Histoire des sous-marins, des origines à nos jours

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A. SHELDON-DUPLAIX J.-M. MATHEY

L ES

Analyste au ministère de la Défense de 1987 à 1999, chargé d’études et d’enseignement au service historique de la Marine puis de la défense jusqu’en 2020, Alexandre SHELDONDUPLAIX est coauteur depuis 2018 de Flottes de Combat. Il donne des conférences à l’école de guerre et à l’école navale. Il a écrit ou coécrit sept ouvrages dont Histoire mondiale des porte-avions, des origines à nos jours et un livre sur la guerre froide et l’espionnage naval.

HISTOIRE DES SOUS-MARINS

Par leur capacité à se dérober sous nos yeux et à se fondre dans le milieu hostile que constitue l’océan, les sous-marins sont devenus l’arme décisive du combat naval et du maintien de l’équilibre stratégique de la dissuasion nucléaire entre les grandes puissances. Cette quatrième édition entièrement refondue et actualisée retrace les développements techniques dans les différents pays constructeurs et l’évolution des stratégies militaires qui ont conduit cette plate-forme submersible à transformer l’histoire depuis l’aube du XXe siècle. Écrit par deux spécialistes, cet ouvrage permet de comprendre le rôle des sous-marins des origines à nos jours. Sa très riche iconographie – plus de 650 images, dont 230 nouvelles – comporte de nombreux documents inédits venus de grandes collections internationales.

AUTEURS

Le contre-amiral Jean-Marie MATHEY a commandé plusieurs sous-marins de la Marine nationale dont le sous-marin nucléaire lanceur d’engins L’Indomptable et a eu l’occasion de plonger à bord d’unités étrangères. Il a été président de l’association nationale qui regroupe les anciens sous-mariniers et a réalisé des études au profit d’une fondation française de recherches stratégiques.

DES ORIGINES À NOS JOURS

Déjà parus chez E-T-A-I

ISBN : 979-10-283-0518-5

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Histoire sous-marins_jaquette.indd 1

Alexandre SHELDON-DUPLAIX

Jean-Marie MATHEY

Sophia Éditions 5, avenue de la République 75011 Paris

08/03/2022 15:19



Jean-Marie Mathey Alexandre Sheldon-Duplaix



sommaire

Avant-propos Introduction

5 6

AVANT-PROPOS

CHAPITRE I

DES ORIGINES AUX SOUS-MARINS DE DÉFENSE DE RADE Pénétrer sous le miroir Naissance du sous-marin militaire La conquête de la mobilité horizontale Sous-marin ou submersible

8 9 12 16 18

CHAPITRE II

LE SUBMERSIBLE (1899-1943) Hésitations et développements (1899-1914) Guerre sous-marine et guerre totale : le premier épisode (1914-1918) L’entre-deux-guerres Guerre sous-marine et guerre totale : la reprise (1939-1945)

24 25 30 38 48

Les bactéries, les clandestins, la force gravitationnelle d’attraction ont un point commun : on ne les voit pas à l’œil nu. Par conséquent, certains doutent de leur existence, et ceux qui sont conscients de leur présence, parce qu’ils perçoivent leurs effets, s’en méfient, car ils ne peuvent ni les maîtriser ni les orienter.

CHAPITRE III

LE VÉRITABLE SOUS-MARIN (1943-1975) De l’Elektroboot à l’Albacore Le réacteur nucléaire l’emporte sur la turbine Walter L’invention du sous-marin stratégique La lutte contre le sous-marin bruyant

60 61 68 82 88

CHAPITRE IV

LA COURSE AU SILENCE (1975-1991)

98

L’équilibre de la terreur Le nouveau “capital ship” La fusion de l’Elektroboot et de l’Albacore La guerre contre le sous-marin silencieux

99 103 110 116

Les sous-marins entrent dans la même catégorie. Invisibles en plongée, ils sont perceptibles pour notre œil seulement hors de leur milieu, ou encore lors de leur construction avant de s’y glisser. Ils existent cependant et circulent en permanence loin de notre regard. L’imaginaire ne cesse d’être fasciné par ces merveilleuses ou effroyables machines plongeantes et par leurs équipages.

CHAPITRE V

FRONTIÈRES LITTORALES ET DÉNI D’ACCÈS (1991-2022) En quête d’une raison d’être Nouvelles options stratégiques Reconfigurer le SNA pour la guerre littorale Apogée ou renouveau du sous-marin non nucléaire Retour à la guerre hauturière ?

124 125 132 142 149 159

CHAPITRE VI

OPÉRATIONS SPÉCIALES ET SOUS-MARINS DE POCHE Les opérations spéciales Torpilles humaines et engins humides Embarcations submersibles Les mini-sous-marins Confrontations russo-américaine dans les grands fonds

164 165 170 174 175 184

du pétrole ou tuant sans préavis. Comme les clandestins, ils visent à équilibrer des forces en lutte, servant plus souvent auprès de David que de Goliath. Comme la gravitation, ils sont omniprésents et leur menace hante les stratèges.

Le récit qui va suivre est un passeport pour pénétrer le monde étrange des sous-marins. Il s’efforce de présenter les grandes étapes de leur histoire en illustrant les différentes

CHAPITRE VII

SOUS-MARINS JAUNES : SAUVETAGE, EXPLORATION ET COMMERCE 192 Le génie océanique Les engins habités Les robots Les sous-marins de sauvetage Les autres applications des sous-marins

Ils sont comme les bactéries, capables du meilleur comme du pire, réparant les artères

193 195 201 204 210

familles de machines, militaires et civiles, qui coexistent dans les mers du globe.

CONCLUSION

Regards sur le XXI e siècle

219

Abréviations Bibliographie Remerciements et crédits iconographiques

222 223 224

5


DES ORIGINES AUX SOUS-MARINS DE DÉFENSE DE RADE

NAISSANCE DU SOUS-MARIN MILITAIRE Nikonov propose à Pierre 1er, en 1718, un sous-marin propulsé par aviron. Il aurait peutêtre été réalisé pour une démonstration devant le Tsar en 1720.

Tortue de Bushnell (1775-1777) : l’engin, piloté par Ezra Lee, tente sans succès de placer une charge explosive sous le vaisseau amiral Eagle en septembre 1776.

Le Nautilus de Fulton construit chez Perrier à Paris (1800) : il effectue une sortie en Manche en septembre et marche en surface à la voile. La seconde version (en bas) est proposée à l’Angleterre (1806).

“Après plusieurs tentatives faites pour trouver un opérateur à mon gré, j’en ai rencontré un qui paraissait plus habile que les autres et que j’ai envoyé de New York vers un vaisseau de cinquante canons qui stationnait près de Governor’s Island. Il alla au-dessous du vaisseau et essaya de fixer la vis à bois dans la carène, mais, comme il l’avait supposé, il rencontra une barre de fer ; comme il ne savait pas bien manœuvrer son bateau, il s’éloigna du vaisseau pensant que l’ennemi l’avait découvert, il abandonna la caisse [de 150 livres de poudre] qui le retardait. Après une heure, le temps de marche du mouvement d’horlogerie, la charge fit explosion avec grand bruit”. Passionné de mécanique, l’Américain Robert Fulton envoie au Directoire le 13 décembre 1797 une lettre ainsi rédigée : “Considérant la grande importance qu’il y aurait à diminuer la puissance des flottes anglaises, j’ai projeté la construction d’un Nautilus mécanique, machine qui, j’en ai le plus grand espoir, sera capable d’anéantir cette marine ; car j’ai confiance que la pratique portera l’appareil à sa perfection”. Le 5 septembre 1798, la commission réunie pour étudier son projet recommande sans être écoutée son adoption : “Concluons : l’arme imaginée par le citoyen Fulton est un moyen de destruction terrible, parce qu’elle agit dans le silence et d’une manière presque inévitable ; elle convient particulièrement au Français parce qu’ayant (on pourrait dire nécessairement) une marine plus faible que son adversaire, l’entier anéantissement de l’une et de l’autre lui est avantageux”. Fulton fait construire son Nautilus à Paris dans les ateliers des frères Perrier et effectue des essais de plongée réussis sur la Seine, à Rouen et au Havre. À la Hougue, il tente sans succès d’approcher deux bricks anglais et reste pendant six heures en immersion, renouvelant l’air au moyen d’un tube. Soutenu par les savants Laplace et Monge, Fulton obtient enfin un soutien du Premier consul qui lui permet de conduire une expérience avec le Nautilus et des explosifs (juillet 1801). Convaincu que le sous-marin peut être avantageusement remplacé par une embarcation tirant une charge d’explosif au bout d’une ligne, la Marine retire son soutien au Nautilus et le Premier consul se lasse de l’inventeur qui va offrir ses services à la GrandeBretagne. La destruction d’un brick de 200 tonneaux par un explosif sous-marin devant le Premier ministre Pitt et le ministre de la Marine Lord Saint-Vincent les confond. Si la Grande-Bretagne tente d’utiliser les mines à Boulogne, elle préfère ignorer le sous-marin. Lord Saint-Vincent s’oppose à “encourager un genre de guerre inutile à ceux qui sont les maîtres de la mer, et qui, s’il réussit, les privera de cette supériorité”.

Les premières utilisations militaires d’embarcations submersibles ou semi-submersibles servent au transport de combattants et à l’attaque de bâtiments pour les percer ou s’en emparer. En 1472, le vénitien Roberto Valturio décrit un bateau couvert d’une toile cirée, démontable en trois tronçons, capable de franchir une rivière en immersion pour se dérober à la vue de l’ennemi. L’histoire des pays septentrionaux d’Olaf le Grand rapporte que les corsaires du Gruntland (xve siècle) confectionnent des petites barques de cuir submersibles avec lesquelles ils vont trouer la coque des grandes nefs marchandes. Un siècle plus tard, le père jésuite Georges Fournier décrit la tactique des cosaques du roi de Pologne qui attaquent nuitamment les galères turques après avoir coulé pendant la journée leurs embarcations en peau de vache et respiré avec des cannes. En 1653, le Français de Son construit à Rotterdam un engin longiligne sur une traverse en fer dotée d’une passerelle supérieure et propulsée par une roue à aubes située dans un coffre central, mise en œuvre par un ressort remonté pour une durée de huit heures. L’engin doit rompre l’ennemi par le choc. Sa publicité est ainsi rédigée : “... l’inventeur de ce projet peut entreprendre de détruire cent vaisseaux en un jour… et courir aussi vite qu’un oiseau peut voler… En vain, les vaisseaux se croient en sûreté dans leurs ports, car il pourra les rejoindre n’importe où…”. L’inventeur annule une démonstration prévue pour le 6 juillet 1654 et disparaît. En 1718, un sous-marin est proposé au Tsar de Russie Pierre Ier par Nikonov. Avec Bushnell, Fulton et Bauer, les sous-marins deviennent des engins porteurs d’explosifs destinés à rompre un blocus. David Bushnell, étudiant à Yale, décrit ainsi, dans une lettre d’octobre 1787 au futur président américain Thomas Jefferson, l’engin qui a effectué la première attaque en immersion avec des explosifs : “La forme extérieure offre quelque ressemblance avec deux moitiés supérieures d’une carapace de tortue accolées l’une à l’autre… L’intérieur pouvait renfermer l’opérateur et une provision d’air suffisante pour lui permettre de séjourner une demi-heure sans faire de nouvelles provision d’air frais”. Il poursuit en relatant son attaque de 1775 contre le vaisseau amiral britannique :

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L’américain Robert Fulton (1765-1815) représenté par le sculpteur Houdon à l’âge de 38 ans. Fulton utilise tour à tour l’argument de la lutte contre l’oppression d’un plus fort – le blocus anglais, l’Europe napoléonienne – pour tenter de rallier Français et Anglais à son invention. Les seconds, qui dominent la mer, le payent pour qu’il cesse de développer une arme menaçant le statu quo.

L’ingénieur militaire russe Karl Schilder conçoit deux sous-marins en métal lançant des fusées à poudre, essayés de 1834 à 1841.

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DES ORIGINES AUX SOUS-MARINS DE DÉFENSE DE RADE

NAISSANCE DU SOUS-MARIN MILITAIRE Nikonov propose à Pierre 1er, en 1718, un sous-marin propulsé par aviron. Il aurait peutêtre été réalisé pour une démonstration devant le Tsar en 1720.

Tortue de Bushnell (1775-1777) : l’engin, piloté par Ezra Lee, tente sans succès de placer une charge explosive sous le vaisseau amiral Eagle en septembre 1776.

Le Nautilus de Fulton construit chez Perrier à Paris (1800) : il effectue une sortie en Manche en septembre et marche en surface à la voile. La seconde version (en bas) est proposée à l’Angleterre (1806).

“Après plusieurs tentatives faites pour trouver un opérateur à mon gré, j’en ai rencontré un qui paraissait plus habile que les autres et que j’ai envoyé de New York vers un vaisseau de cinquante canons qui stationnait près de Governor’s Island. Il alla au-dessous du vaisseau et essaya de fixer la vis à bois dans la carène, mais, comme il l’avait supposé, il rencontra une barre de fer ; comme il ne savait pas bien manœuvrer son bateau, il s’éloigna du vaisseau pensant que l’ennemi l’avait découvert, il abandonna la caisse [de 150 livres de poudre] qui le retardait. Après une heure, le temps de marche du mouvement d’horlogerie, la charge fit explosion avec grand bruit”. Passionné de mécanique, l’Américain Robert Fulton envoie au Directoire le 13 décembre 1797 une lettre ainsi rédigée : “Considérant la grande importance qu’il y aurait à diminuer la puissance des flottes anglaises, j’ai projeté la construction d’un Nautilus mécanique, machine qui, j’en ai le plus grand espoir, sera capable d’anéantir cette marine ; car j’ai confiance que la pratique portera l’appareil à sa perfection”. Le 5 septembre 1798, la commission réunie pour étudier son projet recommande sans être écoutée son adoption : “Concluons : l’arme imaginée par le citoyen Fulton est un moyen de destruction terrible, parce qu’elle agit dans le silence et d’une manière presque inévitable ; elle convient particulièrement au Français parce qu’ayant (on pourrait dire nécessairement) une marine plus faible que son adversaire, l’entier anéantissement de l’une et de l’autre lui est avantageux”. Fulton fait construire son Nautilus à Paris dans les ateliers des frères Perrier et effectue des essais de plongée réussis sur la Seine, à Rouen et au Havre. À la Hougue, il tente sans succès d’approcher deux bricks anglais et reste pendant six heures en immersion, renouvelant l’air au moyen d’un tube. Soutenu par les savants Laplace et Monge, Fulton obtient enfin un soutien du Premier consul qui lui permet de conduire une expérience avec le Nautilus et des explosifs (juillet 1801). Convaincu que le sous-marin peut être avantageusement remplacé par une embarcation tirant une charge d’explosif au bout d’une ligne, la Marine retire son soutien au Nautilus et le Premier consul se lasse de l’inventeur qui va offrir ses services à la GrandeBretagne. La destruction d’un brick de 200 tonneaux par un explosif sous-marin devant le Premier ministre Pitt et le ministre de la Marine Lord Saint-Vincent les confond. Si la Grande-Bretagne tente d’utiliser les mines à Boulogne, elle préfère ignorer le sous-marin. Lord Saint-Vincent s’oppose à “encourager un genre de guerre inutile à ceux qui sont les maîtres de la mer, et qui, s’il réussit, les privera de cette supériorité”.

Les premières utilisations militaires d’embarcations submersibles ou semi-submersibles servent au transport de combattants et à l’attaque de bâtiments pour les percer ou s’en emparer. En 1472, le vénitien Roberto Valturio décrit un bateau couvert d’une toile cirée, démontable en trois tronçons, capable de franchir une rivière en immersion pour se dérober à la vue de l’ennemi. L’histoire des pays septentrionaux d’Olaf le Grand rapporte que les corsaires du Gruntland (xve siècle) confectionnent des petites barques de cuir submersibles avec lesquelles ils vont trouer la coque des grandes nefs marchandes. Un siècle plus tard, le père jésuite Georges Fournier décrit la tactique des cosaques du roi de Pologne qui attaquent nuitamment les galères turques après avoir coulé pendant la journée leurs embarcations en peau de vache et respiré avec des cannes. En 1653, le Français de Son construit à Rotterdam un engin longiligne sur une traverse en fer dotée d’une passerelle supérieure et propulsée par une roue à aubes située dans un coffre central, mise en œuvre par un ressort remonté pour une durée de huit heures. L’engin doit rompre l’ennemi par le choc. Sa publicité est ainsi rédigée : “... l’inventeur de ce projet peut entreprendre de détruire cent vaisseaux en un jour… et courir aussi vite qu’un oiseau peut voler… En vain, les vaisseaux se croient en sûreté dans leurs ports, car il pourra les rejoindre n’importe où…”. L’inventeur annule une démonstration prévue pour le 6 juillet 1654 et disparaît. En 1718, un sous-marin est proposé au Tsar de Russie Pierre Ier par Nikonov. Avec Bushnell, Fulton et Bauer, les sous-marins deviennent des engins porteurs d’explosifs destinés à rompre un blocus. David Bushnell, étudiant à Yale, décrit ainsi, dans une lettre d’octobre 1787 au futur président américain Thomas Jefferson, l’engin qui a effectué la première attaque en immersion avec des explosifs : “La forme extérieure offre quelque ressemblance avec deux moitiés supérieures d’une carapace de tortue accolées l’une à l’autre… L’intérieur pouvait renfermer l’opérateur et une provision d’air suffisante pour lui permettre de séjourner une demi-heure sans faire de nouvelles provision d’air frais”. Il poursuit en relatant son attaque de 1775 contre le vaisseau amiral britannique :

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L’américain Robert Fulton (1765-1815) représenté par le sculpteur Houdon à l’âge de 38 ans. Fulton utilise tour à tour l’argument de la lutte contre l’oppression d’un plus fort – le blocus anglais, l’Europe napoléonienne – pour tenter de rallier Français et Anglais à son invention. Les seconds, qui dominent la mer, le payent pour qu’il cesse de développer une arme menaçant le statu quo.

L’ingénieur militaire russe Karl Schilder conçoit deux sous-marins en métal lançant des fusées à poudre, essayés de 1834 à 1841.

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LE VÉRITABLE SOUS-MARIN (1943-1975)

Le sous-marin stratégique britannique Resolution, résultat de la conférence de Nassau (1962) où les États-Unis consentent à transférer des missiles stratégiques POLARIS à la Grande-Bretagne.

Le Redoutable est armé de missiles MSBS M-1 (portée : 2 500 km) dont les dimensions sont copiées sur les missiles POSEIDON américains. La troisième unité, le Foudroyant, est armée du missile M2 (portée : 3 000 km).

Bernard Louzeau, premier commandant du Redoutable et chef d’État-major de la marine (1987-1990)

Le général de Gaulle au lancement du Redoutable, premier sous-marin nucléaire lance-engins (SNLE), le 29 mars 1967.

La conception du sous-marin est placée sous la responsabilité de S. J Palmer et R.J. Daniel. L’investissement industriel est partagé entre deux chantiers : Vickers (Barrow) et Cammell Laird (Mersey). L’idée de suivre des plans américains est rejetée, car elle s’adapte mal à la construction dans ces chantiers (outillage, brevets). Contrairement aux États-Unis, la Grande-Bretagne rejette l’idée de couper en deux ses nouveaux sous-marins nucléaires d’attaque de la classe VALIANT pour y insérer une tranche missiles. En définitive, les quatre unités de la classe RESOLUTION se composent d’une tranche réacteur, identique à celle des VALIANT, d’une tranche missiles conçue avec une assistance américaine et d’une tranche avant de conception originale. Le Resolution effectue sa première patrouille opérationnelle en juin 1968. Trois autres unités rallient la flotte en moins de deux ans, prenant aux VULCAN vieillissants de la Royal Air Force le flambeau de la dissuasion nucléaire britannique, pour un coût d’opération annuel quatre fois moindre. En France, dès novembre 1959, le général de Gaulle donne la priorité au programme nucléaire engagé sous la ive République, et fait procéder à l’explosion de la première bombe à Reggane, le 13 février 1960. Un programme de missiles sol-sol balistiques stratégiques (SSBS) doit permettre de compléter les cinquante Mirage IV de la Force aérienne stratégique (FAS), qui constituent la première composante en date de la dissuasion française. La décision de construire un sousmarin lance-engins est prise en 1962, et s’accompagne de la création de l’organisation Cœlacanthe chargée de la réalisation des études. Déplaçant 9 000 tonnes en plongée, le nouveau sous-marin sera deux fois plus lourd que son prédécesseur malheureux, le Q-244, et pourra recevoir plus facilement le réacteur nucléaire dérivé du prototype à terre de Cadarache, qui diverge pour la première fois en août 1964. Quant à la coque du Q-244, elle devient le Gymnote, plate-forme expérimentale à propulsion classique pour la version "navalisée" du SSBS, le missile mer-sol balistique stratégique. Lancé le 29 mars 1967, le Redoutable reçoit son cœur nucléaire en janvier 1969 et effectue sa première patrouille opérationnelle le 29 janvier 1972, sous les ordres du capitaine de frégate Louzeau, étroitement associé au programme depuis ses débuts. La portée du missile M-1 (2 500 kilomètres) impose une zone de patrouille proche des côtes de l’ennemi potentiel, l’URSS. Quatre autres unités sont admises au service, entre janvier 1972 et mai 1980. Introduit en 1974 sur la troisième unité, le missile M-2 porte plus loin (3 000 km) et permet d’augmenter la zone de patrouille. Il est bientôt remplacé par le M-20, d’une portée identique mais deux fois plus puissant, qui est installé à bord de toutes les unités. En Chine, la décision de lancer un programme de sous-marins lance-missiles balistiques à propulsion

Khrouchtchev consent à transférer à la Chine un sous-marin lancemissiles balistiques du Projet 628 (GOLF) qui sert de plate-forme expérimentale pour le développement du missile stratégique chinois à comburant solide JL-1.

nucléaire remonte à mai 1958, à peine deux ans après la décision américaine de lancer le programme POLARIS. Une réunion présidée par le maréchal Nie Rongzhen, rassemblant les principaux responsables de la recherche et du développement, recommande la réalisation d’un sous-marin à propulsion nucléaire, le Projet 09, et d’un missile balistique. Approuvée par Mao dans la perspective du “grand bond en avant”, cette résolution est ensuite adoptée par la Commission militaire centrale. Un an avant, l’URSS avait consenti à apporter une aide limitée à la Chine dans le domaine nucléaire : livraison du prototype d’une bombe atomique (promesse non tenue), conférences sur le programme de sous-marins nucléaires soviétiques. L’URSS espère, en contrepartie, installer en Chine une station radio à longues ondes (VLF) pour communiquer avec ses sousmarins, et louer les bases de Lushun et Dalian. Mais les malentendus entre les deux alliés compliquent les échanges. La Chine est soucieuse de marquer sa souveraineté et refuse la présence soviétique sur son sol. En octobre 1958, Khrouchtchev, espérant montrer sa bonne volonté, consent à transférer à la Chine un sous-marin lance-missiles balistiques à propulsion classique. Le transfert est significatif, car il apporte à la Chine des connaissances dont elle a besoin sur la propulsion et le guidage des missiles. Un an plus tard, l’URSS signifie à la Chine le gel pour deux ans de son aide en matière nucléaire. Pékin demande sans succès le droit pour ses ingénieurs de visiter un sous-marin nucléaire soviétique. Khrouchtchev est mécontent de l’indépendance de son allié chinois et, en particulier, de sa politique non concertée sur Taïwan. Sur la question du sous-marin, le premier secrétaire préfère proposer la constitution de flottilles sino-soviétiques de sous-marins nucléaires, dont l’URSS assurerait la réalisation. Furieux, Mao répond que la Chine développera un sous-marin nucléaire lance-missiles stratégiques, quand bien même cet effort devrait lui prendre dix mille ans. La première étape consiste à assembler au chantier de Dalian le sous-marin lance-missiles balistiques conventionnel (629 GOLF) que l’URSS a consenti à livrer à la Chine. Lancé en 1964, il rejoint la flotte en 1966. L’option d’un réacteur en boucle à uranium faiblement enrichi a été retenue pour le futur sous-marin stratégique. Les publications étrangères sont disséquées, en particulier celles concernant le navire allemand à propulsion nucléaire Otto Hahn. En juillet 1960, les plans d’un prototype sont prêts. La réalisation d’un missile naval à carburant solide est un autre défi pour cette nation d’artificiers. Au début, la Chine peut espérer s’appuyer sur l’aide soviétique qui fournit un missile naval à carburant liquide. Mais l’URSS préfère les carburants liquides et, en octobre 1959, Khrouchtchev refuse son soutien au programme chinois,

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jugé trop ambitieux. Livrée à elle-même, la Chine crée un Institut des missiles à comburant solide en 1962, bientôt élevé au rang de quatrième académie, en 1965, et lance le programme du missile balistique JL-1. Mais la rupture sino-soviétique coûte cher. La Chine doit développer seule une instrumentation qu’elle pouvait auparavant obtenir en URSS. En 1966, le programme subit un nouveau contretemps : priorité est donnée à la réalisation d’un sous-marin nucléaire d’attaque, le Projet 09-1, au détriment du sous-marin stratégique, le Projet 09-2, qui est retardé. Les travaux sur le système d’éjection du JL-1 se poursuivent néanmoins. En 1971, le tube de lancement est installé à bord du GOLF expérimental, mais la mise au point va demander huit ans d’essais intensifs.

Étages supérieurs d’un missile POLARIS.

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LE VÉRITABLE SOUS-MARIN (1943-1975)

Le sous-marin stratégique britannique Resolution, résultat de la conférence de Nassau (1962) où les États-Unis consentent à transférer des missiles stratégiques POLARIS à la Grande-Bretagne.

Le Redoutable est armé de missiles MSBS M-1 (portée : 2 500 km) dont les dimensions sont copiées sur les missiles POSEIDON américains. La troisième unité, le Foudroyant, est armée du missile M2 (portée : 3 000 km).

Bernard Louzeau, premier commandant du Redoutable et chef d’État-major de la marine (1987-1990)

Le général de Gaulle au lancement du Redoutable, premier sous-marin nucléaire lance-engins (SNLE), le 29 mars 1967.

La conception du sous-marin est placée sous la responsabilité de S. J Palmer et R.J. Daniel. L’investissement industriel est partagé entre deux chantiers : Vickers (Barrow) et Cammell Laird (Mersey). L’idée de suivre des plans américains est rejetée, car elle s’adapte mal à la construction dans ces chantiers (outillage, brevets). Contrairement aux États-Unis, la Grande-Bretagne rejette l’idée de couper en deux ses nouveaux sous-marins nucléaires d’attaque de la classe VALIANT pour y insérer une tranche missiles. En définitive, les quatre unités de la classe RESOLUTION se composent d’une tranche réacteur, identique à celle des VALIANT, d’une tranche missiles conçue avec une assistance américaine et d’une tranche avant de conception originale. Le Resolution effectue sa première patrouille opérationnelle en juin 1968. Trois autres unités rallient la flotte en moins de deux ans, prenant aux VULCAN vieillissants de la Royal Air Force le flambeau de la dissuasion nucléaire britannique, pour un coût d’opération annuel quatre fois moindre. En France, dès novembre 1959, le général de Gaulle donne la priorité au programme nucléaire engagé sous la ive République, et fait procéder à l’explosion de la première bombe à Reggane, le 13 février 1960. Un programme de missiles sol-sol balistiques stratégiques (SSBS) doit permettre de compléter les cinquante Mirage IV de la Force aérienne stratégique (FAS), qui constituent la première composante en date de la dissuasion française. La décision de construire un sousmarin lance-engins est prise en 1962, et s’accompagne de la création de l’organisation Cœlacanthe chargée de la réalisation des études. Déplaçant 9 000 tonnes en plongée, le nouveau sous-marin sera deux fois plus lourd que son prédécesseur malheureux, le Q-244, et pourra recevoir plus facilement le réacteur nucléaire dérivé du prototype à terre de Cadarache, qui diverge pour la première fois en août 1964. Quant à la coque du Q-244, elle devient le Gymnote, plate-forme expérimentale à propulsion classique pour la version "navalisée" du SSBS, le missile mer-sol balistique stratégique. Lancé le 29 mars 1967, le Redoutable reçoit son cœur nucléaire en janvier 1969 et effectue sa première patrouille opérationnelle le 29 janvier 1972, sous les ordres du capitaine de frégate Louzeau, étroitement associé au programme depuis ses débuts. La portée du missile M-1 (2 500 kilomètres) impose une zone de patrouille proche des côtes de l’ennemi potentiel, l’URSS. Quatre autres unités sont admises au service, entre janvier 1972 et mai 1980. Introduit en 1974 sur la troisième unité, le missile M-2 porte plus loin (3 000 km) et permet d’augmenter la zone de patrouille. Il est bientôt remplacé par le M-20, d’une portée identique mais deux fois plus puissant, qui est installé à bord de toutes les unités. En Chine, la décision de lancer un programme de sous-marins lance-missiles balistiques à propulsion

Khrouchtchev consent à transférer à la Chine un sous-marin lancemissiles balistiques du Projet 628 (GOLF) qui sert de plate-forme expérimentale pour le développement du missile stratégique chinois à comburant solide JL-1.

nucléaire remonte à mai 1958, à peine deux ans après la décision américaine de lancer le programme POLARIS. Une réunion présidée par le maréchal Nie Rongzhen, rassemblant les principaux responsables de la recherche et du développement, recommande la réalisation d’un sous-marin à propulsion nucléaire, le Projet 09, et d’un missile balistique. Approuvée par Mao dans la perspective du “grand bond en avant”, cette résolution est ensuite adoptée par la Commission militaire centrale. Un an avant, l’URSS avait consenti à apporter une aide limitée à la Chine dans le domaine nucléaire : livraison du prototype d’une bombe atomique (promesse non tenue), conférences sur le programme de sous-marins nucléaires soviétiques. L’URSS espère, en contrepartie, installer en Chine une station radio à longues ondes (VLF) pour communiquer avec ses sousmarins, et louer les bases de Lushun et Dalian. Mais les malentendus entre les deux alliés compliquent les échanges. La Chine est soucieuse de marquer sa souveraineté et refuse la présence soviétique sur son sol. En octobre 1958, Khrouchtchev, espérant montrer sa bonne volonté, consent à transférer à la Chine un sous-marin lance-missiles balistiques à propulsion classique. Le transfert est significatif, car il apporte à la Chine des connaissances dont elle a besoin sur la propulsion et le guidage des missiles. Un an plus tard, l’URSS signifie à la Chine le gel pour deux ans de son aide en matière nucléaire. Pékin demande sans succès le droit pour ses ingénieurs de visiter un sous-marin nucléaire soviétique. Khrouchtchev est mécontent de l’indépendance de son allié chinois et, en particulier, de sa politique non concertée sur Taïwan. Sur la question du sous-marin, le premier secrétaire préfère proposer la constitution de flottilles sino-soviétiques de sous-marins nucléaires, dont l’URSS assurerait la réalisation. Furieux, Mao répond que la Chine développera un sous-marin nucléaire lance-missiles stratégiques, quand bien même cet effort devrait lui prendre dix mille ans. La première étape consiste à assembler au chantier de Dalian le sous-marin lance-missiles balistiques conventionnel (629 GOLF) que l’URSS a consenti à livrer à la Chine. Lancé en 1964, il rejoint la flotte en 1966. L’option d’un réacteur en boucle à uranium faiblement enrichi a été retenue pour le futur sous-marin stratégique. Les publications étrangères sont disséquées, en particulier celles concernant le navire allemand à propulsion nucléaire Otto Hahn. En juillet 1960, les plans d’un prototype sont prêts. La réalisation d’un missile naval à carburant solide est un autre défi pour cette nation d’artificiers. Au début, la Chine peut espérer s’appuyer sur l’aide soviétique qui fournit un missile naval à carburant liquide. Mais l’URSS préfère les carburants liquides et, en octobre 1959, Khrouchtchev refuse son soutien au programme chinois,

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jugé trop ambitieux. Livrée à elle-même, la Chine crée un Institut des missiles à comburant solide en 1962, bientôt élevé au rang de quatrième académie, en 1965, et lance le programme du missile balistique JL-1. Mais la rupture sino-soviétique coûte cher. La Chine doit développer seule une instrumentation qu’elle pouvait auparavant obtenir en URSS. En 1966, le programme subit un nouveau contretemps : priorité est donnée à la réalisation d’un sous-marin nucléaire d’attaque, le Projet 09-1, au détriment du sous-marin stratégique, le Projet 09-2, qui est retardé. Les travaux sur le système d’éjection du JL-1 se poursuivent néanmoins. En 1971, le tube de lancement est installé à bord du GOLF expérimental, mais la mise au point va demander huit ans d’essais intensifs.

Étages supérieurs d’un missile POLARIS.

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LA COURSE AU SILENCE (1975-1991)

Le Seawolf à la mer : plus rapide (plus de 40 nœuds), plus armé et plus discret que ses prédécesseurs ou ses adversaires, le Seawolf doit redonner une supériorité absolue aux forces sous-marines américaines sur leur adversaire soviétique.

Maquette d’un LOS ANGELES Improved. Remarquez les trois ponts du compartiment avant : le pont inférieur abrite les armes (dont des missiles de croisière TOMAHAWK à vocation stratégique ou tactique) qui sont lancées par des tubes en barbette (ci-dessous) en retrait de l’extrême avant et à des tubes lance-missiles dans des tubes verticaux réservé à l’antenne sonar sphérique.

PCNO d’un LOS ANGELES.

- rattraper les sous-marins soviétiques qui auraient franchi la barrière anti-sous-marine de l’Atlantique nord dressée par les forces de l’OTAN entre le Groenland, l’Islande, les îles Féroé et l’Écosse, - donner un avantage au sous-marin américain qui serait détecté par un sous-marin soviétique, - escorter les groupes de porte-avions, cible privilégiée des sous-marins soviétiques. Comment construire un sous-marin plus rapide ? Dès novembre 1963, Rickover a proposé une solution : celle d’adopter un réacteur nucléaire pour destroyer deux fois plus puissant que le réacteur S5W. Ainsi va naître le réacteur S6G d’une puissance de 22 MW, qui donnera au nouveau sous-marin une vitesse supérieure à 31 nœuds. Par ailleurs, un nouvel acier, le HY-130, est en cours de développement pour augmenter la résistance et réduire le poids. On estime que la future classe de sous-marins d’attaque américains, baptisée LOS ANGELES, doit comprendre une trentaine d’unités, soit deux unités pour escorter chaque porte-avions. Parallèlement, la marine envisage le développement d’un nouveau sous-marin lancemissiles de croisière pour attaquer les groupes de surface soviétiques et frapper les sous-marins à très longue distance. Le projet est abandonné en faveur d’une version modifiée du LOS ANGELES, dotée de douze missiles de croisière en puits verticaux.

de la suite sonar BSY-1 améliorée ; ces 688-I peuvent mouiller des mines à partir de leurs tubes lance-torpilles et opérer sous les glaces grâce à un massif renforcé et à des barres de plongée repositionnées sur la coque. Les LOS ANGELES sont divisés en deux compartiments étanches, dans une seule coque. L’extrême avant contient l’immense sphère du sonar BQQ-5D/E formée de plus de 1 000 hydrophones. Le compartiment avant comprend trois ponts : - le PCNO sur le pont supérieur décide la navigation, les opérations et la mise en œuvre des armes, - le pont du milieu comprend les espaces vie, - le pont inférieur abrite les torpilles Mk48 ADCAP, les missiles de croisière TOMAHAWK et anti-navires HARPOON et les mines. Le compartiment arrière renferme la propulsion : le réacteur, les turbines, les générateurs et le bouilleur (distillateur d’eau de mer pour produire l’eau douce). Le SEAWOLF : une guerre de retard J. Lehman, jeune et fougueux secrétaire à la Marine de la nouvelle administration Reagan, met à la retraite le légendaire amiral Rickover dont la forte personnalité a beaucoup divisé. L’équipe républicaine désire reconsidérer le successeur du LOS ANGELES pour remplir les objectifs de sa nouvelle stratégie maritime et porter la bataille à l’ouvert des bases soviétiques. Par ailleurs, les sous-mariniers américains rencontrent des difficultés avec les LOS ANGELES : rupture des câbles des torpilles filoguidées, instabilité liée aux lourdes barres de plongée positionnées sur le massif. Ils envient les sous-marins soviétiques, plus compacts avec des coques plus résistantes. Le groupe d’études rassemblé en 1982 envisage un sous-marin mieux armé (deux fois plus de tubes lancetorpilles, quarante-deux armes embarquées contre vingt-deux sur les LOS ANGELES) déplaçant 8 500 tonnes. Son propulseur “pump jet” doit permettre une vitesse discrète (20 nœuds) deux fois supérieure à celle de son prédécesseur. Cette vitesse discrète plus élevée répond aux objectifs de la nouvelle stratégie maritime :

Les versions du LOS ANGELES Un total de soixante-six LOS ANGELES sont produits, pour un coût unitaire moyen d’un milliard d’euros, sur une période de vingt ans entre 1976 et 1996 : trentesept à Electric Boat et vingt-neuf à Newport-News, qui se répartissent comme suit : - trente et un modèles de base construits entre 1976 et 1985, - douze unités supplémentaires dotées de douze tubes verticaux, destinés à lancer des missiles de croisière TOMAHAWK, qui rallient la flotte entre 1985 et 1989, - vingt-trois unités, baptisées 688-I (Improved), qui sont réalisées entre 1988 et 1996, plus discrètes, dotées

104

Le rattrapage soviétique

attaquer les sous-marins soviétiques dans leurs eaux et fuir silencieusement la contre-attaque. L’apparition des nouvelles classes de sous-marins soviétiques 945 et 971, réputées beaucoup plus discrètes, justifie un investissement considérable. La suite sonar BQQ-5D (antennes sphériques et remorquées) doit détecter l’adversaire grâce à un retour à l’actif basse et haute fréquence. Le réacteur S6W contribue à la discrétion. Les barres de plongée rétractables sur la coque permettent les opérations sous la banquise. Au total, trois unités de la classe SEAWOLF sont autorisées pour un coût de 3 milliards d’euros par unité. Les deux premières ont rejoint la flotte en 1997-1998. La troisième, le Jimmy Carter, reçoit une tranche complémentaire d’une trentaine de mètres destinée à abriter des moyens pour des opérations spéciales et devrait rallier la flotte en 2005. Cette classe, qui redonne la supériorité aux États-Unis sur les derniers 971 russes, n’a plus sa raison d’être dès lors que les programmes russes sont gelés. La guerre navale devient littorale et les SEAWOLF sont trop chers et mal taillés pour cette lutte.

Éliminer les sources de bruit Les trahisons de plusieurs marins et agents de renseignement américains révèlent aux Soviétiques l’indiscrétion acoustique de leurs sous-marins, régulièrement pistés par les unités beaucoup plus silencieuses de l’US Navy. Parallèlement, l’URSS parvient à se procurer, par l’intermédiaire du Japon et de la Norvège,

105

Le Projet 685 Komsomolets (MIKE) perdu en mer de Norvège le 7 avril 1989 et destiné à tester les technologies de quatrième génération.


LA COURSE AU SILENCE (1975-1991)

Le Seawolf à la mer : plus rapide (plus de 40 nœuds), plus armé et plus discret que ses prédécesseurs ou ses adversaires, le Seawolf doit redonner une supériorité absolue aux forces sous-marines américaines sur leur adversaire soviétique.

Maquette d’un LOS ANGELES Improved. Remarquez les trois ponts du compartiment avant : le pont inférieur abrite les armes (dont des missiles de croisière TOMAHAWK à vocation stratégique ou tactique) qui sont lancées par des tubes en barbette (ci-dessous) en retrait de l’extrême avant et à des tubes lance-missiles dans des tubes verticaux réservé à l’antenne sonar sphérique.

PCNO d’un LOS ANGELES.

- rattraper les sous-marins soviétiques qui auraient franchi la barrière anti-sous-marine de l’Atlantique nord dressée par les forces de l’OTAN entre le Groenland, l’Islande, les îles Féroé et l’Écosse, - donner un avantage au sous-marin américain qui serait détecté par un sous-marin soviétique, - escorter les groupes de porte-avions, cible privilégiée des sous-marins soviétiques. Comment construire un sous-marin plus rapide ? Dès novembre 1963, Rickover a proposé une solution : celle d’adopter un réacteur nucléaire pour destroyer deux fois plus puissant que le réacteur S5W. Ainsi va naître le réacteur S6G d’une puissance de 22 MW, qui donnera au nouveau sous-marin une vitesse supérieure à 31 nœuds. Par ailleurs, un nouvel acier, le HY-130, est en cours de développement pour augmenter la résistance et réduire le poids. On estime que la future classe de sous-marins d’attaque américains, baptisée LOS ANGELES, doit comprendre une trentaine d’unités, soit deux unités pour escorter chaque porte-avions. Parallèlement, la marine envisage le développement d’un nouveau sous-marin lancemissiles de croisière pour attaquer les groupes de surface soviétiques et frapper les sous-marins à très longue distance. Le projet est abandonné en faveur d’une version modifiée du LOS ANGELES, dotée de douze missiles de croisière en puits verticaux.

de la suite sonar BSY-1 améliorée ; ces 688-I peuvent mouiller des mines à partir de leurs tubes lance-torpilles et opérer sous les glaces grâce à un massif renforcé et à des barres de plongée repositionnées sur la coque. Les LOS ANGELES sont divisés en deux compartiments étanches, dans une seule coque. L’extrême avant contient l’immense sphère du sonar BQQ-5D/E formée de plus de 1 000 hydrophones. Le compartiment avant comprend trois ponts : - le PCNO sur le pont supérieur décide la navigation, les opérations et la mise en œuvre des armes, - le pont du milieu comprend les espaces vie, - le pont inférieur abrite les torpilles Mk48 ADCAP, les missiles de croisière TOMAHAWK et anti-navires HARPOON et les mines. Le compartiment arrière renferme la propulsion : le réacteur, les turbines, les générateurs et le bouilleur (distillateur d’eau de mer pour produire l’eau douce). Le SEAWOLF : une guerre de retard J. Lehman, jeune et fougueux secrétaire à la Marine de la nouvelle administration Reagan, met à la retraite le légendaire amiral Rickover dont la forte personnalité a beaucoup divisé. L’équipe républicaine désire reconsidérer le successeur du LOS ANGELES pour remplir les objectifs de sa nouvelle stratégie maritime et porter la bataille à l’ouvert des bases soviétiques. Par ailleurs, les sous-mariniers américains rencontrent des difficultés avec les LOS ANGELES : rupture des câbles des torpilles filoguidées, instabilité liée aux lourdes barres de plongée positionnées sur le massif. Ils envient les sous-marins soviétiques, plus compacts avec des coques plus résistantes. Le groupe d’études rassemblé en 1982 envisage un sous-marin mieux armé (deux fois plus de tubes lancetorpilles, quarante-deux armes embarquées contre vingt-deux sur les LOS ANGELES) déplaçant 8 500 tonnes. Son propulseur “pump jet” doit permettre une vitesse discrète (20 nœuds) deux fois supérieure à celle de son prédécesseur. Cette vitesse discrète plus élevée répond aux objectifs de la nouvelle stratégie maritime :

Les versions du LOS ANGELES Un total de soixante-six LOS ANGELES sont produits, pour un coût unitaire moyen d’un milliard d’euros, sur une période de vingt ans entre 1976 et 1996 : trentesept à Electric Boat et vingt-neuf à Newport-News, qui se répartissent comme suit : - trente et un modèles de base construits entre 1976 et 1985, - douze unités supplémentaires dotées de douze tubes verticaux, destinés à lancer des missiles de croisière TOMAHAWK, qui rallient la flotte entre 1985 et 1989, - vingt-trois unités, baptisées 688-I (Improved), qui sont réalisées entre 1988 et 1996, plus discrètes, dotées

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Le rattrapage soviétique

attaquer les sous-marins soviétiques dans leurs eaux et fuir silencieusement la contre-attaque. L’apparition des nouvelles classes de sous-marins soviétiques 945 et 971, réputées beaucoup plus discrètes, justifie un investissement considérable. La suite sonar BQQ-5D (antennes sphériques et remorquées) doit détecter l’adversaire grâce à un retour à l’actif basse et haute fréquence. Le réacteur S6W contribue à la discrétion. Les barres de plongée rétractables sur la coque permettent les opérations sous la banquise. Au total, trois unités de la classe SEAWOLF sont autorisées pour un coût de 3 milliards d’euros par unité. Les deux premières ont rejoint la flotte en 1997-1998. La troisième, le Jimmy Carter, reçoit une tranche complémentaire d’une trentaine de mètres destinée à abriter des moyens pour des opérations spéciales et devrait rallier la flotte en 2005. Cette classe, qui redonne la supériorité aux États-Unis sur les derniers 971 russes, n’a plus sa raison d’être dès lors que les programmes russes sont gelés. La guerre navale devient littorale et les SEAWOLF sont trop chers et mal taillés pour cette lutte.

Éliminer les sources de bruit Les trahisons de plusieurs marins et agents de renseignement américains révèlent aux Soviétiques l’indiscrétion acoustique de leurs sous-marins, régulièrement pistés par les unités beaucoup plus silencieuses de l’US Navy. Parallèlement, l’URSS parvient à se procurer, par l’intermédiaire du Japon et de la Norvège,

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Le Projet 685 Komsomolets (MIKE) perdu en mer de Norvège le 7 avril 1989 et destiné à tester les technologies de quatrième génération.


CHAPITRE V

FRONTIÈRES LITTORALES ET DÉNI D’ACCÈS (1991-2022)

La fin de la guerre froide et le démembrement de l’Union soviétique aboutissent à une série d’accords de réduction des armements stratégiques START (Strategic Armament Reduction Treaty) : START-I, le 31 juillet 1991, et START-II, le 3 janvier 1993, SORT (Strategic Offensive Reductions) le 24 mai 2002 et New START le 8 avril 2010. Le nombre de têtes déployées est désormais ramené à 1550. De nouveaux acteurs dotent leurs sous-marins d’armes nucléaires : l’Inde, la Corée du Nord, probablement Israël et bientôt le Pakistan. La Corée du Sud se dote de sousmarins AIP (Air Independent Propulsion) lance-missiles balistiques destinés à décapiter les centres de pouvoir du régime nord-coréen. Les guerres du Golfe (1991, 2003), les opérations dans les Balkans (1992-1999) et contre la Libye (2011), les tensions entre la Corée du Sud et la Corée du Nord, et les opérations en Somalie, au Soudan, en Syrie et en Afghanistan s’accompagnent d’une redéfinition de la stratégie de la puissance dominante, les États-Unis, vers la projection de forces depuis la mer dont le contrôle paraît d’abord acquis. L’orientation n’est plus vers les profondeurs de l’océan, mais vers les côtes où, dans une frange de 400 km, s’exerce 80 % de l’activité humaine. Déjà présent comme porteur d’armes stratégiques antiforces et anti-cités, le sous-marin y trouve sa place comme lanceur de missiles de croisière tactique pour éliminer les défenses antiaériennes avant les attaques de l’aéronavale. Alors que les États-Unis semblent dominer les mers et les littoraux, la Chine développe une stratégie de “défense au large” qui s’appuie sur des sous-marins pour pouvoir dissuader une intervention américaine en soutien à Taïwan, au Japon ou aux Philippines tandis que la Russie, l’Iran et la Corée du Nord considèrent aussi les sous-marins comme des plates-formes de déni d’accès. Les missiles supersoniques (dont certains lancés par sous-marins), balistiques antinavires et hypersoniques questionnent une nouvelle fois la suprématie des porteavions dont les groupes aériens n’ont plus assez d’allonge face à des défenses à très grandes portées. À l’avenir, le sous-marin lance-missile de croisière pourrait constituer non seulement la plateforme de déni d’accès des plus faibles mais également la plateforme de projection des plus forts pour franchir les obstacles du déni d’accès.

le retrait des forces navales soviétiques sur tous les théâtres. Du 18 au 21 août 1991, un coup d’État renverse brièvement le dernier chef de l’URSS, Mikhael Gorbatchev, la décision du feu nucléaire passant probablement aux putschistes. Rétabli dans ses fonctions, Gorbatchev démissionne avec la dissolution de l’URSS en décembre. Washington et Moscou retirent du service les armements nucléaires tactiques (1 000 têtes nucléaires) et une partie des armements nucléaires stratégiques. L’URSS puis la nouvelle Russie, renoncent à l’emploi en premier de l’arme nucléaire. À compter de 1995, les sous-marins russes n’emportent plus les deux ou quatre torpilles tactiques à charge nucléaire qui faisaient partie de leur dotation de combat. Leurs missiles antinavires ne sont plus non plus dotés d’une ogive nucléaire. Entre 1997 et 1999, Moscou désarme trois SNLE Projet 941 (TYPHOON) et deux SNA anti-porte-avions du Projet 949 (OSCAR I) Arkhangelsk et Mourmansk, cinq unités qui pouvaient encore servir deux décennies. Cependant, les incertitudes qui pèsent sur l’avenir politique de la Russie conduisent les États-Unis et leurs alliés à prolonger l’effort de surveillance, préservant dans le même temps la compétence et la motivation des sous-mariniers affectés à ces missions. Ces opérations provoquent, en 1992 et en 1993, deux collisions sérieuses avec des sous-marins russes en mer de Barents. Le président Eltsine demande à son homologue américain, le président Clinton, de suspendre ces déploiements qui affectent les relations entre les deux pays et affaiblissent les partisans d’une ouverture vers l’Occident. Marquant son mécontentement, la Russie déploie des sous-marins nucléaires en Atlantique et dans le Pacifique en 1995, 1996 et 1999. Ces mouvements – qui viennent à point nommé pour justifier les budgets de l’US Navy et exalter le patriotisme russe – reçoivent une certaine publicité à Washington et à Moscou. En mai et juin 1995, pour la première fois depuis 1987, un SNA Projet 971 AKULA vient patrouiller en face de Kings Bay, en Géorgie, base Atlantique des SNLE OHIO. En octobre suivant, un autre 971 effectue la même mission dans les approches de Bangor, base Pacifique des OHIO. Avec la même symétrie, entre août et septembre 1995, un tueur de porte-avions de la classe 949-A gagne une distance de tir à proximité des groupes aéronavals de l’America et du Wasp, au milieu de l’Atlantique. Un mois plus tard, un autre 949-A gagne le nord d’Hawaï, à proximité du groupe aéronaval du porte-avions Abraham Lincoln, avant de regagner sa base en passant au large du Japon et du groupe aéronaval du porte-avions Independence.

EN QUÊTE D’UNE RAISON D’ÊTRE L’après-guerre froide La chute du mur de Berlin et la dissolution du pacte de Varsovie signalent la fin de la guerre froide et

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Le USS North Carolina (SSN 777) classe VIRGINIA le 18 juin 2021. Moins chers que les trois SEAWOLF auxquels ils succèdent, les SSN VIRGINIA américains sont optimisés pour les opérations littorales et remplacent les LOS ANGELES. Le réacteur est prévu pour durer toute la vie du sousmarin (30 ans). Le mât optronique BVS-1 intègre caméras de télévision, infrarouge et télémètre laser. Les dernières unités devraient recevoir un nouveau kiosque profilé et des moteurs électriques à la place des turbines à vapeur ; mais contrairement aux LOS ANGELES, les VIRGINIA seraient moins performants en Arctique.

Le SNA K-276 Karp (SIERRA I) après sa collision avec le SNA Baton Rouge (LOS ANGELES) le 11 février 1992 et le SNA Grayling après sa collision avec le SNLE K-407 Novomoskovsk (DELTA IV) le 20 mars 1993.


CHAPITRE V

FRONTIÈRES LITTORALES ET DÉNI D’ACCÈS (1991-2022)

La fin de la guerre froide et le démembrement de l’Union soviétique aboutissent à une série d’accords de réduction des armements stratégiques START (Strategic Armament Reduction Treaty) : START-I, le 31 juillet 1991, et START-II, le 3 janvier 1993, SORT (Strategic Offensive Reductions) le 24 mai 2002 et New START le 8 avril 2010. Le nombre de têtes déployées est désormais ramené à 1550. De nouveaux acteurs dotent leurs sous-marins d’armes nucléaires : l’Inde, la Corée du Nord, probablement Israël et bientôt le Pakistan. La Corée du Sud se dote de sousmarins AIP (Air Independent Propulsion) lance-missiles balistiques destinés à décapiter les centres de pouvoir du régime nord-coréen. Les guerres du Golfe (1991, 2003), les opérations dans les Balkans (1992-1999) et contre la Libye (2011), les tensions entre la Corée du Sud et la Corée du Nord, et les opérations en Somalie, au Soudan, en Syrie et en Afghanistan s’accompagnent d’une redéfinition de la stratégie de la puissance dominante, les États-Unis, vers la projection de forces depuis la mer dont le contrôle paraît d’abord acquis. L’orientation n’est plus vers les profondeurs de l’océan, mais vers les côtes où, dans une frange de 400 km, s’exerce 80 % de l’activité humaine. Déjà présent comme porteur d’armes stratégiques antiforces et anti-cités, le sous-marin y trouve sa place comme lanceur de missiles de croisière tactique pour éliminer les défenses antiaériennes avant les attaques de l’aéronavale. Alors que les États-Unis semblent dominer les mers et les littoraux, la Chine développe une stratégie de “défense au large” qui s’appuie sur des sous-marins pour pouvoir dissuader une intervention américaine en soutien à Taïwan, au Japon ou aux Philippines tandis que la Russie, l’Iran et la Corée du Nord considèrent aussi les sous-marins comme des plates-formes de déni d’accès. Les missiles supersoniques (dont certains lancés par sous-marins), balistiques antinavires et hypersoniques questionnent une nouvelle fois la suprématie des porteavions dont les groupes aériens n’ont plus assez d’allonge face à des défenses à très grandes portées. À l’avenir, le sous-marin lance-missile de croisière pourrait constituer non seulement la plateforme de déni d’accès des plus faibles mais également la plateforme de projection des plus forts pour franchir les obstacles du déni d’accès.

le retrait des forces navales soviétiques sur tous les théâtres. Du 18 au 21 août 1991, un coup d’État renverse brièvement le dernier chef de l’URSS, Mikhael Gorbatchev, la décision du feu nucléaire passant probablement aux putschistes. Rétabli dans ses fonctions, Gorbatchev démissionne avec la dissolution de l’URSS en décembre. Washington et Moscou retirent du service les armements nucléaires tactiques (1 000 têtes nucléaires) et une partie des armements nucléaires stratégiques. L’URSS puis la nouvelle Russie, renoncent à l’emploi en premier de l’arme nucléaire. À compter de 1995, les sous-marins russes n’emportent plus les deux ou quatre torpilles tactiques à charge nucléaire qui faisaient partie de leur dotation de combat. Leurs missiles antinavires ne sont plus non plus dotés d’une ogive nucléaire. Entre 1997 et 1999, Moscou désarme trois SNLE Projet 941 (TYPHOON) et deux SNA anti-porte-avions du Projet 949 (OSCAR I) Arkhangelsk et Mourmansk, cinq unités qui pouvaient encore servir deux décennies. Cependant, les incertitudes qui pèsent sur l’avenir politique de la Russie conduisent les États-Unis et leurs alliés à prolonger l’effort de surveillance, préservant dans le même temps la compétence et la motivation des sous-mariniers affectés à ces missions. Ces opérations provoquent, en 1992 et en 1993, deux collisions sérieuses avec des sous-marins russes en mer de Barents. Le président Eltsine demande à son homologue américain, le président Clinton, de suspendre ces déploiements qui affectent les relations entre les deux pays et affaiblissent les partisans d’une ouverture vers l’Occident. Marquant son mécontentement, la Russie déploie des sous-marins nucléaires en Atlantique et dans le Pacifique en 1995, 1996 et 1999. Ces mouvements – qui viennent à point nommé pour justifier les budgets de l’US Navy et exalter le patriotisme russe – reçoivent une certaine publicité à Washington et à Moscou. En mai et juin 1995, pour la première fois depuis 1987, un SNA Projet 971 AKULA vient patrouiller en face de Kings Bay, en Géorgie, base Atlantique des SNLE OHIO. En octobre suivant, un autre 971 effectue la même mission dans les approches de Bangor, base Pacifique des OHIO. Avec la même symétrie, entre août et septembre 1995, un tueur de porte-avions de la classe 949-A gagne une distance de tir à proximité des groupes aéronavals de l’America et du Wasp, au milieu de l’Atlantique. Un mois plus tard, un autre 949-A gagne le nord d’Hawaï, à proximité du groupe aéronaval du porte-avions Abraham Lincoln, avant de regagner sa base en passant au large du Japon et du groupe aéronaval du porte-avions Independence.

EN QUÊTE D’UNE RAISON D’ÊTRE L’après-guerre froide La chute du mur de Berlin et la dissolution du pacte de Varsovie signalent la fin de la guerre froide et

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Le USS North Carolina (SSN 777) classe VIRGINIA le 18 juin 2021. Moins chers que les trois SEAWOLF auxquels ils succèdent, les SSN VIRGINIA américains sont optimisés pour les opérations littorales et remplacent les LOS ANGELES. Le réacteur est prévu pour durer toute la vie du sousmarin (30 ans). Le mât optronique BVS-1 intègre caméras de télévision, infrarouge et télémètre laser. Les dernières unités devraient recevoir un nouveau kiosque profilé et des moteurs électriques à la place des turbines à vapeur ; mais contrairement aux LOS ANGELES, les VIRGINIA seraient moins performants en Arctique.

Le SNA K-276 Karp (SIERRA I) après sa collision avec le SNA Baton Rouge (LOS ANGELES) le 11 février 1992 et le SNA Grayling après sa collision avec le SNLE K-407 Novomoskovsk (DELTA IV) le 20 mars 1993.


A. SHELDON-DUPLAIX J.-M. MATHEY

L ES

Analyste au ministère de la Défense de 1987 à 1999, chargé d’études et d’enseignement au service historique de la Marine puis de la défense jusqu’en 2020, Alexandre SHELDONDUPLAIX est coauteur depuis 2018 de Flottes de Combat. Il donne des conférences à l’école de guerre et à l’école navale. Il a écrit ou coécrit sept ouvrages dont Histoire mondiale des porte-avions, des origines à nos jours et un livre sur la guerre froide et l’espionnage naval.

HISTOIRE DES SOUS-MARINS

Par leur capacité à se dérober sous nos yeux et à se fondre dans le milieu hostile que constitue l’océan, les sous-marins sont devenus l’arme décisive du combat naval et du maintien de l’équilibre stratégique de la dissuasion nucléaire entre les grandes puissances. Cette quatrième édition entièrement refondue et actualisée retrace les développements techniques dans les différents pays constructeurs et l’évolution des stratégies militaires qui ont conduit cette plate-forme submersible à transformer l’histoire depuis l’aube du XXe siècle. Écrit par deux spécialistes, cet ouvrage permet de comprendre le rôle des sous-marins des origines à nos jours. Sa très riche iconographie – plus de 650 images, dont 230 nouvelles – comporte de nombreux documents inédits venus de grandes collections internationales.

AUTEURS

Le contre-amiral Jean-Marie MATHEY a commandé plusieurs sous-marins de la Marine nationale dont le sous-marin nucléaire lanceur d’engins L’Indomptable et a eu l’occasion de plonger à bord d’unités étrangères. Il a été président de l’association nationale qui regroupe les anciens sous-mariniers et a réalisé des études au profit d’une fondation française de recherches stratégiques.

DES ORIGINES À NOS JOURS

Déjà parus chez E-T-A-I

ISBN : 979-10-283-0518-5

Retrouvez tous nos ouvrages sur notre site internet www.editions-etai.fr

Histoire sous-marins_jaquette.indd 1

Alexandre SHELDON-DUPLAIX

Jean-Marie MATHEY

Sophia Éditions 5, avenue de la République 75011 Paris

08/03/2022 15:19


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