HCFR L'Hebdo n°72

Page 28

The curse of Kurtz Oubliée l'Amérique, aujourd’hui je suis d’ici. Ça faisait un bout qu'ils m'avaient posé là, en stand-by. Je le sais précisément, et ce même si être face à soi détend le temps, même si j'ai descendu tellement d'eau-de-feu que j'ai du mal à dire comment je m'appelle. Je le sais aux cadavres, cette montagne de bouteilles de ce Brandy qui brûle, médecine. La liqueur qui se sirote consciencieusement, pour s'anesthésier. Une montagne qui ne trompe pas. Un moment que j'étais cloîtré, écrasé par l'horreur de ce Saïgon qui fait perler sur ma peau des joyaux de sueurs, aussi chers qu'ils sont éphémères. Je le sais à cet hanneton qui répond au quart de tour car je l'ai dressé patiemment. Il faut quoi ? Trois, quatre semaines pour réussir à les faire répondre à leurs noms à un truc comme ça, non ? Mon hanneton chantait « Singing in the rain » en faisant des claquettes. Puis un jour, ils sont venus. J'étais leur dernier recours. Un homme qui n'en était plus un pour tuer un homme pour n'en était plus un. Un hanneton pour tuer un Dieu. Mettre fin à ce sacrilège. J'étais le Coléoptère de la situation. Aux pales qui résonnent, métronomes, mon cœur répond en battant à nouveau la chamade. Le ballet des insectes de métal qui crachent le feu sur ce merdier, comme si je ne l'avais pas quitté. Ce monde, mon monde, qui m'avait vu naître une deuxième fois. Oubliée l'Amérique, aujourd’hui je suis d’ici.


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.