Kurun autour du monde

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Cette escale n’avait qu’un but : remettre la corne en état pour continuer la route en toute sécurité. Aussi, pendant toute sa durée, je m’occupai presque uniquement du bateau, laissant à Dufour la libre disposition de son temps. Le bassin du Real Club Nautico, petit, mais bien abrité, est dominé fièrement par ce club vaste et luxueux, dont le nombre des membres est imposant et contraste avec celui des bateaux. Nous étions à peine amarrés qu’un garçon nous apportait une carte. El presidente Luis Piñero Bonet nous souhaitait la bienvenue et mettait toutes les installations du club à notre disposition. Je remplis la petite fiche qu’on m’apportait. Cela nous tint lieu de toute formalité. Je ne devais, par la suite, avoir de contact avec aucune autorité : police, douane, etc. J’appréciai hautement cette façon chevaleresque d’accueillir des étrangers. Certains pays, plus modernes, plus riches et plus satisfaits, pourraient méditer cet exemple, au lieu de faire assiéger l’arrivant par une foule de fonctionnaires armés de règlements aussi ennuyeux qu’inutiles. Je n’aime guère les clubs, en tant que concentration d’individus. Je jetai sur celui-là un coup d’œil timide, profitant seulement de l’agréable possibilité de prendre des douches à quelques mètres du cotre. Dufour alla quelquefois y danser le soir. Une musique vulgaire et névrosée troublait les soirées au port. Dans le bassin, je fis la connaissance des autres yachts. J’aime passionnément tous les voiliers. Le Kurun avait pour voisin un joli yawl de 11,50 m, le Balder, peint en noir, battant pavillon hollandais. Il avait quitté Amsterdam quelques mois auparavant pour une croisière sur les côtes Ouest d’Europe. Tout à côté, la goélette Ataruxo, appartenant à un riche industriel de Vigo. L’Espagne est un pays pauvre et le yachting y est un luxe rare. Enfin, juste à l’aplomb du bâtiment du Real Club Nautico, était amarré le petit cotre suédois Polaris, à moteur auxiliaire. La presse en avait tant parlé que moi-même, qui ne lis jamais les journaux, je le connaissais. Polaris devait faire le tour du monde. Devant cet exploit en puissance, une publicité tapageuse ne cessait d’entourer le bateau et l’équipage. Le Polaris était un très joli petit cotre du type norvégien. Sa coque aux lignes pures, à clins et vernie était un plaisir des yeux. Mais malgré son élégance, ce n’était pas un bateau fait pour de grandes traversées – beaucoup trop petit, trop léger aussi. Je détaillai, un peu ahuri, son pont encombré, sans pavois, sans filières, son cockpit non étanche, son frêle 48


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