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Tribune DR
CN19 Redac v3
FAUT-IL CONDAMNER
LE PORTEUR DE MAUVAISES NOUVELLES ? PAR JEAN-CLAUDE SEYS,
L
es agences de notation n’ont pas bonne presse et on leur prête une responsabilité forte dans les désordres des marchés financiers. Certes, l’abaissement de la note d’un emprunteur a, pour celui-ci, des conséquences fâcheuses : s’il peut continuer à emprunter, ce sera à taux plus élevé, sinon ce sera pire, la catastrophe est proche. Du coup, de bonnes âmes condamnent l’existence des agences de notation ou suggèrent qu’elles deviennent publiques. Qu’est ce que cela veut dire ? Aucun prêteur n’est obligé de faire confiance à la notation ; il peut procéder lui même à des études – ce que font les banquiers avant d’accorder un crédit – mais cela serait monstrueusement coûteux puisque chaque investisseur devrait, plus ou moins, disposer des compétences d’une agence de notation sans en partager les coûts. Le recours aux agences de notation est donc une facilité pour les investisseurs qui ne peuvent reprocher aux agences dont ils utilisent gratuitement les services, de faire moins bien qu’ils ne feraient. En effet, les agences peuvent dire – et disent en effet, même si elles sont parfois coupables de laisser entendre que leur pouvoir va au-delà : la situation d’un émetteur, aujourd’hui, est telle que sa probabilité de défaillance à court et à moyen terme est statistiquement de tel ou tel niveau. Le management même des entreprises ne voit pas toujours le mur contre lequel il précipite sa maison, comme le montre l’actualité. Les banquiers, qui étudient eux-mêmes le risque d’un emprunteur, se trompent de temps à autre, et les experts – nombreux et qualifiés – de la Commission européenne ont été bernés par la Grèce.
PRÉSIDENT DE L’INSTITUT
DIDEROT
Il ne faut donc pas demander à des observateurs extérieurs d’être infaillibles, et leur reprocher de faire évoluer leur jugement au fur et à mesure que la situation de l’emprunteur elle-même évolue. L’idée d’une agence publique, telle qu’avancée par un commissaire européen, est donc source de perplexité. Serait-ce une agence qui ne signalerait pas l’apparition de signes inquiétants dans la situation d’un emprunteur, correspondant soit à une dégradation réelle soit à une meilleure connaissance du sujet ? Dans l’affirmative, cela aurait-il signifié qu’il fallait continuer à encourager à prêter à la Grèce, au-delà de ce qui était déjà excessif en regard de ses capacités de remboursement, et ceci avec l’effet de lui enlever tout besoin de faire des efforts d’économie douloureux ? Ou bien encore est-ce que seuls certains prêteurs auraient dû être informés, pour atténuer le choc ? Mais quid alors de l’obligation de transparence, au cœur des recommandations de transparence des autorités européennes ? Une vraie critique peut être adressée aux agences de notation : elles sont payées par les émetteurs qui les utilisent pour le marketing de leur dette et elles peuvent, à tort ou à raison, être soupçonnées d’être partiales ; il faut ne pas perdre de vue que, pour certains émetteurs, le recours au marché financier, qui se contente d’informations superficielles, est un moyen d’échapper à la perspicacité du banquier, ce qui, somme toute, est peu rassurant. Pour éviter cet inconvénient, il conviendrait que ce soient les prêteurs qui, collectivement, les rémunèrent, ce qui n’améliorerait pas nécessairement les choses au fond mais supprimerait au moins, des sources légitimes de soupçon. ■ www.jeanclaudeseys.fr
Décembre 2011 CourtageNews 7