ACCENT #9 spécial Vatican- un pays puissant? Journalisme ISCPA Lyon

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Sommaire

Édito

L’accent de la rédac’

Vatic'Accent ORGANIGRAMME

Lucile Brière, rédactrice en chef

«

Faites attention à ceux qui sont rigides. Faites attention aux chrétiens, aux laïcs, aux prêtres, aux évêques, qui se présentent comme des personnes parfaites et sévères. Ce sont les rigides de la double vie qui se font passer pour bons, honnêtes, mais quand personne ne les voit ils font des mauvaises choses. (…) Derrière la rigidité il y a toujours quelque chose de caché, dans de nombreux cas, une double vie. » Le Pape François a prononcé ces quelques mots le 16 octobre 2018. Le souverain pontife touche du doigt le secret de Polichinelle : l’homosexualité ou homophilie présente au sein du Vatican. Finalement le problème ne se mesure pas par la présence de cette homophilie au Saint-Siège. Le problème résulte de l’hypocrisie, François le dit, de la part des plus homophobes qui sont, entre autres, les plus homophiles. Une hypocrisie qui gangrène le Vatican depuis des décennies et cause des dégâts pour les personnes ouvertement homosexuelles, partout dans le monde. Le Vatican assure au Saint-Siège une influence sans aucun équivalent dans le monde ; et pour cause, seule religion dans le monde organisée en un État indépendant.

French'Accent de Nicolas Senèze page 5

Faites ce que je dis, pas ce que je fais ! Dans le monde du XXIe siècle, difficile de se dire alors que le Vatican est un « bastion à libérer » suite à toutes ces contradictions. Et pourtant, la libération de la Cité du Vatican est bien une question majeure. Le rejet de l’homosexuel dans nos sociétés, par l’Église catholique, continuera sa route à mesure que les prêtres eux-mêmes, homophiles, vivront frustrés, et dans la haine de leur propre existence. L’un des plus petits pays du monde qu’est le Vatican n’est pas uniquement, animé par les liens d’homosexualités qui perdurent au sein du Saint-Siège. Seulement, comme le dit Frédéric Martel dans Sodoma, «En méconnaissant sa dimension largement homosexuelle, on se prive d’une des clés de compréhension majeures de la plupart des faits ont entaché l’histoire du Saint-Siège depuis des décennies (…) La dimension gay n’explique pas tout, bien sûr, mais elle est une clé de lecture décisive pour qui veut comprendre le Vatican et ses postures morales.»

CORRUPTION

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CINÉMA

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Musée du Vatican Anciens jardins

Palais apostolique Chapelle Sixtine

Nouveaux jardins

Basilique Saint-Pierre

DÉFICIENCE Place Saint-Pierre

INTERVIEW

Accent de la semaine page 6

MédiAccent

Accent Grave

Frédéric Martel parle du Vatican comme « le dernier bastion à sauver », dans Sodoma, enquête sur l’homosexualité au sein du Saint-Siège, sortie en 2019. Plus d’un millier de prêtres révèle au grand jour que le Vatican serait «sociologiquement homosexuel.» Dans l’Italie du XXe, être homosexuel laissait peu d’opportunité pour une vie épanouie. Certains seraient alors rentrés dans les ordres en raison de leur orientation sexuelle, pour y trouver réconfort, et une échappatoire. Cependant, le préservatif durant la pandémie du Sida, le Vatican s’y est opposé. La PMA pour les femmes lesbiennes, le Vatican s’y est opposé.

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UNICITÉ

Accent Aigu page 9

SÉCURITÉ

Accent Éco page 11

Rédactrice en chef & coordination : Lucile Brière Rédaction : Léo Ballery, Guillaume Besson, Lucile Brière, Vincent Imbert, Alixan Lavorel, Kévin Masegosa, Lancelot Mésonier, Eulalie Pernelet et Théo Zuili Secrétaires de rédaction : Kévin Masegosa et Lancelot Mésonier Conception graphique, maquette & dessin de presse : Lucile Brière, Eulalie Pernelet et Théo Zuili Community manager : Alixan Lavorel @_AccentMagazine 2

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Vatic'Accent

Organigramme de la papauté moderne PAPE ET CHEF DE L’ETAT DU VATICAN François - Jorge Mario Bergoglio

CURIE ROMAINE

PREMIÈRE SECTION Affaires générales

Le French'Accent de Nicolas Senèze

Sur notre chaîne Youtube @AccentMagazine, les explications de Vincent Imbert. 1. Au Saint Siège : le pape

SECRÉTAIRERIE D’ÉTAT Cardinal Pietro Parolin

DEUXIÈME SECTION Relations avec les États

Nicolas Senèze, correspondant au Vatican pour La Croix. © La Voix du Nord

2. Curie Romaine et la Secrétairerie d'État

TROISIÈME SECTION Pour le personnel diplomatique 3. Congrégations, tribunaux et conseils de la Curie romaine

9 congrégations dont le dicastère pour le développement humain intégral

3 tribunaux

4 500 évêques dans le monde

Nicolas Senèze, correspondant permanent du journal La Croix au Vatican depuis quatre ans, revient sur les relations qui unissent la France au Saint-Siège aujourd’hui et les évolutions des mentalités dans la Cité papale. Quelles relations entretiennent la France et le Vatican aujourd’hui ?

12 conseils

4. Les diplomates de la cité du Vatican

180 nonces - ambassadeurs à l’étranger -

« La diplomatie française est proche de celle du Vatican »

Communautés et ONG catholiques et missionaires

LE SAVIEZ-VOUS ?

Fin de l’embargo sur Cuba, la diplomatie vaticane aux profits de l’Église.

Les relations sont excellentes. Évidemment je ne suis pas dans le bureau du Pape quand il parle à Emmanuel Macron, mais pour avoir vu la rencontre entre les deux, on sent qu’il y a une véritable estime partagée. Ce sont deux dirigeants qui fonctionnent un peu de la même manière, beaucoup à la relation personnelle. Le pape François est très dans le « en même temps » à la Macron ! Les deux hommes partagent aussi une même vision multilatérale du monde, mise à mal ces dernières années. Parfois la diplomatie française est proche de celle du Vatican. Ça n’empêche pas évidemment d’avoir des désaccords sur certains sujets, notamment sur la possession des armes nucléaires par la France que le Pape dénonce.

Le responsable de la communication est désormais un laïc, ouvrant ce poste aux femmes pour la première fois. Ensuite, il n’y a jamais eu autant de femmes aux postes à responsabilité au Vatican. On compte l’équivalent de cinq ou six secrétaires d’État qui sont des femmes au Saint-Siège. C’est plus qu’à n’importe quel moment dans l’histoire du gouvernement. Comme dans n’importe quel pays, la mentalité a évolué et il y a aujourd’hui la volonté de faire changer les choses. Et cette prise de conscience, elle est liée selon moi à la crise des abus sexuels. Le Pape a voulu casser le cléricalisme, cet entre-soi des prêtres, et y inclure les laïques pour que les décisions ne soient pas seulement prises par des prêtres et par des hommes.

Est-ce que la voix de la France, qu’on surnomme « la fille aînée de l’Église catholique », fait encore écho au Saint-Siège ?

En parlant de sujets de désaccord, récemment, Anne Soupa a essayé de faire bouger l’Église catholique en étant candidate à l’archevêché Oui, très largement ! La France est un acteur écouté au de Lyon contre l’avis du droit canonique, le combat pour l’égalité Vatican. Ce mercredi 10 juin se déroulait d’ailleurs la traditionnelle messe de la Sainte Pétronille, considérée des femmes au Vatican est-il parti de France ? comme la fille de Saint-Pierre. Or, depuis des temps im-

Tout commence le 27 mars 2014, lors de la venue du président Obama au Vatican. Le pape latino américain explique à Obama qu’après cinq décennies d’efforts américain pour isoler Cuba de l’Amérique latine, Cuba était, en réalité, devenue l’élément qui isolait les Etats-Unis de l’Amérique latine. L’ensemble des Amériques s’apprêtaient à boycotter le sommet des Amériques pour protester contre l’isolement cubain. Un pacte est alors scellé entre Obama et Francois : liquider le dernier avatar atlantique de la guerre froide. Quelques semaines plus tard, le pape argentin demande au cardinal cubain Ortega de livrer au chefs d’États américain et cubain une offre de service pour « soutenir les difficiles négociations entre les deux pays ». Washington et La Havane, entourés du Cardinal Ortega et du Cardinal américain O’Malley, tombent d’accord sur l’échange des prisonniers cubains détenus aux EUA, et du dernier agent américain emprisonné à La Havane. Cette ultime négociation se fait en octobre 2014 dans la cité du Vatican. Le 17 décembre 2014, à midi, l’annonce survient publiquement. La surprise du monde est totale. Raul Castro et Barack Obama officialisent la reprise des échanges entre leur deux pays, le jour des 78 ans du pape francois, pour son anniversaire, comme un cadeau. S’ouvre alors une nouvelle ère avec la première visite d’un président américain à Cuba. Le pape utilise le poids et la confiance diplomatique de son État pour obtenir des gages d’avenir. Le Saint-Siège attendait évidemment des dividendes aux bénéfices des catholiques sur place. Le gouvernement cubain a, entre autre, participé à la rénovation de plusieurs églises de La Havane et donné de nouveaux espaces à l’Église.

Pas vraiment. C’est un combat qui est déjà engagé depuis plusieurs années. Après, il y a des initiatives médiatiques, comme ce que fait Anne Soupa, qui ne sont pas selon moi le meilleur moyen de faire bouger les choses. La question de la place des femmes est l’un des sujets sur lequel le pape François a entrepris des changements. Il a compris qu’il y avait la nécessité pour l’Église d’avoir une approche croisée sur tous les sujets, entre clercs et laïques. Laïques, donc hommes et femmes.

Est-ce que des femmes sont en postes au gouvernement ? 4

mémoriaux, les rois francs étaient les gardiens de cette chapelle de la Sainte Pétronille qui se trouve au Vatican. Ce qui a valu à la France ce titre de fille aînée de l’Église. Jusqu’à aujourd’hui, il s’y déroule toujours une messe en l’honneur de la France tous les ans. Autre héritage, symbolique, le président de la République française hérite toujours de nos jours du titre de « chanoine honoraire de l’archibasilique de Latran », la cathédrale du diocèse de Rome. Ce n’est peut-être plus qu’un symbole qui ne donne aucun pouvoir à la France, mais elle lui donne une place de prestige qui représente bien l’influence qu’a toujours l’Hexagone au Saint-Siège en 2020.

Propos de Nicolas Senèze, recueillis par Alixan Lavorel 5


Accent de la semaine Lutte contre la corruption au Vatican : le leitmotiv du pape François Corruption, attribution des marchés et appels d’offres illégaux… Le pape François a été élu avec l’objectif de remettre de l’ordre dans les finances de l’État. Depuis sept ans, le Pape tente d’excommunier la corruption au Vatican. Le fruit (défendu) de ce labeur : une loi composée d’une centaine d’articles, destinée à lutter contre la corruption endémique du Saint-Siège.

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n 2012, le scandale « VatiLeaks » a frappé dans la fourmilière en dénonçant l’existence d’un large réseau de corruption, de népotisme et de favoritisme lié à des contrats signés à des prix gonflés avec des partenaires italiens. Le majordome du pape Benoît XVI, Paolo Gabriele, a été reconnu coupable d’avoir transmis aux journalistes ces documents confidentiels.

But premier du Pape François En 2013, le Pape François a été élu lors du conclave pour résoudre le problème de corruption dans le SaintSiège. Depuis le début de son pontificat, il lutte contre cette plaie enracinée profondément dans les mœurs du Vatican. Il a adhéré à la Convention des Nations-Unies contre la corruption et a organisé, à Rome en 2017, sa première conférence internationale pour affronter cette problématique. « Nous avons mis sur pied un groupe de travail pluraliste et hétérogène qui regroupe catholiques et non catholiques, religieux et laïcs. L’objectif du Vatican est limpide et complexe à la fois : nous voulons analyser

et déjouer la corruption dans ses divers mécanismes politiques, spirituels, opérationnels. Nous voulons ébaucher une culture transversale de l’anticorruption », annonçait le Saint-Siège.

Un travail international et national Le Vatican ne veut pas se cantonner à régler la question entre ses murs. Au-delà des frontières, le pape François exhorte à lutter contre la corruption et la spéculation. En 2015, le pontife, en voyage au Kenya, affirme que «la corruption, c’est comme le sucre : doux sur la langue, facile à manger, mais après ça finit mal, on devient diabétique. Un pays entier peut être diabétique. S’il vous plaît, ne prenez pas goût à ce sucre qui s’appelle corruption!». En 2019, les autorités malgaches sont pointées du doigt, par François, de passage à Madagascar, appelées « à lutter avec force et détermination contre toutes les formes endémiques de corruption et de spéculation qui augmentent la disparité sociale ».

« Je n’ai pas peur du péché, j’ai peur de la corruption » affirme le Pape lors d’une conférence de presse dans l’avion Lima-Rome. Janvier 2018. © Vatican Media

« La corruption, c’est comme le sucre […] mais après ça finit mal, on devient diabétique » Pape François, 2015. Mais la même année, un nouveau scandale de corruption éclate au sein du palais apostolique, un mois après le voyage du pape dans l’océan indien. En mars 2019, cinq suspects sont arrêtés, dont le numéro deux de l’autorité anti-blanchissement et un prélat de la Secrétairerie d'État. L’objet de leur interpellation était le démantèlement d’un circuit opaque d’acquisition d’un immeuble londonien grâce aux dons faits à l’Église. Le pape François s’est félicité que le scandale ait été découvert grâce à des actions internes et non à la suite d’investigations ou interventions extérieures. « On a fait des choses qui n'étaient pas propres, ce n'est pas bien que cela arrive au Vatican » a-t-il reconnu.

François lors de sa visite au Kenya en 2015 pour condamner la corruption. Novembre 2015. © J. Craig/VOA 27

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Le pape François a même écrit un livre sur la corruption. 2013. © Amazon

La réforme du 1er juin, le fruit d’un dur labeur Il travaille depuis 2016 à construire cette nouvelle réforme qui s’est heurtée à la résistance de certains « dicastères » (ministères) gérant des fonds de manière autonome et opaque. Le Pape espère bien, avec le fruit de ces quatre années de travail, mettre un terme à la corruption lors de l’attribution des marchés et des appels d’offres au Vatican. Ce décret publié le 1er juin vise à encadrer les contrats et les appels d’offres en les dotant de normes internationales transparentes, visant à une meilleure administration des ressources. Le tout permettrait de faire des économies, en pleine crise financière liée à la pandémie. Selon François, cette nouvelle loi permettra « de réduire de manière notable le danger de corruption ». Les personnes ayant été condamnées pour leur appartenance à des organisations criminelles, ou ayant commis des délits fiscaux seront écartées des appels d’offres. Enfin une solution pérenne pour balayer devant sa porte ? Cette législation « reprend la Convention des Nations Unies contre la corruption » et « remplace les règlements précédents déjà en vigueur à l’APSA (l’Administration du Patrimoine du Siège Apostolique) et au Gouvernorat de la Cité du Vatican, en s’étendant également à tous les organismes du Saint-Siège qui, jusqu’à présent, ne disposaient pas de leur propre législation en matière de contrats et de marchés ». L’application de la nouvelle loi sera contrôlée par la justice vaticane, qui dispose depuis peu d’une plus grande autonomie vis-à-vis du Pape. Théo Zuili 7


MédiAccent

Une gestion unitaire des médias

Accent Aigu VatiVision, la nouvelle méthode de communication du Vatican

Cela fait quasiment trois ans, et une réforme, que les médias du Vatican sont regroupés et dirigés par une seule rédaction. Ce regroupement concerne la chaîne de télé CTV, Radio Vatican ou encore les réseaux sociaux du pape. La gestion des médias du Vatican ressemble donc plus à de la communication qu’autre chose.

Lancée le 8 juin en Italie, VatiVision est une nouvelle plateforme de films à la demande. Un service qui se veut unique, car « dédié à la diffusion de contenus culturels, artistiques et religieux inspirés par le message chrétien. »

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atiVision propose du contenu catholique à la demande en Italie depuis le 8 juin. Cette nouvelle plateforme de streaming vidéo permet aux clients d’acheter des programmes individuels. Les films, séries et documentaires, présentant des messages chrétiens, sont disponibles sur ordinateurs portables, smartphones, tablettes, téléviseurs intelligents et cabines câblées. VatiVision contribue ainsi à la diffusion des paroles évangéliques.

En spectateur, le Vatican renforce pourtant son soft Power Bien que le Vatican a soutenu la naissance de VatiVision, l’État n’a pas contribué à son financement. Le gouvernement ne possède donc aucun rôle éditorial dans le projet. Paolo Ruffini, haut responsable de la Curie romaine à souligné dans Vatican News, la plateforme « n’a aucune obligation de défendre les valeurs institutionnelles ». Selon lui, l’initiative a été tenue par « des hommes d'affaires qui comprennent combien il y a une demande dans le monde pour ce type de produit. »

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es différents médias du Saint-Siège ont une gestion unitaire, et ce, depuis janvier 2018. Un portail unique, accessible à l’adresse www.vaticannews.va, est le reflet concret de cette réforme et de cette approche plurimédia de l’information. Cela peut aussi être considéré comme de la communication puisque les réseaux du pape François sont aussi gérés par cet unitarisme. Ce sont ainsi deux réunions de rédaction quotidiennes qui décident du traitement de l’information. La direction éditoriale est assurée par le Secrétariat pour la communication. Les différentes rédactions ne sont donc plus distinctes et les journalistes peuvent passer d’un média à l’autre. Ainsi, les 350 rédacteurs et techniciens sont intégrés dans un unique centre éditorial multimédia. Ils se considèrent eux-mêmes comme une « grande famille ».

Une refonte de la communication Voulu par le pape François, ce changement de la communication du Vatican est un sujet récurrent des

Le logo de Vatican News qui représente l’unitarisme des médias du Vatican. © Vatican News

Salle de contrôle des retransmissions TV de la chaîne du Vatican. © Vatican News

travaux de ce conseil. Ils essaient de répondre aux nouveaux défis et de s’adapter à la technologie actuelle. Cet unitarisme permet aussi à l’Église de gérer et décider pleinement le contenu multimédia qui sera diffusé que ce soit à la télé, à la radio ou dans la presse. En plus de ses propres réseaux sociaux, le pape peut maintenant utiliser les médias comme un nouveau relais d’opinion. En politique, les mouvements doivent s’appuyer sur les militants pour élargir leur audience. Ce regroupement permet au pape de faire passer ses messages par plus de moyens, donc de toucher plus de monde et de relayer les messages en dehors du cercle des initiés religieux. Une nouvelle méthode de communication moderne.

Le Vatican peut tout de même voir en VatiVision, un moyen efficace pour élargir son soft Power. Un soft Power grandement marquée par l’image de l’Église. Faciliter la propagation des représentations cinématographiques de la religion, représente ainsi un atout pour l’État. D’autant plus que VatiVision soutient être « La première plateforme multiappareils au monde est née, dédiée à la diffusion de contenus culturels, artistiques et religieux inspirés par le message chrétien. »

Malgré de fortes similitudes avec d’autres services concurrents, Vatican News revendique que « VatiVision n’est pas le Netflix du Vatican ». Oui, contrairement à Netflix, VatiVision fait le choix de consacrer tous ses sujets à la religion catholique. Son slogan est d’ailleurs « Culture, art et foi, partout avec vous. » Seulement, Netflix détient une section sur la spiritualité, proposant notamment aux abonnés la série d’inspiration catholique « Les deux papes ». Alors, outre le modèle économique et une partie du contenu, qu’est-ce qui peut différer ? Pour Paolo Ruffini, ce serait le public. Il s’explique. « VatiVision tente de donner une perspective, un sens, un voyage qui a du sens, à un public spécifique et averti. » Seulement pourquoi le public doit-être si particulier ? Le contenu disponible provient essentiellement de programmes originaux ou de productions catholiques, comme Vatican Media. De ce fait, les œuvres mises à disposition peuvent générer un manque d’objectivité. Par exemple, le documentaire « Churchbook », sous-titré « Quand la foi devient sociale » livre un seul récit. Celui de l’Église et de ses méthodes de communications. Les films « Grâce à Dieu », de François Ozon, «Spotlight», de Tom McCarthy, ou « Religieuses abusées, l’autre scandale de l’Église » produit par Arte, ne font eux pas parti de la liste de VatiVision. Ce sont trois films dénonçant des abus sexuels au sein de l’Église. Cette non-visibilité sur la plateforme peut-être liée à de simples modalités économiques. Ou alors, elle peut être liée à la volonté de VatiVision de diffuser des films donnant une image positive à l’Église. Eulalie Pernelet

Le premier pape dans l’air du temps Le pape François est le premier à s’adapter aux médias sociaux, il est considéré comme le meilleur communicant que le Vatican ait connu. Le pape François accompagne parfaitement le Vatican dans la transition numérique grâce à sa capacité à communiquer de manière massive et immédiate. On entrevoit également un énorme travail effectué autour de la véracité et la qualité des informations, puisque le Pape a lui-même identifié le phénomène de fake news et y accorde une très haute importance. Les outils numériques et leur incroyable puissance ne doivent pas faire oublier que la qualité éditoriale diffusée est primordiale et le pontife en est parfaitement conscient. Kévin Masegosa

Disponible uniquement en Italie, VatiVision prévoit une diffusion aux États-Unis, au Mexique, en Argentine, en Colombie, au Brésil, aux Philippines, en Espagne et en Pologne. © VatiVision

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Accent Grave

La sécurité du pape, un jeu de patience

Accent Éco

« Église pauvre, au service des pauvres »

Régulièrement enfermé dans son palais apostolique grandeur nature ou au milieu de bains de foule, le pape n’a peur de rien, et ce, grâce à ses hommes de l’ombre qui l’entourent au quotidien depuis 5 siècles. Une centaine de personnes surentraînées, qui voient défiler différents papes et divers caractères.

Le Vatican est une puissance financière pas comme les autres. En effet, le plus petit état du monde génère chaque année des centaines de millions d’euros de recettes, qui proviennent de différents secteurs. Pour autant leur déficit ne cesse d’augmenter, ce qui pousse le Pape à vouloir réformer.

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A

décembre 2019, place Saint-Pierre, une poignée de main trop vigoureuse a failli faire chuter le pape François. Adepte des bains de foule et du contact physique, le premier pape latino-américain de l’histoire, bien moins réservé que son prédécesseur allemand Benoît XVI, fait vivre un véritable calvaire à sa garde rapprochée. Pas question pour lui de «vivre coupé des gens ordinaires derrière des cordons de sécurité», expliquait-il au début de sa prise de fonction en 2013. Février 2016, le pape trébuche au cœur d’une messe dans un stade au Mexique après une dispute avec un fidèle, janvier 2018, il n’hésite pas à arrêter son convoi au Chili pour porter secours à une policière qui venait de chuter à cheval. Le chef de plus d’un milliard de catholiques en fait voir depuis 7 ans de toutes les couleurs à ses deux unités de gardes du corps. Des filières qui depuis 5 siècles surveillent, veillent et protègent les différents papes. Les gardes suisses, les sentinelles du Pape La Garde Suisse pontificale, corps d’armée du Vatican, chargée de la sécurité du pape et des bâtiments pontificaux, a célébré ses 500 ans d’existence en 2005, faisant d’elle la plus ancienne et plus petite armée mondiale. Les Suisses sont l’unique corps militaire que les papes successifs ont maintenu jusqu’à ce jour, tous les autres tels «les Cavalleggeri» ou encore la Garde noble ont été supprimés. La création de cette garde remonte au 21 juin 1505, date d’un document signé par le pape Jules II, demandant à 200 hallebardiers mercenaires

Le pape rend hommage à la Garde Suisse pontificale à La Chapelle Sainte Marthe. ©AFP

Dans sa papamobile, le pape François salue les fidèles, sous les yeux attentifs de sa garde rapprochée. ©AFP

suisses de servir sous le drapeau des États pontificaux. À l’époque, 150 Helvètes étant considérés comme fidèles et courageux sont embauchés. Depuis 110 nouveaux sont en service, et protègent le pape et les édifices au quotidien dans leurs pourpoints jaunes à bandes rouges et bleues dessinées par un certain Michel-Ange. Cependant, pour intégrer la bande au Pape, il faut remplir plusieurs critères. Être un homme suisse, célibataire, avoir entre 19 et 30 ans, mesurer au moins 1,74 m, être catholique romain et avoir son service militaire. Lors de l’affiliation dans l’armée, ils perçoivent un salaire mensuel de 1 200 € et sont en place pour une durée de 2 ans minimum. Un emploi rare, mais exigeant. Suisses et gendarmes ne font qu’un autour du Pape Pour empêcher un nouvel attentat, comme en 1981 sur Jean Paul II, ce dernier reconstitue en 2002, la Gendarmerie vaticane. Régulièrement critiquée ou dissoute, elle refait surface après avoir été transformée en bureau de surveillance en 1970. Désormais, la sécurité personnelle du Pape est conjointement assurée par la Gendarmerie vaticane et la Garde suisse pontificale. Ainsi, lors des déplacements en public, les gendarmes surveillent le côté gauche et les Suisses le côté droit. En décembre 2009, c’est un gendarme qui avait empêché une femme de se jeter sur le pape Benoît XVI, pour la messe de Noël. Outre la sécurité du pape, les 150 gendarmes embauchés sur des critères semblables à leurs homologues suisses assurent également le contrôle d’accès au territoire de l’État de la cité du Vatican. Un métier, ô combien difficile.

vec un PIB national de 315 millions de dollars en 2013 (pas de donnée plus récente), le Vatican est loin d'être pauvre. Sa population non plus, le PIB par habitant atteint le taux record de 391 791 dollars. Un sacré magot qui ne se limite pas qu’à des finances, le Vatican est aussi propriétaire d’un empire immobilier avec près de 115 000 immeubles, 23 000 terrains, 9000 écoles et environ 4000 hôpitaux ou centres de soins, la plupart de ses propriétés sont situées en Italie. De plus, le pays des catholiques possède également d’autre part dans l’immobilier à travers le monde, comme en 2014 en Angleterre, où le dicastère de la curie romaine a acquis une cinquantaine d’appartements de luxe contre la modique somme de 200 millions d’euros.

Gianluigi Nuzzi, ne s’arrête pas là, il accuse le Vatican de malversation financière à l’aide de montages financiers, une thèse soutenue par l’hebdomadaire italien « L’Espresso ». Cependant, le Pape François semble prendre tout cela au sérieux, il a nommé Giuseppe Pignatone (ancien procureur de Rome spécialisé dans les affaires de corruption) président du tribunal de l'État de la Cité du Vatican, pour qu’il enquête sur ces possibles malversations.

Un patrimoine qui rapporte

Un manque de transparence

Entre les comptes bien remplis et son patrimoine immobilier le Vatican a d’autres sources de revenus, et certaines rapporte gros. La douzaine de musées du Vatican, qui possèdent près de 70 000 œuvres pour une valeur estimée à 90 milliards, génèrent des revenus conséquents, 90 millions par ans en moyenne. À cela s’ajoute le tourisme, qui est principalement religieux. En effet, des touristes viennent de partout à travers le monde pour visiter le patrimoine du Vatican, autant les musées que les monastères. Un tourisme qui rapporte lui aussi, pas de chiffre précis dans ce cas, mais avec une moyenne de 3,5 millions de touristes par an on peut imaginer que le secteur n’a pas à se plaindre. À cela s’ajoutent les dons des fidèles qui s’élèveraient à 50 millions d’euros en 2018.

Bien que les comptes du Vatican semblent être de plus en plus mis dans la lumière. Le culte de l’opacité est toujours présent, et ce depuis longtemps. En 2013, le Vatican avait accepté de rendre leurs comptes publics, c’était la première fois en 125 ans. Léo Ballery

est la mauvaise gestion de leur patrimoine immobilier (estimé à 2,7 milliards d’euros). Actuellement sur 3200 logements, mis en location par le Vatican, 800 serait inhabité, et près de 15% seraient loués gratuitement.

Un pays en crise Malgré des revenus conséquents, le plus petit état du monde connaît une crise financière depuis quelques années. Selon le journaliste Gianluigi Nuzzi, auteur du livre « Le jugement dernier », cela peut s’expliquer de plusieurs manières. Tout d’abord, les dons ont été divisés par deux en 10 ans, suite aux nombreux scandales de l’Église. L’autre principale raison de cette crise

Guillaume Besson 10

Photo de la basilique Saint-Pierre, la plus grande église catholique au monde. Le patrimoine du Vatican témoigne de sa richesse. © Bstefanov / Dreamsite.com

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Le clair-obscur Pape François Il y 7 ans, le pape François, Jorge Mario Bergoglio à la ville, montait sur le trône de Saint-Pierre avec une aura de sympathie et de modernité. Aujourd'hui, celui-ci a un peu perdu en popularité.

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n 2011, Jorge Mario Bergoglio, alors archevêque de Buenos Aires, avait présenté sa démission à Benoît XVI. Il avait 75 ans, un poumon en moins et le sourire rare... Puis il a été élu et est devenu le premier pape jésuite, le premier pape François. François comme Saint François d'Assises, l'homme qui aimait les pauvres, son modèle. François a toujours vécu simplement. À Buenos Aires, l'archevêque lave les pieds des malades du sida. Il passe ses week-ends dans les paroisses les plus misérables, avec les prêtres des bidonvilles. Des prêtres qui ont une ligne directe pour le joindre, car François n'a ni portable ni télé. Chaque jour il achète le journal, enroulé dans un élastique. À la fin du mois, il rend tous les élastiques à son kiosquier.

Pas si progressiste qu'il en a eu l'air Cette simplicité, le pape François ne l'a pas perdue au Vatican. Il a refusé les appartements pontificaux, il fait réparer ses chaussures orthopédiques et mange à la cantine. Ce pape-là a la fibre sociale. Il fustige la finance, le libéralisme et la mondialisation, et martèle que « nous sommes tous des migrants ». Mais le pape François n'est pas progressiste pour autant. Pour lui, l'avortement n'est pas un mal mineur, mais un crime. L'euthanasie est un

«non» à Dieu. Et il y a peu de temps encore, en Argentine, il menait la guerre contre le mariage gay, «une manœuvre du diable», « un recul anthropologique » selon lui.

Un Pape pragmatique Depuis, le pape a fait du chemin. « Qui suis-je pour juger ? », lance-t-il désormais à propos de l'homosexualité. Il qualifiait de « fasciste » l'éducation sexuelle à l'école, et reconnaît aujourd'hui la perplexité de l'Église sur le préservatif. En fait, François est un pragmatique, et face au succès des évangélistes, il s'adapte. Il parle peu, écoute beaucoup et se souvient toujours. En réponse aux décès de Georges Floyd et des manifestations qui en ont suivies, il condamne à la fois le racisme, qu’il juge comme « un pêché », mais aussi « la violence des dernières nuits, elle est autodestructrice, rien ne se gagne avec la violence ». Jorge Mario Bergoglio est surtout un animal politique, avec ses zones d'ombre. Il est notamment accusé d'avoir entretenu des liens avec la dictature argentine dans les années 1970, ce qu'il nie. Comme il nie toute indulgence envers les prêtres pédophiles. Face aux scandales il reste toujours impénétrable. Comme les voies de son seigneur. Lancelot Mésonier


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