Ineffable Magazine N°05

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Ineffable Magazine I N°5 I ISSN : 2602-6562

L’ART CONSERVE LA MÉMOIRE



Mentions Légales : • Directrice de rédaction Rédactrice en chef: Ahlem KEBIR ahlem.kebir@ineffable-dz.art +213 (0) 698 200 899 • Directeur de la publication: Aimen BENNOUNA aimen.bennouna@ineffable-dz.art +213 (0) 698 585 628 • Chef de publicité: Meriem BOURAOUI meriem.bouraoui@ineffable-dz.art +213 (0) 656 357 994 • Comité de lecture: Hiba BOURMOUM, Fatima ABADA, Madel AMIROUCHEN Meriem BOURAOUI. • Photo de couveture: Koussaila Mehdi Maouchi koussaila.mehdi@gmail.com • Site web: www.ineffable-dz.art


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© Ineffable Photographie


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’est l’ histoire mythique d’une déesse, Mnémosyne, déesse de la mémoire, née de l’union du ciel et de la terre, qui donna naissance, en épousant Z eus, aux neuf muses qui reçurent chacune une part de son savoir, incarné dans les arts et la création. C ette légende grecque, vielle comme le monde, nous rappelle que la mémoire est le fondement de tout art. L a relation est cependant bilatérale, l’un est créateur, l’autre est protecteur. L a mémoire étant fragile, sujette à une divergence d’inter prétation, est plus susceptible de se dissiper ; L’art, intemporel et dirais-je même presque éternel, reste lui, comme témoin de ce qu’a été un jour la vie. L’ homme a inlassablement voulu raconter son histoire ; comme un refus catégorique de l’oubli, il a d’abord gravé son quotidien dans les murs de ses grottes, puis l’a écrit, sculpté, peint, photographié, et même constr uit, entre les pierres de son habitat, ses lieux de cultes, ou même ses sépulcres. Aujourd’ hui, l’ homme n’est pas si différent, les arts, eux, ont changé, muté, cer tains vous diront qu’ils ont évolué, d’autres diront qu’ils ont régressé ; mais ce qui est certain, c’est que l’art puise encore et toujours son âme de la mémoire ; C omme son protecteur éternel, il la conte et la raconte à ceux qui désirent écouter, comprendre, et apprendre une leçon ou deux. On m’a posé la question, il y a de cela pas plus d’une semaine, après avoir raconté une belle histoire qu’une porte harmonieusement cloutée de la casbah d’Alger m’a rappelé ; comment pouvons-nous préser ver ces savoir-faire et veiller à ce qu’ils continuent à circuler, j’ai répondu simplement : écrivez-le ! L’écriture est en effet, un des ar ts les plus vieux, les plus expressifs et étant à la portée de tous, le plus simple à comprendre. Et ici, à Ineffable, on regroupera tous nos écrits, exprimant nos réalisations passées et actuelles. Et qui sait… Un jour, dans un futur lointain, quand des milliers d’années auront passé et que le monde digital sera dépassé, une personne trouvera un moyen de faire fonctionner un de nos ordinateurs «archaïques» et y retrouvera toutes les histoires qu’on aura immortalisées à coup de «clavier» sur Ineffable magazine. Ahlem KEBIR

Edito


Rubrique

D’art & d’eau fraîche Ces réflexions qui fond de l’art un quotidien, une routine dont on ne se lasse jamais ...



L’art et la mémoire Et sur ce morceau de toile, de feuille, Se repose la mémoire de l’homme, Soulevant le fardeau de l’histoire d’antan. Jadis indomptable dans un esprit troublé, Elle se retrouve bornée, prisonnière de ses démons, Ne respirant qu’à travers le regard des passants. Et si par pur hasard du temps, Une âme se met à trembler en observant la douceur de ses formes, Elle ruissellera jusqu’au fin fond de son cœur, et fera de lui son âtre éternel, Récitant à son inconscience la beauté du doute, la beauté du passé, Allant aux enfers abyssaux de l’esprit, Jusqu’au bord du Léthé, pêchant l’oubli de toute l’humanité, Faisant de ce dernier la force de son existence. La mémoire surgit de l’oubli, bercée par une marée d’émotions, Tantôt douce, tantôt hideuse. Le passé revient parmi les vivants contemplant l’aurore, Dont les lueurs s’inspirent du mystère de l’art. Auteur : Selma Bouchema

Franck Arthur Bridgman (1885)



Rubrique d’art & d’eau fraîche

à toute ère son art « Et dans un tableau, je voudrais dire quelque chose de consolant comme une musique. Je voudrais peindre des hommes ou des femmes avec ce je ne sais quoi d’éternel »

Peinture de Tan Zoumaïtak (Tassili n’Ajjer), style des Têtes rondes évoluées (photo J.-J. Eppe).

Vincent Van Gogh

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’être humain, cette créature complexe avec ses maux, ses douleurs, ses valeurs et son histoire est bercé par un constant besoin de s’exprimer et de s’identifier chez l’autre, pour cela l’être humain créa l’art et l’art créa l’humain. Conduit par ses émotions et son ère, l’artiste chante, raconte et peint malgré lui l’histoire de sa société, la libérant des barrières du temps. L’étude d’une œuvre d’art se révèle donc être une très bonne façon d’interpréter une société donnée, nous permettant de comprendre ses envies, ses besoins et ses chagrins. Prenons en exemple l’art rupestre préhistorique, ces œuvres qui nous racontent un quotidien vécu par nos ancêtres, qui, dans le simple but de laisser libre cours à leurs pensées, ont créé un art tant représentatif de leur époque. Ère d’il y a des milliers d’années, un quotidien qui ne nous parle pas, mais rendu atemporel grâce à l’art. Nous pouvons y lire leurs besoins, leurs envies et les contraintes quotidiennes qu’ils rencontraient. L’art, ne détruit-il pas toute frontière ? Les conflits, les guerres et la misère humaine ont eux aussi été une essence de création artistique, l’artiste dénonce, quelquefois sans le vouloir, l’oppression et la misère dont il peut être témoin. Pablo Picasso, ce peintre dont l’art est bercé par la couleur de ses émotions, passant de période bleue à période rose, il ne se cache pas de peindre sa vie sur une fresque. Suite au bombardement de la ville de Guernica en 1937, Picasso délivre à l’humanité une œuvre Mai / Juin / Juillet 2018 - ineffable

poignante qui décrit tant bien l’horreur de la guerre, il exprime ainsi sa prise de position de par son art. L’artiste est ainsi fils de son temps contraint d’exprimer l’histoire de sa société à travers son pinceau. Le Chaâbi, art populaire représentatif de la richesse culturelle algérienne, est un mélange subtil entre instruments orientaux et occidentaux. Il fut considéré dans ses débuts comme scandaleux se limitant à être chanté derrière des portes closes. La vague d’immigration maghrébine permit au Chaâbi de se faire connaître et accepter des deux côtés de la méditerranée. Laissons « Ya rayah » de Dahmane Elharrachi, ce chant typique du châabi algérien, nous bercer au rythme des douleurs de ces migrants qui quittaient leur pays pour trouver du travail, ses

paroles nous content l’Algérie des années 50. La nostalgie, l’amour de la patrie et l’exil intérieur qu’elle exprime restent atemporels, ce ressenti poignant tisse un lien entre les immigrations ouvrières pendant la guerre de libération et les immigrations d’aujourd’hui. Les Harragas la récitent pleurant « Elghorba » qui les sépare de leur pays, ils s’identifient à cet air qui fut autrefois chanté pour leurs semblables. Dirigeons notre regard vers la casbah d’Alger, ses souks, ses terrasses et ses cours, que nous disent-ils de l’ancienne Alger ? Au cours d’une promenade à pied, la Casbah nous livre ses secrets. L’organisation spatiale des chambres d’une maison autour d’une même cour inspire les valeurs familiales ancrées dans la tradition algérienne,

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tandis que l’absence de barreaux est synonyme de confiance et de sécurité. Ses terrasses, qui donnent toutes sur la mer, évoquent le lien étroit qui reliait les Algérois à la méditerranée. Ce décor nous parvint par le biais d’artistes qui ont travaillé à la perpétuité de ce patrimoine architectural qui est l’expression même des traditions algéroises. Face à une œuvre d’art, nous cherchons une interprétation qui se rapproche le plus de notre vécu, nous cherchons un sens qui nous représente nous un peu plus que l’artiste. La réaction d’une société face à l’art est elle aussi très révélatrice des mœurs de cette société. Lorsque par exemple la critique s’offusque d’une œuvre la jugeant immorale, cette critique est donc révélatrice des mœurs sociales et des tabous de cette époque.

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Oscar Wilde ne disait-il pas : « Les livres que le monde juge immoraux sont ceux qui lui tendent le miroir de son ignominie ». Il serait donc juste de dire que l’interprétation que reçoit une œuvre d’art à une ère donnée révèle plus sur l’ère de la critique que sur l’œuvre elle-même. Ainsi, pour étudier l’humain, il est nécessaire de s’intéresser à l’art qu’il produit et à son interprétation des œuvres qu’il contemple. L’histoire se lit autant dans les manuels que dans les galeries d’art. Auteur : Maya SAHRAOUI , Club Eurêka

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RECYCL’ART OU L’ART TOTAL

Écrire sous le thème de l’art en Algérie m’a semblé aussi vague que son désert, aussi grand que l’immensité de ce que porte cette Algérie. Je me suis dite, parlons de RECYCL’ART ! Oui, oui, le recyclage existe chez nous et de ça s’est déclenché le mouvement RECYCL’ART.

Surcyclage, upcycling, écolo, les concepts sont aussi divers mais le résultat demeure UN ! D’une part, cette pratique permet de transformer les soi-disant « déchets » mais permet d’une autre part de sortir avec des produits qui lancent une multiplicité de « BOUCHES B ». « C’est l’art de la pensée libre et osée, l’abstraction des aspirations et des vécus », c’est ainsi que définit Manel Drarni sa pratique artistique. Sa start-up « 5 ART » est un projet d’art et de design responsable et contemporain, il s’investit principalement dans la protection de l’environnement à travers des activités touchants à la création, la formation, la sensibilisation, le leadership et l’évènementiel. Manel, jeune diplômée en architecture et fondatrice du projet entrepreneurial « 5 ART » conçoit dans l’idée de « Pourquoi dépenser de l’énergie à polluer alors qu’on pourrait revaloriser cette dernière avec ce qu’on a déjà ? », elle considère l’art comme étant le moyen de transmettre un état d’esprit où les choses qui nous touchent les plus sont celles qui ont une âme et une histoire à nous raconter et qu’à travers l’art nous véhiculons des messages de paix et bien être. Sans changer de cap, nous retrouvons Hela. Jeune diplômée en Pharmacie, écolo jusqu’au bout des angles, backpackeuse et aventurière. De sa passion pour le voyage tout d’abord et de son blog « Carnet d’exploration », elle joint l’utile à l’agréable en concevant des carnet de voyage, connus dans les pays anglo-saxons sous le nom de « Travel Journal ». Elle concocte des carnets à base de papier recyclé. Étant une personne manuelle, elle a toujours aimé le papier et le Do-It-Yourself. « J’ai beaucoup écrit dans ma vie, mais quand je voyage c’est là où je consomme le plus de papier, avec le temps je ne voulais plus de carnets achetés en librairie, je voulais les faire moi-même, concevoir quelque chose qui me ressemble, qui reflète mes valeurs », me confie-t-elle. Ayant l’esprit plus cartésien, on pourrait se Mai / Juin / Juillet 2018 - ineffable

demander « Quel avenir pour le recyclage en Algérie ? et le RECYCL’ART ? ». Manel nous dira « ça arrive, ça arrive . . . et ça ne peut aller que dans ce sens. » Alors que Hela Chaima Atatfa pense que du moment où on a mal pour certains objets qui partent à la poubelle alors qu’ils pourraient servir encore, alors pourquoi ne pas leur imaginer une deuxième vie ? Bouquets d’herbes, étagères et rangements, carnets de notes . . . etc, Manel Drarni la rejoint en disant que «Y en a pour tous les goûts et tous les genres. Toutes les couleurs sont au rendez-vous avec des styles déjantés […] Rien n’a commencé avec un accomplissement absolu. Le progrès nous mène vers l’accomplissement et rien n’a jamais progressé s’il n’a jamais commencé» « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Antoine Lavoisier », sur ce, à vos pépites artistiques mais surtout recyclables ! MENIA Rim - Nomad club

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Septième

perle

algérienne « Le phénix des peuples est plus long à renaître de ses cendres qu’à périr »

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e phénix a choisi de combattre contre ce feu qui le brûlait lors de la «chronique des années de braises» ; une histoire qui criait le désarroi d’un peuple, montrant la révolution et la résistance des propriétaires d’un pays, des terres, des maisons et des vies. Le cinéma en Algérie est né ainsi, pour raconter, affirmer l’histoire d’un siècle et demi et laisser la trace d’un combat gagné. Se lancent alors les producteurs algériens dans le monde du cinéma, « la bataille d’Alger » ; l’un des films les plus marquants, « Hassan Terro », « l’Opium et le Bâton » et bien d’autres œuvres qui racontaient chacune un combat d’une famille, d’un quartier, d’une période, mais toutes d’une seule cause. La cause algérienne. Quittons pour un instant l’ombre de la guerre et allons en vacances avec l’inspecteur Tahar et son apprenti qui selon son supérieur « s’il ne le dit pas de sa bouche, je ne sais d’où il va le dire». Poursuivre le meurtre commis dans un complexe touristique est le début de l’aventure d’un humour ancré en nous jusqu’à ce jour et des répliques qui deviennent un jargon typiquement algérien. Quittons pour un instant l’ombre de la guerre et allons en vacances avec l’inspecteur Tahar et son apprenti qui selon son supérieur « s’il ne le dit pas de sa bouche, je ne sais d’où il va le dire». Poursuivre le meurtre commis dans un complexe touristique est le début de l’aventure d’un humour ancré en nous jusqu’à ce jour et des répliques qui deviennent un jargon typiquement algérien. Et puis quand une « famille comme les autres » veut acheter une voiture à six millions de centimes, les surprises et les évènements qu’elle vivra nous laisseront pliés de rire. Déjà, dites-moi « sou9 yefteh f lil ? » « soug mouk yhel f lil !”.

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Avez-vous déjà essayé de voyager en famille ? Moi si, et « taxi el mekhfi » me fait rappeler tous les voyages qu’on a vécu moi et « mima », tous les trajets et les fous rires, tous les repas et les pains achetés pour rassasier notre faim et tous les gens qu’on a rencontré et avec qui on a échangé quelques mots, des sourires et plein d’histoires. Toute personne qui nous a aidées à transporter nos bagages, celles qu’on ne reverra jamais, celles qui ont été un héros pour un instant. Et ce film d’ailleurs raconte tout ce qu’on peut traverser en passant d’une ville à une autre, avec des membres de famille, aussi différents l’un de l’autre et aussi algérien l’un que l’autre. Le cinéma algérien a évolué depuis, nous sommes sorti de la guerre et nous nous sommes éloignés un peu de l’humour pour refléter la société, pour rompre le silence et parler à voix haute, pour essayer de changer, pour s’améliorer, mais aussi pour diversifier. Nous sommes en 2018, et «M» et le premier film d’horreur algérien, est sorti en avantpremière ce février. « M » ne reflète pas sûrement pas notre vécu quotidien (sauf exception peut-être), mais il reflète l’imagination de nos jeunes talentueux qui ont alors mis en scène l’histoire d’un groupe d’amis entrés dans une grotte et qui ne sont pas prêts d’en sortir. Mais l’impossible n’a jamais été algérien, alors il n’est pas impossible de trouver l’amour à la fin de notre vie. C’est là où intervient l’histoire de « Until the end of time » sorti en 2018, une histoire unique, différente et émouvante. Le cinéma algérien parle à nos cœurs, à notre vécu, à notre passé, notre histoire et à notre futur. C’est ainsi que nous faisons les choses, c’est ainsi que nous créons les choses. Auteur : Djane-Ahmed Ania Mounira.

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Un leg qui nous parle

« Un jour, j’ai fait une rencontre, une découverte, la découverte d’un homme qui a trazversé le temps et qui a témoigné. Il a témoigné du voyage où se mêlent pérégrinations et exils. Ces mots ont résonné en moi. Ils ont résonné tellement fort que j’ai décidé de raconter son histoire, de faire transmettre le legs, là où mon corps, mon cœur et mon esprit décident d’amarrer. » « Il fut un temps où l’Art… », « L’Art n’est plus. », « L’Art est mort dans ce pays, depuis longtemps… », diront même certains.

Mais si, au contraire, je vous disais que l’Art n’a jamais été absent, il n’a d’ailleurs jamais été aussi présent qu’aujourd’hui. Car l’Art qui a pendant si longtemps été enfoui en nous, tapi dans nos pénombres, lacéré dans nos veines et mis en cage dans nos thorax ne demande qu’une chose, une seule ; s’évader ! Cette jeunesse qui a envie de crier, d’affirmer et de brandir : l’Art algérien est partout. Tellement étouffée, qu’elle souhaite souffler, s’esclaffer et rêver. Oui, rêver d’une Algérie à l’avenir meilleur, une Algérie enfin épanouie ! Certes, ces mots peuvent paraître un peu bateau mais, croyez-moi, cette jeunesse sait ce qu’elle fait. Cette jeunesse sait que nulle avancée n’est possible si rétrospection il n’y a pas. Elle doit être de mise pour comprendre le combat. Je veux dire par là, une rétrospection au sens d’analyses, de quêtes, d’enquêtes, en somme ; un plongeon éveillé dans le riche passé de notre terre. Les Hommes, les Femmes, les chants, les pleurs et les Arts qui l’ont fait, qui la font encore et qui la feront toujours. Guidés avec la même hargne, transis par le même désir et exaltant le même soupir indéfectible, celui de la mémoire. Car l’Art conserve la mémoire. Et c’est ainsi que je voudrais vous parler d’une explosion artistique déclenchée au sein de l’Association culturelle « La Grande Maison de Tlemcen » ; « Un Legs qui Nous Parle ».

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l s’agit d’une bande de jeunes, venus d’horizons différents, tous imbus d’Art et de rêveries qui ont décidé de faire un voyage dans 60 ans d’écriture de Mohamed Dib, un plongeon éveillé en quelque sorte pour rencontrer les personnages de ses œuvres, rencontrer l’auteur pour se retrouver eux-mêmes. C’est alors qu’ils se mirent à lire, à plonger au plus profond de ses livres et à y parcourir les bas-fonds, à distinguer ce qu’il y a d’écorché entre les lignes. Au travers de leurs passages sur ses mots, ses déboires et ses aspirations, ils remarquèrent une chose exceptionnelle commune à tous les sujets traités dans les œuvres de l’écrivain ; l’intemporalité. Ils créèrent alors une histoire dont je vais vous conter les prémices : C’est l’histoire de Nord, Sud, Est et Ouest, 4 Goualas aux jambes dégourdies qui comme leur nom l’indique aiment à errer de contrée en contrée pour raconter, partager et dire leurs quatre vérités. Ils n’ont qu’une cause commune qui leur insuffle du courage dans leurs pérégrinations, faire en sorte que le peuple sache. Ces Goualas se font aussi écho d’une difficulté que peuvent rencontrer toutes celles et ceux qui œuvrent à préserver notre patrimoine culturel et à promouvoir l’art. Ils atterrissent un jour dans un village, accroché dans un vortex hors du temps et ils y découvrent les péripéties qui s’y déroulent aussi bien avec un certain retrait qu’une patente curiosité. Tantôt, il s’agit d’une femme soumise aux on-dits de la société, tantôt, c’est une femme qui se retrouve mère et

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père de famille du jour au lendemain, orpheline de la guerre ou bien le quotidien d’une jeune fille dont le père est algérien et la mère norvégienne, tiraillée par un problème identitaire qui en dit long sur elle-même…les sujets abordés dans la pièce, commentés avec raison et sagesse par les Goualas reflètent la société contemporaine algérienne mais aussi ancestrale.

« On a une cause noble à défendre, un héritage à défendre. Un legs qui nous parle et à qui on parle. Faire découvrir et aimer la poésie peut paraître difficile, mais il ne faut pas se décourager. Et au-delà de la poésie en elle-même, c’est toutes les idées humanistes qu’elle porte ; c’est l’exigence du beau. C’est avoir une haute opinion de l’humain et de l’humanité. » Seulement voilà, les villageois semblent se désintéresser totalement aux dires sensés de ces pèlerins de la Terre, de leurs conseils, ils ne retiennent que nenni. À travers ce constat, M. Fawzi KARA SLIMANE et Mohamed El Amine HEFHAF, respectivement auteur et metteur en scène de cette pièce de théâtre, ont voulu dénoncer cette Algérie où l’on ne pratique pas la réflexion, où on l’évite. Et ce n’est que par l’Art que les esprits accouchent de leurs plus beaux fruits. Le désintérêt des villageois pour les Goualas peut se traduire par le désintérêt qu’a le peuple pour l’Art et ce sont des initiatives artistiques, culturelles et citoyennes comme celle-ci qui contribuent à faire changer les mémoires, à les faire évoluer ou mieux, à les conserver. Car, ne l’oublions pas, l’Art conserve la mémoire.

Je descends de l’Aurès, Ouvrez vos portes Épouses fraternelles, Donnez-moi de l›eau fraîche, Du miel et du pain d›orge ; Quand la nuit se brise, Je porte ma tiédeur Sur les monts acérés Et me dévêts à la vue du matin Comme celle qui s›est levée Pour honorer la première eau ; Étrange est mon pays où tant De souffles se libèrent, Les oliviers s›agitent Alentour et moi je chante : — Terre brûlée et noire, Mère fraternelle, Ton enfant ne restera pas seule Avec le temps qui griffe le cœur ; Entends ma voix Qui file dans les arbres Et fait mugir les bœufs. Ce matin d›été est arrivé Plus bas que le silence, Je me sens comme enceinte, Mère fraternelle, Les femmes dans leurs huttes Attendent mon cri. « Parler des choses qui s’effacent les empêche de s’effacer et quiconque les aide à résister travaille à rendre le monde toujours plus fort. » * Compilations de poémes de Mohamed Dib

Auteur : Aïmen LAIHEM - Nomad Club * Les citations sont extraites de la pièce théatrale ‘‘Un leg qui nous parle

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Slam : un voyage poétique de Chicago à N’Djamena Slam, l’art de la parole libre

« Une poésie vocale, vivante et adressée, qui se vit debout, en acte, et se ressent physiquement à travers le goût des mots. » Venu comme pour sauver la poésie, le Slam a su trouver sa propre scène artistique et son propre public. Il s’agit d’une tribune d’expression où des personnes peuvent interpréter leurs poèmes en parlant, en chantant, de façon rythmée, ou pas... En mariant poésie et spectacle interactif, le Slam est parvenu à démocratiser la poésie, qui, en sortant d’un certain cercle littéraire classique, est rarement appréciée du grand public. « La différence entre une soirée Slam et une soirée poésie, c’est que si tu dis que c’est une soirée Slam, tu as 10 fois plus de gens » Fellix J. Le slam est né à Chicago, dans les années 80, lorsque Marc Smith, décide d’organiser des concours de poésie dans un bar (Le Green Mill), où les poèmes sont interprétés sur scène et les juges sont le public lui-même. Ces rencontres ont connu un vif succès et se sont vite propagées d’abord à travers les Etats-Unis, puis dans tous les coins du monde. Il s’agit d’une poésie qui n’est pas vouée à être lue silencieusement depuis une feuille, il n’est pas un courant littéraire mais une convergence des genres, et même si des artistes slameurs comme Grand Corps Malade sont apparus sur la scène musicale, le Slam n’est pas un style musical mais un style d’oralité. Concrètement, sur une scène de Slam, les artistes interprètent leurs textes seuls, ou en groupe, en toute liberté et vivacité ; l’audience prend part dans l’aventure et devient juge. La performance est jugée autant sur le contenu et le style du poème, que sur l’ardeur et l’attitude de celui qui l’interprète. Le mot « Slam » , dont le sens fait allusion à une collusion soudaine, reflète l’effet recherché par les Slameurs ; un choc éprouvé à l’écoute de ces textes, qui, nourrit par les sensibilités de chacun, exposent un large éventail d’idées, de thèmes, de traditions culturelles ; il est destiné à créer un impact pour que la poésie avance dans les débats sociaux. Le Slam est en fin de compte un tournoi, une compétition qui n’est pourtant pas destinée à être gagnée, puisque le but premier et principal est de partager et de propager la poésie.

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Coupe d’Afrique De Slam Poesie (Casp) :

Depuis son apparition en Amérique, le Slam n’a pas cessé de voyager, et c’est en Afrique qu’on le retrouve à travers la coupe d’Afrique du Slam poésie. En novembre 2018, la toute première édition de la Coupe d’Afrique de Slam Poésie verra le jour, à N’Djamena -Tchad-. Les festivals de Slam ne sont pas nouveaux pour cette ville, qui en octobre 2017 a accueilli ce qui est considéré comme le plus grand festival de Slam au monde avec 200 participants et plus de 6 000 spectateurs. Cette coupe a certes pour objectif de promouvoir le Slam dans un milieu jeune, mais aussi et surtout, de permettre à ces derniers de s’exprimer librement notamment sur certains sujets sensibles qui pourraient refléter leur quotidien tel que la différence, l’exclusion, le racisme, la xénophobie ou encore la radicalisation. Cette compétition se veut continentale, dans la volonté et l’espoir de rapprocher les pays africains, et briser les barrières culturelles et linguistiques entre ces derniers. ineffable - Mai / Juin / Juillet 2018


L’évènement promet d’être riche et varié ; en plus de la compétition proprement dite, destinée à désigner un gagnant, une tribune d’expression libre est aussi prévue, ouverte aux Slammeurs amateurs leur permettant de participer hors compétition ; Performances, ateliers, défilés et conférences feront aussi partie du programme de la coupe. Pour la compétition, aucun thème ne sera imposé, assurant ainsi aux candidats, une expression libre, pendant les trois minutes de leur apparition sur scène pour chaque tournoi. Il y aura cependant deux langues obligatoires pour concourir, le français et l’anglais. La cérémonie d’ouverture est particulièrement remarquable, chaque candidat performera a capella (sans accompagnement instrumental) l’hymne national de son pays avant le lancement de la compétition. La compétition commence ensuite avec des « matches de pool » pour tous les candidats. Dans chaque pool, deux personnes vont s’affronter face à face pour l’élimination ou la qualification directe pour le tour suivant (Huitième de finale). Ensuite vient le deuxième tour composé de 16 Slameurs, le quart de finale (8 Slameurs), la demi-finale (4 Slameurs) et la finale (2 Slameurs).

Comment participer ?

Les inscriptions des candidats à la CASP se font à travers un réseau d’ambassadeurs représentant les différents pays africains ; chaque ambassadeur est tenu de désigner le candidat de son pays à travers une compétition nationale. Chaque pays enverra un représentant à la coupe ainsi qu’une délégation Mai / Juin / Juillet 2018 - ineffable

nationale d’artistes et d’acteurs culturels.

La présence algérienne

L’Algérie répondra présent à l’appel à participation de la CASP 2018, comme elle a répondu présent à celui du festival de « N’Djam s’enflamme en Slam » de 2017 ; et c’est Meriem Bouraoui qui représentera fièrement son pays dans ce festival, comme celui d’avant. «I was about to open YouTube to watch my Ramadan serie when a message jumped up the screen saying ‘we are gonna meet again’, I directly realized it was my Cameroonian friend, Faithfull, telling me that I was chosen candidate for the African cup for Slam Poetry, I couldn’t realize that my texts and performance was that favorable to the jury but now I do and I know it is a big step for me, for my country and especially for Slam poetry to be recognized as a major art!» Meriem Bouraoui Cette manifestation est à la fois une opportunité d’échange et de rapprochement entre les pays africains, mais aussi une occasion pour les jeunes de s’exprimer et de débattre sur des questions d’actualité, qui façonnent leurs quotidiens. Et même si le Slam, comme tout art, ne porte pas de solutions, il pose néanmoins plus de questions qu’il n’en répond, et parfois, il s’agit juste de se poser les bonnes questions pour apporter un changement. Je vous invite donc tous, Slameur ou amateur de Slam de suivre l’évènement de prêt, notamment sur la page Facebook dédiée à celui-ci, que ce soit avec une optique de participer ou juste de soutenir et apprécier les performances. Auteur : Ahlem Kebir

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z Nous aimons tous Barcelone pour sa créativité. Donc, je voudrais vous parler de l’événement culturel singulier qui a uni l’art urbain, la mode et la technologie. Innjoy European Urban Festival a eu lieu le 10 juin à Barcelone. L’objectif du Festival était de promouvoir le street art comme moyen d’intégration sociale et de communication entre différentes cultures et générations. Les organisateurs avaient un objectif ambitieux : réunir des jeunes et des personnes âgées pour les peindre et en profiter. Merci à la merveilleuse équipe internationale d’artistes graffiti cette mission a été accomplie avec succès ! Pour susciter plus d’empathie pour les personnes âgées, les organisateurs ont proposé à tous ceux qui souhaitent essayer le costume spécial simulant l’âge, l’appareil technologique qui permet de se sentir comme une personne âgée grâce à son design sophistiqué. La dernière heure du Festival a été consacrée au défilé de mode et à la séance photo en utilisant les peintures co-créées comme toile de fond. Tout le monde était heureux de faire des photos et de partager avec des amis cette expérience fantastique. Cette année, on a invité nous des artistes de graffiti de plusieurs pays: Espagne, Italie, Argentine, Ukraine, mais pour l’année prochaine nous serons heureux d’avoir des participants d’Algérie. Bienvenue !» Author : Dmytro Danchenko



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Rubrique d’art & d’eau fraîche

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Rubrique

Table de Chevet

Pourquoi les mots de ces êtres : romanciers, poètes, dramaturges..., comme venu d’un autre monde, nous touche à ce point ? Comment arrive-t-il à décrire l’ineffable ?




Isabelle Eberhardt

Rakhil Rachel ou Rakhil? Je ne pouvais pas prononcer le nom de ce roman correctement, qui parle de ma ville, de ma « Annaba », ma douce ville natale, pour découvrir Sidi Brahim, Place d’Armes, Ras El Hamra, Oued Ed Dheb. Oui , je dois bien prononcer le nom de cette belle Juive qui habitait un quartier qu’on appelait quartier de Carthage, Rachel ou « Rr’akhil »:ou je dois rouler le « r » et bien soupirer mon « kh » arabe pour que cette fille de joie puisse enfin sortir de sa tombe dans le cimetière « Gibenet Lihoud »..


Rubrique Table de chevet

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sabelle Eberhardt , écrivaine, habillée en homme, se fait appeler si Mahmoud, cette Suisse de naissance, de parents russes, devenue Française Musulmane après avoir épousé un Français musulman, est une Algérienne de cœur. Elle vient habiter ma ville en 1897, et elle erre dans les collines d’une ville que je ne connaissais pas encore, elle va jusqu’au cimetière juif contempler une pierre tombale qui porte le nom d’une Juive : Rakhil. Isabelle, une aventurière qui découvre mon Algérie, d’Annaba à Aîn Sefra ; une écrivaine passionnée et reporter de guerre. Dans ce premier roman qu’elle commence en 1898 à Annaba, Isabelle me dessine Annaba, elle me conte un passé que j’ignore, m’ouvrant les portes d’une famille beldi, sous sa cape invisible, elle m’a permis d’entrer jusqu’à dans la chambre d’une fille de joie, d’admirer la beauté de cette Juive, jeune charmeuse. J’étais assise dans un coin, je ne lisais plus un livre, mais j’écoutais un conte jusqu’à le voir, l’histoire de l’enfance misérable de Rakhil m’a rappelé celle de Cosette chez les Thénardier, si Cosette a été sauvée par Jean Valjean, les Thénardier de Rakhil, Mordokheï le Juif et sa femme Stitra, l’ont poussé dès ses treize ans à se prostituer, qui pourra résister la beauté de cette dernière?! Personne, elle est devenue, la fille de joie la plus enviée, la plus rêvée. Ce livre m’a beaucoup touché, il me redessine ma ville, ainsi je ne pourrai que sourire à chaque fois que je passerai à côté de la Place d’Armes, je penserai à Rakhil prenant le même chemin pour rencontrer le jeune Mahmoud, ce Beldi rebelle issu d’une famille de Tolba musulmans, il n’avait d’autre ligne de conduite que de se donner entièrement au plaisir, il ne se donnait jamais à aucune femme corps et âme. A aucune femme, pas même à Rakhil, ainsi, elle devient son amante jusqu’à ce qu’il parte ailleurs chercher de nouvelles voluptés, Rakhil tomba dans la mélancolie. J’arrive à sentir les odeurs de la cuisine entretenue par Lalla Djenete, j’arrive à entendre Chélabia, femme de Belkacem le frère de Mahmoud discutant avec Baya, la femme de Mahmoud. Je me vois en une petite Maure leur servant le café, écoutant Chélabia dénoncer la trahison de Mahmoud envers Baya, celle-ci renvoya Chélabia de sa propre chambre, en menaçant :

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_ « j’aime mieux que Si Mahmoud sorte commettre du haram au-dehors que de savoir qu’il en commet un bien plus terrible ici même, sous le toit de son père. » Ainsi, j’ai pu voir le visage si bien décrit de Chélabia scandaleuse est la nouvelle : Baya sait aussi que son mari est l’amant de Chélabia, sa belle-sœur. A travers ce roman la question de la condition féminine est posée, cette claustration féminine fut étudiée par Isabelle, elle écrit : « cette division de la vie familiale en deux parties nettement distinctes, celles des hommes et celles des femmes, et qui caractérise actuellement la vie musulmane, a été attribuée bien à tort au Coran et à sa doctrine…ce n’est qu’une question de mœurs, de bienséance et non de religion » Elle étudie les conséquences de cette expulsion féminine de la vie publique, créant ce qu’elle décrit : « … un abîme entre les sexes, un antagonisme sourd, fait d’une part d’oppression plus ou moins despotique selon le degré de développement de l’homme, et de l’autre d’intrigues perpétuelles… ( qui) ont rarement pour but l’adultère, la plupart du temps, il s’agit de petites questions d’amourpropre, d’ambition et surtout de l’espionnage de la vie des hommes en dehors. » Je fais cette analyse sans cacher mon « Je », ma subjectivité, mon moi ; ils sont très présents, je m’entremets dans les lignes, dans les paysages, parce que je n’ai jamais vu ma ville Annaba, aussi vivante dans un texte, certes, j’ai lu des textes descriptifs, mais l’âme y manquait : c’étaient des textes souffrants, agonisant, qui n’étaient pas « moi ». Le roman fut délicieux parce que je connais les lieux, il ne s’agissait plus d’un roman qui décrit une terre qui m’est inconnue, mais un roman qui décrit des chemins que j’ai parcouru, des places publiques que j’ai traversé, je les retrouve grâce à Isabelle dans un autre temps, mais aussi vibrants qu’aujourd’hui. Retrouver sidi Brahim, Ras el hamra, et les Oulia el salhin, retrouver ma ville dans un texte vibrant, c’est une reconnaissance historique de l’existence de ma ville, de mon existence. ineffable - Mai / Juin / Juillet 2018


« Rakhil »; ce roman qui traite de la condition féminine, des juifs d’Algérie, l’extase des sens et sa poursuite qui amène à l’abîme comme tout excès; est un roman inachevé, une note à la fin du roman en italique joint le mot « Fin »: « La suite se trouve dans le cahier bleu » En lisant une courte biographie d’Isabelle Eberhardt, j’ai su qu’elle a succombé dans une inondation à Aîn Sefra, à l’âge de 27 ans; et ce cahier l’a-t-on trouvé? Non, il semble être perdu dans l’inondation. Isabelle? Rakhil? Annaba ? C’est un roman, je dirais mieux, c’est une cape invisible comme celle d’Harry Potter, je vous invite tous à la porter. Je ne vous ai pas tout dévoilé, à vous de faire ce voyage. Le roman, certes, est inachevé, mais pourquoi serait-il?! J’ai lu ce livre jusqu’à l’aube, à la fin, la petite note ne m’a pas beaucoup attristée parce que, ce cahier bleu, je l’ai, vous l’avez tous. A travers ce texte littéraire, je retrouve mon « je », je me reconnais, je vois ma ville devant une glace, la littérature est son miroir, si vous voulez qu’on puisse continuer le roman, le voyage, je vous lance l’appel à vous, artistes révolutionnaires ! : lisez, écrivez des slams, des poésies, des nouvelles, des pièces théâtrales, des récits, des romans, parce que le cahier bleu, c’est nous, à nous la suite, jeunesse ! Auteur : Soraya


Albert Camus

Écrivain, Romancier, amateur du théâtre, mais avant tout un philosophe unique en son genre.



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lbert Camus, de nationalité FrancoAlgérienne, a su comment imposer ses propres approches dans le monde entier et créer son propre courant philosophique appelé « Le cycle de l’absurde ». C’est avec une simplicité troublante que Camus a décidé de nous faire part, à travers son roman “l’étranger”, de tous ces états d’esprit, depuis le vide de tout sentiment jusqu’à l’indifférence même de l’univers à notre égard. Et c’est justement cette confrontation entre la quête interminable de l’homme au sens de la vie et le rejet du monde de cette requête qui donne à sa doctrine un sens «absurde». «Aujourd’hui, maman est morte, ou peut-être hier, je ne sais pas». C’est par cette absence de détresse envers la mort de sa mère que Meursault, personnage principal du premier roman de Camus, « l’étranger », nous exprime son indifférence et insensibilité envers cet événement tragique. Ceci est accompagné de culpabilité qui se présente dès les premières pages et à plusieurs reprises : «J’ai demandé deux jours de congé à mon patron, il ne pouvait pas me les refuser pour une excuse pareille, mais il ne m’avait pas l’air content, je lui ai même dit ce n’est pas de ma faute». Le lendemain, il se rend à l’asile où était sa mère, rencontre le concierge avec qui il échange quelques cigarettes et des propos qui ne manquent pas de culpabilité, mais aussi d’absence d’affection. Cette absence atteint son seuil lorsque Meursault refuse de voir le visage de sa mère une dernière fois à la morgue. Une fois les funérailles terminées, il rejoint à nouveau Alger où il rencontre une amie à lui «Marie», à qui il suggère de passer la journée ensemble à la plage et de regarder un film comique le soir. Ainsi, les jours passèrent avec le même rythme : la même simplicité, mais aussi avec la même insensibilité envers tout le monde. Un voisin à lui «Raymond», vint lui rendre visite un soir et demande son aide à fin de rédiger une lettre à son ex. Il aura par conséquent des problèmes avec son frère arabe et finira par embarquer Meursault dans une histoire douteuse. C’est justement dans un beau temps ensoleillé d’été que Raymond l’invite, accompagné de Marie, à passer la journée dans un Cabanon au bord de la mer chez des amis à lui. Ce jour-là, la vie de Meursault allait prendre un autre chemin : en effet, en se promenant sur la plage,

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il remarqua l’arabe de nouveau. Après quelques minutes de contemplation et avec un geste vide de toute «préparation à l’avance» qu’il tue l’ennemi de Raymond, sous la chaleur foudroyante accompagnée du bruit des vagues. Comme de coutume, il se sent étranger à ce qui vient de se passer autour de lui, c’est sans doute à ce moment que le sentiment d’absurdité nous marque le plus dans tout ce roman : «c’est là, dans le bruit à la fois sec et assourdissant, que tout a commencé. J’ai secoué la sueur et le soleil. J’ai compris que j’avais détruit l’équilibre du jour, le silence exceptionnel d’une plage où j’avais été heureux. Alors, j’ai tiré encore quatre fois sur un corps inerte où les balles s’enfonçaient sans qu’il y parût. Et c’était comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur» Meursault reste en prison, s’ennuie, échange quelques mots avec son avocat et reçoit une visite de Marie. Un an passé et le procès prend enfin place et les différents témoins y assistent, parmi eux le concierge qui témoigne de l’insensibilité du concerné lors de la mort de sa mère à la morgue où il s’est contenté de fumer quelques joints durant la nuit qui précédait l’enterrement. Et aussi Marie qui raconta tous les détails de la journée qu’elle avait passée avec lui jusqu’à film comique le soir. C’est dans une tension pareille qu’on sent que Meursault n’est pas seulement accusé d’avoir tué l’Arabe, mais avant tout accusé d’avoir fait preuve d’indifférence à l’égard de la mort de sa mère. Une fois le procès fini, et au nom du peuple français, on condamne Meursault à mort, mais on le juge aussi «Étranger», étranger à la société et à ses normes de moralité et qui par conséquent n’est rien d’autre qu’un profond gouffre où cette société peut succomber. ineffable - Mai / Juin / Juillet 2018


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e dernier jour avant son exécution, un aumônier rend visite à Meursault dans sa cellule malgré son refus, chose qui le met dans un état second, remplie de colère et de fureur. Il refoule par conséquent toutes ses explications religieuses du sens de la vie et refuse toute approche religieuse même. Une fois que l’aumônier quitte la cellule, les larmes aux yeux, Meursault retrouve à nouveau sa paix : “Comme si cette grande colère m’avait purgé du mal, vidé d’espoir, devant cette nuit chargée de signes et d’étoiles, je m’ouvrais pour la première fois à la tendre indifférence du monde”. À l’approche de sa mort, il se sent plus heureux et rassuré d’avoir vécu dans l’absurdité que dans un monde qui avait un sens, un vrai sens. Camus décide de mettre fin à son roman par une phrase douteuse, ambiguë pour certains et mystérieuse pour d’autres : «Pour que tout soit consommé, pour que je me sente moins seul, il me restait à souhaiter qu’il y ait beaucoup de spectateurs le jour de mon exécution et qu’ils m’accueillent avec des cris de haine». Ce qui nous fait sentir que Meursault a enfin trouvé son lien avec le monde, avec les autres : La haine ! Ce qui est pour Albert Camus un lien privilégié, une dernière pièce manquante pour un puzzle nommé «Bonheur». Auteur : Selma Terdjemane

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L’art conserve-t-il la mémoire ? Le théâtre, entre représentation scénique et genre littéraire atypique, est un art ancestral. La tragédie a longtemps dominé la scène théâtrale et a été destinée à une élite sociétale. Néanmoins, la comédie et le drame ont pu s’imposer face à ce genre majeur et ont permis aux classes plus modestes de s’exprimer. Le consommateur de théâtre peut être spectateur ou lecteur et les codes qui régissent le 4è art installent un colloque entre lui et les personnages. Ainsi, le spectateur – ou le lecteur- est souvent pris à parti, souvent actif et témoin d’évènements qui le concernent de près ou de loin. En Algérie, le théâtre évolue parallèlement à l’Histoire et c’est dans cette perspective que nous envisagerons cet art. Ainsi, nous retracerons d’abord son évolution historique et artistique. Puis, nous procéderons à l’analyse d’une pièce particulière : Lalla Fadma N’soumer qui met en scène une femme légendaire. Ce n’est qu’à travers ces deux parties que nous répondrons à la thématique de ce numéro d’Ineffable Art et Culture : L’art conserve la mémoire.

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e théâtre en Afrique du Nord remonte à l’antiquité et il évoluera à travers les époques pour devenir témoin des évènements historiques qui ont marqué la région. Les artistes ont de tout temps cherché à figer leurs sentiments dans des œuvres et ces sentiments ont souvent été liés à la condition sociopolitique qui régissait leurs vies. Dans cet article, nous chercherons à démontrer que le théâtre algérien, comme les autres genres littéraires, a toujours été influencé par le contexte historique. 1 • Art de la scène, héritage Dès l’antiquité, le quatrième art prend racine en Afrique du Nord. Tout d’abord grâce aux échanges avec l’Egypte, aujourd’hui reconnue comme berceau du théâtre au lieu de la Grèce antique, puis sous l’empire romain qui importa un art hérité de la Grèce. Avec les conquêtes islamiques puis l’empire ottoman, le Maghreb voit émerger des conteurs et des pièces du théâtre d’ombres qui deviennent vite très populaires. Dès 1830, le théâtre d’ombres algérien entre en résistance et met en scène des figures phares de la résistance populaire. Il s’essoufflera pourtant bien rapidement. 2 • Théâtre algérien, naissance et influences Jusqu’en 1920, la scène indigène se limitera au sketch, aux chants populaires et à quelques représentations de comédiens-chanteurs durant les fêtes. Mais en 1921, l’élite arabisée algérienne découvre la tragédie arabe grâce à une pièce égyptienne. Apanage de la classe lettrée musulmane, le théâtre en arabe classique s’effacera pourtant rapidement au profit d’un genre d’une dimension nouvelle. En darja cette fois, il voit le jour dans les milieux populaires et met en scène un personnage connu de la tradition orale Djeha. C’est ainsi que la tradition orale et que la culture populaire montent sur scène menées par la jeune troupe de Mahieddine Bachetarzi. Jusqu’en 1932, ce genre théâtral particulier, à michemin entre la comédie et le drame, anime le quotidien de nombreux algériens et des auteurs se distingueront tels Allalou et Ksentini.

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3 • Engagement et affirmation identitaire A partir de 1934, c’est une toute autre allure que prendra le théâtre algérien. S’engageant sur la scène politique, autant dénonciateur que pronateur de renouveau, il appelle à l’émancipation féminine, à l’instruction populaire et prêche l’intégration tout en conservant l’identité nationale. Censuré par le régime colonial, le théâtre se bat et la faculté d’improvisation des comédiens permet à la scène de braver les interdits. Malgré la surveillance, elle garde la fibre satirique et dénonciatrice qui l’anime. Cette résistance lui vaudra d’être interdite en 1938. Après 1945, le théâtre revient sous un autre jour, et adapte des pièces du patrimoine universel en arabe dialectal telles Hamlet de Shakespeare, Antigone de Sophocle ou encore Dom Juan de Molière. Des tournées sont organisées en Algérie et en France, mais l’Etat garde une surveillance étroite sur tous. Dès 1954, la famille théâtrale soutient le FLN. En effet, s’il n’est plus possible de se reproduire sur scène dès 1956, de nombreux artistes s’expatrient à l’étranger où ils peuvent défendre la cause du peuple algérien. La propagande culturelle est un combat soutenant le combat politique et armé du FLN. La troupe culturelle du FLN dresse un portrait nouveau de la cause algérienne.

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4 • Entre désillusion et espoir Après l’indépendance, de nombreuses troupes amateures voient le jour et jouent dans des registres divers. Certaines sont dirigées par des professionnels telles celles de Kateb Yacine, Slimane Benaïssa, Mouloud Mammeri ou encore Mohya et d’autres organisées par des associations estudiantines ou culturelles. Des dramaturges au talent certain, en langue berbère ou en dialecte arabe trouvent sur les planches un moyen d’expression et de partage. Pourtant, la censure bat son plein, des pièces sont interdites de représentation comme la célèbre Babor Ghreq de Slimane Benaïssa et des réformes toutes plus décourageantes les unes que les autres ne permettent pas de vivre de cet art. Dans les années 90, le théâtre s’éteint peu à peu avec la disparition de ses figures principales : assassinats d’Alloula et

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d’Azzedine Medjoubi et décès de Kateb Yacine et de Mustapha Kateb et Kaki. La décennie noire poussera les survivants à l’exil. Depuis quelques années cependant, de nombreuses associations culturelles, ateliers et troupes amateurs voient le jour. La jeunesse se réapproprie aujourd’hui le théâtre algérien. On en citera la pièce Youghourta de la défunte Sonia, ou encore Un Marié en Vacances de Mourad Senoussi. Nous pouvons affirmer que l’Histoire du théâtre algérien évolue parallèlement à celle du pays. Il est ainsi un indicateur des préoccupations populaires, il est également synonyme d’affirmation identitaire – thèmes abordés et langue assumée- mais aussi moyen de lutte et de résistance contre le pouvoir colonial et contre l’état depuis l’indépendance.

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Lalla Fadma N’soumer par l’association culturelle Ibturen La scène s’ouvre sur une statue, on reconnaît vite le personnage. Enroulée dans son burnous, l’icône est éclairée par un spot lumineux qui la rend presque irréelle. Immobile, surélevée, le spectateur est déjà entraîné dans une atmosphère quasi-mystique. Pourtant, l’ambiance est rompue. Le public se retourne, un peu perdu, qui sont ces jeunes gens qui parlent si fort parmi les spectateurs ? Mise en scène hors du commun qui déboussolera le spectateur durant toute la représentation. Les jeunes gens montent sur scène et font des vocalises, s’échauffent la voix. La statue trône, majestueuse. Et le public est toujours aussi perdu. Les comédiens, peu à peu, semblent tiraillés par une force qui les dépasse, une obsession qui s’empare de chacun. La lumière s’éteint sur la statue qui prend vie et qui hurle. Pendant l’entracte, des ombres animent le décor et la nouvelle scène nous fait voyager dans le temps. Animer la statue de la Jeanne d’Arc du Djurdjura, c’est rendre vie à ce personnage historique, lui donner un visage et réveiller la mémoire du spectateur. On découvre la prophétesse dans la force de l’âge. On vit alors au rythme des évènements qui ont marqué la vie de Lalla Fadma N’soumer : son mariage forcé, ses talents de guérisseuse, mais surtout son combat. Entre chants et musique traditionnels, entre scènes d’intérieur et champs de bataille, les planches du théâtre deviennent le témoin d’une vie tourmentée. Combat contre la société patriarcale parce qu’elle est femme. Combat contre le père puis l’époux, contre le traditionalisme. Mais

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également, combat contre l’étranger, contre la puissance coloniale française et son armée. Entre résistance et alliances, entre solidité et faiblesses, entre victoires et défaite, l’héroïne est en lutte permanente. Le texte est bilingue en tamazight et en français. Opposition entre les kabyles défendant leur territoire et la force coloniale. Le français est clair, froid, presque rigide. L’usage de l’impératif détermine les ordres de la hiérarchie militaire. Par opposition, la langue natale est teintée d’images, embaumée de poésie et de symbolique et emploie principalement les champs lexicaux de l’honneur et de l’amour de la patrie. Le dialogue final entre le maréchal de l’armée coloniale et l’héroïne du Djurdjura se fait pourtant dans les deux langues. Cette scène montre l’opposition des deux personnages qui se livraient bataille, mais qui se rencontrent finalement, opposition de langue, de sujets abordés, de costumes, de genre. La femme face à l’homme, la berbère face à l’étranger, la femme libre face à l’aliéné militaire. Lalla Fadma N’soumer, meneuse d’hommes, est prisonnière, mais ce dialogue est musclé, elle s’oppose farouchement au chef militaire et lui tient tête jusqu’au bout. L’écriture est fluide, les comédiens sont aussi jeunes que doués et la mise en scène est remarquable. Des ingrédients de qualité pour un hommage digne de la Jeanne d’Arc du Djurdjura. Auteur : Djouher Mezdad

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Libre comme l’art

Ces personnes, comme vous et moi, qui ont décidé de suivre le chemin de l’art et en faire un parcours de liberté 42

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Exposition Résidences de Création BCN TNS ALG 2016-2017 Centre Cívic Ateneu Fort Pienc, Barcelone Vernissage : 5 Avril 2018, 19h Exposition: 6 - 26 Abril 2018 Artistes participants : BCN - Violeta Ospina, Bárbara Sánchez Barroso et Anna López Luna. TNS - Nourhene Ghazel, Slim Gomri et Manel Romdhani. ALG - Lyes Karbouai ‘LMNT’, Houssem Mokeddem et Mounir Gouri.

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L’artiste Anne Murray (www.annemurrayartist.com) interviewe le commissaire de l’exposition Résidences de Création BCN>TNS>ALG 2016-2017 à Barcelone, Xavier de Luca (www.jiser.org).

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ivant à Barcelone et visitant l’Algérie en tant qu’artiste, j’apprécie particulièrement les échanges qui se développent entre la Catalogne et la région du Maghreb. J’ai été témoin du travail d’artistes et de commissaires émergents qui croient en quelque chose au-delà de leur propre travail ainsi que de l’importance de former un réseau d’échanges pour subjuguer les préjugés, élever l’esprit communautaire et prôner la différence, célébrant l’unique et l’unité à travers les cultures dans ces deux régions. JISER Reflexions Mediterrànies, une organisation développée en partie avec l’esprit visionnaire de Xavier de Luca, a récemment organisé une exposition d’un projet de résidence d’artistes d’envergure, réalisé l’année précédente. L’exposition fut un événement culminant après une série de manifestations artistiques dans chacune des trois villes membres du projet de résidence : Barcelone, Tunis et Alger (Résidences de Création BCN>TNS>ALG). Trois artistes de chaque ville ont été sélectionnés à travers un appel ouvert pour passer plusieurs semaines dans l’une des villes membres avec les autres participants. 9 artistes ont été sélectionnés au total, répartis en groupes de trois, un de chaque nationalité, pour vivre et créer ensemble dans l’une des trois villes, échangeant idées et cultures, tout en développant des projets individuels. La résidence d’artiste est une expérience particulière, vivre avec quelqu’un qui vous est inconnu, qui parle une langue différente et qui vient d’une culture différente est une expérience à la fois passionnante et stimulante, inspirante et transformatrice. Les risques que l’on prend pour la vie privée, l’intimité, et la vulnérabilité sont nombreux et c’est justement ce mélange de hasard et de risque qui brasse les efforts artistiques les plus intéressants. Le processus de sélection est de loin le plus difficile pour un commissaire qui souhaite non seulement voir les artistes avoir un échange intellectuel intéressant et dynamique, mais aussi une amitié et une inspiration artistique durables, qui se poursuivra pendant des années bien au-delà du projet initial.

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L’artiste Mounir Gouri, https://gouri-mounir01. jimdo.com, instagram @gourimounir, m’a envoyé ses commentaires sur la préparation du projet, “Il y a un an, j’ai postulé à l’appel à la participation pour les Résidences de Création BCN>TNS>ALG. On m’a demandé de participer à celle d’Alger et j’ai accepté. Les premières semaines, j’ai réfléchi au projet que je pourrais développer en pensant au contexte de la résidence avec deux autres artistes étrangères et le lien entre les trois pays qui est la Méditerranée. J’ai eu l’idée de travailler avec des couturiers sur des assiettes en céramique reprenant les traces des frontières sur un objet quotidien.” Le projet Mounir Gouri associe une série d’assiettes qu’il réalisa avec un céramiste, il coud physiquement les lignes des routes à travers les frontières dans chaque assiette, la dernière assiette de la série est physiquement brisée, signant ainsi en quelque sorte le besoin de repenser ces routes construites et les limites qui nous sont imposées dans les temps contemporains.

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n peut voir des échos de son travail dans l’œuvre de l’artiste tunisienne Manel Romdhani, dont les œuvres prennent aussi la forme de cartes, mais ses cartes sont enroulées autour d’un ballon de football ou pesées sur une balance sous une loupe. On ne peut savoir à quel point ces artistes se sont influencés les uns les autres durant leur séjour, mais des liens se sont sans doute tissés, garce aux efforts du commissaire, Xavier de Luca, et nourris par l’expérience intime que l’on vit, les discussions et l’échange d’idées entre les artistes.

envers notre quotidien en Algérie, et te penche vers une réflexion plus profonde que celle que tu avais avant de mettre les pieds à Barcelone.” Visiblement, Lyes a été affecté par la résidence et l›opportunité de consacrer du temps dans la réflexion pendant son séjour à Barcelone. Son projet est interprété sous forme de collages graphiques sans titre, incorporant une calligraphie stylisée et des portraits émotionnels de villageois dans des endroits inconnus.

Certes, les résultats ne sont qu’un début de recherches supplémentaires qui dévoilent déjà des notions intéressantes et évocatrices, comme le suggère la série de Gouri, un arrangement puissant de routes parcourues par de nombreuses personnes dans diverses circonstances, parfois insurmontable, à travers le monde. ‫( الطريق مخيطة‬route cousue) est le titre de la série qui évoque non seulement la couture des routes, mais aussi la réparation de la chair, une intervention chirurgicale fixée sur les blessures de la société contemporaine par des migrations forcées et des restrictions de voyage, objectifs non atteints. Tout comme l’artiste américaine, Seren Morey, dont le travail incorpore la couture de la toile à travers les blessures ouvertes, nous voyons la destruction et la forge des chemins, une boussole importante de notre temps pour être présents et actifs dans leur construction.

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’artiste algérien, Houssem Mokeddem, joue lui aussi avec ces idées dans le travail qu’il a créé à la suite de sa résidence, Mosaïque Solidaire, une grande installation au sol composée de « calligraffiti » et de photos de visages d’artistes algériens. L’œuvre forme un échiquier, représentant le jeu ouvert que les officiels jouent en permettant ou bloquant le mouvement des artistes algériens à travers les frontières, empêchant ou épousant les échanges dans un dialogue politique et social. Lyes Karbouai, https://www.facebook.com/ elfarlmnt/, Instagram- @lmnt1, @grafiklmnt, Un artiste algérien également connu sous le nom LMNT, explique comment ses réflexions ont changé après son expérience de résidence. “Je dirais que le coté quête de Liberté Chronique des Catalans te fait ouvrir de plus en plus les yeux

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près avoir visité l›exposition, Résidences de Création BCN> TNS> ALG, j’ai mené cette interview avec le commissaire, Xavier de Luca, pour en savoir plus sur la conception et la réalisation d›un projet qui a inspiré un travail aussi captivant et stimulant. J’espère que cela inspirera d’autres artistes algériens à participer à la prochaine série de résidences, dont l›appel ouvert débutera en Septembre 2018. AM: Xavier, Pourriez-vous nous parler d’abord de votre expérience en tant que commissaire et de ce qui vous a inspiré pour créer JISER Reflexions Mediterrànies? XL: Je suis historien de l’art et photographe de formation, je me suis intéressé très tôt à la conception de projets d’exposition, que ce soit personnels, ou celle d’autrui, à travers mon expérience professionnelle qui est partagée entre JISER et la Fundació Suñol à Barcelone. La création de JISER est issue d’un séjour de quatre mois que j’ai eu la chance de faire en Tunisie en 2004. Il s’agissait de mon premier contact avec le Maghreb, et cette expérience a été le point de départ de beaucoup d’échanges et de projets avec un large groupe d’amies et amis tunisiens et espagnols. Comme résultat, on a décidé de lancer ce projet associatif en 2005 et travailler ensemble pour changer les dynamiques du domaine artistique et culturel dans ces pays, et ceux de toute la région Méditerranéenne.

Durant ces quatre premières années (2010-2014) nous avons organisé une (01) résidence par an entre Tunis et Barcelone, ce qui a permis à quatre artistes de développer un projet pendant trois mois dans la ville hôte. Après une évaluation, on a rajouté la ville d’Alger à ce projet, ville qui est devenue très proche pour nous à partir de 2012, lorsque l’on s’est engagé dans l’organisation du projet DJART’14 (https:// www.youtube.com/watch?v=F0Bod1eay4E) avec la plateforme Trans-Cultural Dialogues. On estimait très nécessaire de relier ces trois villes, de créer ces liens pour donner des possibilités réelles d’échange aux créateurs, afin de débloquer certaines peurs et barrières existantes. AM: Y a-t-il un aspect de votre expérience personnelle en tant que jeune commissaire qui vous a particulièrement inspiré à créer une résidence comme celle-ci pour les jeunes artistes et comment cela a-t-il influencé la direction du projet? XL: Bien sûr, ce format de résidences répond, d’un côté, aux besoins de la communauté artistique dans la région et, de l’autre, au background des membres de l’association. D’après nos propres expériences, on est certains que les échanges qui se produisent dans un cadre qui soit bien ciblé, seront durables et vont consolider les parcours formatifs et professionnels des jeunes artistes.

AM: Depuis cette première idée, vous avez créé de nombreux projets avec Jiser. Pourriez-vous nous expliquer comment cette exposition s’inscrit dans le contexte des précédents événements et projets de Jiser?

AM: Quels étaient vos objectifs en général pour la séquence des résidences ? Quels pays avezvous visité ? Et que pouvez-vous nous dire sur le regroupement des trois artistes dans chaque cadre ?

XL: Cette exposition est la dernière étape du programme de Résidences de Création BCN>TNS>ALG, qui s’est déployé tout au long d’un an et demi entres les trois villes (septembre 2016 - avril 2018). Le projet de résidence de JISER a commencé en 2010, il est né d’une manière très organique, puisqu’il répondait à des besoins qu’on avait repérés depuis 2004 avec la création de l’association entre Tunis et Barcelone. Notre volonté depuis le départ était d’assurer la durabilité du projet dans le temps, que ce projet puisse avoir un impact non seulement sur l’artiste, mais aussi sur le contexte culturel de la ville d’accueil.

XL: La résidence n’est pas conçue juste comme un séjour de production, d’exposition ou de vente d’œuvres créées par ces artistes. Ce que l’on voulait avec ce projet, c’est que les artistes participants en retirent des éléments qui marqueront leurs démarches futures. Grâce à cette expérience, ils vont apprendre à mieux connaître des contextes culturels différents des leurs. Ça va permettre de lutter contre des préjugés potentiels par une plus grande prise de conscience, et encourager l’échange tant au niveau culturel, intellectuel, et même géographique.

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L’élément différenciateur de cette résidence est la prise de conscience de l’autre, ce qui va certainement favoriser de nouvelles collaborations avec des vraies logiques de partage et des prises de décisions en commun. AM: Comment l’exposition que vous avez eu à la Swab Art Fair de Barcelone diffère-t-elle de l’exposition actuelle au centre civique de Fort Pienc, Résidences de Création BCN> TNS> ALG? Y a-t-il eu une série d’expositions qui ont mené à celle-ci ? XL: Notre participation à la Swab Barcelona Art Fair a eu lieu dans un cadre complètement différent de celui de cette expo-ci. Depuis 2016, Swab nous permet de montrer les projets de JISER dans un stand réduit, et bénéficier d’une visibilité majeure auprès du grand public pendant trois jours. En même temps, cette foire nous permet de regrouper, à travers le commissariat d’un programme spécifique, les espaces et les projets indépendants basés dans la région méditerranéenne, comme a été le cas en 2016 avec Focus Maghreb, et en 2017 avec Focus Mediterrània. Avec cette collaboration, on a eu la possibilité de donner une large visibilité à des projets et des artistes algériens à Barcelone pour la première fois. Ce sont les cas du Box24, avec Hicham Belhamiti, Atef Berrejdem et Sadek Rahim, les projets DJART’14 et el Medreb, organisés par Trans-Cultural Dialogues, et aussi du Collective 220. AM: Diriez-vous qu’il y a un thème à cette exposition ? Ou que vous pouvez voir quelques thèmes qui ont émergé dans le contexte de l’interaction des artistes qui ont vécu ensemble et qui exposent ensemble après la résidence ? XL: Cette exposition finale, comme chaque expo qu’on organise à la fin d’une étape de résidence, n’est pas basée sur une thématique précise, puisque les œuvres réalisées par les artistes ne sont pas forcément sur la même longueur d’onde. Dans tous les cas, on identifie des préoccupations communes des artistes résidants dans cette édition : les résistances face à la situation actuelle (économique, sociale, politique…), la récupération Mai / Juin / Juillet 2018 - ineffable

de la mémoire collective, les interdictions de mouvement dans la région, la lutte de la femme pour l’égalité des genres, entre autres. AM: Comment pensez-vous que ce projet influencera ou prendra racine dans la scène artistique algérienne? Y aura-t-il des effets de rebond ? XL: L’environnement artistique est très actif dans les dernières années, et nous avons eu la chance de travailler depuis 2012 pour l’organisation de DJART’14, qui a supposé un grand effort de connaissance des projets existants sur le terrain et une coordination gigantesque. Toute cette expérience nous a confirmé nos envies d’élargir les résidences de JISER et inclure Alger dans les villes participantes. Le but et d’ouvrir des nouvelles possibilités d’échanges pour les jeunes artistes algériens, des nouvelles connexions avec leurs voisins tunisiens et aussi espagnols. Je pense qu’il s’agit d’un pari à long terme, même si les effets de rebond sont déjà visibles : collaborations stables avec les collectifs, associations et artistes locaux et un réseau qui offre plus de possibilités d’échanges avec les réalités artistiques des trois villes participantes. AM: Que pourriez-vous nous dire spécifiquement sur les artistes algériens de l’exposition? Comment ont-ils été sélectionnés et qu’ont-ils apporté au contexte du projet en lien avec l’Algérie ? XL: Les trois artistes algériens qui ont participé à ces résidences : Lyes Karbouai ‘LMNT’, Houssem Mokeddem et Mounir Gouri, ont su profiter de la résidence pour développer leurs capacités, travailler en groupe avec les deux autres résidents et avancer sur leurs projets personnels. Même si les résidences de JISER s’appellent Résidences de Création BCN>TNS>ALG, il faut tenir compte que nous acceptons des dossiers de candidature d’artistes provenant de toutes les villes Algérienne. Le meilleur exemple de ceci est le choix final des artistes algériens, qui viennent de Souk Ahras, Blida et Annaba.

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AM: Que pourriez-vous nous dire l›exposition et la résidence en Algérie?

sur

XL: La collaboration avec le Box24 pour l’hébergement des artistes et la coordination de la résidence sur place était excellente. Le travail de Walid Aidoud, ainsi que tout le groupe autour du Box24 ont assuré et renforcé les possibilités de ce projet, grâce à leur longue expérience et sensibilité envers ce genre de programmes d’échange. Également, je voudrais souligner la collaboration avec Wassyla Tamzali et Les Ateliers Sauvages, qui ont fait confiance à notre projet depuis le début et ont accueilli l’exposition finale de la résidence dans leur espace à Didouche Mourad. Pour finir, je voudrais remercier tous ceux qui ont fait confiance à ce projet. C’est le cas de l’Institut Ramon Llull, la Fundació Han Nefkens, Hangar et le Centre Cívic Ateneu Fort Pienc, basés à Barcelone et le BAC Art Center et Villa Caelestis, à Tunis. Ainsi, la plateforme Kibrit, dont JISER a fait partie tout au long de 2017, qui a reçu le soutien du SouthMed CV et l’ALF.



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Fairouz, Fille du Sahara qui chante l’opéra « Fille du Sahara qui chante l’opéra, c’est presque impossible mais c’est vrai » Disait Tatiana Sergueeva

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ne chanteuse classique avec une voix de velours, pour tous les gens qui entendent la voix de Fairouz, il est impossible d’y rester indifférent. Une voix que l’on peut distinguer entre des milliers d’autres, possédant à la fois les cordes vocales de soprano et la résonance de mezzo, une voix aiguë et sombre en même temps. Son amour pour la musique a commencé quand elle avait 11 ans, lorsque son père l’appelle pour lui montrer une chanteuse d’opéra qui passait à la télévision. Elle était belle, toute de blanc vêtue avec une longue chevelure blonde et bouclée. Elle l’avait littéralement hypnotisée par la beauté de son chant et sa voix sublime. A ce moment elle a compris que c’est cela qu’elle voulait faire. Sa source d’inspiration est sa tendre enfance, l’amour dans lequel elle a grandi ainsi que sa terre natale pour laquelle son attachement ne fait que grandir. Fairouz a grandi dans une famille très ouverte. Ses parents sont de véritables mélomanes. Chez eux, ils écoutaient tout aussi bien les valses de Strauss, le chœur de l’Armée rouge, Jacques Brel et Edith Piaf que les musiques algériennes et orientales. À chaque anniversaire, son père sortait son accordéon pour animer la fête. Et c’est elle qui l’accompagnait en chantant et en dansant, le bonheur pour elle était ces moments qu’elle partageait avec sa famille. L’opéra est un art étranger à la culture algérienne, malgré cela, Fairouz s’est intégrée dans le chant lyrique dans un pays qui est loin de ce genre musical. Son admiration pour ce chant sublime est restée latente en elle jusqu’à ce qu’elle rencontre une véritable mère spirituelle

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et une des rares professeures de chant classique en Algérie : sa professeure de chant « Tatiana Sergueeva Saouli », à laquelle elle témoigne toute sa gratitude. Afin de construire une carrière internationale, Fairouz a quitté son pays pour réaliser son rêve, celui de chanter dans le monde entier en interprétant les plus beaux airs d’opéra et en représentant son pays avec les chants traditionnels de notre riche et beau patrimoine. Tel était sa mission et elle continue de l’honorer avec dévouement. Récemment, Fairouz a été invitée par le Wali d’Alger pour donner une performance à l’opéra « Boualem Bessaieh », ce qui fut pour elle un immense plaisir et un grand honneur, surtout que cela lui tenait à cœur de se produire en récital à l’opéra d’Alger. Grâce à cette opportunité, elle a interprété en première partie, le répertoire classique et en deuxième, le répertoire traditionnel arabo-berbère. Lors de cette représentation, elle a été accompagnée par l’exceptionnel pianiste canadien « Dominique Boulianne », qui dit qu’ : « elle a une voix particulière, très chaude et ronde. On sent le désert à travers sa voix et évidemment c’est très rare, c’est la seule de son espèce, une voix très large et longue qui peut être classifiée dans différents registres musicaux » Le message que Fairouz souhaiterait véhiculer à travers sa musique est un message de paix, d’amour et de tolérance ; c’est une invitation à la vie. Son dernier mot aux jeunes artistes est de croire en eux, en leurs passions et en leurs rêves. Comme disait Walt Disney : `` Si vous pouvez le rêver, vous pouvez le faire``. Auteur : Mustapha Islem

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Safy sans filtre, une mise à nu de l’artiste Connaitre l’œuvre d’un artiste est-il suffisant pour comprendre sa personne ? Y a-t-il des aspects que la vie et la personnalité de l’artiste peut nous apprendre, que son art est incapable de nous transmettre ? C’est en tous cas une conviction que partagent Safy Boutella et Mehdi Hachid, et qu’ils ont voulu, ou même ressenti le besoin de concrétiser. C’est sous forme de web documentaire que ce projet a vu le jour, réalisé par Mehdi Hachid, produit par Contrast : Agence photographique et production audiovisuelle, et présentant Safy Boutella, comme l’artiste qu’il est : compositeur, arrangeur, musicien et metteur en scène, mais pas uniquement, Safy apparait ici principalement autant qu’homme, avec tout ce que ça implique : expérience, convictions, mémoire, réussite, échec, et surtout avec une leçon de vie.

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Photo Wal Snow

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« J’ai voulu montrer à ma génération, en ce moment surtout, Safy, cette personne qui m’inspire, cet artiste… cet homme d’abord, puis cet artiste qui inspire par sa pluridisciplinarité, par son engagement, et par l’énergie qu’il met dans tout ce qu’il fait. J’ai voulu le montrer et j’ai voulu le montrer simplement, sans filtre, pas de logo, pas de sponsors, juste l’homme, et ça à donner Safy sans filtre. » Mehdi Hachid L’idée de Safy sans filtre est enfin de compte une envie de servir son pays et sa communauté, une envie partagée entre le réalisateur et l’artiste, ou plutôt la personne qu’il est. Mais peut-être que l’expérience de Safy ici a aussi une étendue personnelle, l’envie de se présenter lui-même comme il est vraiment et corriger ou compléter les idées qui rôdent autour de son nom, depuis des années. « Moi, j’ai le souci de servir, j’ai jamais eu le souci d’être ou de devenir une star, et ce qui m’intéresse, c’est que ce que je fais serve à quelque chose. Et j’ai toujours eu ce souci d’être reconnu dans un domaine, mais pas dans un autre. Parfois, on me dit c’est marrant, on imaginait « wahd el chikh avec une longue barbe wela.. » c’est peut-être par ce que le nom traine depuis longtemps… ; Mais le but c’est de dire que quelqu’un a fait tant de chose, pas pour dire que c’est un As pas du tout, mais c’est de dire que c’est faisable ! Une personne peut faire plein de chose, et une personne peut remplir sa vie et inonder de son énergie son entourage et donc servir à quelque chose, et donc enfin de compte ça sert à donner l’exemple, à inspirer… » Safy Boutella Durant les 20 Min que présente chaque épisode de Safy sans filtre, on découvre donc une autre facette de Safy, une facette privé, intime, porteuse de leçon et de conseil d’une personne aillant réussi, son secret ? il s’est avéré que c’est juste de vouloir réussir, mais le vouloir vraiment, le vouloir profondément, mais il ne suffit pas d’avoir une passion, il faudra aussi l’entretenir, « C’est comme quand tu as de l’énergie pour courir 10 kilomètres, mais quand tu commences, tu as l’impression que tu ne peux courir que 5 Kilomètres, mais si tu te pousses et « tzid men 3andek chuia » tu te rends en compte que tu peux en courir 25 ! » Safy Boutella Si le message qu’a été prévu à travers le projet Safy sans filtre est si transcendant, c’est en partie grâce à la démarche qu’a adopté Mehdi et l’équipe Contrast : « Safy sans filtre est vraiment un documentaire…, le premier en son genre en

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Algérie, c’est un format web gratuit, qui est épuré, ou même moi je ne suis pas présent. L’objectif est de montrer un personnage, de montrer un concept et de montrer un homme, et de le montrer le plus simplement possible.» Mehdi Hachid. Mais la question que je me pose, c’est comment une personne peut s’assoir, face caméra et s’ouvrir à des milliers de gens, parler de soi, de sa personne, son histoire ? Se dévoiler est souvent synonyme de vulnérabilité. Est-ce plus facile pour un artiste de se mettre à nu de cette manière devant le regard des gens ? La réponse n’est jamais très simple, mais c’est dans une belle tentative, que Safy a exprimé son état, entre trac, pudeur, audace, mais surtout conviction, que cette étape est utile, même nécessaire et que beaucoup de bien va en découler. La réponse n’est pas si simple, car après tout, « C’est une mise à nu, il se permet de dire des choses, de parler de sa vie, de son père, de sa fille … il ne parle pas que de musique, et puis il ose … il se permet de dire des choses à des centaines de spectateurs et enfin de compte c’est très personnel et il faut oser ! Une vraie mise à nu que maintenant il ressent, et moi aussi d’ailleurs, moi qui ai du mal à me mettre en avant, mais quand je vois l’intérêt derrière, quand je vois le bien que ça peut faire au gens, quand ces propos deviennent des conseils, des canons, des règles … » Mehdi Hachid « S’il n’y avait que moi, ça m’aurait déranger de le faire, mais il y avait aussi tout ce j’ai fait qui m’accompagne, donc enfin de compte, je n’étais pas seul. Du coup ça ne m’a pas beaucoup gêné. Ça me gêne en ce moment un petit peu, parce que le premier épisode est passé, et c’est tellement un focus que sur moi, que justement la pudeur commence à apparaître. Mais il y a aussi la matière derrière donc ça va. Et puis, c’est utile et c’est fait exactement comme j’aime que les choses soit faite, j’aime que quand on présente une personne, le cadre soit aussi propre comme celui que Mehdi a fait, j’aime que les choses soit net. Mais avant de commencer l’interview, j’avais un peu le trac quand même, mais le ton avec lequel Mehdi a commencé à me poser des questions m’a complétement mis à l’aise » Safy Boutella

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Dans ce projet, on pense aux autres d’abord, on pense aux autres surtout, et dans tous les aspects ; l’utilité du projet a poussé à la fois le sujet et les réalisateurs de sortir de leur zone de confort. La gratuité et la disponibilité de la chose ont été des aspects primordiaux pour le projet, il fallait que tout le monde puisse en profiter, et pour cela, la plateforme choisie pour son lancement n’est autre que Facebook, le réseau social le plus populaire en Algérie. Ce n’est pas tout, Mehdi Hachid et l’équipe Contrast ont même pensé aux vidéastes qui voudront utiliser leur travail dans une prochaine réalisation : « Dans notre projet, il n’y a rien, aucune signature, aucun logo, c’est fait aussi pour d’autres vidéastes, s’ils veulent reprendre les images pour d’autres documentaires, ils trouvent de la matière. Parce que nous, lors du montage, on essayait avec l’équipe de récupérer des images ; ce qu’on a trouvé était ou très mal filmé, très mal éclairé, très mal produit, ou quand c’été bien, il y avait toujours un logo énorme.» Enfin, la question que j’attendais avec impatience de poser, tant à Safy Boutella qu’a Mehdi Hachid, qui tous deux ont fait de leurs passions un métier, est celle que probablement beaucoup d’entre vous se posent aussi ; Peut-on vivre de notre art, de nos passions ? « Mais bien sûr que c’est possible !! » le ton de la réponse de Safy boutella rendais ma question presque absurde et ceci m’a soulagé, ça veut dire qu’en effet la question n’a pas lieu d’être ! C’EST POSSIBLE ! Mais comme tout dans la vie, ça ne tombe pas du ciel : « Trouvez des stratégies pour vivre de votre art, moi quand je suis rentré des états unis je me suis dit comment je vais faire pour vivre avec cette musique, j’ai trouvé la combine en faisant de la musique de film, mais quand je prends de l’argent, je l’investis dans ma passion. Cependant, il faut être intelligent, il faut avoir envie… si vous avez une passion il faut avoir envie de l’entretenir, et il faut se donner les moyens ; mais les moyens ne veulent pas dire chercher des milliards, se donner les moyens veux dire « Sib 3afsa », mais le reste du temps prends conscience de toi-même, connais-toi, apprends toi, écoute des gens bien au lieu de toujours écouter ceux qui t’applaudissent. Passe du temps à apprendre avec tout ce qui a aujourd’hui sur le net… Donc pour tous ceux qui ont envie de vivre de leur art, bein… qu’il y aille, c’est tout ! Qu’il ait le courage et l’audace de le faire ». Safy Boutella Rencontre avec Safy Boutella et Mehdi Hachid par Ahlem KEBIR Mai / Juin / Juillet 2018 - ineffable

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Je m’appelle Hayat Benchenaa, j’habite actuellement à Londres et voici l’histoire de la création de Wafi Club Wafi Club a commencé organiquement ; Il a essentiellement évolué à partir de mon appréciation des symboles : le hamsa et le mauvais œil et ma passion pour le point de croix que j’ai depuis mon enfance. Au début, j’ai commencé à coudre tous les symboles qui me plaisent, après un certain temps, je me suis fatiguée de l’aspect et de la sensation du point de croix, cela ne me permettait pas de m’exprimer comme je le voulais, j’avais envie d’ajouter un côté unique, ce que j’ai fait en ajoutant un effet fun, de la couleur et combinant les motifs. Je n’avais toujours pas le sentiment d’avoir atteint ce que je voulais et le point de croix a commencé à devenir ma barrière, c’est alors que j’ai commencé à expérimenter avec des impressions lithographiques ; puis découper le lino pour ensuite l’estamper sur du papier. C’étaient des activités que je consacrais heure après heure pendant les nuits sombres de l’hiver, c’était un hobby relaxant et divertissant. En début d’année, je me suis offerte un iPad et un stylo Apple. C’est l’outil qui a complètement changé ce que je faisais auparavant avec le point de croix ; tout à coup, les possibilités d’expression étaient infinies. Mon hobby s’est transformé de façon inattendue en de nombreux affichages d’Instagram de mes illustrations. J’ai commencé timidement et humblement en affichant une illustration par semaine, puis deux, puis comme les commentaires positifs des instagrammers, des amis et de la famille faisaient mon chemin, j’ai gagné en confiance et en motivation pour continuer d’explorer et d’élargir mes formes d’expression. Je n’aurais jamais pu prédire que mes nouveaux outils seraient la plate-forme qui me permettrait d’élargir ma passion. Pouvoir partager mes interprétations de ce que j’ai eu la chance de vivre et de voir s’est transformé en une véritable passion. Je vois Wafi Club comme une merveilleuse occasion de partager ma vision de l’Algérie, qui est une interprétation moderne, amusante et colorée de mes voyages, des gens que j’ai rencontrés, des paysages que j’ai vus, des couleurs dont j’ai été témoin et des motifs que j’ai remarqués. La plupart de mes inspirations proviennent de mes voyages en Algérie, le Sahara en particulier Mai / Juin / Juillet 2018 - ineffable

m’a profondément touché et m’a inspiré. Partout au pays, de magnifiques œuvres d’art, de la peinture à la céramique et la conception de tapis ont influencé les motifs que j’utilise dans mes créations. Pourquoi appeler ce projet Wafi Club ? La signification de Wafi est importante pour moi, car c’était le nom de ma grand-mère paternelle et je le porte comme mon deuxième prénom, malheureusement elle n’a pas vécu assez longtemps pour que je la rencontre, mais je sens fortement qu’elle m’a transmis les valeurs que Wafi représente : honnêteté, confiance et loyauté. Le mot Club, je le comprends comme un club tout inclusif, ouvert d’esprit et accueillant, et ouvert aux collaborations qui partagent ma passion pour le design, l’art et la culture. Ma grand-mère hollandaise est celle qui m’a montré comment être créatif, elle était une source d’inspiration. Dès mon plus jeune âge, elle m’a initié à l’art et à la culture, elle m’a fait partager son amour de la poterie (enfant, j’allais avec elle et ses amis pour jouer avec l’argile et essayer de faire quelque chose de reconnaissable), elle m’a appris à tricoter et m’a emmené dans les musées pour observer les maîtres. Elle m’a ouvert les yeux sur la magie et les possibilités infinies d’être créatif. Je suis plus que ravi que Wafi Club a été apprécié par d’autres et a conduit à des collaborations avec des artistes et des designers d’Algérie, de France, du Royaume-Uni et du Maroc. Continuez à consulter notre programme Instagram pour des projets et des partenariats passionnants. Wafi Club a aussi pour but de répandre l’amour pour l’art et la culture en s’impliquant dans des événements locaux qui partagent la même philosophie, nous avons participé à la première édition d’Art in Taghit l’année dernière et nous le ferons encore cette année en octobre 2018. Nous avons participé activement à la conception du logo et des affiches de l’événement, aidant à sensibiliser les gens à l’environnement et à la culture, comme la plantation d’arbres. Certains des produits amusants, éclectiques et aventureux comme les t-shirts et les coques de téléphone peuvent être trouvés à la boutique Artisane by Selima à Alger ou sur le site Wafi Club. • • • •

Instagram @wafi.club Facebook @wafi.club hello@wafi.club www.wafi.club

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Algeria

&PopArt A New Wave hits the Algerian art scene El Moustach: Andy Warhol made in bladi

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ay by day, as time goes on, people move on, and so do art phases. The latest art phase to hit Algeria is Pop Art, a movement which originated in the 1950s and which uses references from Popular culture, especially music and films, in order to create art pieces, thus the name Pop Art. Pop Art comes in the form of vivid and colorful imagery such as comics, collages or traditional paintings; nowadays it also comes in the form of digital art. One of the most iconic Algerian Pop Artists is a young man from Boumerdes named Hicham Gaoua, also known as El Moustach. I had the pleasure to interview him and have him enlighten me about his work and about the Pop Art scene in Algeria. In contrast to other artists, who would use complicated words and philosophical backstories to describe themselves and their art, El Moustach told me that he’s just a simple man who’s trying to make a living (in his words “n’djri 3la el khobza”, which is an Algerian figure of speech that depicts someone just trying to win bread), and saving the world because Batman and Superman are pretty busy. He uses his pseudonym El Moustach as an alter ego, him being an Algerian Super Hero (He is always wearing a blue shirt with the Superman symbol, but with the Arabic letter , instead of the regular Latin “S” we see on Superman’s jumpsuit). He grew up with a passion for doodling and drawing, and started his El Moustach project back in 2014. His art consists of bold, vibrant art pieces, with a fusion of Algerian and Western Pop Culture. For example, in his piece Just Do It, we can see a woman wearing the iconic Algerian “Hayek” while wearing Nike Sneakers, a pair of Ray Ban and kicking a ball. In another piece called Zaki Project, we see a man on a skateboard wearing sneakers, while playing on an old “Hajhouj” guitar. These two pieces portray how consumerism affected

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Algerians nowadays to a point where we strongly hold on to our patrimony, such as through Algerian music or traditional clothing , but we would still like to wear expensive brand-name clothes and practice modern activities such as playing football or skateboarding. Yet, his most praised and iconic piece is “Balaak Athmane Ariouet en Chegevara”, which depicts a portrait of the Algerian actor Athmane Ariouet (actor in famous vintage Algerian films such as “Carnaval fi Dachra” and “De Hollywood a Tamenrasset”). In the artwork, he is dressed as Che Guavara (a radical figure idolized by many young Algerians), along with his famous catch phrase “Raak Kbir” transcribed next to him (which translates to “You’re grown up”, meaning that someone should act more mature). He has also worked on some animated pieces, such as the opening sequence for a new Algerian comedy series named “DAR EDDROUDJ” that aired in late May 2018, throughout the holy month of Ramadan. In the intro, we can see El Moustach’s signature art style: clashing Algerian culture with modern life; starting with the music which is a hiphop remix of an old Algerian song by the famous 30s singer Mohammed El Kamal,

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ncorporating flashy arabesque patterns and applying classic cartoon filters on the cast of the show ; as well as adding in a few scenes that show modern items such as an iPhone (The Average Algerian’s dream phone) and an Instagram homepage. Just like most artists, El Moustach’s inspiration comes from his surroundings. Growing up in Boumerdes, his main inspiration is a famous coffee shop named “Kahwet el Mador”, which is a very convivial coffee shop that always has Algerian musicians and people dancing and having fun, as well as people of all ages from all around Boumerdes and Algeria. I can see how this could be an inspiration, listening to Algerian folk music and to old-timers spreading their wisdom and talking about how Algeria was back in the day. His other inspirations include his love for Algerian pop culture such as vintage films and television shows, music (especially the Chaabi and Rai, as well as the upand-coming Algerian Rap scene), and the Algerian dialect. These inspirations reflect through his work, since most of his pieces incorporate these references ; even our interview was held in Algerian dialect! The message he would like to convey through his art is the awareness about the importance of Algerian art and pop culture in our daily lives, as well as promoting and positively impacting Algerian patrimony. He successfully transfers this message by creating these relatable pieces full of references that can easily be understood by the average Algerian. Thanks to social media outlets, El Moustach was able to create a

platform to post his work in order gain a following, which is rapidly increasing ; his Facebook page has over 22,000 likes. Social media also helped him make and advertise his art expositions. The reception of his art is also pretty phenomenal ; people really love his work and always praise him for it whether it’s in person, guest books in his galleries or on his Facebook/ Instagram pages where he has a gradually rising fan-base. I personally discovered El Moustach through an interestingly named art exposition he made in Espaco Gallery in Draria, Algiers: SOG Ur Mother is Open at Night; Which is a very famous reference to an Algerian movie called “Ayla ki Nass” or “A Family just like the others”. In the movie, a women asks her husband, pretty late at night, whether the market was open, to which he responds with a light hearted insult being “ Only your mother’s market is open at

night”; thus the name. As soon as I saw the name, I knew I had to go, and I subsequently did and I was extremely impressed. I am an avid fan of pop artists such as Andy Warhol and Roy Lichtenstein, and to see Algerian pop art with references I mostly grew up with was a total breathe of fresh air. My personal favorite piece is “Andy Wahloo” (Translating to “Andy Nothing” in Algerian Dialect), which features Andy Warhol dressed in an Algerian hat and a shirt with the image of the Buffalo that appears on the 1000 Dinar bill, and pulling out his pockets showing that he has nothing in there, with a small Spiderman coming out of it to show how empty it is. Another favorite piece of mine is an installation with vote signs, but instead of having actual candidates, it featured Athmane Ariouet and Darth Vader.


A famous writer named Jerzy Kosiński once said “The principles of true art is not to portray, but to evoke”, and looking at El Moustach’s art evokes a sense of nostalgia and warmth inside our hearts, making any Algerian laugh and say to themselves “Where have those wonderful days gone?”, while reminiscing about their childhood and the past. Make sure to check El Moustach out on Instagram and Facebook. Written By Hanaa Saadi




Kader Attia in Spain Scars Remind Us that Our Past is Real

15 June– 30 September 2018
Exhibition organized by the Fundació Joan Miró and Obra Social ”la Caixa” article by Anne Murray


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rench-Algerian artist, Kader Attia, winner of the 70,000 euro Fundació Joan Miró Prize 2017, has made a triumphant return to Spain with his current exhibition, Scars Remind Us that Our Past is Real. Having studied at the Escola Massana, Centre d’Art i Disseny in Barcelona in the past, this exhibition is his first solo show in Spain and it is awarded to him as a part of this prize. The works selected by the artist, span across his recent career from 2009-18. There is a pedagogic undertone to the exhibition, with images and themes teaching the viewer from the perspective of Attia, how he thinks and continually follows a path of dedicated research in his work. Attia incites synaptic connections, guiding us through the pathway of his acquired knowledge and interpretation of how different cultures view scars both literal and metaphoric, through our bodies, architecture, and politics, with definite links to colonization and its aftermath.

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He connects the links in his work by showing us Open Your Eyes (2009), and J’accuse (2016) in the same exhibition. In Open Your Eyes, he uses slide projections to display images of scarification in Africa and disfigured soldiers of World War I as well as African sculptures next to each other. There is a clear connection between the intentionally scarred faces and sculptures of Africa and the torn and repaired faces of soldiers of Europe. The theme of repair leads him to recreate scarred and disfigured faces by carving into one hundred year old trees that become the gigantic heads in J’accuse. He has taught us how he researched and found images and references for this later work, J’accuse, through showing Open Your Eyes, in the same exhibition, demonstrating how one work leads to the outcome of another.

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hese scarred and disfigured faces of soldiers of World War I from the archives of the Historisches Museum in Frankfurt, the Musée du Service de Santé des Armées in Paris, and the Wellcome Collection in London, alongside images of scarification practices in Africa and sculptures in this work Open Your Eyes, bring a dramatic context for the viewing of his later work, J’accuse. In this later work, he includes over a dozen monumental carved wooden heads on metal plinths, grouped together as if in a forest, with the faces looking towards a wall with a video projection on display. These faces become sculptural references to the faces one sees in

Open Your Eyes, now transformed and elegantly displayed above us as iconic representations in wood, and of disfigurement transformed into an ineffable presentation, they transcend our human experience into the realm of the sublime. Attia explains, ‘For me, the idea of repair is no more than a continuum. Repair is neither a beginning nor an end; it is the space in between. I often use the most tangible aspects (such as damaged flesh or broken objects) to clearly explain the issues at stake in processes of repair, whether abstract or concrete, since they operate with the same principles.’


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he works in the show, range in materials from couscous, mirrors, videos, wood, metal, photography, and slide projections. They represent forms of disintegration and repair, emotion, and connectedness to the human struggle, politics, architecture, colonization, and abandonment. In his Untitled (Couscous), one can imagine an ancient city with its foundations existing only as a black geometry left behind in a desert climate. The visitor yearns to play and experiment with it, to participate and take the part of the artist, entering the circular field of couscous, as if it is sand at the beach.

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In Chaos + Repair = Universe, jagged edges of colored glass mirror fragments are fitted in a puzzle form and laced together with copper wire. It is as if one could lovingly form a new world from the mirrored fragments of narcissism in society by reconnecting them with the conductive medium of copper wire. Once again, one is drawn to approach the work and looking through the small cracks, to see the light inside, a reflection of the mirrors, which are colored with paint on the outside, but brilliant and sparkling on the inside.

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‘What fascinates me is that the poetic strength of art has the power to make a profound, unique impression on each human being. Art has that cathartic ability to bring people from all political leanings together, even if we disagree or precisely because we disagree.’ Kader Attia With these words, Attia shows us the tremendous potential of art and also explains his approach to assembling this exhibition with such care as a cultural advocate who wishes to be inclusive, to allow for the presence of myriad perspectives and viewers perhaps not as initiated into the world of art, he creates an exhibition accessible to everyone, allowing art to heal and communicate.

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Delacroix, orientaliste ou anticolonialiste ? Le musée du Louvre et le Metropolitan Muséum of Art présentent jusqu’au 23 juillet 2018 une exposition consacrée à Eugène Delacroix avec 180 œuvres parmi lesquelles on retrouve « Femmes d’Alger dans leur appartement ».



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n 1832, Eugène Delacroix, de retour du Maroc fait un voyage à Alger dont le but était d’éviter que la France soit contestée dans sa conquête de l’Algérie. Il accompagnait le comte de Mornay émissaire de Louis Philippe auprès du sultan Moulay Abd el Rahman qui soutenait la résistance algérienne. Dans la ville, le peintre visitera le harem d’un corsaire turc; effraction, qui sera à l’origine du chef-d’œuvre Femmes d’Alger dans leur appartement exposé au Salon de 1834 à Paris. Le Maroc et l’Algérie ont été l’Italie et la Grèce de ce peintre à la recherche d’une source d’inspiration nouvelle, originale ; une inspiration qui irriguera son œuvre jusqu’à sa mort. Scène imaginaire ou réelle, Femmes d’Alger dans leur appartement fera scandale à Paris par son anticonformisme. Delacroix est loin des sujets religieux, des portraits, des scènes de genre, des paysages ou des natures mortes. C’est l’histoire d’un tableau mille fois vu, cent fois regardé et pas une seule fois, je n’ai douté de l’histoire telle qu’elle a été racontée dans beaucoup d’écoles d’art : Delacroix est le père des Orientalistes, ce cou-rant de peinture qui a accompagné et magnifié les conquêtes coloniales. On a déroulé une conversation pleine de trous, de fosses, de rigoles. Dans un harem, une femme noire, probablement la servante et trois autres assises vêtues à la mode al-géroise avec un haut brodé de Mejboud de fils d’or, des Foutas berbères et Tlemceniennes (qui protège la fécondité des femmes mariées) : la tête est couverte d’une Meherma (carré de soie sombre) frangée et tissée de fils d’or et des Khalkhals (bracelets de pieds) aux chevilles ; Un Qanoun (brasero) et un nar-guilé sont au sol. La blancheur des carnations est exaltée par la lumière qui, avec les jeux d’ombres du décor, créent une atmosphère intimiste, sensuelle aux tonalités chaudes. Les matières sont chatoyantes : rouge, bleu, jaune avec tissus, soies, broderies d’or, tapis aux motifs turcs ou berbères, objets en verre et miroir véni-tien. Tout est posé pour une interprétation orientaliste de l’œuvre.

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ssia Djebar, romancière algérienne, auteur du livre Femmes d’Alger dans leur appartement, y verra une description extérieure du corps féminin et des appartements privés qu’il occupe avec des femmes rési-gnées, dans un espace clos et elle lui opposera la version « Femmes d’Alger » de Picaso. Rappelons ici que la version de Picasso est un hommage à l’insurrection algérienne. Cependant, nous sommes là, face à un univers, non plus imaginé et recomposé, mais fidèlement repré-senté, tel un moment de la vie quotidienne à Alger, voilà sa modernité que lui reprochera d’ailleurs Bau-delaire (qui lui adhère sans réserve au projet colonial) tout en saluant « un petit poème d’intérieur, plein de repos et de silence », Cézanne parlera de l’ivresse de la scène, quant à Renoir, il évoquera une œuvre qui sent la pastille du sérail. La sensualité des femmes, l’érotisme du décor bousculeront les conventions bourgeoises parisiennes. À son insu, Delacroix va créer le courant orientaliste « ce support idéologique des ambitions coloniales», « cette construction de l’image de l’autre » écrira Edward Saïd. Cependant, le tableau d’Eugène Delacroix représente une ligne de faille dans l’imagerie coloniale, le re-gard des femmes est absent et ce placard dans le décor est ouvert, sombre, vidé, voire pillé et il semble nous livrer dans les lignes le dialogue de l’homme. Delacroix a l’intuition forte de ce que va détruire la colonisation.

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dward Saïd évoquera deux interprétations possibles ou concomitantes : des femmes soumises au pa-triarcat comme à l’autorité coloniale, des femmes cloîtrées, image d’un pays violé ou un faire-valoir d’un Occident où les femmes sont plus libres ? Il pose la scène dans un harem, symbole du regard occidental avec des visages indifférenciés qui nous dit la difficulté de l’Occident à saisir la diversité de l’Orient et de son histoire. La parole de Delacroix est unique parce que équivoque, il y a chez Delacroix un écart entre l’image et le récit colonial. En effet, dès son retour en France, choqué, parce qu’il a vu à Alger, il situera les choses, racontera les exactions suite à la conquête de 1830. Il a vu le bouleversement des jardins, le percement des fenêtres, l’élargissement des rues et il écrira «J’ai vu, j’ai vu, j’ai vu ». Delacroix l’ethnologue va initier l’orientalisme comme un regard sur la mer avec un ciel qui déplie ses mensonges avec Eugène Fromentin, Benjamin Constant et d’autres, mais aussi Van Gogh et Manet qui le copieront. Ces œuvres exposées dans le Louvre posent cependant la question de l’objectif, la narration de cette exposition. Rappelons que le Louvre muséum des arts de la République, ancien palais des rois, épouse l’histoire de France depuis plus de huit siècles. Hormis les retombées économiques avec le tourisme (60% des visiteurs sont étrangers.) aujourd’hui, on en commercialise la marque, le Mai / Juin / Juillet 2018 - ineffable

Louvre est là pour diffuser l’image de la France à l’étranger avec parfois des mécénats contestés comme Total. À travers sa fondation, il engage des actions comme en 2008 les fouilles à El-Muweis au Soudan, restaure la salle Carthage du Bardo à Tunis, organise l’exposition sur le Maroc médiéval et franchisse le musée d’Abou Dhabi. C’est ce qu’on pourrait appeler accroître ses zones d’influence au cœur de la mondialisation dans un con-texte de guerres néocoloniales dans ces régions. Sans omettre que dès son ouverture en 1793, les 660 œuvres présentées sont issues de confiscation ou de prise de guerre. Par exemple, il existe un musée algérien du Louvre avec des antiquités rapportées par le commandant Delamare sous Louis Philippe, collection qui sera plus tard intégrée au Musée africain qui n’a jamais été ouvert au public. Le temps est dans la plaie qui élargira la faille en recousant la peau pour que tout se tienne, la paresse intellectuelle fera le reste. Les nuits sont passées et les voyageurs sont-ils devenus immobiles ? Allez Eugène Delacroix, souffle le vent, emmène les ombres et laisse la pluie se déchaîner pour laver les tapis. Auteur : Myriam Kendsi

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Un soupçon d’Al Andalous en Algérie Dorées, rosées, ambrées, tels sont les couleurs qui s’offrent à moi en ce début de soirée. Assise sur un banc à les admirer me viennent à l’esprit les musiciens arabo-andalous qui les décrivent si bien, des questions se sont suivies : comment cette musique a pu voyager à travers les siècles sans jamais s’écrire ? Comment et pourquoi continue-t-elle d’exister et de susciter l’intérêt des plus jeunes ? La musique classique arabo-andalouse est composée de la San’âa, du Hawzi et du Âaroubi, trois classes bien distinctes ; chacune étant conçue pour un cercle social précis. La San’âa, riche en poèmes romantiques et airs rigoureusement codés, était destinée au roi et aux habitants du palais. Le Hawzi avec des poèmes plus proches de la vie quotidienne que des idylles royales, a des airs moins élaborés était répandu à l’extérieur du palais. Enfin, l’Âaroubi en dialecte rural était prisé extramuros. Ces deux derniers sont inspirés de la Nouba.

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Elle entreprit un long voyage … Les origines de la musique andalouse sont attribuées à Ziriab. Élève du maître perse Ishaaq El Mawsilli -qu’il surpassa d’ailleurs rapidement. Ziriab ajouta une cinquième corde au luth et sa voix d’or lui valut une place privilégiée auprès du roi ; mais aussi des menaces de mort de la part de son maître. Il s’exila d’abord à Kairouan (Tunisie) puis à Cordoue (Andalousie) où il s’est établi, il y ouvra le premier conservatoire d’Europe ouvert à tous, tout en instaurant les bases de la San’âa : La Nouba. Par son intermédiaire, plusieurs chansons gréco-romaines entrèrent en Andalousie. Plusieurs siècles s’écoulèrent et vint la Reconquista, ce qui obligea les musulmans dans un premier temps, puis les Moriscos, à migrer vers le nord de l’Afrique. Lors de cette migration, trois grandes écoles se formèrent en Algérie : • L’école de Grenade à l’ouest : le Gharnati • L’école de Cordoue au centre, improprement appelé San’âa • L’école de Séville à l’est : le Malouf La Nouba … Pièce fondamentale et caractéristique de la San’âa, Nouba signifie en arabe le roulement. En effet, il existe 24 Noubates chacune pour une heure précise du jour. La musique arabo-andalouse ne se transmettant que par l’oreille musicale, beaucoup de Noubates ont été perdues tandis que d’autres sont incomplètes. Les Noubates sont regroupées en 9 modes (grandes familles), un mode pouvant contenir une ou plusieurs Noubates et est caractérisé par une suite de notes précises. Cette suite de notes est primordiale pour accompagner la Nouba avec l’Istikhbar qui convient. Ce dernier étant une prouesse instrumentale et vocale exécutée par un seul musicien et/ou chanteur. La Nouba est composée de 5 mouvements successifs: • M’cedder : Précédé par deux morceaux instrumentaux : Tûchia et Metchalia • B’taïhi : Précédé par Koursi El Btaïhi • Dardj : Précédé par Koursi El Dardj • Insraf : Précédé par Koursi El Nsrafates • Mkhaless Que la magie prenne vie … L’incontestable beauté de la musique andalouse, au-delà du charme des poèmes chantés, revient à l’interprétation des mouvements cités plus hauts. Attachez-vous bien : l’enchantement commence ! Grenade, Palais de L’Alhambra…

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Après une douce promenade dans les jardins du Partal, vous regagnez la cour des lions, une nouvelle heure sonne, un lion projette de l’eau, l’exécution de la Nouba commence. Ah le bonheur ! Accompagné(e) de votre bien aimé(e) vous rejoignez la salle du trône. La Metchalia débute ; le Drabki réchauffe le cuir de sa Derbouka pour le tendre ; les musiciens accordent leurs instruments dans une harmonie parfaite. Metchalia ou Temrina est un prélude somptueux, arythmique, guidé par le chef d’orchestre. Le premier temps fort raisonne, les instruments rentrent en force, c’est le début de la Tûchia, rythmée et purement instrumentale. Le rythme s’accélère progressivement, s’endiable, les musiciens en symbiose vous emportent au pays des rêves. Le dernier temps fort sonne, arrêt brusque du jeu, douce redescente sur terre accompagnée de la Metchalia. Un bref Koursi, pièce instrumentale rythmée, est exécuté en prélude au M’cedder. Les voix fusent, semblables à des chants de rossignols, interprétant le mouvement le plus lent, le plus poétique.

ْ‫ـي قَــ ْوت‬ َّ ِ‫رِيـق َْـك ل‬ ْ‫كُـ َح ْـل ِمث َْـل تُـوت‬ َ ‫آش ذ‬ ْ ْ‫ُوك ال ُّنـــ ُعـوت‬ ‫ِيب‬ ْ ‫الْ َج َم ْل َو الْ ُح ْس َن الْ َعج‬ ‫ِيـب‬ ْ ‫َو تْكُـو ْن ِل َحـب‬

‫اح الظَّالَ ْم‬ َ ‫شَ ْع َر ْك ِم ْن َج َن‬ َ ‫آش ذ‬ ‫ُوك الْ ُعيُو َن ال ِنيَّـا ْم‬ ْ ‫لَ ْو َعتَ ْك تَـزِي ْد ِين َه َيـام‬ ‫ُس ْب َحا ْن َم ْن َعط َ​َاك الْ َج َم ْل‬ ‫ـني نَـ َر ْاك‬ ِ ‫نَتْ َمـ َّنى ِب َع ْي‬

Le chant est accompagné de vocalise « ‫» ترايت اآلالن‬, AL « ‫ » آل‬signifiant en perse Dieu. Selon Rachida Rostane, ethnomusicologue, l’utilisation fréquente de ces vocalises montre l’attachement religieux des poètes et musiciens de l’époque et invoque le pardon et la miséricorde de Dieu. Le M’cedder touche à sa fin, vient alors le Koursi du Betaïhi : le roi fait son entrée et s’installe sur le trône ; l’instrumental rythmé est légèrement plus rapide. S’enchaine ensuite le Betaïhi, moment où les fenêtres s’ouvrent sur les jardins, les effluves et les senteurs divines envahissent la pièce, la fraîcheur des roses embaume vos sens. ineffable - Mai / Juin / Juillet 2018


‫ِم ْن بُكَاء الْغ َ​َميَ ْم‬ ‫َو َخ َّب ْل َع َميَـ ْم‬ ‫َاح ال َّز ْه ُر بَ ِاس ْم‬ َ ‫ف‬

‫ِيـق َو َعـايَ ْم‬ ْ ‫قُ ْم تَ َرى ال َّز َه ْر فَ َغر‬ ‫ص ْف َد َرا ِه ْم‬ ْ ‫َو َع َل الْ ِبط‬ ِّ َ ُ‫َـاح ي‬ ‫َو َه َّب ال َّن ِسي ْم قَـ ْد ِريْتُه بَ ِاسـ ْم‬

S’ensuit le Dardj précédé de son koursi, le rythme s’accélère et devient espiègle : une invitation aux jardins. Accompagné du chuchotement des feuillages, vous descendez joyeusement les marches. Puis les musiciens interprètent les Insirafates, suivis des M’khaless, l’heure de se quitter en apothéose pointe le bout du nez : Tûchiat El Kamal une pièce instrumentale fantastique. Sous une douce brise, vous reprenez vos activités, l’âme légère, le baume au cœur. Un art transmis de génération en génération … Par-dessus sa beauté et sa magie, l’intérêt que nous portons, nous jeunes algériens à cette musique, est dû à son esprit familial. Les doux vers chantés par nos mères et les soirées musicales des mariages restent à jamais gravés dans nos esprits. Le plus émouvant dans l’écriture de cet article fut le recueil des témoignages de musiciens, mélomanes épris de cet art. Un sentiment puissant d’appartenance à la société algérienne. Manal et Somia Rahmoun, musiciennes et mélomanes aguerries qui m’ont transmis leur passion au sein de l’association Ahbab Cheikh Larbi Ben Sari de Tlemcen témoignent : « Nous avons découvert le monde de l’andalou au fur et à mesure que nous grimpions les échelons de l’apprentissage au sein de notre association musicale, il y avait une bonne ambiance et nous sommes vite devenues accros. Nos âmes de musicienne se sont épanouies grâce à nos aînés. À travers les soirées, nous avons forgé notre professionnalisme. Viens après la dépendance, nous chantions H24 que pour le plaisir. C’est à ces moments-là où nous devenons mélomanes, nous nous intéressons à la mélodie, aux écrivains et à l’histoire du Ch’ghoul ». La transmission de ce patrimoine crée un lien fort, une belle amitié unique et sans équivoque. « Je n’ai pas choisi la musique andalouse, j’ai commencé très tôt, en accompagnant mon père aux répétitions, je fredonnais à mon retour – à ce qu’il parait -. Puis, j’ai aimé cette musique qui raconte des sujets super différents : M’dih, Ghazal … Les modes sont aussi différents, avec Mai / Juin / Juillet 2018 - ineffable

leur histoire. Y a aussi l’aspect convivial de l’association ; tu vois les membres deux fois par semaine, ils te pétrissent » Raconte Yousra Amara Zenati de l’association Assala Andaloussia d’Oran La musique andalouse d’aujourd’hui doit beaucoup au travail acharné et dévoué des associations musicales. Et le voyage continu … La musique andalouse ne cesse d’influencer d’autres styles musicaux, étant aux origines du Flamenco grâce aux apports de Ziriab, la musique andalouse inspire aussi les nouvelles générations, avec des brassages méditerranéens comme dans l’interprétation de To Horio avec la K’witra et le Laouto (instrument grec) par Redha Benabdellah musicien et musicologue algérien et Vasilis Kostas musicien grec ou encore Mediterranean Dialogue de Stardean et Ryad Guelmaoui. D’autres brassages d’ordre international existent aussi, le groupe musical Insula en est une preuve vivante ; un mélange exquis entre la musique Algérienne et Martiniquaise. Le soleil s’est couché, laissant place à la veille, inépuisable source d’inspiration et d’amour …

‫ألَنَّ َهـا شَ ك ٌْل بَ ِديـ ْع‬ ‫ِفـي َمكَـانٍ َر ِفيـ ْع‬ ‫َع َل تِـل َْك ال َّربِيـ ْع‬ ‫َو ال َّن َوا ِعـ ْر تَـ ُدو ْر‬ ‫َع َل َو َرقِ الشُّ ُجـو ْر‬

‫َـاس‬ ْ ‫َو َع ِشيَّة نُ ِقي ْم َع َل َوا ْد ف‬ ‫َراتْ بْ َعيْ ِني َصبْيَا ْن ِصغَا ْر ُجال َّْس‬ ‫َاس‬ ْ ‫بِالْ َمغ َِان َو ُه ْم يَ ِديـ ُروا الْك‬ ْ ‫الس ُي‬ ‫وف تَلْ َم ْع‬ ُّ ‫الس َوا ِقي ِمث َْل‬ َّ ‫َو‬ ‫يسة ت َ ُدو ْر َو تَتْ َواضَ ـ ْع‬ َ ‫َو الشُّ ِم‬

Auteu : Inès Smahi

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L’ART SELON LE COMMUN DES MORTELS Tout comme l’homme, l’art existe, se développe, dérange et fascine. Il perturbe et donne naissance aux questionnements les plus fous. Il se rebelle, mûrit, puis s’assagit. L’art respire par les poumons de son créateur.



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a situation étant, qui suis-je pour parler d’art ? C’est cette question que je me suis posée en découvrant le thème de cette édition pour la première fois… Mais après tout, moi qui ne suis ni artiste ni critique d’art, moi être humain possédant un cerveau et deux yeux, simple personne pouvant exprimer son avis, c’est peut-être à moi que cet art-là est destiné. Cet art si semblable à l’homme, j’en suis peut-être la cible. Mais assez parler de moi ! Je voudrais plutôt parler de l’art en Algérie, mais aussi de l’artiste et ses diverses sources d’inspiration. L’Algérie, terre où maintes civilisations sont passées, maints rois ont régné, maints fruits ont mûri et maints fous ont aimé.Terre du soleil, de la mer, des montagnes et du Sahara. Parfois, je me dis que tout tableau, toute musique, toute architecture, tout poème créé dans ce pays à travers le temps a, comme une évidence, eu lieu d’être ! Comment n’aurait-on pas pu faire des merveilles dans ce cadre-là ? Comment assis, admirant la baie d’Alger, n’aurait-on pas pu penser à créer et concevoir la Casbah, ses rues étroites, ses terrasses et ses fontaines. Voyez-vous ? Comme je le disais, une évidence ! Cependant, l’Algérie n’était sûrement pas la seule source d’inspiration des artistes d’autrefois. L’amour... Oh oui ce sentiment troublant devait très certainement l’être tout autant. L’amour sous toutes ses formes, innocent, affectueux, protecteur, douloureux, interdit, amour vrai. Mais qui sait vraiment ce qui les inspirait ? On pourrait essayer de le deviner à travers leurs œuvres… Mais on ne le saura jamais réellement, à moins qu’ils nous le disent ? Certains nous l’ont dit : peintres, architectes, poètes, écrivains et autres couturiers de renoms ont raconté très explicitement à quel point leurs voyages en Algérie les avaient inspirés dans leurs arts, dans leurs processus de création et dans leurs façons de penser, d’autres ont parlé de leurs amours de jeunesse, de la mer, et même de la nourriture. Et oui ! Qui aurait cru qu’une pastèque pourrait être source d’inspiration ? En y repensant, pas si étonnant que ça, mais après tout, nous savons tous que l’inspiration vient des choses qu’on aime, mais aussi des choses qu’on n’aime pas. Je crois savoir ce qui inspire l’artiste, serait-ce peut-être la vie ? Peut-être que ce qui l’inspirait vraiment n’était pas l’Algérie en elle-même, mais le moment vécu à cet endroit précis, comment il se sentait durant sa présence ici et avec qui il se

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trouvait ? Ou peut-être suis-je en train de dire des sottises ? Mais ce qui est sûr, c’est que de nos jours, les artistes algériens contemporains sont constamment à la recherche d’un équilibre. Ils ont pour mission d’honorer la mémoire de nos aïeux, de s’inspirer de ce qui a été fait auparavant et de le remettre au goût du jour, tout ceci en remplissant la fonction première d’un artiste qui est, selon moi, de porter un message, créativement, librement ! Et à défaut de s’exprimer à travers des conversations, ils choisissent de le faire à travers l’art, que chaque humain est ensuite libre d’interpréter de façon différente. La liste des artistes étrangers qui se sont inspirés de l’Algérie dans leurs œuvres est très longue, tout comme celle des locaux, qui ont au court des siècles passés, appréhendé l’art algérien et lui ont donné sa forme actuelle, un riche mélange de cultures, d’histoire et de symboles. Citer tous les artistes de ce grand pays est impossible, citer seulement les plus connus n’apporterait rien à cet article, j’ai donc jugé bon de n’en citer aucun. Aujourd’hui, l’artiste algérien est vrai, dépourvu de tout superflu, il est facile de s’identifier à lui, à son art, l’artiste algérien fait partie de la société, et donc il s’en inspire, quelques fois avec une telle ironie que seul un autre Algérien est capable d’en déduire le message caché et la profondeur de ce dernier. Mais moi, ce que j’aime le plus chez l’artiste algérien du 21eme siècle, c’est que parfois, on croirait que l’Algérie le rejette et le sousestime, mais lui continu à la sublimer. Il raconte à quel point elle est charmante et en fait même sa muse, persévérant et rêveur, l’artiste algérien paraît si normal, qu’on croirait presque qu’il l’est. L’artiste est incompris, et l’art incompréhensible, mais rien ne nous empêche d’apprécier quelque chose sans la comprendre. De toute manière, mon but n’était pas de vous éclairer sur quoi que ce soit concernant l’art, mais de vous faire partager le fond des pensées du plus commun des mortels, concernant… et bien, l’Art. Auteur : BOUCHERIT Farah

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Darja,

une langue à part entière ?

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e Français parle français, l’Espagnol parle espagnol et l’Italien parle italien. Tous les trois ont pour langue officielle le français, l’espagnol, l’italien et non pas le latin par exemple. En Algérie et dans tout le Maghreb, le peuple parle une langue, sa langue maternelle et ancestrale qui n’a pas de nom, ou nommée avec dédain la darja ; On lui reproche d’être un écart par rapport à la langue arabe, la fus’ha. Cette représentation péjorative envers la darja est due à des influences politico-culturelles et une méconnaissance généralisée de l’histoire du Maghreb. Dans ce déni total de nos langues maghrébines, on parle le Maghrébin – qui se subdivise en : libyen, tunisien, algérien et marocain, qui se subdivisent à leur tour en plusieurs soussystèmes linguistiques – mais nous avons l’arabe pour langue officielle, notre Latin en quelque sorte. Or, en théorie linguistique, tout système de signes linguistiques qui sert de support à une communication linguistique est une langue ; du point de vue de la linguistique, toutes les langues du monde se valent : il n’y a pas de langue bonne ou mauvaise. Tous les phénomènes linguistiques s’expliquent par rapport à l’histoire, la géographie, la culture, les conditions économiques et la réalité politique qui les produisent. En effet, la darja – que j’appellerai désormais l’algérien – résulte des différentes érosions de l’Histoire, des guerres, des conquêtes, des catastrophes naturelles et des grandes migrations, comme le disait Michel Foucault dans son essai sur la formation des langues Les mots et les choses (1966). Depuis au moins le premier millénaire avant Jésus-Christ, l’Afrique du Nord a connu plusieurs conquêtes qui ont duré des siècles ; une conquête suppose une domination totale du peuple conquis, par le haut et par le bas, et les premières formes de domination commencent par l’imposition de la langue du nouveau dominant. De l’invasion des Phéniciens jusqu’à la colonisation française, l’Afrique du Nord a parlé – à côté du tamazight – tout au long de trois mille ans d’histoire : le phénicien, le punique, le latin, le grec byzantin, le germain des Vandales, l’arabe, le turc, l’italien, l’espagnol et le français ; l’algérien puise ses origines dans toute cette variété de langues. Afin de comprendre de quoi l’algérien estil le nom, il faut revenir principalement à la domination carthaginoise, la conquête romaine, la christianisation avec ses deux églises : Mai / Juin / Juillet 2018 - ineffable

cananéenne et latine, et la conquête arabe. A l’instar des Français, les Carthaginois, les Romains et les Arabes ont ‘’punicisé’’, latinisé et arabisé les nord-africains. Souvent, l’adoption de la langue du conquérant s’effectue via un nouveau mythe, un nouveau culte ou une nouvelle religion. Très tôt, le tamazight entre en contact avec le punique puis le latin. Les vestiges de la ville de Dougga en Tunisie témoignent par le biais des inscriptions bilingues – punique et tamazight – sur ses murs, de la formidable cohabitation des deux langues. Avec la conquête romaine, les Berbères adoptèrent le latin, surtout dans les régions où il y eu une intrusion massive du pouvoir romain. La romanisation a donné Apulée de Madaure, Tertullien, Afer Térence, Saint Augustin et beaucoup d’autres. La conquête arabe fut la dernière conquête en Afrique du Nord où les conquérants se sont mélangés aux populations locales ; chose que les Turcs et les Français n’ont pas réalisé. L’arrivée massive des Arabes par voie terrestre et l’adoption de l’islam a totalement changé le paysage linguistique en Afrique du Nord ; La fusion de l’arabe avec le tamazight et les subsistances du latin ou même du punique ont donné naissance à un arabe typiquement nord-africain : le Maghrébin.

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elon Gabriel Camps, il y a deux concepts qui méritent d’être éclairés : L’islamisation et l’arabisation. Il nous explique dans son ouvrage, Les Berbères (Barzakh, 2007) , que l’islamisation du Maghreb s’est effectuée rapidement tout au long du VIIème et du VIIIème siècles, en dépit de plusieurs raisons tels l’effondrement du pouvoir byzantin, le repli des romains dans les villes, les querelles entre le donatisme, l’arianisme et le catholicisme… etc. Nous pouvons dire que les deux monothéismes, juif et chrétien, ont facilité l’adoption de l’islam par les Berbères ; quant à l’arabisation, elle a était longue et piétinante. Elle n’a vu son apogée qu’avec l’arrivée, au XIIIème siècle, des Banou-Hillal, des Banou-Solaim et des Maqil. L’arabisation totale des Berbères s’est effectuée par des mécanismes religieux et socioculturels. Du côté des mécanismes religieux, les Banou-Hillal disaient que pour accéder au paradis, il faut parler arabe et s’identifier à la culture arabe pour être un musulman exemplaire.

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Du côté des mécanismes socioculturels, les Berbères délaissaient massivement leur culture d’origine pour adopter une généalogie arabe – fantasmée bien évidemment – pour accéder au statut de Cherif : descendant du Prophète. L’acculturation joua un grand rôle dans l’arabisation de l’Afrique du Nord, comme fut l’acculturation pendant l’occupation romaine. Tous ses événements historiques, politiques et linguistiques nous donnent un aperçu général sur la genèse de la constitution des différentes langues maghrébines que nous connaissons aujourd‘hui. La complexité linguistique et culturelle est au centre de leur formation. Dire que la darja est une version dégradée de l’arabe classique, une langue fausse ou moins prestigieuse est une totale absurdité, un déni de l’histoire nordafricaine. Auteur : Lounis Faris

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oscou, 14 juin 2018, dernier jour du mois de Ramadhan sur le calendrier hégire. Le coup d’envoi de la coupe du monde de football est donné au Stade Loujniki en Russie. L’arbitre sonne le glas d’un mois d’abstinences. Et comme les grands orages viennent souvent après les longues sécheresses, les fauteuils s’installent devant les écrans de télévision pour un mois de spectacle planétaire et d’orgies footballistiques. Du 15 juin au 15 juillet, le spectateur algérien, refusant de payer pour l’échec d’un sélectionneur national au talent usé, réussit à décrocher son ticket au bal des trente-deux nations qualifiées au mondial. Nous étions les premiers à nous rire de la déculottée arabe, à nous émerveiller de l’élimination fatidique des champions en titre, à crier au complot à chaque palier franchi par le pays organisateur. Par-delà le premier tour, notre expérience cathartique se poursuit et libère en nous le souvenir de la chaleur humaine et le besoin de pouvoir voter un jeune président, plutôt une présidente comme cette croate câline sans qui nous n’aurions pas avalé notre déception lors du sacre des Bleus. Ballon aux pieds ou dans les cœurs, l’Algérie sait toujours jouer au foot. Le football en Algérie est plus vieux que le téléviseur ou le pétrole et est même antérieur à notre République algérienne. Les anglais inventent ce sport en 1860 et pas plus tard que la fin du XIXe siècle, l’indigène découvre, entre les pieds du colon, les premiers ronds de cuir alvéolés et gonflables. C’est à l’Oranais que se créent les premiers clubs de football. Citons, entre autres, Le Club Athlétique d’Oran en 1897 ou encore le Club des Joyeusetés d’Oran qui sont les doyens des associations de foot en Algérie. Le jeu grimpe en popularité et se répand sur tout le territoire algérien. Néanmoins, sa pratique reste fortement communautarisée, les clubs ne regroupant que des colons européens, des maures ou des juifs. Il faut attendre le Jour de l’An 1917 pour voir apparaître le premier club musulman sous le nom du Mouloudia Club Musulman d’Oran, ancêtre de l’actuel MCO. En 1921, un autre Mouloudia voit le jour, celui-là à Alger. Il rassemble encore aujourd’hui les habitants de la capitale sous la bannière rouge et verte du MCA. Troquer son froc de marabout et ses babouches contre un maillot de foot et des crampons ne fait qu’alourdir le poids de la discrimination qui accable l’indigène. Conséquence inéluctable,

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les terrains de foot dressent un théâtre aux différentes revendications identitaires du peuple algérien. N’aurait-on pas pensé que le projet assimilationniste était l’enjeu de la rencontre France-Eire qui donna l’occasion à Abdelkader Ben Bouali de marquer les mémoires en tant que premier algérien à jouer en 1937 dans les rangs des Bleus ? La Bataille d’Alger bat son plein lorsque sur un scénario des plus épique, le modeste Racing Club Union d’El Biar inflige une défaite humiliante (2-0) au légendaire Stade de Reims de Just Fontaine, triple champion de France et champion d’Europe des clubs champions. Le football donne une leçon d’espoir et de détermination par cette rare mise en scène du triomphe mythique du nain sur le géant. Ce jour-là était un jour de fête pour Alger qui oublie le temps d’une heure et demi de olés et d’ovations le décompte des bombes et des morts. Toujours dans l’esprit du sportif-militant, des joueurs algériens évoluant dans des clubs prestigieux de la France métropolitaine forment en 1958 les Onze de l’Indépendance, plus connu sous le nom de l’équipe du Front de Libération National algérien de football. Non-reconnus par la FIFA, interdits de participation aux compétitions officielles, les compagnons de Rachid Mekhloufi et Mustapha Zitouni (tous les deux figurant sur la liste des joueurs présélectionnés pour représenter la France au mondial 1958) entreprennent une tournée mondiale de matchs amicaux et font connaître au monde le FLN et son combat pour la libération de l’Algérie. En 1962, l’Etat Algérien indépendant se dote d’une Fédération de Football qui s’affilie à la FIFA l’année d’après. Le palmarès algérien comporte jusqu’à nos jours une seule coupe d’Afrique des nations remportée en 1990 à domicile. Source d’une inépuisable fierté, rappelons la victoire historique des Verts (2-1) face à la RFA en phase de poule du mondial 1982 et leur élimination ourdie subséquemment par la Duplice austro-allemande. ineffable - Mai / Juin / Juillet 2018


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a première vertu indéniable du football est le pouvoir qu’il a de rassembler les foules. De cela, découle-t-il, que par un simple détournement du sport-roi de ses finalités primaires et purement sportives, un moyen de manipulation des masses tombe entre les mains de qui sait s’en servir. Le football est alors outil de toutes les propagandes politiques ou une mamelle tendus au plus fortunés. La période coloniale offre ci-dessus l’exemple d’une instrumentalisation politique du jeu. Ensuite, il faut reconnaître au foot dans notre société la force par laquelle, comme la pratique outrancière d’un dogme, il installe le vide culturel dans la vie du footeux ordinaire en Algérie. La tête huppée et striée, le maillot 26 de Leicester City sur un corps tout sauf athlétique. Familier des cafétérias les soirées du dimanche jusqu’au samedi, il fait montre de tout ce qui reste d’esprit dans sa cabèche pour trancher en faveur du meilleur entre le vainqueur et le vaincu à l’issue d’un match. Dans le cas de la faune des stades, il n’y a pas d’espoir de modérer la caricature. On s’épargne les chicots, les araignées, les chants de supporters, les unes du Heddaf Douali, les diarrhées verbales sur les plateaux de télévision…etc. Pourtant, certains seraient toujours à même de prendre l’exacte mesure du désastre. Auteur : Nassim zerka

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Major construction projects in Algeria The construction sector plays a huge role in defining the social and economic situation of any country. Algeria, also known as the gate of Africa, the biggest country of the continent, has been working for the past few years on important projects in order to develop the infrastructure and the tourism of the country, and to back up the economic sector. One of these projects is the TRUST COMPLEX BUILDINGS, the second biggest project in Algeria after THE GREAT MOSQUE and the biggest resort in North Africa. The project occupies a strategic position, being the center of the business district of Algiers, in Bab Ezzouar, next to the mall and the metro station, and only 10 minutes away from the international airport. This project conforms to the latest standards of the American hotel channel MARRRIOTT LIMITED, an international channel in charge of the operational management of hotels for 35 years. With a surface of 39 968,49m2, the project contains different types of hotels, apartment hotels, offices and even a mall. Every hotel is different from the other, a multiplicity of choices are gathered in one project; The MIHR for instance, a five (05) stars hotel, has more

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than two hundred (200) rooms, one (01) presidential suite, two (02) restaurants, an open air swimming pool, meeting rooms and a ballroom. The residence INN has a different concept, which has been applied for the very first time in Algeria; an apartment hotel containing 147 apartments, including a cafeteria and a restaurant. The main goal here is to give the client the feeling that they are home. Finally, there is “the courtyard�, which contains a fitness center, a Spa, an interior swimming pool and 12 meeting rooms. This hotel is designed to confer a work atmosphere especially for business stays. The mall is the central part of the complex; it is a two-floors building, covering an area of 97 685m2. It contains international brand stores; the second floor is dedicated to restaurants, leisure and relaxation areas. Two buildings are dedicated to business matters, one will be occupied by TRUST, and the second one is intended for rental. The project also includes three basements, to fit around 1610 parking spots, the main kitchen and the laundry room. A part of this project will be delivered before the end of the year. By Sara TAIB

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Inspiré de National Géographie


‫بوسعا َدة‬

‫بوسعا َدة‬ ‫ْ‬ ‫يا زاي ْر بوسعا َدة مرح َبا ْ‬ ‫سعدك بال ْخيا ْر‬ ‫بيك ويا‬ ‫يفرح ق ْ‬ ‫َلبك به َواها يك ترسي يف االف َجا ْر‬ ‫ْ‬ ‫ْ‬ ‫تغويك اللّمة يك تز َهى مع االحرا ْر‬ ‫من زي ْن لزي ْن حتّى تل َح ْق لل ُّدوا ْر‬ ‫وتب َدا ال ُخطاوي وال َبدية من ال ِعام ْر‬ ‫بعد العقبة عىل السطيح وجامل االحجا ْر‬ ‫قصة ديني ْه‬ ‫رس عىل القبّة واسمع ّ‬ ‫استف ْ‬ ‫وحكاية الف ّن وعال ْه مثّا اختا ْر‬ ‫فحولها ويا زي ْن قواله ْم كلها اشعا ْر‬ ‫رسا ْر‬ ‫مالتها ال ْع ُيون الك ّحيلة يف سحرها أ َ‬ ‫بوسعا َدة عشقُوا زينهاَ سن ْني ومز ْال‬ ‫ليل نها ْر‬ ‫الحب فيها ْ‬ ‫قاي ْم ّ‬ ‫ْ‬ ‫ترشق شمسها يف قلبك وتحتا ْر‬ ‫من زخارف نخيلها وتقول سبحان الل ْه‬ ‫احل العقبة عىل طريقك ونسيمك ْ‬ ‫يغازل‬ ‫ما َ‬ ‫غروب شمسك وللجبل نع ّج ْل‬ ‫مناطل ونست ّنى‬ ‫ْ‬ ‫يا بوسعا َدة ‪..‬‬ ‫مريم معمري‬




Rubrique à l’Algérienne



‫‪Rubrique‬‬

‫ما قد يخالج روحك‬

‫ما قد يخالج روحك ‪ ...‬وال تجد له مجازا يسعه‬


Path

It was a dimly wavering path, In which flied one fortunate moth, The sun happened to be only a dot, Standing on a ground purely hollow; Sometimes I would be greeted by a rainbow, Most of times I would not. Shallow thoughts of leaving often dwelled, But by an appeasing smile they were barreled. A faint rain fell little by little, As I looked into your eyes that reflected a riddle. Was the foreordained tempest the reason ? Or the deed of a coward’s treason ? At the end of a day burdened with ire, That blinding light Was to my greatest fright, My future on fire.

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Ineffable Magazine I N°5 I ISSN : 2602-6562


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