Magazine IT n°925

Page 70

www.industrie-technologies.com

PARCOURS

3DIMENSIONSDE

LES

Jean-François Clervoy PRÉSIDENT DIRECTEUR GÉNÉRAL DE NOVESPACE

u premier étage d’un vieil immeuble, en plein cœur de Paris, se trouve le bureau d’un sage curieux comme un enfant. La pièce est grande et lumineuse. En moins de deux minutes, Jean-François Clervoy m’a dit bonjour, qu’il n’a pas beaucoup de temps, qu’il doit finir un e-mail et passer un coup de fil important. Je me retrouve assis à une table ronde, un verre d’eau, un café et les trois objets de la page suivante devant moi. Lui est à son bureau, à ma gauche, l’e-mail est déjà envoyé, il est au téléphone et me fait signe qu’il arrive en souriant. C’est étrange, je n’ai aucunement l’impression d’avoir été bousculé. Finalement je ne sortirai de ce bureau que deux heures plus tard, ravi d’avoir pu partager cette matinée avec un grand monsieur, forgé d’un alliage d’intelligence et d’enthousiasme.

A

L’HOMME cc

Un assoiffé de savoir

Le besoin de comprendre, au-delà de celui d’apprendre, semble le fil conducteur de sa vie incroyablement remplie. Dès l’âge de sept ans, le petit Jean-François s’émerveille devant sa 404 Peugeot téléguidée. Quand d’autres choisissent l’école buissonnière, lui et son frère jumeau préfèrent

70

N°925ccSEPTEMBRE 2010

donner la parole à Billy Bob qui, comme vous allez le constater, est né pour jouer ». Une fois devant le micro, le Français a dévoilé les jeux qu’il avait créés en apesanteur. En particulier les fléchettes de l’espace : un astronaute lâche son rouleau de scotch en le perturbant le moins possible, le second doit lancer en ligne droite son crayon pour qu’il passe à travers. Pas si simple en l’absence de gravité. « Jean-Franpasser au laboratoire de leur oncle profes- çois est le contraire du type blasé, raconte seur de sciences naturelles. « J’ai toujours Jean-Yves Heloret qui était avec lui à Polyété fasciné par ce que l’homme est capable technique et à Supaero. Tout ce qui est de faire », résume-t-il quand il évoque les nouveau l’attire, surtout les choses dangedémontages et remontareuses. Mais il les fait touges incessants des appa- IL SE RETROUVE jours de façon raisonnée. » PDG D’UNE reils domestiques de ses ENTREPRISE Être astronaute lui a perparents. Assez vite il se NÉE DE SON PROJET mis de combler son goût passionne pour l’électro- DE THÈSE 23 ANS pour les risques maîtrisés, nique. À 16 ans, il rejoint PLUS TÔT. mais pas seulement. le Groupe amateur de réa« Quand on regarde de làlisation et d’études de fusée (Garef), un haut, on se rend compte que la Terre est club à la pointe de la technique. « J’étu- finie et que l’océan est le système de supdiais des documents même pas enseignés port de vie de la planète, qu’il régule tout », dans les écoles d’électronique à l’époque, rapporte l’astronaute. Une fois le pied posé sur les ampli-op par exemple », se sou- au sol, il s’est impliqué dans des actions de vient-il. Se creuser les méninges jusqu’à la protection de l’environnement telles que satisfaction finale de trouver la solution à Te mana o te moana et le parc de loisirs sur un problème est le moteur de Jean-Fran- l’exploration de la terre, Eana, en Normançois Clervoy. Il possède une collection de die. plus de cent casse-têtes qu’il continue d’alimenter pour mettre à l’épreuve son esprit. L’INGÉNIEUR D’après lui « un casse-tête doit se faire en cc Un précurseur une ou deux minutes, sinon le cerveau des vols paraboliques s’engage dans un cul-de-sac et le casse-tête Très bon élève depuis toujours, il choisit a gagné. Il faut sortir de l’intuition. Sou- « la voie royale » après sa terminale C : vent je le pose, l’observe et trouve la solu- math sup – math spé. « Je ne me suis pas tion sans le manipuler. » dit, “je veux être ingénieur”, analyse-t-il Dans l’espace, ses inventives facéties lui aujourd’hui. Mais rétrospectivement ont valu de se faire chambrer. L’un de ses c’était logique. » L’espace n’est encore collègues astronautes américains l’a pré- qu’un centre d’intérêt parmi senté ainsi lors d’une conférence : « Je vais d’autres pour cet insatiable

T. GOGNY POUR INDUSTRIE ET TECHNOLOGIES

Diplômé de Polytechnique, de Supaero et du brevet d’ingénieur navigant d’essai, Jean-François Clervoy n’a eu de cesse de vouloir apprendre et progresser. Intégré au Cnes dès sa sortie de l’X, il a d’abord été ingénieur en automatisme avant de devenir astronaute français puis européen. En 1985, il fut à l’origine des premiers vols paraboliques effectués en Europe. Après 15 ans dédiés à l’Agence spatiale européenne (ESA), l’astronaute est revenu à ses premières amours : le voilà PDG de Novespace, la société qui fait voler l’A300 Zero-G. Cet avion permet à ses passagers d’expérimenter l’apesanteur.


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.