L’impact de la nouvelle réglementation relative aux marchés publics sur la sous-traitance

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Le décret n° 2016-360 relatif aux marchés publics (2de partie)

L’impact de la nouvelle réglementation relative aux marchés publics sur la sous-traitance Les nouvelles dispositions de l’ordonnance du 23 juillet 2015 et du décret du 25 mars 2016 relatives à la soustraitance soulèvent un certain nombre de questions concernant la notion même de sous-traitance ainsi que son régime. En outre, la nouvelle réglementation se singularise par des dispositions portant sur les conditions d’accès à la sous-traitance et le contrôle opéré par le pouvoir adjudicateur sur le sous-traitant ou son offre.

L’

ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015ncomme le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics comportent d’importantes dispositions portant sur la sous-traitance. Ces dispositions abrogent celles contenues auparavant dans le Code des marchés publics, et s’ajoutent à celles issues du texte fondateur de la sous-traitance, la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, ainsi qu’aux règles supplétives des CCAG. Ce maquis de textes et de règles applicables nous amène inéluctablement à nous interroger sur d’éventuelles évolutions touchant à la notion même de sous-traitance, et aux conditions d’application de ses règles pour les pouvoirs adjudicateurs auparavant non soumis au Code des marchés publics. Les évolutions réglementaires conduisent également à apprécier les nouveaux dispositifs mis en place, et visant essentiellement à conditionner l’accès à la sous-traitance. Ces dispositifs résident dans la faculté pour le pouvoir adjudicateur de limiter les tâches sous-traitées, ou dans le contrôle que ce dernier doit normalement opérer sur les offres anormalement basses.

Du champ d’application de la sous-traitance Xavier Mouriesse Professeur à l’Institut de la construction et de l'habitation – CNAM Nantes Docteur en droit – spécialiste en droit Public Avocat associé – Cabinet d’avocats BRG Nantes-Paris

Références Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, art. 133 et s.

Mots clés Contrôle • Définition • Marché de fournitures • Marché de travaux • Paiement direct • Pouvoir adjudicateur

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Interrogations sur les contours de la notion de sous-traitance Les directives 2014/24/UE et 2014/25/UE du 26 février 2014, relatives à la passation des marchés publics (« Secteur classique » et « Secteurs spécifiques »), ont abrogé les anciennes directives de 2004. Les nouvelles directives comportent d’importantes dispositions relatives à l’exécution des marchés publics, et notamment un article portant spécifiquement sur la sous-traitance. La transposition française des directives ne pouvait ignorer ces dispositions.

D’une façon générale, la transposition des directives communautaires ne devrait pas poser de difficulté, dès lors que les dispositions européennes semblent

Contrats Publics – n° 166 - juin 2016

Le décret n° 2016-360 relatif aux marchés publics (2de partie)

s­ ’inspirer de notre droit interne, en laissant la faculté, aux États membres, de prévoir un mécanisme de déclaration du sous-traitant, comme un régime protecteur de la sous-traitance. Il est vrai que le régime de la soustraitance est issu, en France, d’une loi ancienne, la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, qui a défini la soustraitance ainsi que son champ d’application. L’article 1er de la loi de 1975 dispose que « la sous-traitance est l’opération par laquelle un entrepreneur confie par un soustraité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant, l’exécution de tout ou partie du contrat d’entreprise ou d’une partie du marché public conclu avec le maître d’ouvrage ». L’article 1er de la loi de 1975 définit donc la sous-traitance au travers du marché principal, qualifié de « contrat d’entreprise ». Cette nature particulière du marché principal – et subséquemment du sous-traité –, parfaitement transposable aux marchés publics, a pu poser des difficultés d’interprétation, dès lors que les contours du « contrat d’entreprise » n’ont pu être originellement figés. Ainsi, au-delà des marchés de travaux, relèvent aujourd’hui de la sous-traitance les marchés industriels et les marchés de service, dont le marché de maîtrise d’œuvre. À noter toutefois que, s’agissant des contrats de fournitures, l’application du régime de la sous-traitance est apparue plus délicate. La jurisprudence administrative semble avoir exclu du régime de la sous-traitance le marché de fournitures, comme le « sous-traité » de fournitures si celui-ci ne conduit pas à faire participer le sous-traitant à l’exécution des prestations du marché principal, mais relève d’une simple vente (cas des marchés de fournitures ou de productions courantes). En revanche, il a pu être admis que relevaient du régime de la sous-traitance, les produits ou fournitures acquis par l’entrepreneur principal, visant à répondre essentiellement aux spécifications techniques du marché principal. Il en va ainsi de la fabrication sur mesure(1).

Ceci étant rappelé, la notion de sous-traitance, dont les frontières exactes ont été jusqu’ici configurées par la jurisprudence sur la base d’une interprétation de l’article 1er de la loi de 1975, doit aujourd’hui être confrontée aux nouvelles dispositions de l’ordonnance du 23 juillet 2015. À cet égard, l’article 62 de l’ordonnance ne fait aucunement référence à la nature de contrat d’entreprise du marché principal, comme du sous-traité. Cette qualité peut cependant être déduite d’un renvoi à l’application à la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance. Dès lors que la directive ne retient pas de définition précise de la sous-traitance, l’article 62 de l’ordonnance devrait suivre les contours de la sous-traitance définis au regard de la loi de 1975. À noter cependant que l’article précité de l’ordonnance indique que la sous-traitance peut concerner « les marchés publics de fournitures comportant des services ou des travaux de pose ou d’installations

(1) CAA Nantes 7 octobre 2011, François X, req. n° 10NT02052 ; CAA Marseille 18 février 2013, Société des charpentiers des Alpes et Provence, req. n° 10MA00902 ; sur l’érection d’une condition supplémentaire portant sur l’intervention du sous-traitant sur le chantier : CAA Nancy 12 juin 2014, Société Spurgin-Leonhart, req. n° 13NC01087.

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dans le cadre d’un marché public de fournitures ». Cette précision, s’agissant du marché de fournitures, pourrait amener le juge à s’interroger un peu plus sur la nécessité d’une participation directe du sous-traitant à l’exécution des prestations du marché principal et ce, par le biais d’une pose ou d’une fabrication spéciale supposant, le cas échéant, une installation sur site.

Enfin, il ne peut être éludé la question de l’application de la sous-traitance aux éventuels marchés de travaux, dans le cadre desquels le pouvoir adjudicateur ne disposerait pas de la maîtrise d’ouvrage. En effet, et sous l’influence des directives communautaires, l’article 5 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 est revenu sur l’ancienne définition du marché de travaux issue de l’ancien Code des marchés publics, et a admis implicitement qu’un marché de travaux peut être constitué indépendamment de la maîtrise d’ouvrage. La question a pu alors être posée de l’application du régime à ces cas – marginaux – de marchés de travaux sans maîtrise d’ouvrage(2). À vrai dire, et à notre sens, le renvoi opéré par l’article 62 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 à l’application de la loi du 31 décembre 1975 semble clore le débat. La loi de 1975 a, en effet, étroitement lié l’application du régime de sous-traitance à la qualité de maître d’ouvrage(3), et incidemment à la nécessité pour le pouvoir adjudicateur de conserver la maîtrise d’ouvrage.

Interrogations sur les contours du régime de sous-traitance L’ordonnance du 23 juillet 2015 précitée puis le décret du 25 mars 2016 sont venus unifier le droit des marchés publics, en abrogeant tout à la fois le Code des marchés publics et l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 (et le décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005). De facto, sont aujourd’hui concernés par un même corps de règles, les pouvoirs adjudicateurs auparavant soumis au Code des marchés publics et ceux soumis à l’ordonnance du 6 juin 2005 (EPIC de l’État, GIP, EPL…). Il reste que les changements induits peuvent paraître plus marqués pour les pouvoirs adjudicateurs autrefois soumis à l’ordonnance du 6 juin 2005. En effet, contrairement à l’ancien Code des marchés publics, cette ordonnance ne traitait nullement de modalités d’exécution des marchés, dont la soustraitance. Dans ces conditions, les pouvoirs adjudicateurs concernés ne faisaient que se référer aux dispositions de la loi de 1975, en appréciant s’ils étaient, par exemple, soumis au Titre II relatif au paiement direct – comme cela semble être le cas des SEML et des SPL(4). Les marchés de ces mêmes pouvoirs adjudicateurs pouvaient ­également

(2) En ce sens, W. Salamand, « Sous-traitance, plus qu’une transposition, une petite révolution », Contrats publics – Le Moniteur, n° 158, octobre 2015, p. 75.

(3) « (…) la sous-traitance est l’opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l’exécution (…) d’une partie du marché public conclu avec le maître de l’ouvrage ».

(4) Les SEML et SPL sont en principe considérées comme des « entreprises publiques » soumises au titre 2 de la loi du 31 décembre 1975, et dès lors qu’elles sont constituées en

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