ITAA-Zine | Numéro 3 - Avril 2022

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Édition mensuelle – Bureau de dépôt Gent X – P409030

Le rôle de l’expertcomptable dans la publication d’informations en matière de durabilité

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Le 21 avril 2021, la Commission européenne a publié la proposition de directive sur la publication d’informations en matière de durabilité (CSRD, pour Corporate Sustainability Reporting Directive). Cette directive est une mise à jour de la directive sur la publication d’informations non financières (directive 2014/95/UE) qui, depuis 2017, oblige les grandes entités d’intérêt public (telles que les sociétés cotées en bourse, les banques et les compagnies d’assurance) de toute l’Union européenne (UE) à publier un rapport non financier. Le champ d’application de la nouvelle proposition de directive est considérablement élargi.


Colophon Le rôle de l’expert-comptable dans la publication d’informations en matière de durabilité. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Traitement fiscal des pertes professionnelles étrangères (partie 1) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Visite de l’huissier pour une dette impayée. Comment se calcule la prescription ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

ITAA-zine Magazine mensuel de l’ITAA (ne paraît pas en janvier et en juillet) N° 3/2022 ADMINISTRATION ET RÉDACTION ITAA, Boulevard Emile Jacqmain 135/2, B-1000 Bruxelles Tél. : +32 2 240 00 00 E-mail : info@itaa.be COORDINATION DE LA RÉDACTION Stéphane De Bremaeker (NL) – stephane.debremaeker@itaa.be Gaëtan Hanot (FR) - gaetan.hanot@itaa.be COMITÉ DE RÉDACTION Stéphane De Bremaeker, Gaëtan Hanot, Johan De Coster, Chantal Demoor, Nathalie Lambot, Carine Govaert, François Lezaack, Bart Van Coile (Président), Frédéric Delrue (Vice-Président), Eric Steghers IMAGES iStockphoto TRADUCTIONS IGTV, House of Words ÉDITEUR RESPONSABLE B. Van Coile, Boulevard Emile Jacqmain 135/2, B-1000 Bruxelles

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L’Institut des conseillers fiscaux et des experts-comptables (ICE) a été créé par la loi du 17 mars 2019. L’ICE se présente en tant qu’ITAA, et est le résultat d’une fusion entre l’IEC et l’IPCF. L’ITAA est géré par un Conseil et un Comité exécutif. Plus d’informations via : www.itaa.be.

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AVIS AUX LECTEURS Les auteurs, le comité de rédaction et l’éditeur veillent à la fiabilité des informations publiées, lesquelles ne pourraient toutefois engager leur responsabilité. Les articles représentent les points de vue et les opinions des auteurs et donc pas nécessairement ceux de l’Institut ou du comité de rédaction.

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3 E N T R E T I E N A V E C B A R T VA N C O I L E , P R É S I D E N T D E L’ I TA A ?

Le rôle de l’expert-comptable dans la publication d’informations en matière de durabilité

Le 21 avril 2021, la Commission européenne a publié la proposition de directive sur la publication ­d’informations en matière de durabilité (CSRD, pour Corporate Sustainability Reporting Directive). Cette directive est une mise à jour de la directive sur la publication d’informations non financières (directive 2014/95/UE) qui, depuis 2017, oblige les grandes entités d’intérêt public (telles que les sociétés cotées en bourse, les banques et les compagnies d’assurance) de toute l’Union européenne (UE) à publier un rapport non financier. Le champ d’application de la nouvelle proposition de directive est considérablement élargi. À l’avenir, toutes les grandes entreprises et toutes les sociétés dont les titres sont cotés sur un marché réglementé UE devront également appliquer les nouvelles normes UE relatives à la publication d’informations en matière de durabilité. Cette proposition s’inscrit dans le cadre du Pacte vert et vise à accroître la transparence en matière de durabilité. Les rapports en matière de durabilité sont alignés sur les rapports financiers. Les entreprises devront rendre compte de leurs performances au niveau financier et en matière de durabilité dans un rapport annuel intégral. Les changements s’appliqueront dès l’exercice commençant le 1er janvier 2023. À la lumière de ce plan ambitieux, Carine Coppens, responsable de la formation en gestion financière à la HOGENT, a interviewé Bart Van Coile, président de l’ITAA, sur ces avancements, le rôle que les experts-comptables jouent à cet égard et sur l’incidence de ces développements sur la profession.

La publication d’informations classique répond-elle encore

aujourd’hui aux attentes des parties prenantes ? Leur procure-t-elle une image suffisamment complète et fidèle ? Bart Van Coile: « Il faut remettre tout cela dans son contexte social. D’un point de vue juridique, la publication de données financières permet aujourd’hui d’avoir ce que nous appelons une image fidèle. La question que nous devons nous poser est plutôt la suivante : quelle

direction les entrepreneurs veulent-ils emprunter ? Il ne faut jamais oublier qu’un expert-comptable est au service de l’entrepreneur et, dans un contexte plus large, de l’intérêt social qu’il doit servir. Il était autrefois impensable que le bilan social fasse partie de cette image fidèle, alors que ce document est aujourd’hui obligatoire pour le dépôt de comptes annuels. Aujourd’hui, les parties prenantes reçoivent des informations sur l’emploi dans l’entreprise, sur la

Dans un entretien accordé par le Président de l’ITAA, Monsieur Bart Van Coile, à Madame Carine Coppens, responsable de la formation en gestion financière à la HOGENT, Bart Van Coile a insisté sur la notion de durabilité qui intervient dans la vie des entreprises et dans celle de leurs plus proches conseillers, les membres de l’ITAA. Cet interview s’adresse en premier lieu aux étudiants futurs experts-comptables ou conseillers fiscaux, mais également, à toute la profession, et particulièrement les stagiaires ITAA et aux jeunes dîplomés qui exercent déjà la profession, qu’ils soient externes ou internes. L’objectif est de les sensibiliser à cette notion de durabilité qui s’inscrit dans le Pacte vert pour l’Europe élaboré par la Commission européenne. Nous souhaitons à nos lecteurs une fructueuse lecture.

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4 proportion d’hommes et de femmes etc. Ces informations intéressent désormais les actionnaires. Ils ne veulent pas seulement connaître les chiffres, mais aussi ce qui se passe dans l’entreprise. On constate également que la lutte contre la fraude devient plus importante. Il suffit de penser à toutes les obligations imposées par la loi anti-blanchiment. Dans chaque bureau, mais aussi sur le site web de l’ITAA, il existe un point de lancement d’alerte où chacun peut communiquer un problème au sein d’une entreprise concernant le rôle et/ou le travail de l’expert-comptable. Cet intérêt public pour la durabilité est croissant, sans faire encore l’objet d’obligations légales. Des mesures en faveur de la durabilité sont toutefois lentement adoptées. »

Que pensez-vous de cette phrase : « Le développement durable demeure un angle mort pour les experts-comptables en Belgique en 2021 » ? En d’autres termes, dans quelle mesure les experts-comptables se mettent-ils déjà à la publication d’informations en matière de durabilité ? « On sent bien qu’il y a une demande de la part de certains entrepreneurs, même s’ils sont encore minoritaires. Du côté de la société, par contre, il y a clairement une demande à cet égard. Mais nous savons que la réglementation a toujours un certain retard par rapport aux évolutions sociales. Néanmoins, si vous me demandez s’il y a un angle mort dans la profession... eh bien oui, indubitablement. Nous observons l’évolution de la société, et voyons au sein d’Accountancy Europe que le rapport intégré fait l’objet de débats dans le cadre du Pacte vert. L’EFRAG a par exemple été chargée d’élaborer des normes en la matière. La question débattue à cet égard est la suivante : combien d’entreprises seront soumises à cette obligation ? À mon avis, la CSRD sera opérationnelle d’ici 2024-2025. Cette directive s’appliquera alors à quelques 49 000 entreprises en Europe. Cela montre clairement qu’un mouvement a été amorcé. La réglementation que les experts-comptables doivent prendre en compte est déjà si étendue aujourd’hui que nombre d’entre eux ne réagiront

que lorsqu’un cadre légal sera mis en place. »

obligés d’accorder plus d’attention à la durabilité. »

De quel œil les experts-comptables voient-ils la publication d’informations en matière de durabilité ?

Pouvez-vous décrire ce dont les cabinets auront besoin, par exemple en termes de formation et de logiciels ?

« Il y a ceux qui vont immédiatement s’y mettre, et d’autres qui seront moins enthousiastes. Il faut savoir que chaque expert-comptable est conscient de son rôle social, et comprend clairement qu’il doit aider les entrepreneurs. Si la demande de publication d’informations en matière de durabilité augmente, que ce soit de la part des autorités ou des entreprises, l’expert-comptable sera heureux d’y répondre. »

L’expert-comptable peut-il jouer un rôle important à cet égard en tant que conseiller ? « Certainement. C’est déjà le cas aujourd’hui. Si un entrepreneur veut réaliser quelque chose aujourd’hui, il lui faut obtenir de nombreuses autorisations et introduire diverses autres demandes, notamment des permis d’environnement. Il s’adressera aussi d’abord à son expert-comptable pour toutes ces questions. L’expert-comptable devient le coach qui veille à ce que toutes les parties compétentes soient contactées pour que cette autorisation soit délivrée. D’autres parties devront fournir ces informations dans un rapport d’activité. Nous regrouperons également toutes les attestations dont nous avons besoin. Les experts-comptables sont les meilleurs conseillers dans ce domaine. »

Constatez-vous une différence de mentalité entre les jeunes experts-comptables et ceux qui sont plus expérimentés ? Comment cela se manifeste-t-il ? « Nous observons en effet cette différence au sein des cabinets aujourd’hui. Les jeunes sont nettement plus sensibles aux questions de durabilité. Mais il n’y a pas qu’eux qui doivent se retrousser les manches. Il s’agit d’une évolution sociale à laquelle nous devons tous prêter attention. Nous voulons tous le meilleur pour notre planète, n’est-ce pas ? Si nous souhaitons attirer des jeunes collaborateurs, nous serons bien

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« Tout d’abord, il faut qu’une norme ou un standard spécifique soit mis en place. Au sein de l’ITAA, on entend par norme quelque chose que les membres ont l’obligation de mettre en œuvre. Une norme est approuvée par le Conseil supérieur des Professions économiques. Comme celle-ci sera également applicable aux réviseurs d’entreprises, il y aura une consultation publique et le ministre devra donner son approbation. Une fois que cette norme sera en place, il faudra organiser de nombreuses formations. Cela doit commencer par un processus de sensibilisation soulignant l’importance de la norme et donnant des garanties concernant les objectifs communs. Un exemple clair : si une personne A procure un certificat de prestation énergétique d’un logement, sommes-nous certain qu’il corresponde à l’attestation établie par la personne B ? Un expert-comptable doit en être sûr avant d’affirmer qu’une garantie peut être offerte au grand public. Selon mon expérience personnelle, certaines attestations offrent encore très peu de certitudes. C’est pourtant une condition sine qua non pour un bon rapport durable. Si une profession requiert d’étudier en permanence, c’est bien celle d’expert-comptable. Nous suivons ainsi les évolutions de la société et c’est extrêmement enrichissant. »

Quel rôle joueront, selon vous, les établissements d’enseignement ? « Une bonne coopération entre l’enseignement et les praticiens constitue indubitablement une valeur ajoutée. Le sujet s’inscrit dans un cadre plus large : il s’agit en effet de questions à propos desquelles aucun expert-comptable n’a reçu de formation, pas même ceux qui obtiennent leur diplôme aujourd’hui. Cette vue d’ensemble doit être fournie par l’enseignement. La coopération est essentielle à cet égard. »


5 Comment les experts-comptables belges peuvent-ils se préparer à ces évolutions ? « Comme je l’ai dit précédemment, il faut d’abord miser sur la sensibilisation. Accountancy Europe est déjà très enthousiaste. Il appartient aux instituts nationaux et aux associations professionnelles de poursuivre dans cette voie. Les experts-comptables qui sont déjà sur le terrain doivent suivre des cours. Entre les deux, il faut prévoir des moments clairs pour nous concerter sur le chemin parcouru dans le cadre prédéfini. Il faut du temps pour qu’une idée soit fortement assimilée. »

De nombreux rapports de durabilité sont-ils déjà élaborés aujourd’hui avec l’aide d’experts-comptables ? « Les experts-comptables ne sont impliqués que de manière sporadique. Plus dans le contexte d’un projet particulier que dans le cadre de rapports réguliers. Les personnes qui souhaitent vraiment un tel document sont souvent des entrepreneurs qui ont un lien avec un produit durable. Parmi les entrepreneurs “normaux”, surtout les PME, c’est encore l’exception plutôt que la règle. »

Dans quelle mesure les cadres existants (comme GRI, IIRC, SDG’s) constituent-ils un guide en la matière ? « Toutes ces normes émanent d’organisations privées. Dans ces normes individuelles transparaît souvent la prédominance d’un certain groupe de pression. Nous ne disposons pas, aujourd’hui, de norme européenne ni internationale indépendante. C’est souhaitable si l’on veut, de manière très objective, donner à chaque entrepreneur un signal clair. Pour faire une comparaison : si demain vous vous rendez dans un magasin, que vous prenez un produit dans les rayons et qu’un logo de durabilité figure à l’arrière, il vous est impossible, en tant que consommateur, de savoir à 100 % ce que ce logo signifie. Il faut aussi aux experts-comptables un code, un cadre, qui leur donne clairement le fin mot de l’histoire lorsqu’ils comparent A et B. Aujourd’hui, chacun établit ses propres

normes. Selon moi, ce n’est pas une bonne chose. Il est préférable de ne disposer que d’une seule norme, qui serve également l’intérêt général. »

Pensez-vous que l’on accorde moins d’attention au rapport intégré en Belgique qu’aux Pays-Bas ? « Je dois bien admettre qu’il y a des pays qui vont plus vite que la Belgique en la matière. Ce qui ne veut pas dire que nous ne pouvons pas combler ce retard. L’ITAA a lui aussi accordé relativement peu d’attention à la question. Il devrait certainement plus s’y consacrer. »

Suite à la mise en œuvre de la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité, les grandes entreprises seront légalement tenues de publier des informations non financières. De quel œil voyez-vous cette évolution ? « Au nom de l’Institut, nous sommes tous favorables à ce que des mesures supplémentaires soient adoptées en ce sens. Mais il nous faut un cadre. L’initiative que l’Europe a prise est certainement déjà un pas dans la bonne direction. Ce que nous voulons absolument éviter en tant qu’organisation, c’est l’enlisement dans un débat politique trop manichéen. »

Que pensez-vous d’une éventuelle mise en œuvre de cette directive au niveau des PME ? Quels avantages voyez-vous au fait que les PME publient des informations non financières ? « Il y a certainement des avantages, mais nous devons tenir compte du coût que cela implique. Prenons l’exemple d’un étudiant entrepreneur. Ça l’intéressait de gagner quelques milliers d’euros en plus. Mais voilà qu’on l’oblige déjà à établir un rapport de durabilité... Son enthousiasme s’estompera rapidement. À ce jour, je n’ai pas encore rencontré un seul entrepreneur qui m’ait dit qu’il était devenu entrepreneur parce qu’il avait pu publier un bilan social. N’oubliez pas non plus que la notion de PME est très large en Europe. Il est important de

prendre en considération la taille de l’entreprise. La barre au-dessus de laquelle il faut établir un rapport de durabilité doit-elle être identique pour toutes les PME ? Comparez cela au dépôt, où nous faisons quand même une distinction entre une petite, moyenne ou grande PME. »

Dans le cadre d’un rapport de durabilité, les PME publient par exemple des informations sur l’écologisation de leur parc automobile. Elles ne peuvent cependant pas en exprimer de manière mesurable l’incidence financière. Les experts-comptables peuvent-ils les aider ? « L’entrepreneur est libre. Ce n’est pas la tâche de l’expert-comptable d’aller au-delà de ce que la réglementation impose aujourd’hui. Gardons les pieds sur terre : les experts-comptables peuvent apporter leur pierre à l’édifice, prendre des initiatives et motiver. Mais seulement dans un cadre social qui n’est pas véritablement encore en place aujourd’hui. »

Avez-vous le sentiment que les clients insistent de plus en plus sur l’aspect durabilité ? « Cela dépend beaucoup d’un entrepreneur à l’autre. Tout dépend encore fortement de l’intérêt commercial des entrepreneurs. Ils prennent en considération le public qu’ils veulent atteindre. Ceux qui s’adressent à un public vert mettront davantage l’accent sur l’aspect durabilité dans leurs publications. »

Mot de la fin : « Les experts-­ comptables peuvent-ils sauver la planète ? » « Nous ne ferons pas baisser la température, même d’un petit degré, mais nous veillerons certainement à ce que les entrepreneurs assument leur responsabilité à cet égard. » Carine Coppens Responsable de la formation en gestion financière, HOGENT

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Traitement fiscal des pertes professionnelles étrangères (partie 1) Depuis l’exercice d’imposition 2021, les pertes professionnelles qu’une société belge a subies dans un établissement stable étranger ou qui sont inhérentes à des actifs situés à l’étranger dont la société dispose (par exemple un immeuble) ne sont plus déductibles de la base imposable à l’impôt des sociétés belge que si ces pertes (i) sont définitives et (ii) ont été subies dans un État membre de l’Espace économique européen 1 . Qui plus est – pour être et rester déductibles en Belgique – ces pertes ne peuvent plus être imputées sur des bénéfices locaux dans cet autre État. Cette nouvelle réglementation relative à la déductibilité des pertes étrangères fait partie de la troisième phase de la réforme de l’impôt des sociétés et est applicable aux pertes subies à partir de l’exercice d’imposition 2021 (se rattachant à des périodes imposables qui débutent à partir du 1 er janvier 2020). Un régime de transition spécifique est en outre prévu pour les pertes subies avant l’exercice d’imposition 2021. Plusieurs dispositions légales pertinentes concernant l’ordre des opérations et l’imputation des pertes 2,3 ont également été adaptées en 2021. À la suite de l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, le fisc a eu la bonne idée de publier la circulaire 2021/C/97 4 , laquelle contient plusieurs exemples pratiques que nous commenterons en détail dans la présente contribution.

1. Principe La base imposable d’une société résidente assujettie à l’impôt des sociétés 5 est avant toute déterminée sur la base de son résultat comptable (à savoir le bénéfice comptable 6). Ce résultat comprend donc également les bénéfices ou les pertes réalisés dans un établissement stable à l’étranger ou au moyen d’actifs situés à l’étranger (par exemple un immeuble loué) 7. La question se pose de savoir de quelle manière et dans quelle mesure des pertes étrangères peuvent être déduites de la base imposable belge, sachant que ces pertes peuvent encore être déduites localement (c’est-à-dire à l’étranger) d’éventuels bénéfices les années suivantes 8 . Le but ne peut pas être que les mêmes pertes soient déduites fiscalement à deux

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reprises, à savoir une première fois en Belgique et une deuxième fois à l’étranger.

2. Régime applicable jusqu’à l’exercice d’imposition 2020 inclus Jusqu’à l’exercice d’imposition 2020 inclus, une société belge pouvait déduire immédiatement de sa base imposable en Belgique les pertes professionnelles d’une année déterminée - subies dans un établissement stable étranger ou inhérentes à des actifs situés à l’étranger. Autrement dit, le résultat imposable du siège central belge pouvait être diminué des pertes étrangères de la même année 9 .

Art. 185, § 3 CIR 1992. Loi du 27 juin 2021 portant des dispositions fiscales diverses et modifiant la loi du 18 septembre 2017 relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l’utilisation des espèces, M.B. 30 juin 2021. Attention : la loi du 21 janvier 2022 portant des dispositions fiscales diverses, M.B. 28 janvier 2022, a entre-temps réécrit une nouvelle fois ces dispositions. Voir ci-après dans le présent article et dans un autre article à suivre dans une prochaine édition de l’ITAA-ZINE. Circ. 2021/C/97 relative au traitement fiscal des pertes professionnelles étrangères, 3 novembre 2021. Au sens de l’article 2, § 1er, 5°, b) CIR 1992. Voir art. 5, art. 24 et art. 183 CIR 1992. Les sociétés belges sont en effet imposables sur leur revenu mondial (voir art. 5 et art. 183 CIR 1992). Comme c’est le cas également pour un établissement stable belge avec des pertes reportées. Si cet établissement réalise à nouveau des bénéfices au cours d’une année ultérieure, les pertes reportées peuvent être déduites de ces bénéfices (la Belgique applique un régime de « carry-forward »). Voir également Q. n° 299 MATHEÏ 31 mars 2020, Q. & R., Chambre 2019-2020, n° 55/018, 14 mai 2020, 119-120.

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7 Les deux seules conditions étaient que (i) la Belgique ait conclu une convention préventive de la double imposition (« CPDI ») avec le pays en question et (ii) les pertes n’aient pas encore été imputées sur les bénéfices (passés ou futurs) de cet établissement stable ni déduites de ces bénéfices10 . Aussi longtemps que la société pouvait prouver que les pertes professionnelles subies dans un pays déterminé avec lequel la Belgique a conclu une CPDI n’avaient pas été déduites localement, ces pertes étrangères pouvaient toujours être déduites en Belgique. La société belge ne devait corriger sa base imposable belge que si les pertes professionnelles en question étaient par la suite imputées localement sur les bénéfices de l’établissement stable, et ce afin d’éviter une double récupération des pertes (le mécanisme dit de recapture). Concrètement, les pertes déduites antérieurement devaient être rajoutées au résultat imposable via le code 1485 de la déclaration à l’impôt des sociétés (voir également le point 6. « Exemples »).

3. Régime applicable aux pertes subies à partir de l’exercice d’imposition 2021 Le régime (libéral) avantageux susvisé a entre-temps été considérablement renforcé dans le cadre de la réforme de l’impôt des sociétés, afin de compenser l’impact budgétaire (négatif) de cette réforme fiscale 11 . Plus précisément : les pertes professionnelles subies dans des établissements stables étrangers ou inhérentes à des actifs situés à l’étranger dont la société dispose et dont les bénéfices sont en principe exonérés par la Belgique en application d’une CPDI sont exclues de la détermination de la base imposable en Belgique (ce qui signifie qu’elles ne sont pas déductibles fiscalement), sauf s’il s’agit de pertes professionnelles définitives subies dans un État membre de l’EEE12 13 .

La nouvelle réglementation s’applique aux pertes professionnelles subies à l’étranger à partir de l’exercice d’imposition 2021 (se rattachant à des exercices comptables qui débutent au plus tôt le 1er janvier 2020) et prévoit que seules les pertes « définitives » – également qualifiées de « pertes de cessation » – subies dans un autre État membre de l’Espace économique européen (EEE) peuvent être déduites de la base imposable à l’impôt des sociétés belge (c’est-à-dire au niveau du siège central) dans la période imposable où les pertes sont devenues « définitives » 14 . Autrement dit, la non-déductibilité des pertes étrangères sera désormais la règle, avec une exception pour les « pertes de cessation » subies au sein de l’EEE. Concrètement, les règles renforcées d’imputation des pertes impliquent, par exemple, que les pertes qu’une société subit à l’étranger dans la phase de démarrage d’une nouvelle activité étrangère – via un établissement stable ou une succursale locale – ne peuvent plus être déduites de la base imposable en Belgique la même année. Même s’il s’agit de pertes subies dans un autre État membre de l’EEE, la déduction effective des pertes étrangères est reportée jusqu’à ce que les pertes soient définitives. À cet égard, il n’est pas pertinent que l’État étranger en question prévoie la possibilité (juridique) de déduire les pertes professionnelles ou de les imputer sur la base imposable locale 15 . Nous commenterons brièvement ci-après les différents fondements et conditions en vue de l’application pratique de cette nouvelle réglementation. Au point 6, nous commenterons ensuite deux exemples chiffrés tirés de la circulaire.

3.1. Condition 1 : établissement stable ou actifs dont les bénéfices sont exonérés conformément à une CPDI Premièrement, la réglementation vise uniquement les pertes subies dans des établissements stables étrangers ou inhérentes à des actifs situés à l’étranger dont (et dans

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Ancien article 185, § 3 CIR 1992. Loi-programme du 25 décembre 2017, M.B. 29 décembre 2017. Art. 185, § 3, alinéa premier CIR 1992. Si la CPDI prévoit seulement une exonération partielle (sur la base d’une disposition dite de « switch over »), la même règle s’applique au prorata (art. 185, § 3, alinéa deux CIR 1992). Citons à titre d’exemple la CPDI avec Saint-Marin (art. 24 de la CPDI). 14 Le raisonnement sous-jacent est que les bénéfices étrangers obtenus dans un pays avec lequel la Belgique a conclu une CPDI - qui prévoit que le bénéfice réalisé par l’établissement étranger doit être exonéré en Belgique - ne peuvent être soumis à l’impôt des sociétés belge et que les pertes de cet établissement ne doivent dès lors pas non plus être déductibles (voir Doc. Parl. Chambre 201718, n° 54-2864/001, 44). La Belgique doit toutefois également tenir compte des libertés communautaires (droit européen primaire), dont la liberté d’établissement et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne en la matière. Raison pour laquelle la nouvelle réglementation prévoit que les pertes définitives subies dans un État membre de l’EEE restent malgré tout déductibles. 15 Circ. 2021/C/97 du 3 novembre 2021 relative au traitement fiscal des pertes professionnelles étrangères, n° marginal 2.

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8 la mesure où) les bénéfices sont exonérés d’impôt sur les revenus en Belgique conformément à une CPDI 16 . Aucune limitation de la déduction ne s’applique par contre pour les pertes réalisées dans un pays avec lequel la Belgique n’a conclu aucune CPDI. Plus précisément, pour un établissement stable ou pour des actifs dont la société dispose dans un pays avec lequel la Belgique n’a conclu aucune CPDI – même s’il s’agit d’un pays de l’EEE, comme le Liechtenstein – les éventuels bénéfices sont en principe toujours imposables intégralement à l’impôt des sociétés belge, mais les éventuelles pertes professionnelles y sont également déductibles intégralement. Vu qu’il n’y a en l’occurrence pas de CPDI qui limite le pouvoir de la Belgique d’imposer les bénéfices étrangers, il n’y a pas non plus de raison de limiter l’imputation éventuelle des pertes en Belgique.

3.2. Condition 2 : pertes définitives Deuxièmement, pour être imputables (c’est-à-dire déductibles), les pertes professionnelles doivent être définitives. Des pertes sont considérées comme définitives dès que 17 : a) la société a cessé définitivement ses activités dans un État membre déterminé – c’est-à-dire au moment où l’établissement stable est fermé – pour autant qu’aucune déduction de quelque nature que ce soit n’ait été accordée pour ces pertes dans l’État membre dans lequel l’établissement étranger était situé 18 ; ou b) la société ne détient plus d’actifs dans cet État membre déterminé – par exemple lorsque le dernier immeuble situé dans cet État membre a été vendu – pour autant qu’aucune déduction de quelque nature que ce soit n’ait été accordée pour ces pertes dans l’État membre où ces actifs étaient situés. La circulaire ne le précise malheureusement pas, mais selon nous, une société devrait pouvoir prouver la cessation de ses activités, par exemple, au moyen d’un extrait du registre de commerce local (p. ex., BCE), d’une preuve de la vente de l’immeuble, d’une attestation de l’administration fiscale locale, etc. En outre, les pertes (qui existent aux moments susvisés) ne sont définitives que pour autant que (c’est-à-dire dans la

mesure où) ces pertes n’ouvrent plus aucun droit à déduction quelconque – de quelque nature que ce soit – dans l’État membre dans lequel le(s) établissement(s) étranger(s) ou les actifs étaient situés (i) au niveau des autres établissements situés dans cet État ou des autres actifs détenus par la société dans cet État ou (ii) dans le chef d’une autre personne à qui ces pertes (locales) seraient transférées (en vertu de la législation fiscale locale) 19 . Il y a également une période d’attente de trois ans ou un mécanisme dit de recapture dans la période imposable du redémarrage éventuel des activités étrangères. Plus précisément, si : • dans les trois ans après la déduction des pertes professionnelles définitives, • la société démarre à nouveau des activités dans l’État membre où étaient situés l’établissement ou les actifs qui ont mené à la détermination des pertes professionnelles définitives, alors : • les pertes professionnelles étrangères qui ont été imputées sur (a) les bénéfices d’origine belge ou (b) les bénéfices d’origine étrangère qui n’ont pas été exonérés par convention (CPDI), • sont reprises dans la base imposable de la période imposable au cours de laquelle les activités ont redémarré 20,21 . En résumé, en cas de redémarrage des activités dans les trois ans, la déduction antérieure est annulée. Il s’agit d’une disposition anti-abus spécifique qui (compte tenu de sa formulation stricte) s’applique même si (a) les pertes étrangères considérées ne sont plus disponibles en vue d’une compensation avec les revenus des nouvelles activités, (b) il n’y a pas d’abus fiscal ou (c) s’il n’y a pas de motifs fiscaux à l’origine du redémarrage des activités étrangères via un établissement stable local ou des actifs locaux. Cette disposition anti-abus est donc très stricte. En réponse à une question parlementaire, le ministre des Finances a précisé que le délai de trois ans commence à courir à partir du premier jour de la période imposable qui suit celle où les pertes définitives ont été déduites en Belgique 22 . Si, par exemple, une société belge a déduit

16 Art. 7 du modèle de convention de l’OCDE. Pour les revenus de biens immobiliers, voir l’article 6 du modèle de convention de l’OCDE. 17 Art. 185, § 3, alinéa quatre CIR 1992. 18 Selon l’Exposé des Motifs, les pertes ne sont donc pas définitives si elles ont été déduites dans l’État de résidence de l’établissement stable, par exemple, des revenus d’autres établissements situés dans cet État ou si elles ont été déduites des revenus d’autres entreprises (groupe) situées dans cet État dans le cadre d’une consolidation fiscale nationale (Doc. Parl., Chambre 2017-18, n° 54-2864/001, 45). 19 Art. 185, § 3, alinéa cinq CIR 1992. 20 Art. 185, § 3, alinéa six CIR 1992. 21 Dans la pratique, cela se fait via le code 1419 de la déclaration à l’impôt des sociétés. Voir également l’article 206, §1er, alinéa quatre CIR 1992 concernant les pertes antérieures (c.-à-d. reportées). Voir également ci-après sous le point 3.4. 22 Voir Q. n° 299 MATHEÏ 31 mars 2020, Q. & R., Chambre 2019-2020, n° 55/018, 14 mai 2020, 119-120. Autrement dit, le délai de trois ans ne peut être calculé (de date à date) à partir de la date de cessation effective.

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9 à l’impôt des sociétés belge des pertes définitives d’un établissement stable luxembourgeois pour l’exercice d’imposition 2022 (exercice comptable du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2021), la société au Luxembourg ne peut pas reprendre ou redémarrer ses activités - via un nouvel établissement stable ou un nouvel immeuble – avant le 31 décembre 2024 23 .

3.3. Condition 3 : pertes subies dans un établissement stable ou inhérentes à des actifs situés dans un État membre de l’EEE Troisièmement, les pertes doivent avoir été réalisées dans un État membre de l’EEE. Autrement dit, les pertes réalisées dans un État non membre de l’EEE – mais avec lequel la Belgique a tout de même conclu une CPDI (voir point 3.1 concernant les pays sans CPDI) – ne sont pas déductibles en Belgique et devront donc désormais en principe toujours être ajoutées à la base imposable (voir point 3.4) 24 . Pour mémoire : l’EEE comprend (i) les vingt-sept États membres de l’Union européenne : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, Slovénie, Slovaquie, Suède et République tchèque, ainsi que (ii) les trois États membres de l’Association européenne de libre-échange (AELE), à savoir l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège 25 . Cela signifie, par exemple, aussi que depuis le Brexit, les pertes subies dans un établissement stable ou inhérentes à des actifs situés au Royaume-Uni ne sont plus imputables en Belgique et qu’une correction devra donc toujours être appliquée (voir point 3.4).

3.4. Et si les conditions ne sont pas remplies ? Si les pertes professionnelles étrangères (dans un pays avec lequel la Belgique a conclu une CPDI toujours en vigueur) ne sont pas définitives, les pertes doivent être ajoutées à la base imposable de manière extra-comptable (c’est-à-dire via la déclaration à l’impôt des sociétés). Ces pertes diminueront en effet le résultat comptable belge (c’est-à-dire le bénéfice) de la société, mais ne sont pas déductibles fiscalement. Autrement dit, les pertes étrangères qui sont reprises dans le résultat comptable, mais ne sont pas déductibles fiscalement, doivent être rajoutées. Un code spécifique est prévu dans la rubrique Résultat après application de l’interdiction de déduction de la déclaration à l’impôt des sociétés pour cette correction (extra-comptable), à savoir le code 1419 Pertes d’origine étrangère qui ne sont pas prises en considération pour déterminer la base imposable 26 .

3.5. Que se passe-t-il si le résultat est insuffisant en vue d’une déduction effective des pertes « définitives » ? Lorsqu’une partie de la perte « définitive » subie dans une période imposable déterminée ne peut être déduite effectivement en raison de l’insuffisance de résultat imposable dans cette période imposable, cette partie peut être reportée sur les périodes imposables suivantes (carry-forward). Ces pertes « définitives » reportées peuvent encore être déduites effectivement des bénéfices imposables d’une période imposable ultérieure aux conditions de l’article 206, §1er, alinéas premier, deux et quatre du CIR 1992. Conformément à ces conditions, ces pertes définitives reportées ne peuvent toutefois être déduites du bénéfice subsistant d’une période imposable suivante que dans la mesure où (i) elles n’étaient précédemment pas couvertes par des bénéfices exonérés par convention (voir également point 4) et (ii) elles excèdent les bénéfices exonérés par convention de cette période imposable suivante.

23 Si elle le fait tout de même, les pertes qui ont été déduites dans la déclaration à l’impôt des sociétés pour l’exercice d’imposition 2022 devront être rajoutées au résultat imposable via la déclaration à l’impôt des sociétés pour l’exercice comptable ou la période imposable (c.-à-d. l’exercice d’imposition) au cours duquel les activités ont redémarré. 24 La question n’est pas abordée dans la circulaire, mais une société belge disposant, par exemple, d’un établissement stable dans un pays avec lequel la Belgique a conclu une CPDI qui contient une clause d’égalité de traitement pertinente pourrait invoquer cette clause pour pouvoir déduire (aux mêmes conditions) les pertes étrangères de la base imposable en Belgique. Voir p. ex. P. J. WOUTERS, “Vennootschapsbelasting in 2020: anticiperen op nieuwe maatregelen”, Fisc. Act.. 2019/38, 1-7. Une analyse approfondie de cette question sortirait toutefois du cadre de la présente contribution. 25 Veuillez noter que la Belgique n’a conclu aucune CPDI avec le Liechtenstein qui exonère dans l’État de résidence de la société (c.-à-.d. la Belgique) les bénéfices d’un établissement stable situé dans l’autre État (c.-à-d. le Liechtenstein). 26 Ce code a été introduit pour la première fois dans le formulaire de déclaration à l’impôt des sociétés pour l’exercice d’imposition 2021. Il ne faut pas confondre ce code avec le code 1485 qui est toujours utilisé pour l’application du mécanisme dit de recapture de l’article 185, § 3, alinéa trois du CIR 1992 (voir également point 2). Voir également Circ. 2021/C/97, marginal 10 ; et A. DEBOEVER et L. BUSSCHAERT, “De nieuwigheden in de aangifte voor aanslagjaar 2021”; Fisc. Act. n° 2021/27, p. 1-8.

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4. Ordre des opérations et ventilation du résultat suivant sa provenance et imputation des pertes Lorsqu’une société belge dispose d’un ou plusieurs établissements stables étrangers, le résultat global de la société (le bénéfice ou la perte) est composé de plusieurs éléments de bénéfices et/ou pertes et il peut y avoir des pertes étrangères dans plusieurs pays. Le cas échéant, le résultat global doit être ventilé suivant sa provenance (cf. les différents éléments) et les bénéfices et pertes (s’il y en a) doivent être imputés dans un ordre déterminé. Les dispositions relatives à la ventilation du résultat suivant sa provenance étaient traditionnellement reprises dans l’arrêté d’exécution du CIR 199227. Suite aux avis du Conseil d’État et compte tenu du principe de légalité, le législateur a choisi en 2021 28 d’intégrer ces dispositions dans le CIR 1992 lui-même. La circulaire commente les dispositions telles qu’elles figurent dans cette loi 29 . Vous en trouverez un aperçu dans la présente contribution ; pour une application pratique, nous vous renvoyons aux exemples repris dans la circulaire et commentés ci-après. En l’espèce, nous nous limiterons à la ventilation des bénéfices suivant leur provenance et à l’imputation éventuelle des pertes. Ventilation du résultat suivant sa provenance 30 Le résultat est ventilé, suivant sa provenance, en : • résultat réalisé en Belgique (« bénéfices belges » - si positif) ; • résultat réalisé dans des pays avec lesquels la Belgique n’a conclu aucune convention (bénéfices non exonérés par convention – si positif) ; • résultat réalisé dans des pays avec lesquels la Belgique a conclu une convention (bénéfices exonérés par convention – si positif). Imputation des pertes31 Comme vous pouvez le constater à la lecture du présent article, les pertes de la période imposable subies dans un pays déterminé sont dans un premier temps encore imputées dans un ordre déterminé sur les bénéfices d’autres pays (voir les postes ci-dessous), avant que

cette ventilation soit opérée (cf. la mention si « positif »). Les pertes sont imputées comme suit, sachant qu’il convient d’opérer une distinction conceptuelle entre trois catégories : • pertes subies dans des pays pour lesquels les bénéfices sont exonérés par convention : par priorité sur les bénéfices exonérés par convention, puis sur les bénéfices non exonérés par convention (c.-à-d. les bénéfices réalisés dans des pays avec lesquels la Belgique n’a conclu aucune convention), et enfin sur les bénéfices belges ; • pertes subies dans des pays pour lesquels les bénéfices ne sont pas exonérés par convention : par priorité sur les bénéfices non exonérés par convention, puis sur les bénéfices belges ; • pertes subies en Belgique : par priorité sur les bénéfices belges, puis sur les bénéfices non exonérés par convention. Le lecteur attentif remarquera que les pertes subies en Belgique et les pertes subies dans des pays pour lesquels les bénéfices ne sont pas exonérés par convention (catégorie 2) ne peuvent pas être imputées sur les bénéfices exonérés par convention. Il s’agit là d’une conséquence de l’arrêt AMID 32 , lequel a été implémenté tardivement (c’està-dire des années après la date, à savoir 2019) par le législateur. Dans le cas où les bénéfices d’un établissement étranger ne sont en principe pas exonérés par convention en Belgique, mais où l’impôt sur ces bénéfices est tout de même réduit, les pertes éventuelles devront être imputées sur les bénéfices non exonérés par convention.

5. Qu’en est-il des pertes professionnelles étrangères subies avant l’exercice d’imposition 2021 ? Si, avant l’exercice d’imposition 2021 – donc avant l’entrée en vigueur des nouvelles règles – une société a subi des pertes étrangères dans un pays avec lequel la Belgique a conclu une CPDI, il convient de distinguer deux situations (voir les points 5.1 et 5.2). À cet égard, il importe également de noter que conformément à la définition visée à l’article 206 du CIR 1992 33 , les pertes professionnelles antérieures (c.-à-d. reportées)

27 Art. 75 et 78 AR/CIR 1992. 28 Loi du 27 juin 2021 portant des dispositions fiscales diverses et modifiant la loi du 18 septembre 2017 relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l’utilisation des espèces, M.B. 30 juin 2021. 29 Attention : ces dispositions ont été réécrites par la loi du 21 janvier 2022 portant des dispositions fiscales diverses, M.B. 28 janvier 2022, parce que le législateur n’était manifestement pas satisfait du résultat de la précédente adaptation. Les dispositions sont à présent reprises dans les articles 206/1 à 206/5, l’article 207 existant et les nouveaux articles 207/1 et 207/2 du CIR 1922 et sont applicables à partir de l’exercice d’imposition 2022. Ces dispositions modifiées sont l’objet d’un autre article dans la prochaine édition de l’ITAA-ZINE. 30 Voir article 207/5, alinéa premier CIR 1992. 31 Voir article 207/5, alinéa deux CIR 1992. 32 CJUE 14 décembre 2000, n° C-141/99, Algemene Maatschappij voor Investering en Dienstverlening nv. 33 Art. 206, § 1er, alinéa deux CIR 1992.

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11 comprennent également les pertes subies dans des pays avec lesquels la Belgique a conclu une convention et qui n’étaient précédemment pas couvertes par des bénéfices exonérés par convention.

5.1. Pertes professionnelles étrangères déjà imputées effectivement en Belgique sur des bénéfices belges ou sur des bénéfices non exonérés par convention Premièrement, il peut arriver qu’une société ait déjà subi des pertes avant l’exercice d’imposition 2021 dans un pays avec lequel la Belgique a conclu une CPDI et qu’elle ait effectivement imputé ces pertes sur la base imposable en Belgique (ce qui signifie que les pertes ont effectivement été déduites de la base imposable). Le cas échéant, ces pertes restent en principe déductibles, mais l’ancien mécanisme dit de recapture 34 doit toujours être appliqué (voir également point 2). Il s’agit plus précisément des pertes professionnelles 35 : (i) qui ont été subies dans un établissement étranger dont les bénéfices ont en principe été exonérés ou dont l’impôt sur les bénéfices a été réduit conformément à une CPDI ; et (ii) qui ont été subies avant l’exercice d’imposition 2021 et plus précisément dans la période imposable qui a débuté avant le 1er janvier 2020 ; et (iii) qui ont été imputées effectivement (à l’impôt des sociétés belge) sur des bénéfices belges ou sur des bénéfices non exonérés par convention. 36

5.2. Autres pertes professionnelles étrangères (qui n’ont pas encore été déduites effectivement en Belgique) L’article 206 du CIR 1992 37 prévoit un régime spécifique pour les pertes professionnelles (antérieures) qui (i) ont été subies dans une période imposable qui a débuté avant le 1er janvier 2020 (exercice d’imposition 2021) dans un pays avec lequel la Belgique a conclu une CPDI, et qui (ii) n’ont pas encore été déduites effectivement des bénéfices belges ou des bénéfices non exonérés par convention en Belgique (soit une situation différente de celle visée ci-dessus au point 5.1) 38 .

Ce régime s’adresse, par exemple, à la société belge qui, globalement, était déficitaire, entre autres en raison d’une perte subie dans un établissement stable étranger qui, sous l’ancienne réglementation, pouvait être déduite directement de la base imposable (négative) en Belgique, et qui, de ce fait, a accumulé une perte fiscale reportable qui inclut cette perte étrangère. En résumé, cela signifie que ces pertes sont perdues – autrement dit, elles ne peuvent plus être déduites en Belgique et doivent donc être exclues de la perte reportée – si : (i) la société ne peut pas (plus) prouver que la perte n’est pas ou n’a pas été déduite du bénéfice de l’établissement stable considéré, ou (ii) l’établissement étranger a été transféré dans le cadre d’un apport, d’une fusion, d’une scission ou d’une opération similaire. Qui plus est, ces pertes ne peuvent être déduites du bénéfice subsistant que dans la mesure où elles excèdent les bénéfices exonérés par convention d’une année déterminée. Autrement dit, les pertes professionnelles (étrangères) reportées (subies avant l’exercice d’imposition 2021) peuvent toujours être déduites (du bénéfice subsistant) en Belgique, mais uniquement s’il peut être prouvé qu’elles n’ont pas été utilisées à l’étranger et pour autant qu’elles excèdent les bénéfices exonérés par convention (de l’année considérée). Il s’agit en quelque sorte d’une double condition dont le respect doit être contrôlé (annuellement). Nous renvoyons à l’exemple 1 du point 6 pour un exemple concret.

6. Exemples pratiques (tirés de la circulaire) La circulaire contient deux exemples illustrant la manière dont les pertes subies dans un établissement stable étranger doivent être traitées dans la déclaration à l’impôt des sociétés. Il s’agit, dans chaque exemple, d’une société résidente (belge) qui tient sa comptabilité par année civile et qui dispose de plusieurs établissements stables à l’étranger.

34 Art. 185, § 3, alinéa trois CIR 1992. Veuillez noter que certaines conventions préventives de la double imposition prévoient un mécanisme de « recapture ». 35 Voir également Circ. 2021/C/97, marginaux 25-28. 36 C’est-à-dire pas simplement ajoutées à la perte fiscale reportable. 37 Art. 206, § 1er, alinéa trois CIR 1992. 38 Voir également Circ. 2021/C/97, marginaux 29-30.

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12 Exemple 1 Dans le premier exemple, la société belge dispose d’établissements stables : • en France : un État avec lequel la Belgique a conclu une CPDI qui prévoit l’exonération des bénéfices de l’établissement étranger, • aux Pays-Bas : un État avec lequel la Belgique a conclu une CPDI qui prévoit l’exonération des bénéfices de l’établissement étranger, et • à Saint-Marin : un État avec lequel la Belgique a conclu une CPDI dite « mixte »39 . Dans son établissement stable néerlandais, la société belge a réalisé une perte de 80 000 euros dans la période imposable qui s’est clôturée le 31 décembre 2017. Cette perte a été déduite effectivement de la base imposable en Belgique à hauteur de 50 000 euros (donc au cours de l’exercice d’imposition 2018). La base imposable de cette année-là a ainsi été réduite à un minimum. Le solde de 30 000 euros de perte néerlandaise a été ajouté aux pertes fiscales reportées. Le solde des pertes (fiscales reportables) récupérables au 31 décembre 2019 s’élève à 450 000 euros. Ce solde se compose comme suit (après ventilation suivant la provenance) : • Belgique : 300 000 euros • Pays-Bas : 30 000 euros (pour l’exercice comptable 2017 – voir ci-avant) • France : 120 000 euros Pour la période imposable qui court du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2020 inclus (exercice d’imposition 2021), le résultat imposable de la société s’élève à 130 000 euros et ce montant se compose comme suit 40 : Pays Belgique France Pays-Bas Saint-Marin

Définitif/ définitive ou non

Provenance du résultat

Bénéfice ou perte

230.000 euros

bénéfice

perte

non définitive

Oui

− 200.000 euros

Exonération RDT

150.000 euros

bénéfice

Oui

− 50.000 euros

perte

non définitive

Oui (mixte)

130.000 euros En 2020, l’intégralité de cette perte a été déduite effectivement aux Pays-Bas (les 80 000 euros de 2017). Les cadres pertinents de la déclaration à l’impôt des sociétés pour l’exercice d’imposition 2021 se présentent comme suit : Rubrique

Code

Période imposable

Résultat de la période imposable (+/−)

1410

130.000

Résultat après application de l’interdiction de déduction (+)/(−)

1427

Pertes d’origine étrangère qui ne sont pas prises en considération pour déterminer la base imposable

1419

Résultat subsistant (+/−)41

1430

130.000 + 250.000 pertes non définitives de France et de Saint-Marin pour la période imposable en cours 380.000

39 Remarque : la version néerlandaise de la circulaire mentionne « Sint-Maarten », mais il doit s’agir d’une erreur de traduction, car la Belgique n’a conclu aucune CPDI avec Sint-Maarten et la version française de la circulaire mentionne « Saint-Marin » (San Marino). 40 Par exemple égal au bénéfice comptable après impôts, augmenté des dépenses non admises. 41 Le résultat après application de l’interdiction de déduction (130 000 euros), augmenté des pertes étrangères qui ne remplissent pas les conditions de l’article 185, § 3 du CIR 1992 (250 000 euros) en vue d’être imputées sur les bénéfices imposables du siège central belge. Plus précisément, le résultat imposable est diminué de 250 000 euros lors de la première opération, mais cette perte n’est pas « définitive » et doit donc être rajoutée. À l’étape suivante de la déclaration, il convient d’opérer une distinction entre (i) la partie du résultat exonérée en application d’une CPDI, (ii) la partie du résultat non exonérée en application d’une CPDI et (iii) le résultat belge (voir point 4).

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13 Rubrique

Code

Exonéré par convention

Non exonéré par convention

Belge

Résultat subsistant suivant sa provenance (+/−)

1431

150.000

230.000

Correction pour certaines pertes professionnelles subies dans des établissements étrangers 42

1485

50.000

Résultat subsistant suivant sa provenance après corrections (+)/(−)

1490

150.000

280.000

Déduction du bénéfice subsistant − Pertes antérieures

1436

− 280.000

Bénéfice subsistant suivant sa provenance

1450

0

Rubrique

Code

Période imposable

Solde des pertes antérieures récupérables (−)

1721

450.000

Pertes récupérées (+)

1723

Perte à reporter sur la période imposable suivante (−)

1730

430.00043 − 20.000

Exemple 2 Dans le deuxième exemple de la circulaire, une société belge dispose d’établissements stables : • en France : un État avec lequel la Belgique a conclu une CPDI qui prévoit l’exonération des bénéfices de l’établissement étranger, • aux Pays-Bas : un État avec lequel la Belgique a conclu une CPDI qui prévoit l’exonération des bénéfices de l’établissement étranger, • à Saint-Marin : un État avec lequel la Belgique a conclu une CPDI dite « mixte »44 , • au Rwanda : un État avec lequel la Belgique a conclu une CPDI dite « mixte », et • en Ouganda : un État avec lequel la Belgique n’a conclu aucune CPDI 45 . Pour l’exercice d’imposition 2022 (année de revenus 2021), le résultat de la période imposable s’élève à 200 000 euros et se répartit comme suit entre les différents établissements : • Belgique : 230 000 euros • France : – 200 000 euros • Pays-Bas : 110 000 euros • Saint-Marin : – 50 000 euros

42 Le mécanisme dit de « recapture » de l’ancien article 185, § 3 du CIR 1992 – actuel article 185, § 3, alinéa trois du CIR 1992 (voir également point 2) – sur base duquel les pertes étrangères d’un établissement stable qui ont effectivement été déduites du résultat imposable par le passé doivent être rajoutées à la base imposable belge si les pertes en question sont utilisées localement au cours d’une année déterminée pour compenser des bénéfices imposables. 43 Composées comme suit : (i) la perte fiscale reportée utilisée au cours de l’année considérée (à savoir 280 000 euros) ; et (ii) la perte française qui est couverte par les bénéfices exonérés par convention, à savoir une perte professionnelle de 120 000 euros qui a été subie dans une période imposable antérieure ayant débuté avant le 1er janvier 2020 dans un pays avec lequel la Belgique a conclu une CPDI (à savoir la France) et qui est couverte (à savoir compensée) par les bénéfices exonérés par convention de la période imposable considérée (à savoir 150 000 euros) – en application de l’article 206, §1er, alinéa deux du CIR 1992 qui exclut les pertes de la définition de « pertes professionnelles antérieures » si elles ont déjà été couvertes par des bénéfices exonérés par convention - en l’espèce, les bénéfices exonérés par convention (150 000 euros) sont supérieurs à la perte française (non définitive) reportée ; et (iii) la perte néerlandaise (pays avec lequel la Belgique a conclu une CPDI) qui est « définitivement exclue des pertes compensables » en application de la disposition spécifique de l’article 206, §1er, alinéa trois, premier tiret du CIR 1992 (voir point 5.2), à savoir la perte qui (a) a été subie aux Pays-Bas dans une période imposable antérieure ayant débuté avant le 1er janvier 2020, (b) n’a pas encore été déduite effectivement en Belgique des bénéfices belges ou des bénéfices non exonérés par convention (à savoir 30 000 euros) et (c) est à présent encore utilisée aux Pays-Bas au cours de l’exercice comptable 2020 (exercice d’imposition 2021), de sorte que cette perte n’entre plus en considération en Belgique. 44 Remarque : la version néerlandaise de la circulaire mentionne « Sint-Maarten », mais il doit s’agir d’une erreur de traduction, car la Belgique n’a conclu aucune CPDI avec Sint-Maarten et la version française de la circulaire parle de « Saint-Marin » (San Marino). 45 Selon Fisconet.be, la CPDI avec l’Ouganda a été signée, mais n’est pas encore entrée en vigueur.

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14 • Rwanda : 40 000 euros • Ouganda : 70 000 euros Dans le courant de l’année 2021, la société cesse définitivement ses activités en France et à Saint-Marin : • La perte française peut être considérée comme définitive conformément à l’article 185, § 3, alinéa quatre du CIR 1992. • La perte définitive de Saint-Marin reste exclue de la base imposable conformément à l’article 185, § 3, alinéa premier, parce que Saint-Marin ne fait pas partie de l’Espace économique européen. Pays Belgique France Pays-Bas Saint-Marin

Provenance du résultat

Bénéfice ou perte

Définitif/ définitive ou non

Exonération RDT

230.000 euros

bénéfice

-

− 200.000 euros 110.000 euros

perte

définitive

Oui

bénéfice

Oui

perte

définitive (mais ≠ EEE)

Oui (mixte)

− 50.000 euros

Rwanda

40.000 euros

bénéfice

Oui (mixte)

Ouganda

70.000 euros

bénéfice

Non, pas de convention

200.000 euros Rubrique

Code

Période imposable

Résultat de la période imposable (+/−)

1410

200.000

Résultat après application de l’interdiction de déduction (+)/(−)

1427

Pertes d’origine étrangère qui ne sont pas prises en considération pour déterminer la base imposable

1419

Résultat subsistant (+/−)46

1430

Rubrique

Code

Résultat subsistant suivant sa provenance (+/−) 47

1431

Correction pour certaines pertes professionnelles subies dans des établissements étrangers

1485

Résultat subsistant suivant sa provenance après corrections (+)/(−)

1490

Déduction du bénéfice subsistant − Pertes antérieures48

1436

Bénéfice subsistant suivant sa provenance

1450

200.000 + 50.000 pertes définitives de Saint-Marin pour la période imposable en cours (pays non membre de l’EEE) 250.000 Exonéré par convention

Non exonéré par convention

Belge

20.000

230.000

20.000

230.000

20.000

230.000

46 Le résultat après application de l’interdiction de déduction (200 000 euros), augmenté des pertes étrangères qui ne remplissent pas les conditions de l’article 185, § 3 du CIR 1992 (50 000 euros) en vue d’être imputées sur les bénéfices imposables du siège central belge. À l’étape suivante de la déclaration, il convient d’opérer une distinction entre (i) la partie du résultat exonérée en application d’une CPDI, (ii) la partie du résultat non exonérée en application d’une CPDI et (iii) le résultat belge (voir point 4). 47 Conformément aux règles d’imputation (voir point 4), la perte définitive française est imputée comme suit : d’abord sur les bénéfices exonérés néerlandais (110 000 euros), puis sur les bénéfices imposables ougandais (70 000 euros) et le solde enfin sur les bénéfices imposables rwandais (20 000 euros) – il subsiste donc 20 000 euros pour l’établissement rwandais. 48 Il s’agit manifestement d’une autre société (que celle de l’exemple 1), car la circulaire ne parle plus d’une perte reportée de 20 000 de l’exemple précédent (exercice d’imposition 2021).

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7. Conclusion Nous sommes passés d’un régime (libéral) avantageux d’imputation des pertes étrangères à un régime dans lequel les pertes professionnelles étrangères subies dans un pays avec lequel la Belgique a conclu une CPDI (qui exonère les bénéfices de l’établissement étranger en Belgique) ne sont généralement plus déductibles de la base imposable à l’impôt des sociétés belge, sauf s’il s’agit de pertes professionnelles définitives subies dans un État membre de l’EEE avec lequel la Belgique a conclu une CPDI. Les pertes subies dans des pays avec lesquels la Belgique n’a pas conclu de CPDI constituent une exception – ces pertes restent déductibles intégralement l’année où elles ont été subies –, mais les bénéfices réalisés dans ces pays sont dès lors imposables normalement en Belgique. Il est clair qu’appliquer les modifications de loi à des situations avec des pertes fiscales subies avant l’entrée en

vigueur de la nouvelle réglementation (à savoir l’exercice d’imposition 2021) et des établissements stables dans plusieurs pays, par exemple, relève du défi. Sans compter qu’une modification de loi récente – introduite via la loi du 21 janvier 2022 portant des dispositions fiscales diverses49 – qui modifie (une fois encore) l’ordre d’imputation des pertes ajoute encore à cette complexité. Les conséquences de cette modification de loi seront abordées dans une prochaine contribution. Jos Goubert Conseiller fiscal certifié

Kevin Hellinckx Conseiller fiscal certifié

49 Loi du 21 janvier 2022 portant des dispositions fiscales diverses, M.B. 28 janvier 2022.

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Visite de l’huissier pour une dette impayée. Comment se calcule la prescription ? Les actes juridiques ou judiciaires doivent être accomplis dans un certain délai. Le dépassement du délai entraine la prescription de la procédure, dénommée forclusion. Le débiteur ne doit plus rien et le créancier ne sait plus rien faire.

1. Principe La prescription, quand elle est acquise, permet d’être libéré des obligations, c’est la forclusion. Donc, la forclusion permet au débiteur (celui qui doit quelque chose à un autre) de voir cette obligation éteinte. L’autre personne, le créancier, n’a plus la possibilité d’agir en justice ou de poursuivre la procédure car il est trop tard pour exercer une action ou un recouvrement. Les délais légalement prévus sont devenus prescrits. La prescription a pour utilité de permettre au débiteur de ne plus devoir prouver les faits reprochés après un certain délai et oblige le créancier à être diligent pour faire valoir ses droits. C’est une forme de droit à l’oubli car l’erreur judiciaire augmente avec l’écoulement du temps.

2. Calcul des délais Les délais de prescription sont nombreux et ils se retrouvent principalement dans le Code civil mais aussi en droit pénal, économique, social, fiscal, etc. Le but de cette contribution n’est pas d’envisager toutes les hypothèses de prescription dans la vie économique mais de déterminer le moment où cette prescription intervient lorsqu’un huissier de justice se présente pour effectuer une saisie chez un débiteur qui ne paie pas sa dette.

La règle générale est un délai de base de prescription de dix ans. Cependant, les exceptions sont tellement nombreuses que vous devez vérifier votre cas précis avec un juriste spécialisé dans la matière visée. Pour calculer le délai de prescription tous les jours comptent, donc aussi les dimanches et les jours fériés. Le calcul est réalisé de minuit à minuit. Il débute le lendemain et la prescription est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli. Une mise en demeure (qui respecte les conditions de l’article 2244 du Code civil) expédiée par la poste le lundi 7 mars 2022, porte ses effets le jeudi 10 mars 2022 à minuit. Le délai de prescription commence le vendredi 11 mars 2022 à zéro heure et, s’il est d’un an, il se termine le vendredi 10 mars 2023 à minuit.

3. Interruption du délai de prescription Le délai de prescription peut être interrompu ou suspendu. Ici aussi les cas particuliers sont très nombreux et variés et vous avez vraiment intérêt à vous adresser à un huissier pour calculer les différentes interruptions ou suspensions intervenues dans le calcul du délai. L’interruption du délai a pour conséquence qu’un nouveau délai repart à zéro. L’acte interruptif valable entraine

le début d’un nouveau délai de prescription. C’est le cas d’une reconnaissance de dette : un nouveau délai de recouvrement débute au jour de la signature de la reconnaissance de dette même si la dette initiale a déjà quelques années. D’autres exemples d’interruptions existent comme une saisie, un jugement, une citation ou requête en justice.

4. Suspension du délai A côté de l’interruption, il existe également une suspension du délai, par exemple pendant la période où l’affaire est traitée par un tribunal. Cette période de suspension est ajoutée au délai initial.

5. Y-a-t-il un délai de prescription pour l’exécution d’un jugement ? Oui, il existe également un délai pour mettre en exécution un jugement, une décision de justice. Le délai de base de dix ans intervient au moment du jugement car une décision de justice est un acte interruptif. Un nouveau délai recommence sans tenir compte des délais déjà accomplis dans le passé.

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iStockphoto.com/AndreyPopov.

Durant ces dix ans la décision de justice peut être « exécutée ». Cela signifie qu’un huissier peut se présenter pour obtenir du débiteur qu’il s’exécute, qu’il paie, qu’il réalise ce à quoi il a été condamné. Selon les instructions du créancier, l’huissier peut aussi procéder à des saisies sur les meubles ou immeubles du débiteur. Chaque acte de saisie interrompt la prescription et un nouveau délai de dix ans recommence à chaque fois ! Lorsque le débiteur paie une partie de sa dette, à l’huissier ou au créancier, c’est à nouveau un acte interruptif qui entraine le renouvellement du délai de recouvrement de dix ans. Autant dire qu’il faudrait que le créancier ne réalise plus aucun acte durant dix ans pour que le jugement ne porte plus d’effet et que le débiteur soit libéré de sa condamnation.

6. Existe-t-il un délai pour l’enlèvement des meubles saisis ? Parfois l’huissier réalise une saisie des biens du débiteur, souvent pour mettre la pression et le forcer à payer plus que ce qu’il propose. Cette saisie de biens qui n’ont été ni enlevés, ni vendus, est prescrite après un an et la saisie réalisée devrait être réactualisée. Si entretemps des paiements interviennent, ce délai est retardé.

7. Exemple pratique • Un expert-comptable établit une note d’honoraires (facture) pour ses prestations terminées le 16 décembre 2021 et l’adresse à la société AVZOR. Il n’existe pas d’échéance précise sur la facture. La prescription est de cinq ans pour

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la créance d’un expert-comptable (exception au délai de base de dix ans) et commence à dater de la facture. • Le 15 janvier 2022 l’expert-comptable adresse un rappel à AVZOR et un second le 31 janvier 2022. Les rappels n’interrompent pas la prescription. • Etant donné qu’aucune réponse n’a été fournie et qu’aucun paiement n’est intervenu, la facture est présumée acceptée. En effet, depuis la réforme de la preuve, l’article 1348bis, § 4 du Code civil (CC) dispose qu’une facture acceptée par une entreprise a force probante à l’égard de cette entreprise. C’est désormais la présomption légale. Et l’article 1352 CC poursuit en précisant que cette présomption légale dispense de toute preuve celui au profit duquel elle existe. • En conséquence de cette présomption d’acceptation, le 10 février 2022, l’expert-comptable adresse une mise en demeure


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recommandée (qui respecte les conditions de l’article 2244 CC) à AVZOR. C’est un acte interruptif et un nouveau délai de prescription de cinq ans débute à cette date. Sans aucune nouvelle, l’expert-comptable assigne en paiement AVZOR le 16 mars 2022. L’assignation est un acte interruptif et un nouveau délai de prescription de cinq ans débute à cette date. La première audience a lieu le 21 mars et le débiteur AVZOR est absent. Le tribunal condamne AVZOR par un jugement du 20 avril 2022. Durant cet intervalle du 21 mars au 20 avril, la prescription a été suspendue. Le délai de prescription de cinq ans débuté le 16 mars 2022 est donc prolongé d’un mois. Cependant cette suspension n’est pas incidente car le jugement est un acte interruptif et un nouveau délai de cinq ans a débuté au jour du jugement. L’huissier signifie le jugement à AVZOR le 20 mai 2022. La signification est un acte interruptif et un nouveau délai de cinq ans a débuté au jour de l’acte de l’huissier. Le 24 juillet 2022, l’huissier a reçu un faible paiement d’AVZOR. C’est le premier et puis plus rien. Le paiement est un acte interruptif et un nouveau délai de cinq ans a débuté au jour de ce paiement. En désespoir de cause, l’expert-comptable demande le 12 septembre 2022 à l’huissier de diligenter une saisie conservatoire sur la voiture qui appartient à AVZOR et sur des créances de clients qui doivent de l’argent à AVZOR. Ces actes sont interruptifs et engendrent à nouveau un délai de cinq ans qui débute. Cependant, la voiture saisie n’est pas enlevée par l’huissier car l’expert-comptable a déjà dépensé beaucoup de frais de procédure alors qu’il n’a reçu qu’un seul maigre paiement. Cette saisie n’est plus d’actualité après un an mais elle peut être remise en vigueur par un nouvel acte. Ce ne serait que si l’expert-comptable ne pratique plus aucun acte dans les cinq ans de la saisie conservatoire ET que le débiteur

AVZOR ne paie rien, que la prescription en recouvrement de la condamnation serait acquise par AVZOR.

Acte visé

8. Tableau des principaux délais particuliers de prescription économique Le délai général de base est de dix ans mais des délais particuliers existent : Acte visé Loyer et charges Indexation et adaptation loyer

Délai de prescription 5 ans 1 an

Crédit non remboursé • Montant du capital

10 ans

• Intérêts et frais

5 ans

Facture d’abonnement à l’énergie, téléphone, TV, internet, etc.

5 ans

Dette sociale ou fiscale

5 ans

• Etablissement de la dette fiscale

7 ans

• Etablissement de la dette sociale

5 ans

Délai de prescription

Action contre la responsabilité des avocats, experts-comptables, experts quelconques

5 ans

Action contre la responsabilité des notaires

10 ans

Jugement

10 ans

9. Pratiques parfois frauduleuses des agences de recouvrement Comme dans tous les métiers il existe de bonnes personnes et d’autres mal intentionnées. Certains créanciers vendent leur créance à une agence de recouvrement ou à une société de titrisation. Rien ne l’interdit et le débiteur se retrouve en face d’un nouveau créancier, souvent moins compréhensif et plus agressif. En France, des sociétés ont été condamnées fin 2021 car elles ne respectaient pas la prescription sur les intérêts (2 ans en France et 5 ans chez nous).

• Recouvrement de la dette sociale ou fiscale

5 ans

En cas de difficultés, n’hésitez pas à vous adresser au meldpunt des services d’inspection économique.

Architectes et entrepreneurs pour le gros œuvre

10 ans

10. Conclusion

Instituteur ou leçons données

1 mois

Hotels, resto, traiteurs

6 mois

Vente de marchandises à des consommateurs

1 an

Acte des huissiers de justice

1 an

Frais de justice (huissier, greffe, etc.)

10 ans

Action contre la responsabilité des huissiers

2 ans

Ne laissez jamais les choses trainer et maintenez le dialogue ouvert. Au besoin faite appel à un médiateur pour dégager une solution cohérente pour toutes les parties. Jean Pierre Riquet Conseiller fiscal certifié

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