus marquante reste bien sûr les sifflements observés au Palais Bourbon en 2012 envers la ministre Cécile Duflot qui arborait ce jour-là une robe.

© AFP

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Dans la cour des grands

Papa, quand est-ce qu’on se voit ?

MÉPRIS

Il n’est pas rare que les pères se sentent lésés lors de l’attribution de la garde de leurs enfants. Entre révolte et sentiment de discrimination, ils tentent de se faire entendre.

L

© H.E

De nombreux parents se réunissent et luttent pour faire de la garde alternée un « principe de base » © Facebook « le collectif de la marche des pères »

e 10 novembre 2021, une dizaine de parents ont marché de Marseille à Paris pour manifester leur colère. Ces 800 km avaient pour but de défendre une cause : l’égalité parentale lors des séparations. Trois revendications y sont ressorties. « Faire de la résidence alternée un principe de base, renforcer la loi concernant les nonreprésentations d’enfants mineurs et la mise en place des mesures contre l’éloignement géographique volontaire », a indiqué le collectif La Marche des Pères pour l’Égalité Parentale sur leurs réseaux sociaux. Un mouvement naît, la parole des hommes se libère. C’était il y a six ans pour Philippe Serre, 37 ans. Ce père d’une fille de 11 ans, a lutté sans relâche pour obtenir sa garde exclusive. Après la séparation avec sa femme, qu’il a jugé en “ bons termes ”, il pensait obtenir la garde exclusive, ou au minimum la résidence alternée. Il n’en est rien. « J’avais une situation financière bien plus importante que mon ex-conjointe, j’ai gardé notre maison, proche de l’école, j’avais du temps à lui accorder… D’après mon avocat j’aurais dû

l’obtenir sans problème », avoue le trentenaire. Et pourtant, lui qui était confiant lors du procès, s’est vu refuser sa demande, en n’obtenant même pas la garde alternée.

Les mauvaises patriarcat ?

ondes

du

« Je suis quasi sûr que les juges n’examinent pas vraiment les dossiers quand il s’agit d’un jeune enfant. C’est absurde de penser comme ça, surtout aujourd’hui » pense Philippe. Après le procès, le juge et les magistrats lui ont affirmé que « pour l’avenir de votre enfant, il était préférable qu’il soit confié exclusivement à la mère ». En réalité, ce trentenaire pense que la société est encore matriarcale, estimant qu’un père ne peut s’occuper de son enfant, seul. « Aujourd’hui, on pense que ce sont les femmes qui s’occupent toujours des enfants, pendant que nous on est chargé de ramener l’argent à la maison, ce n’est plus la réalité », affirme-t-il.

L’heure du changement ?

mouvements ont été créés pour lutter contre cette discrimination. Parmi elles, La cause des hommes. L’un de ses fondateurs, Patrick Guillot, a pour objectif et ambition de donner la parole à la gent masculine, pour faire entendre les injustices et discriminations subies. « C’est une cause dont on ne parle presque jamais dans les médias. Si on regarde bien, il n’y a pas ou très peu de manifestations traitant de ce sujet. Alors que dans les groupes de parole que j’organise, ils sont nombreux à en parler et à en être victimes », déplore-t-il. En 2014, une nouvelle loi famille, nommée autorité parentale et intérêt de l’enfant a été adoptée. Cette dernière a pour ambition de mettre fin aux inégalités et de réaffirmer la place de l’homme lors des jugements. La loi tente de privilégier au mieux la garde alternée, pour permettre à l’enfant de domicilier chez ses deux parents. Aujourd’hui, seulement 11,5 % d’enfants mineurs, dont les parents sont séparés, vivent en garde alternée. Un chiffre qui a tout de même doublé en un an.

Aujourd’hui, des associations et

«

Je n’ai pas eu beaucoup de pères qui souhaitaient avoir la garde exclusive », affirme Aline Greze-Paillon, avocate à Clermont-Ferrand. N’estelle pas ici la raison principale de la faible proportion d’enfants résidant principalement chez leur père à la suite d’une rupture ? Ce discours, la représentante de la défense n’est pas la seule à le tenir. Stéphanie Ménard, juge des affaires familiales, en charge de l’hors et après divorce à Saint-Omer (Pasde-Calais), confirme : « dans ma pratique, les pères réclament moins souvent la garde exclusive». Si cette réalité existe, elle n’est en aucun cas une règle générale, et chaque situation est gérée au cas par cas. « Globalement, l’idéal pour les pères reste la garde alternée. Mais ce n’est pas toujours possible à mettre en place, si les logements ne sont pas proches notamment. Sinon, ils préfèrent avoir un droit de visite ou d’hébergement », explique l’avocate. En 2020, selon l’Insee, 480 000 enfants mineurs grandissent en résidence alternée, en général une semaine chez chacun des parents. Cela représente 11,5 % des cas. Un chiffre en hausse depuis 2002, date de la reconnaissance de cette pratique.

Seuls 14 % des pères se voient confier la garde exclusive de leur(s) enfant(s) à la suite d’un divorce ou d’une fin de concubinage. Entre critères pouvant favoriser la mère, notamment pour les enfants en bas âge, et désintéressement des pères, comment expliquer cette répartition très inégale ? Avantage clair à la mère pour les disponibilité dans la prise en enfants de moins de quatre ans charge de l’enfant et en particulier la situation professionnelle. « Pour Stéphanie Ménard, il Je considère que lorsque l’on est important d’écouter les travaille, on peut gérer l’éducation demandes des parents en termes aussi. Il n’y a pas d’automatisation d’organisation. « Ce n’est pas à de la décision si une des personnes moi d’imposer », déclare-t-elle. reste au foyer », soutient la Au-delà de cette volonté de tenir juge des affaires familiales. La compte de l’envie de chacun, c’est problématique du logement est l’intérêt supérieur de l’enfant qui aussi prépondérante. « On a plutôt prévaut. « Je juge la situation tendance à sanctionner celui qui telle qu’elle est au moment de la quitte la ville ou le domicile, pour ne séparation, mais aussi comment pas bouleverser l’environnement, les parents se sont organisés même si ce n’est pas toujours juste depuis, si cela convient aux », regrette l’avocate. enfants », livre la magistrate. « Les juges avec lesquels j’ai traité La volonté de l’enfant est entendue sont toujours pro-enfants, faisant à partir de dix ans, lorsque l’on en sorte que les désaccords des considère qu’ils ont suffisamment parents ne pèsent pas sur les petits. de discernement. « Plus ils sont Je pense exactement la même grands, plus c’est important. chose », lance Aline Greze-Paillon. On revient aussi régulièrement Dans le cas d’une séparation avec sur des gardes alternées qui ne des enfants en bas âge, la garde conviennent plus à l’adolescent, exclusive revient très souvent à pour des raisons pratiques la mère. « Avant trois ou quatre généralement », livre Stéphanie ans, il est difficile d’instaurer une Ménard. Juge ou avocate, elles résidence alternée. Il y a la figure le reconnaissent : la culture du maternelle d’attachement et un schéma familial est encore assez cadre de vie stable », explique forte dans la société, « la mère Stéphanie Ménard. éduque, le père travaille », formule Aline Greze-Paillon. « Je pense Quid de la volonté de l’enfant ? que cela va évoluer dans les années à venir », soutient la juge Parmi les critères d’attribution audomaroise. Reste à savoir si la de la garde, il y a forcément la sentence prononcée par l’avenir sera identique à cette dernière.

Kevin MONACI 44

Cyrien ETAIX 45


Un gars, des filles

MÉPRIS

En 2022, à l’heure où les mentalités tendent à évoluer, l’inclusion de tous est au centre des préoccupations. Mais, certaines disciplines sportives restent presque réservées à la gent féminine. Alors, comment s’imposer comme une figure d’une discipline, se faire une place parmi les dames, et s’assumer dans la société ? Rencontres.

Sébastien Defrance : « Je n’ai jamais trouvé ça anormal d’être un garçon avec un ruban » Sébastien Defrance est l’un des rares hommes à pratiquer la gymnastique rythmique (GR) à haut niveau en France. Un sport ancré comme féminin dans la conscience collective, mais qui tend à s’ouvrir à tous. Grâce à une grosse force de caractère et une détermination à toute épreuve, le Francilien est devenu une référence de la GR.

C

’est l’histoire d’un gars pas comme les autres. D’un gamin, fils d’un père directeur d’une école de danse classique, et inspiré par une grande sœur qui pratique la gymnastique rythmique. C’est dans le jardin d’une grande maison francilienne que tout commence. À 9 ans, Sébastien imite son ainée et découvre la GR avant de tomber dedans. « Ma mère a demandé si je pouvais intégrer l’équipe de GR et depuis, je n’ai plus quitté le milieu. » Lorsqu’il fait ses premiers pas, « j’étais le seul garçon dans le club ». Une exception parisienne ? Pas vraiment, à cette époque « on était 5 garçons grand maximum à faire de la compétition en France ». Mais cette particularité « ne l’a jamais vraiment dérangé, explique-t-il. J’étais préparé, je savais dans quoi je me lançais, la GR était plus tournée vers les filles ». Le jeune garçon avait aussi participé à des spectacles de danse classique dans l’école de son père, avant d’opter pour la gymnastique artistique. Des

milieux qui souffrent aussi d’une sous-représentation masculine.

Une acceptation collective Vient alors la fameuse période du collège, puis du lycée. Une époque marquée par une volonté d’affirmer son identité, d’instaurer un jeu du plus fort, et de celui qui aura les plus gros bras. Dans un sport dit féminin pourtant, Sébastien estime « avoir eu de la chance ». Il n’a jamais essuyé de moqueries, « du moins pas en face, dans le dos peut-être ». Plus étonnant encore, c’est l’effet inverse qui s’opère. « Je suscitais plus la curiosité et l’intérêt de mes camarades, donc je n’ai jamais trouvé ça anormal d’être un garçon avec un ruban.» Le gymnaste est donc accepté par ses pairs sur le praticable, et par les jeunes de son âge. À l'entraînement, le petit protégé de Anne-Sophie Weroth – sa coach de ses débuts jusqu’à aujourd’hui – fait tout comme les demoiselles. « On est sur le même code de pointage, avec le même tableau 46

de difficulté », précise Sébastien. La seule différence réside dans les capacités physiques des deux sexes. « La souplesse n’était pas mon point fort, je jouais sur ma capacité à sauter haut, des figures plus musculaires et techniques. » Autre avantage pour Sébastien, la liberté artistique qu’offre la GR. Grâce à ça, il peut « créer des enchaînements plus dynamiques, masculins, pour les mener à ma façon ».

« Je préfère affronter des filles, plutôt que trois garçons » L’intégration masculine n’a pas toujours été facile, mais au fil des années, les mentalités semblent avoir évoluées. Aujourd’hui, être un homme « éveille la curiosité, me rapproche des coachs et des athlètes. En compétition, on observe ce que je fais, j’ai été plus facilement accueilli que si j’étais une fille », argumente Sébastien. Actuellement, lors de toutes les compétitions en France, les hommes doivent performer contre

Hommes comme femmes, les barêmes de notation sont identiques, mais chacun est libre de choisir son programme. ©Jean-Pierre Dullier

leurs homologues féminines. Si cette mixité est un problème pour certains comme Peterson Céüs, qui milite activement pour des compétitions 100 % masculines, Sébastien Defrance ne partage pas le même avis. Le gymnaste « préfère affronter des filles, plutôt que trois garçons, toujours les mêmes qui plus est ». Un discours qui s’entend, puisque 1 % des pratiquants de GR sont des hommes, soit 385 gymnastes selon la Fédération Française de Gymnastique (FFG). Un chiffre minime, qui s’explique selon lui par « la sous-médiatisation de la GR, filles ou garçons, donc ça ferme pas mal de portes. Le fait que les seules images qu’on en voit soient des figures féminines, ça peut faire peur ». Un argument que le Parisien appuie en jugeant que « beaucoup ont peur du regard des autres, et du fait d’être une minorité. Tout dépend

du caractère ». Mais Sébastien croit en l’avenir de sa discipline, et pense que « quand la pratique va se démocratiser, les garçons qui n’osaient pas assumer leur attirance pour la gymnastique rythmique, sauteront le pas. Mais que la GR n’atteindra jamais la parité, c’est évident ».

« Fais ce que tu as envie de faire, pour toi, et pour personne d’autre » Pour Sébastien, l’avenir de la GR passe aussi par les duos (NDLR : les compétitions se déroulent, en solo et duo ou ensemble). Ces performances permettent de « jouer sur le côté couple, et permettent de proposer autre chose ». Pour inciter les hommes à rallier la GR, il estime que « les compétitions internationales doivent proposer le duo mixte, ça promouvra la discipline».

À l’image des compétitions masculines qui se déroulent notamment en Espagne, les fédérations françaises pourraient avoir des idées. Mais le jeune homme de 26 ans n’en fait pas un cheval de bataille. Cette GR là, il a appris à l’aimer, il s’est frayé un chemin dans un monde qui ne lui était pas forcément destiné à l’origine. Une discipline qui lui a « forgé un mental, et l’a fait devenir l’homme qu’il est aujourd’hui ». Et il ne peut qu’inciter les autres à faire de même. « Mon message pour un enfant qui veut faire de la GR ? Fonce, n’aie pas peur du regard des autres, fais ce que tu as envie de faire, pour toi, et pour personne d’autre. » Un message pour ceux qui porteront l’avenir d’une discipline qui ne demande qu’à se diversifier grâce à vous messieurs, et à sortir de cette fomentation “féminine”.

Ruben Orihuela : « Les Français ont plus peur du regard des autres » En Espagne, les hommes s’affrontent dans des compétitions 100% masculines. C’est le seul pays au monde à offrir une telle possibilité. Un chemin pas facile selon Ruben Orihuela, ancien gymnaste espagnol de renommée et coach en Italie et en France. « Au début, nous étions 5 ou 10, la Fédération était catégorique et ne voulait pas reconnaître ce sport comme mixte. Mais elle est finalement revenue sur sa décision et nous sommes devenus des pionniers mondiaux de la 47

GR. » Pour le quadruple champion d’Espagne, le problème français « est une vraie question de mentalités. Les gens et les Fédérations ne sont pas prêts à accepter que la discipline se masculinise. En plus, les Français ont plus peur du regard des autres, donc ça se démocratise moins facilement. Mais je suis persuadé que ça va changer, on voit une évolution depuis plusieurs années. Il faut être patient ».


Charly Lucas lors des championnats N1 masculine de twirling bâton, le 20 février dernier © Charly Lucas

Charly Lucas : « Je me faisais taper à cause du twirling bâton» Charly Lucas a été l’un des premiers hommes à pratiquer le twirling bâton, il y a plus de 20 ans. Une discipline qui peine à s’ouvrir au monde et qui souffre de clichés ancrés. Retour sur un parcours semé d'embûches, de détermination et de résistance, qui l’a mené jusqu’à affronter les meilleurs mondiaux.

L

a vie n’est pas un long fleuve tranquille. Charly Lucas en est la preuve. Le natif de Blois commence le twirling bâton à 11 ans, « tardivement par rapport à la moyenne dans la discipline ». Il faut dire qu’on ne lui a pas facilité la tâche. « J’ai toujours voulu faire du twirling. J’accompagnais ma sœur à tous ses entraînements, et je faisais le “ramasseur de bâton”.» Pour autant, il se heurte à la réticence catégorique de son père. Ce dernier juge le twirling comme « un sport destiné aux filles. C’était inconcevable qu’un homme le pratique. À cette époque, on n’en voyait pas non plus ». Mais à force de persuasion, son géniteur finit par craquer. Il fait alors partie d’une minorité dans la discipline. « Quand j’ai commencé, on était une trentaine de garçons à faire du twirling en France », se souvient-il. Une différence qui lui a ouvert les portes du haut niveau. Il est rapidement repéré par le club de Bourgueil (Indreet-Loire), référence du twirling en France, et systématiquement sur le podium des championnats de France à cette époque.

« J’ai vécu une scolarité très difficile » Le jeune garçon participe alors à ses premières compétitions nationales et internationales, mais ne fait pas de vagues. « En primaire, mon maître était au courant, mais je pense que c’était le seul. Au collège ça a été beaucoup plus compliqué par contre. » Le Blésois est scolarisé dans un établissement classé en ZEP (Zone d’Éducation Prioritaire). Un milieu social compliqué qui ne

Tu fais un sport de fille, donc tu es homosexuel

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favorise pas son intégration. « Je suis devenu la cible de moqueries, je me faisais taper, on était obligé de me changer de classe très régulièrement, ma scolarité était très difficile. » Pour autant, Charly a toujours été sûr de sa motivation et de son dévouement pour le twirling. « Je passais ma vie au twirling, c’était devenu plus important que mes études. Je m’épanouissais réellement dans ce sport. » Et s’il ne pouvait pas compter sur une reconnaissance de la part de ses camarades, les compétitions lui ont apporté cette confiance en lui. Très jeune, il atteint le haut niveau, et se voit « comme une mini-star ». « C’était hyper important pour moi. Ce bonheur dans le twirling, il compensait le mal-être du collège, et passait au-dessus de tout ».

« Tu fais un sport de fille donc tu es homosexuel » En passant 15 heures par semaine sur le praticable, il accorde donc sa priorité à ce sport, et « extériorise la difficulté de ses journées au collège ». Un volume horaire conséquent pour viser les sommets du twirling. En compétition, Charly n’affronte que des garçons, et l’évolution des hommes dans la discipline, il la remarque. « C’est assez considérable par rapport à avant, mais ça reste minime face aux filles. En séniors, au plus haut niveau national, on est 26 contre 100 filles. En N2, c’est 8 mecs pour 500 filles. » Une minorité qu’il explique « par la connotation de sport de filles, et l’absence de lien entre le domaine artistique et la gent masculine ».Mais le principal problème, « c’est le rapport à l’homosexualité. Tu fais un sport 49

de fille, donc tu es homosexuel et ça dérange beaucoup de gens. On me le dit très souvent ». Des idées reçues généralisatrices, « pas forcément fausses ; il y a beaucoup de personnes homosexuelles, mais ce n’est pas parce qu’elles font du twirling ». Charly tire la sonnette d’alarme. « Tant que les mentalités n’auront pas changé - et ce n’est pas tout de suite - les choses ne bougeront pas. Mais déjà, les parents sont un peu plus ouverts d’esprit que la génération d‘avant. »

« La France est parmi les trois meilleures nations du monde en twirling » Mais le twirling, comme beaucoup d’autres sports, souffre d’une sous-médiatisation. « Au niveau mondial, on est parmi les trois meilleures nations du monde, pourtant on n’en parle jamais dans les médias. » Ce “combat” national, devrait aussi s’exporter à l’international, ou le sport n’est pas plus avancé. « On est tous dans le même bateau. Il y a 12 hommes aux Mondiaux, pour 50 femmes. En plus, la France, le Japon et l’Italie envoient trois athlètes, un ou deux pour les USA et un parci par-là ». Pour compenser cette discrétion médiatique, Charly est force de proposition, et milite pour réinventer le twirling. « Des pros pourraient proposer des spectacles de rue, pour montrer que ça existe et donner envie à certains. » Alors, mettre sous le feu des projecteurs une discipline devenue rêve de gosse puis raison de vivre, c’est aussi une revanche sur le monde pour Charly. Antonin GIZOLME


MÉPRIS

Homme et secteur de la petite enfance, ça va ensemble ?

Top/flop à l ’international selon Sensible La rédaction de Sensible vous présente sa liste de pays qui sont les meilleurs et les moins bons en termes d’égalité homme-femme, de libertés LGBT, mais aussi dans la manière dont l’homme peut se comporter dans lesdits pays.

Ancien conducteur de train et musicien, Quentin*, 32 ans, a fait le choix de la reconversion professionnelle. Depuis 2 ans, il exerce en tant qu'éducateur de jeunes enfants, une profession à 99 % féminine. Entre préjugés, absence de mixité et discrimination positive, Quentin passe par toutes les émotions.

L

e métier d'éducateur de jeunes enfants, que pratique Quentin consiste à s’occuper des petits de moins de 6 ans, dans des crèches ou des haltes-garderies. Son rôle : favoriser l’épanouissement, apprendre les règles d'hygiène et de vie sociale. L’aventure commence il y a 3 ans pour le natif de Valence. Après avoir conduit des trains pendant plus de 5 ans, ce trentenaire a voulu changer de voie. En rejoignant cette nouvelle structure, il avoue s'être senti « spécial ». L’absence de mixité débute dès l’école. « Dans ma promo, on ne voyait que moi, sur les 35 étudiants, j’étais le seul homme », souligne Quentin. Néanmoins, ce n’est pas une gêne pour lui. Il s’intègre rapidement et avoue que ses camarades n’ont jamais été malveillants envers lui. Sa présence suscite tout de même des interrogations, parfois déplacées.

« T’es sûr de vouloir t’occuper des enfants ? » Les doutes, les idées reçues, Quentin les connaît bien. Et ça lui est égal. « Je suis heureux de faire ce métier, je savais que ça n’allait

pas être facile, il fallait que je m’y attende ». Dans son entourage, il se souvient de certaines moqueries. « Ma grand-mère m’a tout de suite dit qu’il fallait que j’évolue par la suite, que je ne pouvais pas faire ça toute ma vie. On disait que j’allais juste changer des couches.» Ça n'atteint pas le jeune homme pour autant, ce qui le blesse le plus, c’est le regard et les mots des parents d’enfants à son égard. « J’ai eu affaire à certaines remarques qui n’auraient pas lieu d’être. Une fois en crèche, une petite fille et sa mère sont devenues distantes du jour au lendemain. D’un coup, le père a demandé à ce que sa fille ne s’assoie plus sur mes genoux, étant donné que je suis un homme. Il y a une peur de la pédophilie.» Malgré tous les à priori qui lui ont été émis, il préfère ne voir que le positif. « Au final, presque tous les parents sont contents de moi et j’estime faire du bon travail. » Être un homme dans cette profession est une rareté, lui offrant une certaine indulgence.

Une discrimination positive

ses erreurs », confie Camille, l’une de ses collègues. Dès lors de l'apprentissage, la différence était nette selon elle. « On voyait que tout ce qui était instinctif pour nous les femmes, ne l’était pas pour lui, comme la façon de tenir un bébé ou de faire une couette à une fille. » Quentin avoue que « c’est plus facile d’être un homme dans un métier de femme, on va être plus bienveillant et clément sur mon travail ».

Les gars, il faut passer le cap Selon lui, les hommes sont encore complexés à l’idée de devenir éducateur de jeunes enfants. « J’encourage tous les hommes à faire ce métier, ça serait bien que les mentalités changent », conclut Quentin, d’humeur joviale. Ainsi, en 2013 a été créée l’association l’Amepe. Celle-ci a pour but de « promouvoir la mixité et l’égalité professionnelle dans le secteur de la petite enfance et de lutter contre les stéréotypes de genre». À l’avenir, Quentin compte bien être l’un de ses acteurs. Pour le moment, il préfère s’occuper de lui et de sa crèche.

« On lui pardonne plus facilement

Kévin MONACI

Les Flops : n°4

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n°4

La Russie

La France

La Russie est le pays où il vous faut être un homme, un vrai. N’imaginez pas appartenir à la communauté LGBT. Souvenez-vous des homosexuels enterrés vivants en Tchétchénie, une petite république autonome en Russie. Mais la Russie dans sa globalité est hostile aux LGBT. 80 % de la population juge que les relations homosexuelles sont condamnables. Le gouvernement russe souhaite inscrire l’interdiction du mariage homosexuel dans la constitution.

Dans le monde, seuls 10 pays accordent les mêmes droits juridiques aux femmes qu’aux hommes. Ce sont la France, l’Irlande, le Luxembourg, la Belgique, la Suède, le Danemark, la Lettonie, l’Islande, le Canada et le Portugal, selon Statista.

n°3

n°3

La Hongrie

En Hongrie également, si vous souhaitez exprimer en public votre homosexualité, pas sûr que le gouvernement de Viktor Orban apprécie la démarche au vu de la loi anti-LGBT votée en juin dernier. Cette loi interdit la promotion de contenu pornographique ou une « déviation de l’identité de genre » dans l’espace public.

n°2

Le Rwanda

26 %, c’est la moyenne de sièges occupés par des femmes dans les parlements du monde entier. Mais au Rwanda, elles sont majoritaires, avec 61% des sièges à la chambre des députés. Au pays aux mille collines, on ne se pose plus la question de savoir si une femme peut gouverner ou non.

n°2 La Suède

L'Arabie Saoudite

L’Arabie Saoudite a intégré la commission des droits de la femme à l’ONU depuis 2017. En quoi est-ce mauvais ? C’est le pays des inégalités entre les hommes et les femmes, même si depuis 2018, elles obtiennent davantage de droits, comme celui de conduire. C’est un processus lent, qui ne vise qu’à améliorer l’image du pays vis-à-vis de ses voisins (Qatar, Bahreïn…) beaucoup plus ouverts.

n°1

La mixité des professionnels travaillant en crèche peine à évoluer. ©GettyImages

Les Tops :

La Suède est le pays en haut de tous les classements en termes d’égalité hommes femmes. En termes de la lutte contre le racisme, ou le harcèlement contre les LGBT. La Suede est le meilleur pays où vivre que vous soyez un homme ou une femme.

n°1

L’Inde

Vous venez de naître en Inde ? Pas de bol vous êtes une fille, vous risqueriez de ne pas vivre autant que vous l’espériez… L’Inde est le pays avec l’un des pires ratios hommes-femmes du monde. Cela est dû au fait que dans de nombreuses familles, il est préférable d’avorter ou de tuer le bébé à la naissance si c’est une fille. Juste pour des raisons de culture et d’héritage.

Aucun pays

Aucun pays ne peut être Top 1. Car aucun n’est tout beau tout propre. Même la Suède, qu’on mettait sur un pied d’estale dans le top précédent, a elle aussi été ébranlée par des affaires de harcèlement ou autres suite à #Metoo. Comme quoi l’herbe paraît plus verte ailleurs, mais cela n’est qu’un artifice. 51

Tom BARAFFE


Joie « LA JOIE EST LE PASSAGE DE L’HOMME D’UNE MOINDRE À UNE PLUS GRANDE PERFECTION » BARUCH SPINOZA

Sommes-nous tous les jours en quête d’une impossible perfection ? Posez-vous la question attentivement. Est-ce que les hommes sont satisfaits de ce qu’ils font ? La surenchère est dans leur quotidien et la volonté d’avoir toujours mieux est un sentiment qui se partage en grande majorité. Être un homme, est-ce donc aspirer à la perfection ? Le caractère de chacun est différent, mais l’aspiration à la perfection lui permet d’entretenir ses espoirs.

Iels poussent la féminité à l’extrême p.54

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Portrait

« Pour faire du drag, il faut avoir des couilles » Si vous suivez l’actualité autour de l’univers du drag à Lyon, vous reconnaîtrez sans doute la personne dont nous allons dresser le portrait. En effet, Just Janice a remporté l’édition 2021 du concours Miss Drag Lyon. Une consécration pour celle propulsée en à peine deux ans sur le devant de scène de ce monde de strass et de paillettes.

«

Je suis une drag du confinement » s’amuse à répéter Jean-Michel, l’alter égo de Janice. Pour ce jeune homme de « 20 ans depuis quelques années », l’envie de faire du drag est venue de manière assez spontanée. « Au bout de trois mois, alors que tout s’était arrêté lors du confinement, j’ai eu besoin de faire quelque chose, expliquet-il, j’avais aussi ce besoin de retrouver le goût du luxe ». En effet, dans la vie de tous les jours, Jean-Michel est infirmier mais a travaillé auparavant en tant que commercial dans le luxe. Il est touché par la positivité que représente l’univers du drag. Mais c’est grâce à Cargo, une association lyonnaise qui milite contre l’homophobie, pour l’inclusivité et les droits LGBTQ+ dans le sport, qu’il a découvert l’univers du drag. L’association organise tous les deux ans les Tigaly (Tournoi international gay de Lyon), une compétition internationale de sport. Lors des soirées, il y avait des shows de drag. C’est d’ailleurs de ces soirées-là que le collectif de drag The Scandal House, dont fait aujourd’hui partie Janice, est né.

© JM / Just Janice Fine

Just Janice Fine 54

Just Janice Fine est donc née en 2019. La volonté d’intégrer une association ou un collectif est freinée par la formation à laquelle

Janice doit se soumettre. En effet, la formation de “baby-drag” (pour les drag débutant.e.s) est très longue. « Je suis directement allée acheter pour plus de 300€ d’accessoires de drag.. sans savoir m’en servir ! », s’exclame-t-elle. Par la suite, son investissement et sa témérité ont payé puisque

Rare sont celles qui en font leur métier. 3h de prestation d’une “baby-drag”, c’est entre 150 et 200 € - © Just Janice Fine

Orgyna Velour, une drag-queen lyonnaise et membre de la Scandal House, a été séduite par sa persévérance. C’est elle qui présentera Just Janice Fine aux yeux du monde le 14 février 2020. Une date importante, majeure

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pour Just Janice Fine puisqu’elle correspond à son baptême officiel, sa révélation aux yeux du public… tout simplement la naissance officielle de Janice. « À ce moment-là, même si Orgyna n’avait pas remporté le concours, moi, j’avais déjà tout gagné » se remémore Janice. À partir de là, il a fallu tout apprendre pour notre babydrag. Se maquiller, préparer une perruque, confectionner sa tenue. « J’ai besoin de tout faire moi-même, c’est réellement mon but » affirme fièrement Janice. Elle a donc passé quatre mois à confectionner sa première tenue pour sa première prestation en 2019, de A à Z. Un travail qui a porté ses fruits puisque le 18 septembre 2021, soit un an après sa présentation officielle, Just Janice Fine remporte Miss Drag Lyon. Un pari gagné qui vient récompenser une année de préparation. Car oui, ici aussi, elle a tout fait elle-même. À titre informatif, une vingtaine d’heures est nécessaire pour confectionner une robe et entre cinq et six heures pour une perruque. Sans oublier le maquillage, qui requiert entre trois et quatre heures avant chaque show, sachant qu’il faut plusieurs tenues pour chaque show.


Soirée de la victoire de Janice à l’élection Miss Drag Lyon 2021 - © Just Janice Fine

Le soutien familial dont a bénéficié Janice se retrouve dans l’univers du drag. Beaucoup de sororité se forme dans ce milieu. « Habituellement, dans la dynastie drag, nous avons une drag-mother, une sorte de marraine », explique Janice. Ainsi, même si un fort sentiment de compétition - voire de jalousie - se fait ressentir entre les dragqueen, il y a une tendance à la bienveillance pour chacune d’entre elles. « Même les plus grandes Queens sont accessibles.

Par exemple, pour un show où nous avons besoin de quatre robes, je vais en amener huit, au cas où une autre drag ait un pépin sur sa tenue. On est plusieurs à faire ça, explique Janice. Le but pour moi notamment, est d’être la meilleure des meilleures, pas la meilleure des pires. Il est important de donner toutes les chances aux autres pour vraiment mériter une victoire ». Malgré sa récente entrée dans le monde du drag, Just Janice Fine

Une consécration après une ascension fulgurante, mais surtout une consécration personnelle. Au-delà de la fierté personnelle, cet événement a permis à l’alter ego de Janice de confirmer cette vie auprès de ses proches. « J’ai vraiment eu la chance d’avoir un entourage qui m’a toujours soutenu dans cette démarche, affirme Jean-Michel alias Janice. J’ai tout de même eu peur de l’annoncer à mon père. C’est ma mère, à qui j’en ai parlé depuis le début, qui m’a dit : “Si tu gagnes Miss Drag Lyon, tu le dis à ton père”, et j’ai gagné. Et finalement, aujourd’hui, c’est lui qui m’a acheté des tenues et des costumes». est sur une très bonne pente. « Je touche du bois, mais je n’ai pour l’instant que des retours positifs » , affirme t-elle. Pour l’heure, au moment d’écrire ces lignes (mi-février 2022), Janice a déjà 12 dates de représentation d’ici le mois de juin 2022. « Mon but est que Janice devienne une marque. Je dis oui à presque tout car je sais que je suis sur la pente ascendante et que je profite de la fraîcheur de la nouveauté », relativise la jeune drag-queen. Macéo CARTAL

Complexité entre drag et question du genre

De la culture du divertissement au combat engagé Arrivées dans les années 1800, les drag-queens se sont exportées et ont évolué à travers le temps. Entre controverse et culture, découverte en images de la culture du drag.

© Africa Media Online / Mary Evan

William Dorsey Swann, née esclave à Hancock aux Etats-Unis, est connue pour être la première drag-queen de l’histoire. En 1880, elle commence ses shows dans des bals à Washington. 16 ans plus tard, elle est condamnée à 10 mois de prison pour comportement désordonné et travestissement.

© Cousin Lucy Les drag-queens sont rapidement devenues un divertissement grâce au développement des spectacles de vaudeville dans les années 1920. L’icône qui incarne le mieux cette facette est Julian Eltinge. Sa popularité remplira des salles entières, il deviendra même acteur par la suite. © Cousin Lucy

Officiellement, le drag est défini comme l’expression de la masculinité, de la féminité ou de toute autre expression de genre de manière volontairement extravagante. Une dragqueen interprète alors la féminité, alors que le drag-king va représenter la masculinité. Bien différent d’un simple travesti, le fait d’être drag n’inclut pas forcément la volonté d’une transition de genre, même si ce milieu peut être un tremplin pour certains ou certaines de se lancer. D’ailleurs, même si l’imaginaire collectif veut que les drag-queens soient des hommes, et les drag-kings des femmes, il n’y a rien qui empêche un homme d’être drag-king et inversement. Se lancer dans ce genre de performance n’est cependant pas quelque chose d’anodin. « Pour faire du drag, il faut avoir des couilles », interpelle Just Janice Fine, tant par la rigueur demandée pour les shows, que par le regard des autres ou encore pour savoir s’imposer dans ce monde des drags.

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© Midnight Believer

Rae Bourbon. On dit que l’usurpation d’identité féminine et l’histoire des drag-queens se sont mêlées à la culture gay vers les années 1930. Lorsque les États-Unis sont entrés dans l’ère de la prohibition, qui a aboli la production et la consommation d’alcool de 1920 à 1933, les homosexuels ont utilisé les clubs et les bars clandestins (les speakeasies) comme une opportunité de s’exprimer et de s’amuser

© Linda Simpson RuPaul et Willi Ninja sur scène le même jour en 1991. La culture du drag a alors semblé s’intégrer lentement dans la société traditionnelle avec les performances de drag et de genre de l’acteur Tim Curry dans le Rocky Horror Picture Show de 1975 ; et les styles esthétiques du musicien David Bowie.

Dans les années 1990, le monde était prêt à rendre la drag-queen plus courante que jamais. En effet, la drag-queen à la tête de cette acceptation n’était autre que RuPaul Charles, qui allait changer l’histoire du drag à l’ère moderne. RuPaul s’est fait un nom à la fin des années 80 et au début des années 90 sur la scène des clubs de New York. Il est devenu une célébrité locale qui lui a jeté les bases d’un succès national. En 2009, RuPaul a créé sa série de concours de réalité RuPaul’s Drag Race. Le spectacle est depuis devenu un phénomène populaire.

© EVERETT COLLECTION

© Byron Spencer

© Byron Spencer

Photo de Harris Glenn Milstead aka Divine. Pendant ce temps, une culture plus large a continué à criminaliser la culture gay. En réponse, la scène de drag s’est déplacée dans une atmosphère souterraine. La communauté gay a prospéré, malgré le fait qu’il était illégal pour ses membres de se faire servir de l’alcool dans les bars, ou même de danser ensemble. © Zelig Films Distribution

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Violet Chachki, Latrice Royale, Ryburk, Adore Delano, Aquaria. À l’ère moderne, où Internet peut mettre en lumière les communautés marginalisées, le drag a trouvé une base de fans devenue plus grande que nature. La drag-queen est de nouveau entrée dans le courant dominant et cette fois, il semble qu’elle soit là pour y rester.

Kévin MONACI / Macéo CARTAL 59


Amour « L’HOMME EST AINSI, IL A DEUX FACES : IL NE PEUT PAS AIMER SANS S’AIMER » ALBERT CAMUS Tout être humain court en quête de l’amour, sous quelque forme qu’il existe. De l’amour maternel à l’amour fusionnel, en passant par l’amour des choses, de ses compères, mais aussi - c’est souvent le plus difficile : l’amour propre et par-dessus tout l’amour de soi. Chez l’homme, l’amour est parfois perçu comme une faiblesse, une fragilité à cacher, voire même à éviter pour certains. Est-il possible d’aimer sans s’aimer soi-même ? Comment avoir confiance en l’autre lorsque la confiance en soi nous fuit ? Le sexe est peut-être le meilleur exemple d’illustration de ces problématiques : comment bien aimer son partenaire, lui procurer du plaisir, sans soi-même être sûr de ses capacités ?

La galanterie, nom masculin p.62 Réapprendre à faire l’amour p.63 « Chéri, t’as mis ton slip contraceptif ? » p.64 Ils ont chanté l’amour p.68

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Les signes préliminaires de l’Amour p.69

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97% des Françaises sont attachées à la galanterie selon une étude commandée par Meetic. Effort obligatoire messieurs ! ©ÉcoleSavoirVivre

Après vous, madame

AMOUR

« Tiens la porte à la dame ! » Des petites phrases dans le vent, comme ça, mais profondément enracinées dans la société française, et qui nous sont inculquées dès le plus jeune âge. Apparue au XIIe siècle dans la cour d’Aliénor d’Aquitaine où poètes et troubadours chantaient les louanges des dames, la galanterie veut s’opposer au brutal. Au fil des siècles, elle est même devenue une coutume sociétale; non seulement dans la vie de tous les jours, mais aussi lorsqu’il s’agit d’un registre un peu plus intime…

G

alanterie, non-féminin. Courtoisie empressée auprès des femmes. Pas de bol messieurs, dans la vie à deux, la tradition veut que l’homme soit à l’initiative de tout débouché. Que ce soit lui qui invite la femme, lui qui demande en mariage sa bien-aimée… Messieurs, non, la galanterie ne se résume pas à ouvrir la porte à votre dulcinée au restaurant, c’est bien plus complexe. Accrochez-vous.

Nice Guys Difficile de parler galanterie à l’heure où les traditions les plus délicates tendent à s’effacer. Pour y remédier, des écoles de savoirvivre enseignent les préceptes de l’homme galant, au-delà du « je tiens la porte à la dame », pour bien figurer en société ou au travail. « Dans la galanterie, il y a aussi l’art de bien se présenter, ça fait partie d’une bonne tenue, d’un bon comportement. Ce n’est pas de se demander si je dois monter un escalier en même temps qu’une femme, si je dois passer devant ou derrière, de quel côté du trottoir je vais me mettre quand je me promène… Il y a aussi

le fait d’avoir un minimum de raffinement, d’élégance », détaille Catherine Duguet, formatrice et dirigeante de l’École du savoirvivre, dans le Loir-et-Cher. Si vous voulez vraiment jouer à l’homme galant, voici, pêle-mêle, ce à quoi vous devrez penser : lors d’une sortie romantique au restaurant, vous aiderez la femme à ôter son manteau et à le remettre, lui tirerez délicatement la chaise face à la salle pour qu’elle s’installe. Vous vous lèverez également ou esquisserez le mouvement lorsqu’elle se lèvera au cours du dîner. En la raccompagnant, vous lui ouvrirez la portière de la voiture au départ comme à l’arrivée et vous vous assurerez qu’elle soit bien rentrée chez elle avant de décoller. Si, bien sûr, vous n’avez pas eu le courage ou l’envie de pousser cette soirée un peu plus loin.

« Vous n’aurez pas deux fois l’occasion de faire bonne impression » La phrase que vous venez de lire est du chef de Gabrielle Chasnel, alias Coco Chanel, la très célèbre créatrice de mode, avant de 62

vendre ses eaux de parfum à près de 2 000 € le litre. En galanterie, on adhère en tout cas au dicton. « Quel que soit l’événement, c’est important pour un homme de bien se comporter, d’avoir une certaine galanterie a minima, parce que ça se perd. Professionnellement, même si la hiérarchie prime sur le sexe et l’âge, qu’il y a des codes en entreprise liés au monde professionnel (le supérieur hiérarchique, homme ou femme, tend la main en premier) c’est toujours plus agréable de rencontrer un homme galant que quelqu’un qui n’a aucune galanterie, voire un mufle, ça peut arriver », explique Catherine Duguet. Si l’ambition de la dirigeante de l’école est d’aider ses clients tant professionnellement que socialement, elle n’a pas la prétention d’enseigner une unique vérité irréfutable. « Je ne veux pas que ce soit rigide. Les codes sont les codes, mais ce n’est pas pour être hautain ou se sentir plus haut que les autres. C’est le bien vivre ensemble », argumente-t-elle. Alors, mieux armé pour conquérir Madame ?

Quand le sexe devient un stress

«

Putain hier je l’ai prise dans tous les coins de la chambre. » « Elle était à quatre pattes comme une chienne. » Ces phrases, on les entend tous les jours en parlant cul avec des potes. A chaque fois, elles entraînent dans le groupe principalement des mecs - un bon rire graveleux. Et puis, chez certains, un sourire un peu gêné aux lèvres. Peut-être qu’elle aime ça

On se dit, « après tout, peut-être que sa copine n’aime que ça », sans trop y croire. Je consulte en cachette les comptes qui parlent de plaisir féminin sur Insta, tous évoquent l’écoute, la déconstruction. Si différents des discussions de mecs, des films X qui nous ont “tout” appris, tellement que j’en viens à davantage réfléchir qu’agir, à perdre en spontanéité. Obsédé par ce que je devrais faire à tel ou tel moment pour, surtout, ne pas être un mec guidé par son seul plaisir. Cancel sa sexualité Je décide d’en parler, avec d’autres gars, ces gars qui osent commenter, liker et partager les posts de ces pages que je lis seul dans mon coin. Le premier, c’est Raphaël, qui commente une publication de Dora Moutot (du compte “tasjoui”). « Je suis perdu, je

dois bien l’avouer », lance-t-il. La vingtaine, il m’explique que « toutes ces nouvelles choses que je découvre, c’est trop d’infos, sur quelque chose qu’on n’a jamais remis en question ». Avec Raphaël, on se retrouve sur un point : parler de nos difficultés à s’adapter nous donne l’impression de se victimiser… Trois ans et pas d’orgasme « Certains jours ça va loin, me raconte Raphaël, il m’est arrivé de dire stop, que mon corps dise stop en plein acte, parce que là-haut, dans la tête, c’est en ébullition. » Mais parfois, l’envie disparaît et on retombe dans les habitudes, dans ce que le porno nous a inculqué, c’est facile. Comme une impression d’être bipolaire, un jour on pense à elle, le lendemain uniquement à soi. « Je suis obsédé par son plaisir. Je vais pas te mentir, ça fait presque trois ans qu’on est ensemble et je ne lui ai jamais donné d’orgasme… je me sens comme une merde. Comme un élève à qui elle essaye d’apprendre la vie. »

il m’est arrivé de dire stop en plein acte, parce que dans la tête, c’est en ébullition. - Raphaël 24 ans

Clément BARBIER 63

Thibault essaye, mais « c’est un cercle vicieux, j’ai l’impression que plus j’y pense moins j’y arriverai ».Pourtant, il n’est pas seul, selon un récent sondage, au moins 13 % de femmes n’ont jamais eu d’orgasme. Mais 29 % d’entre elles disent subir l’acte sexuel, du plaisir à sens unique finalement. « Autant se masturber seul dans son coin, moi, même en essayant je n’y arrive pas ! Peut-être qu’en faisant les choses sans me poser de questions ça irait… » conclut Thibault. Parler pour réapprendre « J’ai très mal vécu tout cela, mais c’est pile au moment où l’on arrête de se prendre la tête que les choses vont mieux », me raconte Louis, 25 ans et en couple depuis plus de trois ans. « On en parle, on en rigole et on change petit à petit », ajoute-t-il. J’en parle avec ma copine pourtant moi aussi. Certes il y a des problèmes plus graves, tous les couples ont les leurs et ça ne remet pas en cause l’amour que l’on a l’un pour l’autre mais ça doit changer. Bref, on en parle, la discussion dérive et chaque moindre difficulté rencontrée s’exacerbe, la volonté manque et l’amour est remis en question. Une semaine plus tard, c’est fini.


AMOUR

La contraception, messieurs, quand est-ce qu’on s’y met ? Il y a une semaine, Olivier Véran déclarait : « Il faut faire progresser la contraception masculine, mais ça, ce n’est pas le ministre que je suis qui peut le faire avec ses petites mains. » Mais alors si faire connaître de nouvelles techniques de contraception et participer au partage de cette charge entre hommes et femmes n’est pas le rôle du ministre de la Santé, qui diable devrait s’en occuper ? Des associations, des femmes et des hommes en ont pris la responsabilité.

« La contraception masculine ? Il n’y a que la vasectomie non ? » Place Bellecour, à Lyon, il suffit d’arrêter une dizaine de personnes pour se rendre compte que la connaissance sur la contraception masculine se résume surtout au préservatif et à la vasectomie. « Il y a le préservatif et c’est tout. Enfin je crois », lance Enzo, la trentaine.

et de recherche pour la contraception (Garcon.link) relève « une grande hypocrisie dans cette phrase ». Une déclaration qui fait d’autant plus réagir, quelques mois seulement après la mise en place Contraception gratuite pour les bien accueillie - de femmes. Et pour les hommes ? la gratuité de la contraception pour Slip et anneau pour la méthode les femmes de moins thermique, méthode hormonale de 25 ans. ou vasectomie, de toutes ces techniques, le ministre de la Santé, Preuve que, oui, c’est comme Enzo, semble ne retenir bien la responsabilité du ministre que le préservatif. Pour preuve, de la Santé de faire progresser ces cette récente déclaration lors d’une sujets. réunion dans le cadre de la mission d’information sur la santé des Un cruel manque de moyens femmes : « Pour les hommes, la contraception sur prescription est Guillaume Daudin est journaliste prise en charge à 100 %. Je parle à l’AFP. Après une discussion avec là des préservatifs masculins ». sa femme sur la contraception, il découvre que des hommes Problème réglé donc ? Pas si facile, puisque quelques ont décidé de prendre cette Son roman minutes plus tard, Olivier Véran responsabilité. déclare : « Il faut faire progresser graphique, Les Contraceptés, la contraception masculine, mais montre un manque criant de ça, ce n’est pas le ministre que moyens. Interrogé par Sensible, il je suis qui peut le faire avec ses raconte : « Lorsqu’on a découvert contraception masculine, petites mains. » Erwan Taverne, la co-fondateur du Groupe d’action on s’est dit que c’était étonnant 64

Récemment, l’anneau androswitch (voir témoignages) a été interdit à la vente par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Le produit n’a pas obtenu la certification «CE», obligatoire sur le marché européen. Problème, le processus d’obtention coûte environ un million d’euros. L’entreprise Thorème, qui commercialise l’anneau, a donc lancé un appel aux dons. Ce manque de moyens, Erwan Taverne le connaît bien. Il organise des ateliers couture pour apprendre, aux hommes intéressés, à se fabriquer leur propre slip contraceptif. C’est d’ailleurs en venant à l’un de ses

que personne n’en parle. On a aussi vu que les hommes qui s’y intéressent se retrouvent à devoir se débrouiller entre eux. Les autorités publiques n’investissent pas et les laboratoires non plus. » Ce manque d’investissement, Marie Mauzaudou, conseillère au planning familial de Niort et membre du groupe de travail sur la contraception masculine, l’explique : « Les contraceptions thermiques, qui sont les plus utilisées, ne sont pas rentables pour les labos. Un slip, l’utilisateur l’achète une fois et c’est terminé. Mais je leur fais confiance pour trouver quelque chose de plus intéressant financièrement… »

ateliers couture que Guillaume Daudin a découvert ces hommes qui font avec les moyens du bord. «Faire connaître la contraception, sensibiliser, militer c’est notre rôle, nous, associations. Mais on demande des moyens au ministre» déplore Erwan.

performance sexuelle, que les hommes s’imposent - souvent entre eux - est encore un frein au partage de la contraception entre les sexes.

« Lorsqu’on touche à la fertilité de l’homme, c’est très dur à accepter »

Et c’est notamment parce qu’elle est un enjeu d’égalité hommesfemmes que la contraception masculine est si importante à développer. Mais là encore, « on revient sur des schémas qui invisibilisent les femmes », insiste Marie Mazaudou. « Je connais un gars qui n’avait même pas encore commencé à s’y mettre que la télé locale voulait déjà faire un reportage sur lui. Sa meuf était énervée, elle lui a dit : “ Moi je prends la pilule depuis des années, on ne m’a jamais félicité ” », lance en rigolant, Erwan Taverne. Dans la majorité des cas (voir témoignages), les hommes contraceptés l’ont fait d’abord parce que leur compagne a exprimé le besoin de partager cette charge, car « il y a peu de demande spontanée des hommes. C’est d’ailleurs en partie pour cela que les laboratoires n’investissent pas », détaille, le journaliste Guillaume Daudin.

De l’argent et des gens, il en faudra pour faire connaître et accepter cette avancée. Pour Marie Mazaudou, l’un des freins au développement de la contraception masculine, « ce sont les injonctions que les hommes subissent ». « Lorsque j’ai commencé à travailler sur le sujet il y a une dizaine d’années, les hommes avaient peur de se féminiser. Aujourd’hui c’est moins vrai, mais il y a toujours une difficulté à accepter que l’on touche au corps de l’homme, surtout quand il s’agit de sa fertilité », détaille l’auteure d’un mémoire sur les résistances à la contraception pour les hommes. Car, dans l’esprit des hommes, « infertilité rime trop souvent avec impuissance », confirme le Pr François Olivennes, gynécologueobstétricien. La notion de

Des schémas qui invisibilisent les femmes

Nathan CHAIZE

Des hommes au pouvoir, un frein ? Dans les pouvoirs publics comme dans l’industrie pharmaceutique, les hommes sont majoritaires. Guillaume Daudin n’a « pas beaucoup de doutes quant au fait que cela freine les avancées ». Pour Thomas Bobika, dessinateur engagé dans la promotion de la contraception masculine, « la vision patriarcale est prédominante dans l’univers médical. L’institution ne s’est jamais intéressée à la contraception masculine ». En 1999, le Pr Herjan Coelingh Bennick publie une enquête sur une pilule masculine qui fonctionne. Il présente ces résultats au conseil d’administration de son entreprise (Organon). Il raconte : « Cinq ou six personnes se sont regardées et ont dit “ vous prendriez ça ? Jamais ”, fin de l’histoire. C’était typique des hommes d’un certain âge. »

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Les méthodes de contraception expliquées aux novices

C’est une méthode très efficace mais pas industrialisée. Pour s’en procurer un, il faut se rapprocher d’associations qui proposent des ateliers de confection. La méthode nécessite un investissement de départ, mais est peu coûteuse sur le long terme. Le slip doit être porté 15 heures par jour. La réalisation de spermogrammes (analyse des caractéristiques du sperme) est nécessaire pour s’assurer de l’efficacité du dispositif. A noter qu’en cas d’oubli, il n’est pas possible de rattraper les heures perdues. Il faut se tourner vers une autre méthode le temps de retrouver l’effet contraceptif, environ un mois.

Les méthodes thermiques

Les méthodes thermiques consistent à remonter les testicules et ainsi les maintenir à une température supérieure de 1 à 2 degrés de celle nécessaire pour produire des spermatozoïdes.

AMOUR

L’anneau andro-switch

La vasectomie

L’anneau en silicone est très proche du slip. Le principe est le même, on remonte les testicules. On porte l’anneau 15 heures par jour, on l’enlève pour dormir. Seul hic, par manque de moyens, l’androswitch n’a pas reçu la certification « CE » et est donc interdit à la vente. La marque a lancé un appel aux dons pour financer la demande de certification.

C’est une méthode simple est très utilisée dans les pays anglosaxons. Cette méthode est à envisager uniquement si vous ne souhaitez pas procréer. C’est une opération légère mais le délai de réflexion imposé est de quatre mois. C’est le plus long qui soit imposé pour une intervention chirurgicale. La vasectomie est efficace à 99,8 %. C’est une opération réversible mais qui n’aboutit à une grossesse que dans 40 à 50 % des cas.

Ma belle-mère m’a envoyé une vidéo - Romain Picheral, 25 ans

Ma copine ne voulait plus prendre la pilule

Anneau Andro-switch

« Je suis contracepté depuis environ un an et demi et j’utilise l’anneau « Andro switch ». C’est ma belle-mère qui m’a envoyé une vidéo du créateur de l’anneau, mais mon médecin traitant me disait que l’on pouvait développer un cancer, ça m’a refroidi. J’en ai discuté avec un autre médecin cinq mois plus tard qui lui était plus au fait de ces méthodes. »

- Arnaud Dabreteau, 26 ans

la vidéo de sa mère et on en a discuté. C’est vraiment à deux que ça s’est fait. » Contraignant ? « Je me réveille je mets l’anneau, je me couche je l’enlève. C’est super simple ! La seule vraie contrainte, c’est les spermogrammes réguliers. » Des réactions de l’entourage ?

« Certains hommes me disaient Le rôle de ta compagne ? : “ Ta copine te castre ” mais sinon j’en parle facilement avec « On n’utilisait pas de des amis et deux d’entre eux contraception. J’ai eu commencent à s’y mettre. »

« Je suis contracepté depuis presque deux ans. J’ai fabriqué mon slip contraceptif grâce à une association impliquée dans la promotion de ces méthodes. » Le rôle de ta compagne ? « Déterminant. Elle ne souhaitait plus prendre la pilule et on n’aimait pas le préservatif. On a hésité entre stérilet et slip chauffant, finalement le slip était moins engageant. »

Le slip contraceptif

La contraception hormonale :

C’est une méthode très peu utilisée. On injecte de l’énanthate de testostérone en intramusculaire, à raison d’une fois par semaine. Cette augmentation du taux de testostérone dans le sang entraîne, au bout de trois mois, l’arrêt de la production de spermatozoïdes. Cette méthode entraîne globalement des effets secondaires proches de ceux de la pilule féminine. Malheureusement, aucune étude n’a été effectuée sur plus de 18 mois, il est donc impossible de l’utiliser au-delà de cette durée.

Témoignages : Un couple, une contraception

Slip contraceptif Contraignant ?

« Un poil car c’est du long terme et surtout si on ne l’a pas porté 15 heures sur une journée il faut du temps pour que ça redevienne efficace. Mais sinon le slip est très confortable, on l’oublie vite. » Des réactions l’entourage ?

de

« Je n’en parle pas beaucoup. Les gens sont étonnés mais rien de plus. »

Vasectomie « J’ai été opéré il y a à peine 3 mois. L’opération n’est pas efficace de suite et je suis stérile depuis une semaine, j’ai réalisé un spermogramme pour en être certain. » Le rôle de compagne ?

On savait qu’on ne voulait plus d’enfants - Thierry Guichard, 43 ans

Contraignant ? « Oui, dans le sens où si jamais un jour je veux de nouveau un enfant, ça sera compliqué. Mais au quotidien, pas du tout. »

ta Des réactions l’entourage ?

« Je dirais que c’est le couple qui a joué un rôle. Nous avons eu deux enfants et nous souhaitions nous libérer de la contraception. »

de

« Oh que oui ! Les gens disent que je suis fou, que c’est un énorme engagement mais moi je suis sûr de mon choix. »

Nathan CHAIZE

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« L’amour, l’amour, l’amour, dont on parle toujours… »

AMOUR

Si dans Sensible nous avons eu des difficultés à définir le sentiment amoureux, de nombreux artistes ont chanté l’amour, sous toutes ses formes. De la rencontre à la possible désillusion, en passant par la séduction ou la sexualité, les chanteurs ont su mettre des mots sur les maux liés à l’amour. Florilège des plus belles lignes chantées.

A propos de la rencontre « J’ai attrapé un coup d’soleil Un coup d’amour, un coup d’je t’aime » Richard Cocciante, Le coup de soleil « Ses regards ne regardent que moi » Julien Clerc, Ma préférence à moi « Ils avaient le ciel à portée de main, Un cadeau de la Providence, alors pourquoi penser au lendemain » Michel Fugain & Big Bazar, Une belle histoire

« Je lui dirai les mots bleus, Les mots qu’on dit avec les yeux » Christophe, Les mots bleus « Je viens du ciel et les étoiles entre elles ne parlent que de toi, D’un musicien qui fait jouer ses mains sur un morceau de bois, De leur amour plus bleu que le ciel autour » Francis Cabrel, Petite Marie

L’amour passionnel

« Oh mon amour, Tu es la vague, moi l’île nue, Tu vas, tu vas et tu viens, Entre mes reins » Serge Gainsbourg & Jane Birkin, Je t’aime moi non plus

L’amour idyllique

La séduction

« Je veux passer des heures à te caresser, Ton parfum, ta chaleur j’en ai jamais assez » Colonel Reyel, Toutes les nuits

« Quand on n’a que l’amour, Pour vivre nos promesses, Sans nulle autre richesse, Que d’y croire toujours » Jacques Brel, Quand on n’a que l’amour

L’amour toxique « J’te mentirais, Si j’te disais au fond des yeux, Que tes larmes ont tort de couler, Que cette fille ne fait que passer » Patrick Bruel, J’te mentirais

La rupture destructrice « Ne me quitte pas, Moi je t’offrirai, Des perles de pluie, Venues de pays, Jacques Brel, Ne me Où il ne pleut pas » quitte pas Patrick Bruel, Je te le dis quand même

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« Elle a bâti des ponts entre nous et le ciel, Et nous les traversons à chaque fois qu’elle ne veut pas dormir, Ne veut pas dormir, Je l’aime à mourir » Francis Cabrel, Je l’aime à mourir

« Je l’aimais tant que pour la garder je l’ai tué, Pour qu’un grand amour vive toujours, Il faut qu’il meure, qu’il meurt d’amour » Johnny Hallyday, Requiem pour un fou

« Mais j’trouve pas d’refrain à notre histoire, Tous les mots qui m’viennent sont dérisoires, J’sais bien qu’j’l’ai trop dit, Mais j’te le dis quand même, Je t’aime »

Edito

Quand l’amour frappe à la porte, les cœurs s’enflamment Pas toujours évident de savoir si l’on aime l’autre. Vous souhaiteriez ou non vivre une passion intense avec votre partenaire, mais vous n’arrivez pas à mettre un mot sur vos sentiments amoureux. Pour éviter de dire un « je t’aime » par complaisance, sans vraiment le penser, il existe quelques indices qui permettent de détecter si l’on tombe amoureux. Sensible s’est rendu dans les rues de Lyon pour recueillir vos opinions. Prouver que nous sommes en train de tomber amoureux d’une fille est difficile à déterminer. Mais il y a des signes qui ne trompent pas. Certains indices peuvent révéler que notre cœur bat la chamade. Un regard attendri, un sourire niais, des balbutiements sont des indices qui permettent de détecter que nous sommes en train de tomber amoureux.

peut parfois provoquer des réactions radicales. Certains se sentent pousser des ailes et changent leurs comportements. « J’essaie de me mettre en avant et de me monter sous mon meilleur jour. L’objectif est d’être le centre de son attention. Si mon comportement se modifie automatiquement, je sais qu’il se passe un truc », confesse Mathieu, 16 ans, lycéen.

« Quand je regarde une fille qui me plaît, je ne la quitte plus du regard et je me mets à sourire », confie Lucas, 22 ans. Pour certains, la vue semble être le premier des sens en éveil à contribution au sentiment amoureux. « Le regard, ça accroche, et c’est en discutant aussi que l’on découvre si il y a un bon feeling. C’està-dire qu’on rigole bien ensemble, qu’on ne cherche pas de sujet de conversation. C’est instinctif. », poursuit le jeune homme.

« Mon état change et varie selon sa présence. Par exemple, je ressens que j’ai plus d’énergie et que je ne suis jamais fatigué quand je suis avec elle. Je peux dormir 2h par nuit, si je passe ma journée avec celle dont je suis tombé amoureux, je serais en pleine forme le lendemain », avoue Sandro 21 ans, étudiant dans le marketing. « Quand sa simple présence nivelle mon humeur et mon énergie, c’est que je suis tombé amoureux », insiste l’étudiant lyonnais.

Mais attention, bien loin du regard de braise, les yeux servent aussi à contempler les attributs féminins et parfois ça suffit pour en pincer pour une fille : « Lorsque une fille correspond à mes critères de beauté, je peux tomber amoureux », assure Philippe, 27 ans.

Des petits regards aux grandes réactions démesurées, tomber amoureux n’est pas une réaction commune à tous les hommes. Les plus discrets pourront tenter d’envoyer un message pour concrétiser leurs chances et d’autres plus téméraires appelleront leurs dulcinées de vive voix. Et si vous doutez encore : il ne faut pas stresser. Si l’amour n’est pas à l’heure, l’amitié sera toujours au rendezvous.

« Mon état change et varie selon sa présence » Succomber au charme d’une femme

Enzo MARTINET

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Angoisse « UN HOMME SANS ANGOISSE NE SERAIT PLUS UN HOMME » MARIE DE SOLEMNE

L’angoisse est-elle inévitable chez l’homme ? Très probablement. Elle l’est globalement chez l’être humain, mais il existe d’innombrables sources d’angoisse chez l’homme au petit h. Par-dessus tout, ces dernières sont presque toujours liées à ses rapports aux autres hommes, sans même parler de son rapport à la femme. L’angoisse est prenante, grandissante de jour en jour, source de blocages et foyer d’émotions et de sentiments dont on se passerait allègrement : honte, stress, dépit, entre autres… Quelles solutions existent pour se libérer du fardeau qu’est l’angoisse ? Ne doivent-elles pas venir d’un changement de “mindset” ?

Papa à la maison, maman au travail p.72 14 ans, toujours puceaux p.74 Chauve qui peut p.75 Macho vs sensible, l’agenda TV p.76

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Darmanin ou Pierre Menés, quel macho êtes-vous ? p.77

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s e m Hom

ANGOISSE

Les femmes à la cuisine ! Loin de l’image de la femme à la cuisine, les 1,5 % de pères au foyer tiennent une image unique en France. Rareté oblige, le regard de la société à leur égard reste le même : l’anormalité.

L

e quotidien de Daniel Thomann est singulier. À 43 ans, ce Parisien a fait un choix que peu de pères osent réaliser. Se mettre au service de ses enfants et de l'entretien de son chez-soi, autrement dit, un père au foyer. «C’est un relai intéressant», explique-t-il. «Ma femme est restée en congé maternité pour la naissance de mon premier enfant. C'est une période très délicate puisque les enfants sont petits. Moi, ça me fait un pincement au cœur de laisser un enfant aussi jeune. C’est une implication d’être très proche de mes enfants au moment de leur naissance». En France, ils ne sont que 1,5 %. Seulement 1,5 % des hommes ont pris cette décision après discussion ou non avec leur conjointe. À l’instar des métiers dits féminins comme sage-femme ou esthéticienne, ces quelque 50 000 courageux font aussi face au jugement des autres. Prenons un exemple concret : regardez dans votre entourage et tentez de compter le nombre d'hommes dans ce cas précis. Cela devrait logiquement se compter sur les doigts de la main, et même sûrement moins.

Daniel Thomann : “Je ressens l’aspect égalitaire en gérant la responsabilité d'éduquer mes enfants” Mais alors, qui sont ces si rares individus ? Daniel fait partie de ce groupe. Cet habitant du 17e arrondissement de la capitale a posé des congés parentaux pour la naissance de ses deux enfants. «Je trouve ça normal dans un esprit d’égalité et de responsabilité

pour les enfants, que les activités, les responsabilités au quotidien doivent être gérées par les deux membres de la famille».

Perte de domination sur la femme ? Virilité, ou l’ensemble des attributs et caractères physiques, mentaux et sexuels de l'homme. Sans hésiter, voilà le point le plus sensible d’un homme au foyer. Historiquement, rester à la maison, s’occuper des enfants, sont des tâches réservées à la femme ou alors à une nourrice, mais pas à l’homme. Dans le temps, les choses ont évolué et certains couples ont défini que l’éducation des enfants serait réservée au conjoint dont le salaire serait le moins élevé. Daniel est dans le secteur de l'ingénierie mécanique et automobile. Son salaire ne dépasse pas celui de sa femme, alors il s’est consacré à ses enfants, pendant que madame rapporte l’argent le soir. Toujours en CDI, il travaille parfois de chez lui, mais reste

n’ai pas de problème avec ça, c’est ma vision des choses. L’argent n’est pas lié au sexe. Ça a toujours été ma vision partagée depuis le début. Ce n’est même pas l’aspect du congé parental, mais surtout les responsabilités envers les enfants. Tout le quotidien de l’enfant doit être traité par les deux parents de manière indépendante sans forcément de détachement entre l’homme et la femme. Je ressens l’aspect égalitaire en gérant la responsabilité d'éduquer mes enfants. Par exemple, les papiers importants ou certaines choses que l’on réserve à l’homme, je veux que ma femme soit capable de le faire. C’est important».

Un homme à la maison et une femme au travail, c’est possible? Comprendre la logique du système de père au foyer, c’est avant tout s’interroger sur la sensibilité de celui-ci. Il faut avant tout prendre en compte que la grande majorité des hommes engagés dans une relation hétérosexuelle, dans

Faire accepter la possibilité pour un homme d’endosser ce rôle, auprès de leurs conjointes et dans les interactions avec autrui à plein temps homme au foyer. «Je gagne moins que ma compagne», confirme-t-il. «Ma virilité n’en prend pas un coup. Je 72

leurs relations et influences, ont le devoir de gagner plus d’argent que leur conjointe ou - au moins - assurer un travail stable.

Seuls 1,5 % des hommes sont pères au foyer en France. Un chiffre en augmentation à l'avenir ? © Parents

« Les pères au foyer négocient leur relation au rôle de père au foyer à au moins deux niveaux » décrypte Myriam Chatot, sociologue spécialisée dans le domaine. « Tout d’abord, il s’agit de faire accepter la possibilité pour un homme d’endosser ce rôle, auprès de sa conjointe et dans les interactions avec autrui. Or, la décision de l’entrée du père dans la situation de parents au foyer est décrite comme un choix qui s’est imposé de lui-même aux conjoints, sans négociations explicites ». Ainsi, cette décision permettrait aux « pères au foyer de négocier avec leurs interlocuteurs », mais aussi de «présenter cette situation comme une simple parenthèse visà-vis de l’emploi, ou de montrer leur conformité à d’autres normes de la masculinité». Dans l’idée, il s’agit alors d'accommoder - le mot est important - « le rôle de parent au foyer à la masculinité». La différence est là peut-être. « L’identité de mère au foyer est

souvent investie sous la forme d’une dévotion totale à la famille au détriment du temps personnel, les pères au foyer semblent moins contraints par des injonctions normatives à être un bon père ».

Angoisse, va-t-en ! L’angoisse de s’assumer en tant que père au foyer n’a donc pas de sens. Comme le dépucelage, où la pression sociale bloque certains, être un père au foyer est vécu par les premiers intéressés comme un faux courage, car ce quotidien le féminise. Le pire ennemi sans doute de l’homme viril, mais probablement le meilleur ami de notre homme sensible. « Cette possibilité dont disposent les hommes rencontrés d’accommoder le rôle de parent au foyer pourrait être lié à une forme de don de la mère au père, qui continuerait à prendre une partie des tâches ménagères pour laisser à son conjoint du temps personnel », poursuit Myriam 73

Chatot. « Il pourrait également s’agir de l’expression du poids des rôles sexués traditionnels, dont les conjoints ne parviendraient pas à s’affranchir totalement même dans une situation d’inversion des rôles. » Mais pour autant, « les conflits concernant la répartition des tâches domestiques semblent montrer que le rôle de parent au foyer au masculin ne fait pas l’objet d’un fort encadrement normatif concernant ses attributions ». L’angoisse n’est pas de la partie pour tous. Elle se transforme même en fierté pour d’autres comme Sébastien Michel, créateur du blog, Desperate Houseman, petit clin d'œil à la série phare des années 2000 (Desperate Housewives) qui exprime son quotidien de père au foyer. Bel exemple pour les papas tourmentés. Oscar BERTRAND


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La peur de capoter 17 ans en moyenne pour un premier rapport sexuel. Le dépucelage est une étape déterminante dans la vie d’un jeune homme. Sous la pression des clichés positionnant, l’homme au centre des attentes, mais également de l’estime de soi, il peut devenir une angoisse des plus profondes.

Le dépucelage, ou si vous préférez, la perte de virginité avec une personne au cours d’un acte sexuel, est souvent l’équivalent d’un passage dans le monde des adultes. 17 ans, c’est d’ailleurs l’âge moyen en France pour les jeunes, un an avant la majorité et loin de la maturité d’une “grande personne”. Pression partagée entre l’homme… et la femme « Nous en tout cas, on considère que les femmes qui se conservent font attention à elles et justement, je préfère avoir une histoire avec ces filles-là qu’avec une salope », explique Martin, un

lycéen qui a déjà eu un rapport sexuel. « Les garçons pensent toujours qu’ils sont les seuls à angoisser parce qu’ils se mettent une pression pas possible sur les épaules », contredit Tiphaine, 15 ans. « Mais ils oublient que nous aussi, on a peur parce qu’on va subir l’acte pour la première fois. C’est une peur partagée. » La piste sur laquelle Tiphaine nous mène est intéressante. Pourquoi met-on systématiquement l’homme au centre de la première fois ? Peutêtre parce qu’historiquement et culturellement, c’est lui qui, a dans les règles de l’art, l’obligation de prendre les choses en main. Au fil du temps, la pression se partage.Même si la fierté masculine prend toujours le dessus encore aujourd’hui selon Léonard Lorimy, pédopsychiatre à Paris mais également contributeur du livre La sexualité des adolescents d’aujourd’hui. « La pression est bien plus individuelle pour l’homme que généralisable. Probablement parce qu’elle touche à des enjeux extrêmement différents selon si l’intéressé est un garçon ou une fille, si la relation est hétérosexuelle ou non, d’un âge différent ou non », explique-til. « Le plus gros de la pression

n’est pas de la société mais de l’homme sur lui-même, cela résulte de facteurs qui lui sont propres ou de son environnement proche. » L’estime de soi et la volonté de grandir plus vite. C’est aussi ce qui compte dans la tête des jeunes en quête de ce fameux dépucelage. « Il s’agit de la mise en acte d’un processus qui existe physiologiquement chez chacun, à savoir le développement de la maturité physique », ajoute Léonard Lorimy. « Mais probablement aussi parce que ça vient s’inscrire dans une dynamique psychique, qui passe d’une sexualité infantile, qui n’est pas sexualisée, à une sexualité d’adulte qui devient beaucoup plus génitalisée. C’est probablement l’un des tournants entre l’enfance et la possibilité de devenir adulte qui n’est pas indispensable ». Je crois donc que je tiens ma réponse. Oui, être puceau est une honte, mais pas du fait du regard des autres. Plutôt à cause de la pression que l’on se met à soi-même. La question maintenant reste plutôt de savoir s’il faut le faire pour être comme les autres, ou être à l’aise avec soi-même.

Certains hommes en ont une peur bleue, parce qu’elle touche 50 % de la gent masculine. La calvitie, souvent source de moqueries, est devenue un complexe masculin. Néanmoins, des solutions existent pour permettre la repousse des cheveux. Les implants capillaires sont réalisables en France, mais représentent une opération onéreuse, et poussent de nombreux Français à aller voir ailleurs, notamment en Europe. « Regarde sa calvasse ». Avouez qu’on a tous déjà entendu cette phrase quelque part. Et en dehors des crânes dégarnis assumés, et parfois érigés au rang de mythe comme ceux de Zinedine Zidane ou Kad Merad, les calvities sont souvent un sujet de complexe chez de nombreux hommes. Même si elle débute aux alentours de la quarantaine dans la majorité des cas, cette perte de cheveux peut également toucher des hommes jeunes. Chez cette population, ce complexe devient même une obsession frénétique, et certains veulent trouver une solution. C’est notamment le cas de Paulino Lopez, âgé de seulement 21 ans, qui a constaté avec désolation il y a deux ans une perte des cheveux au niveau des golfes. Pour pallier ce problème qui a créé un « manque de confiance» en lui, Paulino a décidé de franchir le pas. « Je ne me sentais plus du tout à l’aise, notamment sur les photos », admet le jeune homme. « Pour mon image, je ne me voyais pas avec une calvitie aussi jeune. C’était devenu plus

qu’un complexe, c’était maladif», admet-il. Le Lyonnais décide alors de procéder à une opération d’implants capillaires. Pour ce faire, il ne choisit pas la France mais plutôt d’aller en Turquie pour plusieurs raisons. « Le bouche à oreille m’a poussé à aller faire cette opération là-bas. J’ai été en contact avec une agence puis une clinique. Il y a juste à prendre le billet d’avion et ils s’occupent du reste ! Mais l’aspect financier était le plus intéressant. Je suis jeune, je ne pouvais pas mettre trop d’argent là-dessus. Et comme c’est quatre à cinq fois moins cher en Turquie, le choix était vite fait. »

L’implantation coûte 4 500 € en France Chez les jeunes hommes, la notion d’impératif prend le pas et les pousse souvent à brûler les étapes. « Il y a une dimension psychologique non négligeable dans ce genre d’opération » rappelle le Dr Costa, spécialiste en implants capillaires. « Néanmoins, certains outrepassent cette

Les implants capillaires, solution idoine aux traças dégarnis de l’homme. @Shutterstock

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dimension. Ce sont en majorité les personnes qui ont entre 20 et 30 ans. Ils sont complexés et veulent tout, tout de suite. Nos prix ne sont pas fixes mais globalement, le coût de l’opération tourne autour des 4 500 euros pour une opération de 100 greffons », détaille-t-il. Un greffon compte un, deux ou trois cheveux. Une nuance importante car en Turquie, on compte en cheveux et non pas en greffons ; un procédé qui met en relief le tarif de l’opération en France. « Le prix est forcément moins cher en Turquie, mais il faut faire attention » alerte le Dr Costa. « Les cliniques turques, qui sont de bonne qualité au demeurant, parlent en unité folliculaire. En gros, on vous implante 300 cheveux. En France, les prix sont plus chers car on vous implante des greffons. » En dépit de ces différences d’implantations, l’Hexagone pâtit toujours de la concurrence turque, le pays d’Asie mineure étant le numéro un en termes d’implantations capillaires en Europe. Chemssdine BELGACEM

ANGOISSE

« Et toi, c’était quand ta première fois ? » Combien de fois ai-je entendu cette question ? Est-ce l’épreuve à passer pour devenir un homme ou est-ce une question à laquelle tous les adolescents mentent pour cacher une réalité plus angoissante ? Pour s’inscrire dans la normalité, que faut-il que je réponde ? Oui, à 15, 16 ou 17 ans ? Ou non, j’avoue ne jamais l’avoir fait ? Le regard des autres semble avoir son importance sur le sentiment de honte.

La calvitie, perte de cheveux et gain d’argent


Teledrama

Quiz

Soirée du macho

Êtes-vous macho ? 19:00 France-Angleterre [Tournoi des Six Nations]

21:15 Collant-AH, L’île des Zéros [ep. 9]

23:00 Flop Gear [ep. 18]

Pour vous, femme au volant signifie ? Accident

Des hommes avec un grand Z, des muscles, de la bagarre, du sang, des bleus, des chocs, des commotions… Âmes sensibles (féminines) s’abstenir, les guerriers Bleus ont un Grand Chelem à aller chercher quitte à détruire de l’Anglais sur leur passage.

La réunification, c’est ce soir ! Envie de voir une blonde au QI négatif se faire embobiner par un mec aux ambassadeurs ? Des femmes se faire ridiculiser par la gent masculine au cochon pendu ? Et les voir pleurer à chaudes larmes lorsque leur copine se fera éliminer au conseil ? C’est sur Thé F1 que ça se passe !

Rien du tout, c’est une automobiliste comme les autres Des moteurs vrombissants mais pleins de cambouis, de véritables vestiges de l’automobile à restaurer… Vous l’aurez compris messieurs, ce programme est fait pour vous et personne d’autre !

17:00 Un souper presque parfait [ep. 3]

Ce mercredi, c’est le troisième jour de compétition. Marlène, heureuse maman de trois filles épanouies, accueille chez elle les quatre autres Bordelais de l’aventure. Vous fondrez sûrement pour les coquets entremets que nous a concocté cette adorable mère de famille… Un amour de dîner !

France-Macédoine [Qualifications Euro féminin]

Après leur victoire 14-0 face à la Bulgarie, les Françaises se frottent aux colossales macédoniennes. Ne manquez pas ce rendez-vous : le football féminin est tellement plus intéressant et mieux organisé que chez les garçons ! Et les filles – elles au moins – ne simulent pas et ne crachent pas sur la pelouse. Rien à voir avec ces garçons écœurants. Allez Wendiiiiieee !

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Vous vous décidez à préparer le repas, vous demandez de l’aide à ? Votre fils, pour lui faire découvrir Votre femme et votre fille, c’est leur domaine mais vous coupez quand même le pain

Soirée du fragile

19:05

Restons prudent

21:10 L’Amour est dans le thé [ep. 4]

Personne, vous êtes dans le canapé et comme d’habitude votre femme s’occupe de la cuisine

Votre collègue de travail trompe souvent son mari : Hervé parviendra-t-il à enfin trouver l’amour de sa vie ? Agriculteur de 61 ans et célibataire depuis que Sarah l’a quitté au collège, notre amoureux de la nature a essuyé de nombreuses désillusions et compte bien enfin trouver l’âme sœur… Qui réussira à conquérir son cœur… d’artichaut ?

Clément BARBIER

Je tente ma chance

Pour vous, si une femme s’habille en tailleur, c’est que : Elle veut diriger cette cona**e Elle se met dans la peau d’un homme, pour se sentir forte Elle fait ce qu’elle veut, je ne m’en mêle pas

Si vous avez une majorité de ... : Bienvenue au XIXe siècle. Vous êtes le macho ultime. Pour vous, les femmes sont inférieures et un poison pour l’homme. Si vous avez une majorité de .... : Vous êtes un beauf qui force beaucoup sur les femmes. Vous buvez sûrement beaucoup et émettez des flatulences quand on tire sur votre doigt. Si vous avez une majorité de : Vous êtes normal, ne changez pas.

Vous devenez une femme dans votre prochaine vie : Peu m’importe

Elle fait ce qu’elle veut, tant qu’elle ne me drague pas

Et merde, une vie de soumise

S***** !

Youpi, des privilèges de partout

Vous recevez un tract sur la lutte féministe dans votre boîte aux lettres : Vous le gardez et vous vous moquez du contenu avec vos potes dans la soirée Vous le gardez et expliquez le mouvement à vos enfants Vous le déchirez

Une femme devient présidente en mai prochain : Vous enfilez votre gilet jaune Cela ne vous fait rien, il fallait bien que ça arrive de toute façon Enfin, rien de mieux pour promouvoir l’égalité des sexes Votre femme a une augmentation qui fait d’elle le plus gros revenu de la maison : Elle va enfin payer les impôts Vous faites le forcing à votre boss pour laver cet affront Une belle avancée dans l’égalité homme/femme, vous fêtez ça avec elle Pierre BENARD

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Agressvité « SI LA NON-VIOLENCE EST LA LOI DE L’HUMANITÉ, L’AVENIR APPARTIENT AUX FEMMES » GANDHI

N’est-elle pas magnifique cette phrase ? Par sa tournure, elle est si belle, mais son sens n’en est pas moins terrible. L’agressivité devrait-elle être un nom masculin ? Si l’on en croit Gandhi, elle serait le propre de l’homme, en opposition à son équivalent féminin. Au-delà même de l’agressivité, la violence dont elle découle, est probablement plus flagrante chez l’homme. Combien de fois entend-on des phrases du genre « y’a de la testostérone dans l’air » pour décrire une situation où un combat d’égo jaillit entre deux hommes. Alors oui, peut-être que l’agressivité est surreprésentée chez l’homme, mais le plus inquiétant encore, c’est lorsque ses excès violents en viennent à faire de la femme leur cible.

L’image b(i)aisée du porno p.80 Men are (vraiment) trash ? p.83

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À force de me toucher, je me suis rompu le frein

La pornographie, les jeunes hommes s’en font tout un cinéma

AGRESSIVITÉ

Arrivée en 2005 sur Internet, les vidéos de streaming pornographiques sont complètement rentrées dans le quotidien des Français, et ce, de plus en plus précoce. L’éducation sexuelle des jeunes hommes se fait par le biais de ces films scénarisés. Attention danger.

E

n France, 94 % de la gent masculine avoue avoir déjà consommé du porno selon une étude de l’IFOP (institut français d’opinion publique). Une chose est sûre, la pornographie et tout ce qui tourne autour fait partie intégrante de notre vie. Seulement, pour ceux qui apprennent et découvrent la sexualité, cela peut vite devenir dangereux. Toujours selon l’IFOP, 47 % des 18-24 ans avouent surfer sur un site X au moins une fois par semaine. Problème, l’accessibilité de ces fameux sites web offre la possibilité à n’importe qui, et donc aux plus jeunes, d’accéder avec facilité à leurs contenus. En conséquence, l’image que les jeunes se font du sexe est de plus en plus biaisée. Et cela ne va pas dans le bon sens lorsque l’on découvre que 80 % des jeunes de 15 à 17 ans consomment du

contenu “hardcore” sur les sites X…

Apprendre en regardant du porno ? L’époque où les jeunes hommes découvraient le plaisir charnel avec leur partenaire est révolue. Aujourd’hui, pour la plupart, la pornographie est une grande aide. Pour William, étudiant de 21 ans, les films X lui ont permis de mieux connaître son corps ainsi que celui d’une femme. « J’ai commencé à consommer du porno par besoin. Je pense que j’avais envie de découvrir ce qu’était le sexe. J’ai regardé mon premier film à l’âge de 12 ans… Étant donné que nous n’avions pas de cours d’éducation sexuelle, cela m’a permis de comprendre tout seul comment les préliminaires se passaient, et de savoir comment faire. » L’apprentissage peut même aller 80

plus loin encore. La première fois est une étape importante dans la vie d’un jeune garçon. Et l’absence de connaissances sexuelles peut parfois être comblées par la pornographie, qui s’apparente alors à un guide. « D’un côté, j’avais l’impression de savoir ce que je devais faire. Ça m’a sans doute aidé à me sentir à

Dans le milieu de la pornographie, le plaisir n’y est pas vraiment

L’entrée sur les centaines de sites pornographiques est accessible à tous. Il suffit de cliquer sur « J’ai 18 ans ou plus, entrer » pour avoir accès aux contenus. Et ce, quel que soit l’âge. © capture d’écran du site Pornhub.com.

l’aise avant de débuter l’acte », avoue Antoine, 20 ans. Mais cet « apprentissage » ne remplacera jamais la réalité, et peut même être amené à modifier cette dernière.

« La pornographie ne pourra jamais remplacer le réel » Le problème des films X, c’est que les consommateurs ont tendance à oublier que c’est du cinéma, que chaque scénario est pensé pour donner envie, satisfaire un ou plusieurs fantasme(s). « Les relations que j’ai pu avoir ont toutes été différentes en fonction de mes partenaires. Alors que dans le porno, tout est mis en scène, il n’y a rien de réel », explique Mathieu, Mâconnais de 22 ans. Cette différence entre cinéma et réalité est importante à intégrer. Et lorsque l’on connaît les conditions dans lesquelles les acteurs et actrices X tournent leurs scènes, nous pouvons nous estimer heureux que nos moments d’intimités ne soient pas similaires. « Dans le milieu de la pornographie, tout est fait pour que ça donne envie. Le plaisir n’y est pas vraiment, tout est pour le visuel, et les scénarios sont franchement à revoir ! Alors que dans le sexe quotidien, c’est ma partenaire et moi qui décidons. Il y a plus de liberté, plus de sensations,

plus de douceur aussi selon les relations… La pornographie ne peut pas remplacer le réel, comme le réel ne peux pas remplacer la pornographie, ce sont deux choses différentes », analyse Antoine. De plus, cette comparaison entre le cinéma X et l’instant charnel peut amener certains jeunes hommes à se poser des questions sur leurs performances. Ce fut le cas pour Maxence, 21 ans, lorsque ce dernier était au lycée. « Je ne pense pas que le porno m’a aidé à être bon au lit. Car, quand j’ai commencé à en regarder, je ne me rendais pas compte que ces vidéos n'étaient pas la réalité. Donc, forcément, quand j’ai vécu mes premières expériences, et que je n’ai pas eu le même résultat que sur les vidéos, je me suis interrogé. Le porno engendre une pression supplémentaire car on se compare beaucoup aux acteurs lors de nos premières expériences sexuelles. »

« J’ai eu un effet de dépendance au porno » En plus de mal éduquer et de susciter des interrogations chez les jeunes adultes, la pornographie peut également engendrer une dépendance. « À force d’en consommer – j’ai commencé à l’âge de 14 ans, car j’en entendais beaucoup parler – il y a eu un 81

effet de dépendance aux films X qui est apparu chez moi. Plus j’en consommais, plus j’avais envie d’en consommer. De plus, après m’être masturbé, cela pouvait m’arriver d’avoir un sentiment de regret, de me dire que ce n’était pas utile finalement… », confie Cédric, étudiant en école de commerce. Cette fameuse dépendance n’est non seulement pas bonne pour le moral d’une personne, mais peut également toucher son intégrité physique. En effet, Alexis, jeune homme de 20 ans, a eu une mauvaise expérience avec la masturbation excessive lorsqu’il était au lycée. « À force de me toucher, je me suis rompu le frein (petite attache qui relie le prépuce au gland sur le sexe masculin). Cela fait extrêmement mal et je pense que j’ai été vacciné pour quelques années ! » La pornographie donne donc une mauvaise image du sexe aux adolescents. Les jeunes hommes interrogés nous ont néanmoins confié qu’une fois le plaisir charnel découvert, la réalité reprenait le dessus. Le porno ne devient alors qu’une parenthèse complémentaire au sexe. Mattéo ROLET


Le porno, c’est comme une maladie, je n’en serai jamais guéri… Comme une addiction qui me hante, cette terrible industrie du porno va me poursuivre toute ma vie. Selon SOS addictions, 33 % des hommes regardent des films érotiques, 18 % en sont dépendants comme moi. Pourquoi ? Est-ce une maladie ?

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eux fois par jour, parfois trois. La pornographie est comme un compagnon de route, une vilaine poussée d’adrénaline en moi qui m’envole sur mon lit, sur mon canapé, dans ma salle de bain, mes toilettes ou même à mon bureau. Comment m’en séparer ? Je ne le saurais sans doute jamais. Cette addiction, elle m’est venue à 12 ans. Arrivé au collège, je découvre avec stupeur ces films qui m'étaient inconnus Dans la cour de récré, on me parle de PornHub, YouPorn ou même Jacquie et Michel. Les blagues s’enchaînent sur les filles, sur leurs seins, leur vagin et leurs fesses. À l’époque, j’étais encore innocent et je ne me doutais pas que je deviendrai aussi dépendant. Le soir, en rentrant, je me connecte sur l’ordinateur de mes parents, je lance la navigation privée, comme me l’a conseillé mon ami Jules, et je découvre un truc de dingue. Nous voilà onze ans plus tard. D’une masturbation précoce, j’ai basculé dans un quotidien qui ne me quitte plus. Le matin, en me levant, je dégaine mon téléphone loin de mes envies d’arrêter cette mascarade. « Ah une bonne branlette, ça va me soulager ». Ce même prétexte que j’utilise tant comme technique pour m’endormir. Est-ce que toutes ces vidéos que je dévore, si bien que j’ai créé des raccourcis sur mon téléphone, sontelles représentatives de la réalité ? Laissez-moi revenir dans le passé. Quand j’avais 17 ans, je gardais un rythme

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quotidien d’une à deux masturbations.

Du plaisir en dehors de mon écran ? Soucieux de ma fréquence, je dégaine aussi rapidement mon téléphone que pour mes « moments intimes ». SOS addiction rapporte que, en moyenne, 33 % des hommes font recours au plaisir solitaire une fois par semaine, et je découvre une statistique qui me fait écho : 18 % en sont addicts. Est-ce que j’en fais partie ? Sans doute. Au fil des années, ma fréquence se multiplie, j’enchaîne les vidéos des actrices les plus connues du « game » du porno, mais aussi les amateures, celles qui se filment elles-mêmes seules ou avec leurs compagnons. Je ne regarde que la femme dans le rapport et ça me provoque un drôle de plaisir, comme si j’étais à la place de l’homme. C’est ça qui entraîne mon excitation. Lorsque j’ai eu ma première copine, à 16 ans, j’ai vite compris que le sexe n’avait rien à voir avec ce que je voyais. Et au bout d’un mois, j’ai décidé d'arrêter, frustré de ne pas vivre un plaisir aussi dingue qu’avec moi-même. Ma deuxième copine, à 19 ans, n’était pas à la hauteur de ce que je voulais, du moins de ce que je rêvais. Et avec du recul, je le sais, rien ne sera comme devant mon écran. Le sexe, pour moi, c’est désormais faire l’amour. Je l’ai compris en tombant amoureux, et c’est peutêtre bien mieux que la masturbation dont j’essaie de me défaire.

Men are (vraiment) trash ? Slogan lancé par les groupes féministes il y environ trois ans, « Men are trash » a pour but de viser le comportement des hommes en tant que groupe social. Attention messieurs, ne finissez pas comme toutes ces ordures !

T

errible ! Les hommes sont un peu taquinés, leur ego est légèrement touché, et cela n’est pas très apprécié. Surprenant… Camarades, ne le prenez pas pour vous. Mais il est vrai que certains d’entre nous ne méritent même pas d’être comparés à des déchets, ce serait un peu trop classe. Vous voyez, les féministes ont été plutôt sympas avec nous. Impossible de contredire ce slogan qui attaque notre fierté lorsque la majorité des hommes se comportent en 2022 comme un Néandertal. Aïe, le groupe social en prend un coup… Rassemblés, nous sommes donc des ordures, et, pris un par un, c’est sans doute encore pire. Alors camarades, ne développez aucune forme de colère en lisant ces quelques lignes, cela pourrait vous nuire et vous faire basculer, vous aussi, dans le côté obscur de la force. S’il vous plaît, ne nous prenons pas pour un Jedi, Yoda est déjà bien en place. C’est simple, pour ne pas finir à la déchèterie du coin, il s’agirait sûrement de changer nos comportements. Envers les femmes, oui, mais aussi envers nous-même. Mais bon, je vous laisse le soin d’expliquer cela à Monsieur Zemmour avant le mois d’avril.

Comment différencier l’homme de l’homme trash ? Le profil typique de l’homme trash est exactement comme décrit ci-dessus. Sombre, mauvais, dangereux et un peu macho et sexiste sur les bords. Mais vraiment un tout petit peu… À l’inverse, l’homme, s’il existe, respecte la femme et se respecte lui-même. Un comportement normal finalement. Messieurs, ne vous méprenez pas, pour certains d’entre nous cet effort devrait

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coûter cher. Une jambe pour l’un, la peau du cul pour l’autre, l’ego pour la plupart… En étant conscients de cela, certains vont peut-être ressentir de la honte, du mépris envers notre propre gent. Coup de chance, le changement de sexe n’a jamais été aussi facile. Plus simple sinon, ne pas se comporter comme Gérald Darmanin et Julien Odoul pour ne citer qu’eux.

L’homme est trash au quotidien Les gars, il faut se l’avouer, nous sommes trash. Individuellement parlant, certains sont sans doute meilleurs que d’autres, mais dans une vision d’ensemble, ce n’est pas glorieux… Il y a seize ans, une étude a été rendue publique par le Conseil des ministres, prouvant qu’une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint. Un triste constat, qui correspond à environ 122 meurtres à l’année. En 2021, ce nombre a diminué légèrement, portant ce total à 90 uxoricides (meurtre de l’épouse par son mari). Conclusion, bien que la parole soit de plus en plus ouverte, notre gent masculine n'apparaît pas en capacité de tirer des leçons. Nous ne sommes déjà pas capables de faire plusieurs choses en même temps, mais alors apprendre de nouvelles valeurs… Enfin bref, la prise de conscience sera déjà une grande étape de passée, la pratique, on n’y est pas encore. Mattéo ROLET


Honte « IL N’EST PAS HONTEUX POUR L’HOMME DE SUCCOMBER SOUS LA DOULEUR ET IL EST HONTEUX DE SUCCOMBER SOUS LE PLAISIR » BLAISE PASCAL

Dans les grandes mœurs de l’homme au petit h, celui-ci doit être viril. Viril comme un homme et donc insensible, l’inverse de la femme. De nos temps, la donne semble avoir changé. Ainsi, Sensible prouve que l’homme peut avoir honte, peut être triste et peut montrer ses émotions. Succomber sous la douleur comme le dit Pascal, c’est ainsi accepter sa souffrance, et non de faire semblant et de simuler un plaisir. L’homme de 2022 peut se le permettre.

L’homme, victime cachée des violences conjugales p.86 E.P.S. : Egalité Presque Sacrifiée p.88

Hypersensibilité, la force du mâle p.92 Moi, émotif et alors ? p.95

Jouir pour faire plaisir p.90 84

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AGRESSIVITÉ

Les hommes sous les coups

Bien que les femmes soient majoritaires à en souffrir, les hommes aussi subissent des violences conjugales. Chaque année, ils sont en moyenne 82 000 à endurer des agressions - physiques pour l’essentiel - mais aussi sexuelles. Un phénomène encore très méconnu et toujours marqué par la honte et le déni.

T

out le monde connaît la triste formule « tous les trois jours, une femme meurt sous les coups de son conjoint ». Pourtant, on en parle moins mais l’autre genre a son équivalent : « tous les 14,5 jours, un homme meurt sous les coups de sa conjointe ». Sur la période 2011-2018, en France, les hommes représentent en moyenne 28 % des victimes de violences conjugales, selon le rapport d’enquête “Cadre de vie et sécurité“. D’après l’ONDRP, l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, les hommes touchés par les violences conjugales sont assez jeunes (entre 25 et 44 ans), en couple sans être

forcément mariés, ont des revenus modestes et des enfants. Mais les chiffres sont encore assez flous, ce sujet encore trop tabou rend difficile la mesure du phénomène. Ces statistiques pourraient bien être en dessous de la réalité.

Seulement 3 % de dépôts de plaintes Les hommes victimes de violences conjugales ont souvent honte d’en parler. « L'éducation et puis le collectif parlent d'un homme fort, viril, qui ne pleure pas… C’est donc évidemment plus difficile pour un homme qui serait victime de violences conjugales, que ce

soient des violences physiques ou psychologiques, de le déclarer», explique Olivia Mons, porteparole de la fédération France Victimes. Un tabou donc lié à la “force masculine” qui renforce ce sentiment de honte, mettant en cause l’archétype de la puissance de l’homme. Néanmoins, pour Pascal Combe, fondateur de l’association Stop Hommes Battus, les victimes masculines n’ont pas honte d’en parler. Selon lui, on les empêche de s’exprimer sur le sujet. « L’omerta a été organisée par les féministes françaises. Elles sont toutes au courant que les hommes battus existent et elles font comme s'ils

n’existaient pas que ce soient des féministes parmi les médias, que ce soient des féministes parmi les juges, que ce soient des féministes dans tous les ministères. Ce sont toutes des criminelles. On a voulu demander aux médias qu’ils fassent des reportages sur le blocage politique des féministes, les médias n'ont jamais voulu », explique-t-il. Toujours selon lui, on les empêche de s’exprimer même dans les commissariats. Alors que 10 femmes sur 100 déposent plainte pour donner suite aux violences qu’elles subissent, seuls 3 hommes sur 100 se tournent vers la justice, toujours selon l’ONDRP. Les hommes sont bien moins nombreux à le dénoncer par peur qu’ils soient notamment stigmatisés ou peu pris au sérieux. Et même lorsqu’ils décident de porter plainte, ces dernières sont souvent refusées. Pourtant, les autorités de police et de gendarmerie ont l’obligation de recevoir les plaintes selon l’article 15-3 du Code pénal. De plus, les gendarmes ou policiers sont, par nature, plus suspicieux à l’égard de l’homme que de la femme. « Par exemple, dans une situation où une femme bat son conjoint et qu’il décide de

Pascal Combe, ancien homme battu et fondateur de l’association Stop Hommes Battus ©StopHommesBattus

ancien homme battu pendant deux ans par son ex-conjointe. Ce dernier a souffert de violences physiques, morales, sexuelles, administratives et financières. « Elle a porté plainte la première parce que je me suis défendu. Vous êtes tabassé, vous n’avez pas le droit de vous défendre alors que normalement, ça s'appelle

L’Omerta a été organisée par les féministes françaises

répondre par légitime défense, si la police débarque et que deux personnes semblent blessées, ces hommes victimes ont le sentiment qu’ils ne seraient pas entendus en tant que victimes mais en tant qu’agresseurs », poursuit Olivia Mons. Ils sont même très souvent condamnés par la suite, peu sont ceux qui gagnent leurs procès.

Une seule structure pour les victimes en France Toutes les deux semaines, un homme meurt sous les coups de sa conjointe. ©Pixabay

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Ce fut le cas de Pascal Combe,

la “légitime défense”. J'ai été condamné à six mois de prison avec sursis en tant que victime d'actes de barbarie et de torture. Elle aurait dû être condamnée à 20 ans de prison mais c'est moi qui ai été condamné », se plaint-il. Révolté par cette situation, il décide de créer, il y a dix ans, la seule association en France totalement consacrée aux hommes victimes de violences conjugales : Stop Hommes Battus. Néanmoins, il existe deux structures d’aide aux hommes 87

battus dans l’Hexagone : France Victimes et Stop Hommes Battus. Concernant la première, elle est venue en aide en 2020 à 5 000 victimes masculines tandis que la deuxième accompagne chaque année 1 500 hommes en détresse. Deux organismes que l’État juge suffisants, mais qui ne conviennent pas à Pascal Combe. Selon lui, il manque cruellement de structures et de moyens mis en place pour les hommes victimes de violences conjugales. « On demande d'avoir les mêmes droits, c'est-à-dire d'avoir des centres d'hébergement d'urgence, d'avoir un téléphone national, de donner des formations aux forces de l'ordre et aux juges pour leur expliquer que nous aussi, on existe bien et que c'est une population spécifique. Il faut également des responsables masculins qui s'occupent des hommes victimes de violences conjugales et non pas des femmes qui s'occupent des hommes », détaille-t-il. Pour ces hommes victimes de violences conjugales, comme pour les femmes, le retour à une vie normale est un long chemin à parcourir où l’aide de professionnels est souvent nécessaire. Emma RESSEGAIRE


Sport au collège, David contre Goliath HONTE

La devise de la France prône l’égalité entre ses citoyens. Respectée ou non, chacun établira son avis sur la question, mais la question d’équité en éducation physique et sportive à l’école laisse à désirer. C’est surtout au collège que l’on repère le climat des divergences entre les gabarits des élèves, entre ceux qui démarrent leur puberté très tôt, et ceux pour qui le développement corporel tarde à se mettre en œuvre.

«

Oui Arthur, c’est ça ! 7 mètres 90, bien joué ! Allez, à ton tour maintenant, Romain. » Les mots du professeur d’éducation physique et sportive de 4e B, au collège Jules Verne, renforcent forcément l’égo d’Arthur. Du haut de son mètre soixante-dix et ses cinquante kilos, l’adolescent de quatorze ans réussit sans broncher l’épreuve du triple-saut en EPS. Comme la plupart des douze élèves qui se sont élancés avant lui, Arthur a dépassé la barre des 7 mètres. Monsieur Law, son professeur, lui accorde 7 points sur les 8 possibles pour sa performance. Son geste maîtrisé lui rapporte la totalité des 8 points en jeu sur ce critère et son implication, évaluée sur un barème de 4 points, ajoute encore 3 unités à son compteur. Arthur peut triompher, il obtient la superbe note de 18/20.

Ni les dix centimètres qu’il a pris pendant ce même laps de temps. Ni cette voix de jeune adulte que presque tous ses camarades ont désormais et qui, il faut le dire, est un superbe atout pour séduire les filles du collège. En revanche, s’il y a bien une chose que Arthur n’a pas et qui demeure en lui au moment de placer ses pieds dans les starting-blocks, c’est la pression. Est-il capable de faire aussi bien que ses camarades de 4e B ? Que va-t-il se passer s’il échoue ? Malgré les moult questions qui tourmentent son esprit, Romain

accorde un seul petit point pour sa performance. Heureusement, l’exécution du geste était quasiparfaite et son attitude presque irréprochable, Romain grappille 10 des 12 autres points et obtient donc tout juste la moyenne, 11/20. « Quand on évalue les élèves, il va y avoir une part de la note sur la performance - comme la distance parcourue - mais aussi une grosse partie sur la régularité des sauts. On va valoriser trois sauts équilibrés, plutôt que deux longs et un court. En somme, il y a des éléments de maîtrise qui

précis... plus ils vont être valorisés sur la note. Après neuf ou dix séances, ils doivent être capables d’annoncer leur performance pour prouver qu’ils ont une maîtrise de ce qu’ils font, que ce n’est pas un hasard », précise-t-il.

Beau jeu, vieux jeu ? Il y a des enseignants qui n’ont rien à faire du statut particulier des élèves

Arthur et le minimoy Au tour de Romain de se présenter dans les starting-blocks. Il est aussi élève en 4e B, et comme Arthur, il a fêté ses quatorze ans le mois dernier. Arthur et Romain sont d’ailleurs amis, on les aurait même confondus pas plus tard que l’année passée, lorsque Arthur n’abordait pas ce fin duvet de moustache au-dessus de ses lèvres. Ça, Romain ne l’a pas encore. Ni les quinze kilos de masse musculaire et osseuse que Arthur a emmagasiné ces derniers mois.

Malgré des difficultés physiques pour certains élèves, ou des différences de gabarit, le barème en EPS au collège est le même pour tous. Injustice ? (© Pixabay)

est bien obligé de s’élancer à son tour. Il réalise une course d’élan impeccable, prend le meilleur appui possible et se détend de son mieux. Le geste est parfait. Quelques mètres plus loin, Romain retombe dans le bac à sable. « 5 mètres 60! », annonce Monsieur Law. « La honte », pense tout bas Romain, qui se relève, penaud, entendant les railleries de ses camarades pendant que son professeur lui 88

pondèrent de façon assez forte une performance brute qui serait évaluée de but en blanc», rappelle Jean-Marie Boudard, professeur agréé en éducation physique et sportive et titulaire d’un doctorat en sciences éducatives. « Les élèves ont des projets de performance. Plus ils vont être proche de leur projet qui prouve qu’ils se connaissent bien, qu’ils ont bien travaillé, qu’ils se sont entraînés, qu’ils ont des repères

Pourtant, Romain a bien travaillé tout le long de son cycle d’EPS, a tout donné lors de l’évaluation, sans doute plus que Arthur, et c’est lui qui a la moins bonne note. Et c’est lui qui est obligé d’essuyer les moqueries… « Quelle injustice!», se lamente-t-il. « La part du barème de performance dans ces activités-là est de plus en plus réduite. Les enseignants créent des évaluations ou cherchent d’autres critères pour évaluer les élèves sur ce qu’ils ont appris, et pas trop sur la taille de leurs biceps. Mais évidemment, ces différences de gabarits restent un problème et quelque chose d’inévitable », ajoute le professeur. Car même si la tendance veut

que l’effort paye plus que la performance, certains enseignants, pas tout à fait au goût du jour, prennent des décisions beaucoup plus radicales. « J’ai l’exemple d’un élève qui a des difficultés de coordination dans les sports de ballon et de raquette. L’an dernier, son professeur de sport lui a mis 6. Il a considéré que les acquis n’étaient pas atteints, et qu’il ne pouvait pas faire autrement. Il y a des enseignants qui n’ont rien à faire du statut particulier des élèves », se plaint Frédérique Tixier, pédiatre à l’HFME (Hôpital Femme Mère Enfant) de Lyon.

L’EPS au service de l’inclusion Dans son malheur, Romain aura évité les moqueries du seul Dimitri, resté sur la touche à observer ses camarades durant toute la séance. Sa particularité ? Un surpoids qu’il n’arrive pas à assumer. « Des jeunes en surpoids qui ont honte? Il y en a, c’est certain. Il y en a même qui nous demandent parfois qu’on leur fasse une dispense 89

de sport parce qu’ils ne veulent pas se montrer tels qu’ils sont », affirme la pédiatre. Mais la bonne nouvelle, c’est que malgré son surpoids, Dimitri devrait pouvoir suivre un cursus sportif comme tout le monde, sans le moindre complexe. « Il y a des évolutions qui sont fortes pour développer une EPS adaptée. Dans certains collèges, vous allez trouver des créneaux d’EPS pour les élèves qui ont un handicap ou des problèmes de surpoids, des difficultés à s’engager dans une pratique. Les élèves sont évalués sur ces activités adaptées », assure JeanMarie Boudard. Et le professeur de renchérir : « Il y a des démarches d’inclusion. L’image du petit gros en EPS qui ne se sent pas bien, pas inclus, qui a du mal à s’engager dans ce qui est proposé… ça tend à disparaître ». Eh oui, assez, être en surpoids n’est pas une fin en soi. Clément BARBIER


HONTE

Simulation : on laisse la parole aux femmes Cassandre 21 ans

Clarisse, 20 ans

« Si je simule, automatiquement il va prendre confiance en lui et il va plus aimer. C’est pour satisfaire son besoin à lui au dépens du mien. Je ne lui ai pas dit car je ne voulais pas le décevoir. De plus, c’était un coup d’un soir mais si c’est mon mec je lui dirais. »

« J’ai simulé pour qu’il soit content de sa performance et que ça se termine plus vite. Je n’ai pas communiqué avec lui pour ne pas lui faire de peine et qu’il perde confiance en lui-même. »

Lilou, 20 ans

Anouck, 20 ans

« J’ai simulé pour ne pas montrer que je m’ennuyais et je voulais que ça se termine plus vite. Mais tu ne le dis pas parce qu’automatiquement, simuler, c’est mentir. Donc tu n’en parles pas après l’acte vu que tu as décidé de mentir. De plus, tu ne veux pas blesser la personne. »

« J’ai fait comme si mon partenaire me donnait du plaisir pour qu’il kiffe. Être dans le silence, c’est gênant pour moi. Quand ce n’est pas ton copain, c’est délicat de dire que tu n’as pas apprécié le moment. La raison ? Certaines filles sont beaucoup plus clitoridiennes que vaginales. Alors que pour un mec le seul moyen qu’il ait un orgasme, c’est forcément par le vagin, donc il ne pense pas à stimuler le clitoris. »

Les femmes sont souvent plus silencieuses lorsqu'elles reçoivent du plaisir

*Etude de 2019 réalisée par Ifop/Online Séduction *Etude de 2010, selon MSNBC

Lola, 20 ans

« Je trouve que faire semblant d’avoir du plaisir ça donne confiance au partenaire. La simulation permet aussi de prendre un peu plus son pied parce qu’au final, le sexe, ce n’est pas que des sensations. C’est aussi permettre à l’autre de ressentir du plaisir. Je ne l’ai pas dit parce que c’est un peu la honte que ça soit pour l’homme ou pour moi. »

Statistiques

Elles émettent les bruits les plus érotiques lorsque le sexe commence à être inconfortable ou ennuyant

24% ont avoué qu’elles avaient déjà mis fin à une relation parce qu’elles n’arrivaient pas à avoir un orgasme

59 %

des femmes ont déjà simulé 90

40%

des hommes ont déjà simulé

25%

des femmes simulaient l'orgasme dans 90 % des actes

80 %

d'entre elles simulaient des orgasmes pendant les rapports vaginaux au moins une fois sur deux

Quand ma vie sexuelle rime avec simulation

Je me demande si une de mes partenaires a déjà fait semblant au lit. Mais bon, ma réflexion ne s’arrête pas là. Je veux savoir les raisons, les conséquences et les solutions. Pour répondre à ces interrogations, j’ai fait appel à Léa Seguin, spécialiste de la simulation, pour qu’elle m’éclaire sur le sujet.

E

st-ce que des filles ont déjà simulé avec moi ? Après ces témoignages, je me suis posé la question. Et quand je vois les statistiques sur la simulation sexuelle chez les femmes, je me dis qu’il y a des chances. Pourtant, quand on reste entre mecs, au bar, tout le monde dit satisfaire sa partenaire. Ils sont tous, selon eux, « des bêtes de sexe ». A ce moment-là de la discussion, j’aimerais secrètement qu’une de leurs anciennes conquêtes arrive à table et lui avoue qu’il était un mauvais coup. Mais bon, ces filles n’osent pas et je veux savoir pourquoi elles ont aussi peu de courage. Pour mieux comprendre ce sujet, j’ai demandé l’avis de Léa Seguin. Cette doctorante de l'Université du Québec à Montréal (UQAM) en sexologie est devenue une spécialiste de la simulation sexuelle. Déjà pour cette franco-ontarienne, la simulation sexuelle peut être à la fois négative et positive. « Il y a des raisons positives comme faire plaisir à son partenaire. Mais pas dans l’optique d’éviter sa colère plutôt pour qu’il soit heureux de ressentir qu’il donne du plaisir. D’autre part, il y a des motivations qui visent à éviter des conséquences négatives comme la honte et la culpabilité. Et on veut éviter que notre partenaire soit fâché voire qu’il nous quitte à la longue si on dit non trop souvent. » Il y a différentes raisons mais, dans tous les cas, les conséquences sont négatives. Et c’est vrai que c’est délicat : soit ma partenaire me le cache et je ne peux pas changer ma façon de faire, soit elle me dit qu’elle passe un mauvais moment et je perds toute confiance en moi.

L’impact de sa simulation La simulation de l’orgasme peut être considérée comme un moyen de protéger l’autre. Sauf que l’orgasme symbolise la connexion érotique ultime. Ce moment est

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unique et intime, c’est comme si j’enlevais un masque pour voir son vrai visage. Ma copine m’offre sa plus belle vulnérabilité. Mais bon, je vais tout de suite redescendre parce qu’on se trouve loin de la réalité. Léa Seguin comprend le fait de jouer un autre rôle au moment de l’orgasme. « Elles ne veulent pas blesser leur partenaire. Elles souhaitent que l’autre pense qu’ils ont fait une bonne affaire et qu’ils ont bien stimulé le corps de la femme pour éviter la confrontation et la discussion sur ce sujet. » Je suis donc en droit de me poser une question. Quel est le pire : simuler ? Ou le contexte mis en place qui les pousse à simuler et qui les empêche de communiquer honnêtement? Léa Seguin comprend mon interrogation: « Je pense que simuler, c’est contreproductif dans des relations où l’orgasme est vraiment difficile. Mais si c’est de temps en temps, je ne pense pas que ça soit néfaste ».

Dois-je abandonner ? Mais si je me trouve dans une relation où ma copine n’atteint jamais l’orgasme, il vaut mieux que j’abandonne, vu toutes les chances que j’ai eues pour la faire jouir. Certains binômes sont sûrement incompatibles sexuellement. Pour le coup, la doctorante d’UQAM, contredit ma conclusion. « Je ne pense pas que des partenaires ne peuvent pas être sexuellement compatibles. Sauf s’ils désirent des choses complètement différentes qui sont irréconciliables. Parce que ça, c’est une excuse. Toutes les personnes peuvent être compatibles. » Je suis rassuré. Maintenant il faut que j’accepte que ma copine ne puisse pas connaître l’orgasme à chaque fois et qu’il faille communiquer làdessus. Plus besoin de me mentir à travers de faux gémissements et des cris beaucoup trop aigus. Félix MOURAILLE


L’hypersensibilité, une force masculine

HONTE

L’hypersensibilité est un trait de caractère qui correspond à une sensibilité plus haute que la moyenne. Elle peut être émotionnelle, sensorielle, immédiate ou retardée. Cette particularité touche environ 20 % de la population mondiale selon une étude réalisée par Elaine Aron, psychologue reconnue comme l’une des spécialistes de l’hypersensibilité. Zoom sur cette singularité.

« Hypersensibles, ressentez lorsque vous êtes dans la zone orange pour éviter la zone rouge » L’homme hypersensible est atypique et cherche, lorsqu’il est conscient de sa sensibilité, à cacher cette différence. C’est une façon d’être qui vous fait réagir de manière très intense. Alors comment reconnaître si l’on est hypersensible ? Analyse avec Ondine Khayat, écrivaine et psycho-praticienne certifiée dans l’approche centrée sur la personne. L’hypersensibilité n’est pas une maladie, ni un handicap, mais une caractéristique de la personnalité. Elle se manifeste par une sensibilité majorée en intensité. « L’hypersensibilité, c’est une manière d’être au monde qui vous fait réagir de manière extrêmement intense aux situations que vous vivez. Vous percevez beaucoup d’informations, qui saturent vos canaux sensoriels et émotionnels. C’est une augmentation des perceptions qui provoque de l’inconfort par une sur-stimulation intense des émotions », définit la psychologue Ondine Khayat. « Les chocs émotionnels peuvent ouvrir des brèches et peuvent favoriser les hyper sensations » Encore peu connue à ce jour, l’hypersensibilité peut amener les individus à vivre une certaine souffrance et à se sentir incompris, car ils fonctionnent différemment des autres. L’origine de cette singularité n’a pas encore été identifiée. Aucune étude n’affirme l’existence innée ou non de l’hypersensibilité. « Mais, il existe des marqueurs génétiques qui prédisposent à une certaine manière d’être au monde, plus

intense dans les ressentis », affirme Ondine Khayat. « Quand on est bébé, on peut percevoir l’humeur des personnes, ressentir des situations autour de nous, et cela peut mener à une hausse de l’ouverture des capteurs sensoriels et les intensifier. Certaines situations de la vie provoquent également des chocs émotionnels, qui ouvrent une brèche et favorisent les hyper sensations. » L’hypersensibilité étant un trait de caractère et non une pathologie, il n’existe aucun test officiel permettant de la détecter. Certains signes sont cependant révélateurs de cette spécificité. « Les hypersensibles sont très poreux à l’énergie d’une foule, ou sont capables d’interpréter les non-dits chez les autres. Les hypersensibles ne captent pas seulement leurs émotions démultipliées, mais ressentent les émotions des autres. Tout cela peut les faire souffrir. Il leur est difficile de mettre de la raison dans leur manière de percevoir le monde. Ils se posent sans cesse des questions sur leurs relations avec les autres », recense la psychologue. Pour éviter cette surcharge émotionnelle, Ondine Khayat conseille d’effectuer des exercices 92

« Ma puissance d’homme vient de ma vulnérabilité et de ma sensibilité » Longtemps, il ne l’a pas comprise. Longtemps, il l’a rejetée. Aujourd’hui, il ne l’accueille plus comme un fardeau, mais comme une force. Alexandre Nivart, 28 ans, thérapeute psychocorporel, est hypersensible. Il se confie sur son quotidien et les manifestations de cette singularité.

Quand avez-vous posé un mot sur votre particularité ? « La première fois, c’était en 2017. J’avais rencontré une psychologue qui s’est retournée vers moi en me disant : “Vous êtes hypersensibles ! ”. En tant qu’homme, j’ai d’abord rejeté cette affirmation en ne voyant pas cela comme quelque chose de bon. Pour moi, avant, un homme ne devait pas être sensible. Puis en 2019, j’ai décidé d’acheter un livre qui parlait des caractéristiques de l’hypersensibilité et je me suis complètement reconnu dans ces caractéristiques. »

Comment le vit-on pendant l’enfance ?

Ondine Khayat Psycho praticienne Certifiée dans l'Approche Centrée sur la Personne ©Ondine Khayat

(cf. page 98) afin d’essayer de « détecter lorsque l’on sent que l’on est dans la zone orange pour éviter la zone rouge ». Ainsi, ressentir la zone orange, c’est-à-dire le moment où vos émotions sont très intenses, sur le point de déborder et tenter de les maîtriser pour éviter la zone rouge : la submersion d’émotions incontrôlables.

« Je me sens différent des autres depuis que j’ai la capacité de penser, c’est-à-dire vers l’âge de 6-7 ans. Dans mon hypersensibilité, j’avais la sensation de connaître les autres, sans qu’ils parlent d’eux et de voir leur propre sensibilité. J’étais très sensible aux émotions des autres enfants. De fait, on me voyait souvent comme l’ami intime et les gens se confiaient facilement à moi. C’est comme ça que mes relations s’incarnaient. Mais aussi dans la peur de blesser les autres et donc une inhibition de ma propre personnalité. Comme je voyais leur personnalité, je n’arrivais pas à trouver l’équilibre, la posture juste dans mes relations avec les autres. Je me posais sans cesse la question : comment puis-je agir pour satisfaire le bien-être de l’autre ? Et c’était une posture très handicapante de remise en question permanente. »

Vous affichez clairement votre hypersensibilité sur les réseaux sociaux. Pouvez-vous expliquer le processus par lequel vous avez réussi à affirmer cette différence ? « Au début, je le cachais, même si on me mettait en face de ma personnalité, je le niais. Ce qui m’a aidé, c’est de ne plus avoir peur d’être aux contacts 93

Alexandre Nivart 28 ans, hypersensible, Thérapeute psycorporel et professeur de yoga et de méditation © Alexandre Nivart

des émotions de mon cœur. Il n’y a pas eu de déclencheur, c’est en fait, une succession de pratiques quotidiennes qui m’ont permis d’accepter mes sensations. Je pratiquais en particulier l’ancrage, c’est-à-dire rééduquer le corps à être en sécurité avec ses sensations corporelles et de se départir des premières impressions. J’ai aussi essayé de mettre des mots sur les sensations de certaines situations, ce qui m’a permis de me dire que je suis un être humain. »

Est-ce qu’il y a une difficulté supplémentaire à être un homme hypersensible dans une société où la sensibilité est vue comme une caractéristique plutôt féminine ? « On est dans une société patriarcale qui prône le masque social chez les hommes. Un homme ne devrait pas pleurer et devrait être fort. Donc accepter ma sensibilité a été un long chemin. J’ai découvert que ma puissance d’homme venait de l’acceptation de ma vulnérabilité et de ma sensibilité. Le fait d’arrêter de me cacher m’a permis d’accéder à une masculinité beaucoup plus saine au service de la vie humaine. »

Quand on est hypersensible, c’est accepter sa vulnérabilité en tant qu’homme. Vous n’avez pas peur de vous faire écraser par d’autres personnes ? « Ça peut être douloureux et on peut développer un sentiment de rejet. Mais le fait de m’être ouvert, m’a révélé une forme de puissance masculinité. On ne peut pas me manquer de respect sans mon autorisation. Parfois, j’observe des regards un peu malsains, mais maintenant, je connais ma valeur. Ce n’est pas prétentieux de dire ça. Quand je sais qui je suis et que j’exprime ma sensibilité ce n’est pas être faible. Je peux aussi être sensible, puissant et ferme. Si on est sûr de qui fait notre force intérieure, l’avis des autres ce n’est que du vent. »


3 clés pour ne pas laisser vos émotions vous submerger Vous ressentez tout intensément et vos débordements émotionnels sont souvent difficiles à réfréner. Alors comment mieux vivre votre hypersensibilité ?

Passer un examen: Pour maîtriser et ne pas subir vos émotions durant un examen, il existe l’exercice de visualisation d’une projection. Imaginezvous simplement le scénario de l’examen en favorisant votre réussite. Ensuite, répétez ce

scénario plusieurs fois dans votre tête. Cela vous permettra de décharger la tension et de faire comme si vous aviez déjà vécu l’examen. L’objectif est de mettre à profit votre capacité de sensorialité et de projection de visualisation, pour décharger vos émotions.

Rendez-vous amoureux : Avant d’aller au rendez-vous, pensez à préparer des vêtements dans lesquels vous vous sentez bien. Des vêtements qui vous mettent en confiance. Essayer d’identifier l’enjeu de cette rencontre pour vous. Vous avez aussi la possibilité de prendre

Face à une foule de personnes : Éviter de vous y exposer en général. Mais si toutefois l’envie est trop forte, il existe l’exercice de visualisation de la bougie. Submergée d’émotions, fermez les yeux et tentez

de visualiser une flamme au niveau de votre nombril. Laissez-vous absorber complètement par cette lueur. Cela permet de décentrer votre attention de la foule, en la recanalisant à un endroit de sécurité à l’intérieur de vous.

un objet, un petit porte-bonheur, une pierre par exemple. L’objectif est de garder cette amulette avec vous et qu’elle devienne votre pierre d’ancrage. Et chaque fois que vous vous sentez un peu trop stimulé, pressez cette pierre pour décharger votre tension émotionnelle. Enzo MARTINET

Les émotions, un vice à cacher chez l ’homme. Est-ce que je dois cacher mes émotions en tant qu’homme ? C’est ce que je me demande depuis le collège. Avant cette époque, exposer mes émotions aux autres ne me dérangeait pas, puis j’ai subi le regard de mes camarades. C’est là que j’ai compris que ce n’était pas bien vu d’être aussi expressif. Par la suite, cela m’a amené à cacher mes émotions, pour éviter ce jugement extérieur. Un peu comme dans le film Les Emotifs anonymes, de JeanPierre Améris sorti en 2010 avec Benoît Poelvoorde et Isabelle Carré en tête d’affiche. Les émotifs de ce film se réunissent à la manière des alcooliques anonymes. Mais pas pour parler de leurs addictions, mais de leurs émotions. Tous ces gens sont incapables de s’exprimer comme ils le veulent. L’un d’eux va même plus loin, il est très expressif et sûr de lui avec ses proches au point que cela les agace, alors qu’en réalité, il se comporte différemment pour éviter de montrer ce qu’il est réellement. Pour les autres, c’est plus classique, ils ne veulent juste pas montrer leurs émotions pour éviter de souffrir. Mais à la différence des personnages du film, il n’y a pas de lieu où on peut se réunir et parler de nos émotions comme les alcooliques anonymes.

Refouler ses émotions, la bonne solution ? Nous sommes à la fin de Sensible et donc j’espère que vous aurez compris que non ce n’est pas la bonne solution. Les refouler ce n’est qu’amplifier le problème, car ce n’est pas pour autant que vous ne les sentirez plus, et elles resteront juste en vous plus longtemps. Dans l’article « 3 clés pour ne pas laisser vos émotions vous submerger » (page XX), on vous explique comment canaliser le stress, la peur, la colère… pour un hypersensible. Selon le docteur Elaine

Malgré des difficultés physiques pour certains élèves, ou des différences de gabarit, le barème en EPS au collège 94 est le même pour tous. Injustice ? (© Pixabay)

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Aron, 20 % des êtres humains seraient hypersensibilités. Trop de monde est atteint par cette caractéristique/pathologie pour que l’on considère l’hypersensibilité comme une maladie. Mais cela nous montre qu’un cinquième des hommes sont censés vivre de façon plus accrue leurs émotions, comme je le vis depuis le collège. Mais pourtant, je n’ai jamais eu l’impression que nous étions nombreux à subir une pression de nos émotions. Beaucoup d’entre nous cachons une partie de nous-même. Mais pourquoi ?

C’est la « société » le problème ? Je ne veux pas dire que tous les maux de ma vie, et celle des autres, viennent de la société. Mais que pour les hommes hypersensibles, il est difficile de pouvoir parler clairement de ses émotions avec nos pairs, sans subir moquerie ou jugement. Cela est dû à une éducation poussant à les planquer au fond de nous. Car « un homme doit être fort et pas une pleureuse ». Combien d’entre nous ont entendu ce genre de discours de notre famille ou d’autres cercles. Ce genre de phrases m’ont marqué toute ma vie, mais pas que la mienne celle des autres aussi. Et de ces discours, on apprend qu’il faut se retenir. Mais aujourd’hui un changement s’opère, on ne considère plus qu’un homme qui parle de ses émotions n’en n’est pas un. Désormais, on l’accepte, il est devenu la norme de l’apprendre aux enfants et de pointer du doigt le comportement réactionnaire que nous avons connu. Finalement, ce serait plus un problème générationnel le manque d’expression des sentiments des hommes, au lieu d’un problème de la grande méchante « société ». Tom Baraffe


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