ITAA-Zine | Numéro 6 - Août 2023

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La Directive 2019/1023 met pleinement l’accent sur la continuité, un objectif qui constitue une priorité pour la Commission européenne depuis la crise du crédit. À cette fin, la directive impose aux États membres notamment de mettre en place des systèmes de restructuration préventive fondés sur le principe selon lequel l’entreprise en difficulté conserve le contrôle de ses actifs et demeure responsable de sa gestion quotidienne. Si le droit de l’insolvabilité belge était déjà largement axé sur la continuité, quelques nouveautés radicales ont malgré tout été introduites.

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-ZINE
Du neuf sous le soleil en droit de l’insolvabilité
Numéro 6 | Août 2023 Édition mensuelle – Bureau de dépôt Gent X – P409030

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ITAA-zine Magazine mensuel de l’ITAA (ne paraît pas en janvier et en juillet) N° 6/2023

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Du neuf sous le soleil en droit de l’insolvabilité

Le moment que l’on attendait tant est enfin arrivé le 25 mai 2023 : l’approbation de la loi (la ‘loi’) transposant la « Directive (UE) 2019/1023 (la ‘directive’) du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative aux cadres de restructuration préventive, à la remise de dettes et aux déchéances, et aux mesures à prendre pour augmenter l’efficacité des procédures en matière de restructuration, d’insolvabilité et de remise de dettes, et modifiant la directive (UE) 2017/1132 et portant des dispositions diverses en matière d’insolvabilité ». Cette loi a été publié le 7 juillet 2023 au Moniteur belge.

La Directive 2019/1023 met pleinement l’accent sur la continuité, un objectif qui constitue une priorité pour la Commission européenne depuis la crise du crédit. À cette fin, la directive impose aux États membres notamment de mettre en place des systèmes de restructuration préventive fondés sur le principe selon lequel l’entreprise en difficulté conserve le contrôle de ses actifs et demeure responsable de sa gestion quotidienne. Si le droit de l’insolvabilité belge était déjà largement axé sur la continuité, quelques nouveautés radicales ont malgré tout été introduites. Le législateur a en outre saisi cette occasion pour mettre le droit de l’insolvabilité belge en conformité avec la jurisprudence Plessers de la Cour de justice.

Les nouvelles règles entrent en vigueur le 1er septembre 2023 et sont d’application aux procédures d’insolvabilité ouvertes après cette date. Les principales modifications apportées par cette loi au Livre XX du Code de Droit Economique (CDE) sont exposées dans cet article.

A. Praticien de la réorganisation versus praticien de la liquidation

1. Avec le praticien de la réorganisation, le législateur introduit un nouvel acteur dans le droit de l’insolvabilité. Le praticien de la réorganisation est un mandataire de justice désigné par le tribunal. Le praticien de la réorganisation est chargé de la réorganisation de l’entreprise, en mettant l’accent sur la continuité.

Les mandataires de justice visés aux articles XX.29/2, XX.30, XX.49/2 et

XX.83/22 du CDE sont des praticiens de la réorganisation.

2. Le praticien de la réorganisation se distingue du praticien de la liquidation, également appelé « praticien de l’insolvabilité » dans un contexte européen. Le praticien de la liquidation est également un mandataire de justice désigné par le tribunal. Le praticien de la liquidation s’occupe cependant de la liquidation de l’entreprise. Du côté du praticien de la liquidation, l’accent est donc davantage mis sur la discontinuité.

Le curateur, le mandataire chargé du transfert de l’entreprise, le liquidateur, l’administrateur provisoire visé à

l’article XX.32 du CDE sont des praticiens de la liquidation.

B. Rôle plus prépondérant des chambres des entreprises en difficulté

3. La directive 2019/1023 oblige les États membres à encourager le recours à des cadres de restructuration préventive en informant et en sensibilisant les entreprises en difficulté : chaque État membre doit disposer d’un ou de plusieurs outils clairs et transparents pour avertir les

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entreprises en difficulté et les inciter à agir à un stade précoce.

4. Dans le droit de l’insolvabilité belge, ce sont les chambres des entreprises en difficulté des tribunaux de l’entreprise (les « CED ») qui sont chargées de cette tâche. Les CED ont pour mission de suivre la situation des entreprises en difficulté en vue de préserver la continuité de leur activité et d’assurer la protection des droits des créanciers (art. XX.25, § 1 er CDE). Lorsque certains clignotants économiques apparaissent (par exemple, des saisies, des jugements de condamnation par défaut ou relatifs à une dette non contestée), les CED peuvent ouvrir une enquête ou désigner un juge-rapporteur pour mener l’examen. Une CED peut convoquer et entendre le débiteur afin d’obtenir des informations sur la situation et les éventuelles mesures de réorganisation (art. XX.25, § 2 CDE). L’enquête a lieu à huis clos (art. XX.25, § 3 CDE).

S’il ressort de l’enquête que l’entreprise paraît remplir les conditions d’une faillite, la CED peut communiquer le dossier au procureur du Roi en vue d’une citation en faillite (art. XX.29, §1 CDE) ou au Président du tribunal de l’entreprise en vue de la désignation d’un administrateur provisoire conformément à l’article XX.32 du CDE (art. XX.29, § 2 CDE). Si la CED estime que la dissolution de l’entreprise s’impose, elle peut communiquer le dossier au tribunal de l’entreprise par une décision motivée en vue de statuer sur ladite dissolution (art. XX.29, § 2 CDE).

5. La loi réserve un rôle plus prépondérant aux CED, qui reçoivent les compétences supplémentaires suivantes :

• Conciliation (art. XX.29/1 CDE) : Chaque CED pourra être chargée d’une activité de conciliation, à l’initiative du débiteur. À la demande du débiteur, la CED peut convoquer certains créanciers pour les entendre, individuellement ou conjointement. La CED fournira une assistance pour négocier avec

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ces créanciers. L’objectif est de conclure de manière informelle un accord avec les principaux créanciers. Le contenu de tout accord conclu sera déterminé par la CED.

• Désignation d’un praticien de la réorganisation (art. XX.29/2 CDE) : Également à la demande du débiteur, une CED peut désigner un praticien de la restructuration indépendant. La désignation d’un praticien de la restructuration permet de faciliter le redressement de l’entreprise et un règlement avec les créanciers. La CED fixe le contenu et la durée de la mission du praticien de la restructuration. La décision de la désignation et les rapports du praticien de la restructuration sont confidentiels. Les tiers ne peuvent prendre connaissance de ces rapports qu’avec l’assentiment du débiteur.

6. En outre, la loi prévoit un certain nombre de modifications supplémentaires :

• Outil d’auto-évaluation (art. XX.21/1 CDE) : En vertu du nouvel article XX.21/1 du CDE, le débiteur a le droit d’accéder à son dossier et peut faire rectifier les données le concernant.

• Énumération des renseignements et données qui permettent d’indiquer une probabilité d’insolvabilité (art. XX.21/1 CDE) : Le nouvel article XX.21/2 du CDE énumère les indicateurs économiques susceptibles d’indiquer une probabilité d’insolvabilité et la nécessité d’agir sans tarder, notamment les changements dans le nombre de travailleurs et les avis de saisie.

• Période de conservation et localisation des données et renseignements pertinents (art. XX.21, § 2 et § 3 CDE) : Les données et renseignements susceptibles d’indiquer une probabilité d’insolvabilité et la nécessité d’agir sans tarder seront conservés pendant cinq ans à partir de leur enregistrement dans le registre central des clignotants économiques.

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• Prolongation des durées pour l’examen d’office (art. XX.28 CDE) : Lorsque la CED a désigné un juge rapporteur, la durée est portée à huit mois, au lieu de quatre auparavant, avec une possibilité de prolonger cette durée jusqu’à maximum dix mois. Lorsque la CED mène elle-même l’examen, celui-ci peut désormais durer jusqu’à 18 mois, au lieu de huit précédemment. Ces durées prolongées avaient déjà temporairement été introduites par la loi du 21 mars 2021 1 pendant la crise du coronavirus et sont donc à présent maintenues.

7. Les titulaires de professions économiques ont un rôle important à jouer lorsque l’entreprise qu’ils accompagnent rencontre des difficultés financières, étant donné que la loi leur impose un devoir d’alerte (art. XX.23, § 3 CDE). L’expertcomptable certifié, le conseiller fiscal certifié 2 , l’expert-comptable, l’expert-comptable fiscaliste et le réviseur d’entreprises 3 qui constatent dans l’exercice de leur mission des faits graves et concordants qui révèlent une probabilité d’insolvabilité sont tenus d’en informer leurs clients par écrit et de manière circonstanciée.

Si dans un délai d’un mois à dater de l’information faite au débiteur, ce dernier ne prend pas les mesures nécessaires pour assurer la continuité de l’activité économique pendant une période minimale de douze mois, le titulaire d'une profession économique concerné peut en informer par écrit le Président du tribunal de l’entreprise.

1 M.B. du 26 mars 2021.

2 Tout comme lors de la précédente modification législative, l'ITAA prend à nouveau les mesures nécessaires pour que le conseiller fiscal certifié ne soit pas soumis à cette obligation.

3 Cette énumération est tirée de la loi. L’ancien article 23, §3 du CDE énumèrait les titulaires de professions économiques suivants : « L’expertcomptable externe, le comptable agréé externe, le comptable-fiscaliste agréé externe et le réviseur d’entreprises ».

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Le cas échéant, l’article 458 du Code pénal (relatif au secret professionnel) n’est pas applicable.

C. Accord amiable hors réorganisation judiciaire

8. L’accord amiable extrajudiciaire continue d’exister. La nouveauté réside dans le fait qu’un tel accord peut dans un avenir proche aussi être conclu avec un seul créancier (art. XX.37, § 1 er CDE), alors qu’il nécessitait jusqu’à présent la présence d’au moins deux créanciers. C’est un ajustement bienvenu. Il n’est en effet pas rare de voir des situations dans lesquelles un créancier, par exemple la banque, a une créance qui est largement supérieure à celle des autres, pour autant d’ailleurs qu’il y ait d’autres créanciers. En pareil cas, il semble parfois artificiel, voire carrément contreproductif, de devoir

chercher un deuxième débiteur afin de pouvoir conclure un accord amiable avec le créancier principal.

9. Une deuxième nouveauté qu’il convient de signaler est que chaque partie à l’accord peut demander au Président du tribunal de l’entreprise, par requête contradictoire notifiée à toutes les parties concernées par l’accord, d’homologuer l’accord amiable et, le cas échéant, de conférer un caractère exécutoire à tout ou partie des créances qui y sont mentionnées (art. XX.38, § 1 er CDE). Jusqu’à présent, il fallait une requête conjointe émanant des parties concernées.

Le Président du tribunal de l’entreprise refusera d’homologuer l’accord si le débiteur n’a manifestement pas de perspective de viabilité économique ou si l’accord ne peut manifestement pas être réalisé sans porter préjudice aux droits des tiers sur les actifs du débiteur.

D. Modifications apportées à la procédure de réorganisation judiciaire actuelle

10. Afin de préserver autant que faire se peut la continuité des entreprises en difficulté, la directive oblige les États membres à prévoir des cadres de restructuration préventive, dont les principales orientations sont le « débiteur en possession » et la « suspension des mesures d’exécution individuelles ». Cela est déjà prévu dans le droit belge, avec la procédure de réorganisation judiciaire décrite aux articles XX.39 à XX.97 du CDE.

11. La réorganisation judiciaire existe sous trois formes : l’accord amiable judiciaire, l’accord collectif et le transfert sous autorité de justice.

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Chacune de ces trois formes a subi des modifications, tantôt mineures (par exemple en ce qui concerne l’accord amiable et l’accord collectif pour les PME), tantôt plus profondes (par exemple pour l’accord collectif pour les grandes entreprises et pour le transfert sous autorité de justice). Nous nous intéresserons tout d’abord ci-dessous aux modifications générales, qui valent pour chacune de ces trois formes (voir infra, point D.1). Nous aborderons ensuite : les modifications apportées à l’accord amiable (point D.2), l’accord collectif pour les PME (point D.3.i), l’accord collectif pour les grandes entreprises (point D.3.ii) et les modifications relatives au transfert sous autorité de justice (point D.4).

D.1. Modifications générales

12. Les principales modifications qui ont été apportées aux règles générales sont les suivantes :

• Suppression de l’accord préparatoire introduit par la loi du 21 mars 20214 (art. XX.39/1 CDE) : Le législateur a introduit l’accord préparatoire pendant la crise du coronavirus, par le biais du nouvel article XX.39/1 du CDE. Il offrait ainsi aux entreprises la possibilité de demander, par requête unilatérale, la désignation d’un mandataire de justice afin de faciliter la conclusion d’un accord amiable au sens de l’article XX.64 du CDE ou pour établir un plan de réorganisation tel que prévu à l’article XX.67 du CDE.

La nomination du mandataire de justice n’est pas publiée, de manière à ce que le mandataire de justice puisse examiner en toute discrétion avec le débiteur la possibilité de parvenir à un accord amiable ou collectif. L’objectif est de fournir, en toute discrétion,

4 Loi du 21 mars 2021 modifiant le livre XX du Code de droit économique et le Code des impôts sur les revenus 1992, M.B. du 26 mars 2021.

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un travail préparatoire utile dans l’optique d’une procédure de réorganisation judiciaire qui pourrait de ce fait être réglée de manière plus efficace. Contrairement à l’ouverture d’une procédure de réorganisation judiciaire, la désignation d’un mandataire de justice ne conduit pas à une suspension des moyens d’exécution des créanciers.

L’article XX.39/1 du CDE cessera de produire ses effets le 30 septembre 2023. La philosophie derrière cette procédure n’est pas morte et enterrée pour autant. La loi prévoit l’introduction de variantes privées de l’accord amiable et de l’accord collectif. Ces variantes privées seront discutées plus loin (voir infra, point  E ).

• Accès au dossier de la réorganisation judiciaire pour les travailleurs (art. XX.40 CDE) : L’article XX.40 du CDE actuel stipule que chaque partie à la procédure et tout créancier repris sur la liste mentionnée à l’article XX.41, § 2, 7° du CDE peut prendre connaissance du dossier de la réorganisation judiciaire. La loi ajoute à cet égard que les représentants du personnel au sein du conseil d’entreprise (CE) ou, à défaut de CE, au sein du comité pour la prévention et la protection au travail (CPPT) ou, à défaut de CPPT, la délégation syndicale ou à défaut de délégation syndicale, une délégation du personnel ont aussi accès au dossier.

• Prolongation de l’effet suspensif de la requête en raison des « repeat players » (art. XX.45, § 5 CDE) : Une entreprise qui demande une réorganisation judiciaire est immédiatement protégée des mesures d’exécution prises par les créanciers et d’une mise en faillite. C’est ce que l’on appelle la « mesure de suspension ». Le législateur renforce à présent l’effet suspensif de la requête afin de limiter les abus de « repeat players ». Une entreprise qui a déjà demandé une réorganisation judiciaire moins de douze mois avant l’introduction

d’une demande d’ouverture d’une procédure de réorganisation judiciaire ne pourra plus bénéficier de cette suspension, sauf si le tribunal en juge autrement par une décision motivée. Dans le droit actuel, ce délai est limité à six mois.

• Durée initiale du sursis limitée à quatre mois maximum (art. XX.46, § 2 CDE) :  La période initiale de sursis sera réduite à un maximum de quatre mois (au lieu de six). La prolongation reste possible, mais avec un maximum de 12 mois au lieu de 18 mois au total.

• Nomination d’un administrateur provisoire (art. XX.49/1 CDE) :  À la demande de tout intéressé ou du ministère public, le tribunal peut nommer un administrateur provisoire pour la durée du sursis s’il constate que le débiteur ou l’un de ses organes a commis une faute grave et caractérisée. L’administrateur provisoire se substitue au débiteur et à ses organes pour la durée du sursis. Cet article s’inspire largement de l’article XX.31 du CDE actuel, lequel sera abrogé.

• Demande de levée des effets de la suspension (art. XX.59/1 CDE) :  En partie pour éviter un effet boule de neige, les créanciers ont la possibilité de demander au tribunal de l’entreprise de lever les effets du sursis à leur égard. Le créancier doit pour cela démontrer qu’il est manifestement lésé par la suspension ou que sa propre continuité est menacée.

D.2. La réorganisation judiciaire publique par accord amiable

13. Afin de rendre la procédure de l’accord amiable plus accessible, il est désormais possible de conclure un accord amiable avec un seul créancier, et non plus avec au moins deux créanciers, comme exigé jusqu’à présent (art. XX.64 du CDE). Comme indiqué ci-dessus, la

même modification a été apportée à l’accord amiable extrajudiciaire (voir ci-dessus, point  C ).

14. Un autre élément important consiste en ce que la loi prévoit que le tribunal de l’entreprise peut, sur requête contradictoire du débiteur, octroyer des délais modérés tels que visés à l’article 5.201 du Code civil à l’égard des créanciers avec lesquels aucun accord amiable n’a pu être conclu (art. XX.65 CDE). Les créanciers qui refusent une proposition courent donc le risque de se voir imposer un plan de remboursement contraignant. Plus le refus de la proposition sera irréfléchi, plus ce risque sera, normalement, important.

D.3. La réorganisation judiciaire publique par un accord collectif

15. Le but de l’accord collectif est d’obtenir un accord des créanciers sur un plan de réorganisation (art. XX.67 CDE). Le débiteur doit établir ce plan de réorganisation pendant la période de sursis. Les créanciers doivent voter ce plan lors d’une audience. Le plan de réorganisation est tenu pour approuvé lorsqu’il recueille le vote favorable de la majorité des créanciers, qui en outre représentent la moitié de toutes les sommes dues en principal et intérêts (art. XX.78 CDE). Une double majorité est requise. Le plan doit ensuite encore être homologué par le tribunal de l’entreprise, qui ne refusera cette homologation que si les formalités n’ont pas été respectées ou si le plan porte atteinte à l’ordre public (art. XX.79 CDE). L’homologation du plan de réorganisation le rend contraignant pour tous les créanciers sursitaires (art. XX.82 CDE).

En résumé, c’est le système que le droit belge appliquait jusqu’à présent (et applique encore en partie, voir infra) et qui se caractérise par un vote de tous les créanciers, indépendamment de la nature et de l’ampleur de leurs créances respectives.

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Ce dernier point n’est cependant pas conforme à la directive 2019/1023, qui prescrit que le vote doit avoir lieu en classes de créanciers.

Cela s’applique en tout état de cause aux grandes entreprises, à savoir les sociétés, associations ou fondations qui dépassent un ou plusieurs des critères suivants pendant deux exercices consécutifs : (i) une moyenne annuelle de 250 travailleurs, (ii) un chiffre d’affaires annuel hors TVA de 40 000 000,00 EUR et/ou (iii) un total du bilan de 20 000 000,00 EUR.

La directive permet aux États membres de déroger à cette règle pour les micro, petites et moyennes entreprises (ci-après «  PME  »). Le législateur belge utilise cette possibilité, ce qui fait que la loi prévoit des régimes différents pour les PME, d’une part, et pour les grandes entreprises, d’autre part. Nous approfondirons ci-dessous les particularités de ces deux régimes.

Aussi bien pour les PME que pour les grandes entreprises, le tribunal de l’entreprise peut, à la demande de toute partie intéressée, nommer un praticien de la réorganisation pour assister le débiteur et les créanciers dans la négociation et la rédaction d’un plan de réorganisation (art. XX.49/2 CDE).

D.3.i PME

16. Peu de choses changent pour les PME par rapport aux grandes entreprises. Dans l’ensemble, le système actuel est préservé. Quelques nouveautés peuvent néanmoins être évoquées :

• Règlement immédiat des créances d’un montant nominalement minime (art. XX.72 CDE) : Jusqu’à présent, toutes les créances sursitaires devaient être reprises dans le plan de réorganisation. La loi prévoit une exception pour les créances d’un montant nominalement minime dont l’inclusion dans le plan constituerait une charge administrative et financière

injustifiable. De telles créances peuvent, moyennant motivation, être traitées hors plan et réglées immédiatement.

• Dépôt du plan de réorganisation par le débiteur, l’administrateur provisoire ou le praticien de la réorganisation (art. XX.77, § 1 er CDE) : Avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, seul le débiteur pouvait déposer le plan de réorganisation, ce qui devait se faire au moins vingt jours avant l’audience au cours de laquelle le vote avait lieu. La loi permet maintenant également à l’administrateur provisoire ou au praticien de la réorganisation (moyennant l’accord du débiteur, voir cependant le point suivant) de déposer le plan de réorganisation.

• Dépôt du plan de réorganisation sans le consentement du débiteur (art. XX.77, § 2 CDE) : Le praticien de la réorganisation ne pourra déposer le plan de réorganisation qu’avec le consentement du débiteur.

Si le débiteur refuse de donner son consentement, le praticien de la réorganisation peut demander au tribunal de l’entreprise de passer outre ce refus. Le tribunal de l’entreprise pourra prendre une décision équipollente à un consentement s’il constate que le refus opposé par le débiteur est dépourvu de motifs raisonnables.

17. Il est intéressant de noter que les PME peuvent opter pour le régime plus complexe instauré pour les grandes entreprises (art. XX.83/1 CDE). Le cas échéant, cela doit être mentionné dans la demande d’ouverture de la procédure de réorganisation judiciaire (art. XX.41 CDE). Il est peu probable que les PME soient nombreuses à recourir à ce système.

D.3.ii Grandes entreprises

18. Outre les modifications discutées ci-dessus concernant les PME, la loi contient aussi de nouvelles règles pour les grandes

entreprises, respectivement aux articles XX.83/6 et XX.83/11, §1 er et §2 du CDE. Ces changements sont limités comparé aux nouvelles modalités de vote du plan de réorganisation par les créanciers dans les grandes entreprises. Les principales modifications prévues dans la loi à cet égard sont les suivantes :

• Regroupement en classes (art. XX.83/9 CDE) : Les créanciers seront regroupés en classes pour le vote du plan de réorganisation. La loi énonce le critère de distinction suivant : si les droits que les créanciers pourraient recevoir en cas de liquidation, ou sur la base de l’accord, diffèrent à un point tel qu’il ne peut être question de position comparable, les créanciers doivent être regroupés dans des classes distinctes.

En tout état de cause, il faut établir une distinction entre les créanciers extraordinaires, par exemple les créanciers hypothécaires, et les créanciers ordinaires (ou chirographaires).

• Détenteurs de capital informés (art. XX.83/11, § 4 CDE) : Les détenteurs de capital pourront désormais intervenir au niveau du vote du plan de réorganisation lorsque leurs intérêts sont affectés.

• Vote par classes (art. XX.83/14 CDE) : Le plan de réorganisation est tenu pour approuvé par une classe de créanciers ou détenteurs de capital si les créanciers ou détenteurs de capital représentant la moitié des créances en principal et des intérêts l’approuvent. Le nombre de créanciers votant en faveur du plan n’a pas d’importance en soi. Le but n’est pas de « compter des têtes ».

Les créances et les intérêts de ceux qui ne participent pas au vote ne sont pas pris en compte.

• Critère du meilleur intérêt des créanciers (art. XX.83/17 CDE) : s’il y a des créanciers dissidents, le tribunal doit examiner si le critère

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de l’intérêt des créanciers a été respecté. Ce sera le cas si aucun créancier dissident ne se trouve dans une situation moins favorable du fait du plan de réorganisation que celle qu’il connaîtrait si une procédure normale de faillite ou de liquidation forcée était suivie pour partager la valeur de liquidation (estimée) de l’entreprise.

• Application forcée interclasse (art. XX.83/18 CDE) : si une ou plusieurs classes de créanciers n’approuvent pas le plan, les juges ont la possibilité de passer outre ce vote négatif et d’homologuer malgré tout le plan, à condition qu’ils parviennent au constat qu’il est dans l’intérêt des créanciers que le plan soit approuvé.

Le tribunal ne peut cependant pas purement et simplement faire

l’impasse sur une classe dissidente. Cette application forcée est soumise à des critères d’homologation supplémentaires :

– Premièrement, le plan doit avoir été approuvé par la majorité des classes, avec au moins une classe « supérieure » de créanciers ayant voté en sa faveur. S’il n’y a que deux classes, il est évident qu’au moins une classe doit avoir voté en faveur du plan.

– Deuxièmement, il convient de vérifier que la classe dissidente n’est pas lésée. Selon l’Exposé des motifs du projet de loi, cela doit se faire sur la base de la règle de priorité absolue (« absolute priority rule »). Il convient donc de respecter l’ordre de priorité qui s’appliquerait en cas de faillite ou de liquidation forcée. Une classe dissidente doit être complètement indemnisée avant

qu’une classe de rang inférieur puisse avoir droit à un dividende. Contrairement à ce qui est fait lors de l’application du critère du meilleur intérêt des créanciers, basé sur la valeur de liquidation estimée (voir ci-dessus, art. XX.83/17 CDE), cette appréciation doit être réalisée sur la base de l’estimation de la valeur de réorganisation de l’entreprise.

– Troisièmement, aucune classe ne peut recevoir ou conserver plus que le montant complet de ses créances ou intérêts.

Il est évident que ce nouveau système est beaucoup plus complexe que le régime actuel. Il ne reste donc plus qu’à voir comment ces nouveaux principes seront appliqués dans la pratique. Il semble d’emblée que les parties auront matière à discussion. Ce n’est pas pour rien

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que l’Exposé des motifs mentionne déjà qu’il « convient d’accorder largement la préférence au fait que les parties négocient un plan dans le contexte (du contrôle de l’intérêt des créanciers et) de la règle de priorité absolue (basée sur une évaluation brute de la condition de liquidation et de réorganisation de l’entreprise), de sorte que le plan reçoive l’accord de toutes les classes et que l’application forcée interclasse et l’exercice d’évaluation y afférent (réalisé ou non par l’auteur du plan même, par le praticien de la réorganisation ou par les experts en évaluation externes) soient nécessaires dans la moindre mesure possible. »

D.4. Le transfert sous autorité judiciaire

19. La troisième forme de réorganisation judiciaire prévue par la loi actuelle est la plus étendue : le transfert sous autorité de justice de tout ou partie des activités du débiteur (art. XX.84 CDE). Ce transfert est organisé et réalisé par un mandataire de justice désigné par le tribunal de l’entreprise (art. XX.85 CDE).

Dans la grande majorité des cas, l’entreprise cédante est déclarée en faillite ou en liquidation déficitaire après le transfert. Néanmoins, en l’état actuel du droit, le transfert sous autorité de justice était également une procédure visant à maintenir la continuité de l’entreprise. Cette finalité est modifiée. Le transfert sous autorité de justice est transformé en procédure de liquidation dans le but de transférer les actifs ou les activités d’une entreprise en voie de faillite, et ce, afin de maximiser le produit de la vente pour les créanciers.

Le transfert en soi reste en grande partie le même, sauf que le tribunal ne nommera plus un mandataire de justice, mais un praticien de la liquidation.

La grande nouveauté réside dans ce qui se passe après le transfert. Le

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nouvel article XX.93/1 du CDE oblige en effet le tribunal à convoquer le débiteur pour déclarer sa faillite ou sa liquidation. La continuité n’est donc plus une option. En règle générale, le praticien de la liquidation qui a agi pendant la réorganisation sera nommé curateur dans une faillite subséquente, ou liquidateur dans le cas d’une liquidation judiciaire.

20. Cette modification de la loi a été inspirée par la jurisprudence Plessers de la Cour de justice, selon laquelle la CCT n°32 bis s’applique à un transfert sous autorité judiciaire. En conséquence, jusqu’à présent, il était interdit au cessionnaire de choisir parmi les travailleurs du débiteur ceux qu’il souhaite reprendre ou non. Tous les travailleurs devaient être repris. Il est évident que cela pouvait rebuter les cessionnaires potentiels.

En transformant le transfert sous autorité judiciaire en une procédure de liquidation, ce qui fait que la procédure relève de l’exception prévue à l’article 5 de la directive 2001/23/ CE 5 , le législateur offre aux cessionnaires intéressés la possibilité de choisir les travailleurs qu’ils reprennent. Bien entendu, ce choix devra être motivé par des critères techniques, économiques et organisationnels et sans différenciation interdite (art. XX.86, § 3 CDE).

E. L’accord amiable et collectif en variante privée

21. L’ouverture de la procédure de réorganisation judiciaire est publiée au Moniteur belge et apparaît dans la Banque-Carrefour des Entreprises. En raison de cette publicité négative, de nombreuses entreprises hésitent (trop longtemps) à franchir le pas. Le législateur a voulu y remédier en introduisant deux variantes privées : l’accord amiable privé et l’accord collectif privé (art. XX.83/22 CDE).

22. Avec l’assistance d’un praticien de la réorganisation, désigné par le tribunal, le débiteur peut négocier soit un accord amiable, soit un plan de réorganisation. Le débiteur choisit lui-même les créanciers qu’il souhaite impliquer (art. XX.82/33, § 1 er CDE).

Pour la réorganisation judiciaire privée par accord collectif, il convient dès lors de noter ceci : la variante publique déjà existante exige que tous les créanciers soient impliqués et puissent participer au vote sur le plan de réorganisation.

Les décisions relatives à la procédure ne sont pas publiées. Les données conservées dans RegSol – Registres centraux de Solvabilité et de Règlement Collectif des Dettes – sont confidentielles et ne sont visibles que par les parties concernées (art. XX.83/22, § 1 er CDE). Ainsi, les créanciers non impliqués ne seront pas informés de la procédure. Rien ne change donc pour eux. Aucune suspension ne peut leur être imposée. Le tribunal peut, à la demande du praticien de la réorganisation, imposer une suspension d’une durée maximale de quatre mois aux créanciers impliqués dans la procédure, s’il l’estime nécessaire (art. XX.83/24 CDE).

Pour que l’accord amiable ou collectif devienne exécutoire pour les créanciers concernés, celui-ci doit être homologué par le tribunal (art. XX.83/30 CDE et art. XX.83/35 CDE). Contrairement aux procédures publiques, la décision d’homologation n’est pas non plus publiée.

23. Comme toujours, il ne reste plus qu’à attendre de voir si ces procédures rencontreront un réel succès. Le caractère confidentiel des procédures est indéniablement un atout majeur. Les entreprises en difficulté ont donc tout à gagner à envisager cette piste.

F. La faillite silencieuse (le pre-pack)

24. L’introduction de la faillite silencieuse était déjà prévue lors de l’entrée en vigueur du Livre XX du CDE en 2017, mais n’avait finalement pas eu lieu. La loi remet la faillite silencieuse, également appelée procédure de préparation privée d’une faillite ou pre-pack, à l’ordre du jour.

25. Une entreprise qui s’estime en état de faillite peut déposer une requête demandant à être déclarée comme telle après avoir eu la possibilité de préparer, en privé, le transfert de tout ou partie de ses actifs et de ses activités (art. XX.97/1, § 1 er CDE).

Dans sa requête, l’entreprise doit démontrer que ce mode préparatoire de la faillite (i) facilite sa liquidation en permettant d’obtenir le paiement le plus élevé possible à l’ensemble des créanciers et (ii) sauvegarde ainsi autant que possible l’emploi (art. XX.97/1, § 3 CDE). Le législateur veut ainsi que l’on puisse parvenir à une situation gagnant-gagnant par le biais d’un transfert en continuité d’exploitation par rapport à la faillite traditionnelle, qui est immédiatement déclarée et publiée (avec toutes les conséquences négatives que cela implique).

26. Deux nouveaux praticiens de la liquidation sont introduits pour cette nouvelle procédure : le « curateur potentiel » et le « juge-commissaire potentiel » (art. XX.97/2 CDE). Ils seront nommés pour une durée maximale de 30 jours, renouvelable pour une autre durée maximale de 30 jours.

Le curateur potentiel évaluera si l’objectif proposé par l’entreprise est réalisable. Il doit être impliqué dans la préparation de la faillite, en veillant aux intérêts des créanciers. Ainsi, bien que l’entreprise conserve le contrôle de ses actifs,

5 Directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements.

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elle est soumise à la surveillance du curateur potentiel avec lequel elle devra coopérer activement pour réaliser le transfert envisagé dans le délai prescrit, qui est de toute façon court.

27. La faillite silencieuse reste un préparatif. Le transfert n’aura lieu qu’après la déclaration de faillite et sera alors examiné par le tribunal selon les règles classiques de la faillite.

Il n’y a pas de suspension comme c’est le cas dans une réorganisation judiciaire. Les créanciers, le ministère public et le curateur de la procédure principale dans le cas d’une procédure d’insolvabilité territoriale peuvent toujours délivrer une assignation en faillite. L’entreprise ellemême peut également demander au tribunal de déclarer la faillite à tout moment, tout comme le curateur potentiel peut demander au tribunal d’arrêter la préparation de la faillite (art. XX.97/25 CDE).

G. Effacement automatique pour le failli-personne physique

28. Le failli-personne physique pourra dorénavant être libéré automatiquement du solde de ses dettes lors de la clôture de la faillite, sans qu’il doive introduire une requête formelle à cette fin (art. XX.171 CDE et art. XX.173, § 1 er CDE).

Si le débiteur a commis des fautes graves et caractérisées qui ont contribué à la faillite, ou a délibérément omis de fournir des informations, ou a fourni des informations incorrectes en réponse aux demandes du curateur ou du juge-commissaire, tout intéressé peut, par requête, demander que l’effacement soit partiellement ou totalement refusé (art. XX.173, § 3 CDE).

H. Conclusion

29. La transposition de la directive 2019/1023 redessine le Livre XX

du CDE. La première impression que nous font les modifications est globalement positive. Les nouvelles possibilités consistant à pouvoir prendre des actions en toute discrétion sont prometteuses. Le changement au niveau de la nature du transfert sous autorité judiciaire et la suppression de l’obligation pour le failli-personne physique d’introduire une demande formelle d’effacement du solde des dettes peuvent être applaudis.

Il n’est cependant pas certain que les nouvelles règles relatives à la réorganisation judiciaire par accord collectif pour les grandes entreprises atteignent leur but. C’est une bonne chose que le législateur belge ait ménagé les PME à cet égard.

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« La poursuite d’une situation bénéfique pour tous grâce à la revue qualité »

La revue qualité effectuée par l’ITAA auprès des experts-comptables certifiés et des conseillers fiscaux certifiés est une obligation légale. Pour les experts-comptables (fiscalistes), cette obligation s'applique à partir du 1er octobre 2024. Malheureusement, il subsiste souvent des malentendus quant à sa conception exacte. La revue est un moyen d’améliorer le fonctionnement, et non de sanctionner. La résolution des points à améliorer au travail est un excellent moyen d’optimiser les prestations de services, ce qui est bénéfique pour tout le monde. Deux rapporteurs expérimentés, Frédéric Callens de Waterloo et Ivan Budts d’Anvers, expliquent le pourquoi et le comment à travers quatre questions.

Que vérifie-t-on au juste ?

« Une première partie concerne les procédures qui existent dans un cabinet », explique Frédéric Callens. « Sont-elles suffisamment développées et/ou rédigées ? Un deuxième aspect a trait à certains points d’attention administratifs du professionnel : est-il en ordre en matière d’assurance ’responsabilité professionnelle’, une formation continue suffisante a-t-elle été suivie, etc. Le troisième et dernier volet concerne la manière dont ces procédures sont suivies dans des cas concrets ».

« Une distinction importante réside dans le fait qu’il n’y a pas d’examen substantiel des dossiers », ajoute Ivan Budts. « Nous n’examinons pas les conseils donnés au client, mais uniquement l’aspect organisationnel : les documents ont-ils été suffisamment vérifiés, les comptes annuels ont-ils été déposés à temps, … ».

Combien de temps prend environ la réalisation d’une telle revue ?

Devenir rapporteur ?

Une bonne idée !

« Les nombreux contacts avec les consœurs/confrères génèrent toujours une interaction intéressante », affirme Ivan Budts. « En même temps, vous apportez une contribution à cette consœur/ce confrère et à notre profession. »

« L’échange apporte toujours une plus-value », convient Frédéric Callens. « Pour tout le monde, d’ailleurs ». « Autre avantage non négligeable : grâce à ces revues, vous êtes parfaitement au courant des dernières évolutions de notre profession ».

Vous souhaitez devenir rapporteur ? Contactez-nous via info.quality@itaa.be

un co-rapporteur, ce qui rend la situation plus facile à gérer ».

Tout le monde est-il revu de la même manière ?

« Oui et non », répond Frédéric Callens. « L’approche est la même pour tout le monde. Tout comme les questions qui sont posées, à l’exception de celles qui ne sont pas pertinentes pour certains membres. Si vous n’avez pas de collaborateurs, votre situation est totalement différente de celui qui en a et qui doit penser à la gestion du personnel. Evidemment, certains points sont identiques : les obligations en matière de lutte contre le blanchiment d’argent s’appliquent désormais à chacun ».

Quelles sont vos observations en tant que rapporteur ?

« Cela dépend beaucoup des circonstances », répond Frédéric Callens. « Normalement, une revue prend entre six et huit heures. S’il y a une bonne préparation, cela va plus vite. Dans le cas contraire, il faut compter un peu plus de temps ».

« En effet, je considère aussi qu’une revue prend entre une demi-journée et une journée entière », ajoute Ivan Budts. « Lorsqu’il s’agit de grands cabinets, on fait également appel à

« J’ai effectué une quarantaine de revues qui se sont révélées globalement positives », explique Ivan Budts. « Mais je m’attendais à autre chose et je redoutais un accueil hostile. Il m’arrive de déceler une certaine nervosité chez les professionnels lors d’une revue, mais je les mets à l’aise. Très souvent, ils sont même heureux et reconnaissants par la suite. Après tout, l’amélioration du travail est bénéfique pour tous ».

Michaël Vandamme

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Les non-médecins désormais admis dans les sociétés de médecins !

Les médecins exercent souvent leur activité professionnelle au sein d’une société, ce qui implique évidemment de nombreux avantages. Toutefois, ils doivent également respecter certaines règles de déontologie. Par exemple, les non-médecins ne peuvent pas – à moins de satisfaire à des conditions strictes – être actionnaires d’une société de médecins. L’Ordre des médecins a cependant assoupli sa position fin 2022. Quelles sont les répercussions pour vous en tant que médecin et pour votre société ? En voici un aperçu.

Quelle était la situation antérieure ?

L’Ordre des médecins affichait une position conservatrice concernant les personnes autorisées à fonder une société de médecins. Les actions ne pouvaient être détenues que par un ou plusieurs actionnaires exerçant la profession de médecin. Le praticien devait, en outre, détenir les actions en pleine propriété. En principe, les non-médecins, comme les enfants ou les conjoints et conjointes, n’étaient pas admis dans une société de médecins.

Une certaine tolérance était néanmoins appliquée dans le cadre de la planification successorale. L’Ordre acceptait, dans des conditions strictes, que les actions d’une société de médecins soient démembrées en nue-propriété et en usufruit, moyennant la mention des garanties nécessaires dans les statuts.

Concrètement, le médecin devait prouver, sur la base des statuts, que les conditions suivantes étaient cumulativement remplies :

• l’usufruitier est toujours un médecin ;

• le nu-propriétaire est une personne physique ;

• toute ingérence de non-médecins dans l’exercice de la médecine et de la profession médicale est interdite ;

• les droits sociaux appartiennent exclusivement à l’usufruitier ;

• le nu-propriétaire est nommément désigné dans les statuts ;

• si l’usufruitier et le nu-propriétaire souhaitent mettre fin au démembrement, la pleine propriété ne peut aller qu’au médecin-usufruitier ;

• si, en raison du décès de l’usufruitier, le nu-propriétaire acquiert la pleine propriété, il doit sans délai céder les actions à un médecin ou modifier l’objet de la société.

L’Ordre décidait ensuite au cas par cas si la cession pouvait avoir lieu ou non. Les conditions rendaient la planification successorale avec une société de médecins (plus) complexe.

L’apport d’actions d’une société de médecins dans un patrimoine

conjugal commun (interne adjoint) était également possible. Dans ce cas aussi, les statuts devaient bien entendu prévoir les garanties nécessaires.

Changement de position

Depuis la parution d’un nouveau code de déontologie en 2018 et d’un avis fin 2022, les actionnaires d’une société de médecins ne doivent plus être exclusivement des médecins.

D’un point de vue déontologique, il est donc autorisé que votre conjoint ou conjointe ou vos enfants deviennent coactionnaires de votre société de médecins. Par ailleurs, des médecins de spécialités différentes peuvent désormais collaborer au sein d’une même société.

Attention toutefois à ce que l’objet et la forme de la collaboration respectent toujours les règles de déontologie. La participation d’un non-médecin dans une société de médecins (par exemple, dans le cadre d’une planification successorale) ne peut nuire au bon exercice et à l’intégrité de la profession médicale ni constituer une ingérence dans la profession de médecin. Enfin, le respect de la déontologie médicale, notamment de l’indépendance professionnelle du médecin, doit rester garanti.

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Un non-médecin peut désormais également devenir (plein) propriétaire d’actions d’une société de médecins. Cette possibilité ouvre de nouvelles perspectives dans le cadre de la planification successorale ou de la levée de capitaux externes.

Porte ouverte à un nouveau monde

Le changement de position de l’Ordre ouvre de nouvelles perspectives à bien des égards. Il peut ainsi être envisagé de faire appel à des investisseurs externes pour la fondation d’une société de médecins, par exemple dans le cadre du financement d’un centre médical. La planification successorale d’un médecin en est aussi grandement simplifiée.

Il n’est pas encore clairement établi si la participation de non-médecins dans une société de médecins est soumise à certaines restrictions. Le non-médecin peut-il détenir en pleine propriété la quasi-totalité des actions ? Ou le médecin doit-il toujours posséder la majorité des actions ? Suffit-il que le médecin détienne la majorité des voix à l’assemblée générale ? Ou faut-il uniquement que le médecin soit administrateur de la société ? Toutes ces questions doivent encore être clarifiées.

Quoi qu’il en soit, nous vous recommandons de revoir vos anciennes planifications successorales et, si nécessaire, de les simplifier ou de les adapter. C’est l’occasion idéale de réexaminer les statuts de votre société de médecins, qui mentionnent souvent explicitement les conditions cumulatives précitées (désignation nominative des nus-propriétaires). Dans de nombreux cas, les statuts doivent d’ailleurs être mis à jour avant le 1er janvier 2024 à la suite de l’entrée en vigueur du Code des sociétés et des associations.

Conclusion

Un non-médecin peut désormais également devenir (plein) propriétaire d’actions d’une société de médecins. Cette possibilité ouvre de nouvelles perspectives dans le cadre de la planification successorale ou de la levée de capitaux externes. Bien entendu, la déontologie médicale et, en particulier, l’indépendance professionnelle du médecin, doivent toujours être respectées !

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iStockphoto.com/Chris Ryan

Quelles sont les règles de déontologie dans d’autres professions libérales ?

Un non-médecin peut désormais également devenir (plein) propriétaire d’actions d’une société de médecins. Cette possibilité ouvre de nouvelles perspectives dans le cadre de la planification

successorale ou de la levée de capitaux externes. Mais qu’en est-il dans d’autres professions libérales ?

Nous vous résumons ci-dessous les règles de déontologie de quelques autres professions libérales.

Soyons clairs, toutes les professions libérales ont leurs propres règles. La prudence est donc de mise lors de la cession d’actions.

L’Ordredes pharmaciens indique qu’il n’y a pas de restriction concernant la participation dans une société de pharmaciens. De même, aucune approbation préalable n’est nécessaire pour la cession d’actions. Les non-pharmaciens sont donc admis, que ce soit en qualité d’actionnaire ou d’administrateur.

Unnon-notaire ne peut être ni actionnaire ni administrateur d’une société professionnelle de notaires.

Pharmaciens

Notaires

Architectes

Dentistes

Psychologues

Sur le plan déontologique, les sociétés de dentistes ne sont soumises à aucune obligation légale. En d’autres termes, un non-dentiste peut être associé ou administrateur d’une société qui propose des soins dentaires.

Ilexiste deux types de sociétés d’architectes : la société d’architectes ordinaire et l’architecte-personne morale inscrite au tableau de l’Ordre des architectes.

Une société d’architectes ordinaire n’est pas habilitée à exercer la profession d’architecte. Cependant, les architectes associés peuvent exercer leur profession en leur nom propre, mais pour le compte de cette

société. La société d’architectes ordinaire n’est soumise à aucune exigence légale en matière d’administration ou de participation.

Concernant la société d’architectes inscrite au tableau, il existe des exigences légales tant en matière d’administration que de participation. Conformément à l’article 2, § 2, 1°, de la loi du 20 février 1939 sur la protection du titre et de la profession

d’architecte, la société est gérée par un ou plusieurs administrateurs qui sont des personnes physiques habilitées à exercer la profession d’architecte et inscrites à un des tableaux de l’Ordre des architectes.

Cette même loi impose, en outre, qu’au moins 60 % des actions ainsi que des droits de vote soient en tout temps détenus, directement ou indirectement, par des personnes

physiques qui sont, d’une part, inscrites à un des tableaux de l’Ordre des architectes et, d’autre part, habilitées à exercer la profession d’architecte.

Les autres actions peuvent uniquement être détenues par des personnes physiques et/ou morales qui exercent une profession n’étant pas incompatible avec celle d’architecte et qui sont signalées au conseil de l’Ordre des architectes.

La Commission des psychologues n’impose aucune exigence spécifique concernant la participation ou le droit de vote dans une société. Il va de soi que le code de déontologie des psychologues doit néanmoins toujours être respecté. Le secret professionnel doit ainsi être, en tout temps, garanti.

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