

Projet conduit par le Centre Social Familial St Gabriel Bon Secours en partenariat avec le groupe scolaire Clair Soleil,
ATD Quart Monde et Image Clé
Avec la participation des parents d’élèves du groupe scolaire Clair Soleil et des elèves de FLE du Centre Social Familial St Gabriel Bon Secours
Livret réalisé par Pauliina Salminen, Image Clé
Afin d’approfondir le travail que nous menons dans nos écoles sur la relation avec les parents et de conforter le rôle de chacun dans la co-éducation des enfants, nous avons souhaité mettre en place avec le Centre Social Gabriel, partenaire essentiel de bon nombre de nos projets, un nouveau projet intitulé « De la maison à l’école »
Ce projet auquel nous avons associé ATD Quart Monde pour la co-animation des séances et Image clé dans l’élaboration du livret de vie a eu pour objectif de proposer des temps d’échanges avec certains parents autour de la thématique de l’école : l’école d’avant, l’école aujourd’hui, l’école « ailleurs dans le monde », l’école en France.
Ces rencontres se sont terminées par un moment de classe ouverte pendant lequel les parents ont pu assister à une séance de classe et un repas partagé par tous les participants.
Virginie SEVE et Pascal GRAVIER
Les directrice et directeur du groupe scolaire Clair Soleil
La transmission est l’une des préoccupations des parents dans l’éducation de leurs enfants. Depuis longtemps c’est une question centrale dans les actions conduites par le centre social familial Saint Gabriel Bon Secours, c’est ainsi qu’est né le premier « livret de vie ». Comment parler de son histoire, comment expliquer le projet migratoire, quelles sont les valeurs importantes à la famille, quels sont les objets qui comptent, autant de questions qui préoccupent les parents. Dans la vie de tous les jours, rares sont les moments propices à cette transmission, car le quotidien laisse peu de place aux échanges de cette nature.
Cet ouvrage que nous présentons aujourd’hui est le fruit d’ateliers menés lors des séances du projet « De la maison à l’école » sous l’œil artistique de Pauliina Salminen.
Ce projet a été financé dans le cadre des REAAP CAF et du PEDT de la Ville de Marseille.
Ariel DOULIERE
Coordinateur Enfance/Famille
Centre Social Familial St Gabriel Bon Secours
Diana : Je viens de Moldavie. Je suis arrivée à Marseille il y a 6 ans pour rejoindre mon mari qui a fait banqueroute en Moldavie à cause de la corruption qui est très fréquente dans ce pays. L’intégration à Marseille ça a été dur. Je suis arrivée en sachant dire « bonjour, merci et au revoir » en français. Avant Marseille j’ai vécu trois ans seule à Salon-de-Provence, sans personne de ma famille. Je ne connaissais rien aux démarches administratives. C’est pas pareil qu’en Moldavie, il faut beaucoup de papiers ! Alors j’utilisai Google translate. C’était difficile mais maintenant c’est bon, merci.
Lachemi : Je suis Comorienne. Je suis allée à Mayotte. Mes deux enfants sont nés là-bas d’un mari Comorien. Ensuite je suis retournée aux Comores, mais c’est la galère et la misère aux Comores et à Mayotte. J’ai changé de vie car c’était trop dur. On ne connaissait pas d’autre endroit que la France. C’est mon mari qui a décidé qu’on irait en France, c’est lui qui m’a emmené ici, en passant par plusieurs pays et villes. Maintenant, il veut retourner là-bas, moi je veux rester ici pour mes enfants. À Mayotte c’est compliqué avec les enfants, il y a des délinquants, beaucoup de mauvaises choses... C’est pareil à Marseille, mais ici tu peux les esquiver.
Wissam : Je suis de Constantine en Algérie. J’ai la nationalité française depuis 15 ans, parce que ma grand-mère et sa mère étaient françaises. Je suis française par le sang. J’ai grandi en Algérie, je suis allée à l’école puis à l’université, puis je me suis mariée. Ensuite nous sommes venus en France avec nos enfants pour leur avenir, pour l’école. Aussi, mon père vit ici à Marseille. Alors le fait que j’ai la double nationalité tombait bien. J’aime bien apprendre le français, pour bien parler. J’aime bien travailler aussi à l’occasion, mais ma vie, c’est mes enfants !
Diana : Pour aller à l’école à Rîbnița, en Moldavie, je marchais 5 ou 6 kilomètres en pente, c’était très long. On se donnait rendezvous avec mes copains à 7 h pour aller ensemble à l’école. Il n’y avait pas de passage piéton, et on devait traverser une voie ferrée. Parfois on devait même passer sous le train parce qu’il était arrêté. En hiver, il y avait beaucoup de neige. Alors, pour le retour, on faisait de la luge sur nos cartables !
Dehiaka : Au Nigéria, j’avais école de 8h à 14h. Je marchais 10 minutes. J’y allais avec ma cousine, on habitait dans la même maison, chez ma grand-mère. C’était en ville mais il n’y avait pas beaucoup de voitures. Je ne suis pas allée au collège parce que ma famille ne pouvait pas le payer. Du coup j’ai commencé à apprendre la couture.
Ghada : En Tunisie, mon école primaire était à 400 mètres de ma maison, à 10 minutes à pied. J’adorais le trajet pour aller à l’école : le parfum du matin, l’odeur du café dans les rues, croiser les personnes qui nettoyaient la rue... Tous les jours je passais à la pâtisserie, ça sentait tellement bon. J’habitais avec ma tante, c’est elle qui m’emmenait à l’école.
Au collège, j’ai changé de ville et je suis retournée à Bizerte chez mes parents. Du coup le collège était plus loin, j’y allais avec deux bus scolaires. Sur le trajet, il y avait beaucoup d’oliviers, d’amandiers et de mûriers. Sur le chemin retour, je m’arrêtais cueillir des fruits.
Wissam : À Constantine, en Algérie, mes copines à l’école étaient les mêmes que dans mon quartier. En fait j’aimais bien mon quartier pour ça : c’était le quartier de l’école, de mes copines et de mes professeurs. Chaque matin, à 8h je retrouvais mes amies. On passait par les kiosques et les boulangeries. Parfois, le professeur ne venait pas alors on allait le chercher en frappant chez lui.
Djaidata : À l’école primaire aux Comores, à 6 ans, j’aimais bien la rentrée, j’avais un cartable avec mon ardoise, ma craie, mon crayon, mon cahier, et mes crayons de couleur. J’aimais compter et faire des additions au tableau. J’étais fière de réussir des choses nouvelles. On écrivait et on comptait beaucoup. Je suis allée à l’école jusqu’au CM1.
Fatma : J’ai appris à lire et à écrire à 6 ans, j’avais des copains, j’aimais bien la poésie. J’aimais beaucoup le sport, je faisais la course avec les garçons et je gagnais ! J’étais forte en maths et en anglais. Au collège, j’avais beaucoup d’amis parce qu’on était dans un petit quartier, tout le monde se connaissait. Mes amies de l’époque sont restées en Algérie, mais ce sont toujours mes amies.
Malika : J’aimais bien chanter l’hymne national algérien et porter le drapeau tous les matins. J’ai eu de la chance avec mes maîtresses, j’étais leur chouchoutte. Je voulais devenir professeur comme elles. J’ai beaucoup participé aux concours. J’ai aussi porté le tablier rose ! C’était ma sœur qui choisissait mes habits et ma coiffure. On faisait beaucoup de sorties, on visitait des monuments et beaucoup d’autres choses. J’aimais beaucoup le sport, je faisais de la course, fille et garçons ensemble. J’aimais bien être petite mais le temps passe vite. A 11 ans, j’ai dû arrêter l’école car celle pour les filles était trop loin de chez moi.
A. : Quand je vivais en Turquie, j’aimais beaucoup l’école, encore aujourd’hui j’aime étudier et apprendre. Il y avait 40 enfants par classe. Mon école primaire était dans le village. J’aimais les mathématiques car le maître était gentil. Tous les soirs il fallait faire les devoirs. Je les faisais, mes parents m’aidaient. Ma mère disait tous les jours que l’école était importante. C’était dommage de ne pas pouvoir continuer, je travaillais bien. Le collège était trop loin, c’était trop difficile d’y aller.
Diana : L’école élémentaire en Moldavie était très très stricte. Il y avait beaucoup d’apprentissage, de devoirs. On avait un uniforme avec un chemisier blanc et une robe. On faisait beaucoup d’écriture et de lecture. On ne parlait pas, on et ne faisait pas de bêtises. C’était très stressant. Ce ne sont pas de bons souvenirs, c’était très très sévère. On avait des punitions, et des mauvaises notes. Et on gardait 4 ans la même maîtresse. Elle avait de grands ongles et elle nous pinçait les joues. Elle nous secouait, elle nous tapait la tête contre le tableau. Elle nous traitait différemment selon le statut social de la famille.
Simana : Aux Comores, on n’avait pas de matériel scolaire qu’il fallait. Je trouvais qu’apprendre était difficile, personne ne m’aidait sauf quelques amis parfois. J’aimais seulement la récréation et jouer aux cartes. Mais la maîtresse nous frappait avec une règle sur les doigts et nous tirait les oreilles. Alors, je me suis fâchée et je ne suis plus allée à l’école.
Djaidata : Quand j’avais 13 ans, ma maîtresse me tirait les oreilles. Il fallait rester à genoux dans la cour quand on n’arrivait pas à résoudre un problème.
Fatma : Au collège, en Algérie, le prof nous tapait sur les doigts et on devait rester debout, les mains levées pendant une heure.
Malika : Quand je suis rentrée au collège, c’était le contraire de l’école primaire. Je suis devenue triste et malheureuse parce que le prof d’anglais n’était pas gentil avec nous. J’ai dit à ma mère que je ne voulais pas y retourner parce que le prof nous frappait. Mon père est très sévère, alors je n’avais pas autre choix que d’y aller. Tous les matins je pleurais, je ne voulais pas manger. À l’école je ne travaillais pas, je pleurais. J’ai redoublé la 4e année du collège. Mon père m’a demandé pourquoi, je lui ai dit que je ne pouvais pas y retourner. Alors il m’a dit que, comme punition, je resterais à la maison sans sortir juqu’à mon mariage.
Madjoulla : Je suis de Guinée Konakri. Je n’ai pas pu aller à l’école car j’aidais ma mère. C’est dommage car j’aurais voulu apprendre mieux le français et à écrire. Mon fils est en CP, il me dit comment parler français. Je suis contente. Il parle beaucoup de l’école, il me raconte tout, il m’explique des mots. Moi, j’ai commencé un peu les cours de Français. J’ai envie de commencer à apprendre, mais pour l’instant j’ai des problèmes de papiers.
A. : J’interroge tous les soirs mes enfants à propos de l’école, je regarde leurs devoirs sur Pronote et je leur demande s’ils ont besoin d’aide. Je leur ai dit d’écouter les maîtres. Même si moi je n’ai pas pu étudier, mes enfants pourront. Mon père et mon frère parlent français. L’année dernière j’ai commencé l’école mais apprendre à écrire est difficile. Avant, je ne pouvais pas aller à l’école en France car je n’avais pas les papiers. C’est difficile de ne pas parler et écrire correctement. Mais les enfants m’aident maintenant ! Mon fils parle Français, Kurde, Turc, Italien et Anglais.
Wise Nelson : Au Nigéria, même si vous étudiez, vous n’avez pas de travail. Vous apprenez ce qui est bien et ce qui est mal, et à écrire. Mais quand vous déménagez d’un pays à un autre, il est utile d’être éduqué.
Ici en France, l’école est correcte, les enfants parlent bien, ils parlent trois langues. J’espère qu’ils continueront et qu’ils pourront être utiles à la société. Je suis inquiet pour notre situation si nous ne pouvons pas obtenir nos papiers. Je veux qu’ils terminent leur université.
Simana : C’est bien, l’école, je n’y suis pas allée et maintenant j’en souffre. Mon plus grand fils a 14 ans, il a arreté l’école, c’est dommage. Mes trois petits aiment bien l’école. Les enfants ont besoin d’aide avec l’école, parfois je ne sais pas les aider mais je surveille qu’ils fassent leurs devoirs.
Projet mené par
Virginie SEVE Directrice école élémentaire Clair Soleil
Pascal GRAVIER Directeur école maternelle Clair Soleil
Michèle MONTE et Andrée LHERISSON, ATD quart monde
Valérie SAMAÏ Directrice Centre Social Familial St Gabriel Bon Secours
Ariel DOULIERE Coordinateur enfance Familles Centre Social Familial St Gabriel Bon Secours
Pauliina SALMINEN, artiste intervenante, Image Clé
Laure CAILLAUD-MEYER Stagiaire
Participant.es :
Parents d’élèves de l’école primaire Clair Soleil : Djaidata, Madjouda, An-icha, Lachemi, Gideon, Gift, Cynthia, Wise Nelson
Simana, Mervenur, Züleyha, Fatma, Naciye.
Elèves de FLE Adultes du Centre social St Gabriel
Malika, Fatma, Malika, Diana, Wissam, Ghada, Mercy, Sengül
Elèves de FLE Enfants du Centre Social Familial St Gabriel Bon Secours
Lorin, Yasin, Yusuf, Raouane, Maïssem
Collages et dessins réalisés par les participant.es. Photographies faites par Pauliina Salminen.
Avec le soutien de :