Penser les centres d’hébergement temporaires avec les exilés
Design expérimental et participatif aux Cinq Toits
Inès ABDERRAZAK ALAOUI
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier tout particulièrement Guillaume Duranel, qui a accepté d’encadrer mon travail de PFE, pour son accompagnement, son soutien et ses remarques pertinentes. Je remercie également l’ensemble de l’équipe pédagogique, Valentina Moimas et Benditch Weber, ainsi que ma directrice de mémoire, Manola Antonioli. De plus, je remercie les invités qui ont assisté aux différentes soutenances, Corinne Luxembourg, Brent Patterson, Claudio Secci et Marcos Da Silva.
Je remercie également l’association Aurore et les acteurs des Cinq Toits pour l’intérêt qu’ils ont porté pour mon travail de recherche et de PFE. Par ailleurs, je remercie chaleureusement les résidents des Cinq Toits, Imran, Juma et Ibrahim, sans qui mes travaux de recherche et de PFE n’auraient pas été possible.
Enfin, je remercie Aodren Legendre, un de mes patrons dans la restauration, qui a très généreusement fait don de deux tables de brasserie pour le projet de cafétéria d’été.
SOMMAIRE
Remerciements
Terrain : les Cinq Toits
Situation géographique
Organisation spatiale
Acteurs des Cinq Toits
Les limites du temporaire
Recherche : l’accueil en centre d’hébergement temporaire
Sujet et méthodologie
Résultats de la recherche
Le parcours recherche
PFE : Design expérimental et participatif aux Cinq Toits
Objectifs
Diagnostic- Évaluation
Un coin à moi
Cafet’ d’été
Conclusion
Terrain : Les Cinq Toits
SITUATION GÉOGRAPHIQUE
Les Cinq Toits, à la fois tiers-lieu et centre d’hébergement, sont implantés dans le quartier d’Auteuil depuis septembre 2018, entre le Bois de Boulogne à l’ouest, le quartier de la Muette au nord, la commune de Boulogne-Billancourt au sud et la Seine à l’est. Situés au n°51 du boulevard Exelmans, dans les locaux d’une ancienne caserne de gendarme, les Cinq Toits se trouvent pris entre l’ancienne limite de Paris, formée par les boulevards des Maréchaux, et la limite actuelle, le boulevard périphérique.
Fig. 1 - Situation du quartier d’Auteuil et des Cinq Toits dans le 16ème arrondissement de Paris. Source : document personnel
AUTEUIL
ORGANISATION SPATIALE
« Les cinq toits c’est une utopie où chacun y a projeté sa vision, mais il y a toujours un décalage avec la réalité et ça entraîne des déceptions et des tensions.»
« Ici, c’est une bulle même si le cœur du projet c’est quand même de créer un réseau avec les personnes que les résidents rencontrent. »
Mathilde, ex-référente de l’épicerie solidaire Mel, ex-référente de la médiation
Fig. 2 - Plan masse schématique et insertion des Cinq Toits à l’échelle de l’îlot.
Source : document personnel
Les différents corps de bâtiment des Cinq Toits sont organisés autour de la cour centrale. Concernant l’hébergement, le CHU et l’HUDA se trouvent respectivement dans les bâtiments E et B et le CPH est situé dans les bâtiments A et C.
Dans le bâtiment D (le pavillon de l’Horloge) et le bâtiment F, nous retrouvons les locaux de services destinés aux résidents.
Fig. 3 - Plan masse des Cinq Toits. Source : document personnel
Le Centre d’Hébergement d’Urgence (CHU) accueille une centaine d’hommes isolés ou de famille en situation de précarité. L’Hébergement d’Urgence pour Demandeurs d’Asile (HUDA) accueille les exilés ayant déposé une demande d’asile pendant la durée de la procédure. Le Centre Provisoire d’Hébergement (CPH) est destiné aux réfugiés, c’est-à-dire les exilés qui ont reçu une réponse positive à leur demande d’asile, pendant la durée nécessaire à l’obtention d’un logement. Nous avons donc 12 appartements au CHU, 17 à l’HUDA et 23 au CPH. Parmi les locaux de services destinés aux résidents, environ une dizaine, nous retrouvons une laverie, une épicerie, un vestiaire, une cafétéria, une salle de sport et enfin des salles de cours de français.
Concernant la dimension tiers-lieu, les locaux des structures partenaires sont situés dans les rez-de-chaussée des différents bâtiments. Ces structures partenaires ont une quarantaine de locaux à leur disposition.
Enfin, il reste le « sixième toit », La Bricole, qui a été construite sur les anciens garages de la caserne. Il s’agit d’ateliers partagés conçu par l’atelier d’architecture et de design A+1 et construit sous forme de chantier participatif. Le chantier de La Bricole a été achevé au début de l’année 2021. En plus de la grande cour centrale, il y a également un jardin et un espace de sport en plein air aménagé en avril 2021. Le site est donc partagé entre des espaces privés, les appartements destinés à l’hébergement et les locaux de bureaux, et des espaces partagés, les locaux de services destinés aux résidents et les espaces extérieurs ouverts au public.
La Bricole
L’Annexe
Le Pavillon de l’Horloge
L’espace femme
le jardin
la laverie
la cour
l’épicerie le recho la cafet’
le pôle
vélo
Fig. 4 - Situation des différents espaces/locaux dans les Cinq Toits. Source : document personnel
CHU
CPH
CPH
HUDA
ACTEURS DES CINQ TOITS
Le projet d’urbanisme temporaire des Cinq Toits comporte deux volets : social et économique. Le volet social est géré par l’association Aurore. Il concerne l’accueil et l’insertion des personnes précaires ou en situation d’exclusion en leur fournissant, entre autres, l’accès au soin et à l’hébergement. Le volet économique est géré par la coopérative Plateau urbain, dont l’objectif est « de sélectionner et de faire vivre une communauté d’usager.e.s, afin d’animer le lieu, de développer des activités contribuant à l’insertion et au bien-être des résident.e.s, et d’ouvrir la caserne sur son quartier1 ». Dans les acteurs internes aux Cinq Toits, nous retrouvons également les résidents, parmi eux, Imran, Juma et Ibrahim qui ont été des parties prenantes récurrentes dans mes travaux de recherche et de PFE.
Il est également question d’acteurs externes aux Cinq Toits. On retrouve les publics extérieurs, qu’ils soient visiteurs, clients du restaurant ou usagers de La Bricole, la ville de Paris, qui est propriétaire du site, Paris Habitat, le bailleur et enfin l’agence d’architecture Brunnquell & André, chargée du projet futur.
Alice FLAMAND (coordinatrice des Cinq Toits) + Mariana VASCONCELOS (référente de la médiation)
(gestionnaire)
Simon DREANO (référent technique)
Géraldine BECHERAS (cheffe de service du CPH)
Roxana REJAI (référente des structures partenaires)
(partenaire)
1. « Cinq Toits », Plateau Urbain, URL : https://www.plateau-urbain.com/les-cinq-toits
Juma (résident du CPH)
(architectes)
(hébergés)
Imran (résident de l’HUDA)
Fig. 5 - Schéma des acteurs des Cinq Toits et des parties prenantes au PFE. Source : document personnel
(propriétaire)
(bailleur)
LES LIMITES DU TEMPORAIRE
Les gestionnaires seront priés de rendre les lieux en avril 2023. La fermeture des Cinq Toits n’a cessé d’être repoussée. À l’origine, le projet devait prendre fin à l’automne 2020, puis l’automne 2021, puis le printemps 2022 , puis l’automne 2022 pour enfin statuer sur avril 2023. Il me semble important de souligner le caractère doublement temporaire du projet des Cinq Toits. Ce temporaire qui porte à la fois sur le temps d’occupation d’un lieu donné et sur le temps d’hébergement des personnes. Le projet de réhabilitation de l’ancienne caserne comporte la création de logements sociaux et spécifiques1, de bureaux pour Paris Habitat, d’équipements dédiés à l’enfance, un Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS) de 51 chambres. Ces travaux commenceront courant 2023.
1. Parmi les logements spécifiques nous retrouvons une maison relais de 22 studios et un logement de fonction. Parmi les logements sociaux, 34 d’entre eux seront réhabilité et 7 seront créés dans les combles.
Fig. 7 - Vue sur la cour centrale depuis l’HUDA.
Source : Aurore
Fig. 6 - Vue sur la cour centrale des Cinq Toits depuis le Pavillon de l’Horloge.
Source : Aurore
Source : Aurore
Source : Aurore
Source : A+1
Fig. 9 - Vue sur la cour centrale depuis l’HUDA.
Fig. 8 - Vue sur le jardin depuis le CHU.
Fig. 11 - Vue sur la cour centrale depuis l’HUDA.
Source : A+1
Fig. 10 - Vue sur l’entrée de La Bricole.
Source : document personnel
Source : Aurore
Source : document personnel
Source : document personnel
Fig. 13 - Vue de l’intérieur du vestiaire solidaire.
Fig. 12 - Vue de l’intérieur de l’épicerie solidaire.
Fig. 15 - Vue de l’intérieur de la laverie.
Fig. 14 - Vue de l’intérieur de la cafétéria.
16 - Vue de la cuisine des appartements des exilés.
Source : Last trip to the moon
17 - Vue de la salle de bain des appartements des exilés.
Source : Last trip to the moon
18 - Vue de la chambre des appartements des exilés.
Source : Last trip to the moon
19 - Vue de la cuisine des appartements des exilés.
Source : Last trip to the moon
Fig.
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Recherche : L’accueil en centre d’hébergement temporaire
SUJET ET MÉTHODOLOGIE
Mon mémoire de recherche a pour thème l’hospitalité dans la ville et pour sujet l’accueil des demandeurs d’asile en centre d’hébergement temporaire. L’hospitalité traite à la fois de questionnements politiques et architecturaux, c’est pourquoi je me suis demandée comment la politique d’accueil ainsi que la conception architecturale des centres d’hébergement influent sur le processus d’intégration des demandeurs d’asile. Afin de mener à bien ce travail de recherche, je suis partie de trois hypothèses. Dans un premier temps, il s’agit de questionner la politique d’accueil en France. La politique d’accueil fragmente dans le temps et l’espace le processus d’intégration, dont fait partie la demande d’asile. Cette fragmentation empêche la compréhension et la lisibilité des dispositifs mis en place, retarde la demande d’asile ainsi que l’accès à un lieu de vie décent. Dans un second temps, c’est la traduction de la politique d’accueil au sein du dispositif d’un HUDA qui sera questionnée. D’une part, je suppose que la perception des demandeurs d’asile comme étant une population « indésirable » ou « suspecte » transforme ce lieu d’accueil en lieu de surveillance. D’autre part, la perception des demandeurs d’asile comme une population de passage, couplé à l’urgence de la situation, influe sur la conception architecturale des centres et conduit à produire des espaces dénormés. Ce travail a demandé à la fois un examen critique de la politique d’accueil et une enquête de terrain. Ainsi, j’ai pris pour étude de cas les Cinq Toits. Ce centre d’hébergement est situé dans le 16ème arrondissement de Paris dans le quartier d’Auteuil. Il s’agit d’un complexe de centres d’hébergement et d’espaces collectifs ouverts à tous. Les Cinq Toits ont donc la particularité d’être ouverts au public extérieur, de proposer une programmation événementielle, d’accueillir des artistes, artisans et entreprises tout en hébergeant près de 350 personnes.
Concernant le travail théorique, dans un premier temps je me suis penchée sur l’étude du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile (CESEDA). Cela m’a permis de comprendre le cadre juridique dans lequel s’inscrit le parcours du demandeur d’asile, l’origine des centres d’hébergement ainsi que les droits et devoirs dont disposent les demandeurs d’asile. Dans un second temps j’ai étudié quelques ouvrages de référence de Giorgio Agamben, Michel Foucault, Jacques Derrida pour les questions politiques et philosophiques ou encore Michel Agier1 pour ce qui concerne l’anthropologie et l’espace. Pour ce qui est de l’enquête de terrain, j’ai décidé d’adopter une démarche ethnographique où le regard est un outil de travail. Pour cela, j’ai intégré l’association Aurore en tant que bénévole aux Cinq Toits depuis décembre 2020. L’association Aurore a été fondée en 1871 et elle est spécialisée dans la lutte contre l’exclusion, par le biais de l’hébergement, le soin et l’accompagnement des publics précaires. Elle est notamment à l’origine de projets comme les Grands Voisins à Paris. Dans un premier temps en tant que bénévole, j’ai participé aux permanences de l’épicerie solidaire présente aux Cinq Toits. Cela m’a permis de rencontrer un grand nombre de résidents ainsi que de me faire connaître d’eux. Dans un second temps, j’ai également animé les permanences de la cafétéria où j’ai eu l’occasion d’être avec un nombre plus restreint de résidents et de développer avec eux des relations particulières. Venir régulièrement sur le site m’a permis, d’une part, de pratiquer l’observation participante afin de comprendre les habitudes des résidents et les usages qu’ils font des différents espaces à disposition. D’autre part, cela m’a permis de comprendre puis de faire partie du fonctionnement du centre d’hébergement. Cette démarche ethnographique était couplée à la
1. AGAMBEN Giorgio. Moyens sans fins, Payot et Rivages, Paris,1995. AGIER Michel. Campement urbain. Du refuge naît le ghetto, Éditions Payot, Paris, 2013. DERRIDA Jacques. Cosmopolites de tous les pays, encore un effort ! Gallilée, Paris, 1997. FOUCAULT Michel. « Des espaces autres », Empan, n°54, pp. 12-19, 2004. URL : https://doi. org/10.3917/empa.054.0012
méthode qualitative me permettant ainsi de mener des entretiens semi-directifs, d’exploiter des discussions informelles et de conduire des ateliers participatifs avec les résidents. À cela s’ajoutait la tenue d’un journal de recherche.
1. Bénévolat
2. Observation participante
3. Entretien semi-directif
RÉSULTATS DE LA RECHERCHE
Pour vérifier ma première hypothèse, j’avais pris le parti de faire un détour par l’histoire de l’immigration et du droit d’asile. Cela était nécessaire pour comprendre pour quelles raisons politiques et juridiques la demande d’asile a été complexifiée. Il m’est désormais possible de dire que la politique d’accueil en France est sélective et dissuasive. En effet, la France n’a cessé de développer des dispositifs permettant de distinguer le « vrai » du « faux » réfugié. Les demandeurs d’asile et réfugiés sont maintenus aux marges des villes et du droit. Ces exilés sont mis en dépendance vis-à-vis de l’État par la réduction de leur droit, de leur autonomie et de leur capacité à choisir. Le statut de demandeur d’asile est précarisé et les exilés sont contrôlés en permanence. Pour vérifier mes deux dernières hypothèses concernant le fonctionnement et l’architecture des centres d’hébergement j’avais pratiqué l’observation participante sur plus d’une année. Nous pouvons lire les effets de la politique d’accueil dans le fonctionnement des centres d’hébergement dans la mesure où il s’agit d’un accueil institutionnel. Les résidents des Cinq Toits sont en permanence sous la surveillance et l’animation d’un membre d’Aurore et sous la contrainte de la réglementation définie par l’État. Par ailleurs, il me semble important d’insister sur les limites du temporaire comme politique d’accueil. Par définition être hébergé signifie ne pas être chez-soi et sous-entend une durée de prise en charge limitée. Or, ces temporalités incertaines sont des freins évidents à la capacité à s’ancrer dans le territoire et à mener une vie stable.
LE PARCOURS RECHERCHE
D’une part, il y a la connaissance fine du contexte dans lequel j’interviens : le site et les usagers du site. Cette connaissance est essentiellement due à l’immersion sur un temps long dans le site. Le fait d’être présente chaque semaine sur plus d’une année aux Cinq Toits en tant que bénévole m’a permis d’être intégrée au fonctionnement du site. J’ai eu l’occasion de tenir les permanences de la cafétéria et de l’épicerie avec les membres de l’équipe mixité et les résidents. De plus, le bénévolat couplé à la présence régulière m’a permis de me faire connaître des résidents et de développer des relations de confiance avec certains d’entre eux. Ainsi, il m’était aisément possible dans le cadre du projet d’architecture d’identifier les parties prenantes potentielles aux différents projets et de déterminer les acteurs clés. De plus et avec le temps, les résidents ont commencé à me voir comme une « ressource ». C’est-àdire qu’ils savaient qu’ils pouvaient s’adresser à moi pour des problématiques d’ordre spatiales. Enfin, la connaissance du site et des personnes sont également passées par le biais de la recherche, notamment grâce à l’observation participante, la tenue d’un journal de recherche et l’exploitation de discussions informelles.
D’autre part, il s’agit de la question de la temporalité : le travail de recherche a mis en évidence les limites de l’acte d’héberger ainsi que du caractère doublement temporaire propre aux centres d’hébergement comme les Cinq Toits. Le lieu est temporaire de même que la présence des exilés. Cela induit des difficultés à l’acte de s’ancrer dans un espace, un territoire. En effet, « ce qui manque pour pouvoir s’ancrer dans le monde n’est pas seulement l’espace, mais aussi le temps. Pour se laisser dériver entre quatre murs, il faut disposer d’une quantité généreuse de temps, cesser de compter les heures
et les minutes »1. La notion de temporalité prend place également dans le cadre du PFE : j’interviens dans un contexte de fermeture du centre. Ce dernier fermera définitivement en avril 2023 pour laisser place aux travaux du projet futur de logements sociaux et de centre d’hébergement. J’interviens donc dans le très court terme tout en ayant l’ambition de questionner le projet futur, de questionner les marges de manœuvre qu’il reste dans un projet qui semble fini, de saisir les interstices, les failles permettant de rendre l’hébergement moins impersonnel.
Enfin, une partie du mémoire était consacrée à l’étude de la capacité des résidents d’agir sur leur lieu de vie, notamment par l’aménagement des espaces extérieurs. J’avais eu l’occasion de m’entretenir avec Simon Dreano sur l’évolution de l’aménagement des Cinq Toits dans le but de présenter une maquette évolutive du site à l’occasion des Journées Nationales de l’Architecture. Cette étude avait montré que, bien que les résidents participent à l’aménagement du site, ils restent en général dans une posture d’exécution. En effet, les décisions sont prises en amont puis sont proposées sous forme de chantiers participatifs pour les résidents. Cependant, dans le cadre du PFE, les résidents sont impliqués dans les différentes phases du projet d’architecture : du diagnostic à la construction en passant par la conception. Cela permet donc aux résidents d’être pleinement acteurs de l’aménagement du site et générateurs de transformation de leur lieu de vie.
La question de l’intimité, la notion de chez soi ainsi que de l’appropriation de l’espace domestique par les résidents ont été peu développées du point de vue de la recherche. Or, il s’agit du cœur de mon PFE : « un coin à moi » cherche à définir, concevoir ou améliorer un espace, par le biais du mobilier, propre à un usage que fait le résident de son appartement ou des espaces collectifs. De plus, il s’agit d’un mobilier qui doit poser des questions : sur le faire ensemble, sur la notion de « chez soi », sur la recherche en action, sur la programmation…
Par ailleurs, le travail de recherche m’a permis de développer une méthodologie pour mon PFE. En effet, je me suis basée sur la démarche scientifique en l’adaptant au projet d’architecture. Je suis partie d’hypothèses que j’ai exploré et dont j’ai analysé les résultats afin de poursuivre le travail de projet d’architecture. De plus, mon mémoire était une véritable ressource, un outil de travail pour mon PFE. Je m’y référais régulièrement durant ce semestre de PFE que ce soit pour compléter le diagnostic du site ou que ce soit pour l’élaboration des préconisations pour la conception des centres d’hébergement.
1. Mona Chollet, Chez soi, La Découverte, 2016, p. 12.
Inscription
du PFE dans l’évolution des Cinq Toits
SEPT. 2018 ouverture du site
SEPT. 2018 ouverture du site
AVRIL/MAI 2019 plantation JUILLET 2019 chantier du pôle vélo
AVRIL/MAI 2019 plantation JUILLET 2019 chantier du pôle vélo
DEC. 2019 CONSTRUCTION DES PERGOLAS SEPT. 2020 FERMETURE PRÉVISIONNELLE
DEC. 2019 CONSTRUCTION DES PERGOLAS SEPT. 2020 FERMETURE PRÉVISIONNELLE
SEPT. 2021 FERMETURE PRÉVISIONNELLE FEV/MARS 2021 LIVRAISON DE LA SERRE
FEV/MARS 2021 LIVRAISON DE LA SERRE
MARS 2019 construction des terrasses
MARS 2019 construction des terrasses
JUIN 2019 chantier du restaurant : le recho
JUIN 2019 chantier du restaurant : le recho
SEPT. 2021 FERMETURE PRÉVISIONNELLE
AVRIL 2022 LANCEMENT DU PROJET "UN COIN À MOI" MAI 2022 LANCEMENT DU PROJET " CAFET' D'ÉTÉ "
AVRIL 2022 LANCEMENT DU PROJET "UN COIN À MOI"
MAI 2022 LANCEMENT DU PROJET " CAFET' D'ÉTÉ "
2023 FERMETURE DÉFINITVE
AVRIL 2023 FERMETURE DÉFINITVE
2019 construction du mât central
SEPT. 2019 construction du mât central JANV. 2020 CHANTIER DE LA BRICOLE
2020 CHANTIER DE LA BRICOLE
JANV. 2021 OUVERTURE DE LA BRICOLE
JANV. 2021 OUVERTURE DE LA BRICOLE
AVRIL 2021 SIGNALÉTIQUE MAI 2022 chantier de la cabane NOV. 2022 FERMETURE PRÉVISIONNELLE
2021 SIGNALÉTIQUE MAI 2022 chantier de la cabane NOV. 2022 FERMETURE PRÉVISIONNELLE
Fig. 20 - Évolution de l’aménagement des Cinq Toits depuis son ouverture.
Source : document personnel
PFE : Design expérimental et participatif aux Cinq Toits
OBJECTIFS
Mon travail de recherche sur les Cinq Toits couplé à mon investissement dans le fonctionnement du site sur le temps long m’a permis de me rendre compte des potentiels de ce site dans la mesure où il s’agit d’un véritable lieu où l’on expérimente l’accueil autrement. Par ailleurs, j’ai également pu voir l’évolution des Cinq Toits sur plus d’une année, que ce soit au niveau de son fonctionnement ou de son aménagement. J’ai donc décidé de poursuivre le travail effectué sur le site du point de vue du projet d’architecture en basant mon PFE sur les Cinq Toits.
L’objectif principal de mon PFE est de tirer des enseignements généraux sur l’accueil des exilés en centre d’hébergement à partir de la situation spécifique de l’expérience des Cinq Toits et du travail singulier que j’ai mené avec les résidents. Ainsi, pour mon PFE comme pour mon travail de recherche pour le mémoire, je me base sur des hypothèses. La première hypothèse concerne la temporalité de mon intervention dans le cadre du PFE. J’estime que les actions menées sur le court terme et à l’approche de la fermeture du centre peuvent contribuer au bien-être des exilés en modifiant en partie leur cadre de vie. Ma seconde hypothèse concerne la possibilité de réaliser des micros-actions. Ici, je suppose qu’il est possible d’améliorer une architecture « finie » ainsi que de la comprendre par des actions ponctuelles dans l’espace. Par architecture « finie », j’entends un ou plusieurs édifices déjà construits et en usage, sur lesquels il n’est pas possible d’intervenir directement. Ainsi, il ne peut être question ni de démolition, ni de rénovation ou d’extension de l’espace bâti. Cette impossibilité d’agir directement sur le cadre bâti provient du fait que Paris Habitat, le propriétaire du site, a fourni un cahier des charges qui exige de rendre le lieu intact après l’occupation temporaire. De plus, les bâtiments de l’ancienne caserne de
gendarme sont classés. Par ailleurs, dans la mesure où le site fermera définitivement en avril 2023, il n’est pas envisageable de planifier des interventions à grande échelle. Toutefois, l’architecture, la conception de l’espace, ne se limitent pas à l’acte de bâtir. Il est possible d’agir autrement sur le site dans le but d’améliorer les conditions de vie des exilés. En effet, si le cadre bâti est intouchable, l’intérieur de ce dernier pose question, tout autant que les espaces de vie partagés extérieurs. Ces questionnements concernent la capacité des exilés à s’approprier l’espace domestique, à préserver une certaine intimité malgré les conditions de cohabitation et à agir sur l’aménagement des espaces extérieurs. Tout au long de ce semestre de PFE j’ai mené plusieurs ateliers avec les résidents dans le but de comprendre leur rapport à l’espace du centre et de faire du projet d’architecture. J’ai choisi de travailler en particulier avec trois résidents des Cinq Toits. Il s’agit de Juma, réfugié syrien, Imran, demandeur d’asile afghan et Ibrahim, débouté malien. Grâce à l’immersion aux Cinq Toits par le bénévolat et l’observation participante, j’avais pu tisser des liens forts avec ces trois personnes depuis décembre 2020.
DIAGNOSTIC-ÉVALUATION
La première phase du travail de mon PFE a consisté en un diagnostic et une évaluation du site réalisés avec les résidents. Parmi eux, on retrouve Ibrahim, Juma et Imran ainsi que six autres adultes et un enfant. Il s’agissait de comprendre quels espaces sont utilisés au sein des Cinq Toits et quels usages les résidents font de ces espaces. À l’aide de la maquette réalisée à l’occasion des Journées Nationales de l’Architecture (cf. Mémoire), les résidents devaient signaler les espaces qu’ils utilisaient et expliquer comment ils utilisaient ces espaces. Par la suite, ils devaient remplir une fiche détaillant ces usages.
1_ Connaître les habitudes des résidents dans les espaces collectifs, en fonction de leur âge et leur genre.
2_ Comprendre de quelles façons les différents publics utilisent l’espace.
3_ Comprendre quels espaces fonctionnent et quels espaces sont à repenser.
LES PUBLICS, LIEUX ET MOMENTS
Fig. 21 - Fiche de retour des ateliers de diagnostic/évaluation du site. Source : document personnel
MÉTHODOLOGIE
Source
Fig. 22 - Maquette utilisée lors des ateliers de diagnostic/évaluation.
Source : document personnel
Fig. 23 - Maquette utilisée lors des ateliers de diagnostic/évaluation.
: document personnel
TU UTILISES CES ESPACES ?
Fig. 24 - Fiche à destination des résidents pour le diagnostic/évaluation du site.
Source : document personnel
Prénom : Appartement :
Fig. 25 - Fiche à destination des résidents pour le diagnostic/évaluation du site.
Source : document personnel
LE RÉCHO
LE PÔLE VÉLO
RAPPEL DES OBJECTIFS :
1_ Connaître les habitudes des résidents dans les espaces collectifs, en fonction de leur âge et leur genre.
2_ Comprendre de quelles façons les différents publics utilisent l’espace.
3_ Comprendre quels espaces fonctionnent et quels espaces sont à repenser.
«Pour bricoler et aider les autres. Pour moi j’ai fait une petite table pour l’imprimante» «Pour passer le temps quand je m’ennuie» «Quand j’ai besoin d’information pour réparer» Fig. 26 - Fiche à destination des résidents pour le diagnostic/évaluation du site.
Source : document personnel
«J’aime bien passer à la cafet où je prépare mon thé, même si j’ai quelque chose à faire à la Bricole» «Pour jouer aux échecs»
«TOUJOURS» «Je répare les vélos, je passe le temps, j’aime bien bricoler»
«Parce que je ne veux pas rester dans ma chambre, j’ai besoin de faire quelque chose» «Pour être au calme, être tranquille, MAIS souvent on me dérange dans la cour» «On a la chance qu’il y ait un espace dans le centre même où on peut tourner, ce n’est pas directement la rue» «Pour jouer au ping-pong»
«Tu t’y sens bien ?Non, depuis le 1er jour où je suis entré. » «J’étais vraiment choqué, comment c’était très sale, en particulier la cuisine : il n’est pas habitable» «C’est juste un endroit où je dors mieux que la rue : c’est pour ça que je traîne toujours dans la cour»
RAPPEL DES OBJECTIFS
1_ Connaître les habitudes des résidents dans les espaces collectifs, en fonction de leur âge et leur genre.
2_ Comprendre de quelles façons les différents publics utilisent l’espace.
3_ Comprendre quels espaces fonctionnent et quels espaces sont à repenser.
«Je bois le thé et je discute avec mes amis»
«Oui mais pas souvent, je regarde les poules et les lapins»
«Pour jouer au baby-foot avec mes amis»
«J’y vais toujours seule, deux ou trois fois par semaine»
«Pour discuter avec mes amis» «J’y vais tous les jours pour me divertir»
Fig. 27 - Fiche à destination des résidents pour le diagnostic/évaluation du site.
Source : document personnel
Cette première phase de diagnostic/évaluation a permis de mettre en évidence certaines situations d’usage dans le but de définir les objectifs spécifiques du PFE et des thématiques de travail. Ces situations d’usage peuvent relever soit du conflit entre l’espace et l’usage soit de potentiels à développer. Dans le cadre du PFE, j’ai retenu trois situations spécifiques. La première concerne le rituel du thé. Il s’agit d’un moment important, commun à une grande partie des résidents. Toutefois, ce moment est contraint par les horaires d’ouverture de la cafétéria (deux heures par jour, du lundi au vendredi). La deuxième situation spécifique concerne la volonté des résidents d’avoir un espace de tranquillité, de solitude au sein du centre. Cependant cet espace n’existe pas encore car tous les espaces auxquels ils ont accès sont partagés. Un troisième constat a été celui d’une situation d’ennui et de monotonie dans la vie du centre (« on tourne en rond » ) ; de cet ennui naît le désir de participer à des activités encadrées ou libres, notamment aux activités de bricolage qui ont lieu dans des ateliers partagés (qu’on appelle La Bricole). Ce constat m’a poussé à intervenir dans le domaine du « faire ».
Cartographie des usages
Le jardin
«J’y vais mais pas souvent, je viens regarder les poules et les lapins».
La cour
«J’y vais tous les jours pour me divertir, pour jouer au baby-foot et discuter avec mes amis». «Pour être au calme, être tranquille, mais souvent on me dérange dans la cour».
La bricole
«J’y vais pour bricoler et aider les autres, pour passer le temps quand je m’ennuie».
La cafet’
«J’aime bien passer à la cafet où je prépare mon thé, même si j’ai quelque chose à faire à La Bricole».
Le pôle vélo
«J’y vais toujours ! Je répare les vélos, je passe le temps, j’aime bien bricoler».
Le sentiment d’ennui comme générateur d’usages
UN COIN À MOI
Le premier objectif spécifique du PFE concerne la thématique de l’intimité. Il s’agit de permettre aux exilés d’agir sur leur espace de vie privée, la chambre qu’ils occupent dans des appartements partagés, par le biais du mobilier. Le projet nommé « un coin à moi » par Juma, a pour base la co-conception et la co-construction d’un mobilier lié à un moment ou une action en lien avec l’intime/le privé. Ce projet a été mené avec deux résidents, Juma et Imran, et a engendré deux cas de figure distincts.
Dans un premier temps, le projet a été porté par Juma, il était question de repenser avec lui l’espace qu’il a dans sa chambre où il prend le thé tous les matins. L’aménagement actuel étant très sommaire et peu intime, il s’agissait de concevoir un mobilier cloisonnant qui dessinerait « un coin à lui » dans la vaste chambre qu’il partage avec un autre réfugié. Cependant, l’acte de se projeter dans son espace domestique relevait d’une vraie difficulté pour Juma. En effet, il m’expliquait que ce n’était pas « chez lui », ainsi, il n’avait pas la volonté de transformer et améliorer ce logement. À cela, s’ajoutait le fait qu’il savait pertinemment qu’il ne resterait que pour quelques temps dans cet appartement puisque le site allait fermer. De cette première expérience, j’ai compris qu’il est difficile de se projeter dans le temps long pour un public qui n’est pas logé de façon définitive mais hébergé de manière temporaire. Il était donc nécessaire de définir une autre approche avec Juma où il serait davantage question des espaces collectifs, de transformation de l’espace avec des outils qui lui seraient propres et de quitter ainsi le domaine plus conventionnel de l’architecture (plan, coupe, élévation, etc.).
Juma
_Réfugié Syrien
_Résident du CPH
"L’appartement ? C’est juste un endroit où je dors mieux qu’à la rue."
Fig. 28 - Mise en dessin du récit de Juma concernant son logement.
Source : document personnel
Fig. 29 - Situation et plan schématique de l’appartement de Juma.
Source : document personnel
BESOINS PHYSIQUES BESOINS PSYCHIQUES CUISINE
SURFACE
Fig. 30 - Évaluation de l’appartement de Juma à l’aide d’une adaptation du cercle de Stevenson.
Source : document personnel
Source : document personnel
Source : document personnel
Fig. 31 - Maquette d’étude du logement de Juma.
Fig. 32 - Extrait du journal de recherche concernant la réaction de Juma.
Dans un second temps, Imran a souhaité participer au projet « un coin à moi ». Il est venu spontanément me demander de l’aider dans la conception/construction d’une étagère. Ce projet s’est déroulé en quatre étapes : la définition des usages que devait permettre ce mobilier, le dessin du mobilier, son dimensionnement et enfin sa construction. Par la suite et sur le temps long, arrivera la question de l’évaluation de ce mobilier et de son évolution dans le temps. En plus de remplir les fonctions initiales d’une étagère, Imran m’expliquait qu’elle devait également lui permettre de prendre le thé dans sa chambre ainsi que de regarder des films le soir depuis son lit.
Nous avions fait un premier atelier de dessin du mobilier où je lui ai proposé des variations de l’étagère (l’étagère cloisonnante et l’étagère à thé) ainsi qu’une proposition libre où il pouvait lui-même dessiner le meuble. Ici, la dimension participative dans la conception du mobilier restait assez limitée, dans la mesure où nous retrouvions le schéma classique où l’architecte propose et le commanditaire dispose. Toutefois, l’étape du dimensionnement du mobilier a permis à Imran d’être réellement acteur de la conception. En effet, il s’agissait d’appréhender les dimensions et proportions du mobilier en fonction des usages qu’il souhaitait en faire. La deuxième partie de l’atelier consistait essentiellement à définir ces proportions par le corps dans l’espace et grâce au mobilier (chaise, table, estrade, etc.) présent dans la cour des Cinq Toits.
Enfin, le dernier atelier mené avec Imran était celui de la construction de cette étagère. Pour cela, nous nous sommes rendus à La Bricole. Il s’agit des ateliers partagés de bricolage au sein des Cinq Toits. À partir de planches de bois récupérées sur le site et des outils mis à disposition nous avons pu réaliser l’étagère. Durant cette phase de construction le rapport entre Imran et moi s’est inversé. En effet, si pendant la phase de conception j’étais la personne en charge du bon déroule-
ment de l’atelier, lors de la phase de construction Imran était la personne qui avait la responsabilité de la réalisation de l’étagère. Ainsi j’étais davantage dans une posture d’observation, d’écoute et d’exécution tandis qu’Imran prenait les devants et dirigeait l’atelier. Désormais nous entrons dans la phase de mise en usage et d’évaluation du mobilier. En effet, maintenant que l’étagère est construite et installée dans la chambre d’Imran, il s’agit de comprendre si elle répond effectivement aux attentes qu’il avait et de voir comment son utilisation évolue dans le temps. Le projet « un coin à moi » se déroule essentiellement en deux phases. La première est très courte, il s’agit de celle de la conception/construction du mobilier et la seconde est sur le moyen terme où il est question de l’évaluation.
S’adapter aux usages et à l’espace
Imran
_Demandeur d’asile Afghan _Résident de l’HUDA
"Bonjour Inès, comment ça va? J’ai besoin d’une étagère, on peut la faire ensemble ?"
Ne pas gêner l’ouverture de la fenêtre.
Fig. 33 - Variation de l’étagère à thé d’Imran - document de travail.
Source : document personnel
Éviter le radiateur.
Se caler par rapport à la hauteur du lit.
Fig. 34 - Variation de l’étagère à thé d’Imran - document de travail.
Source : document personnel
Dimensionner le mobilier par le corps dans l’espace
Fig. 35 - Axonométrie de l’étagère à thé d’Imran.
Source : document personnel
- Installation de l’étagère dans la chambre d’Imran.
Source : Document personnel
Source : Document personnel
Source : Document personnel
Source : Document personnel
Fig. 37 - Imran installé à l’étagère à thé.
Fig. 36
Fig. 39 - Premiers usages de l’étagère.
Fig. 38 - Premiers usages de l’étagère.
Réactions au faire-ensemble : entre aide et demande
Évaluer le mobilier
"Tu as besoin d’aide ?
Regardes ta planche n’est pas droite là."
"Salut Inès, en fait peutêtre que je vais construire ici
mon bureau."
"Imran, est-ce que tu peux m’aider à faire un porte-manteau?"
Plus d’un mois après le construction et l’installation de l’étagère dans la chambre d’Imran, se pose la question de l’évaluation de ce mobilier. À partir d’entretien régulier avec Imran, de visites de sa chambre et de photos qu’il prendre, il semble bon de se poser les questions suivantes :
- Le mobilier est-il toujours là ?
- Le mobilier est-il toujours placé au même endroit ?
- Le mobilier lui permet-il de prendre le thé ? De la façon prévue lors de la phase de conception ?
- Le mobilier lui permet-il de regarder des films « confortablement » ? De la façon prévue lors de la phase de conception ?
- Le mobilier lui permet-il de ranger ses affaires ? (Il n’est plus contraint de les ranger sous son lit)
- Le mobilier est-il suffisant pour ranger toutes ses affaires ?
- Est-ce que des affaires sont rajoutées régulièrement ?
- Est-ce que le mobilier a servi à d’autres usages depuis son installation ? (Usages autres que ceux pensés pendant la phase de conception)
CAFET’ D’ÉTÉ
Le second objectif spécifique de mon PFE traite davantage de la thématique de l’ennui couplée au faire et notamment au faire ensemble. Il s’agit ici d’impliquer les exilés dans les différentes phases d’un projet d’architecture : l’évaluation de la situation de départ, la définition des objectifs, la conception de l’espace et la construction de l’objet architectural avant sa mise en usage. À partir du constat concernant le rituel du thé est né le projet de « cafétéria d’été ». Il s’agit de co-concevoir et co-construire un espace extérieur et libre d’accès permettant aux résidents de prendre le thé de façon autonome. C’est-àdire sans la contrainte de l’accès à la cafétéria actuelle soumise à une plage horaire limitée et à l’animation/surveillance d’un membre d’Aurore. Les porteurs de ce projet sont Imran, Juma et Ibrahim. Comme expliqué précédemment concernant Juma, il était nécessaire d’adopter une autre approche que celle de l’intime. La perspective d’un travail de groupe qui bénéficierait à l’ensemble des résidents ainsi que l’idée de construction à une plus grande échelle a permis de susciter son intérêt et de l’impliquer dans le projet de cafétéria d’été.
Premières intentions de projet
Source : Document personnel
Fig. 40 - Le jardin : espace pressenti pour l’implantation de la cafet’ d’été.
Fig. 41 - Situation du jardin dans les Cinq Toits et cartographie des fonctions/usages.
Source : Document personnel
Fig. 42 - Outils de travail des ateliers de conception.
Source : Document personnel
Dans un premier temps, il était question d’implanter notre projet dans le jardin des Cinq Toits. En effet, le cadre boisé et isolé du jardin plaisait à l’ensemble des participants au projet. Cependant, le jardin est un espace «saturé d’usages». Ainsi, y ajouter la cafet’ d’été allait rentrer en conflit avec les jeux pour enfants ainsi que l’espace femmes. C’est pourquoi il devenait nécessaire de trouver un autre espace disponible aux Cinq Toits, qui soit à la fois calme, isolé et pas surchargé d’usages et de fonctions. Ainsi, pour la suite du projet nous nous sommes projetés au niveau de l’ancien composteur. Cet espace, en plus d’être à l’abri des regards, répondait aux impératifs techniques : l’accès à l’eau et à l’électricité.
Développement du projet
Fig. 43 - Le composteur : espace choisi pour l’implantation de la cafet’ d’été.
Source : Document personnel
Fig. 44 - Situation du projet dans les Cinq Toits et cartographie des fonctions/usages.
Source : Document personnel
Fig. 45 - Outils de travail des ateliers de conception.
Source : Document personnel
J’ai mené trois ateliers avec ces résidents pour le projet de cafet’ d’été. Le premier atelier avait pour but de définir les attentes que chacun avait de ce lieu et le second atelier était dédié à la conception du lieu à l’aide d’une maquette de principe ainsi qu’à la réflexion sur la gestion et le fonctionnement de la cafet’. Enfin le troisième atelier nous a permis de finaliser quelques questions d’aménagement et d’aborder la question du chantier.
07/04
Refus de Juma 19/04 1er atelier 10/05
1ère DISCUSSION
27/04
Présentation du projet à aurore 28/04
Autorisation délivrée 11/04
2ème atelier 11/05 1er rdv avec simon
24/05
3ème atelier 08/06 2ème rdv avec simon 14/06 Lancement du chantier
À l’issue de ces trois ateliers, nous avons pu structurer l’espace de la cafet’ d’été : un premier espace servant d’entrée et de cuisine pour préparer le thé et un second espace servant de double salon, l’un à l’occidentale (avec des tables de brasserie et des chaises) et l’autre à l’orientale (avec un grand tapis et une table basse). Pour ce qui est du fonctionnement de la cafet, le lieu sera entièrement autogéré. C’est-à-dire que chaque résident usager de la cafet aura la responsabilité de l’entretien, de l’approvisionnement, du matériel présent et du bon fonctionnement du lieu. Le but étant que les membres d’Aurore n’aient pas à intervenir dans cet espace réellement dédié aux résidents. En parallèle des ateliers avec les résidents, j’ai organisé plusieurs réunions avec les référents des Cinq Toits. J’ai fait deux réunions avec Géraldine Becheras, la cheffe de service du CPH, Roxanna Rejai, la référente des structures occupantes pour Plateau Urbain et Marianna Vasconcelos, la responsable de la médiation aux Cinq Toits. Ces réunions avaient pour objectif de leur présenter mon travail de PFE et son avancement dans le semestre ainsi que d’obtenir les autorisations nécessaires à l’élaboration d’un projet dans les espaces collectifs des Cinq Toits. Enfin, j’ai eu également deux rendez-vous avec Simon Dreano, référent technique des Cinq Toits, pour discuter des questions de faisabilité technique du projet ainsi que des questions de ressources matérielles et financières. Suite à ces différents ateliers et réunions, nous avons pu lancer le chantier participatif de la cafet’ d’été le mardi 14 juin. Il me semble important de souligner que j’ai insisté auprès de Marianna Vasconcelos pour que les résidents qui participent au chantier soient rétribués par l’association Aurore. Bien que la rétribution (environ 3 euros par heure) ne soit pas égale à la valeur du travail fournie par les résidents, cela permet malgré tout de reconnaître l’intérêt du travail qu’ils effectuent.
Source : Document personnel
Source : Document personnel
Source : Document personnel
Fig. 46 - Perspective issue du 3ème atelier de conception de la partie salon de la cafet’ d’été.
Fig. 47 - Perspective issue du 3ème atelier de conception de la partie cuisine de la cafet’ d’été.
Fig. 48 - Axonométrie éclatée de la cafet’ d’été - principe structurel.
49 - Jour 1 - Récupération du bois des combles.
Source : Document personnel
50 - Jour 1 - Récupération du bois des combles.
Source : Document personnel
Fig. 51 - Jour 1 - Construction de la structure du plancher avec le bois des combles.
Source : Document personnel
Fig. 52 - Jour 2 - Pose du plancher.
Source : Document personnel
Fig.
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Source : Document personnel
Source : Document personnel
Source : Document personnel
Source : Document personnel
Fig. 54 - Jour 2 - Montage du mobilier.
Fig. 52 - Jour 3 - Pose du plancher.
Fig. 56 - Jour 3 - Aménagement de la cafet’ d’été.
Fig. 55 - Jour 2 et 3 - Pose des cloisons.
UN LIEU EN USAGE
Bien que le chantier de la cafét’ d’été soit terminé, le lieu n’est pas fini pour autant. En effet, actuellement, nous avons construit la structure du lieu (plancher et demi cloisons) et nous l’avons aménagé (mobilier). Cependant, au cours du chantier plusieurs questions ont été abordées sans que nous ayons nécessairement de réponse à y apporter dans l’immédiat. Ces questions pouvaient concerner la gestion du lieu ou la durabilité du projet. Lorsqu’il n’était pas possible d’anticiper le problème et de le solutionner en amont, la démarche était « c’est une expérience : on essaie, on vérifie dans le temps, on trouve une solution » jusqu’à arriver à une situation satisfaisante. Prenons le cas du matériel mis à disposition. Nous avons mis à disposition dans la cafet’ d’été une bouilloire qui restera en libre-service. Toutefois, le risque que cette bouilloire soit volée est grande (il en est de même pour le café, le thé, le tapis, etc). Nous avons donc statué sur le fait qu’on essaie malgré tout de laisser une bouilloire en libre-service et dans le cas où elle serait volée les résidents seraient contraints de descendre avec leur propre bouilloire pour préparer le thé. Dans les semaines à venir, du point de vue construction/aménagement, il sera question de penser l’éclairage du lieu de nuit, l’étanchéité de la toiture, de mettre à disposition des produits d’entretien, de décorer et végétaliser le lieu et de renforcer la structure du plancher. Avec les résidents qui ont participé au projet, notamment Juma, nous nous retrouverons tous les dimanches pour discuter des problèmes rencontrés dans la cafet d’été et les solutionner.
Ainsi, voici une liste de point à aborder :
- Le lieu est-il utilisé ? Est-il utilisé par tous les résidents (hommes, femmes, enfant) ou par les porteurs du projet ? Est-il utilisé par les visiteurs extérieurs ? par les membres d’Aurore ?
- Le lieu est-il entretenu ? Est-il entretenu par tous les usagers ou par les porteurs du projet ?
- Le lieu a-t-il été dégradé ? Des biens ont-ils été volés ?
- Le lieu a-t-il été approprié par les résidents (décoration, végétalisation, etc) ?
- Le lieu est-il régulièrement approvisionné en thé, café, sucre et biscuit ? Par tous les résidents ou par les porteurs du projet?
- Le lieu répond-il aux usages prévus lors de la phase de conception ? Est-ce qu’il y a eu de nouveaux usages ? Est-ce que le lieu nécessite des transformations pour répondre à de nouveaux usages ?
CONCLUSION
CONSTRUCTEURs
CONCEPTEURs
Ainsi, quels sont les enjeux de ce projet de cafétéria et quels enseignements généraux je tire de ce travail singulier et de l’expérience des Cinq Toits ? Le projet de cafétéria ne se résume pas à une micro-architecture permettant de préparer et de boire du thé. Il s’agit d’un lieu conçu et construit par et pour les résidents et surtout, il s’agit du seul espace des Cinq Toits entièrement autogéré par les résidents. En effet, chaque résident est à la fois gestionnaire et décisionnaire du lieu : ils sont tous responsable du bon fonctionnement de la cafétéria. Ainsi, le projet de cafet d’été porte en lui une critique du fonctionnement des autres espaces des Cinq Toits qui sont tous surveillés et animés par un membre d’Aurore. De plus, l’implication dans un projet collectif, la rétribution et l’autogestion permettent aux résidents de gagner en estime de soi et de gagner en compétences. Enfin, il s’agit notamment d’un lieu qui permet à la fois de développer un sentiment d’appartenance à un groupe ainsi que le sentiment de chez-soi. Concernant les leçons que je tire de mon PFE et de l’expérience des Cinq Toits, je suis en train d’élaborer des préconisations pour la conception des centres d’hébergement ainsi qu’un schéma d’aménagement des Cinq Toits à destination d’Aurore.
USAGERS
Résidents
Fig. 57 - La démarche participative.
Source : Document personnel
CONCEPTEURs
CONSTRUCTEURs
Résidents
USAGERS
Fig. 58 - L’autogestion.
Source : Document personnel
GESTIONNAIRES Décisionnaires
toiture
Fig. 59 - Considérer l’existant : choix de l’implantation du projet.
Source : Document personnel
Cafétéria actuelle : Le Récho : présence de personnes extérieures surveillance et animation par aurore
Fig. 60 - Considérer l’existant : critique et complément de la cafétéria actuelle et du restaurant.
Source : Document personnel
Fig. 61 - Choix des matériaux et du mobilier.
Source : Document personnel
greniers 3 premières heures = chèque épicerie toutes les 2 heures = chèque service (6euros)
Fig. 62 - Rétribution des résidents pour le chantier.
Source : Document personnel
Contribuer au débat public : quelques préconisations
1. Préserver des espaces d’entre-soi, créer des espaces de solitude et d’intimité.
Différencier les espaces "publics" des espaces dédiés aux résidents.
La cafet’ d’été, un lieu conçu par et pour les résidents.
2. Favoriser l’autonomie des résidents en prenant en compte leur quotidien.
Repenser la gestion des services proposés aux résidents.
Adapter les horaires d’ouverture et les conditions d’accès.
3. Considérer les résidents comme des acteurs du centre d’hébergement.
Impliquer les résidents dans la prise de décision et la gestion du centre.
Définir des résidents représentants des CHU, CPH et HUDA qui auront un rôle de Médiateur entre les résidents et aurore.
4. Faire connaître le centre au public extérieur, attirer les visiteurs.
Repenser la programmation des cinq toits.
Redéfinir les critères de sélection des structures partenaires en fonction du quartier dans lequel s’inscrit le centre.
Lieu de consommation, équipement public, etc.
Organigramme général
Locaux des structures partenaires
Locaux dédiés au public extérieur
Locaux de l’association Aurore
Locaux dédiés à l’hébergement
Fig. 63 - Schéma du programme des Cinq Toits selon les préconisations.
Source : Document personnel
Locaux/espaces dédiés aux résidents
Schéma d’aménagement des Cinq Toits
LE RECHO
La bricole pôle vélo LE RECHO
La bricole pôle vélo
Fig. 64 - Plan et coupe de l’aménagement des Cinq Toits selon les préconisations.
Source : Document personnel
Le Pavillon de l’Horloge : un lieu de
rencontre
vestiaire
bibliothèque publique + salle de cours de fr.
DE SPORT
LE PÔLE VéLO laverie
éPICERIE
LE RECHO
Programme existant Programme déplacé Programme créé
Fig. 65 - Axonométrie éclatée des programmes du Pavillon selon les préconisations.