ITAA-Zine | Numéro 10 - Décembre 2023

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-ZIN E Numéro 10 | Décembre 2023

Édition mensuelle – Bureau de dépôt Gent X – P409030

La conciliation fiscale belge

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Pourquoi vouloir concilier ? Depuis la loi du 21 février 2005 modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne la médiation, la conciliation a obtenu une place dans notre Code judiciaire en tant qu’alternative à la procédure judiciaire classique. Dans le prolongement, par la loi du 25 avril 2007, le Service de Conciliation fiscale a été créé. Concilier est une méthode alternative pour aider à résoudre les différences d’opinions, les problèmes et conflits entre parties. Concilier a pour but d’éviter un long, coûteux et épuisant combat devant la justice.


Colophon Editorial. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 La conciliation fiscale belge. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Entreprise familiale, immobilier et VLABEL : une relation difficile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Assujettis mixtes, partiels ou occasionnels : quelle est la différence et comment est déterminé leur droit à déduction de la TVA ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

ITAA-zine Magazine mensuel de l’ITAA (ne paraît pas en janvier et en juillet) N° 10/2023 ADMINISTRATION ET RÉDACTION ITAA, Boulevard Emile Jacqmain 135/2, B-1000 Bruxelles Tél. : +32 2 240 00 00 E-mail : info@itaa.be COORDINATION DE LA RÉDACTION Gaëtan Hanot (FR) – gaetan.hanot@itaa.be COMITÉ DE RÉDACTION Vincent Delvaux (Vice-Président), Liesbet Dhaene, Carine Govaert, Gaëtan Hanot, Caroline Meys, Nathalie Lambot, François Lezaack, Nathalie Procureur, Bart Van Coile (Président) IMAGES iStockphoto TRADUCTIONS Azimut Translations, IGTV ÉDITEUR RESPONSABLE B. Van Coile, Boulevard Emile Jacqmain 135/2, B-1000 Bruxelles

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L’Institut des conseillers fiscaux et des experts-comptables (ICE) a été créé par la loi du 17 mars 2019. L’ICE se présente en tant qu’ITAA, et est le résultat d’une fusion entre l’IEC et l’IPCF. L’ITAA est géré par un Conseil et un Comité exécutif. Plus d’informations via : www.itaa.be. ÉDITEUR Wolters Kluwer Belgium Motstraat 30, B-2800 Mechelen

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AVIS AUX LECTEURS Les auteurs, le comité de rédaction et l’éditeur veillent à la fiabilité des informations publiées, lesquelles ne pourraient toutefois engager leur responsabilité. Les articles représentent les points de vue et les opinions des auteurs et donc pas nécessairement ceux de l’Institut ou du comité de rédaction.


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Editorial Chères C on soeur s, Cher s C onf rères, L’année 2023 s’achève et il est de tradition de faire un bilan des activités qui ont été accomplies au sein de votre Institut et de celles qui le seront au cours de cette législature. En effet, le 22 avril de cette année a vu l’élection d’un nouveau Conseil et au sein de ce dernier d’un nouveau Comex. De nouvelles personnalités ont été élues et d’autres ont vu leur mandat renouvelé. En tout état de cause, ces deux organes comportent moins de membres que lors de la période transitoire mais cela n’empêchera nullement la qualité du travail à effectuer. Sans vouloir faire une analyse en profondeur du contexte géopolitique mondiale, ce qui ne ressortirait pas de nos compétences, force est de constater que nous vivons une situation planétaire très difficile, tant sur le plan politique qu’économique. La guerre entre la Russie et l’Ukraine qui s’éternise sans que l’on voie poindre une lueur de solution, les tensions extrêmes au Moyen-Orient, en Asie centrale (conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie) ainsi qu’en Afrique Occidentale ont plombé l’économie mondiale. L’inflation a explosé au début de cette année. Heureusement, les mesures énergiques prises par de nombreux gouvernements ont redressé quelque peu la situation. Nous souhaitons ici réfléchir à la souffrance humaine qu’elle engendre. En tant qu’ITAA, nous souhaitons exprimer notre soutien à tous les professionnels et civils touchés par l’horreur de la guerre. L’humanité ne doit être oubliée par personne, quel que soit le côté de la guerre. Nos pensées vont à tous nos confrères et à tous les citoyens qui se trouvent dans ces situations difficiles.

Notre pays a également souffert de ces situations, entre autres, les prix de l’énergie qui handicapent nos entreprises, surtout les PME, mais aussi les indépendants, et par conséquent nos membres, experts-comptables (certifiés) et conseillers fiscaux (certifiés) qui sont en première ligne pour aider ces acteurs économiques. N’oublions surtout pas que l’emploi est aussi lié à la bonne santé de notre économie et de nos entreprises. Mais revenons à notre Institut ! En septembre de cette année, l’ITAA a tenu un Conseil stratégique au cours duquel les grandes bases de notre politique ont été esquissées pour la législature 2023-2025.

En ce qui concerne les clusters Cluster Déontologie L’Institut reçoit plus de 300 plaintes par an en matière de déontologie, ce qui fait environ une à deux plaintes par jour, ce qui génère dans les services internes un certain stress qu’il faut gérer. Cela sans compter les demandes d’assistance des membres pour des problèmes juridiques.

Quelles sont les priorités ? • Diminuer les plaintes grâce à la médiation ou au règlement alternatif des litiges (dans un premier temps, uniquement entre membres), augmenter les frais administratifs en cas de plainte (qui sont à payer au moment du dépôt de cette dernière) et maintenir le budget du service IT pour compléter le registre ; • Concernant les activités futures, l’Institut a constaté qu’il y avait 4.000 dossiers non agréés auprès

de la Banque Carrefour des Entreprises (BCE), ce qui pose des problèmes en matière de port du titre et de monopole. A partir du 30 septembre 2024, tous les membres seront soumis à la revue qualité, ce qui aura aussi un impact sur les travaux réalisés par ce cluster. Une publication de la jurisprudence sur le site est également prévue (décisions disciplinaires, infractions à la loi anti-blanchiment avec mention des noms des personnes incriminées). Il s’agit d’une décision au niveau de l’UE et donc aussi au niveau gouvernemental. • Un groupe de travail sur le futur de la déontologie a été créé. Les évolutions ayant un impact sur la profession, telles que l’intelligence artificielle (IA) et la prestation de services depuis un pays étranger, seront analysées.

Cluster Accès à la profession Quelles sont les priorités ? • Members in Business (MIB) : mettre en place des outils au sein de l’ITAA pour que les MIB soient légalement reconnus. Il faut les mettre en avant et changer la loi qui définit ce qu’est un MIB. • Supervision du stage et accompagnement des stagiaires : mettre en place un système améliorant l’accompagnement des stagiaires mais également des maîtres de stage. La plateforme BeExcellent devrait inclure une section pour les stagiaires et pour les maîtres de stage. Il est également nécessaire d’organiser des sessions d’information obligatoires pour les stagiaires et de prévoir un élargissement de l’équipe des ambassadeurs pour le cycle secondaire. Il convient également de promouvoir le branding de l’ITAA afin de mieux le faire connaître.

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4 Cluster Revue qualité Quelles sont les priorités ? • Registre public : bien analyser les flux, les numériser et les encoder. Question : ne pouvons-nous pas admettre les membres dans le registre public plus rapidement après leur examen (self-service automatisé)? • Revue qualité : extension de la revue qualité à tous les membres et création d’un secrétariat scientifique à côté de la Commission. • Formation continue : le rappel à l’ordre est un service qui traite tous les rappels de A à Z. A déplacer vers une autre cellule de la Cluster revue qualité. Elaborer une politique en matière de poursuites et l’intégrer dans un logiciel.

Cluster Centre de connaissance Quelles sont les priorités ? • Outils : réaliser une évaluation des outils. • Fonctionnement des cellules : ­effectuer une évaluation de leur fonctionnement, améliorer la visibilité des projets réalisés par les cellules, recenser des sujets pratiques pour la rédaction d'articles, favoriser la collaboration entre les cellules et traiter certains sujets de manière transversale, améliorer le services aux membres.

Cellule Président/VicePrésident Quelles sont les priorités ? • Communication : organiser des événements plus proches des membres comme les roadshows (deux fois par an en néerlandais et deux fois par an en français). L’objectif n’est pas de venir comme par le passé avec des points préparés à l’avance mais plutôt d’être à l’écoute des membres. • Dashboard : Faire une customer journey et, en matière de gestion des

données, élaborer un dashboard (tableau de bord) destiner à faire du lobbying. • Qualité : introduire la norme ISRS 4410 comme option pour améliorer l’image de la profession avec pour but d’objectiver les chiffres dans les comptes annuels, à l’image de ce qui se fait en France et aux Pays-Bas.

Différents points Congrès de l’ITAA : En novembre de cette année, nous avons tenu notre deuxième congrès ITAA qui fut un grand succès comme l’année dernière. C’est un moment de rencontre très important pour les étudiants et pour nos membres qui peuvent partager leur expérience avec d’autres consœurs et confrères. FIDEF : L’ITAA a également été mis à l’honneur par l’élection de Benoît Vanderstichelen en tant que Président de la FIDEF (Fédération Internationale des Experts-Comptables et Commissaires aux comptes francophones). Cette élection honore notre pays pour la représentation francophone de la profession à travers le monde. Norme de domiciliation : Une norme domiciliation a été élaborée pour les membres qui abritent des sièges de société. Le Conseil Supérieur des Professions Economiques (CSPE) doit encore l’examiner et en discuter avec nous. Durabilité : En matière de durabilité, une lettre d’intention a été signée pour collaborer avec la KUL (Katholieke Universiteit Leuven). Une collaboration est également prévue en la matière avec le Gouvernement flamand via le VLAIO, het Vlaams Agentschap Innoveren en Ondernemen. Qualité : En ce qui concerne les règles de qualité, un accord a été dégagé avec l’IRE pour que chaque institut ait ses propres règles en la matière. Déménagement : Le Conseil a également décidé de relocaliser l’ITAA.

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L’achat d’un nouveau bâtiment s’étant révélé trop cher, le choix s’est porté, en concertation avec l’IRE, sur la location de nouveaux locaux à un coût moins élevé que celui du bâtiment actuel. Il s’agit de l’immeuble Phoenix, situé près de la Gare du Nord et récemment rénové. Le déménagement est prévu pour l’automne 2024. L’avenir de la profession : Prenons le temps de réfléchir en cette fin d’année. Certains s’inquiètent parfois de l’avenir. Nous aimerions que tout reste comme aujourd’hui. Pourtant, nous savons que tout ne restera pas comme aujourd’hui. Nos enfants grandissent, notre société évolue, nos méthodes de travail changent. Et c’est une bonne chose. Il ne faut pas avoir peur. Notre profession a un bel avenir devant elle. Lors de la dernière Assemblée générale de l’Ifac (l’organisation internationale des experts-comptables), ce message positif a également été très clairement transmis : en tant que profession, nous n’avons jamais eu autant d’avenir devant nous qu’aujourd’hui. Et nous devons tous ensemble transmettre ce message aux jeunes. Car nous avons besoin d’eux demain. Facture numérique : En ce qui concerne la facture numérique, le Conseil espère qu’elle arrivera bientôt. Il pourrait s’agir d’une véritable solution à la charge de travail que nous endurons tous année après année. La période de silence que nous connaissons est révolue. La facture numérique nous permettra de passer à une comptabilité en temps réel. Les nouveaux jeunes clients ne veulent plus attendre trois mois pour obtenir leurs résultats intermédiaires. Les gens veulent agir en temps réel et répondre aux opportunités en s’appuyant sur des chiffres précis. Seule la facture numérique permet d’y répondre. Et nous en profiterons aussi. La lourde charge de travail durant les périodes de pointe de la TVA s’estompera. L’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée de nos collaborateurs ne sera donc plus une vaine promesse. ESG – la durabilité sous tous ses aspects : Les grandes entreprises ressentiront effectivement les premières


5 obligations en 2024. Mais les PME devront également apporter des données sur les services et produits qu’elles fournissent à ces grandes entreprises. On peut donc s’attendre à ce que d’autres étapes suivent grâce à de nouvelles obligations imposées principalement par l’UE. A l’avenir, le reporting ESG sera, comme l’actuel bilan social, une annexe aux comptes annuels. Un rapport supplémentaire dans lequel notre profession deviendra un maillon important. Ici aussi, nous ne devons pas adopter une attitude attentiste. De jeunes entrepreneurs misent déjà dessus aujourd’hui. Ne regardez donc pas cela en vous disant « après moi le déluge », mais abordons cette problématique ensemble pour contribuer à l’avenir des jeunes. Les experts-comptables et les conseillers fiscaux ont des intérêts sociétaux différents à servir. Pensez à la LAB et à l’insolvabilité. Nous devons nous attaquer à cela dès aujourd’hui en élargissant nos connaissances de demain. Osez donc participer dès aujourd’hui à des séminaires sur le nouvel avenir de notre profession. Et osez peut-être ajouter votre propre rapport aux comptes annuels de votre cabinet. Soyez un exemple et n’attendez pas. La qualité dans nos cabinets : Les clients attendent à juste titre de leurs experts-comptables et de leurs conseillers fiscaux qu’ils fassent preuve de qualité dans l’exécution de leur mission. Et cette qualité, vous la fournissez tous les jours de la semaine. La société a également des attentes à l’égard de notre profession, de notre intérêt public, que nous réalisons tous chaque jour. Après tout, vous avez travaillé dur pour obtenir ce titre, et vos connaissances se traduisent par la qualité pour chaque client et pour notre société dans son ensemble. C’est pourquoi nous avons ancré dans la loi la revue qualité. Pour que nous puissions tous continuer à la maintenir. Car la qualité est même un verbe. Nous devons y travailler quotidiennement. Le CSPE a estimé pendant des années qu’il y avait un chaînon manquant : la norme sur la revue qualité. Le Conseil vient de l’approuver et de la soumettre au CSPE.

Nous disposons ainsi d’une base que nous pouvons comparer ensemble. Quelle est exactement la qualité minimale d’un cabinet ? Mais si nous offrons plus d’assurance aux tiers et à la société, sommes-nous autorisés et parfois obligés d’introduire plus de règles de qualité où nous pouvons nous inspirer de la nouvelle norme de revue qualité dans nos cabinets ? Cela deviendra un nouvel outil pour mieux nous organiser. Le Conseil espère que cet outil permettra à chacun de mieux relever les défis de demain. Comptes annuels : Concernant l’objectivation des données des comptes annuels, une étape supplémentaire, demandée par l’IFAC depuis des années et qui existe déjà dans les pays voisins, sera bientôt d’application chez nous. Si nous consacrons tant d’efforts à la préparation de comptes annuels corrects, si nous consacrons tant d’efforts à servir l’intérêt public (LAB et insolvabilité), si nous consacrons tant d’efforts à la qualité dans nos cabinets, pourquoi n’osons-nous pas apposer un label sur la qualité que nous fournissons. Ajoutez à cela le fait que nous devrons bientôt déposer des comptes annuels dans le cadre du mandat de l’ITAA (ou de la CSAM) et que notre nom sera donc connu de toute façon. Alors pourquoi ne pas en tirer avantage et (par choix de l’entrepreneur) utiliser la norme ISRS 4410 pour préparer les comptes annuels. Au contraire, cette norme d’objectivation que nous avons préparée, confirme la qualité que nos clients attendent de nous. Il suffit de vérifier si les soldes bancaires correspondent et de vérifier si les clients et les fournisseurs ont été suivis correctement, si les règles d’évaluation ont été appliquées correctement, si les comptes de régularisation sont corrects, etc. Beaucoup réagiront avec une sorte d’incrédulité face à ce que nous écrivons ici : « Nous faisons déjà cela ». C’est vrai. Car c’est précisément la qualité que nous recherchons. Il ne nous reste plus qu’à le faire savoir au monde extérieur. C’est pourquoi le Conseil stratégique a demandé que l’on examine comment nous pouvons y parvenir. Peut-être en adaptant le VKT1bis. La forme actuelle a-t-elle un sens et

ne peut-elle pas être mieux indiquée ici ? Cela montrera au monde extérieur que les professionnels servent cet intérêt public en publiant des comptes annuels qualitatifs et corrects. En effet, votre expert-comptable se porte garant de la qualité et de l’exactitude des chiffres déposés. C’est montrer au monde entrepreneurial qu’un expert-comptable et un conseiller fiscal sont une véritable valeur ajoutée. L’avenir est prometteur. Notre profession a un bel avenir devant elle. Profitons ensemble de cet élan. Nous avons beaucoup à offrir à la société. Un grand merci à vous tous pour cet engagement quotidien. Nous tenons également à remercier tous les mandataires des clusters, groupes de travail et cellules pour leur professionnalisme et leur abnégation dans l’organisation des nombreuses réunions, mais aussi pour la mise à disposition aux membres de webinaires pour la formation continue, et tous les collaborateurs de l’ITAA pour le travail accompli au cours de cette année.

Nou s vou s souhait on s une bonne année 2 024 t an t s ur le p lan p rof es sionnel que p rivé. C on t in uez à p rendre bien soin de vou s et de ceux qui vou s son t c her s.

Bart Van Coile Président

Vincent Delvaux Vice-Président

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La conciliation fiscale belge Pourquoi vouloir concilier ? Pour diverses raisons, et ce à l’échelle mondiale, les pratiques tendant à (ré)concilier les parties en conflit se sont développées dans notre mode de vie sociétal contemporain (‘concilier’, rendre possible, se traduit en anglais par ‘reconcile’). Toujours avec pour objectif de trouver une solution à un conflit en restant en dehors de la sphère judiciaire. Depuis la loi du 21 février 2005 modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne la médiation1 , la conciliation a obtenu une place dans notre Code judiciaire en tant qu’alternative à la procédure judiciaire classique. Dans le prolongement, par la loi du 25 avril 2007, le Service de Conciliation fiscale a été créé. Concilier est une méthode alternative pour aider à résoudre les différences d’opinions, les problèmes et conflits entre parties. Concilier a pour but d’éviter un long, coûteux et épuisant combat devant la justice.

Spécificités Le Service de Conciliation fiscale (ci-après SCF) a été créé par la loi du 25 avril 2007 portant des dispositions diverses (IV) 2 . Un arrêté royal du 9 mai 2007 portant exécution du Chapitre 5 du Titre VII de ladite loi 3 organise son fonctionnement. Il est opérationnel depuis le 1er mai 2010. Le SCF ambitionne en outre, d’initiative, de fournir une information et un service corrects aux citoyens et aux entreprises, en leur facilitant également l’accès aux procédures et aux lois fiscales. De ‘Ministère’, les Finances sont devenues un ‘Service public fédéral’, mais c’est loin d’être un Service au public. Et c’est dommageable à plus d’un titre. Un Service public qui soit un Service au public est le seul système permettant d’obtenir l’acquiescement à l’impôt. Tout autre système s’appelle la terreur (on espère que les contribuables respecteront la loi parce qu’ils ont peur, or la menace augmente leur manque de consentement. Un redoutable cercle vicieux dans lequel beaucoup souhaitent pourtant s’engager). Curieusement, être au service du public quand on est un service public, cela ne plaît pas à tout le monde. Aussi, est-il apparu rapidement aux personnes sensées qu’il fallait, d’une part, renforcer le rôle de la Conciliation fiscale et, d’autre part, élargir ses compétences aux pouvoirs contenus dans l’article 9 de l’arrêté organique du Régent du 18 mars 1831 de l’administration des finances (‘Arrêté du Régent du 18 mars 1831’) 4 .

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Par son action, le SCF vise ainsi à réduire le déséquilibre fondamental qui existe de facto entre le citoyen et l’appareil étatique. Les conflits avec l’autorité connaissent généralement deux déséquilibres de force : le déséquilibre de force en lui-même : un citoyen en découd contre un organe lourd de l’autorité, une autorité puissante de son point de vue, représentée par plusieurs fonctionnaires, chacun (normalement) bien documenté dans sa spécialité et soutenu a priori par sa hiérarchie. Une administration qui peut se mesurer plus facilement à la procédure et qui ne doit pas craindre comme le citoyen les coûts inhérents à celle-ci, si bien que sa meilleure alternative est généralement de ne pas aboutir à un accord concilié, contrairement au citoyen. Mais il y a un deuxième déséquilibre de force que l’on rencontre couramment et c’est la connaissance de la matière fiscale sous-jacente. Un ou plusieurs fonctionnaires qui, quotidiennement, toute l’année et à titre professionnel sont concernés par la matière fiscale en face d’un citoyen pour qui la fiscalité n’est rien d’autre qu’une déclaration à introduire le plus souvent une fois par an et vérifier la note de calcul qui en découle (en espérant qu’il la comprenne). Et précisément en raison de sa compétence fiscale, le conciliateur fiscal peut neutraliser fondamentalement le déséquilibre de connaissance(s). Par l’information du citoyen dans sa langue, par la mise en route d’un véritable processus de conciliation, mais tout aussi bien pendant des conversations

Loi du 21 février 2005 modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne la médiation, M.B. 22 mars 2005. Loi du 25 avril 2007 portant des dispositions diverses (IV), M.B. 8 mai 2007 (chapitre V). Arrêté royal du 9 mai 2007 portant exécution du Chapitre 5 du Titre VII de la loi du 25 avril 2007 portant des dispositions diverses (IV), M.B. 24 mai 2007. L’article 9 de l’arrêté du Régent du 18 mars 1831 donne au ministre des Finances une compétence générale pour octroyer des remises d’amendes fiscales et d’accroissements d’impôt.

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7 collectives ou individuelles, il peut rétablir l’équilibre, ce qui est un fondement manifeste d’un bon accord. Le conciliateur fiscal ambitionne en tout cas toujours en appliquant des normes raisonnables, d’aller à la rencontre des intérêts de chaque partie et d’atteindre un accord durable, qui généralement perdure plus longtemps que l’exercice d’imposition concerné ou l’opération concernée.

Le conciliateur n’est jamais qu’un agent du SPF Finances Le fait que le conciliateur fiscal soit un fonctionnaire du SPF Finances, qu’il soit très expérimenté dans la matière où il intervient et que la spécificité de la conciliation fiscale soit liée plus particulièrement au fait qu’elle soit demandée par une seule des parties (le contribuable, l’assujetti, le redevable, …) comporte un certain nombre de risques, mais qui peuvent être combattus. Arrêtons-nous sur ces risques, sur ces menaces et la manière avec laquelle on peut raisonnablement les rencontrer.

À l’inverse des autres cas de conciliation, la conciliation fiscale ‘à la belge’ est initiée à la demande d’une partie, à savoir la partie « contribuable », « redevable » ou « assujetti ». Elle seule demande l’intervention de la conciliation fiscale et sans que la partie « administration » ne sache, à ce moment, qu’elle est engagée dans cette conciliation. En matière de conciliation fiscale, seule la partie « contribuable » peut recourir à cette forme de conciliation et la partie « fisc » doit alors prendre obligatoirement part au processus de conciliation, car la loi prévoit cette forme de règlement des conflits et celle-ci doit être effectivement exercée par l’administration, sa hiérarchie. L’aspect volontaire est donc ici vide de sens pour le fisc. Est-ce donc bien une bonne base pour arriver à une solution concertée ? Dans la pratique, il ne semble pas y avoir d’obstacle fondamental et les cas où la conciliation a été « contrainte », au sens qu’un fonctionnaire instructeur l’aurait refusée ou sabotée, sont très rares. Le management du SPF Finances reconnait l’impartialité du SCF et son objectivité pour tous les citoyens.

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8 L’intervention du conciliateur fiscal ne doit pas mener seulement à la résolution du conflit mais également s’assurer que la relation entre le citoyen et le fisc ne soit pas brisée ou, si c’est le cas, la réparer. Car cela aura un impact important sur la compliance du contribuable. Un contribuable paie en effet plus facilement un impôt qu’il estime établi équitablement.

recevable, mais cette recevabilité n’aura plus d’effet suspensif.

Il adhèrera plus facilement au système qu’il est convaincu qu’il a été traité correctement par l’État, en l’occurrence le SPF Finances, dans le respect des dispositions légales et réglementaires, sans violence, sans haine, sans a priori, et sans jalousie.

Le SCF est un service fédéral. Il est donc compétent pour les matières fédérales, à savoir le Code de la taxe sur la valeur ajoutée, le Code des impôts sur les revenus 1992, le Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus, le Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe et le Code des droits de succession (voir toutefois ci-dessous), le Code des droits et taxes divers et la loi générale sur les douanes et accises du 18 juillet 1977.

Il adhérera complètement au système de vie en société qui lui est proposé si, en plus de cela, l’État le convainc que les services qui lui sont offerts correspondent aux desiderata du plus grand nombre (processus démocratique) et que sa participation financière au fonctionnement dudit système est bien utilisée. Le SCF n’a toutefois que très peu de prise sur ce deuxième et fondamental aspect des choses.

Suspension de la décision En résumé, dès que la demande de conciliation dans le cadre du recours administratif a été déclarée recevable, la période de suspension commence. La suspension empêche temporairement l’accomplissement de certaines actions, notamment : • la prise d’une décision sur une réclamation déposée auprès du conseiller général de l’administration chargée de l’établissement des impôts sur les revenus ou sur une demande de dégrèvement d’office ; • la prise d’une décision sur une réclamation introduite auprès du fonctionnaire compétent chargé de l’établissement des taxes assimilées aux impôts sur les revenus. Si une réclamation ou une demande de dégrèvement d’office a été introduite et qu’aucune conciliation n’est demandée, l’administration doit en principe prendre une décision dans les 6 mois (art. 1385undecies, al. 2, du Code judiciaire) ou dans les 9 mois lorsque l’imposition contestée a été établie d’office par l’administration (art. 1385undecies, al. 3, du Code judiciaire). À défaut, le contribuable peut aller en justice sans attendre la décision administrative. Dans ce cas, l’administration ne sera plus en mesure d’établir une cotisation subsidiaire si elle échoue devant le tribunal (art. 355 du C.I.R. 1992). L’article 116, § 1/1, alinéa 2, de la loi du 25 avril 2007, prolonge les délais d’attente visés à l’article 1385undecies, alinéas 2 et 3, du Code judiciaire, de 4 mois lorsque la demande de conciliation a été déclarée recevable, à calculer à partir de la date de recevabilité. Si une demande de conciliation est introduite après l’expiration de ces délais, la demande peut encore être déclarée Magazine mensuel de l’ITAA | N° 10 | Décembre 2023

Quelles matières peuvent faire l’objet d’une conciliation fiscale ?

Les matières régionales sortent du domaine de compétence du SCF étant donné que « le service de l’impôt » n’est plus assuré par le SPF Finances pour : • le précompte immobilier ; • la taxe de circulation, la taxe de mise en circulation et l’Eurovignette en Flandre et en Wallonie, qui a été remplacée par la taxe kilométrique depuis le 1er avril 2016 ; • la taxe sur les appareils automatiques de divertissement, la taxe sur les jeux et paris et la taxe d’ouverture sur les débits de boissons fermentées en Wallonie et en Flandre ; • les droits d’enregistrement et de succession en Flandre, à l’exception des droits suivants qui sont renseignés dans un souci de complétude – en matière de droits de succession : la taxe compensatoire des droits de succession, la taxe annuelle sur les organismes de placement collectif, les établissements de crédit et les entreprises d’assurances, la taxe annuelle sur les centres de coordination et les attestations de succession ; – en matière de droits d’enregistrement : l’apport dans une société, à l’exception de l’apport, par une personne physique, d’une habitation dans une société belge, l’établissement d’une hypothèque sur certains navires, la mise en gage d’un commerce, l’établissement d’un privilège agricole, la cession d’une hypothèque, la location, la sous-location, la cession d’une location, le droit de superficie, le droit d’emphytéose, la cession du droit de superficie/d’emphytéose, le bail de chasse et le bail de pêche, la vente publique de biens meubles corporels, le droit de condamnation sur les jugements et arrêts, les actes soumis au droit fixe général, les droits fixes spécifiques (mainlevées, lettres de noblesse, modification du nom et du prénom), le droit d’hypothèque perçu par le conservateur des hypothèques et le droit de greffe. La 6e Réforme de l’État a transféré aux Régions de nombreuses compétences relatives à l’impôt des personnes physiques. Mais, conformément à l’article 5/1, § 5, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions, « seul le gouvernement


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fédéral est compétent pour les dispositions relatives au précompte mobilier, au précompte professionnel et pour le service de l’impôt des personnes physiques ». Le SCF peut donc continuer à intervenir dans des litiges afférents à ces matières.

Le nombre de dossiers Année

2019

2020

2021

• Conciliation fiscale

4.162

3.957

3.802

• Cellule Contact Recouvrement

1.486

1.594

1.813

• Divers

1.637

1.224

1.084

Total

7.285

6.775

6.699

Modifications en projet Un projet de loi portant des dispositions fiscales diverses, adopté le 28 novembre 2023 à la Chambre mais non encore publié au moment de la mise sous presse de cet ITAA-zine, contient un Chapitre 8 intitulé « Modification de la loi du 29 mars 2018 visant à élargir les missions et à renforcer le rôle du service de conciliation fiscale » (Ch. Repr., DOC 55 3607/001).

De quoi s’agit-il ? Par la loi du 29 mars 2018 visant à élargir les missions et à renforcer le rôle du service de conciliation fiscale, une cellule distincte a été créée au sein du service de conciliation fiscale, chargée de statuer sur les demandes ayant pour Magazine mensuel de l’ITAA | N° 10 | Décembre 2023


10 objet la remise ou la modération des accroissements d’impôts et des amendes administratives en matière d’impôts sur les revenus, de taxes assimilées aux impôts sur les revenus et de droits et taxes divers. Le projet susmentionné étend la compétence de cette cellule distincte du service de conciliation fiscale aux demandes ayant pour objet la remise ou la modération des amendes administratives visées à l’article 84 du Code du recouvrement amiable et forcé des créances fiscales et non fiscales (ci-après le CRAF). Conformément à cette disposition, le conseiller général de l’Administration générale de la Perception et du Recouvrement (AGPR) ou son délégué peut en effet infliger pour toute infraction aux dispositions du CRAF, ainsi que des arrêtés pris pour son exécution, une amende de 50 EUR à 1.250 EUR. L’échelle de ces amendes administratives et les modalités d’application de celles-ci ont été déterminées dans l’arrêté royal du 20 décembre 2019 portant exécution du CRAF. Actuellement, une requête en remise ou en modération d’amendes administratives visées à l’article 84 du CRAF ne peut être introduite qu’auprès du ministre des Finances, sur la base de l’article 9 de l’Arrêté du Régent. La procédure de traitement de cette requête est toutefois longue et complexe. En laissant le service de conciliation fiscale traiter ce type de requête, la procédure existante peut être considérablement simplifiée. Conformément à l’article 116, § 1er, de la loi du 25 avril 2007 portant des dispositions diverses (IV), le Service de Conciliation fiscale examine en toute objectivité, impartialité et indépendance et dans le respect de la loi, les demandes de conciliation dont il est saisi. Le Service de Conciliation fiscale tend à concilier les points de vue des parties et leur adresse un rapport de conciliation. Ce Service fonctionne, contrairement aux autres services du SPF Finances, de façon autonome et distincte des administrations qui ont imposé les sanctions, qui ont déjà statué à leur égard en réclamation ou qui ont défendu leur maintien devant les tribunaux. Le Service de Conciliation fiscale est donc le mieux placé pour examiner la mesure de grâce sollicitée de manière parfaitement objective et appropriée. Le projet de loi vise donc particulièrement à adapter l’intitulé du chapitre 2 de la loi du 29 mars 2018 visant à élargir les missions et à renforcer le rôle du Service de Conciliation fiscale, au vu de l’extension des compétences de la cellule distincte du Service de Conciliation fiscale aux demandes ayant pour objet la remise ou la modération des amendes administratives visées à l’article 84 du CRAF.

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11 Par ailleurs, l’article 3 de la loi précitée du 29 mars 2018 est complété afin d’exclure expressément la compétence du ministre des Finances de remettre, sur la base de l’article 9 de l’Arrêté du Régent du 18 mars 1831, les amendes administratives visées à l’article 84 du CRAF. Enfin, l’article 5 de la loi précitée est adapté pour faire suite à la loi du 5 mai 2019 portant des dispositions diverses en matière pénale et en matière de cultes et modifiant la loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie et le Code pénal social et qui a mis en place des nouvelles dispositions « una via ». La réécriture de l’article permet de conserver dans le paragraphe premier l’article 5 de la loi précitée, tout en l’adaptant à la loi du 5 mai 2019, mais sans perdre de vue les anciens litiges. Les demandes ayant pour objet la remise ou la modération des amendes proportionnelles et non proportionnelles visées au Code des droits et taxes divers, sont toutefois déplacées dans le deuxième paragraphe, étant donné l’absence de délais de recours. Conformément au nouvel article 5, § 2, de la loi du 29 mars 2018, le Service de Conciliation fiscale est, sans préjudice de l’application des dispositions prévues par des lois particulières, rendu compétent pour statuer sur les demandes ayant pour objet la remise ou la modération des amendes administratives visées à l’article 84 du CRAF. Cette compétence vaut uniquement pour autant que ces amendes administratives ne fassent pas l’objet d’un quelconque recours administratif ou judiciaire, pour autant qu’elles n’aient pas été infligées suite à des infractions qui sont réglées par la voie administrative dans le cadre des concertations visées aux articles 29 et 29bis du Code d’instruction criminelle et pour autant qu’elles n’aient pas été infligées en application de l’article 29, alinéa 3, du Code d’instruction criminelle suite à des infractions qui sont réglées par la voie administrative dans le cadre de la concertation mise en place par la loi du 20 septembre 2012 instaurant le principe « una via » dans le cadre de la poursuite des infractions à la législation fiscale et majorant les amendes pénales fiscales.

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Aucune décision ne peut donc être prise sur des demandes en matière d’amendes administratives qui font l’objet de procédures spécifiques, telles que la surséance indéfinie au recouvrement et le règlement collectif de dettes. Par ailleurs, les amendes administratives dont la remise ou la modération est demandée ne peuvent être contestées et faire ainsi l’objet d’un quelconque recours administratif (même s’il est informel) ou judiciaire. Roland Rosoux Collaborateur scientifique LAW TAX

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Entreprise familiale, immobilier et VLABEL : une relation difficile Dans la Région flamande, il est possible de léguer ou de transmettre, sous certaines conditions, des actions d’entreprises familiales à un taux réduit ou en exonération totale des droits. Si la société détient des biens immobiliers, cela peut faire obstacle à l’application du régime avantageux. Le Vlaamse belastingdienst (VLABEL) applique ici une vision stricte, mais la jurisprudence lui a donné tort à plusieurs reprises ces dernières années.

1. Le régime avantageux dans les grandes lignes 1.1. Exonération ou taux réduit Le Code flamand de la fiscalité (CFF) prévoit d’une part que les sociétés et entreprises (unipersonnelles) familiales peuvent, sous certaines conditions, être transmises en exonération des droits de donation 1 , et ce quel que soit le lien de parenté avec le donateur. D’autre part, dans les droits de succession, toujours sous certaines conditions (identiques), un taux uniforme réduit de 3 % (en cas de transmission en ligne directe et entre époux ou cohabitants) ou de 7 % (en cas de transmission entre toutes les autres personnes) s’applique 2 . Ci-dessous, nous nous concentrons exclusivement sur les sociétés familiales, puisque la problématique immobilière ne se pose pas dans le chef des entreprises familiales.

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1.2. La condition de participation Le régime avantageux s’applique uniquement lorsque le donateur ou le de cujus dispose, avec sa famille 3 , d’au moins 50 % des droits de vote dans la société familiale. Cette limite est également réduite jusqu’à 30 % lorsque le donateur ou de cujus et sa famille : • détiennent en pleine propriété, avec un autre actionnaire et sa famille, des actions représentant au moins 70 % des droits de vote de la société ; ou • détiennent en pleine propriété, avec deux autres actionnaires et leur famille, des actions représentant au moins 90 % des droits de vote de la société. La détention indirecte d’actions par le biais d’une autre société n’est pas prise en compte dans l’évaluation de la limite de participation 4 .

1.3. La condition d’activité Une condition d’activité doit par ailleurs être remplie. Cette condition est double.

1.3.1.

Société familiale

Tout d’abord, la condition d’activité découle de la définition de la société familiale. Une société familiale est une société qui exerce et a pour objet une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale 5 . Le VLABEL estime que la gestion pure de biens mobiliers ou immobiliers et la détention de participations dans d’autres sociétés ne relèvent pas des activités précitées 6 . Les sociétés patrimoniales et les sociétés holding « pures » ne sont dès lors pas considérées comme des sociétés familiales par le VLABEL. Les actions de sociétés de gestion sont également exclues de l’exonération

Art. 2.8.6.0.3 CFF. Art. 2.7.4.2.2 CFF. Par « membres de la famille du donateur ou du défunt, il faut entendre (art. 2.7.4.2.2, § 2, 4° et art. 2.8.6.0.3, § 2, 4° CFF) : son partenaire (conjoint, cohabitant légal et cohabitant de fait depuis plus de trois ans), les parents en ligne directe et leur partenaire, les parents collatéraux jusqu’au deuxième degré (frères et sœurs) ainsi que leur partenaire, et les enfants des frères et sœurs. Art. 2.7.4.2.2 CFF. Art. 2.7.4.2.2, § 2, 2° et art. 2.8.6.0.3, § 2, 2° CFF. Circ. VLABEL 2015/2 du 15 décembre 2015, n° 2.2.2.

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13 et du taux uniforme puisqu’elles n’ont pas de finalité économique 7.

1.3.2. Activité économique réelle La société doit par ailleurs exercer une activité économique réelle. Cette disposition vise à exclure du régime avantageux les sociétés dites patrimoniales qui – « en s’organisant de la sorte » (lire : en exerçant une activité économique très restreinte) – répondent à la définition d’une société familiale 8 . Une société est présumée (de manière réfutable) ne pas exercer d’activité économique réelle lorsqu’il ressort des comptes annuels d’au moins un des trois exercices précédant la donation ou le décès que 9 : • le montant des rémunérations, des charges sociales et des pensions représente au maximum 1,50 % de l’actif total ; et • les terrains et immeubles représentent plus de 50 % de l’actif total. Ces conditions doivent être remplies de manière cumulative, ce qui implique que si l’une des conditions n’est pas respectée, l’exonération ou le taux uniforme peut s’appliquer. Si une société est présumée, sur la base des critères susmentionnés, ne pas exercer d’activité économique réelle, le contribuable peut fournir la preuve contraire. Selon l’administration, lors de l’apport de cette preuve contraire, il doit être démontré dans tous les cas que tous les biens immobiliers présents dans la société sont utiles à l’activité économique et ne concernent donc pas un patrimoine privé 10 .

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Si la société est propriétaire d’un bien immobilier loué à des tiers, la preuve contraire ne pourra pas être apportée, selon le VLABEL. Le paragraphe ci-dessous est consacré à cette problématique.

1.4. Évaluation pour les sociétés holding passives Si une société n’exerce pas d’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale (et n’est dès lors pas qualifiée de société familiale), mais détient des actions qui représentent au moins 30 % des droits de vote d’au moins une filiale directe exerçant l’une des activités susmentionnées, elle est tout de même considérée comme une société familiale 11 . Dans ce cas, le contrôle de l’activité économique réelle (frais de personnel / terrains et bâtiments par rapport à l’actif total) doit être effectué au niveau du groupe, sur la base des comptes consolidés des trois dernières années. Toutes les filiales (y compris les filiales non actives et les sous-filiales) doivent être incluses dans cette consolidation. Si la société holding réussit ce test, sa valeur totale entre en ligne de compte pour l’exonération ou le taux uniforme. L’exonération est en effet limitée à la valeur des actions des (sous-)filiales actives12 .

1.5. Maintien de l’exonération ou du taux uniforme Pour pouvoir maintenir l’exonération ou le taux uniforme, il faut remplir diverses conditions pendant une période de trois ans après la donation ou le décès. Un commentaire à ce

sujet sortirait du cadre de la présente contribution. Nous vous renvoyons pour cela à d’autres références bibliographiques13 .

2. La problématique immobilière La problématique relative à la présence d’un bien immobilier dans une société familiale peut globalement être subdivisée en trois situations types que nous commentons individuellement ci-après. Il s’agit (i) de la question de savoir si la détention et la gestion de biens immobiliers en elles-mêmes peuvent être qualifiées d’activité économique, (ii) de la situation dans laquelle une société loue un bien immobilier à une autre société du même groupe et (iii) du cas dans lequel une société exerce une activité économique, mais détient aussi un bien immobilier qui n’est pas utilisé pour cette activité.

2.1. L’immobilier en tant qu’activité économique Comme déjà évoqué, le VLABEL estime que la gestion pure de biens immobiliers ne relève pas de la notion d’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Par conséquent, les sociétés patrimoniales « pures » ne sont pas considérées comme des sociétés familiales. Le VLABEL se réfère pour cela entre autres à la jurisprudence de la Cour de cassation qui, par le passé, a estimé que la notion d’activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole faisait référence aux entreprises qui exercent une activité économique, sans exclusion des entreprises qui contrôlent d’autres entreprises, sauf lorsque leur seul but est la

Rapport au nom de la Commission de la Politique générale, des Finances et du Budget, Doc. Parl. Parl. fl. 2011-2012, n° 1326/8, p. 9. Circ. VLABEL 2015/2 du 15 décembre 2015, n° 2.2.3. Art. 2.7.4.2.2, § 2, 2° et art. 2.8.6.0.3, § 2, 2° CFF. Circ. VLABEL 2015/2 du 15 décembre 2015, n° 2.2.3. Art. 2.7.4.2.2, § 2, 2° et art. 2.8.6.0.3, § 2, 2° CFF. Art. 2.7.4.2.2, § 3 et art. 2.8.6.0.3, § 3 CFF. Voir entre autres D. BOSSUYT, « Tien jaar familiale ondernemingen en vennootschappen in het Vlaams Gewest », AFT 2022/1-2.

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simple acquisition et possession de participations14 . La doctrine a néanmoins défendu à plusieurs reprises le fait que les activités immobilières pouvaient bel et bien constituer une activité économique15 . Dans l’intervalle, le VLABEL a également confirmé dans plusieurs décisions anticipées qu’à la lumière du nouveau droit des sociétés et du

Code de droit économique (CDE), il est indéniable que les activités immobilières (y compris la location) peuvent dans certains cas constituer une activité économique 16 . Le droit des sociétés a en effet été réformé en profondeur depuis le 1er novembre 2018 et un nouveau concept général d’entreprise a été introduit dans le Code de droit économique. Depuis lors, sauf pour des exceptions spécifiques, toute personne morale est

en principe considérée comme une entreprise 17. Aucune distinction n’est opérée entre les sociétés qui louent uniquement des biens immobiliers et celles qui achètent des biens immobiliers pour les revendre par la suite. Dans un cas qui lui a été soumis18 , le VLABEL a considéré, en partie à la suite de cette modification législative, les activités immobilières exercées comme une activité économique.

14 Cass. 15 octobre 1998 15 Voir entre autres : F. HERTEN et W. COPPENS, « De overdracht van familiale ondernemingen en vennootschappen in het Vlaams Gewest – De langverwachte omzendbrief brengt geen totale duidelijkheid en laat nog ruimte voor discussie en subjectieve beoordeling door de Vlaamse belastingdienst. », AFT 2012/11, 24-42 ; S. VAN WAEYENBERGHE, « Het Vlaams successiedecreet 2012 – ommezwaai fiscaal beleid inzake de overdracht van familiebedrijf in Vlaanderen », Not.Fisc.M. 2012, 2, 53 et suivants ; G. VANDEN ABEELE, « Wanneer kwalificeert de exploitatie van vastgoed als economische activiteit voor de toepassing van het gunstregime in de schenk- en erfbelasting? » dans Patrimonium 2016, 323-346 ; T. DE GREEF, « De activiteitsvoorwaarde onder de Vlaamse gunstregimes voor de schenking en vererving van familiale ondernemingen en vennootschappen », TFR 2015, 473, 6-24. 16 Voir entre autres Décision anticipée n° 19008 du 29 avril 2019, marginal 12.8 ; décision anticipée n° 23004 du 17 avril 2023, marginal 10.4. 17 Art. I.1,1° CDE ; loi portant réforme du droit des entreprises du 15 avril 2018, M.B. 27 avril 2018. 18 Décision anticipée n° 19008 du 29 avril 2019.

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15 Il s’agissait plus précisément d’une société impliquée dans l’exploitation active et le développement de biens immobiliers professionnels/commerciaux, en cherchant à accroître la rentabilité et la valeur marchande. Elle faisait donc appel à des entrepreneurs externes ou à des entreprises associées. La société louait également des biens immobiliers en dehors du groupe auquel elle appartenait, temporairement ou non, dans l’attente d’une vente. En l’espèce, la qualification de société familiale a tout de même été refusée en raison de la présence d’un seul bien immobilier privé. Un autre cas (similaire) concernait une société qui (i) faisait du développement de projets (développement de bâtiments d’exploitation) et (ii) louait des biens immobiliers commerciaux à de grands locataires professionnels, fournissant ainsi des services complémentaires. La société avait par ailleurs à son service du personnel chargé des contacts avec les locataires, de la coordination des travaux d’entretien, des activités administratives, etc. Ici aussi, le VLABEL a estimé qu’il s’agissait d’une activité économique. 19

Entre-temps, la jurisprudence s’est elle aussi penchée sur la question. La Cour d’appel de Gand 20 s’est ainsi prononcée sur une société holding passive qui détenait plus de 30 % des actions d’une filiale qui exerçait des activités immobilières. Il s’agissait plus spécifiquement de l’exploitation de biens immobiliers résidentiels et commerciaux et de l’exercice d’activités de développement de projets. Les

achats et les ventes étaient réguliers, et différents projets ont été développés (entre autres la construction de dix-neuf chambres d’étudiant et une étude de faisabilité pour la construction de cent appartements), et pour la location des bâtiments, il a été fait appel à une agence immobilière ainsi qu’à un syndic 21 . Tous les immeubles étaient destinés à l’activité immobilière. Aucun bien immobilier n’était utilisé à des fins privées 22 . L’application du régime avantageux a été rejetée par le VLABEL au motif qu’il s’agissait selon lui d’une société patrimoniale puisqu’aucune activité économique réelle n’était exercée. Aucun personnel n’avait en effet été engagé et l’immobilier représentait plus de 50 % du total du bilan. Par conséquent, la présomption légale a joué. La preuve contraire a également été rejetée par le VLABEL. Selon la Cour, la preuve contraire (de la suspicion d’absence d’activité économique réelle) a pourtant bien été apportée. Les activités immobilières dépassent en effet ici de manière durable la gestion purement passive d’un bien immobilier et peuvent par conséquent être qualifiées d’activité économique réelle. Il n’existe en principe aucune raison d’exclure les activités immobilières. Selon la Cour, l’absence de personnel n’empêche pas davantage d’apporter la preuve contraire. La question de savoir si les activités immobilières constituent une activité économique réelle ou concernent une simple gestion passive reste de toute façon une question de fait. Plusieurs

critères importants dans le cadre de l’évaluation concrète peuvent cependant être déduits de l’arrêt de la Cour d’appel de Gand 23 : • l’ampleur des projets immobiliers ; • la régularité avec laquelle les projets sont examinés sur le plan de la faisabilité et réalisés ; • l’environnement concurrentiel ; • la durabilité des achats et des ventes ; • la structure et l’approche professionnelles ; • le mode de financement ; • l’appel à des conseillers et prestataires de service externes. Dans une décision anticipée 24 , le VLABEL a entre-temps confirmé cette vision. Le VLABEL a expressément évoqué dans le cas concerné que la location de biens immobiliers pouvait constituer une activité économique réelle dans des cas exceptionnels, entre autres s’il s’agit d’activités immobilières qui génèrent, de manière durable, une plus-value sociale pour la société et vont au-delà de la simple gestion passive de biens immobiliers. Dans une autre décision anticipée 25 , le VLABEL a lui-même invoqué, quoique de manière limitée, plusieurs critères importants pour évaluer s’il est question d’une exploitation professionnelle et de la gestion active de biens immobiliers. Dans le cas concerné, le VLABEL a notamment tenu compte du financement externe et du fait qu’il avait été fait appel à des prestataires de services et des conseillers externes (en l’espèce des entrepreneurs externes, un bureau d’architectes et une banque partenaire attitrée) 26 .

19 Décision anticipée n° 23004 du 17 avril 2023. 20 Gand, 21 juin 2022, n° 2021/AR/496. 21 S. VAN CROMBRUGGE, Tarif avantageux Société familiale : qu’est-ce qu’une « activité économique réelle » ?, Fiscologue, n° 1756, 9. 22 S. DEJAEGERE et T. DUMONT, « De intra-groepsverhuur van vastgoed in het kader van het Vlaamse fiscale gunstregime voor de overdracht van familiale vennootschappen: verhuur binnen een consortium kan ook », Nieuwsbrief Registratierechten, n° 3/2023, 27; C. DE BRUYN, « Loutere vastgoedactiviteit als reële economische activiteit: Vlabel wordt teruggefloten », Nieuwsbrief Successierechten, n° 3/2023; F. STYNEN, « Vastgoed en familiale vennootschap – stand van zaken na de recente rechtspraak », T.Not., février 2023, 118. 23 C. DE BRUYN, « Loutere vastgoedactiviteit als reële economische activiteit: Vlabel wordt teruggefloten », Nieuwsbrief Successierechten, n° 3/2023. 24 Décision anticipée n° 22045 du 19 décembre 2022. 25 Décision anticipée n° 23037 du 21 août 2023. 26 R. VAN BOVEN ET I. VAN HUYLENBROECK, « Toepassing gunstregime op professionele vastgoedvennootschappen (wordt vervolgd) », Acc. Act., n° 23/19-03.

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16 2.2. Location interne de biens immobiliers Les sociétés qui détiennent et louent des biens immobiliers ne sont donc en principe pas considérées comme des sociétés familiales. Selon le VLABEL, il en va autrement lorsqu’il s’agit exclusivement de bâtiments d’exploitation qui sont loués à une ou plusieurs filiales27. Dans la pratique, il s’avère cependant que le VLABEL interprète cette exception de manière un peu plus large et accepte la preuve contraire (de la suspicion d’absence d’activité économique réelle) lorsqu’il s’agit de la location de bâtiments d’exploitation entre des sociétés qui appartiennent au même groupe (par exemple une location entre deux sociétés sœurs) 28 . Le VLABEL évalue la notion de groupe sur la base de la notion de contrôle du droit des sociétés29 . Il ressort d’une décision anticipée30 qu’une société immobilière qui loue des bâtiments d’exploitation à une société d’exploitation avec laquelle elle forme un consortium 31 (sans qu’il soit question d’une structure de holding), est considérée comme une société familiale. Il faut toutefois noter que dans le cas en question, après la donation projetée, la structure de l’actionnariat et de gouvernance est la suivante32 : • société immobilière : – actionnaires : . père : 49 % en usufruit ; . fils : 51 % en pleine propriété + 49 % en nue-propriété ;

– administrateur : fils ; • société d’exploitation : – actionnaires : . père : 99 % en pleine propriété ; . fils : 1 % en pleine propriété ; – administrateur : . la société immobilière, avec le fils comme représentant permanent ; . père. Le VLABEL estime qu’au vu de la définition large du contrôle 33 , il sera également question d’un consortium (sociétés sous une direction unique) 34 après la donation et que les conditions de maintien de l’exonération seront donc remplies. Dans un autre cas 35 , une société holding passive qui détenait plus de 30 % des actions d’une société immobilière louant des bâtiments d’exploitation à une société d’exploitation dans laquelle la holding avait une participation de moins de 30 %, a également été considérée comme une société familiale. Il importe toutefois que la location interne des bâtiments d’exploitation ne soit qualifiée d’activité économique que pour autant qu’aucun autre bien immobilier ne soit présent. Selon le VLABEL, dès qu’un bien immobilier est présent et n’est pas loué à une société associée (location externe / inoccupation / usage privé par le dirigeant d’entreprise), la preuve contraire ne peut être apportée. Nous reviendrons sur cette vision stricte de manière plus approfondie ci-après.

2.3. Activité économique et immobilier La troisième situation à distinguer concerne le cas où une société exerce une activité économique « réelle » et détient par ailleurs des biens immobiliers qui ne sont pas utilisés dans le cadre de l’exercice de cette activité. On peut ainsi prendre l’exemple de l’affaire de la boucherie très controversée36 . Il s’agissait d’une société qui exploitait une boucherie à la ferme et détenait par ailleurs divers biens immobiliers. Certains biens immobiliers étaient utilisés pour l’exploitation de la boucherie à la ferme, tandis que d’autres bâtiments étaient loués à des tiers ou destinés à l’usage privé des actionnaires/administrateurs. Compte tenu de l’exploitation de la boucherie à la ferme, il s’agit d’une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale et donc d’une société familiale. La société n’employait cependant pas, ou seulement dans une mesure limitée, de personnel. Les charges salariales étaient donc inférieures à 1,5 % du total du bilan. De plus, la valeur comptable des bâtiments était supérieure à 90 % du total du bilan. Il a donc été présumé, sur la base des critères légaux, qu’aucune activité économique réelle n’était présente. Le contribuable 37 a tenté d’apporter la preuve contraire en invoquant l’exploitation de la boucherie à la ferme, mais cette preuve a été rejetée par le VLABEL. Selon le VLABEL, lors de l’apport de cette

27 Circ. VLABEL 2015/2 du 15 décembre 2015, n° 2.2.3. 28 C. DE BRUYN, « Loutere vastgoedactiviteit als reële economische activiteit: Vlabel wordt teruggefloten », Nieuwsbrief Successierechten, n° 3/2023. 29 Décision anticipée n° 17039 du 13 novembre 2017, n° 18005 du 3 mai 2018 et n° 18023 du 11 juin 2018. 30 Décision anticipée n° 22014 du 9 mai 2022. 31 Art. 01:19 CSA. 32 S. DEJAEGERE et T. DUMONT, « De intra-groepsverhuur van vastgoed in het kader van het Vlaamse fiscale gunstregime voor de overdracht van familiale vennootschappen: verhuur binnen een consortium kan ook », Nieuwsbrief Registratierechten, n° 3/2023, 27. 33 Art. 01:14 CSA. 34 Art. 01:19 CSA. 35 Décision anticipée n° 22006 du 27 avril 2022. 36 Commenté entre autres dans E. BEEKEN et O. DE KEUKELAERE, « Het gunstregime inzake de overdracht van familiale vennootschappen: over vastgoedactiviteiten en de ‘beenhouwerijzaak’ », Nieuwsbrief Successierechten, n° 6/2023, 10 ; F. STYNEN, « Vastgoed en familiale vennootschap – stand van zaken na de recente rechtspraak », T.Not., février 2023, 118. 37 Il s’agissait en l’espèce des héritiers de l’actionnaire décédé.

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preuve contraire, il doit en effet être démontré que tous les biens immobiliers présents dans la société sont utiles à l’activité économique et ne concernent donc pas un patrimoine privé 38 . Le VLABEL n’accepte aucune autre forme de location (location à des personnes privées ou à des professionnels en dehors de la structure du groupe) en tant que preuve contraire 39 . Compte tenu de la présence de biens immobiliers destinés à un usage personnel

et loués à des tiers, cette preuve contraire n’a pas pu être apportée. La jurisprudence n’a cependant pas suivi la position du VLABEL. Dans le cas concerné, le Tribunal de première instance de Gand a estimé que la possession de biens immobiliers privés n’empêchait pas l’apport de la preuve contraire40 . La Cour d’appel a également suivi cette position dans un arrêt interlocutoire41 . La Cour constate en effet que, malgré la présence de biens

immobiliers à usage privé, le contribuable démontre effectivement que la société a une activité économique réelle (l’exploitation de la boucherie), ce qui n’est pas réfuté par le VLABEL. La Cour confirme en outre que la notion d’activité économique réelle n’est pas définie légalement et doit donc être comprise au sens ordinaire du terme. La Cour souligne cependant que le régime avantageux pour les sociétés

38 Circ. VLABEL 2015/2 du 15 décembre 2015, n° 2.2.3. 39 Décision anticipée n° 15002 du 21 décembre 2015 et n° 19023 du 24 juin 2019. 40 Trib. de Gand, 4 février 2020. 41 Arrêt interlocutoire Gand, 1er juin 2021, AR 2020/AR/659.

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18 familiales est indissociable. En effet, il n’existe aucune possibilité, compte tenu de la présence de différents types de biens immobiliers, d’appliquer partiellement le régime avantageux. En revanche, dans le cas d’une entreprise familiale (unipersonnelle) détenant des biens immobiliers qui ne sont pas utilisés pour l’activité économique, le régime avantageux ne s’applique pas à la valeur de ces biens immobiliers. Il se limite en d’autres termes à la valeur des biens immobiliers (et des autres actifs) utilisés dans le cadre de l’activité économique. Autrement dit, si la boucherie à la ferme n’avait pas la forme juridique d’une société, mais était structurée en tant qu’entreprise unipersonnelle, cela signifierait que la valeur des bâtiments loués et même utilisés n’entrerait pas en ligne de compte pour le régime avantageux. À cet égard, la Cour d’appel se demande si cela est conforme au principe constitutionnel d’égalité et a soumis la question à la Cour constitutionnelle 42 . Selon la Cour constitutionnelle 43 , la différence de traitement est basée sur un critère objectif, à savoir le placement ou non d’un patrimoine immobilier dans une société. Le législateur décrétal poursuit ainsi l’objectif légitime de promouvoir la continuité des entreprises flamandes, de garantir un emploi durable d’une part et d’éviter que des particuliers ne placent des biens immobiliers privés dans des sociétés d’autre part. La Cour constitutionnelle souligne ensuite que les sociétés familiales exerçant une activité économique réelle créent une valeur ajoutée

pour la société, contrairement aux sociétés purement patrimoniales et aux personnes physiques sans entreprise familiale. La présence, dans la société, de biens immobiliers non utilisés dans le cadre de cette activité ne change rien. Par conséquent, il n’est pas déraisonnable que le régime avantageux s’applique à la valeur totale de la société. De plus, ce sont les actions de la société qui sont transmises et non les actifs individuels. Enfin, la Cour constitutionnelle rappelle la possibilité pour le VLABEL d’appliquer la disposition anti-abus si le fisc flamand peut démontrer que l’apport d’un bien immobilier dans une société constituait un abus fiscal. Dans le cas qui nous occupe, la Cour d’appel doit encore prononcer un arrêt définitif, même si la conclusion après la décision de la Cour constitutionnelle semble claire 44 : le régime avantageux peut bel et bien s’appliquer intégralement au transfert d’actions d’une société familiale exerçant une activité économique réelle, même en cas de dépassement des critères légaux (frais de personnel / terrains et bâtiments par rapport à l’actif total) et de présence de biens immobiliers privés ou loués. Lors de l’apport de la preuve contraire, le contribuable doit en effet démontrer uniquement l’existence d’une activité économique réelle. La nature et l’ampleur du patrimoine immobilier qu’il détient sont sans importance. Il reste à voir si le VLABEL ajustera également sa position après cette jurisprudence. Il attend probablement l’arrêt définitif de la Cour d’appel pour se positionner. Il s'avère entretemps de la pratique que le point de vue de Vlabel a changé.

3. Une modification du décret en vue ? L’affaire de la boucherie évoquée n’est pas non plus passée inaperçue dans les milieux politiques et a déjà donné lieu à plusieurs initiatives parlementaires. C’est ainsi que le 15 mars 2022, une proposition de décret 45 a été introduite sur la base de laquelle les sociétés qui détiennent des biens immobiliers utilisés comme ou destinés principalement au logement privé seront totalement exclues du régime avantageux. Les sociétés holding qui détiennent des participations dans une telle société n’entreront plus non plus en ligne de compte. Cette proposition a finalement été retirée. Le 29 mars 2023, une nouvelle proposition de décret 46 a été introduite. Elle prévoit que le régime avantageux ne s’appliquera désormais plus à la valeur correspondante des biens immobiliers utilisés ou destinés principalement au logement privé, ni aux actifs investis passivement (par exemple un portefeuille d’investissement). La donation ou l’héritage est soumis aux taux normaux à concurrence de cette valeur. Cette proposition a été rejetée le 20 juin 2023. On peut néanmoins s’attendre à ce que les conditions d’application soient effectivement modifiées à l’avenir (après les élections ?). Dieter Bossuyt Conseiller fiscal certifié

42 Arrêt interlocutoire Gand, 29 mars 2022, AR 2020/AR/659. 43 CC 23 mars 2023, n° 51/2023 et n° de rôle 7787 et 7788. 44 E. BEEKEN et O. DE KEUKELAERE, « Het gunstregime inzake de overdracht van familiale vennootschappen: over vastgoedactiviteiten en de ‘beenhouwerijzaak’ » , Nieuwsbrief Successierechten, n° 6/2023, 10. 45 Doc. parl. Parl. fl. 2021-22, n° 1188/1. 46 Doc. parl. Parl. fl. 2022-23, n° 1648/1.

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Assujettis mixtes, partiels ou occasionnels : quelle est la différence et comment est déterminé leur droit à déduction de la TVA ? La réglementation en matière de TVA utilise les concepts d’assujetti mixte et d’assujetti partiel. Mais en quoi consiste exactement la différence ? Comment ces personnes peuvent-elles exercer leur droit à déduction de la TVA ? Quelle est la différence concrète entre une déduction suivant le prorata général et une déduction suivant les règles de l’affectation réelle ? Ces règles valent-elles également pour les assujettis partiels ? Le Code de la TVA parle également d’assujettis occasionnels. Quand un assujetti est-il qualifié d’occasionnel et comment cette personne exerce-t-elle son droit à déduction ? Autant de questions concrètes auxquelles vous trouverez la réponse ci-dessous.

1. Assujetti mixte L’assujetti mixte est un assujetti qui réalise : • d’une part, des opérations situées dans le champ d’application de la TVA et lui ouvrant un droit à déduction ; et • d’autre part, des opérations situées hors du champ d’application de la TVA et ne lui ouvrant aucun droit à déduction. Sont notamment des assujettis mixtes : • les banques qui effectuent des opérations soumises à la TVA (garde de titres, locations de coffres-forts, etc.), mais également des opérations exemptées de la TVA (opérations de crédit, d’escompte et de bourse, transactions impliquant des valeurs et de l’argent, etc.) ; • les médecins qui, à la fois, fournissent des services de nature thérapeutique exemptés de la TVA et posent des actes non thérapeutiques soumis à la TVA.

1.1. Pas de droit à déduction complète de la TVA Un assujetti mixte ne peut déduire complètement la TVA prélevée sur ses dépenses professionnelles. Seule une déduction partielle est admise. À cet égard, la législation prévoit deux modes de déduction : • Selon la règle du prorata général1 : les taxes ayant grevé les biens et les services qu’il utilise pour son activité économique sont déductibles au prorata d’une fraction

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formée par le montant des opérations pour lesquelles la déduction est admise (numérateur de la fraction) et le montant total des opérations de son activité économique (dénominateur de la fraction). • Par dérogation à cette règle, l’assujetti peut, à partir du 1er janvier 2023 et moyennant une notification préalable à l’administration, exercer le droit à déduction suivant l’affectation réelle de tout ou partie des biens et des services2 .

1.2. Prorata général 1.2.1. Généralités Le prorata général est une fraction comportant : • au numérateur, le montant total déterminé par année civile, des opérations permettant la déduction de la TVA. Il s’agit des opérations suivantes : – opérations taxées ; – opérations exonérées de la taxe pour des raisons d’exportation, de livraisons intracommunautaires, de transport international de marchandises ; – opérations réalisées à l’étranger qui ouvriraient droit à déduction si elles étaient effectuées à l’intérieur du pays ; –… • au dénominateur, le montant total, déterminé par année civile, tant des opérations figurant au numérateur, que des opérations pour lesquelles il n’existe aucun droit à déduction de la TVA.

Art. 46, § 1er du Code de la TVA et art. 173, alinéa 2, point d) de la directive TVA 2006/112/CE. Art. 46, § 2 du Code la TVA et art. 173, alinéa 2, point c) de la directive TVA 2006/112/CE.

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20 Les opérations à prendre en compte sont celles pour lesquelles la TVA est devenue exigible au cours de l’année civile3 . Les montants exprimés en euros, tant au numérateur qu’au dénominateur, sont arrondis à la dizaine supérieure. Après cet arrondi, le prorata général est exprimé en pourcentage arrondi à l’unité supérieure.

1.2.2. Exclusion de certains facteurs pour le calcul du prorata général Il est fait abstraction pour le calcul du prorata général4 : • du produit de la cession de biens d’investissement (bâtiments industriels ou commerciaux, machines, etc.) qu’un assujetti a utilisés dans son entreprise ; • des produits et revenus d’opérations immobilières (vente d’un terrain, location d’un bien immobilier, etc.) ou financières (opérations de bourse ou de crédit, etc.), à moins que ces opérations ne relèvent d’une « activité économique spécifique à caractère immobilier ou financier » (agence immobilière, banque, établissement de crédit) ; • du montant d’opérations réalisées à l’étranger par un siège d’exploitation qui y est établi, lorsque ces dépenses ne sont pas supportées directement par le siège établi en Belgique.

1.2.3. Prorata provisoire et prorata définitif

1.2.4. Pratique Dans la pratique, toute la TVA prélevée sur les opérations entrantes est déduite selon ce prorata, quelle que soit la destination réelle des frais et sans tenir compte d’une quelconque affectation à des activités concrètes. Toute la TVA entrant en ligne de compte pour la déduction est soumise à ce prorata. En outre, la Cour de cassation 5 a considéré que le prorata général devait être calculé en tenant compte de la restriction prévue pour les véhicules, à savoir une déduction maximale de 50 % 6 , et de celle prévue pour les biens d’investissement à usage mixte7. Le cas échéant, il peut s’ensuivre une double restriction du droit à déduction dans le chef de l’assujetti. Exemple : Si un assujetti mixte achète une voiture pour un montant de 30.000 euros avec une TVA de 6.300 euros et que le prorata général est de 70 %, la TVA déductible s’élèvera donc à : 6.300 × 50 % × 70 % = 2.205 euros. Si cet assujetti ne peut récupérer que 35 % de la TVA sur les véhicules, la déduction s’élèvera à seulement 1.543,50 euros (6.300 × 35 % × 70 % = 1.543,50 euros).

Pour chaque année civile, l’assujetti mixte procède provisoirement à la déduction selon un prorata fixé d’après le montant des opérations réalisées au cours de l’année précédente.

1.3. L’affectation réelle

Lorsqu’une telle référence fait défaut, parce qu’il s’agit d’une entreprise nouvellement constituée, ou n’est pas significative (en raison de changements importants survenus dans l’activité), le prorata provisoire est estimé sur la base des prévisions d’exploitation.

Tout assujetti mixte peut opter pour le régime de l’affectation réelle, selon lequel la déduction est principalement réalisée en tenant compte de la destination des frais. Jusqu’à fin 2022, l’assujetti pouvait en informer l’Administration dès la première déclaration dans laquelle il appliquait ces règles. Depuis le 1er janvier 2023 8 , l’assujetti peut exercer le droit à déduction suivant l’affectation réelle sous réserve d’une notification préalable à l’administration.

Le prorata définitif est calculé d’après le montant réel des opérations réalisées au cours de l’année civile écoulée. Il doit être fixé au plus tard le 20 avril de l’année suivante. Le prorata définitif relatif à une année donnée fait généralement office de prorata provisoire pour l’année suivante. En principe, la déduction initiale, opérée d’après le prorata provisoire, doit donc être adaptée et revue en fonction du prorata définitif.

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1.3.1.

Généralités

La nouvelle procédure consiste en une simple notification préalable par voie électronique 9 . Cette notification produit ses effets pour une durée indéterminée à partir du 1er janvier de l’année civile concernée ou à partir du premier jour de la période de déclaration qui suit le commencement ou le changement de son activité.

CJCE 26 mai 2005, n° C-536/03, Antonio Jorge. Art. 13, alinéa 1er de l’AR n° 3 ; art. 174, alinéa 2 de la directive TVA 2006/112/CE. Cass. 2 octobre 2003, n° C.01.0422.N. Art. 45, § 2 du Code de la TVA. Art. 45, § 1er, 1°quinquies du Code de la TVA. Art. 46, § 2, alinéa 1er (nouveau) du Code de la TVA. Q. et Rép., La Chambre 2022-23, 26 mai 2023, n° 112, 44 (Q. n° 1434 de Wouter VERMEERSCH).

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Au plus tôt le 31 décembre de la troisième année qui suit la date d’effet de cette notification, l’assujetti peut à nouveau exercer son droit à déduction selon le prorata général, moyennant une nouvelle notification. L’assujetti qui procède à la notification visée ici communique en outre les informations suivantes lors du dépôt de la déclaration relative au premier trimestre ou à un des trois premiers mois de l’année civile en cours : 1° le prorata général définitif de l’année civile qui précède ; 2° la proportion, exprimée en pourcentage, conformément aux critères retenus par l’assujetti au moment de la notification, de la taxe portée en compte à l’assujetti sur les opérations qui : a) sont affectées exclusivement pour le ou les secteurs d’exploitation dont les opérations permettent la déduction complète (100 %) ; b) sont affectées exclusivement pour le ou les secteurs d’exploitation dont les opérations ne permettent pas la déduction (0 %) ; c) sont affectées à la fois pour les secteurs d’exploitation sous a) et b) ; 3° un ou plusieurs proratas spéciaux applicables aux opérations visées et, en cas d’application de plusieurs proratas spéciaux, le résultat global de l’application de

ces proratas spéciaux sur la taxe portée en compte à l’assujetti sur les opérations qui sont affectées à la fois pour les secteurs d’exploitation sous le 2°, a) et b). Ces données sont communiquées par le biais d’Intervat, et plus précisément d’une rubrique prévue à cet effet dans la déclaration périodique à la TVA. Une tolérance est également prévue pour l’année 2023. Cette tolérance a été communiquée sur le site web du SPF Finances (https://financies.belgium.be/fr/Actualites/deduction-tva-affectation-reelle-precisions) dans une actualité publiée le 19 janvier 2023. Par conséquent, les données complémentaires ne devront être communiquées pour la première fois dans la déclaration périodique à la TVA qu’à partir de l’un des trois premiers mois ou du premier trimestre de 2024 10 . L’assujetti qui omet de procéder à la notification dans les délais impartis ou de communiquer les données complémentaires perdra la possibilité d’opérer la déduction de la TVA suivant l’affectation réelle. Il ne pourra dès lors appliquer le régime qu’à partir du 1er janvier de l’année civile qui suit, à condition d’avoir

10 Q. et Rép. ; La Chambre 2022-23, 26 mai 2023, n° 112, 153 (Q. n° 1432 de Wouter VERMEERSCH).

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préalablement envoyé une notification dans les délais impartis11 .

1.3.2. Application obligatoire

Lorsque l’Administration décide d’imposer à l’assujetti d’opérer la déduction suivant l’affectation réelle, elle notifie sa décision à l’assujetti par envoi recommandé. Cette décision reprend les éléments de fait qui justifient cette décision et notamment la date à partir de laquelle elle prend cours.

L’assujetti peut être contraint d’opérer le droit à déduction suivant l’affectation réelle lorsque la déduction au prorata aboutit à créer des inégalités dans l’application de la taxe.

La décision prend cours le premier jour de la période de déclaration au cours de laquelle la notification de cette décision est intervenue.

L’Administration peut, par décision motivée, imposer à l’assujetti mixte d’opérer la déduction suivant l’affectation réelle lorsque : • l’activité économique comprend un secteur avec droit à déduction et un secteur sans droit à déduction qui sont clairement distingués l’un de l’autre, en particulier lorsqu’une comptabilité séparée est tenue pour chaque secteur ; • l’assujetti peut, au moment où il acquiert des biens ou des services, déterminer à quel secteur de son activité économique ces biens et services sont destinés exclusivement ; • le prorata général ne peut pas être appliqué parce qu’il est difficile ou impossible de déterminer le dénominateur de la fraction dont découle ce prorata.

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Art. 18bis, § 3 de l’AR n° 3 (nouveau).

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2. Assujetti partiel 2.1. Généralités L’assujetti partiel est un assujetti qui réalise : • d’une part, des opérations situées dans le champ d’application de la TVA, lesquelles lui confèrent la qualité d’assujetti : ces opérations lui ouvrent un droit à déduction pour autant qu’elles ne soient pas exemptées de la TVA ; • d’autre part, des opérations situées en dehors du champ d’application de la TVA, lesquelles ne lui confèrent pas la qualité d’assujetti : ces opérations ne lui ouvrent aucun droit à déduction.


23 Une personne physique qui exerce à titre complémentaire l’activité de conseiller indépendant dans le secteur de l’informatique et qui, parallèlement, est salariée au sein d’une société est un assujetti partiel. D’après la Cour de justice de l’Union européenne, la directive TVA ne contient aucune disposition ayant pour objet les méthodes ou les critères que les États membres sont tenus d’appliquer pour déterminer la TVA déductible par l’assujetti partiel12 . En effet, les règles relatives au prorata général et à l’affectation réelle s’appliquent uniquement à la TVA en amont qui grève les dépenses se rattachant exclusivement à des opérations économiques13 .

2.2. Règles applicables à l’égard des assujettis partiels La TVA grevant les biens livrés et les services fournis ne peut être déduite que dans la mesure où l’assujetti partiel utilise ces biens et ces services pour effectuer des opérations soumises à la TVA et donc, pour autant que ces frais puissent être imputés à l’activité économique de l’assujetti14 . Est exclue la TVA qui porte directement et exclusivement sur des opérations situées en dehors du champ d’application de la TVA (donc affectation directe). Si ce n’est pas possible, il convient de déterminer un prorata spécial qui tienne compte des spécificités de la situation de l’assujetti. Ce prorata spécial peut éventuellement être déterminé de la même manière que le prorata général. Néanmoins, les assujettis partiels à la TVA ne peuvent jamais opter pour les règles du prorata général15 .

3. Assujetti occasionnel Il existe deux catégories d’assujettis occasionnels : 1. la personne qui, en dehors de l’exercice d’une activité économique, effectue occasionnellement la cession d’un bâtiment, d’une fraction de bâtiment et du sol y attenant ou constitue, cède ou rétrocède des droits réels sur de tels biens n’acquiert la qualité d’assujetti qu’au moment où elle effectue l’opération relative à de tels biens et uniquement à l’égard desdits biens, pour autant qu’elle ait préalablement exercé l’option à cette fin (sur option) ; 2. la personne qui effectue à titre occasionnel la livraison à titre onéreux d’un moyen de transport neuf, dans les conditions prévues à l’article 39bis du Code de la TVA (livraison intracommunautaire), est également

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considérée comme un assujetti occasionnel (de plein droit) 16 . La première personne susmentionnée acquiert la qualité d’assujetti avec droit à déduction totale, conformément à l’arrêté royal n° 14. Dès lors, elle a le droit de déduire intégralement la TVA ayant grevé les opérations : • tendant ou concourant à l’érection du bâtiment ou de la fraction du bâtiment qui a été vendu ou sur lequel un droit réel a été constitué ; • qui se rapportent à l’acquisition de ce bâtiment ou de cette fraction du bâtiment ; • en rapport direct avec la cession du bâtiment ou de la fraction du bâtiment ou encore à la constitution du droit réel (frais de publicité, commissions, etc.). La seconde personne susmentionnée ne peut déduire que la taxe ayant grevé la livraison, l’importation ou l’acquisition intracommunautaire dudit moyen de transport, et ce, dans certaines limites. Première limite : nature des taxes déductibles • Sont déductibles, les taxes ayant grevé l’achat, l’acquisition intracommunautaire ou l’importation occasionnels de moyens de transport neufs par l’assujetti. • En revanche, ne sont pas déductibles, les taxes ayant grevé les biens ou les services relatifs à la cession d’un véhicule (par exemple, les frais de publicité, les frais de courtage ou de transport, les frais d’entretien ou de réparation pour la remise en l’état du véhicule). Deuxième limite : montant de la déduction • Le montant de la TVA déductible est calculé en appliquant, à la base d’imposition de la livraison exemptée de la TVA par l’article 39bis du Code de la TVA, le taux de TVA applicable en Belgique au moment de la vente, plafonné au montant de la TVA payée au moment de l’achat. Remarque importante : Pour les deux catégories d’assujettis occasionnels, le droit à déduction de la taxe ne prend naissance qu’au moment où la taxe est due sur l’intégralité de la base imposable. Pour la livraison d’un véhicule neuf dans les conditions de l’article 39bis du Code de la TVA (livraison intracommunautaire), le droit à déduction ne prend naissance qu’au moment de sa livraison. Luc Heylens Conseiller fiscal certifié

CJCE 13 mars 2008, n° C-437/06, Securenta, point 33. CJUE 6 septembre 2012, n° C-496/11, Portugal Telecom, point 47. Cass. 19 juin 2014, n° F.12.0082.N. Q. et Rép., La Chambre 2022-23, 26 mai 2023, n° 112, 44 (Q. n° 1434 de Wouter VERMEERSCH). Art. 8bis, § 1er du Code de la TVA.

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