ITAA-Zine | Numéro 7 - septembre 2023

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Le liquidateur : figure clé

lors de la liquidation de sociétés

Personne n’est éternel, rien ne dure toujours. Les sociétés aussi finissent par disparaître tôt ou tard. Cela peut arriver à la suite d’une faillite, mais cela peut tout aussi bien se produire via une dissolution suivie d’une liquidation. Généralement, les actionnaires décident eux-mêmes d’une dissolution qui est donc volontaire. La dissolution peut cependant aussi avoir lieu de plein droit ou à la suite d’une décision judiciaire. Hormis la possibilité d’une dissolution avec clôture immédiate de la liquidation, la dissolution est suivie d’une procédure de liquidation avec désignation d’un liquidateur.

-ZINE

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Numéro 7 | Septembre 2023 Édition mensuelle – Bureau de dépôt Gent X – P409030

Le liquidateur : figure clé lors de la liquidation de sociétés 3

Circulaire 2023/C/8 : limitation de la déduction des intérêts et régime de sous-capitalisation 10

Le droit à la vie privée dans un monde numérique : cookies, DPD et sécurité des données 16

Colophon

ITAA-zine Magazine mensuel de l’ITAA (ne paraît pas en janvier et en juillet) N° 7/2023

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TVA sur les travaux de transformation : le bâtiment reste-t-il ancien ou devient-il nouveau ? 19 iStockphoto.com/Esa Hiltula. iStockphoto.com/FangXiaNuo.
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Le liquidateur : figure clé lors de la liquidation de sociétés

Personne n’est éternel, rien ne dure toujours. Les sociétés aussi finissent par disparaître tôt ou tard. Cela peut arriver à la suite d’une faillite, mais cela peut tout aussi bien se produire via une dissolution suivie d’une liquidation. Généralement, les actionnaires décident eux-mêmes d’une dissolution qui est donc volontaire.1 La dissolution peut cependant aussi avoir lieu de plein droit 2 ou à la suite d’une décision judiciaire. 3 Hormis la possibilité d’une dissolution avec clôture immédiate de la liquidation, 4 la dissolution est suivie d’une procédure de liquidation avec désignation d’un liquidateur. 5 Dans la présente contribution, nous nous intéresserons tout d’abord aux pouvoirs (étendus) du liquidateur (titre I). Nous aborderons ensuite les opérations de liquidation (titre II). 6 Enfin, nous évoquerons brièvement la rémunération à laquelle le liquidateur peut prétendre (titre III).

I. Pouvoirs du liquidateur

A. Attribution de pouvoirs généraux : pouvoir résiduel

1. Une société dissoute continue d’exister temporairement, ne serait-ce que pour sa liquidation et jusqu’à la clôture de celle-ci.7 La figure clé de cette procédure est le liquidateur.

Sa mission est triple :

• la réalisation de l’actif de la société ;

• l’apurement du passif de la société ; 8 et,

• pour autant qu’il en résulte un solde bénéficiaire, la distribution du solde de liquidation de la société.

Lors de l’exécution de sa mission, le liquidateur devra toujours garder à l’esprit l’intérêt de la société en liquidation et en faire une priorité.

1 Art. 2:71 Code des sociétés et des associations (« CSA »).

2 Article 2:72 CSA. La dissolution de plein droit peut avoir lieu, par exemple, par l’expiration du terme pour lequel la société a été conclue ou par l’effet d’une condition résolutoire expresse dont les associés ou les actionnaires ont assorti la société dans les statuts.

3 Art. 2:73 à art. 2:75 CSA. La dissolution judiciaire peut être prononcée pour de justes motifs (art. 2:73 CSA). Les sociétés qui restent en défaut de satisfaire à l’obligation de déposer leurs comptes annuels encourent également le risque d’une dissolution judiciaire (art. 2:74 CSA). Pour la SA spécifiquement, la dissolution judiciaire peut être demandée lorsque l’actif net est réduit à un montant inférieur à 61.500,00 EUR (art. 7:229 CSA).

4 Art. 2:80 et 2:81 CSA. Une dissolution avec clôture immédiate de la liquidation peut avoir lieu soit en application de la procédure en un jour dans le cadre de laquelle les actionnaires décident en un seul acte de dissoudre la société et de clôturer sa liquidation, soit lorsque le tribunal prononce la dissolution et la clôture immédiate de la liquidation.

5 À défaut de nomination ou de désignation de liquidateurs, les associés-gérants dans les sociétés en nom collectif ou en commandite, les membres du conseil d’administration ou les membres du conseil de direction dans une société européenne ou une société coopérative européenne ainsi que les administrateurs dans les sociétés à responsabilité limitée, les sociétés coopératives et les sociétés anonymes seront, à l’égard des tiers, considérés comme liquidateurs de plein droit sans toutefois disposer des pouvoirs que la loi et les statuts accordent en ce qui concerne les opérations de liquidation au liquidateur nommé dans les statuts, par l’assemblée générale ou par le tribunal (art. 2:79 CSA).

6 Les pouvoirs du liquidateur comme les opérations de liquidation sont soumis aux dispositions impératives du CSA.

7 Article 2:76 CSA.

8 Ce n’est pas une condition. Une liquidation dite déficitaire ou une liquidation lors de laquelle tous les créanciers ne peuvent être remboursés intégralement sont également possibles (voir e.a. art. 2:84 et 2:97, § 2 CSA).

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2. Le liquidateur représente la société à l’égard des tiers, y compris en justice. 9

Le principe est que le liquidateur a le pouvoir d’accomplir tous les actes nécessaires ou utiles à la liquidation de la société,10 sous réserve de certains actes qui font ou sont susceptibles de faire l’objet d’une limitation de cette attribution de pouvoirs généraux (voir titre I.C). Le liquidateur a un pouvoir résiduel : il est compétent pour tout ce qui ne relève pas des compétences d’un autre organe de la société (pour l’essentiel : l’assemblée générale).

Le liquidateur dispose également d’un pouvoir spécial concernant les immeubles et la loi lui attribue une série de pouvoirs explicites (voir titre I.B).

3. En vertu de son pouvoir résiduel, le liquidateur peut e.a. percevoir toutes les créances impayées, vendre tous les biens meubles11 et régler toutes les affaires courantes de l’entreprise, y compris la résiliation de contrats en cours.

Sans préjudice des droits des créanciers privilégiés, le liquidateur paie toutes les dettes proportionnellement et sans distinction entre les dettes exigibles et les dettes non exigibles (sous déduction de l’escompte pour celles-ci). Il peut cependant, sous leur garantie personnelle, payer d’abord les créances exigibles, si l’actif dépasse notablement le passif ou si les créances à terme ont une garantie suffisante. Dans ce cas, les créanciers qui s’y opposent peuvent recourir aux tribunaux.12

Après réalisation de tout (ou partie de) l’actif13 et apurement (intégral) du passif, il revient au liquidateur, le cas échéant, de distribuer le solde de liquidation aux actionnaires.

B. Règle de pouvoir spécial pour la vente d’immeubles et pouvoirs explicites

§ 1 Règle de pouvoir spécial pour la vente d’immeubles

4. La règle de pouvoir spécial prévue dans la loi pour la vente d’immeubles constitue une limitation de l’attribution de pouvoirs généraux au liquidateur. En vertu de cette règle, le liquidateur n’est compétent pour aliéner les immeubles de la société que s’il juge la vente nécessaire au paiement des

9 Art. 2:87, § 2, alinéa premier CSA.

10 Art. 2:87, § 1 er, alinéa premier CSA.

11 La vente d’immeubles fait quand à elle l’objet d’une règle de pouvoir spécial (voir titre I.B).

12 Art. 2:97, § 1 er CSA.

13 Le liquidateur n’est pas obligé de réaliser tout l’actif si ce n’est pas nécessaire à l’apurement intégral du passif.

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dettes, et les immeubles doivent être aliénés par adjudication publique.14

5. Le liquidateur peut se soustraire à ces principes légaux rigides en se faisant mandater par l’assemblée générale ou, le cas échéant, par le juge.

§ 2 Pouvoir explicite : exigence de paiement des sommes à libérer

6. Le liquidateur peut exiger que les actionnaires (ou associés) libèrent leurs actions s’il juge leur libération nécessaire pour acquitter les dettes de la société et les coûts de la liquidation ou – à moins que les statuts, la décision de nomination ou la décision judiciaire n’en disposent autrement – pour assurer l’égalité de traitement des actionnaires ou associés (à savoir un même pourcentage de libération).15

§ 3 Pouvoir explicite : invitation de l’(ancien) organe d’administration, clôture et arrêt des livres et écritures, et vérification et rectification du dernier bilan déposé

7. Le liquidateur invite les membres de l’organe d’administration à assister à la clôture et l’arrêt des livres et écritures de la société.16 Le liquidateur procède, immédiatement après sa désignation, à la vérification et à la rectification du dernier bilan déposé. Il dresse un bilan 17 à l’aide des livres et documents et des renseignements qu’il pourra se procurer. Le liquidateur dépose ensuite ce bilan au dossier de la société.18

Le liquidateur peut faire appel à un titulaire de professions économiques en vue de l’établissement du bilan, pour autant que l’actif soit suffisant pour couvrir les frais de cette assistance.19

Le liquidateur peut en outre requérir le tribunal de condamner solidairement les (anciens) membres de l’organe d’administration au paiement des frais de rectification et d’établissement du bilan. 20

8. Le liquidateur peut également entendre les membres de l’organe d’administration, leurs travailleurs ainsi que toute autre personne tant à propos de la vérification des livres et écritures comptables, qu’à propos des causes et circonstances qui ont entraîné la dissolution. 21

9. Les membres de l’organe d’administration doivent donner suite à toutes les convocations qui leur sont faites par le liquidateur et lui fournir tous les renseignements requis. Les membres de l’organe d’administration sont en outre tenus d’aviser le liquidateur de tout changement d’adresse, de façon à ce que le liquidateur puisse toujours les contacter. 22

C. Limitations facultatives et légales du pouvoir résiduel

§ 1 Limitations facultatives des pouvoirs

10. Les statuts de la société, la décision de l’assemblée générale ou la décision judiciaire sur la base de laquelle le liquidateur est nommé peuvent limiter les pouvoirs du liquidateur. 23 Ce principe constitue une première dérogation possible à l’attribution de pouvoirs généraux au liquidateur.

11. Les limitations facultatives des pouvoirs sont opposables aux tiers pour autant que l’acte contenant la limitation soit déposé et publié conformément aux dispositions légales applicables.

Dans une société à responsabilité limitée, une société coopérative et une société anonyme, ces limitations de pouvoirs ne sont cependant pas opposables aux tiers, même si elles ont été publiées. 24

14 Art. 2:87, § 3 CSA.

15 Art. 2:89, alinéas premier et deux CSA.

16 Art. 2:91, alinéa premier CSA.

17 Ce bilan est, comme toujours, établi conformément aux règles et principes du droit comptable.

18 Art. 2:91, alinéa deux CSA.

19 Art. 2:91, alinéa trois CSA. La loi mentionne comme titulaires de professions économiques l’expert-comptable externe, le comptable agréé et le comptable-fiscaliste agréé.

20 Art. 2:91, alinéa quatre CSA.

21 Article 2:92 CSA.

22 Article 2:90 CSA.

23 Art. 2:87, § 1 er, alinéa deux CSA.

24 Art. 2:87, § 1 er, alinéa trois CSA.

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Lors de l’exécution de sa mission, le liquidateur devra toujours garder à l’esprit l’intérêt de la société en liquidation et en faire une priorité.

§ 2 Limitations légales des pouvoirs

12. Le liquidateur ne peut accomplir certains actes visés dans la loi qu’avec l’autorisation de l’assemblée générale ou du tribunal, même si les statuts de la société en disposaient autrement. 25 Cette règle légale constitue une deuxième dérogation (cette fois impérative) à l’attribution de pouvoirs généraux au liquidateur. 26

13. Les actes en question comprennent :

(i) la poursuite de l’activité jusqu’à la réalisation des actifs ;

(ii) la contraction de crédits afin de payer les dettes de la société ;

(iii) l’hypothèque ou la mise en gage des biens de la société ;

(iv) la vente par adjudication publique des immeubles de la société si le liquidateur ne les juge pas nécessaires au paiement des dettes de la société ;

(v) la vente de gré à gré des immeubles de la société qu’il estime ou non pareille vente nécessaire au paiement des dettes de la société ; et

(vi) l’apport d’un élément du patrimoine à d’autres sociétés. 27

14. Dans le cas d’une dissolution volontaire, l’assemblée générale autorise l’accomplissement de l’un des actes visés ci-dessus. Cette autorisation est accordée soit dans la décision de nomination du liquidateur, soit par décision séparée ultérieure. 28 L’assemblée générale décide de cette autorisation à la majorité simple et sans condition de quorum déterminé. 29

L’apport de l’ensemble du patrimoine à d’autres sociétés requiert une autorisation accordée dans le respect des conditions de quorum et de majorité requises pour la modification des statuts. 30

En cas de dissolution judiciaire, l’autorisation d’accomplir l’un des actes visés ci-dessus est accordée par le tribunal. 31

25 Art. 2:88, § 1 er, alinéa premier CSA.

26 Bien que cette règle légale constitue en même temps une extension de la règle de pouvoir spécial pour la vente d’immeubles.

27 Art. 2:88, § 1 er CSA.

28 Art. 2:88, § 3 CSA.

29 Art. 2:88, § 1 er, alinéa premier CSA.

30 Art. 2:88, § 2 CSA.

31 Art. 2:88, § 4 CSA.

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II. Opérations de liquidation

A. Convocation des assemblées générales et établissement et soumission des comptes annuels

15. Si les comptes annuels concernant le dernier exercice et l’exercice qui s’achève par la dissolution 32 n’ont pas encore été soumis à l’approbation de l’assemblée générale des actionnaires (ou des associés réunis en assemblée), le liquidateur doit convoquer l’assemblée générale dans les six mois après la date de clôture respective de l’exercice. 33

16. Le liquidateur doit en outre convoquer l’assemblée générale dans les trois semaines sur la demande d’actionnaires (ou d’associés) représentant le dixième du capital ou, s’il s’agit d’une société à responsabilité limitée ou d’une société coopérative, le dixième des actions émises.

Dans le même délai, le liquidateur doit convoquer l’assemblée générale des obligataires sur la demande d’obligataires représentant le cinquième du montant des obligations en circulation. 34

17. Pour chaque exercice comptable, le liquidateur doit établir les comptes annuels et les soumettre à l’assemblée générale avec l’indication des causes qui ont empêché la liquidation d’être terminée. 35

S’il s’agit (entre autres) d’une société à responsabilité limitée, d’une société coopérative ou d’une société anonyme, il doit ensuite déposer les comptes annuels à la Banque nationale de Belgique, accompagnés des autres documents prévus par la loi, dans les trente jours de la date de l’assemblée et au plus tard sept mois après la date de clôture de l’exercice. 36

18. Dans le cas d’une dissolution judiciaire, le liquidateur doit soumettre les comptes annuels au tribunal et, pour les sociétés qui ont adopté l’une des formes visées ci-dessus, les déposer à la Banque nationale de Belgique dans le même délai et selon les mêmes modalités. 37

B. Établissement et dépôt de divers rapports et (du plan de) répartition de l’actif

§ 1 Rapports périodiques durant la procédure de liquidation

19. Durant la procédure de liquidation, le liquidateur doit faire rapport périodiquement. Au cours des septième et treizième mois de la mise en liquidation, le liquidateur doit notamment transmettre au greffe du tribunal de l’entreprise où le siège de la société est établi un état détaillé de la situation de la liquidation, établi à la fin des sixième et douzième mois de la première année de la liquidation. 38

Ensuite, soit à partir de la deuxième année de la liquidation, le liquidateur doit transmettre un état détaillé de la situation de la liquidation au greffe compétent tous les ans. 39

20. L’état détaillé comporte notamment l’indication des recettes, des dépenses et des répartitions de la procédure de liquidation, ainsi que de ce qu’il reste à liquider. Cet état détaillé est versé au dossier de la société. 40

§ 2 Rapport chiffré à la fin de la procédure de liquidation

21. Après la liquidation et au moins un mois avant l’assemblée générale, le liquidateur doit déposer au siège de la société un rapport chiffré sur la liquidation. 41

Ce rapport comporte les comptes de liquidation et pièces à l’appui. En outre, le rapport contient, le cas échéant, les informations relatives à la restitution des apports et à la distribution d’un éventuel solde de liquidation aux actionnaires (ou aux associés) de la société. 42

Dans ce rapport, le liquidateur rend compte de l’exécution de sa mission. Le rapport doit contenir un aperçu des actes et opérations que le liquidateur a accomplis dans le cadre de sa mission.

Il ne peut être renoncé au délai précité d’un mois qu’avec l’accord de tous les actionnaires (ou associés) et détenteurs de titres conférant le droit de vote, donné soit individuellement avant l’assemblée générale à laquelle la clôture sera

32 Art. 2:70, alinéa deux CSA. La dissolution de la société entraîne la clôture de l’exercice.

33 Article 2:94 CSA.

34 Article 2:95 CSA.

35 Art. 2:99, alinéa premier CSA.

36 Art. 2:99, alinéa deux CSA.

37 Art. 2:99, alinéa deux CSA.

38 Art. 2:96, alinéa premier CSA.

39 Art. 2:96, alinéa trois CSA.

40 Art. 2:96, alinéa deux CSA.

41 Art. 2:100, alinéa premier CSA.

42 Art. 2:100, alinéa premier CSA.

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décidée, soit ensemble à l’occasion de cette assemblée, préalablement à l’examen de tout autre point à l’ordre du jour. 43

22. Le commissaire de la société contrôle le rapport et les pièces à l’appui. Lorsqu’il n’y a pas de commissaire, les actionnaires (ou les associés) disposent d’un droit individuel d’investigation, pour lequel ils peuvent se faire assister d’un titulaire de professions économiques. 44

L’assemblée générale se prononcera ensuite sur l’approbation des comptes.

L’assemblée générale statue ensuite par un vote spécial sur la décharge du liquidateur et, le cas échéant, du commissaire, ainsi que sur la clôture de la liquidation.

43 Art. 2:100, alinéa premier CSA.

23. En cas de dissolution judiciaire, le liquidateur fait rapport au tribunal, à l’issue de la liquidation. Il soumet au tribunal un rapport sur la liquidation, tel que visé ci-dessus, et indique, le cas échéant, la destination qui est donnée aux actifs restants. Le tribunal prononce la clôture de la liquidation. 45

§ 3 Plan de répartition de l’actif en cas de liquidation déficitaire

24. S’il résulte du rapport chiffré (voir n° 21) que tous les créanciers ne pourront être remboursés intégralement (et que la liquidation est donc déficitaire), le liquidateur soumet un plan de répartition de l’actif entre les différentes catégories de créanciers pour accord au tribunal. 46 Le

44 Art. 2:100, alinéa premier CSA. La loi mentionne le réviseur d’entreprises et l’expert-comptable externe comme titulaires de professions économiques.

45 Article 2:101 CSA.

46 Art. 2:97, § 2, alinéa premier CSA.

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tribunal peut requérir du liquidateur tous renseignements utiles pour vérifier la validité du plan de répartition. 47

Cette obligation de soumettre le plan de répartition pour approbation au tribunal ne s’applique cependant pas lorsque les créanciers qui n’ont pas été intégralement remboursés sont des actionnaires ou des associés de la société, qu’ils approuvent tous le plan de répartition par écrit et renoncent à soumettre celui-ci. 48

§ 4 Répartition de l’actif entre les actionnaires

25. Après le paiement ou la consignation des sommes nécessaires au paiement des dettes d’une société, le liquidateur distribue aux actionnaires (ou aux associés) les sommes ou valeurs qui peuvent former des répartitions égales. 49

26. Il peut, moyennant l’autorisation de l’assemblée générale, racheter les actions de la société, soit en bourse, soit au terme d’une offre ou une demande de prix adressée aux actionnaires (ou aux associés) qui doivent tous être admis à participer à l’opération. 50

27. Si le liquidateur n’a pas réalisé tous les actifs, il remet aux actionnaires ou aux associés de la société les biens qu’il a dû conserver pour un partage ultérieur (de sorte qu’ils sont attribués en indivision aux actionnaires). 51

III. Rémunération du liquidateur

28. Le liquidateur peut prétendre à une rémunération pour l’exécution de sa mission. Il n’y a aucune disposition légale concernant (la budgétisation de) la rémunération du liquidateur et il y a en principe une présomption de gratuité du mandat (du liquidateur). 52

29. La Cour d’appel d’Anvers a néanmoins affirmé récemment, dans le cadre d’une liquidation judiciaire, qu’il peut être admis qu’une telle présomption de gratuité ne s’applique pas (a fortiori lorsqu’un liquidateur professionnel externe est désigné par le tribunal) à l’exercice

47 Art. 2:97, § 2, alinéa trois CSA.

48 Art. 2:97, § 2, alinéa deux CSA.

49 Art. 2:97, § 3, alinéa premier CSA.

50 Art. 2:97, § 3, alinéa deux CSA.

51 Art. 2:97, § 3, alinéa premier CSA.

du mandat confié au liquidateur par le tribunal. Pour autant que le jugement de désignation du liquidateur ne contienne aucune disposition explicite concernant (la budgétisation de) la rémunération du liquidateur, il existe donc un accord implicite que le liquidateur doit être rémunéré. 53

30. En l’absence d’une réglementation légale, plusieurs formules peuvent être appliquées pour calculer (budgetiser) la rémunération. Une rémunération basée sur un tarif horaire est une possibilité, mais il est également possible d’appliquer l’arrêté royal relatif aux honoraires et frais des praticiens de l’insolvabilité 54

Dans l’arrêt précité, la Cour d’appel d’Anvers a confirmé qu’une application de l’AR était possible par analogie, entre autres par référence à l’ensemble de tâches comparable du curateur et du liquidateur judiciaire. 55

31. Dans le cadre d’une liquidation volontaire également, le mandat du liquidateur peut être rémunéré, nonobstant la présomption de gratuité. Il est conseillé de convenir d’accords préalables à ce sujet afin d’éviter les discussions. 56

32. La rémunération du liquidateur est répercutée sur le total de l’actif de la société et est exigible à la clôture de la liquidation.

Le liquidateur peut, sous certaines conditions et à condition que cela ait été approuvé, percevoir des avances. Les frais éventuels liés aux mandat du liquidateur peuvent également être mis à charge de l’actif de la société en liquidation. 57

52 Art. 1986 Ancien Code Civil : « Le mandat est gratuit, s’il n’y a convention contraire. ».

53 Anvers 1 er décembre 2022, n° 2022/AR/158, SPF Finances 23-01-2023, www.fisconetplus.be.

54 AR 26 avril 2018 établissant les règles et barèmes relatifs à la fixation des honoraires et des frais des praticiens de l’insolvabilité, M.B. 27 avril 2018.

55 Anvers 1 er décembre 2022, n° 2022/AR/158, SPF Finances 23-01-2023, www.fisconetplus.be.

56 H. B raeckmans , Vereffening van vennootschappen buiten faillissement, Anvers, Intersentia, 2008, 92.

57 H. B raeckmans , Vereffening van vennootschappen buiten faillissement, Anvers, Intersentia, 2008, 92.

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Sam Ledent Avocat
Magazine mensuel de l’ITAA | N° 7 | Septembre 2023
Mathieu De Donder Avocat

Circulaire 2023/C/8 : limitation de la déduction des intérêts et régime de sous-capitalisation

La circulaire 2023/C/8 du 12 janvier 2023 relative à la limitation de la déduction des intérêts reprend le régime de sous-capitalisation et l’actualise. Quelles sont les nouveautés ?

Suite à l’action 4 1 du rapport BEPS 2 de l’OCDE et à l’article 4 de la Directive européenne 2016/1164 du 12 juillet 2016 (« Directive ATAD 1 ») 3 , la règle de sous-capitalisation régissant la déductibilité des intérêts a été profondément modifiée à partir de l’exercice d’imposition 2020 (période imposable débutant au plus tôt le 1 er janvier 2019).

Cette règle, qu’on retrouve à l’article 198/1 du Code des impôts sur les revenus 1992 (« CIR 92 »), prescrit que les charges nettes d’intérêts d’emprunt ne sont pas considérées comme des frais professionnels déductibles dans la mesure où leur montant total excède le plus élevé des deux montants suivants :

• 30 % de l’EBITDA fiscal dudit contribuable, ou

• 3 millions d’euros.

Ce régime a été initialement introduit par la loi du 25 décembre 2017 portant réforme de l’impôt des sociétés et l’arrêté-royal d’exécution du 20 décembre 2019.

La circulaire 2021/C/87 du 5 octobre 2021 relative à la limitation de la déduction des intérêts commentait ce nouveau régime. Une nouvelle circulaire (2023/C/8) du 12 janvier 2023 reprend le contenu de cette

première circulaire, la mettant principalement à jour afin de tenir compte des modifications apportées par la loi du 20 décembre 2020 4 (entrée en vigueur le 31 décembre 2020 et applicable aux périodes imposables clôturées à partir de cette date) et l’arrêté royal du 7 juin 2021 5 (dont les dispositions sont entrées en vigueur au plus tard lors de l’exercice d’imposition 2022).

Nous rappelons ci-dessous les contours de la règle de sous-capitalisation de l’article 198/1 du CIR 92 en relevant les nouveautés reprises dans cette circulaire 2023/C/8.

1. Principe

Les « surcoûts d’emprunt » ne sont pas considérés comme des frais professionnels déductibles dans la mesure où ils excèdent le « montant limite » du contribuable.

1.1. Surcoûts d’emprunt

Par surcoûts d’emprunt, il faut entendre la charge d’intérêts nette du contribuable. Il s’agit de la différence positive entre :

• les intérêts (en charge) et autres coûts économiquement similaires

1 Action 4 . Limitation on Interest Deductions ; OECD.

2 BEPS signifie Base Erosion and Profit Shifting.

à des intérêts, déductibles fiscalement en vertu des autres dispositions du CIR 92 (précédemment « conformément aux articles 49, 52, 2°, 54 et 55 »), et qui ne sont pas alloués à un établissement stable dont les bénéfices sont exonérés par convention, et

• les intérêts (en produit) et autres produits économiquement similaires à des intérêts, compris dans les bénéfices de la période imposable, et qui ne sont pas exonérés par convention.

L’article 73 4/8 de l’arrêté royal pris en exécution du CIR 92 (AR/CIR 92) décrit ce qu’il faut entendre par coûts et produits économiquement similaires à des intérêts. Une interprétation large y est donnée.

1.2. Montant limite

Le montant limite du contribuable est le plus élevé des deux montants suivants :

• 3 millions d’euros (montant limite minimum) ;

• 30 % de l’EBITDA fiscal du contribuable.

Le point de départ pour déterminer l’EBITDA fiscal du contribuable est le résultat de la période imposable

3 Directive (UE) 2016/1164 du Conseil du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur (J.O., L. 193, 19 juillet 2016).

4 Loi du 20 décembre 2020 portant des dispositions fiscales diverses et de lutte contre la fraude urgentes (M.B. 30 décembre 2020).

5 Arrêté royal du 7 juin 2021 portant exécution de la loi portant des dispositions fiscales diverses et de lutte contre la fraude urgentes (M.B. 17 juin 2021).

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Magazine mensuel de l’ITAA | N° 7 | Septembre 2023

après la première opération (code 1410 du formulaire de déclaration, c’est-à-dire la somme du mouvement des réserves imposables, dépenses non-admises (« DNA ») et dividendes distribués). Afin d’obtenir l’ « EBITDA », ce résultat (qui inclut déjà la charge d’impôt via les DNA) est augmenté :

• des amortissements et réductions de valeurs considérés comme déductibles (les non-déductibles se retrouvent déjà dans le résultat imposable – code 1410) ;

• des surcoûts d’emprunt déductibles ; et

• des surcoûts d’emprunt reportés déduits durant l’exercice en cause (via une majoration de la situation du début des réserves – code 1064).

Le résultat obtenu est alors diminué d’une série d’éléments afin d’obtenir l’EBITDA « fiscal » du contribuable ; l’exercice consiste à sortir de l’EBITDA les bénéfices exonérés qui y sont inclus, soit :

• le montant du transfert intragroupe déduit durant l’exercice ;

• les dividendes pouvant être déduits à titre de RDT durant l’exercice ou lors d’un exercice suivant ;

• les revenus d’innovation pouvant être déduits durant l’exercice ou lors d’un exercice suivant ;

• les revenus de brevet déduits durant l’exercice ;

• la partie du bénéfice de la période exonérée en vertu d’une convention préventive de double imposition ;

• les bénéfices réalisés en exécution d’un projet d’infrastructure publique à long terme, lorsque l’opérateur du projet, les coûts d’emprunt, les actifs et les revenus se situent tous dans l’Union Européenne. Ce dernier ajustement de l’EBITDA a été introduit par la loi du 20 décembre 2020, en remplacement des bénéfices réalisés en exécution d’un projet de partenariat public-privé.

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2. Report illimité dans le temps des surcoûts d’emprunt non-déduits (art. 194sexies CIR 92)

Les surcoûts d’emprunt non déduits en vertu de cette mesure peuvent être reportés sur les exercices d’imposition suivants, à condition qu’un formulaire spécifique (275 SE) soit joint à la déclaration fiscale. Ces surcoûts d’emprunt reportés pourront alors neutraliser les bénéfices imposables d’exercices ultérieurs dans les mêmes limites lors de chaque exercice (30 % de l’EBITDA ou 3 millions d’euros).

Au niveau de la déclaration fiscale, la « déduction » se fera par le biais d’une exonération de bénéfices (majoration de la situation du début des réserves) et non pas d’une déduction.

3. Sort des surcoûts d’emprunt non-déduits antérieurement en cas de restructuration

En cas d’opération de restructuration fiscalement neutre, les surcoûts d’emprunt « reportés » sont déterminés dans le chef des sociétés absorbantes

ou bénéficiaires, sur les éléments qui leur ont été apportés, comme si l’opération n’avait pas eu lieu (art. 212, alinéa 1 er CIR 92). Ils ne sont donc pas perdus.

Par rapport à la précédente circulaire et en-dehors de toute modification législative, la nouvelle circulaire 2023/C/8 ajoute, en ce qui concerne les scissions (partielles), que lorsque les dettes et créances, pour lesquelles les coûts et produits sont pris en considération pour le calcul des surcoûts d’emprunt, se retrouvent dans les différentes sociétés concernées par l’opération, et que les surcoûts d’emprunt ne peuvent

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iStockphoto.com/Liubomyr Vorona. Magazine mensuel de l’ITAA | N° 7 | Septembre 2023

être spécifiquement liés à certaines dettes ou créances, les surcoûts d’emprunt à reporter peuvent être répartis proportionnellement à la valeur fiscale nette des éléments apportés.

4. Emprunts hors champ

Certains emprunts sont exclus du champ d’application de la mesure, avec pour conséquence que les intérêts (et autres coûts ou produits économiquement similaires, ajout introduit par la loi du 20 décembre 2020) liés ne sont pas pris en considération pour déterminer les surcoûts d’emprunt.

Il s’agit :

• des emprunts dont le contribuable a démontré que le contrat a été conclu avant le 17 juin 2016 et auxquels aucune modification fondamentale n’a été apportée depuis cette date (clause de grand-père).

Ces emprunts restent alors soumis à l’ancienne règle de sous-capitalisation prévue par l’article 198, § 1 er , 11°/1 du CIR 92 (ratio 5:1 pour les emprunts intragroupe).

Les circulaires 2019/C/89 du 11 septembre 2019, 2020/C/62 du 5 mai 2020 (addendum) et 2021/C/94 du 18 octobre 2021 (deuxième addendum) commentent cette clause de grand-père, et ce qu’il faut entendre par absence de modification fondamentale (exemple de modification fondamentale: parties, taux d’intérêt, durée, refinancement, etc).

L’article 73 4/9 de l’AR/CIR 92 prescrit, parmi les modalités à respecter, de joindre à la déclaration fiscale un relevé détaillé de ces emprunts (dans un format libre). Comme confirmé par le Service des Décisions Anticipées, si les formalités ne sont pas (volontairement) respectées, ces emprunts ne sont pas exclus du champ d’application, et sont donc soumis aux

nouvelles règles de l’article 198/1 du CIR 92 ;

• des emprunts conclus en exécution d’un projet d’infrastructure publique à long terme, lorsque l’opérateur du projet, les coûts d’emprunt, les actifs et les revenus se situent tous dans l’Union Européenne. Cette exclusion a été introduite par la loi du 20 décembre 2020, en remplacement de la précédente exclusion des emprunts conclus en exécution de certains partenariats public-privé. La notion de « projet d’infrastructure publique à long terme » est commentée aux points 29 et 30 de la circulaire 2023/C/8.

L’article 73 4/10 de l’AR/CIR 92 prescrit, parmi les modalités à respecter, de joindre à la déclaration fiscale un relevé détaillé de ces emprunts (dans un format libre).

5. Contribuables hors champ

Certains contribuables tombent hors du champ d’application de la mesure. Ces derniers sont définis à l’article 198/1, § 6 du CIR 92, et peuvent être regroupés comme suit :

• les sociétés autonomes, c’est-àdire celles qui ne font pas partie d’un groupe, n’ont pas d’établissements étrangers, et qui :

ne détiennent pas, directement ou indirectement, une participation dans une société qui s'élève à au moins 25 % des droits de vote ou du capital de cette société, ou qui donne droit à au moins 25 % des bénéfices de cette société;

– n'ont pas pour actionnaire ou associé une personne physique ou une personne morale qui détient, directement ou indirectement, une participation dans cette société et dans une autre société qui s'élève chacune prise séparément à au moins 25 % des droits de vote ou du capital de ces sociétés, ou qui donne droit chacune prise séparément à au

moins 25 % des bénéfices de ces deux sociétés ;

• certaines entreprises financières réglementées, telles que les établissements de crédit, entreprises d’investissements, d’assurance et de réassurance, de gestion d’OPC et OPC, institutions de retraite et les dépositaires centraux de titres. L’exclusion dont bénéficiaient les sociétés dont l’activité consiste à financer des biens immobiliers via l’émission de certificats immobiliers, et les sociétés agréées de location-financement ou de factoring, a été supprimée par la loi du 20 décembre 2020. Cette exclusion n’était pas conforme à la Directive ATAD 1 ;

• les sociétés dont l’unique activité consiste exclusivement en la réalisation d’un projet d’infrastructure publique à long terme, lorsque l’opérateur du projet, les coûts d’emprunt, les actifs et les revenus se situent tous dans l’Union Européenne. L’article 73 4/10 de l’AR/ CIR 92 précise à ce sujet les pièces à joindre à la déclaration fiscale. Cette exclusion a été introduite par la loi du 20 décembre 2020, en remplacement de l’exclusion, non conforme à la Directive ATAD 1, des sociétés dont l’unique activité consiste en la réalisation d’un projet de partenariat public-privé.

6. Situation particulière des contribuables membres belges d’un groupe

Le législateur a fait usage de la possibilité prévue par la directive ATAD 1 d’appliquer la limitation de la déduction des intérêts au niveau du groupe belge.

A cette fin, les entités belges d’un groupe (sociétés résidentes et établissements belges) sont considérées comme une seule entité pour l’application du régime, et une consolidation entre ces entités doit

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être simulée, pour pouvoir appliquer la limitation au niveau de ce groupe. Les opérations qui ont lieu entre ces entités ne sont pas prises en considération pour l’application du régime.

La définition de groupe applicable est celle reprise à l’article 2, § 1 er , 5°/1 du CIR 92, lequel renvoie à l’ensemble des sociétés qui sont liées au sens de l’article 1 :20 du Code des sociétés et associations.

La circulaire s’étend également sur les cas particuliers de sociétés sous contrôle conjoint de deux groupes, et sur celles formant un consortium.

Les particularités reprises ci-dessous s’appliquent aux entités du groupe, lequel inclut les sociétés et établissements belges liés pendant l’entièreté de la période imposable, et qui ne tombent pas hors du champ d’application de la mesure.

6.1. Surcoûts d’emprunt

Les intérêts (et autres charges ou produits similaires) qui sont dus à ou par une société résidente ou un établissement belge faisant partie de ce groupe, et qui ne sont pas exclus de la mesure, ne sont pas pris en considération pour la détermination des surcoûts d’emprunt.

6.2. Montant limite de 3 millions d’euros

Le montant limite de 3 millions d’euros est à répartir entre les entités belges qui font partie du groupe, conformément à la méthode déterminée par l’article 73 4/12 de l’AR/CIR 92. Les répartitions suivantes peuvent être appliquées :

• une répartition en fonction du besoin en montant limite additionnel des entités, qui est fonction de l’EBITDA (à calculer) et des surcoûts d’emprunt de chaque membre ;

• une répartition en fonction des surcoûts d’emprunt de chaque membre, qui auront collectivement renoncé au calcul de l’EBITDA, alors censé être nul ;

• une répartition à parts égales entre les membres, qui auront opté pour ce choix après avoir collectivement renoncé au calcul de l’EBITDA, alors censé être nul.

6.3. Détermination de l’EBITDA

Les coûts qui sont dus à ou les revenus qui sont dus par une société résidente ou établissement belge qui fait partie d’un groupe ne sont pas pris en compte pour la détermination de l’EBITDA. Ces ajustements d’EBITDA s’effectuent selon la méthode décrite à l’article 73 4/11 de l’AR/CIR 92, lequel a été modifié par l’AR du 7 juin 2021 (applicable à partir de l’exercice d’imposition 2022). Cet article prévoit que :

• l’EBITDA est augmenté des frais dus aux entités membres du groupe (auparavant les intérêts et coûts similaires étaient exclus de cet ajustement), dans la mesure où le contribuable a démontré que ces frais sont considérés dans le chef du bénéficiaire comme des revenus qui sont soustraits de l’EBITDA (nouvelle exigence en vue de garantir un résultat de consolidation correct et neutre) ;

• l’EBITDA est diminué des revenus recueillis des entités membres du groupe (auparavant les intérêts et coûts similaires étaient exclus), pour autant que ces revenus soient compris dans le résultat de la période imposable ; le quatrième alinéa de l’article 73 4/11 de l’AR/CIR 92 liste des revenus ne devant pas être soustraits suivant cette disposition, car ne se retrouvant plus dans l’EBITDA fiscal (dividendes RDT, etc).

L’EBITDA négatif d’un membre doit être réparti sur les autres entités

membres du groupe, en proportion de l’EBITDA (positif) de ces derniers. Ceci afin d’éviter que la somme de l’EBITDA des membres du groupe ne soit supérieur à l’EBITDA consolidé.

Les entités membres du groupe peuvent collectivement renoncer au calcul de l’EBITDA, par la conclusion d’une convention à joindre à la déclaration fiscale par au moins une des parties (formulaire 275 CRC).

Leur EBITDA est alors censé être nul. Ceci se fera par exemple lorsque le montant minimum de 3 millions d’euros est supérieur à 30 % de l’EBITDA consolidé.

6.4. Convention de déduction d’intérêts

Les entités membres d’un groupe peuvent, via une convention de déduction d’intérêts à joindre à la déclaration fiscale (formulaire 275 CDI), améliorer la déduction des surcoûts d’emprunt du groupe, en transférant tout ou partie de leur possibilité de déduction (le « montant limite ») à un autre membre (cfr également art. 198/1, § 4 CIR 92).

Une compensation, égale à l’impôt épargné par le bénéficiaire, peut être prévue. Cette compensation éventuelle n’est pas déductible dans le chef celui qui la paie (art. 198, § 1 er, 15° CIR 92), et est non imposable dans le chef du bénéficiaire (art. 194 septies CIR 92). La Commission des Normes Comptables a émis un avis traitant de la comptabilisation de cette compensation (Avis CNC 2020/06 6 ).

6 Les surcoûts d’emprunts (article 194sexies et article 198/1, CIR 92), Avis CNC 2020/06, 27 mai 2020.

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Amaury della Faille Conseiller fiscal certifié
Magazine mensuel de l’ITAA | N° 7 | Septembre 2023
Alexandre Tetyakov Juriste

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Le droit à la vie privée dans un monde numérique :

cookies,

DPD et sécurité des données

Nous vivons dans un monde presque entièrement numérisé. Les communications personnelles se font par e-mail, applications ou réseaux sociaux. Les techniques de données ont amélioré nos vies, les rendant plus agréables. Toutefois, elles ont aussi leurs défauts : il ne se passe pas un jour sans qu’une fuite de données ait de graves conséquences. C’est la raison pour laquelle l’Union européenne a adopté, il y a cinq ans, des règles concernant la manière dont les informations personnelles peuvent être collectées, traitées et utilisées. Le message central est : faites-le, mais faites-le bien. La réglementation autorise le stockage de données et l’utilisation légitime d’informations. Cependant, le législateur a également défini des cadres. La collecte de données doit poursuivre un objectif précis, les informations à la base de décisions doivent être exactes et actualisées, et les données sensibles doivent, bien entendu, être protégées contre toute utilisation abusive par des tiers.

Fin de l’année dernière, l’Autorité de protection des données (APD) a fixé ses priorités pour 2023. Ses priorités principales sont les suivantes :

• les cookies : un point de vue harmonisé au niveau européen faisant encore défaut à ce sujet, l’APD s’attellera à expliciter davantage son point de vue en matière de cookies ;

• le DPO : le Data Protection Officer (DPO) étant l’allié de l’APD sur le terrain, celle-ci va continuer à soutenir cette fonction cruciale, tant au niveau des activités de prévention (notamment par la mise en avant du rôle du DPO dans l’exercice des droits des plaignants) qu’au niveau du contrôle (le Service d’inspection s’intéressera, par exemple, à la place du DPO dans les organisations faisant l’objet d’une enquête) ;

• les smart cities : l’APD souhaiterait également développer des actions de prévention et de dialogue avec les acteurs de terrain dans le cadre de « smart cities » (p. ex. le transport intelligent).

Dans cet article, nous nous pencherons en particulier sur les cookies, le DPO et la protection des données.

1. Cookies

Les cookies sont de petits fichiers qui sont placés par le propriétaire d’un site Internet sur l’appareil d’un visiteur, par exemple, sur un ordinateur (portable), un smartphone ou une tablette. Le propriétaire peut ainsi collecter et enregistrer des informations concernant la visite ou le visiteur (ou l’appareil).

Il existe trois types de cookies :

• Cookies fonctionnels : sont techniquement nécessaires au bon fonctionnement du site Internet. Citons notamment le cookie qui permet de retenir le contenu d’un panier d’achat. En tant que propriétaire de site, vous n’avez pas besoin du consentement du visiteur pour placer ce type de cookies. Vous devez toutefois en informer celui-ci à l’avance.

• Cookies analytiques : donnent un aperçu du fonctionnement d’un site Internet. En tant que propriétaire de site, vous n’avez pas besoin du consentement du visiteur pour placer des cookies analytiques qui vous servent uniquement à compter le nombre de visiteurs.

• Cookies de suivi : peuvent aussi être lus lors de la visite d’un autre site Internet. Grâce aux cookies de suivi, les organisations peuvent suivre le comportement de navigation des visiteurs au fil du temps. Ces cookies permettent d’établir des profils de personnes (profilage) et de traiter ensuite celles-ci différemment. Les données traitées sont généralement des données à caractère personnel.

L’utilisation de cookies est soumise à des dispositions légales. En tant que propriétaire de site, vous devez informer au préalable les visiteurs de votre site au sujet du placement et/ou de la lecture de cookies sur leur appareil. Dans de nombreux cas, vous devez également demander leur consentement. S’il s’agit de cookies de suivi, le consentement est toujours requis.

Conseil : uniquement réseaux sociaux

Sur votre site Internet, vous souhaitez uniquement afficher quelques boutons de réseaux sociaux afin que les visiteurs

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Magazine mensuel de l’ITAA | N° 7 | Septembre 2023

puissent partager vos articles, et vous n’utilisez pas d’autres cookies de suivi ? Vous pouvez alors prévoir des boutons inactifs.

Dans ce cas, les visiteurs doivent cliquer expressément sur ces boutons « grisés » pour donner leur consentement. En cliquant sur un bouton, les utilisateurs indiquent qu’ils souhaitent activer la fonctionnalité de celui-ci et qu’ils veulent donc utiliser les cookies de connexion aux réseaux sociaux. Le cas échéant, vous devez également informer les visiteurs sur ce qu’ils acceptent en donnant leur consentement.

2. Le DPO dans votre organisation

En vertu de l’article 37 du Règlement général sur la protection des données (RGPD) 1 , la désignation d’un Data Protection Officer ou ‘délégué à la protection des données’ est obligatoire pour les organisations suivantes :

• Les autorités publiques et organismes publics : ces organisations sont toujours soumises à cette obligation, quel que soit le type de données qu’elles traitent. Il s’agit des pouvoirs publics, des communes et des provinces, mais aussi des établissements de soins et d’enseignement. La désignation d’un DPO n’est pas obligatoire pour les tribunaux.

• Les organisations qui, dans le cadre de leurs activités de base, suivent des individus ou recensent leurs activités, à grande échelle. Citons, par exemple, le profilage de personnes à des fins d’analyse de risques, les systèmes de vidéosurveillance, les systèmes de suivi du personnel et le suivi de la santé d’un individu à l’aide d’objets connectés. À cet égard, sont entre autres déterminants le nombre de personnes suivies par l’organisation, le volume de données traitées par l’organisation et la durée de ce suivi.

• Les organisations qui traitent des données à caractère personnel particulières à grande échelle, ce traitement étant l’une de leurs activités de base. Les données à caractère personnel particulières peuvent être, notamment, des données relatives à la santé, à l’origine raciale ou ethnique, à des opinions politiques ou à des croyances religieuses.

• Les organisations qui traitent des données à caractère personnel pénales

• du volume de données traitées ;

• de la durée du traitement des données ;

• de la portée géographique du traitement.

Concrètement, les contrôleurs européens ont donné plusieurs exemples de ce qu’ils considèrent comme un traitement à grande échelle :

• un hôpital qui traite des données de patients dans le cadre de ses activités courantes ;

• une société de transport qui traite des informations de voyage de personnes se déplaçant en transports en commun dans une ville déterminée, en les suivant par exemple à l’aide de cartes de voyage ;

• un sous-traitant spécialisé dans les études de marché qui traite, pour le compte d’une chaîne de restauration rapide internationale, des données de localisation actualisées de clients, à des fins statistiques ;

• une compagnie d’assurance ou une banque qui traite des données de clients dans le cadre de ses activités courantes ;

• un moteur de recherche qui traite des données à caractère personnel en vue d’afficher des publicités sur la base du comportement de navigation ;

• un fournisseur de services de téléphonie ou d’internet qui traite des données relatives au comportement téléphonique et/ou de navigation de clients (contenu, flux, localisation).

Exemple de traitement non considéré comme à grande échelle

Les contrôleurs considèrent que les traitements de données à caractère personnel particulières effectués par des médecins ou des avocats individuels ne sont pas des traitements à grande échelle.

3. La maturité en matière de protection des données

Pour savoir si, selon la loi, votre organisation traite des données à caractère personnel (particulières) à grande échelle, vous devez tenir compte :

• du nombre de personnes concernées ;

Lorsque les entreprises ont mis en œuvre le RGPD, elles ont généralement revu leurs procédures existantes, en se concentrant toutefois sur les nouvelles dispositions légales, telles que l’enregistrement des activités de traitement et la désignation d’un DPO. Beaucoup d’entreprises disposent ainsi de nombreux registres détaillés qui reprennent toutes leurs activités de traitement, mais qui sont compliqués à tenir à jour et livrent peu d’avantages sur le plan professionnel. À long terme, il ne s’agit peut-être pas de l’utilisation la plus efficace des ressources.

1 Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données), JOUE L119/1, 4 mai 2016 (RGPD ou en anglais GDPR pour General Data Protection Regulation).

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Qu’entendons-nous par « à grande échelle » ?
Magazine mensuel de l’ITAA | N° 7 | Septembre 2023

Pour résoudre ces problèmes, voici quelques solutions simples :

1. Contrôler la politique existante en matière de protection des données, les procédures, les rapports et les dispositifs généraux de gouvernance.

2. Revoir les processus actuels afin de vérifier leur bon fonctionnement, d’identifier les lacunes éventuelles et de voir où les ressources pourraient être utilisées de manière plus efficace.

3. Développer une approche de conformité simplifiée sur la base du profil de risque unique de l’entreprise.

4. Découverte de données et gestion des archives

La plupart des entreprises s’appuient sur une combinaison de données structurées et non structurées, qui sont stockées dans des applications modernes servant au quotidien, mais aussi dans des systèmes hérités plus anciens. Alors que les systèmes « en direct » sont généralement bien gérés, il en va autrement des systèmes hérités. Avec des conséquences sur la recherche de données, puisqu’il devient difficile, voire impossible, de répondre avec précision à une demande d’accès aux données.

Pour limiter les risques juridiques et légaux qui en découlent, les entreprises peuvent engager trois grandes actions :

1. Définir une politique réaliste et actualisée pour la gestion des archives, qui tienne compte à la fois des besoins professionnels et des besoins légaux.

2. Établir un plan visant à lutter contre la conservation excessive de données dans les archives et les systèmes hérités.

3. Développer une approche durable pour la gestion des archives grâce à une formation efficace sur le stockage de données.

5. Externalisation et transfert international de données

L’externalisation est devenue incontournable dans le monde de l’entreprise et s’accompagne souvent d’un partage de données à caractère personnel. En vertu du RGPD, les entreprises doivent prendre des mesures complémentaires afin de s’assurer que les données après ‘outsourcing’ sont toujours en sécurité et que les droits d’accès aux données sont respectés.

Si le tiers est établi à l’étranger, il s’agit d’un transfert international de données, soumis à davantage de garanties.

La situation peut rapidement devenir compliquée en raison de la législation locale en matière de protection des données, des règlements européens relatifs à l’adéquation et

de l’insécurité juridique quant au transfert de données aux États-Unis.

Pour y remédier, les entreprises peuvent prendre les actions suivantes :

1. Mettre en place un système de diligence raisonnable efficace et harmonisé en vue de contrôler le respect des normes de conformité par les tiers.

2. Développer une approche cohérente concernant l’application des législations internationales en matière de protection des données afin de tenir compte des variations locales.

3. Tenir un registre fiable de tous les accords d’échange de données conclus avec des tiers et des transferts de données à l’étranger.

Enfin, la sécurisation des données est un travail sur mesure. Autrement dit, vous devez déterminer vous-même ce qui est nécessaire en fonction de vos traitements spécifiques. La législation vous impose de mettre en œuvre des « mesures techniques et organisationnelles appropriées » pour protéger les données personnelles. Le caractère approprié dépend :

• de votre organisation ;

• de vos traitements spécifiques de données à caractère personnel ;

• des éléments vulnérables que vous avez recensés.

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iStockphoto.com/FangXiaNuo. Magazine mensuel de l’ITAA | N° 7 | Septembre 2023

TVA sur les travaux de transformation : le bâtiment reste-t-il ancien ou devient-il nouveau ?

En matière de TVA et de travaux de transformation, la distinction à opérer entre un ancien bâtiment et un bâtiment démoli et reconstruit est essentielle. En d’autres termes, s’agit-il d’une « rénovation ou transformation » ou d’une « démolition-reconstruction » ? Pour une rénovation, le taux réduit de 6 % peut être appliqué sous certaines conditions tandis que, pour une démolition-reconstruction, ce sera le taux ordinaire de 21 %. Même à l’occasion de l’élargissement d’un bâtiment existant, on pourra se trouver dans le cadre d’une démolition-reconstruction. Outre le taux applicable, les travaux de transformation d’un bâtiment peuvent également avoir pour conséquence que la période de révision passera à 15 ans lors de la création de ce qui est alors considéré comme un nouveau bâtiment. Dans un arrêt récent, datant du 22 novembre 2022, la Cour d’appel de Gand adopte un nouveau point de vue, renvoyant aux arrêts de la Cour de Justice en la matière.

1. La problématique des travaux de transformation : 6 % ou 21 % ?

En vertu de la rubrique XXXI du tableau A de l’annexe à l’AR TVA n 20, il doit s’agir d’interventions impliquant « la transformation, la rénovation, la réhabilitation, l’amélioration, la réparation ou l’entretien, à l’exception du nettoyage, de tout ou partie d’un immeuble » d’au moins 10 ans ou pouvant faire l’objet du taux de TVA réduit de 6 %.

En soi, la législation belge ne contient aucune disposition relative aux critères auxquels il convient de satisfaire pour, dans le cas de la transformation de bâtiments, considérer qu’il est question de la livraison d’un nouveau bâtiment ou d’une partie d’un bâtiment avant le premier usage.

2. Commentaire TVA

La Cour d’appel de Gand renvoie ici au commentaire concerné dans le manuel TVA (no 152/2) et affirme ce qui suit :

Dans l’esprit du texte de l’article 44, § 3, 1° du CTVA, il ne convient toutefois pas de considérer exclusivement les bâtiments qui viennent d’être construits comme des immeubles nouveaux , mais il faut également considérer les immeubles déjà existants qui sont transformés de telle manière qu’ils acquièrent ce faisant les caractéristiques d’un immeuble nouveau

Dans cette perspective, trois distinctions peuvent être opérées.

Premier cas. En raison des travaux effectués dans l’ancien bâtiment, le bâtiment subit une modification fondamentale dans les éléments essentiels de sa structure (murs porteurs, sols, escaliers, cages d’ascenseur, etc.), à savoir dans sa nature, sa structure et, le cas échéant, sa destination.

Dans ce cas de figure, il s’agit indubitablement d’un nouvel immeuble (quel qu’ait été le prix des travaux effectués pour réaliser cette modification en comparaison à la valeur du bâtiment avant ladite modification).

Deuxième cas. Les travaux effectués dans l’ancien bâtiment n’ont

pas modifié le bâtiment dans ses éléments essentiels , comme dans le premier cas énoncé ci-dessus, mais avaient pour objectif soit de permettre la conservation du bâtiment soit d’en améliorer le confort, comme dans le cas de l’installation d’un chauffage central, la création d’une salle de bain, le renouvellement du revêtement de toiture, etc.

Dans ce cas de figure, le bâtiment ne subit pas de modifications de ses éléments essentiels. En principe, la revente de ce bâtiment ou d’une partie de ce bâtiment et du terrain adjacent ou l’établissement, la cession et la rétrocession de droits réels, autres que le droit de propriété, portant sur un tel bâtiment ou sur une telle partie de bâtiment et sur le terrain adjacent après l’exécution des travaux ne peuvent donc pas être soumis à la TVA. Même lorsque le revenu cadastral du bien se voit majorer et lorsque le coût des travaux exécutés est particulièrement élevé en comparaison à la valeur que le bien avait avant le début des travaux.

Troisième cas. Puisque, lorsque les travaux effectués sont d’une nature telle qu’ils impliquent une modification

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Magazine mensuel de l’ITAA | N° 7 | Septembre 2023

importante du bâtiment, il est généralement difficile de déterminer si le bâtiment subit ou non une modification fondamentale dans ses éléments essentiels, on peut toutefois considérer qu’il s’agit d’un nouveau bâtiment lorsque le prix de revient, TVA non comprise, des travaux effectués au bâtiment en tant que tel par le propriétaire ou par des tiers intervenant pour son compte atteint au moins 60 % de la valeur de revente du bâtiment auquel les travaux ont été effectués , sans compter la valeur du terrain, au moment où ces travaux sont achevés.

Ce troisième cas tient compte, d’une part, de la valeur des travaux matériels effectués au bâtiment en tant que tel (à savoir à l’exclusion des travaux intellectuels, tels que les prestations de l’architecte ou du coordinateur de sécurité), y compris les travaux de démolition nécessaires et, d’autre part, de la valeur de revente du bâtiment transformé. En outre, il est sans importance que la valeur des travaux visant à augmenter le confort soit comprise dans la valeur des travaux ainsi effectués.

3. Jurisprudence belge

Dans un arrêt du 25 juin 2020, la Cour de Cassation s’est prononcée sur cette problématique et estime que l’on est en présence d’une transformation ou rénovation lorsque les travaux s’appuient, de manière pertinente, sur les murs porteurs préexistants, en particulier les murs extérieurs, et, plus généralement, sur les éléments essentiels de la structure du bâtiment à rénover.

Par contre, l’on parlera de démolition-reconstruction lorsque les travaux effectués ne s’appuient pas sur les éléments essentiels de la structure du bâtiment et que le bâtiment est reconstruit après démolition, même si certaines parties, telles que les fondations, les caves ou uniquement la façade avant, sont conservées. Et la Cour d’ajouter que, pour qu’il soit question d’une transformation (et non d’une « démolition-reconstruction »), « la longueur totale des murs porteurs

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iStockphoto.com/Esa Hiltula. Magazine mensuel de l’ITAA | N° 7 | Septembre 2023

conservés [doit] être significativement plus élevée que la longueur totale des nouveaux murs porteurs ; les anciens murs porteurs qui ont été démolis et reconstruits (même s’ils ont été édifiés au même endroit) sont ici considérés comme de nouveaux murs (porteurs) ».

Un peu plus récemment, dans son arrêt du 21 octobre 2022, la Cour a encore ajouté qu’il était également question de « démolition-reconstruction » (soumis à une TVA à 21 %) lorsque les éléments essentiels de la structure du bâtiment et, en particulier, les fondations du bâtiment doivent substantiellement être renouvelés ou renforcés pour soutenir les travaux effectués.

L’affaire concernée portait sur des travaux effectués à une ancienne ferme impliquant, d’une part, des travaux à un bâtiment existant et, d’autre part, l’extension du bâtiment existant. Ainsi, il a été constaté que, même si les fondations étaient conservées, celles-ci ne suffisaient en aucun cas et devaient être substantiellement renforcées à l’aide d’une couche de fondation. Ensuite, il est apparu que les murs porteurs étaient trop faibles et qu’ils devaient faire l’objet d’un renouvellement substantiel. La Cour a par conséquent conclu que la nouvelle situation ne s’appuyait pas réellement sur les anciens murs porteurs et anciennes fondations qui étaient conservés.

4. Quid d’une extension ?

Dans une affaire antérieure, la Cour de Cassation avait déjà établi que l’extension d’un bâtiment impliquait une transformation pour autant que la superficie du bien immobilier initial soit significative par rapport à la nouvelle partie et que cette nouvelle partie ne puisse pas être utilisée indépendamment, mais vienne compléter la partie initiale qui a été conservée et avec laquelle la nouvelle partie forme un tout (Cass. 25 juin 2021).

Dans le « commentaire TVA », l’Administration reprend les deux mêmes conditions et ajoute que la première condition est remplie lorsque la superficie de l’ancienne partie est supérieure à la moitié de la superficie totale de l’habitation ou du complexe d’habitations après l’exécution des travaux.

5. Période de révision

La distinction prend également toute son importance au moment de déterminer quelle période de révision s’applique aux travaux de transformation.

Dans un arrêt du 30 avril 2021, la Cour de Cassation a estimé que les interventions visant à ou contribuant à la transformation ou l’amélioration d’un bâtiment ou d’une partie d’un bâtiment sont sujettes à la période de révision classique de cinq ans.

Par contre, les interventions visant à ou contribuant à la création d’un nouveau bâtiment ou d’une nouvelle partie d’un bâtiment sont sujettes à une période de révision de quinze ans.

6. Jurisprudence européenne

La Cour de Justice a, dans un arrêt du 16 novembre 20171 , notamment affirmé qu’un examen qualitatif devait être effectué pour vérifier si les travaux « créaient une valeur ajoutée telle » que le bâtiment pouvait être comparé à un bâtiment neuf. D’après la Cour, les modifications structurelles du bâtiment existant ne sont certainement pas les seuls éléments à examiner. En d’autres termes, il ne faut pas systématiquement vérifier si les éléments essentiels de la structure du bâtiment subissent des modifications fondamentales, même si, dans ce cas, il sera évidemment bel et bien question de transformations conférant au bâtiment les caractéristiques d’un « bâtiment neuf ». Ce qui compte, c’est l’éventuelle

1 CJUE 16 novembre 2017, no C-308/16, Kozuba.

« valeur ajoutée » substantielle que les travaux impliquent.

Si l’on suit ce raisonnement, il peut également être question d’une « démolition-reconstruction » même en l’absence de modifications fondamentales subies par « les éléments essentiels de la structure » du bâtiment.

7. Le cas concret

Dans le dossier soumis à la Cour d’appel de Gand, une unité TVA (composée de deux membres, dont l’un est propriétaire d’un bien immobilier qu’il loue, depuis le 1er janvier 2012, à l’autre membre) possède une société qui utilise ce bâtiment comme cabinet d’avocats. Conformément à l’article 44 § 3 du CTVA, ce bail est exonéré de TVA. Le bâtiment concerné a été construit en 1995 par le propriétaire précédent, qui souhaitait l’utiliser dans le cadre de ses activités d’installateur de systèmes de sprinklers (extincteurs automatiques à eau).

En 2011 et 2012, des travaux de transformation ont été effectués au bâtiment concerné.

• Le bâtiment abritant les bureaux est élargi par la construction d’un nouveau volume contre la façade arrière au-dessus de l’étage des caves, qui ressortait. Le volume est large de 14,98 m et a une profondeur de 3,55 m. Il se situe au milieu de la façade arrière. Il possède un étage et est coiffé d’un toit plat. Le nouveau volume est haut de 4,31 m. Le bord de la toiture épouse celle du volume préexistant. La finition du nouveau volume est effectuée en crépi blanc-gris. Les nouvelles fenêtres et la protection solaire sont en aluminium gris-noir. Les fenêtres de l’ancienne façade arrière sont supprimées afin de créer un grand espace intérieur.

• L’entrée est reconstruite. Les colonnes et les poutres de la partie circulaire en façade sont reconstruites. Quelques modifications sont

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également effectuées en intérieur : plusieurs parois de séparation sont supprimées, une nouvelle poutrelle avec colonne est installée, la surface inclinée est reconstruite et quelques espaces de bureau supplémentaires sont prévus.

• Toutes les surfaces de façade sont peintes en blanc-gris.

7.1. Transformation ou démolition-reconstruction ?

Dans ce cas concret, les points de discussion suivants émergent. La période de révision normale de cinq ans est-elle applicable ? Quels sont les critères précis qui permettent de distinguer une transformation d’une nouvelle construction ? À quel moment est-on en présence de transformations (fondamentales) telles qu’un bâtiment (suffisamment) nouveau est créé ?

L’Administration estime que les modifications que le propriétaire a fait effectuer au bâtiment concerné ne suffisent pas pour considérer que l’on est en présence d’un nouveau bâtiment. Elle s’appuie pour ce faire principalement sur le premier cas décrit au point 152/2 du manuel TVA et établit que les contribuables ne démontrent pas que les travaux effectués ont impliqué une modification fondamentale dans les éléments essentiels de la structure du bâtiment.

• D’après l’Administration, la nature du bâtiment est restée inchangée, ce que le représentant des personnes aurait déclaré pendant les concertations et ce qui serait ressorti également des plans présentés.

• La structure n’a pas non plus été modifiée selon l’Administration, cette dernière soulignant que le permis de bâtir mentionne, à la page 4, que la structure porteuse existante est majoritairement conservée.

• L’Administration juge que la destination a, elle aussi, été conservée puisque le bâtiment aurait eu une fonction de bureau avant les travaux et est resté un bureau après ceux-ci.

Les contribuables soulignent en premier ordre que les travaux de transformation auraient bel et bien modifié la structure du bâtiment et que ce dernier serait désormais exclusivement utilisé à titre de bureau alors qu’auparavant, outre une (plus petite) partie du bâtiment utilisée comme bureau, des espaces de stockage de marchandises (extincteurs automatiques à eau) et un atelier d’assemblage existaient.

Il ressort des plans de construction relatifs à l’état initial, qui ont bel et bien été transmis à l’Administration, que le bâtiment semi-industriel était composé de trois espaces distincts :

• le bâtiment arrière fermé au rezde-chaussée, utilisé comme atelier de dessin (pour la conception des installations de sprinklers) et comme espace d’assemblage avec un revêtement de sol en caoutchouc (pour l’assemblage des installations de sprinklers), avec deux bureaux de direction fermés, une salle de réunion interne fermée, une toilette, une cuisine et un débarras ;

• la partie avant du bâtiment au rezde-chaussée, accessible au public, dotée d’un guichet d’accueil, d’un secrétariat fermé, d’une salle d’exposition et d’un espace d’accueil, et

• une salle logistique au sous-sol pour le stockage de pièces et la livraison aux clients. Cet espace était facilement accessible à l’arrière du bâtiment en passant par une rampe adaptée aux camions et via une porte sectionnelle industrielle.

Le bâtiment initial avait notamment les caractéristiques suivantes :

• Le sous-sol a une superficie de pas moins de 279 m2

• Ce sous-sol est accessible à l’aide d’une porte sectionnelle semi-industrielle située à l’arrière du bâtiment et qui permet l’accès au sous-sol pour les livraisons par des fournisseurs et les livraisons de sprinklers aux clients.

• Le sous-sol est accessible par l’intermédiaire d’une rampe séparée le long de toute la longueur de la parcelle depuis le côté rue jusqu’à l’arrière du bâtiment.

Un bâtiment multifonctionnel de bureaux n’a nullement besoin de ces caractéristiques, lesquelles confirment la destination initialement semi-industrielle du bâtiment.

Le projet de transformation de 2011 modifie profondément ce bien immobilier et le rend adéquat à l’utilisation de l’espace en guise de bureaux. Comme cela ressort des plans de transformation de 2011, le bien a été repensé en profondeur :

• Le bâtiment n’était plus divisé en trois espaces séparés, mais était désormais composé d’un seul bureau intégré avec un secrétariat ouvert (avec surface inclinée vers l’arrière) et deux salles de réunion, quatorze bureaux (dont quatre bureaux doubles, chacun pouvant donc recevoir deux personnes), un back-office, une salle de réunion interne ouverte, une bibliothèque ouverte, et un local dédié aux serveurs et un espace d’archives, ainsi qu’un plus grand espace sanitaire (composée de quatre toilettes au total).

• Pour ce faire, le secrétariat fermé devait être entièrement démonté, y compris le mur avec l’escalier, et le passage discret et la porte entre l’avant et l’arrière. Ce passage entre l’avant et l’arrière a été transformé en espace d’accueil. L’ancien bureau de direction a été transformé en salle de réunion.

• La transformation nécessitait également la création d’une annexe à l’arrière du bâtiment. Pour ce faire, la façade arrière existante au niveau du rez-de-chaussée a été démontée sur toute la longueur et remplacée par une nouvelle façade, avec installation d’une nouvelle travée sur toute la longueur des bureaux et de colonnes de soutien. De même, le mur séparant le côté avant du côté arrière du bâtiment a été démoli, afin de créer un unique espace intégré de bureaux.

7.2. La Cour statue

Les différentes dispositions légales, lues dans leur connexité mutuelle,

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établissent une distinction entre les anciens et les nouveaux bâtiments en ce sens que la vente d’un ancien bâtiment n’est en principe pas soumise à la TVA 2

Bien qu’il s’agisse d’une activité économique, la vente d’un bâtiment, après avoir été livré pour la première fois à un consommateur final (laquelle livraison marque la fin du processus de production), n’emporte aucune valeur ajoutée significative ; cette vente doit donc en principe être exonérée de l’imposition 3

La directive TVA confirme que la valeur ajoutée est déterminante quant à l’assujettissement éventuel de la livraison d’un bâtiment à la TVA puisqu’elle confère aux États membres le droit de fixer les conditions de son application.

En deuxième lieu, il convient de souligner qu’elle en donne la possibilité aux États membres par le biais de l’imposition d’un critère quantitatif (selon lequel le coût d’une telle transformation doit se monter à un pourcentage déterminé de la valeur initiale du bâtiment concerné (au moins 30 %

de cette valeur initiale) pour qu’une imposition soit applicable).

Dans ce cas, les dépenses allouées à l’amélioration du bâtiment concerné se montaient à 55 % de la valeur initiale. Bien qu’un tel pourcentage suggère d’emblée que les modifications apportées au bâtiment ont pu, en raison de leur ampleur, contribuer à la modification considérable des circonstances dans lesquelles le bâtiment est utilisé, il appartient au juge national de déterminer, sur la base des pièces justificatives dont il dispose, dans quelle mesure l’amélioration concernée par l’affaire au principal a conduit à une modification de l’affectation de ce bâtiment

8. Conclusion

Dans cet arrêt, la Cour s’appuie entièrement sur les prononcés antérieurs de la Cour de Justice pouvant être pertinents dans cette matière, à savoir la « valeur ajoutée » des travaux. Ainsi, on peut également constater la création d’un nouveau bâtiment, même en l’absence de modifications fondamentales des éléments essentiels de la structure.

La Cour semble ainsi mettre la barre moins haut que l’Administration pour constater une « démolition-reconstruction » puisque celle-ci renvoie moins à la « valeur ajoutée » générée qu’aux « modifications fondamentales des éléments essentiels de la structure ».

Ensuite, il y a le troisième critère appliqué par l’Administration dans ce cadre, à savoir la règle des 60 %, à calculer sur la valeur de vente du bâtiment après exécution des travaux. Ici, la Cour européenne établit que la valeur des travaux de transformation doit être mise en relation avec la valeur d’achat du bâtiment.

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2 CJUE 12 juillet 2012, no C-326/11, J. J. Komen en Zonen Beheer Heerhugowaard. 3 CJCE 4 octobre 2001, no C-326/99, Goed Wonen.
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