Alice HOARAU Mémoire - L'habitat japonais

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier – Cycle master

Ma, Oku, En dans la conception architecturale des maisons contemporaines japonaises : Influence ou nouvelle modernité architecturale

Alice Hoarau

Mémoire de master Présenté par Alice HOARAU Sous la direction de Catherine TITEUX Janvier 2017

Jury

Catherine TITEUX

Maître-assistante ENSAM, directeur d’études Andrés MARTINEZ

Maître-assistant ENSAM Jean PLANES Maître-assistant ENSAM Johanna BATICLE

Architecte

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Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier – Cycle master

Ma, Oku, En dans la conception architecturale des maisons contemporaines japonaises : Influence ou nouvelle modernité architecturale

Mémoire de master Présenté par Alice HOARAU Sous la direction de Catherine TITEUX

Janvier 2017

Jury

Catherine TITEUX

Maître-assistante ENSAM, directeur d’études Andrés MARTINEZ

Maître-assistant ENSAM Jean PLANES Maître-assistant ENSAM Johanna BATICLE

Architecte

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Résumé

L’architecture japonaise connaît aujourd’hui un fort engouement. Le travail des architectes contemporains nippons est reconnu dans le monde entier. De par leur culture singulière, ils confèrent à leur production architecturale une réelle sensibilité.

Pendant deux siècles, le Japon est resté fermé sur lui-même sans aucune relation avec le monde extérieur. Malgré cette isolation, les Japonais ont su développer une culture architecturale à part entière.

Ainsi, ils ont bâti leur habitat selon une philosophie spatiale traditionnelle. Très codifiée en un système de concepts spatiaux, elle confère une dimension presque spirituelle à l’espace habité traditionnel. Ce système se décline dans deux entités, les dispositifs spatiaux sensoriels (ma, en, oku) et une organisation hiérarchique spatiale rigoureuse (uchi, omote/ura, hare/ke).

Cette conception spatiale a en quelque sorte conditionné le modèle de l’habitat populaire des villes japonaises, appelé machiya. Une maison traditionnelle urbaine qui souligne l’importance des relations entre l’homme, l’environnement et son habitat. Ainsi, à travers ce mémoire, nous allons étudier cette manière de concevoir l’espace propre aux japonais et leur utilisation dans le traditionnel et le contemporain.

Mots Clefs

Architecture japonaise - Philosophie spatiale - Habitat traditionnel et contemporain - Dispositifs sensoriels et hiérarchiques - Valeurs culturelles et sociales - Transposition théorique

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Remerciements

Ce mémoire de Master est le résultat d’un long travail de recherche. Elle conclut en quelque sorte cinq belles années d’études, de réflexion et d’implication.

Avant tout, je souhaite adresser mes sincères remerciements à tous ceux qui ont consacré leurs temps pour m’aider dans la réalisation de ce mémoire. Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont apporté leur soutien et qui m’ont ainsi conseillé dans l’élaboration de ce mémoire de recherche, un travail indispensable pour valider mon master d’architecture à l’ENSAM1.

En premier lieu, je tiens tout particulièrement à remercier ma directrice d’études, Mme Catherine TITEUX, architecte DPLG, docteur en Histoire de l’Art et enseignante à l’ENSAM, pour son accompagnement et les précieux conseils qu’elle m‘a donné tout au long de cette année.

Elle m’a apporté les outils méthodologiques pour construire ce mémoire.

Je tiens également à remercier tout particulièrement l’une de mes camarades, Adeline Cousin pour m’avoir consacré du temps, pour nos multiples échanges et le soutien moral qu’elle a pu m’apporter.

Je remercie mes proches et amis pour leur soutien, les conseils qu’ils m’ont apportés ainsi que le temps qu’ils ont consacré à m’écouter et les nombreux échanges que nous avons eus.

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ENSAM : Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier

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Sommaire

Introduction ..................................................................................................................... 10 I - Concepts de la spatialité japonaise ............................................................................... 16 A. Ma : intervalle d’espace-temps ............................................................................................ 16 B. Oku : la profondeur ............................................................................................................... 18 C. En : la coexistence ................................................................................................................. 20 D. Omote/ ura et hare/ke : un système de mise à distance ........................................................ 21 E. Uchi : une sphère collective ................................................................................................... 23

II - La Machiya japonaise traditionnelle : des dispositifs spatiaux en accord avec ces valeurs culturelles et sociales ....................................................................................................... 24 A. La composition architecturale de la maison populaire japonaise : ......................................... 25 1) Une composition singulière .......................................................................................................... 25 2) Les éléments constructifs de la machiya traditionnelle ............................................................... 26 B. Une manière d’habiter : ........................................................................................................ 29 1) La position surbaissée .................................................................................................................. 29 2) La maison de l’homme .................................................................................................................. 30 C. Etude de cas d’une maison traditionnelle japonaise : la Machiya Mumeisha, Kyôto, 1909 ..... 31 1) Analyse urbaine ........................................................................................................................... 31 2) Analyse de la machiya Mumeisha ................................................................................................ 39

III- L’habitat contemporain japonais : influence, réinterprétation ou nouvelle modernité architecturale ? ................................................................................................................ 48 A. Etude de cas de maisons contemporaines japonaises ............................................................ 49 1) Moriyama House, SANAA, Ruey Nishizawa / SANAA, Tokyo, 2002-05 ........................................ 49 2) House N/A, Sou Fujimoto, Tokyo, 2007-2011 .............................................................................. 56 3) House N, Sou Fujimoto, Oita, 2008 .............................................................................................. 63 4) Maison à Murasakino, Dai Nagasaka / MEGA, Kyoto, 2000 ....................................................... 68 B. La transposition des dispositifs traditionnels dans l’architecture de la maison contemporaine japonaise .................................................................................................................................. 74 1) Les constantes de l’architecture traditionnelle ............................................................................ 75 2) Une réinterprétation formelle et théorique fait par les contemporains japonais ....................... 81 3) Déclinaisons strictement formelles des codes traditionnels de la maison japonaise .................. 86

Conclusion ........................................................................................................................ 96 Glossaire ........................................................................................................................ 100 Bibliographie .................................................................................................................. 102 Annexes ......................................................................................................................... 104

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Introduction

Ce que j’aime dans l’architecture, c’est le fait de pouvoir concevoir une nouvelle entité qui va interagir avec l’homme et son environnement. C’est ce rapport à la nature, au paysage et à l’habitat qui m’intéresse avant tout.

A l’heure actuelle, ce point de vue relationnel disparaît peu à peu dans la société occidentale. L’architecture n’est qu’urbanisation, rationalisation. Le manque de logements et l’étalement urbain sont actuellement les principaux problèmes de l’architecture. Sans négliger l’importance de ces questions, je pense que dans cette société occidentale, l’habitat est devenu comme mécanique, identique, standardisé à l’image des zones pavillonnaires. Cette rationalisation que connaît l’Europe actuellement, peut être perçue comme une perte d’identité architecturale. Beaucoup de logements sont préfabriqués, voire choisis sur catalogue. Des maisons sont créées sans une logique de bien-être, sans aucune interactivité entre l’homme et son environnement. Cet habitat ne reflète en rien une identité individuelle et surtout, de relation particulière avec son environnement et son contexte est absent. Il engendre un mode de vie clos sur lui-même, sans vie et sans interaction avec les autres.

L’architecture de la maison est donc réduite à un simple copier-coller : ce n’est plus un mode de vie sur lequel nous pouvons continuer.

C’est pour cela qu’il est intéressant de regarder ce qui se fait ailleurs. Ainsi je me suis demandée sur quelle société, quelle architecture traitent les problématiques urbaines de l’habitat, plus particulièrement en composant l’architecture de la maison à partir d’une dimension sensorielle, spirituelle et naturelle. Je me suis intéressée aux diverses civilisations qui nous entourent et me suis sentie attirée par la culture nippone. Le Japon est un archipel singulier, sur lequel je porte particulièrement mon intérêt. C’est un petit pays où se concentre tradition, modernité et de nouvelles notions avant-gardistes.

Les caractéristiques singulières de cette culture et de son architecture domestique peuvent être une amorce intéressante dans la problématique de standardisation de logements que connaissent les pays occidentaux. En effet l’architecture japonaise répond tout à fait à cette problématique d’habitat en perpétuelle corrélation entre le corps, l’esprit et la nature, et qui subit les contraintes urbaines des villes japonaises.

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L’écriture de ce mémoire est pour moi, la possibilité de découvrir, de comprendre et d’appréhender l’architecture à part entière qu’est l’architecture japonaise mais aussi de révéler une dimension cachée, inconnue en Occident.

Au Japon, l’architecture traditionnelle et la culture sont intimement liées. Elles sont issues d’une longue évolution et sont ponctuées d’emprunts divers à d’autres cultures, plus particulièrement à la société chinoise, proche de l’archipel. Néanmoins, les Nippons ont toujours su s’approprier ces traits culturels extérieurs de manière à ce qu’ils correspondent aux critères de leur culture et civilisation. La religion est un parfait exemple de ces emprunts : aux yeux des occidentaux, l’un des aspects le plus dominant du Japon est la religion bouddhiste.

Certes elle est très présente sur l’archipel mais elle a été importée de Chine au VIème siècle.

A contrario, le seul culte natif du Japon est le Shinto (shintoïsme). Considéré comme la plus ancienne croyance qui existe sur l’archipel nippon, le shinto vénère tout particulièrement le caractère sacré de la nature. Les japonais pratiquants croient en plusieurs divinités telles que le ciel, la terre, l’eau, le vent, … ce sont essentiellement des éléments naturels.

Toutefois, est-ce-que la religion bouddhiste ou shintoïste peuvent à elles seules déterminer la spatialité japonaise ? Dans le cadre de cette étude, je n’ai pu étudier longuement cette question mais il faut savoir que cette philosophie spatiale si particulière aux japonais est issue d’un syncrétisme du bouddhisme et du shintoïsme japonais. En effet, pendant plusieurs siècles2 ces deux religions ont été associées. C’est sous le gouvernement Meiji en 1868, qu’un décret de séparation a été prononcé. A l’heure actuelle, une grande majorité de japonais s’identifient aux deux cultes. En somme, ce syncrétisme a nourri principalement la philosophie spatiale nippone.

Plusieurs types d’habitat constituent l’architecture japonaise : les simples hameaux, les maisons paysannes, les maisons populaires des villes denses mais aussi les logements de la monarchie. Est-ce-que la dimension de ces typologies a un impact sur le rapport sensible de l’espace japonais ? Comment définir des dispositifs importants de l’architecture japonaise ?

Après plusieurs recherches à ce propos, j’ai décidé de cibler mon étude sur la maison populaire des villes denses de l’archipel, appelée machiya. En effet, ce type de maisons traditionnelles s’inscrit aujourd’hui et même dans des époques plus anciennes dans un contexte urbain et parcellaire extrêmement dense. Je pense que le modèle urbain des machiya a en quelque sorte conditionné le modèle de l’habitat traditionnel japonais.

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C’est à partir du VIIIème siècle, que la religion bouddhiste et shintoïste a été associées. Les temples bouddhistes étaient fréquemment construits dans l’enceinte des sanctuaires shintos. Ainsi le dieu bouddha était souvent rattaché aux divinités shintos.

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Il est important de savoir qu’une machiya est la maison traditionnelle de la ville urbaine, particulièrement présente à Kyoto. Elle est apparue à l’époque Heian (794-1185) et a évolué pendant plusieurs siècles. C’est seulement à partir de l’ère Edo (1603-1868), que la forme architecturale de ces maisons a été arrêtée. La machiya que nous allons étudier dans ce mémoire a été construite au début du XXème siècle, celle de l’époque Edo n’ayant pas résisté au temps et aux incendies.

Il m’a semblé intéressant d’étudier ce type d’habitat car il s’insère dans un tissu urbain dense et hétéroclite mais garde tout de même une dimension spirituelle et sensorielle propre à la culture japonaise. L’architecture de l’habitat japonais a cultivé une forte relation à la nature extérieure, à la culture et au corps humain. C’est en se basant sur cette relation que je souhaite étudier et montrer que l’espace japonais s’enrichit grâce à cette dimension relationnelle.

Ainsi, la machiya peut-être considérée comme l’expression spatiale de la culture japonaise. Elle témoigne des multiples évolutions architecturales, culturelles et sociales du Japon. Ce modèle architectural a parcouru l’ensemble du Japon mais il n’est pas standardisé pour autant. Les japonais ont su l’adapter aux variations climatiques d’un bout à l’autre de l’archipel. Cet habitat est le symbole par excellence des valeurs traditionnelles de la civilisation japonaise et a conditionné une certaine organisation sociale durant des siècles.

J’aimerais démontrer tout d’abord que l’architecture japonaise traditionnelle est une chose singulière, à part entière. Contrairement à d’autres architectures, elle a su développer une philosophie sensorielle qui est en perpétuelle corrélation avec les valeurs culturelles et sociales de sa société. L’architecture japonaise n’est pas quelque chose de mécanique, sans âme. Elle fait appel aux différents sens de l’homme dans le but de créer une relation spirituelle entre le corps, l’esprit et l’architecture.

Dans ce mémoire, je souhaite identifier comment l’architecture japonaise interagit avec l’homme et son habitat. J’aimerais mesurer également l’incidence des valeurs culturelles et sociales sur la production architecturale domestique traditionnelle japonaise. Comprendre par quels moyens, par quels procédés cette architecture transporte les visiteurs ? Quels sont donc ces dispositifs et quels peuvent être leurs impacts sur l’architecture japonaise ? Je m’intéresse tout particulièrement à l’architecture des machiya traditionnelles japonaises. Parce que, selon moi, une des meilleures façons de comprendre une société et son architecture passent par l’étude de son foyer : l’habitat d’une civilisation témoigne des valeurs transmises de génération en génération, d’une manière de vivre et d’habiter.

Après avoir étudié le modèle traditionnel japonais, je souhaiterais faire un comparatif entre tradition et modernité. L’architecture domestique contemporaine japonaise reprend-elle les codes de l’habitat traditionnel ? Comment ? Pour cela nous allons étudier quatre maisons contemporaines japonaises. Ces maisons, toutes construites au XXIème siècle, s’inscrivent tout

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comme les machiya traditionnelles dans des quartiers extrêmement denses et hétérogènes de l’archipel. Cependant, elles apportent un nouveau regard sur l’habitat urbain japonais.

A travers ces études, j’aimerais comprendre, comment la maison japonaise moderne compose son habitat. Quels sont les différents dispositifs appliqués ? Quelles sont les interactions créées et quels sont leurs impacts sur l’architecture de la maison japonaise ? Y a-t-il une différence entre les notions architecturales traditionnelles et les productions d’habitats contemporains japonais du XXIème siècle ? Est-ce que nous sommes face à une réinterprétation ou une reformulation de ces moyens traditionnels ? Si oui, sous quelles formes ? Est-ce-que l’habitat contemporain manipule-t-il ou propose-t-il des nouvelles typologies ? Ou s’agit d’une nouvelle proposition architecturale ?

Afin de répondre à ces questions, je me suis appuyée sur les travaux d’Augustin Berque, de Maurice Sauzet et de Philippe BONNIN sur le Japon et son architecture. Les termes définissant la spatialité japonaise traditionnelle utilisée tout au long de ce rapport sont empruntés à leurs ouvrages. De plus, j’ai complété ces recherches par l’étude de plusieurs projets architecturaux domestiques traditionnels et contemporains. Pour cela j’ai réalisé des analyses graphiques, du parcellaire et de plans de maisons qui m’ont aidé à comprendre dans un premier temps le contexte urbain de ces projets. Dans un second temps, ces analyses m’ont permis d’identifier les traits dominants de la spatialité japonaise dans les maisons traditionnelles et contemporaines. Enfin, une recherche iconographique de ces projets a été bien entendu essentielle à la compréhension de ses différents modèles d’habitats japonais.

Cette phase d’analyse fut très importante car cela m’a aidé à construire le propos de ce mémoire.

Ainsi, nous allons dans un premier temps chercher à comprendre l’origine de l’architecture traditionnelle japonaise à travers l’identification et la définition des dispositifs traditionnels spatiaux japonais. En effet, sur quelles notions et quelle philosophie se sont basés les japonais dans la conception de leur habitat ? Comment ces éléments ont-ils impacté l’architecture de la maison traditionnelle ?

Dans un second temps, il me semble important d’identifier certaines normes conventionnelles de la maison japonaise. Bien que nous verrons que celle-ci ne peut être un modèle type de par son attachement et son interaction avec son environnement, il existe des points architecturaux récurrents dans la conception de l’habitat japonais. Il s’agira de comprendre par quels moyens physiques sont travaillées les notions philosophiques japonaises traditionnelles étudiées précédemment.

Nous verrons également que l’architecture domestique japonaise traditionnelle est fortement liée à la culture nippone et à sa pratique. Ainsi la maison n’est pas un simple objet

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architectural et spatial. Celui-ci se décline aussi comme un lieu conventionnel, où des espaces sont liés à une pratique précise et à une manière d’habiter très singulière.

Par la suite, l’analyse d’une maison traditionnelle nous permettra de compléter cette approche de la maison conventionnelle et de mieux comprendre comment ces dispositifs sont mis en application. Cette analyse nous servira également plus tard de référence en matière de logement traditionnel japonais.

Enfin dans un troisième temps, j’ai cherché à démontrer l’existence de dispositifs constants entre architecture traditionnelle et contemporaine. Il est de plus en plus difficile aujourd’hui avec la mondialisation de garder une identité propre à sa culture. Le Japon ne déroge pas à la règle et ces dernières années nous assistons à un chamboulement des codes sociaux japonais, fortement influencés par la société occidentale. Que se passe-t-il dans l’architecture domestique contemporaine japonaise ? Comment les architectes contemporains nippons composent-ils avec leurs cultures et ces influences multiples ?

J’ai choisi d’analyser quatre maisons contemporaines japonaises dont la Moriyama House réalisée par l’architecte contemporain japonais Ruey Nishizawa, l’un des fondateurs de l’agence SANAA. Celle-ci a été construite en 2005 à Tokyo. Puis nous verrons deux projets de l’architecte japonais Sou Fujimoto : la House N/A construite à Tokyo en 2011 et la House N réalisée en 2008 à Oita. Enfin, dans un registre moins expérimental, une réalisation de Dai Nagasaka, la maison à Murasakino construite à Kyôto en 2000.

Pour cela nous allons tout d’abord étudier quatre maisons contemporaines japonaises.

Ces analyses nous permettront de comprendre quels sont les dispositifs architecturaux aujourd’hui utilisés et l’éventuelle place des notions architecturales traditionnelles dans ces réalisations.

Ensuite, nous analyserons quelles sont les constantes traditionnelles dans l’architecture contemporaine japonaise. Nous mesurerons l’impact ou non de ces notions dans la société japonaise actuelle. Nous verrons quels liens les architectes contemporains entretiennent-ils avec cette philosophie architecturale. Utilisent-ils ou non ces codes traditionnels dans leur architecture ? Existe-t-il une transposition de ces dispositifs dans l’habitat contemporain, une constance ou même une réinterprétation ? Qu’est-ce-que les Japonais ont intégré à l’espace moderne occidentale ? Ou est-ce qu’ils ont inventé leur propre modernité ?

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I - Concepts de la spatialité japonaise

La civilisation japonaise a adopté depuis des siècles une vision singulière de l’espace, propre à sa culture et à ses savoir-faire. Cette sensibilité spatiale fait appel à une philosophie traditionnelle très codifiée. Aux antipodes de la culture occidentale, elle associe des idéogrammes issus du syncrétisme bouddhiste et shintoïste à des configurations spatiales.

Afin de comprendre son fonctionnement, il me semble dans un premier temps nécessaire de définir et d’analyser ces différents dispositifs traditionnels spatiaux qu’utilisent les japonais dans leur vie quotidienne. Cette philosophie architecturale nippone se base sur cinq thématiques que sont : le Ma, l’Oku, l’En et l’Omote/ l’Ura, le Hare/le Ke.

A. Ma : intervalle d’espace-temps

Ma définit le rapport relationnel que partagent les japonais entre eux et avec leur habitat. Il définit le rapport qu’il peut y avoir entre un espace (bâti ou non) et le corps humain.

Cette notion est le premier élément constitutif de la maison traditionnelle. Elle a pour but de faire interagir l’Homme et son habitat. C’est pour cela qu’au Japon, l’Homme s’identifie intensément avec sa maison.

L’idéogramme ma se décline sous différentes significations. Il est utilisé dans l’archipel comme une unité de mesure (ma = 1ken = 1,80m). Il peut marquer un temps de pause dans une chanson ou une danse traditionnelle. Il peut ainsi désigner une pièce dans la maison traditionnelle. En architecture, ma matérialise un intervalle dans l’espace et le temps. Il les fusionne pour obtenir une attraction relationnelle entre ces deux polarités.

Cet intervalle n’est pas neutre. Il est chargé d’une énergie, de valeurs et d’intentions. Les japonais appellent cela ki, ce qui signifie «le souffle vital»3. Ma va se lier à deux espaces, deux objets ou deux corps dans le but de créer une relation entre eux. Il va déclencher une énergie singulière et ainsi révéler une sensation, un rythme particulier dans l’espace. Ma représente un élément soit physique (matériel, architectural) ; soit spirituel (la pensée, l’imaginaire, l’émotion). Il se matérialise comme une entité à part entière qui existe entre deux choses. Il peut se manifester par un lien relationnel entre deux personnes (Futari no ma), ou plus concrètement en un espace vide ou en un espace architectural donné.

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BERTHET-BONDET Isabelle, 20 Maisons nippones - Un art d’habiter les petits espaces, Marseille, Edition Parenthèses, 2010

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Dans la composition de la machiya traditionnelle, ma accompagne plusieurs notions. L’une est roku jô ma, il désigne la pièce de six tatamis. L’autre notion, celle qui nous intéresse le plus est sa dimension spatiale. Ma reflète l’espace vide nécessaire à l’imagination. Il peut être défini comme une épaisseur latente (invisible) qui traduirait une connexion, une sensation entre deux espaces. Il exprime une relation plutôt qu’un élément physique.

Ce dispositif d’intervalle est particulièrement visible dans le naka niwa4, l’espace planté de la maison traditionnelle. Ce jardin reprend les codes de la nature en miniature japonaise5. Ce vide naturel propose au visiteur un temps de pause et rythme par la même occasion la maison.

Il se base sur les mouvements de la nature. Le vide du naka niwa est assimilé à une pause où l’on peut contempler le temps qui passe et admirer la transition entre chaque saison. Comme si le récepteur qui se trouve dans cet intervalle, était transporté vers un autre monde. Dans ce lieu, ma va interagir avec la perception de l’homme et son imaginaire.

Ma crée un microcosme propre à l’individu présent. Il lui permet de sentir les signes de l’éphémère, l’émotion de la beauté ou de la tristesse…

Figure 1 : Plan et coupe de la Machiya Shiori an, Kyôto - Ma se matérialise par un microcosme propre à chaque individu.

(Source : BERTHET-BONDET Isabelle, 20 Maisons nippones - Un art d’habiter les petits espaces, Marseille, Edition Parenthèses, 2010) (Document réalisé par Alice HOARAU)

Pour les Japonais, la vision de l’espace est automatiquement liée à l’écoulement du temps. Ils associent le geste au lieu. Autrement dit, la spatialité japonaise doit faire appel aux mouvements du temps pour exister. Ainsi l’espace du genkan 6 , se définit-il en fonction du temps. Selon l’ouvrage d’Isabelle Berthet Bondet le genkan peut être considéré comme un lieu,

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Naka niwa : micro-jardin intérieur permettant aux occupants de contempler le temps qui passe Le jardin traditionnel japonais est fondé sur trois grands principes : la reproduction de la nature en miniature, le symbolisme et la capture de paysages. La reproduction en miniature permet de représenter différentes scènes (les montagnes, les lacs, les rivières, ...) dans un espace restreint. Le jardin japonais se doit d’être simple. Le symbolisme est lié au travail de simplification. La capture de paysages fait appel à des éléments extérieurs au jardin (bâtiments, collines, mers) pour sa composition.

6 Genkan : Vestibule d’entrée dans la maison traditionnelle 5

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un moment (lieu de rituel d’entrée et d’accueil). L’idéogramme ma s’exprime de différentes manières en fonction des sensations voulues ou non. On parle alors d’un rapport au vide. A titre d’exemple, les vides créés entre chaque pas japonais reflètent un rythme et ainsi transmettent des sensations. Dans un rapport au sol, la vitesse se traduit par le rapprochement des pas alors qu’en accentuant les intervalles entre chaque pas, cela donnera une sensation de lenteur.

Ma définit une épaisseur, un intervalle latent qui est nécessaire à l’imagination et à la liberté d’espace. Ce vide crée une relation singulière entre deux entités et l’homme. Ce dernier va avoir le pouvoir de se transporter dans un nouvel univers. La création de ce microcosme, engendre une perte de repères, de toute notion spatiale et temporelle.

B. Oku : la profondeur

L’idéogramme oku est un terme désignant la profondeur, le fond des choses sacrées.

Principalement utilisé dans la religion shintoïsme7, ce terme reflète à la fois une dimension religieuse, sacrée et une dimension spatiale cachée.

Pour les Nippons, l’aspect religieux est une chose « secrète », cachée. Ainsi, les sanctuaires religieux nippons sont dissimulés au centre d’un épais bois sacré. Il faut parcourir les profondeurs de tout un cheminement pour s’y rendre.

Figure 2 : Plan de masse d’un sanctuaire Shinto situé au sud de Kyoto (Document réalisé par Alice HOARAU)

Au-delà de l’aspect religieux, la notion oku matérialise une chose cachée située dans les profondeurs un lieu. Coutumier des dimensions cachées, les Japonais utilisent la profondeur d’oku pour dissimuler les choses sacrées. Cette profondeur peut être physique ou non mais elle provoque une perte de repères chez son visiteur. Nous le retrouvons tout particulièrement dans la conception de la machiya traditionnelle nippone.

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Shintoïsme ou le Shinto qui signifie « la voie des dieux » ou « la voie du divin », est une ancienne croyance native du Japon. Reconnue comme la plus ancienne religion japonaise, elle vénère plusieurs divinités, celles-ci sont essentiellement des éléments naturels (ciel, terre, eau, vent…)

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Le contexte géographique des villes japonaises ajoute une contrainte supplémentaire dans l’agencement des maisons traditionnelles. De taille rectangulaire, elles sont construites en mitoyenneté, alignées à la rue et possèdent chacune un petit jardin, ou un espace non construit en fond de parcelle. L’idée d’oku est de manipuler l’architecture domestique de sorte à créer une profondeur suffisante dans le but d’augmenter la sensation d’espace. Ainsi, oku va s’associer au ma (espace-temps japonais) pour créer un cheminement en perpétuel mouvement.

En architecture, oku constitue un parcours. Celui-ci est composé d’une multitude de séquences accolées les unes aux autres sans aucune cohérence. Néanmoins, chacune d’entre elles nourrit singulièrement ce cheminement par son identité propre. Chaque séquence existe pour elle-même, avec sa logique propre dans sa relation avec les espaces attenants, cependant il ne définit pas un ensemble. Ce qui confirme la philosophie japonaise qui privilégie toujours le cheminement à la destination. L’espace japonais se vit et s’appréhende en mouvement.

Oku sculpte le corps interne de la machiya mais elle ne définit pas sa fonction.

Physiquement dans la maison japonaise, oku concrétise un cheminement spirituel de l’entrée de la maison jusqu’au jardin du fond, l’oku-niwa. Il met en scène un parcours qui tend vers un imaginaire et provoque chez le récepteur une perte de repères, une rupture avec le monde extérieur.

Figure 3 : Schéma explicatif du parcours oku dans une machiya traditionnelle

Plan du rez-de-chaussée, Machiya Hata, Kyôto

(Source : BERTHET-BONDET Isabelle, 20 Maisons nippones - Un art d’habiter les petits espaces, Marseille, Edition Parenthèses, 2010) (Document réalisé par Alice HOARAU)

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C. En : la coexistence

Contrairement à l’architecture occidentale, l’espace japonais n’est pas un parcours progressif d’un élément identique à un autre. Il puise sa force dans cette hétérogénéité continue. La notion d’en définit l’espace intermédiaire entre deux polarités. Dans l’architecture de la maison japonaise, en désigne des espaces transitoires, qui sont soit physiques soit psychologiques.

Ce terme met en connexion des éléments en intégrant les notions de simultanéité et de coexistence. En s’accorde sur la coexiste d’entités à la fois opposées et complémentaires dans le but de créer un prolongement harmonieux.

Si l’on pouvait matérialiser en, il serait reconnu comme un espace médiateur à part entière. Plus concrètement, c’est comme si un élément A était en corrélation avec un élément B. Les deux entités participent à la création d’un troisième espace, qui est l’espace médiateur.

Néanmoins n’appartenant ni à l’un ni à l’autre. Cet Figure 4 : Schéma explication du propos cicontre (Document réalisé par Alice HOARAU) intermédiaire peut être soit abstrait soit concret.

Au Japon, une des plus récurrentes formes de transition consiste à éviter d’entrer dans un espace de manière directe. Pour cela, généralement, ces espaces transitoires s’identifient par une différence de niveau, de matériaux.

La maison japonaise est dotée de plusieurs de ces dispositifs tels que l’engawa 8 qui connecte tout en séparant l’intérieur de l’extérieur. Située tout autour de la maison, cette véranda périphérique est entièrement couverte indépendamment de la toiture principale. Le sol est en bois, généralement utilisé pour les espaces de déambulation. L’engawa longe les pièces de vie de la machiya. Ils sont séparés uniquement par des shoji9.

Cette galerie en bois donne une impression de prolongement de l’espace intérieur vers la profondeur Figure 5 : Engawa : véranda périphérique de du jardin. Elle établit une transition entre l’intérieur et la maison japonaise l’extérieur.

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Engawa semi-ouverte : véranda périphérique de la maison traditionnelle japonaise Shoji : Parois coulissantes faites d’un fin treillis de bois et de papier de riz

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Les Japonais ont cultivé pendant des siècles une relation à part entière à l’espace et à son environnement. A travers ces trois concepts spatiaux sensoriels, nous pouvons voir de quelle manière la société japonaise a su développer un univers singulier dans le fonctionnement et surtout dans la composition de leur habitation. Celle-ci peut paraître uniforme, sans doute en raison de l’absence de distribution permanente ou de mobiliers.

Néanmoins, l’architecture japonaise est extrêmement codifiée. De ce fait, l’espace intérieur de l’habitat traditionnel japonais s’organise sur un système de hiérarchisation gradué.

Pour réguler cette organisation, les japonais font appel à quatre dispositifs formant deux couples d’opposition. Il s’agit de l’omote et de l’ura, du hare et du ke.

D. Omote/ ura et hare/ke : un système de mise à distance

Les notions d'omote/ ura et hare/ke définissent en les nuançant les rapports entre deux choses ou deux parties d'une chose, les interfaces. Le terme omote désigne la face, la façade ou encore l’extérieur de la maison, il dévoile l’aspect externe des choses. Inversement, la notion d’ura détermine une face dissimulée, située en profondeur (oku), à l’abri des regards. Elle illustre le sens du caché des Japonais.

Ces termes portent aussi une dimension psychologique. Omote paraît positif mais il peut être vu comme quelque chose d’artificielle. Quant à l’ura, il représente un côté plus négatif10.

Dans le second rapport, nous avons hare. Ce terme exprime ce qui est officiel, manifeste, public. Il s’oppose à la notion de ke, qui révèle une dimension plus intime, privée, informelle, usuelle.

Dans la philosophie japonaise, chaque élément est pensé avec son contraire : cette conception applique la symbolique du yin et du yang.

Ces dispositifs spatiaux mesurent le degré d’importance de chaque espace présent dans la maison japonaise. Les divers espaces qui constituent la machiya traditionnelle sont agencés selon leur degré d’ura ou d’omote et de hare ou de ke. C’est-à-dire, la position de chaque espace varie en fonction de leur niveau d’intimité ou non ainsi que de leur niveau d’importance.

L’habitat japonais est hiérarchisé selon un système de gradation. La spatialité japonaise crée un cheminement progressif de l’entrée (genkan) jusqu’au jardin du fond (oku-niwa). Ainsi les espaces correspondent respectivement au degré maximal d’ura et de ke.

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BERQUE Augustin, Vivre l’espace au Japon, PUF, 1982 (p. 135)

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Figure 6 : Schéma hypothétique de la gradation d’omote/ hare et d’ura/ ke, des différents espaces présents dans la maison traditionnelle japonaise.

(Document réalisé par Alice HOARAU)

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E. Uchi : une sphère collective

Le mot uchi est généralement utilisé avec son contraire, soto. Uchi marque le dedans et soto signifie dehors.

Hormis cette définition, uchi est utilisé par les Japonais pour d’identifier le concept d'interdépendance et de reconnaissance dans un groupe. Un système qui reflète l’un des traits culturels majeurs de la société japonaise. Elle est entièrement organisée sur ce système d’identification collective. Les sphères sociales, professionnelles ou familiales constituent des groupes mais ils n’interagissent pas les uns avec les autres. Au sein de ces sphères, la notion de collectivité se substitue à l’individualisme.

Cette identité commune est primordiale pour les japonais. La sphère familiale japonaise en est le parfait exemple. Un uchi s’apparente à une cellule identitaire, où « un sujet se distingue mal des siens, on y a peu conscience de l’indépendance des individus »11.

Dans le domaine domestique nippon, cette cellule uchi se matérialise par l’habitat, au sein duquel, on retrouve un système hiérarchique strict, avec à sa tête le chef de famille qui possède tout autorité sur sa maison. La conscience de la cellule collective prend le pas sur l’individualité de l’homme.

Dans la composition spatiale de la machiya traditionnelle, la notion d’intimité est parfois oubliée. Les éléments de séparation des espaces sont si légers et amovibles (shoji12), que pour nous, occidentaux, nous aurions l’impression être envahi.

Nous venons de voir sur quelle notion la société japonaise a bâti son espace d’habiter.

Les concepts spatiaux énumérés dévoilent deux grandes familles, à savoir : les dispositifs spatiaux sensoriels (ma, oku, en) et les dispositifs hiérarchiques (omote/ ura, hare/ke et uchi).

Ces entités donnent une identité, un rythme et une singularité à l’architecture japonaise, mais comment ces dispositifs ont-ils été mis en application dans les maisons de type traditionnels ?

11 12

BERQUE Augustin, Vivre l’espace au Japon, PUF, 1982 (p. 151) Shoji : Parois coulissantes faites d’un fin treillis de bois et de papier de riz

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II - La Machiya japonaise traditionnelle : des dispositifs spatiaux en accord avec ces valeurs culturelles et sociales

Le Japon comprend cinq types de bâtiments remarquables : les portes, les sanctuaires shintô, les monastères bouddhistes, les pagodes et enfin l’habitat.

L’architecture domestique traditionnelle japonaise est un modèle d’une remarquable homogénéité, reconnaissable dans les limites strictes du Japon. Influencé par les territoires voisins tels que la Chine, elle témoigne surtout de l’évolution des valeurs sociales et culturelles propre aux japonais. On pourrait dire que l’habitat traditionnel nippon est sans aucun doute l’expression spatiale d’un art de vie exclusivement japonais.

La maison japonaise est touchée dans son évolution par deux grands événements : l’introduction du bouddhisme dans les techniques de construction des temples (composition architecturale : débord de toiture, ossature bois) et la réalisation du premier modèle de ville fixe du Japon à l’image des villes chinoises, à la fin de VIIème siècle et au début du VIIIème siècle.

Cependant, l’habitat japonais par excellence, n’est pas un objet standardisé. Chaque maison se compose de manière singulière, unique, suivant le désir et le statut des occupants. Cela ne signifie pas pour autant qu’elle ne soit pas constituée à partir d’éléments devenus communs.

Quels sont donc les standards de la maison traditionnelle ? Comment sont mis en application les dispositifs spatiaux étudiés précédemment dans ces maisons ?

Dans cette partie, nous allons essayer d’identifier les différents éléments qui constituent la maison traditionnelle japonaise. Nous verrons aussi de quelle manière les valeurs culturelles et sociales étudiées auparavant sont appliquées.

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A. La composition architecturale de la maison populaire japonaise :

1) Une composition singulière

La maison traditionnelle japonaise se compose de plusieurs éléments accolés. Le corps principal du bâtiment, appelé moya, englobe tout l’espace de vie intérieur. S’ajoute à cela, à chaque extrémité, un long appentis couvert de planches, appelé hisashi. Il vient protéger l’ensemble du corps principal des intempéries et des aléas climatiques. Enfin, un cheminement, appelé toriniwa, longe entièrement la parcelle et permet de relier la rue au jardin du fond.

La somme de tous ces éléments va donner naissance à l’architecture typique de la machiya, « la maison de ville bourgeoise, au premier sens, par excellence celles des marchands de l’époque Figure 7 : Schéma explicatif de la disposition des différents éléments qui compose une machiya Edo. »13 (Document réalisé par Alice HOARAU)

Le cœur de la maison est protégé par les espaces transitoires et les éléments intermédiaires tels que l’engawa, la véranda située au sud de la maison, reliant l’extérieur et l’intérieur, très présente dans les régions sud du Japon. Ces éléments transitoires sont totalement ouverts tout au long de l’année. Selon moi, l’architecture japonaise de la machiya s’apparente à une architecture tropicale. Elle reprend les mêmes caractéristiques architecturales que celle-ci, tel que l’engawa ouvert qui ressemble par définition à une varangue, qui prolonge l’espace de vie intérieur vers l’extérieur ; ainsi que les débords de toiture qui viennent protéger l’intérieur.

Néanmoins, au nord de l’archipel, dans les régions qui connaissent un fort enneigement, la forme architecturale varie. « La lourde structure des habitations du Kantô n’a rien à voir avec la légèreté de celle du Kansai »14. Dans ce cas, on retrouve toujours le corps principal, moya, entièrement entouré d’une seconde peau pour protéger le cœur contre la neige.

13

BERTHET-BONDET Isabelle, 20 Maisons nippones - Un art d’habiter les petits espaces, Marseille, Edition Parenthèses, 2010 14 BERQUE Augustin, Dictionnaire de la civilisation Japonaise, Paris, Hazan, 1994

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Il n’existe pas qu’un seul type de machiya japonaise. Elle se décline sous différentes formes mais chacune d’entre elles prend en considération l’environnement d’implantation, le principe de disposition spatiale et surtout les valeurs culturelles propres à leur société. De plus, la conception d’une machiya dépend aussi du statut économique et social des occupants.

Cependant, elle garde tout de même une organisation plus ou moins identique, comme l’illustre la disposition des espaces, Figure 8 : Schéma explicatif de la disposition spatiale hypothétique de la machiya où l’on accueille les visiteurs.

(Document réalisé par Alice Hoarau)

On rentre dans le genkan (le vestibule de la maison en terre battue), puis on passe à l’espace planchéié où l’on échange les salutations et enfin on entre dans la salle de réception, appelées zashiki avec son tokonoma15.

2) Les éléments constructifs de la machiya traditionnelle

Dans son organisation, la maison s’appuie sur une juxtaposition d’espace horizontal. Elle s’étend généralement sur deux niveaux. Sa structure légère, elle est posée sur des fondations semi-enterrées. Ces dernières restent superficielles et ne servent qu’à surélever la maison. Sur ces pierres est simplement posé un châssis en bois horizontal, appelées dodai. Il est de même section que les poteaux qui viendront s’appuyer dessus. Le dodai va donc reprendre les charges de l’ensemble de l’ossature bois (la toiture, l’ossature et le plancher) et va les transmettre aux fondations.16

L’architecture domestique nippone s’adapte aux aléas climatiques du Japon. Elle est essentiellement construite avec des matériaux végétaux tels que le bois et le chaume. Etant la matière première du Japon, le bois représente un atout économique, du fait de son abondance, de sa rapidité de mise en œuvre et de son rapport spirituel avec les japonais. Dans le monde bouddhiste, la nature n’est pas considérée comme un corps à combattre, à conquérir ou à maîtriser mais au contraire c’est une matière avec laquelle il est essentiel de composer.

15

Tokonoma : niche ou alcôve, espace sacré de la maison traditionnelle japonaise, toujours ornée d’arrangement floral et d’un tableau.

16 Se référer à l’annexe 1 : Coupe transversale de la maison traditionnelle, p. 105

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Des confréries de charpentiers, appelées Za, sont considérées comme les maîtres d’œuvre de la maison japonaise 17 . Ils sont chargés de la réception de la commande à la réalisation en passant par l’élaboration des plans. Le contexte climatique et sismique du Japon, a engendré de nombreuses destructions qui ont contraint les concepteurs nippones à standardiser quelques éléments de charpente pour la rénovation ou même aider à la reconstruction dans les plus brefs délais. Pour cela l’élaboration d’un système constructif standardisé basé sur un module fixe est nécessaire. On utilise le tatami comme unité de mesure. Ainsi, le nombre de tatami va définir le plan et la dimension des espaces. Ce qui va simplifier le système constructif en poteau-poutre des maisons japonaises.

Figure 9 : l’unité de mesure au Japon est ma. Ma est égale à 1ken soit 1,80m. Cette unité de mesure a été appliquée au dimension du tatami.

(Document réalisé par Alice Hoarau)

Pendant plusieurs siècles, la conception de la maison traditionnelle se basait sur deux

techniques constructives. D’une part on avait les murs porteurs par empilage de pièces de bois, appelées azekura-zukuri, souvent utilisés pour l’élaboration des greniers (lieu de stockage).

D’autre part, plus reconnue et utilisée jusqu’à aujourd’hui, on retrouve la construction en poteau-poutre. L’intervalle des poteaux est bien sûr déterminé par le module standard régulant l’ensemble du plan : ma. Ma correspondrait à 1 Ken 18 , c’est-à-dire environ 180 centimètres, ce qui est égal à la longueur d’un tatami. Ce système constructif garantit un squelette léger, rapide à mettre en œuvre et permet ainsi la création d’un plan libre.

La société japonaise est coutumière des différences de niveau dans le but d’éviter d’entrer de manière directe de la rue à l’intérieur de la maison, comme nous l’avons vu précédemment. Ainsi, dans la maison traditionnelle on retrouve systématiquement le système de plancher surélevé. Dans l’agencement de la maison japonaise, c’est la nature du sol qui structure et hiérarchise les différents espaces intérieurs mais pas les partitions. C’est ainsi qu’on peut distinguer trois types de sol dans l’habitat japonais.

17

PEZEU-MASSABUAU Jacques, La maison Japonaise : Standardisation de l’espace habité et harmonie sociale, Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 32ᵉ année, N. 4, 1977.

18 Ken : une ancienne unité de longueur valant 1,818 m.

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Le premier, appelé doma, signifie littéralement terre pour la syllabe do et espace pour ma . Il désigne le niveau du sol extérieur fait en terre battue. Il sert habituellement d’espace transitoire entre l’extérieur et l’intérieur de la maison. Le second, correspond à itanonia, qui est surélevé légèrement de 15 à 30 centimètres par rapport au doma. Il est composé d’un plancher en bois épais cloué sur la structure planchéier au-dessus des fondations. Ce plancher est généralement utilisé pour les espaces de déambulation ou de franchissement comme l’engawa. Enfin, le dernier plancher est le tatami20. Encore surélevé par rapport au itanonia, le tatami recouvre l’ensemble des pièces intérieures de la machiya. Il symbolise la maison japonaise. Traditionnellement, selon le nombre de tatami présent dans une pièce on peut obtient le nom de celle-ci.

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Figure 10 : Les trois types de sol présents dans la machiya : Respectivement le Doma, l’Itanonia et le Tatami (Se référer à l’annexe 2, p. 106)

Contrairement aux occidentaux, les pièces ne sont pas cloisonnées. La partition des espaces est composée par la structure poteau-poutre et par des éléments mobiles. Dans un cas théorique idéalement, pour les Japonais l’orientation nord-sud est habituellement utilisée.

Dans le cas de certaine machiya japonaise, on peut remarquer qu’une grande partie de la façade est prédestinée à être ouverte, notamment la totalité de la façade sud et une petite partie des façades ouest et est. Pour ce faire, des méthodes architecturales ont permis de créer cette régulation des ouvertures. Il s’agit de panneaux amovibles qui coulissent entre les fines rainures aux sols situées entre chaque poteau, appelé fusuma à l’intérieur, elles sont opaques.

On retrouve ce même dispositif sur les extrémités des maisons avec les shoji, qui sont situés entre l’espace intérieur et l’engawa. Ces dispositifs donnent une totale liberté dans l’agencement spatial des pièces de vie japonaise.

19

BERTHET-BONDET Isabelle, 20 Maisons nippones - Un art d’habiter les petits espaces, Marseille, Edition Parenthèses, 2010 20 Tatami, dimension de 180 cm sur 90 cm, pour une épaisseur d’environ 6 cm.

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Enfin, les maisons japonaises sont fermées par une imposante toiture. Considérée comme une masse, elle se pose sur le squelette en bois de la maison. Ainsi, elle vient assurer la stabilité de tout l’ensemble. Leur structure est légèrement différente des charpentes occidentales, l’assemblage de la ferme se fait par empilage. L’ensemble de la toiture est recouvert de chaume ou de tuiles.

En somme, la maison traditionnelle japonaise n’est pas un objet standardisé mais sa composition est issue d’un savant mélange entre valeurs culturelles et sociales et une adéquation spatiale de l’architecture à son environnement. Au fil du temps, la maison japonaise a développé une manière de faire commune à chaque machiya.

B. Une manière d’habiter :

L’habitat japonais est lié à sa culture mais aussi à sa pratique. Ces coutumes ont conditionné l’aspect de la maison traditionnelle et ont surtout engendré une manière d’habiter très singulière. A travers ce paragraphe, nous allons identifier quelles sont ces pratiques et comprendre leur impact sur l’architecture traditionnelle nippone.

1) La position surbaissée

Le fait de s’asseoir par terre n’est en rien spécifiquement japonais. Cette position tire sa particularité du fait que ce soit devenu au fil des siècles une habitude présente dans tout l’archipel. La position surbaissée définit une attitude de l’homme à vouloir se mettre à un niveau plus bas que le niveau normal. Cette manière de s’asseoir par terre a développé chez les japonais un nouveau point de vue sur l’espace.

Les japonais en ont fait une habitude, une coutume, qui reflète leur manière d’habiter.

Ils ont instauré au fil du temps tout un rituel qui prend en compte le degré d’officialité du moment ou même le sexe de la personne concernée. Cette position surbaissée a conditionné l’ensemble de la maison traditionnelle. De nombreux éléments comme l’aménagement du jardin, la hauteur des plafonds, la dimension des fenêtres se sont calqués sur ce trait singulier.

En effet, l’horizon des jardins est surbaissé tandis que les fenêtres sont positionnées à moins de 30 ou 40 cm du sol.

Le statut social de l’homme n’entre plus en compte. Cette position assise au sol implique la réduction des mouvements de l’individu et crée une rupture avec le monde extérieur. « La position debout est presque incongrue dans certaines pièces de la maison et n’est tolérée que pour se déplacer. »21

21

BERQUE Augustin, Dictionnaire de la civilisation Japonaise, Paris, Hazan, 1994

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2) La maison de l’homme

On retrouve comme une confusion entre la maison et la famille. Au Japon, la sphère familiale nippone se matérialise en l’habitat mais comme beaucoup de civilisations, l’autorité stricte de cette sphère est représentée par le père et le rôle de la femme reste cantonné aux corvées domestiques (nourriture, habillement, nettoyage, éducation…). « La femme doit le respect au père avant le mariage, au mari une fois épousé et au fils une fois veuve »22. Au sens littéral, la maison japonaise n’appartient qu’à l’homme.

Dans l’architecture traditionnelle, la place de la femme est relayée à la cuisine, daidokoro. L’espace y est le plus rudimentaire de toute la maison. Le sol est en terre battue et est physiquement séparé des autres espaces surélevés de la maison.

L’espace consacré aux femmes est disposé au fond de la maison, appelé okusan23, littéralement « la personne du fond ». Cela agit donc sur la disposition spatiale de la maison japonaise. De ce fait, cette vision d’infériorité est peut-être une réponse supplémentaire sur l’agencement des différentes hauteurs de plancher des maisons japonaises. Même si l’espace de la maison traditionnelle est totalement libre et qu’il n’y a pas de pièces prédéfinies, cloisonnées, on retrouve tout de même une notion de cloisonnement psychologique.

La culture nipponne tient une place importante dans la vie de tous les jours. Ces valeurs hiérarchiques influent irrévocablement sur la façon d’habiter des japonais. Ils agissent surtout sur l’architecture domestique de l’archipel et influencent la manière de construire les habitats.

Afin de mieux comprendre les différentes pratiques japonaises au sein de la maison traditionnelle, nous allons par la suite analyser une maison de ville traditionnelle, située à Kyôto. Cette étude, nous apportera aussi une meilleure compréhension sur l’application des dispositifs vus précédemment.

Figure 11 : Cinq hommes se relaxant autour d'un hibashi, par Katsukawa Shunsho

22 23

BERQUE Augustin, Dictionnaire de la civilisation Japonaise, Paris, Hazan, 1994 BERQUE Augustin, Dictionnaire de la civilisation Japonaise, Paris, Hazan, 1994

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C. Etude de cas d’une maison traditionnelle japonaise : la Machiya Mumeisha, Kyôto, 1909

1) Analyse urbaine

Figure 12 : Façade principale de la Machiya Mumeisha, Kyôto, 1909

La Machiya Mumeisha est située dans la région de Kansai, au sud-ouest de Tokyo, à Kyôto. Elle se trouve dans l’un des plus dynamiques quartiers de Muromachi. Construite en 1909, cette maison traditionnelle appartient à la famille Yoshida, famille d’artisans et de commerçants. La maison se trouve dans un quartier très hétérogène.

On a une grande disparité dans l’épannelage du quartier qui varie du rez-de-chaussée à des hauteurs de plus de huit étages : on a un rapport d’échelle d’un extrême à l’autre.

Cette coexistence hétéroclite résulte d’une « urbanisation spontanée » 24 que l’on retrouve facilement dans la silhouette urbaine du quartier.

Le contexte économique et social du Japon est en perpétuelle mutation. La démographie nipponne connaît une augmentation fulgurante et la Figure 13 : Coupe schématique du tissu urbain population reste concentrée en zone urbaine.

(Document réalisé par Alice Hoarau)

24

BERQUE Augustin, Dictionnaire de la civilisation Japonaise, Paris, Hazan, 1994

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Figure 14 : Analyse graphique du tissu urbain, plan de situation de la Machiya Mumeisha, Kyôto, 1909 (Document réalisé par Alice Hoarau)

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A contrario, les frontières de l’archipel ne s’accroissent pas, du fait de son isolation géographie.

Ainsi les villes japonaises sont surchargées. Ces villes côtoient des formes, des tailles, des typologies architecturales de toutes sortes, dans une forte densité et une proximité extrême, sans aucune cohésion.

Cependant dans ce cas présent, la Machiya Mumeisha s’inscrit dans un tissu urbain à l’apparence organisée. On distingue une tentative d’agencement urbain. Une première phase consiste en un découpage du tissu en damier. Chaque îlot s’organise dans un carré de 120 m, puis, une seconde phase, vient le morceler en de fines et étroites parcelles disposées plus ou moins aléatoirement. Enfin, on assiste à une troisième phase, où coexistent une multitude de formes architecturales hétéroclites.

Figure 15 : Analyse graphique du tissu urbain, plan schématique et hypothétique de l’évolution

du tissu urbain (Document réalisé par Alice Hoarau)

Dans ce cas présent, la machiya Mumeisha s’inscrit réellement dans un îlot disparate où il y a une forte mixité en terme d’échelle et de forme architecturale. Le tissu urbain ne répond à aucune règle urbaine ce qui engendre et accentue ce phénomène d’urbanisation spontanée.

Le découpage parcellaire se fait aléatoirement. L’îlot dans lequel s’inscrit la machiya Mumeisha est composé d’une multitude de formes parcellaires disparates accolées les unes aux autres.

Nous pouvons à peine déceler les limites parcellaires de certains bâtis.

Néanmoins, nous pouvons constater qu’une majeure partie du parcellaire reprend une forme étroite et allongée. Ces parcelles rectangulaires accueillent principalement des habitations individuelles ou collectives. Pour la plupart de ces habitations, la limite parcellaire se marque par un front bâti qui joue le rôle de barrière entre l’espace public de la rue et l’espace intime de la maison. Cette composition frontale s’est adapté à tout type d’architecture (traditionnelle et contemporaine). Nous pouvons penser que cette spontanéité urbaine et son dimensionnement parcellaire aléatoire a conditionné la composition architecturale de ces habitations. L’habitat traditionnel en est le premier témoin.

De plus, on peut voir un fort contraste entre la densité des îlots et le tracé routier. Les rues y sont compressées ce qui accentue l’impression d’une forte proximité entre les bâtiments.

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Figure 16 : Analyse graphique du tissu urbain, plan de situation de la Machiya Mumeisha et son découpage parcellaire (Document réalisé par Alice Hoarau)

Figure 17 : Analyse graphique du tissu urbain, plan de situation, repérage des parcelles rectangulaires correspondant à des habitations (Document réalisé par Alice Hoarau)

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Figure 18 : Analyse graphique du tissu urbain à l’échelle de la rue - Plan au 1/1000° - Epannelage du bâti présent dans la même rue que la Machiya Mumeisha (Document réalisé par Alice Hoarau)

La Machiya Mumeisha se trouve dans une rue à sens unique d’environ six mètres de large. Sa dimension permet aux usagers de circuler en voiture ou à pied. Le stationnement est ici autorisé mais ce dernier prend le pas sur l’espace dédié aux piétons. Néanmoins, l’espace dédié aux piétons n’est que délimité par une bande blanche continue au sol. Il n’y a ni de trottoir ni de bordure qui puisse garantir une transition entre les véhicules et les passants. On retrouve plus l’idée d’une rue rurale, seuls des tracés au sol régulent l’espace routier.

Ce zoom permet d’identifier à la fois la disparité des programmes et leur hauteur. On constate qu’au sein même d’une rue la typologie des bâtiments est différente. Les hauteurs varient du rez-de-chaussée au R+7 et correspondent à différents programmes. On y trouve des maisons individuelles, des immeubles d’habitation, des centres commerciaux et des infrastructures de ville (hôpital, bureau de poste…). L’accès à chaque parcelle se fait uniquement par ce type de rues. Ainsi chaque bâti ne possède qu’une entrée, généralement piétonne, ce qui est aussi le cas de la maison Mumeisha.

Les formes architecturales vont d’un extrême à un autre : de l’architecture traditionnelle à la plus moderne. Le dimensionnement de la rue ne change pas, seule la composition du bâti adopte différents aspects urbains (recul, alignement…). Toutefois, cette mixité parcellaire crée de petits interstices, une porosité dans cette densité. Comme nous pouvons Figure 19 : Coupe de voirie AA voir ci-contre, le recul de l’hôpital engendre une (Document réalisé par Alice Hoarau) dilatation au sein de cette rue.

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Figure 20 : Analyse graphique du tissu urbain à l’échelle de la maison - Plan de masse au 1/250° de la Machiya Mumeisha (Document réalisé par Alice Hoarau)

La maison s’implante en mitoyenneté sur une parcelle rectangulaire d’environ 300m2.

Sa forme étroite et allongée conditionne la composition de l’habitat et ainsi lui donne de la profondeur. On assiste par ce découpage parcellaire à l’application de la notion oku. La maison japonaise devient alors une architecture de profondeur. Oku apporte de la perspective à l’espace intérieur.

Néanmoins comme nous pouvons le voir ci-dessus, la machiya n’est pas un bâti linéaire au contraire elle se compose de plusieurs espaces accolés les uns aux autres qui sont liés entre eux par des espaces intermédiaires et de petits jardins intérieurs. La juxtaposition de plusieurs toitures accentue cette irrégularité et permet ainsi la création de petits interstices naturels, les jardins, qui sont les seuls apports de lumière naturelle.

La machiya est entièrement fermée, seul un accès depuis la rue, exclusivement piétonne, permet d’entrer dans la maison. On peut remarquer une nette délimitation entre l’espace public et le privé. Le bâti de la maison possède un recul d’un mètre par rapport à la rue. Celleci est d’ailleurs légèrement plus bas que le niveau zéro de la parcelle. Enfin, un semblant de trottoir semi-privé marque la limite parcellaire.

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Figure 21 : Entrée de la Machiya Mumeisha, la délimitation parcellaire se fait par un trottoir semi-privé. (Source : ©Japan Geographic)

Figure 22 : Coupe de voirie de la Machiya Mumeisha, limite parcellaire (Document réalisé par Alice Hoarau)

Nous pouvons remarquer ci-contre que la façade de la machiya est éloignée d’environ un mètre de la chaussée et se retrouve protégée par une clôture en bois. Ce modèle d’habitat traditionnel urbain semble rejeter l’espace public de la rue, sans doute vue comme un espace hostile et bruyant. On assiste à la gradation de plusieurs dispositifs dans le but de matérialiser une mise à distance de l’espace intime de la maison.

Contrairement à ce qu’on peut penser le seuil entre l’espace public et l’espace privé dans ce type d’habitat ne se matérialise pas par le jardin. Dans ce cas présent, le jardin japonais est considéré comme un objet précieux à l’abri de l’environnement extérieur. Il est caché et se trouve toujours en fond de parcelle.

Paradoxalement, l’image des jardins japonais luxuriants et immenses qu’on peut voir dans les palais ou sanctuaires est tout autre au sein de l’habitat populaire japonais. Le rapport d’échelle et la typologie de l’habitat conditionnent la fonction du jardin japonais.

Dans certains cas comme par exemple le Palais Katsura25, le jardin japonais vient protéger le bâti et ainsi crée une mise à distance suffisante de par sa densité par rapport à la ville. Ici, c’est le bâti qui vient protéger le jardin japonais.

Comme nous l’avons vu précédemment, le jardin oku-niwa correspond au degré maximal d’ura et de ke, autrement dit il correspond à l’espace le plus caché et le plus intime de la maison traditionnelle nippone. En opposition, on peut supposer que le jardin de Palais Katsura doit correspondre au degré maximal d’omote et de hare, ainsi ce jardin peut être considéré comme la façade officielle du palais. Nous pouvons donc voir que l’échelle typologique et sociale de l’habitat fait varier l’application des notions spatiales vues précédemment.

25

Palais Katsura : se référer à l’annexe 3, p.107

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En ce qui concerne la façade principale de la machiya, on peut constater qu’elle est totalement fermée sur elle-même. Cela crée un front bâti et marque la limite du privé. Ainsi la façade urbaine accentue la mise à distance de l’espace privé.

Figure 23 : Façade principale schématique de la Machiya Mumeisha, Kyoto, 1909 et coupe schématique : position du hisashi (Document réalisé par Alice Hoarau)

Cette maison s’organise en deux niveaux. Au rez-de-chaussée, on accède par la gauche à l’entrée principale qui mène vers l’habitation. La porte est faite de lattes de bois en claire-voie.

Ce système architectural, appelée kôshi, crée un jeu de transparence entre l’intérieur et l’extérieur et inversement. Dans la continuité de la façade, on retrouve ce lattage en bois qui dissimule les shoji à l’arrière. Ils permettent une mise en sureté de la maison.

La partie droite du rez-de-chaussée est légèrement avancée. Elle accueille la mise : la boutique de la maison. Cette partie est mise à distance par rapport à la rue par une petite clôture en bois. Elle délimite certainement l’espace privé de l’espace public. Elle permet également de protéger les ouvertures à l’image des clôtures occidentales. Le rez-de-chaussée est entièrement couvert par un appentis, le hisashi. Il est fait d’une structure en bois recouverte de tuiles foncées. Cette avancée abrite les ouvertures des aléas climatiques.

La façade du niveau supérieur est tramée par des poteaux en bois. Cette trame structure trois grands lattages à claire-voie fixe. Toujours à l’arrière on distingue la présence des shoji, qui permettent de réguler l’aération des pièces. Le débord de toiture vient couvrir les percements de l’étage, à son tour. Les matériaux utilisés sur cette façade sont du bois très foncés et un enduit coloré. Clos sur elle-même, cette façade donne une sensation d’une barrière qu’il faut franchir pour découvrir un autre monde.

A travers cette analyse, nous sentons bien que l’espace urbain, son agencement, sa densité joue un rôle important dans le conditionnement architectural de cette machiya traditionnelle. Ce modèle d’habitat urbain traditionnel cherche avant tout à créer une rupture entre l’environnement urbain fort et l’intimité de l’habitat.

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2) Analyse de la machiya Mumeisha

Figure 24 : Plan de niveau de la Machiya Mumeisha, Kyoto, 1909 (Source : BERTHET-BONDET Isabelle, 20 Maisons nippones - Un art d’habiter les petits espaces, Marseille, Edition Parenthèses, 2010) (Document réalisé par Alice HOARAU)

Construite en 1909, cette machiya est l’une des dernières architectures traditionnelles japonaise présente à Kyoto. En regardant le plan du rez-de-chaussée, nous pouvons voir que cette maison s’organise sur cinq strates différentes par rapport au niveau de la rue. Comme vu précédemment, on retrouve le corps principal de la maison, moya, longé par tori-niwa, aussi appelée doma26.

La maison reprend certains codes spatiaux hiérarchiques. Sur la première strate, on débute par la mise, lieu commercial de l’habitation. Cet espace est surélevé par rapport au genkan, mais plus bas que l’espace de vie de la maison. Elle communique avec le genkan par des shoji, avec les pièces à tatami par des portes amovibles en bois et enfin avec le tsubo-niwa, le micro-jardin.

L’espace est baigné dans une lumière naturelle, diffusée par les shoji en façade et le microjardin à l’arrière, le tsubo-niwa. Le sol reste d’usage professionnel et de passage. Il est recouvert d’un plancher bois comme les itanonia vus précédemment. Cette première pièce peut être considérée comme une seconde barrière visuelle et physique entre l’espace public de la rue et l’espace privé de la maison. La mise crée une mise à distance de l’espace intime. Le fait qu’elle puisse être totalement fermée et isolée accentue cette impression éloignement par rapport au monde extérieur.

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Doma : espace de la maison traditionnelle dont le sol est en terre battue

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Puis, sur le second niveau, nous avons le genkan, qui se trouve au même niveau que la rue.

L’espace est recouvert d’un dallage en pierre. Construit au début du doma, il donne accès aux pièces techniques de la maison. Le genkan est principalement utilisé comme vestibule et espace de stockage. Avant d’entrer dans l’espace de vie, les japonais se déchaussent dans le genkan. Ainsi, il peut être considéré comme un « lieu/moment »27, où l’on associe le geste à l’espace. Comme à son habitude, l’espace de vie surplombe d’une quinzaine de centimètres le genkan et marque une première transition dans l’espace.

Figure 25 : Croquis d’après une photographie - Vue sur le tsubo-niwa depuis le genkan,

(Source : BERTHET-BONDET Isabelle, 20 Maisons nippones - Un art d’habiter les petits espaces,

Marseille, Edition Parenthèses, 2010) (Document réalisé par Alice HOARAU)

Au-delà de son usage, la position de ce genkan donne une vue directe sur le tsubo-niwa et crée une interaction avec le visiteur. A cet instant, ma vient révéler une sensation de rupture avec le monde extérieur et va créer une relation entre le corps, l’architecture et la nature. C’est ainsi que l’imaginaire du visiteur va créer un microcosme à part entière dans cet espace, à ce

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BERTHET-BONDET Isabelle, 20 Maisons nippones - Un art d’habiter les petits espaces, Marseille, Edition Parenthèses, 2010

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moment donné. L’intervalle entre le corps et le tsubo-niwa, va se matérialiser par la pièce aux six tatamis, et va associer la profondeur d’oku à la sensation procurée par ma. Dès l’entrée, le visiteur est transporté vers un nouveau monde. Cette perception donne une nouvelle dimension à l’espace. L’extérieur peut être considéré comme un chaos artificiel et l’intérieur comme un microcosme où nature et bien-être coexistent. Ce cadrage de vue « permet d’établir entre l’objet et l’homme une relation particulière ».28 Comme si le lieu, l’instant a été choisi pour permettre au regard de saisir une émotion.

Le tsubo-niwa est un micro jardin. Il reflète l’image du monde naturel dans l’univers à part entière de cette architecture domestique. Situé au cœur de la machiya, il témoigne du temps qui passe, des changements de saison… Il peut être considéré comme un petit écrin, qu’on n’explore que du regard. Il transmet les notions de vie, de lumière et de nature dans la maison.

Par sa configuration, le seul lien réellement naturel est le ciel. Enfermé par quatre murs, le tsubo-niwa n’est éclairé que par le haut. Ce puits de lumière naturelle apporte de la profondeur à la maison.

Figure 26 : Vue sur le tsubo-niwa depuis son engawa (Source : ©Japan Geographic)

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BERQUE Augustin, Maurice Sauzet, Le sens de l’espace au Japon : Vivre, penser, bâtir, Paris, Editions Arguments, 1999

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Comme nous l’avons vu précédemment, la maison est longée par le doma qui est dans le prolongement du genkan.

Contrairement aux pièces de vie, la hauteur sous plafond est ici doublée.

Le doma est un espace allongé auquel on accède directement de la porte sans se déchausser, bien que ce soit une partie importante de la maison, elle permet de relier directement la rue au jardin. Le sol est ici recouvert par des pavés (généralement en terre battue). Elle regroupe les différentes pièces techniques de la maison (cuisine, salle d’eau, sanitaire), qui semblent être rejetées de l’espace de vie. La moya peut être considérée comme le lieu sain de la maison et à l’opposé le doma est une pièce humide. Malgré, leur forte distinction, ces deux polarités ne peuvent pas exister l’une sans l’autre.

De plus, certaines percées créent des puits Figure 27 : Vue à l’intérieur du doma qui est dans le lumineux qui viennent attirer le regard de prolongement du genkan. l’homme. Quand on se trouve dans le passage (Source : ©Japan Geographic)

du doma, la profondeur associée à la pénombre des lieux révèlent une beauté singulière : l’esthétique japonaise. Dans cette architecture domestique, on a comme une opposition entre les éléments mais ceux-ci se révèlent toujours d’une complémentarité époustouflante. L’ombre produite par les hisashi met en valeur la luminosité de ces petits jardins.

Par ailleurs, l’espace de vie intérieur est totalement ouvert. De par son système constructif en poteau-poutre, l’intérieur s’organise sur un plan libre. Seul, les panneaux amovibles (shoji / fusuma) permettent de moduler l’espace de vie. Néanmoins, on retrouve tout de même une légère partition de l’espace. Il est dimensionné par le nombre de tatamis présents. Ainsi, nous avons successivement deux pièces à six tatamis, une à huit tatamis, qui correspond sans doute à la chambre et enfin la plus grande en contient dix. Il s’agit de la salle de réception de la maison, appelée zashiki. Seulement éclairées par les puits de lumière des jardins intérieurs, ces pièces sont très sombres. L’enchainement des espaces se fait aléatoirement et révèle un certain rythme qui constitue un parcours semé de plusieurs expériences vécues.

Ainsi ce parcours, nous mène au zashiki, la pièce la plus grande de la maison. Utilisée comme salle de réception, elle accueille le tokonoma, autel bouddhiste où sont vénérés les

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défunts de la famille. Toujours bien ornée et agrémentée, elle dévoile en quelque sorte la richesse de la famille. Ici, l’espace se prolonge vers l’extérieur et donne dans un premier temps sur l’engawa, puis sur le jardin du fond, l’oku-niwa. Ce jardin est considéré comme le seul extérieur naturel existant de la maison. Ainsi, l’oku-niwa se substitue à l’environnement extérieur de la ville. Dans cette maison, l’oku-niwa crée en quelque sorte un nouvel horizon naturel pour la maison.

De plus, cet enchainement d’espaces marque une transition entre intérieur et extérieur.

Dans cette machiya, on retrouve cette transition dans le traitement des sols : le tatami à l’intérieur, le plancher bois (itanonia) pour l’engawa et enfin légèrement plus bas le jardin.

Cette disposition applique la notion de ma et d’en. Ma crée l’intervalle et en construit l’engawa, l’espace de médiation. Comme à son habitude, l’espace japonais se tourne toujours vers la nature artificielle, parfaite des jardins intérieurs nippons.

Figure 28 : Coupe schématique sur la progression de la salle de réception (zashiki), de l’engawa et du jardin (oku-niwa) Croquis d’après une photographie - Vue sur l’oku-niwa depuis le zashiki (Document réalisé par Alice HOARAU)

Une autre particularité de l’architecture japonaise est le jeu de contrastes entre ombre et lumière. La machiya étant composée de matériaux très peu résistant aux intempéries, elle s’en protège par de grands débords de toiture, appelé yane. Yane recouvre principalement ici l’engawa, qui baigne ainsi l’intérieur de la maison dans l’ombre.

Cette ombre accentue les contours de la lumière et crée une profondeur, oku, dans l’espace habité. Le découpage intérieur et extérieur, autrement dit l’apparition des jardins, crée des interstices lumineux qui attirent le regard du visiteur. Cette dualité renforce cette idée de parcours sacré vers la lumière.

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Figure 29 : Croquis ombre et lumière d’après photographie – Trois différentes vues intérieures de la Machiya Mumeisha (Document réalisé par Alice HOARAU)

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Enfin, la dernière partie du rez-de-chaussée se compose de deux pièces. Elles sont construites avec des matériaux plus solides (plus massifs). Il s’agit peut-être d’un système constructif par empilage de pièces en bois, appelé azekura-zukuri. Ce système est souvent utilisé pour les pièces de stockage, les greniers. Je pense que ces deux derniers bâtis reprennent ce procédé.

Ainsi, la première pièce donne sur le jardin et ne compte que quatre tatamis. Elle peut correspondre à la pièce destinée aux femmes, l’okusan. Eloignée du reste de la maison, elle communique par la gauche au doma et fait face au oku-niwa. La seconde pièce semble être une salle de stockage dédié au commerce de la maison. Elle est accessible que par le doma, ce fait facilite le passage de la zone de stockage à la rue.

Figure 30 : Plan du rez-de-chaussée de la Machiya Mumeisha, Kyoto, 1909 - Zoom sur l’arrière de la maison (Document réalisé par Alice HOARAU)

Cette machiya correspond en tout point aux notions traditionnelles de l’architecture japonaise. On retrouve cette fluidité, cette liberté dans la disposition de l’espace de vie. Elle s’organise sur une hiérarchie qui accentue la sensation de mise à distance de l’espace privé. De plus, cette disposition hiérarchique est ponctuellement marquée par des espaces intermédiaires qui rythment le parcours de la maison. Néanmoins, la construction de cette machiya n’est pas d’un bout à l’autre linéaire, ce sont les incohérences architecturales qui nourrissent le parcours de la maison. Ainsi, le fait de monter et de descendre des marches, de passer par des espaces de transition, de ressentir ce dedans/dehors, provoque une sensation kinesthésique.

Ces dispositifs architecturaux « vont associer le corps aux effets esthétiques et leur donner une réalité physique par le mouvement ».29

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BERQUE Augustin, Maurice Sauzet, Le sens de l’espace au Japon : Vivre, penser, bâtir, Paris, Editions Arguments, 1999

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Au niveau de l’étage, l’espace n’est pas totalement continu. On distingue d’après le plan que ce dernier est fractionné en plusieurs bâtis. On retrouve une pièce à tatami au-dessus de la mise, puis nous avons une grande pièce au-dessus de l’espace de vie du rez-de-chaussée.

Enfin, on trouve le prolongement vertical de deux espaces de stockage au fond de la parcelle.

Figure 31 : Plan de l’étage de la Machiya Mumeisha, 1909 (Document réalisé par Alice HOARAU) (Source : BERTHET-BONDET Isabelle, 20 Maisons nippones - Un art d’habiter les petits espaces, Marseille, Edition Parenthèses, 2010)

Ces espaces sont indépendants les uns des autres, seul de petits escaliers en bois permettent l’accès à l’étage. La plus grande pièce de l’étage possède une large ouverture qui donne sur le jardin intérieur. Comme pour le rez-de-chaussée, l’espace est bordé par un engawa suspendu.

Cet espace surplombe le jardin mais il procure toutefois les mêmes sensations de rupture avec le monde extérieur. Le vide met en application la notion ma et transporte le visiteur. L’étage est beaucoup moins ouvert sur l’extérieur de ce fait l’obscurité des pièces viennent souligner les moindres petites failles lumineuses.

Figure 32 : Coupe longitudinale de la Machiya Mumeisha, 1909 (Document réalisé par Alice HOARAU) (Source : BERTHET-BONDET Isabelle, 20 Maisons nippones - Un art d’habiter les petits espaces, Marseille, Edition Parenthèses, 2010)

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Cependant, on retrouve une petite particularité sur la pièce centrale. L’espace est fractionné en deux parties, l’une est recouverte de tatami et l’autre a un plancher en bois. Ces deux parties sont accessibles indépendamment par des escaliers différents mais ils communiquent entre eux par des fusuma. Ils correspondent sans doute à des fonctions différentes selon le moment de la journée. En outre, la majeure partie de l’étage est recouverte de tatami et possède plusieurs rangements, nous pouvons supposer que l’étage est généralement destiné à l’espace nuit de la maison.

La spatialité de cette maison traditionnelle est comparable à une gradation télescopique. L’idée étant de créer un certain nombre de dispositifs architecturaux dans le but de protéger le cœur de la maison. Les Japonais cherchent à créer une rupture entre l’environnement extérieur des villes nippones et le monde imaginaire des machiya traditionnelles. Dans ce cas présent, la Machiya Mumeisha crée une mise à distance suffisante entre l’espace public et l’espace intime du foyer. Cette sphère intime se matérialise principalement par les jardins intérieurs. Ils reflètent un idéal et transportent l’imaginaire du récepteur. L’oku-niwa représente ici le cœur sacré de la maison, qu’il faut absolument protéger des nuisances extérieures. La configuration de cet habitat s’apparente à une forteresse, clos sur elle-même.

Au-delà de cette déclinaison formelle, l’espace japonais de cette machiya nous invite à l’imaginaire. Il nous propulse vers une nouvelle dimension, un univers paisible, calme où l’harmonie spatiale fait coexister des dualités. La composition spatiale de la machiya crée une interaction entre le mouvement du corps, l’esprit et l’architecture. Les dispositifs matériels qu’engendrent les notions philosophiques de la spatialité japonaise ponctuent le parcours de la maison. L’espace prend vie dès l’instant où le mouvement du corps leur donne « une réalité physique »30. Les incidents architecturaux, les interstices spatiaux vont interagir avec le corps et enrichir le rythme sensoriel de la maison.

En somme, la Machiya Mumeisha nous dévoile d’autres aspects formels importants qui révèlent la particularité d’une maison traditionnelle japonaise urbaine. Nous pouvons penser que selon le type d’habitat l’application des notions philosophiques de la spatialité japonaise peut s’adapter ou encore s’inverser. Autrement dit, l’importance d’un élément peut être tout autre selon l’échelle de la maison.

Dans la Machiya Mumeisha, on retrouve parfaitement l’application des concepts vus précédemment mais de par sa configuration architecturale elle l’édifie au rang d’espace sacré qu’il faut éloigner de l’hostilité urbaine extérieure.

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BERQUE Augustin, Maurice Sauzet, Le sens de l’espace au Japon : Vivre, penser, bâtir, Paris, Editions Arguments, 1999

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III- L’habitat contemporain japonais : influence, réinterprétation ou nouvelle modernité architecturale ?

Depuis plus de deux siècles, le Japon était un pays totalement fermé sur lui-même, à l’écart du reste du monde. C’est à la fin du XIXème siècle, que l’archipel nippon s’ouvre au monde extérieur. Les échanges commerciaux, culturels et technologiques s’établissent avec l’Europe et les Etats-Unis. L’archipel en pleine mutation se fait connaître par son architecture traditionnelle et contemporaine. Le Japon est alors perçu comme une société avant-gardiste à la fois sur le plan économique, technologique et architectural.

Cette mutation culturelle a donné naissance à différents courants architecturaux forts. L’un regroupant des architectes japonais tels que Kenzo Tange, Toyo Ito ou encore Kengo Kuma, vont explorer de nouvelles techniques, formes et matériaux, à l’image d’une architecture plus high-tech. De l’autre côté, nous avons de jeunes architectes contemporains nippons qui forment l’ère nouvelle architecturale du XXIème siècle : des architectes tel que Sou Fujimoto, Ruey Nishizawa et Kazuyo Sejima de l’agence SANAA, ou encore Hiroaki Ohtani qui s’inscrivent dans une architecture des plus minimalistes et singulières à l’image d’un Japon moderne. Ils apportent une vision plus expérimentale à la maison moderne japonaise.

Aujourd’hui, nous assistons à un chamboulement des codes sociaux japonais, fortement influencé par la société occidentale. La culture, les mentalités évoluent avec les nouvelles générations et ainsi l’architecture de la maison japonaise ne déroge pas à cette règle.

Cependant, ces mutations ont-elles un impact sur les codes traditionnels du Japon ? Comme nous l’avons vu, l’architecture de l’habitat d’une civilisation témoigne des valeurs culturelles et sociales adoptées par ses occupants.

Ainsi, l’architecture de la maison traditionnelle japonaise a cultivé un savoir-faire propre aux japonais durant des siècles. Ils ont établi une philosophie traditionnelle spatiale pour concevoir leurs logements. Au final, c’est leur manière d’habiter et de vivre qui a conditionné l’architecture de leur habitat traditionnel.

Mais maintenant, est-ce-que ces codes architecturaux traditionnels sont toujours appliqués dans les productions domestiques contemporaines japonaises ? Comment les architectes contemporains japonais composent-ils avec leurs cultures et les influences multiples ? S’approprient-ils ou non les codes de l’architecture traditionnelle japonaise ?

Dans cette dernière partie, nous allons nous intéresser dans un premier temps aux productions domestiques de plusieurs architectes contemporains japonais du XXIème siècle.

Dans un second temps, nous allons rechercher quels sont les dispositifs traditionnels les plus constants visibles dans ces productions domestiques contemporaines japonaises. Puis, nous verrons comment les architectes contemporains japonais utilisent ou non ces codes traditionnels. Enfin, nous étudierons la transposition de ces dispositifs dans l’habitat contemporain japonais.

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Afin de mieux comprendre comment les dispositifs architecturaux traditionnels sont utilisés dans la maison contemporaine japonaise et si ceux-ci sont toujours primordiaux dans la manière de concevoir, nous allons étudier quatre maisons contemporaines japonaises. Ces dernières ont été choisies afin de représenter un panel de ce qui peut se faire aujourd’hui au Japon, par des contemporains japonais.

A. Etude de cas de maisons contemporaines japonaises

1) Moriyama House, SANAA, Ruey Nishizawa / SANAA, Tokyo, 2002-05

Figure 33 : Vue depuis la rue principale de la Moriyama House, Tokyo, Ruey

Nishizawa, 2002-05 (Source : © Iwan Baan)

La première maison que nous allons étudier est une réalisation de l’agence SANAA. Cette maison a été réalisée sur la période 2002 – 2005 pour la famille Moriyama. Située dans un arrondissement traditionnel de Tokyo, la maison Moriyama contraste avec le voisinage de par son caractère atypique et minimaliste.

Elle se trouve plus exactement dans le quartier résidentiel de Nishi Kamata. Un quartier, où se côtoient des maisons individuelles traditionnelles et de petits immeubles d’habitation. Aucune cohérence n’est présente. La typologie architecturale est totalement hétéroclite. Les hauteurs du bâti varient du rez-de-chaussée à trois étages mais restent plus ou moins constants dans la section du quartier où se situe la maison31. (Annexe 4, p. 108)

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Le système d’adressage du Japon diffère du nôtre. Il commence par indiquer le plus près au plus éloigner. Il indique d’abord la section du quartier, appelée chome, puis le numéro du bloc, le numéro de l’immeuble, ensuite le nom du quartier, le nom de l’arrondissement, et enfin le nom de la ville et son code postal.

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On retrouve cette constante en regardant la façade urbaine où s’inscrit la maison Moriyama.

Très hétérogène par cette mixité typologique, la façade urbaine esquisse cependant une gradualité entre les bâtis voisinant. La maison Moriyama joue le rôle d’intermédiaire entre l’immeuble de trois étages à gauche et la maison individuelle à droite.

Figure 34 : Analyse graphique de la façade urbaine de la Moriyama House, Tokyo, Ruey Nishizawa, 2002-05

(Document réalisé par Alice Hoarau)

La maison est implantée sur une parcelle de forme rectangulaire, à l’angle d’une voie à

sens unique et d’une petite ruelle. Sa forme allongée donne de la profondeur au projet. On retrouve l’application d’oku dans ce découpage parcellaire. L’implantation de cette maison s’apparente à un micro urbanisme à l’échelle de la parcelle. Totalement ouverte sur la ville, cette maison s’oppose au modèle des maisons traditionnelles fermées sur un jardin intérieur, ayant seulement une vue sur le ciel.

Figure 35 : Perspective de la Moriyama House, Tokyo, Ruey Nishizawa, 2002-05 (Document réalisé par Alice Hoarau)

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Figure 36 : Plan de rez-de-chaussée Moriyama House, Tokyo, Japon, Ruey Nishizawa, 2002-05

Figure 37 : Façade nord de la Moriyama House, Tokyo, Japon, Ruey Nishizawa, 2002-05

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La structure de la maison est éclatée en dix volumes de tailles différentes. Ils sont répartis sur la totalité de la parcelle en terre battue où naissent des brins de végétation et quelques pots de fleurs des occupants. Chaque volume se compose d’une structure en acier et d’un revêtement blanc ce qui offre un réel contraste avec le voisinage. Elles accueillent chacune des fonctions différentes. Certains ne correspondent qu’à une pièce et seulement deux volumes s’étendent sur trois niveaux.

Dans l’ensemble, on y retrouve cinq cuisines, sept salons, deux bureaux, quatre chambres et six salles de bain ou toilettes. On compte cinq blocs qui sont occupés par le propriétaire. A, B, C et D, E sont réservés aux employés. Le reste, F, G, H, I et J sont loués à des particuliers.

La parcelle est comme peuplée par une petite communauté de volumes indépendants, euxmêmes peuplés par une petite communauté d’habitants indépendants. Chaque volume est indépendant les uns par rapport aux autres, ce qui crée une grande flexibilité entre les espaces et donne au propriétaire la possibilité de choisir les espaces qu’il veut privatiser ou louer.

Entre ces dix volumes vient s’agencer un jardin commun qui vient relier les différentes pièces entre elles. La proximité, l’orientation et l’ouverture de ces différentes pièces dessinent des micro-jardins indépendants à l’intérieur même du jardin, mais tout en restant connectés entre eux. On en distingue six.

Figure 38 : Vue sur le jardin, Moriyama House, Tokyo, Ruey Nishizawa, 2002-05 (Source : © Iwan Baan) Figure 39 : Plan schématique : identification des six micro-jardins, Moriyama House, Tokyo, Ruey Nishizawa, 2002-05 (Document réalisé par Alice Hoarau)

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Malgré la proximité des volumes, tous possèdent de grandes ouvertures sur le jardin.

Ces ouvertures apportent un jeu de transparence entre les pièces ce qui affaiblit la sensation d’intimité de chacun. Néanmoins, ce manque d’intimité n’est pas un problème en soi car la société nipponne a pour coutume de privilégier la cellule communautaire 32 plutôt que l’individualisme. Cependant, les architectes ont cherché un moyen pour amoindrir cette proximité par la présence du jardin. Il s’immisce entre chaque volume et joue le rôle d’un espace intermédiaire. Il crée une mise à distance entre les différents intérieurs et leur donne une certaine autonomie.

Figure 40 : Coupe schématique : mise à distance par les micro-jardins, Moriyama House, Tokyo, Ruey Nishizawa, 2002-05 (Document réalisé par Alice Hoarau)

Comme dans la tradition, le rapport à la nature est constant dans cette réalisation contemporaine. Le jardin occupe les espaces vides entre les volumes et les relie entre eux.

Ainsi, le jardin joue un rôle de médiation, d’intervalle latent et de déambulation dans cette maison. Il donne la sensation que l’intérieur et l’extérieur ne forment qu’un tout. Il n’existe pas de frontière entre ces deux entités. Ce sont les limites parcellaires qui définissent l’enveloppe de la maison.

La fragmentation de ces dix volumes crée une multitude de cheminements aléatoires qui donnent de la profondeur à l’espace. On retrouve l’application d’oku dans cette recherche de profondeur.

Le jardin devient un lieu de déambulation, où l’on côtoie une succession d’expériences dispersées sur Figure 41 : Croquis d’ambiance : profondeur l’ensemble de la parcelle. Le jardin prend le rôle du existant au sein du jardin, Moriyama House, 33 Tokyo, Ruey Nishizawa, 2002-05 (Document doma qui dessert les différentes pièces. réalisé par Alice Hoarau)

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La cellule communautaire, appelée uchi, est l’un des traits sociaux et cultures au Japon. (Voir I-E) Doma : espace de la maison traditionnelle dont le sol est en terre battue

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Chaque volume possède sa propre entrée et est marqué par une dalle au sol, soit en béton soit en bois. Comme dans la maison traditionnelle japonaise, l’entrée se matérialise par le genkan 34 . Ce lieu représente l’espace intermédiaire entre la rue et l’intérieur de la maison.

On retrouve un rapport de hiérarchie dans la nature du sol.

L’extérieur est en terre battue, l’espace intermédiaire est matérialisé par une dalle en pierre et l’intérieur est recouvert soit d’un béton ciré soit d’un plancher bois.

La bordure du jardin et celle de l’intérieur donne naissance Figure 42 : Entrée de la boite J, Moriyama House, Tokyo, Ruey à en35, l’espace de médiation.

Nishizawa, 2002-05 (Document réalisé

par Alice Hoarau)

Les pièces A et B, G et H sont reliées entre elles par un couloir entièrement vitré. Ce passage permet de les connecter. A l’image de l’engawa du tsubo-niwa36, il représente un lieu où l’on ne peut parcourir le jardin que par le regard. Ici, ce sas relie deux pièces entre elles et offre un point de vue sur l’environnement extérieur. Sa transparence génère une ambiguïté entre le dedans et le dehors. Il a pour but de saisir le moment et le lieu et crée une interaction entre l’homme et l’environnement extérieur. Ces contre-espaces créent un rapport singulier, une proximité entre l’espace intérieur et son prolongement visuel vers extérieur.

Figure 43 : Passage vitré G et H, Moriyama House, Tokyo, Japon, Ruey Nishizawa, 2002-05 (Source : © Iwan Baan) Figure 44 : Extrait du plan de rez-de-chaussée (G et H), Moriyama House, Tokyo, Japon, Ruey Nishizawa, 2002-05 (Document réalisé par Alice Hoarau)

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Genkan : Vestibule d’entrée dans la maison traditionnelle En : coexistence, espace de médiation 36 Engawa : galerie périphérique de la maison traditionnelle (elle peut être ouverte comme une varangue ou semiouverte comme une véranda) 35

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De plus, la proximité du jardin et des intérieurs permet de prolonger les espaces de vie vers l’extérieur. La présence des micro-jardins crée des vides, des intervalles latents qui vont nourrir l’imaginaire du visiteur. Ce dernier pourra ainsi s’isoler dans un microcosme propre à son imaginaire. Ces intervalles naturels entre les différents espaces offrent aux occupants la possibilité de contempler le temps qui passe.

Par ailleurs, les hauteurs variables des différents volumes donnent un rythme architectural à l’ensemble de la maison. Leurs grandes hauteurs sous plafond accompagnées de grandes ouvertures éclairent l’intérieur de chaque volume. Ce phénomène donne l’impression que les limites entre intérieur et extérieur disparaissent.

Les fenêtres des blocs sont parfois légèrement décalées et/ou parallèles. Cette transparence dirige et cadre des vues, des lieux, des moments précis. Elle va établir entre le lieu et le visiteur une relation profonde et va chercher à lui faire perdre toute notion de distance.

Figure 45 Vue sur le quartier depuis le dernier étage - Jeu de transparence entre les espaces, Moriyama House, Tokyo, Japon, SANAA, 2002 (Photo par Iwan Baan)

Cette maison reprend certains dispositifs de la maison traditionnelle japonaise de manière ponctuelle, mais elle va les pousser vers une sorte d’exagération expérimentale. Nous savons que l’environnement naturel entretient une relation forte dans les maisons traditionnelles par la présence de jardins intérieurs ou de patios. A contrario, la maison Moriyama pousse à l’extrême cette relation et crée une seule entité qui regroupe l’intérieur et l’extérieur.

Ce projet d’habitat contemporain japonais s’inscrit dans une typologie architecturale des plus originales. Il propose une approche expérimentale entre la forme originelle de la maison et quelques points conceptuels de la spatialité japonaise traditionnelle. Dans le cas présent, l’aspect traditionnel réside davantage dans le rapport relationnel entre la cellule habitée intérieure et l’environnement naturel extérieur. Elle joue sur un rapport d’entre-deux afin de créer des interactions entre les différents éléments qui composent la maison. Elle réemploie principalement les notions d’intervalles d’espace-temps et de coexistence (ma, en) dans le but de reconnecter cette fragmentation.

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2) House N/A, Sou Fujimoto, Tokyo, 2007-2011

La seconde maison que nous allons étudier se situe dans un quartier calme au nord-est de la ville de Tokyo, le Koenjiminami. Situé a quelques minutes de la capitale, ce quartier reste dense. Il regroupe à la fois des grandes infrastructures (commerces, entreprises) et de petites maisons individuelles. Se trouvant à proximité d’une grande avenue et d’une gare ferroviaire, cette maison s’inscrit dans un petit secteur qui connaît cependant un flux perpétuel.

La House N/A a été réalisée par l’architecte contemporain japonais, Sou Fujimoto en 2011.

Son architecture hétéroclite vient s’ajouter au contraste typologique du quartier. Ce dernier reprend les disparités typiques architecturales du Japon, dans les formes, les hauteurs et la mixité des programmes.

Ce mélange architectural peut être comparé à une immense forêt urbaine qui ne Figure 46 : Façade principale de la House N/A, Sou Fujimoto, Tokyo, répond à aucune règle.

2007-2011 (Source : © Iwan Baan)

Figure 47 : Plan de situation de la House N/A, Sou Fujimoto, Tokyo, 2007-2011 (Document réalisé par Alice Hoarau)

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Construite pour un jeune couple japonais, cette maison s’inscrit dans une architecture minimaliste, lumineuse et transparente. Sa typologie architecturale crée un fort écart avec les habitations individuelles plus traditionnelles visibles aux alentours. Cette maison s’implante sur une parcelle rectangulaire. Elle s’étend sur trois étages, comprenant deux chambres et un espace de vie avec cuisine et deux points d’eau.

Les façades sont entièrement vitrées. Une fine structure d’acier blanc vient tramer la façade principale. Cela donne une impression de légèreté à l’ensemble de la maison. La maison est totalement transparente sur l’extérieur. Elle paraît comme suspendue.

Figure 48 : Façade sud urbaine de la House N/A, Sou Fujimoto, Tokyo, 2007-2011 (Document réalisé par Alice Hoarau)

La maison se décompose en 21 plaques de planchers indépendantes, toutes situées à différentes hauteurs.

Cette décomposition planchéiée donne l’impression que l’espace est délimité en plusieurs sous-espaces.

Pour autant l’espace est totalement libre et il n’existe aucun cloisonnement. Ils sont tous recouverts d’un plancher en bois de bouleau, ainsi malgré leur fragmentation on retrouve un lien entre les différentes strates.

Chaque strate correspond à un espace mais leur différence de hauteur donne l’impression de grimper plancher par plancher. L’architecte compare cette maison à un arbre. En effet, le lieu de vie s’apparenterait à habiter dans un arbre : chaque Figure 49 : Coupe Schématique plancher et donc chaque espace correspondrait à une House N/A, Sou Fujimoto, Tokyo, 20072011 (Document réalisé par Alice branche de l’arbre.

Hoarau)

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Figure 50 : Plan RDC, R+1, R+2, la House N/A, Tokyo, Sou Fujimoto, 2007-2011 (Source : ArchDaily.com)

Figure 51 : Façade Sud et coupe longitudinale AA’, la House N/A, Tokyo, Sou Fujimoto, 2007-2011

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La maison est légèrement surélevée par rapport au niveau de la rue comme si elle se retrouvait sur des pilotis. De plus, on peut distinguer une différence de revêtement de sol, ce qui donne une certaine hiérarchie à l’espace. L’espace extérieur se situant entre la maison et la rue est recouvert d’un gravier, nous avons ensuite le garage constitué d’un sol en béton et enfin l’ensemble de la maison recouverte par un plancher bois.

Figure 52 : Extrait du plan de rez-de-chaussée (schéma) : les différents seuils entre le public et le privé, House N/A, Tokyo, Sou Fujimoto, 2007-2011 (Document réalisé par Alice Hoarau) Figure 53 : Extrait de la coupe longitudinale (schéma) : présence du genkan, House N/A, Tokyo, Sou Fujimoto, 2007-2011 (Document réalisé par Alice Hoarau)

L’accès à la maison se fait soit par le coin garage soit par une petite terrasse ouverte sur l’extérieur. A l’image, d’un genkan37, cet espace est surélevé par rapport à la rue et au garage.

Elle marque la transition entre l’espace public et le privé. Contrairement aux maisons japonaises traditionnelles, ce vestibule fait partie de l’espace de vie. Il n’y a pas rupture au niveau du plancher, ni au niveau du revêtement.

A l’intérieur, l’espace est totalement libre, aucune cloison ne vient délimiter l’espace en de petites pièces. Seules, les quelques pièces techniques sont isolées et se trouvent cloisonnées au fond du rez-de-chaussée.

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Genkan : Vestibule d’entrée dans la maison traditionnelle

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La fragmentation du plancher à différentes hauteurs, donne une sensation d’ouverture.

Les étages ne sont ni cloisonnés ni enfermés par des planchers linéaires. Il y a donc un jeu de transparence à travers les différentes strates de plancher et c’est ce qui rend l’espace entièrement relié. Ainsi une personne se trouvant au deuxième étage peut facilement dialoguer avec une personne située au premier et/ou au rez-de-chaussée. Ces différentes hauteurs de planchers ne sont pas considérées comme des barrières physiques et sonores.

Le premier étage est accessible par un escalier en bois clair. Il dessert l’espace de vie qui se compose d’une cuisine ouverte et de deux petites terrasses. Le plancher est morcelé en plusieurs strates qui forment à leur tour des micros-espaces. Nous avons l’impression que l’architecte n’a pas souhaité cloisonner l’espace, par peur de perdre cette profondeur, cette transparence et l’imaginaire que peut créer un tel lieu. Ainsi chaque micro-espace communique physiquement et visuellement l’un avec l’autre. Ils sont reliés par de petits escaliers (bloc de deux marches perçu comme un mobilier ou de petits escaliers sans contremarche). Ces dispositifs permettent de rejoindre les différentes strates et jouent à la fois un rôle de transition mais aussi d’assise ou de mobilier.

Enfin au dernier niveau, on retrouve une chambre, une petite bibliothèque et une salle de bain.

On retrouve une certaine hiérarchie dans l’organisation de cette maison. Malgré cette totale transparence, nous avons l’impression que l’architecte cherche à mettre une distance verticale entre l’espace intime de la House N/A et l’espace public de la ville. On remarque qu’au fur et à mesure que l’on monte les différents niveaux, le rapport aux espaces devient de plus en plus privé. Ainsi le dernier niveau peut être considéré comme le degré maximal d’ura et de ke.

Figure 54 : Vue sur l’entrée de la maison depuis la rue, House N/A, Tokyo, Sou Fujimoto, 2007-2011 Figure 55 : Vue intérieur du premier étage, sur l’espace de vie de la House N/A, Tokyo, Sou Fujimoto, 2007-2011 (Source : © Iwan Baan)

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En outre, la symbolique de la nature est très peu présente. Elle se symbolise par des petites terrasses perchées tout en haut de la maison. Elles font le lien entre l’intérieur et l’extérieur.

Ce rapport étant déjà important par la transparence totale de la maison, ces terrasses deviennent de micro-espaces « semi-extérieurs » qui permettent aux visiteurs de contempler et sentir le temps qui passe, à l’image des oku-niwa38.

On retrouve cette intention d’éloignement, de protection envers le jardin. Dans le cas présent, ces petites terrasses surplombent l’environnement Figure 56 : Vue sur les terrasses de la House N/A, Tokyo, Sou extérieur urbain et s’en protègent.

Fujimoto, 2007-2011

A contrario, la nature miniature qui constitue les micro-jardins traditionnels, laisse place à une nature urbaine plus artificielle qu’est la ville de Tokyo. Une nature qui ne peut être parcourue que du regard.

De plus, la transparence donne de la profondeur à l’espace et crée une certaine ambiguïté entre le dedans et le dehors. Ces terrasses deviennent alors un prolongement physique et visuel entre le foyer et la nature urbaine, à l’image des engawa suspendus traditionnels.

Figure 57 : Coupe schématique : le rapport entre la terrasse et l’environnement extérieur, House N/A, Tokyo, Sou Fujimoto, 2007-2011 (Document réalisé par Alice Hoarau)

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Tsubo-niwa : micro jardin à l’intérieur de la maison traditionnelle japonaise

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Comme nous l’avons dit précédemment, l’hétérogénéité typologique et l’urbanisme spontané du Japon donnent le sentiment d’émerger dans une immense forêt artificielle. A l’intérieur de cela, la maison devient à un arbre, où chaque branche est unique mais où une corrélation coexiste les uns avec les autres.

Par ailleurs, la modularité de l’espace est omniprésente. La variabilité du plancher engendre la fonction du lieu. Ainsi le plancher se transforme en une table, un bureau, une assise… il devient le mobilier de l’ensemble de la maison. Une personne, par exemple, découvre sa situation à partir de l’agencement de l’espace et du mobilier. Ces petits espaces sont en perpétuelle mutation et évoluent en fonction du temps qui passe. Comme l’espace traditionnel des machiya, la liberté des lieux offre une multitude d’univers qui se voit évoluer au fur et à mesure de l’instant présent.

En somme, ce projet s’inscrit dans un registre architectural très audacieux. En tant qu’Occidentaux, notre mode de vie est aux antipodes de cette manière de vivre, d’habiter.

L’espace qui compose cette maison se rapproche plus d’une architecturale expérimentale, conceptuelle que réellement envisageable dans un pays autre que le Japon.

Cependant, on retrouve certains points théoriques de la spatialité japonaise traditionnelle. La maison applique la notion oku pour apporter de la profondeur à l’espace habité. S’ajoute à cela une totale ouverture : aucun cloisonnement ne vient interrompre ce parcours. De plus, elle reprend le système hiérarchique de mise à distance de l’espace intime du foyer. Malgré son registre avant-gardiste, on retrouve tout de même quelques dispositifs intermédiaires omniprésents dans l’habitat traditionnel japonais tel que le genkan, l’engawa ou encore l'okuniwa. L’architecte s’approprie l’aspect conceptuel de l’espace japonais traditionnel et l’insère dans une architecture expérimentale inspirée des tendances modernes occidentales.

Figure 58 : Vue transversale du premier étage de la House N/A, Tokyo, Japon, Sou Fujimoto, 2007-2011

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3) House N, Sou Fujimoto, Oita, 2008

La House N est une autre réalisation de l’architecte contemporain japonais Sou Fujimoto.

Construite en 2008, cette maison se situe au sud-ouest de l’archipel, dans la ville d’Oita. Implantée dans un quartier résidentiel, elle côtoie principalement des maisons individuelles traditionnelles.

Figure 59 : House N, Oita, Japon, Sou Fujimoto, 2008, (Source : © Iwan Baan) A contrario, son architecture contemporaine et minimaliste offre un fort contraste avec le voisinage. Située à l’angle de deux petites rues, la House N s’impose de par sa présence massive et son originalité. Sa façade immaculée de blanc, percée par de grandes ouvertures illumine les alentours. Cette maison s’inscrit sur la totalité de la parcelle et semble ne posséder aucun l’extérieur à proprement dit.

Cette maison contemporaine se compose de trois volumes de différentes tailles qui s’imbriquent les uns à l’intérieur des autres. La première boîte enveloppe l’ensemble, créant ainsi une coque de protection. Le second volume délimite la cellule habitation du jardin semicouvert et recouvre le dernier volume. Ce dernier est l’espace intérieur le plus intime. Cette maison peut être comparée à une gradation de l’espace de vie.

Figure 60 : Coupe longitudinale, House N, Oita, Japon, Sou Fujimoto, 2008 (Document réalisé par Alice HOARAU)

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Figure 61 : Vues intérieures, House N, Oita, Japon, Sou Fujimoto, 2008, (Source : © Iwan Baan)

Au niveau du plan, on retrouve d’une certaine manière les mêmes éléments que dans une maison occidentale. Comme nous venons de le remarquer, la dernière boite située au centre de la maison correspond à l’espace de vie, avec une ambiance plus occidentale. Elle se compose d’un coin salon et salle à manger.

Autour d’elle s’articule une zone d’entre deux où se trouve à gauche une chambre et à droite une pièce de tatami. Dans le cas présent, l’espace de vie est considéré comme le lieu le plus intime, le cœur du foyer qu’il faut protéger. Paradoxalement, la chambre est réduite qu’à un lieu de passage moins important que le cœur de vie de l’habitat.

Entre cette nouvelle boite vient s’accoler, au fond, les espaces techniques de la maison dont la cuisine et la salle d’eau. Un espace mis à l’écart de l’ensemble de la maison comparable au doma traditionnelle. Le sol est recouvert d’un béton ciré blanc neutre, aseptisé.

Figure 62 : Plan, House N, Oita, Japon, Sou Fujimoto, 2008, (Document réalisé par Alice Hoarau)

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La seconde boite fait le lien entre l’intérieur et l’extérieur. Elle renforce l’espace habité intérieur. Alors que l’extérieur, lui, est clos par le premier volume. Celui-ci vient totalement englober la maison et le jardin. Ainsi, le jardin est semi-couvert, protéger de l’environnement urbain extérieur. Peu dense, très minimaliste, ce jardin reflète la simplicité des jardins traditionnels japonais. Contrairement au oku-niwa traditionnel, celui-ci vient créer une zone tampon entre l’espace privé et public. Il s’approche davantage à la symbolique du mise-niwa, le jardin du magasin traditionnel.

Figure 63 : Vue sur le jardin semi-couvert, House N, Oita, Japon, Sou Fujimoto, 2008 (Source : ©Iwan Baan) Figure 64 : Coupe transversale : cœur intime de la maison, House N, Oita, Japon, Sou Fujimoto, 2008 (Document réalisé par Alice Hoarau)

Enfin, au même titre qu’un engawa, la première boite forme une galerie semi-ouverte qui vient protéger l’intérieur. Dans le cas présent, elle se prolonge jusqu’à la limite parcellaire et créer une frontière la maison et la rue.

Comme nous l’avons vu précédemment, les trois volumes sont percés aléatoirement par d’immense ouvertures, vitrées ou non, ce qui crée un lien entre elles. Ces ouvertures ont pour objectif de cadrer des certaines vues et ainsi saisir l’instant présent. Elles sont légèrement décalées, néanmoins ce jeu de superposition, crée une multitude de cadres sur l’environnement extérieur. Des tableaux vivant les uns sur les autres qui dessinent ainsi de nouvelles scènes. Ces cadrages apportent une profondeur à la maison, comme si elle se prolongeait sur la ville. A l’image des cadrages créés par les shoji et la pénombre des maisons traditionnelles, ils viennent ici saisir un paysage, un horizon naturel afin de transposer la dimension spatiale de la maison.

Ces ouvertures cadrent un paysager habité. L’environnement urbain se substitue au paysage miniature des oku-niwa39. Néanmoins, le rapport à l’environnement naturel reste fort. Les vues

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Oku-niwa : jardin du fond de la maison traditionnelle

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sur le paysage habité permettent d’élargir l’échelle d’implantation du projet au quartier.

Chaque boîte est percée aussi en toiture afin d’accentuer la relation entre l’homme, l’espace et son environnement extérieur. On retrouve ce dispositif dans les jardins intérieurs des maisons traditionnelles, le ciel étant le seul lien avec la nature environnante.

Par ailleurs, en s’intéressant de plus près à ce phénomène de gradualité, précédemment évoquée, la multiplication de ces boîtes crée une barrière, une limite physique entre la maison, le jardin et le tissu urbain. On s’aperçoit que la présence de la seconde boîte est essentielle.

Figure 65 : Vue sur le jardin semi-couvert depuis la rue - Vue en plongée sur les ouvertures présentent dans la toiture, House N, Oita, Japon, Sou Fujimoto, 2008 (Source : ©Iwan Baan)

Elle forme l’espace intermédiaire qui se matérialise à la fois par un vide et un plein et est le connecteur spatial de la maison. Cette gradation d’espaces engendre une mise à distance de l’espace intime entre la rue et la maison. Elle donne l’impression de s’éloigner de la densité urbaine. S’ajoute à cela, le marquage des différents seuils entre la rue et l’habitat. On retrouve une hiérarchie dans la nature du sol. Malgré cela, on ne distingue aucune frontière car la ressemblance de ces trois boîtes garantit une unité à l’ensemble.

Figure 66 : Plan et coupe schématique de la House N, Oita, Japon, Sou Fujimoto, 2008 : Repérage

des différents types de sol (seuil) (Document réalisé par Alice Hoarau)

Face à cette maison, nous avons l’impression que la notion de limites clairement définies est totalement absente. L’aspect formel crée une barrière mais la présence des percées estompe l’idée d’isolement. Entre chaque seuil, nous avons des espaces flous qui ne peuvent être définis.

Comme la notion ma, ces intervalles d’espace-temps créent une ambiguïté et cherchent à

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éveiller l’imaginaire du visiteur. Cette maison cherche à expérimenter une nouvelle forme d’habitat afin de découvrir le potentiel relationnel entre l’homme et l’espace.

En outre, la configuration architecturale de cette maison japonaise n’évoque que très peu la problématique d’intimité. Paradoxalement, nous pouvons remarquer une certaine contradiction entre l’aspect formel graduant une mise à distance et les grandes ouvertures de la maison.

En générale, la composition architecturale des maisons occidentales se construit autour de deux entités. L’une correspond à la conception, la réalisation de la cellule d’habitation (la maison). La seconde est l’aménagement d’un jardin qui possède un lien avec l’intérieur par l’intermédiaire de fenêtres. Mais, la maison et le jardin sont considérés comme deux entités autonomes. L’habitat japonais entretien une relation très différente à la nature extérieure.

Certains modèles de maisons traditionnelles japonaises se détachent du monde urbain en s’ouvrant sur des jardins intérieurs qui font partie intégrante de la cellule d’habitation.

Dans ce cas, la House N associe l’intérieur et l’extérieur comme un même ensemble. Sou Fujimoto, expérimente la « maison du futur », en regroupant ces deux éléments en une même unité. Dans cette maison, le jardin s’intègre non pas de manière ponctuelle comme la tradition l’exige mais il vient prolonger l’espace de vie intérieur.

Figure 67 : Réinterprétation de la maison individuelle (Source : FUJIMOTO Sou, Primitive Architecture, Contemporary Architect’s Concept Series 1, 2008,

Tokyo) (Document réalisé par Alice Hoarau)

En somme, cette réalisation contemporaine japonaise cherche à se couper partiellement du monde extérieur par une mise à distance physique et psychologie à l’image des machiya traditionnelles. Comme dans les projets précédemment, cet habitat est une expérimentation contemporaine des concepts traditionnels de la spatialité japonaise. On retrouve principalement la présence d’espaces intermédiaires qui vient ponctuer le parcours de la maison contemporaine ainsi que traditionnelle.

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4) Maison à Murasakino, Dai Nagasaka / MEGA, Kyoto, 2000

J’ai choisi d’étudier ce dernier projet car il s’insère dans un registre architectural moins extrême que les trois réalisations précédemment et nous permet d’effectuer un comparatif avec une maison contemporaine courante. D’ailleurs, son aspect extérieur pourrait même être assimilé à une maison traditionnelle au premier abord.

Ce projet de maison individuelle se situe à Kyoto dans le quartier résidentiel de Murasakino. La particularité de son implantation est qu’elle se trouve face au jardin du temple Daitokuji et du sanctuaire Imamiya. Cet espace naturel en pleine ville apporte une vue des plus agréables à la maison et lui offre une perspective paysagère. Il existe un fort contraste entre la densité de la ville et cet espace naturel.

Figure 68 : Maison à Murasakino, Dai Nagasaka, Kyoto, 2000 Réalisé par l’architecte japonais Dai (Source : Ouvrage d’Isabelle Berthet-Bondet) Nagasaka en 2000, cette maison contemporaine est habitée par un jeune couple japonais et leur fille. Son architecture sobre se confond parfaitement dans le paysage urbain du quartier. Dans le cas présent, la disparité urbaine et typologique est moindre. Certes l’aspect contemporain de cette maison est visible mais cette dernière s’accorde parfaitement avec son voisinage.

Figure 69 : Plan de situation de la Maison à Murasakino, Dai Nagasaka, Kyoto, 2000 (Document réalisé par Alice Hoarau)

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Cette maison s’inscrit dans une architecture moderne et sobre. Sa typologie architecturale reprend certains aspects de la spatialité des machiya traditionnelles. Elle est implantée sur une parcelle rectangulaire et est mitoyenne de chaque côté. Elle possède un accès unique qui s’effectue par l’avenue Imamiya, qui sépare la maison et le sanctuaire Imamiya.

Figure 70 : Plan de masse et coupe longitudinale au 1/200 de la Maison à Murasakino, Dai Nagasaka, Kyoto, 2000 (Document réalisé par Alice Hoarau)

La maison se compose sur trois niveaux, comprenant deux espaces de nuit et deux espaces de vie. Elle s’organise à la fois sur un plan horizontal et vertical. Un travail de transparence a été réalisé dans le but de garder une relation forte entre la rue et le jardin du fond. Ce passage visuel s’apparente au doma, le passage qui longue la machiya traditionnelle.

Dans le cas présent, ce passage n’est pas matérialisé physiquement mais psychologiquement.

La percée vitrée de la rue au jardin du fond donne cette sensation. Le jeu de transparence est aussi présent à l’étage et est renforcé par le décalage des planchers. Cela donne à la maison une sensation de liberté et de grandeur dans un espace aussi étroit.

La maison s’organise autour un escalier en bois central qui dessert chaque espace. De plus, cette décomposition procure une sensation kinesthésique, particulièrement présente chez les Japonais, ce qui apporte du mouvement, du rythme au parcours de la maison. Ce travail d’horizontalité accentue l’idée de profondeur appliqué par la notion d’oku comme dans la machiya traditionnelle.

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Figure 71 : Coupe longitudinale 1/100 de la Maison à Murasakino, Dai Nagasaka, Kyoto, 2000 (Document réalisé par Alice Hoarau)

Figure 72 : Plan du rez-de-chaussée de la Maison à Murasakino, Dai Nagasaka, Kyoto, 2000 (Document réalisé par Alice Hoarau)

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Au niveau du plan de rez-de-chaussée, nous pouvons voir que la parcelle est morcelée en trois espaces. En premier lieu, la maison est en recul par rapport à la rue. On retrouve dans cet espace un micro-jardin qui vient protéger la façade sud. Traditionnellement, ce jardin est appelé mise-niwa, il est présent devant certaines machiya traditionnelles. Il est généralement placé entre la rue et la façade principale, habituellement situé devant le magasin de la maison traditionnelle, la mise. Ce jardin se prolonge jusqu'à l’entrée, créant un recul suffisant pour garantir l’intimité de la maison.

Figure 73 : Vue sur l’entrée (Source : Ouvrage d’Isabelle Berthet-Bondet) Figure 74 : Croquis du micro jardin devant la maison (Document réalisé par Alice Hoarau) Maison à Murasakino, Dai Nagasaka, Kyoto, 2000

Dans un second temps nous retrouvons la maison avec l’espace de vie. Dès l’entrée, on retrouve un dispositif de transition. L’entrée se décompose en deux espaces : le genkan, recouvert d’un dallage en pierre dans le prolongement du micro-jardin de l’entrée, légèrement rehaussé et l’espace de vie recouvert d’un plancher en bois. Comme à l’accoutumée des Japonais, cette différente de hauteur marque la transition extérieur et intérieur. Nous pouvons tout de même remarqué une nette inspiration occidentale. En effet, la cuisine est ici ouverte et se situe au centre de l’espace de vie.

Figure 75 : Coupe schématique de l’entrée avec le genkan Maison à Murasakino, Dai Nagasaka, Kyoto, 2000 (Document réalisé par Alice Hoarau)

Figure 76 : Vue sur la salle à manger qui s’ouvre sur le jardin du fond de Maison à Murasakino, Dai Nagasaka, Kyoto, 2000

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Enfin, l’espace de vie s’ouvre sur le jardin du fond. Appelé oku-niwa dans l’habitat traditionnel japonais, ce jardin crée un vide naturel qui vient éclairer l’ensemble du rez-dechaussée. Cet espace crée un intervalle d’espace-temps qui met en application ma. Ce vide permet de transporter le visiteur vers un microcosme propre à son imaginaire. La lumière du jardin contraste avec l’obscurité de l’espace intérieur. Le mouvement de la lumière naturelle reflète le temps qui passe et ainsi souligne la beauté éphémère du jardin.

Cette configuration spatiale moderne reprend les grands axes hiérarchiques de la machiya traditionnelle.

Figure 77 : Schéma d’organisation hiérarchique de la Maison à Murasakino, Dai Nagasaka, Kyoto, 2000 (Document réalisé par Alice Hoarau)

L’étage se décompose en plusieurs paliers, ils sont reliés par l’escalier central. Au premier niveau, nous avons deux espaces de nuits légèrement décalés l’un par rapport à l’autre.

L’espace est entièrement ouvert, aucune cloison ne vient délimiter les pièces. Comme dans la maison traditionnelle japonaise, l’espace est modulable. Cette flexibilité donne de la perspective à l’ensemble de la maison et ainsi elle apporte de la lumière et crée de la transparence entre les différents espaces.

Figure 78 : Plan du premier étage de la Maison à Murasakino, Dai Nagasaka, Kyoto, 2000 (Document réalisé par Alice Hoarau)

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Figure 79 : Vue depuis l’espace nuit de la Maison à Murasakino, Dai Nagasaka, Kyoto, 2000 Figure 80 : Vue sur le salon du dernier étage, Maison à Murasakino, Dai Nagasaka, Kyoto, 2000

Enfin, au dernier étage nous avons un salon qui s’ouvre sur une terrasse au sud. Situé au sommet de la maison, on peut penser que ces pièces sont considérées comme les espaces les plus intimes de l’habitat. Elles peuvent refléter le degré maximal d’ura et de ke. Dans le cas de cette maison, le dispositif hiérarchique traditionnel est transposé dans une organisation verticale.

Figure 81 : Plan du deuxième étage de la Maison à Murasakino, Dai Nagasaka, Kyoto, 2000 (Document réalisé par Alice Hoarau)

Ce projet de maison individuelle associe parfaitement les codes spatiaux traditionnels à un fonctionnement occidental. En effet l’architecture de cet habitat garde une organisation typiquement traditionnelle mais elle va le transposer à la fois dans une horizontalité comme dans une verticalité. L’architecte réutilise la transparence japonaise dans le but de créer de la profondeur et entretenir cette fois-ci une relation entre l’espace public et l’espace intime de la maison.

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B. La transposition des dispositifs traditionnels dans l’architecture de la maison contemporaine japonaise

Après avoir étudié ce panel de maisons contemporaines japonaises, nous constatons qu’il existe plusieurs déclinaisons d’architecture domestique du XXIème siècle présent sur l’archipel nippon, à des degrés de réflexion et d’expérimentations différents.

Conçue par des architectes contemporains japonais, la particularité de ces maisons est qu’elles sont toutes composées d’influences clairement visibles. D’un côté, nous retrouvons des éléments, des dispositions purement venues des pays occidentaux, et donc influencées par les valeurs culturelles, sociales et architecturales de l’Occident. De l’autre côté, nous retrouvons l’application d’une identité architecturale forte qu’est l’architecture traditionnelle japonaise. Bien que ces influences soient transposées dans un domaine plus contemporain, certaines notions et certains dispositifs sont omniprésents dans la réflexion et la réalisation de ces maisons contemporaines. Même si les architectes ne le revendiquent pas, leur culture nipponne interagit fortement avec leurs pensées architecturales.

En somme l’étude de ces maisons japonaises, nous révèle un savant mélange entre différentes pensées architecturales et culturelles. Ces maisons conjuguent avec subtilité l’emprunt de certains codes traditionnels transposés dans une nouvelle mutation générationnelle et l’influence notable de l’architecture occidentale.

Afin de comprendre cette mutation, nous allons tout d’abord identifier les points communs à la maison traditionnelle japonaise. Nous allons rechercher les dispositifs les plus constants présents dans ce panel de maisons contemporaines. L’idée est d’établir une correspondance entre tradition et modernité afin de voir si les notions traditionnelles vues précédemment se perpétuent malgré la mutation fulgurante du Japon.

Nous venons de voir que l’aspect formel de l’architecture domestique contemporaine se décline sous différents modèles, avec des dominantes pour une architecture moderne et minimaliste mais alors comment les dispositifs traditionnels s’inscrivent-ils dans ce type de maisons ? Comment les concepteurs contemporains s’approprient-ils ces codes ? Est-ce une réinterprétation, une reformulation ?

Avant cela, nous allons nous intéresser tout d’abord aux constantes spatiales traditionnelles communes dans chacune des maisons étudiées et comprendre leurs relations avec ce type d’architecture.

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1) Les constantes de l’architecture traditionnelle

L’étude de ces maisons contemporaines nous permet de constater plusieurs points communs avec l’architecture traditionnelle japonaise. L’aspect architectural étant très éloigné de celle des maisons traditionnelles, mais elle en n’est pas moins inspirée. Le choix de ce corpus d’habitat contemporain, nous montre de nouvelles formes architecturales, parfois très expérimentales mais elles nous ont permis de voir l’association de concepts modernes et traditionnels. Néanmoins, ces maisons s’inspirent et même empruntent certains éléments traditionnels afin d’enrichir le dialogue entre l’habitat et son environnement extérieur, dont le paysage urbain du Japon.

D’une part, on retrouve une certaine similitude dans l’implantation des différentes maisons. Chacune d’entre elles s’organise sur un parcellaire étroit mais profond.

Traditionnellement, ce découpage parcellaire fait appel à la notion oku. Il permet ainsi de donner de la profondeur aux intérieurs. Il s’accompagne régulièrement d’un extérieur (jardin intérieur ou patio). Ce dernier est alors considéré comme le seul élément naturel présent.

Que ce soit la maison N/A, la Moriyama House, la maison N ou encore la maison à Murasakino, on retrouve systématiquement cette configuration parcellaire. On peut penser que le découpage tissulaire urbain japonais a engendré cette organisation. L’espace japonais s’amoindrissant, l’habitat contemporain cherche à développer de nouveaux modèles domestiques afin d’exploiter cette contrainte urbaine.

A titre d’exemple, la maison à Murasakino de l’agence japonaise MEGA, réutilise l’organigramme hiérarchique de la machiya traditionnelle. Son implantation parcellaire étant étroit et allongé, l’architecte fractionne le terrain dans sa longueur en trois seuils.

Figure 82 : Plan du RDC de la Maison à Murasakino, Dai Nagasaka, Kyoto, 2000 (Document réalisé par Alice Hoarau)

premier est un micro-jardin, appelé mise-niwa, présent dans certaines machiya Le traditionnelles. Cet espace crée une mise à distance, une zone tampon qui protège l’intimité de la maison. Ce jardin crée une transition et fait appel à la notion ma. Puis nous avons le corps principal de la maison et enfin le jardin du fond, oku-niwa. Ce dernier jardin crée un intervalle d’espace-temps, un espace vide où l’homme communique, contemple une nature miniature

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coupée du reste du monde. Il incarne l’espace sacré de la maison, éloigné de toute nuisance extérieure. De plus, le jardin nourrit l’intérieur de par sa lumière. Cette maison contemporaine s’inscrit dans une architecture horizontale typique des machiya traditionnelles ce qui engendre l’application des notions d’espace-temps et de profondeur.

D’autre part, nous pouvons voir que certaines de ces habitations s’organisent suivant un rythme gradué. Comme dans l’habitat traditionnel, la gradation des espaces (disposition des planchers, hauteurs de sol, textures) est l’une de ces spécificités.

Celle-ci est présente tout particulièrement dans la House N/A de Sou Fujimoto. L’ensemble du plancher de cette maison est fragmenté en plusieurs strates accolées les uns aux autres. Le décalage de ces strates à différentes hauteurs correspond à une multitude de micro-espaces superposés les uns au-dessus des autres. Cette différence de hauteur donne une sensation de transition. Elle crée des coupures progressives au sein de la cellule d’habitation.

Dans certains cas, s’ajoute à cela des revêtements de sol différents qui accentuent fortement cette hiérarchie spontanée. Cela peut paraître anodin et commun à toute architecture, mais on retrouve parfois les mêmes natures de sol que ceux présents dans l’habitat traditionnel.

A titre d’exemple, la Layer House 40 d’Hiroaki Ohtani, reprend ce dispositif. L’entrée est en terre battue (doma), les escaliers et les circulations sont en bois (itanonia) et enfin les espaces de vie recouverts d’une paille tissée (tatami)41.

Ce rapport de sol engendre différentes atmosphères, rythmes et déplacements au sein de l’habitat. En dehors des maisons étudiées, on retrouve d’autres architectes qui reprennent ce dispositif. Cela confirme alors une certaine constante dans l’architecture contemporaine.

Figure 83 : Vue intérieur de la Layer House, Kobe, Hiroaki Ohtani, 2003 Figure 84 : Plan R-1 (identification des types de sols) Layer House, Kobe, Hiroaki Ohtani, 2003 (Document réalisé par Alice Hoarau)

40 41

Layer House, Hiroaki Ohtani, Kōbe, 2003 Les trois types de sol présentent dans l’habitat traditionnel japonais : doma, itanonia, tatami. (Voir II-B)

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De plus, on constate dans chacune des maisons étudiées un engouement pour une architecture puriste. La machiya traditionnelle cherche à se détacher des choses superficielles en privilégiant l’essentiel. Ainsi l’espace de ces maisons contemporaines et traditionnelles n’est composé que de plan libre, vide, donc flexible à volonté. Nous allons parler d’espace plutôt que de pièces. Cette liberté d’espace applique la notion de ma, et fait appel à l’imaginaire de l’homme. Ces espaces de style nomade, vont connaître une mutation perpétuelle au fur et à mesure du temps qui passe. L’espace devient alors des lieux/moments, où le visiteur découvre en quelque sorte sa situation en fonction de l’agencement de la maison. Ainsi, la House N/A en est le parfait exemple. La fragmentation du plancher de la maison engendre des situations, des gestes et compare le sol à du mobilier.

Figure 85 : Vues intérieurs : mutualisation de l’espace de vie de la House N/A, Sou Fujimoto, Tokyo, 2007-2011 (Source : © Iwan Baan)

En revanche, les dispositifs les plus constants qui ressortent le plus dans ces différentes études s’apparentent à la notion en. Comme nous l’avons vu précédemment, en définit un espace intermédiaire entre deux entités. Il possède un rôle de médiateur qui va créer une interaction, une harmonie entre deux éléments opposés. Cet espace doit à la fois marquer une transition et créer une connexion. Cette dualité spatiale est omniprésente dans la conception des maisons contemporaines. On peut distinguer l’aspect conceptuel du genkan, du doma et de l’engawa.

Chaque entrée marque la transition d’un espace à un autre. A l’image du genkan traditionnel, la maison à Murasakino de Dai Nagasaka marque cette transition par un recul par rapport à l’espace public. Dans le cas de ce projet, l’entrée est dissimulée par une zone tampon (micro-jardin) qui se trouve dans le prolongement de la rue. Recouverte d’un pavage en pierre, elle Figure 86 : Extrait du plan du RDC (identification du genkan), Maison à matérialise le genkan traditionnel.

Murasakino, Dai Nagasaka, Kyoto, 2000 (Document réalisé par Alice Hoarau)

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Figure 87 : Coupe longitudinale House N, Oita, Japon, Sou Fujimoto, 2008 (Document réalisé par Alice Hoarau) Figure 88 : Extrait du plan RDC (identification du genkan), House N, Oita, Japon, Sou Fujimoto, 2008 (Document réalisé par Alice Hoarau)

Autre exemple, la Layer House marque son accès par un patio. Cet espace tampon qui s’ouvre sur l’environnement extérieur crée une certaine ambiguïté. Il estompe les frontières entre les différentes entités ainsi « on ne se trouve ni dedans ni dehors mais dans un entre-deux »42.

Une seconde forme de transition est l’engawa. Elle borde généralement l’espace de vie des machiya traditionnelles. Cet espace s’apparenterait pour les Occidentaux à une véranda (quand il est semi-ouvert) ou à une varangue (quand il est totalement ouvert).

Présent dans certaines réalisations telles que la Moriyama House ou dans la maison à Murasakino. La fragmentation de la maison Moriyama a engendré l’apparition de petits sas totalement vitrés (mur et plafond) qui permettent de relier certains blocs.

Situé entre deux pièces, le sol de ce passage est en terre battue et est entièrement ouvert visuellement sur le jardin et le ciel.

A l’image d’une véranda, il saisit une vue, un moment et crée ainsi un espace-temps qui transpose le visiteur. Cette porosité renforce la relation dedans/dehors et le prolongement de l’espace de vie, voulu par l’engawa Figure 89 : Vue le sas vitré entre les blocs traditionnel.

G et H, Moriyama House, Tokyo, Ruey

Nishizawa, 2002-05

42

BERTHET-BONDET Isabelle, 20 Maisons nippones - Un art d’habiter les petits espaces, Marseille, Edition Parenthèses, 2010

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Autre ressemblance, la House N, reprend le concept de l’engawa mais à une tout autre échelle.

Ici l’espace de médiation vient englober à la fois maison et jardin, il les protège en quelque sorte de l’environnement extérieur. Il faut savoir que le but de l’engawa est en effet de protéger l’intérieur des aléas climatiques.

Figure 90 : Coupe transversale, House N, Oita, Japon, Sou Fujimoto, 2008 (Document réalisé par Alice Hoarau)

Enfin la dernière forme de transition se trouve dans la disposition linéaire de l’entrée au fond de la maison. Habituellement appelé doma, cet espace longe la maison traditionnelle, donne un accès direct de la rue au jardin du fond. Elle dessert respectivement le genkan, la cuisine, les points d’eau et le jardin. Le sol de cette desserte est généralement en terre battue ou pavé. Légèrement plus bas que les pièces de vie en tatami, le doma correspond à l’espace technique de la maison.

Dans le cas de ces maisons contemporaines, elles adoptent subtilement la même circulation linéaire dans la distribution de ces pièces techniques. Elles se matérialisent parfois physiquement ou visuellement. Davantage présente au sein de la House N, on retrouve ce dispositif de manière plus conceptuelle.

Figure 91 : Plan de la House N, Oita, Japon, Sou Fujimoto, 2008 Croquis vue sur l’espace cuisine de la maison (Document réalisé par Alice Hoarau)

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En ce qui concerne la symbolique de la nature, elle reste l’élément spatial le plus constant dans chaque maison étudiée. Chacune d’entre elles se compose principalement de cette symbolique. Depuis des siècles, les japonais ont cultivé un rapport singulier à la nature.

Omniprésente dans la Moriyama House, elle est une de ses composantes les plus importantes.

Fragmentée en dix volumes totalement ouverts sur la ville, c’est le jardin qui crée le lien entre eux. Cet espace naturel permet de déambuler de bloc en bloc, créer des intervalles latents et prolonger l’espace de vie vers l’extérieur. Il donne l’impression que l’intérieur et l’extérieur ne forment qu’un tout. Il n’existe pas de frontière entre ces deux entités. Ce sont les limites parcellaires qui définissent l’enveloppe de la maison.

Alors que le rapport à la nature se fait de manière ponctuelle dans la maison traditionnelle de par un petit jardin intérieur, des patios et reste clos sur elle-même, ici la maison et son jardin sont entièrement ouverts sur l’environnement extérieur. Serait-ce pour que la maison contemporaine cherche à s’ouvrir Figure 92 : Vue sur le jardin, Moriyama House, Tokyo, sur un extérieur urbain, voulant étendre ce Japon, Ruey Nishizawa, 2002-05 (Source : Iwan Baan) rapport vers une échelle plus large.

En somme, nous venons de voir que la conception architecturale contemporaine de la maison japonaise s’imprègne des codes traditionnels. On peut constater que ce corpus de maisons, nous a permis de souligner l’utilisation constante de quatre dispositifs spatiaux adoptés par la maison traditionnelle. Il s’agit là : de la composition parcellaire avec l’application d’oku ; de la disposition graduée des espaces afin de créer des rythmes ; des espaces intermédiaires qui apportent du mouvement à l’ensemble et enfin la relation singulière à la nature.

Ces maisons contemporaines les reprennent continuellement non pas sous leur forme traditionnelle mais plutôt selon leurs aspects théoriques. Elles les transposent dans une architecture plus expérimentale et contemporaine.

Ainsi on peut se poser la question est-ce-que l’architecture domestique contemporaine japonaise n’est elle pas plutôt une réinterprétation théorique et/ou formelle des traditions nippones ?

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2) Une réinterprétation formelle et théorique fait par les contemporains japonais

L’architecture domestique contemporaine japonaise du XXIème siècle tend vers un registre plus avant-gardiste, conceptuelle et expérimentale. Le choix de ces maisons contemporaines n’est pas anodin, leur caractère singulier, originale et minimaliste marque en quelque sorte l’ère des maisons japonaises futuristes. En somme, cette architecture avantgardiste est le fruit d’une mixité culturelle, sociale et architecturale. Comme nous venons de voir, ce panel de maisons contemporaines emprunte certains codes traditionnels et les transpose dans une architecture moderne.

Les facteurs principaux de cette évolution formelle sont d’une part l’influence des valeurs sociales occidentales. Les nouvelles générations du Japon s’imprègnent des modes de vie, du fonctionnement interfamilial de la maison occidentale. L’aménagement de la maison à Murasakino en est le parfait exemple. Malgré une proche ressemblance à l’organisation parcellaire des machiya, l’aménagement interne du rez-de-chaussée a intégré une disposition occidentale. La cuisine et la salle à manger sont ici considérées comme les espaces de vie principaux de la maison.

Figure 93 : Croquis sur le rez-de-chaussée depuis le jardin, Maison à Murasakino, Dai Nagasaka, Kyoto, 2000 (Document réalisé par Alice Hoarau) Figure 94 : Plan du rez-de-chaussée de la Maison à Murasakino, Dai Nagasaka, Kyoto, 2000 (Document réalisé par Alice Hoarau)

Traditionnellement, dans l’habitat japonais, les espaces techniques tels que la cuisine sont exclus du cœur de vie de la maison. Présente dans le doma, la cuisine n’est pas considérée comme un lieu de vie commun à toute la famille.

Rappelons que l’espace traditionnel de la femme japonaise est relayé à la cuisine, une pièce technique à l’écart des espaces de vie dédiés à l’homme, elle se trouve plus bas que les espaces de tatami. Etant le prolongement du doma, le sol de la cuisine est fait en terre battue (voire bétonné). Ainsi cette nouvelle disposition résulte sur la sphère familiale et montre une certaine Figure 95 : Vue plongeant sur l’espace de vie de la évolution des mentalités traditionalistes au Japon. Maison à Murasakino, Dai Nagasaka, Kyoto, 2000 (Source : Ouvrage d’Isabelle Berthet-Bondet)

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L’un des autres facteurs prédominants de cette réinterprétation se situe dans l’influence des courants architecturaux de l’Europe et des Etats-Unis. L’aspect conceptuel de ces maisons démontre un engouement pour une architecture minimaliste et des plus modernes qui cherche à expérimenter des jeux de contrastes entre tradition théorique et modernité formelle.

A l’image du minimalisme occidental prônant l’expression « Less is more »43. On ressent cette modernisation formelle sur chacune des maisons étudiées. Par ces expérimentations, les architectes cherchent l’essence même de la notion d’habiter. Ils sont amenés à ne considérer que les éléments essentiels de la vie quotidienne. Ainsi, les formes cubiques de la Moriyama House ou celle de la House N, accentuent cette envie de simplicité.

Figure 96 : Façade principale, House N, Oita, Japon, Sou Fujimoto, 2008 (Source : © Iwan Baan) Figure 97 : Vue plongeante sur la façade nord de la Moriyama House, Tokyo, Ruey Nishizawa, 2002-05 (Source : © Iwan Baan)

Une autre évolution remarquable de ce chamboulement des codes traditionnels, réside surtout dans la dualité de l’ombre et de la lumière. Dans la culture occidentale, l’esthétique architecturale repose sur la capacité à mettre en valeur les éléments par une forte luminosité.

L’ombre est considérée comme l’ennemi de l’architecture contemporaine occidentale.

Alors que traditionnellement, les Japonais ont développé toute une esthétique spatiale à partir de cette dualité. L’idée étant que l’ombre cache certains éléments pour en dévoiler d’autre.

Elle offre une sensation de profondeur à l’espace et ainsi provoque chez les visiteurs une perte de repères et de distance.

Inversement, l’habitat contemporain japonais tend vers une clarté et une luminosité architecturale. Au final, l’illumination des espaces par de grandes ouvertures vitrées, comme par exemple la House N/A donne une nouvelle dimension à cette sensation de profondeur, appliquée traditionnellement par la notion d’oku.

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« Less is more » : cette expression a été utilisée pour décrire le mouvement minimalisme en art et en architecture. Dans laquelle le sujet est réduit au nécessaire. C’est l’architecte allemand Ludwig Mies Van der Rohe qui l'a utilisé pour décrire sa méthodologie.

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Figure 98 : Vue intérieur du premier étage de la House N/A, Tokyo, Sou Fujimoto, 2007-2011 (Source : ©Iwan Baan) Figure 99 : Vue sur le cage d’escalier, Layer House, Kobe, Hiroaki Ohtani, 2003

Voici deux traitements différents de cette dualité. On ressent bien que selon le contexte architectural, la profondeur procurée par la dualité ombre et lumière créée des perceptions différentes suivant l’atmosphère voulue. Néanmoins, on retrouve tout de même un fort rapprochement à l’esthétique occidentale.

D’autre part, nous avons constaté que plusieurs des dispositifs traditionnels sont communs dans chacune des maisons étudiées. Transposés dans une modernité formelle, ils ont gardé en soi la même identité relationnelle avec l’espace habité. Cependant, nous pouvons penser que cette nouvelle conception domestique pousse à l’extrême les théories traditionnelles.

Prenons l’exemple de la House N/A, le travail de transparence omniprésente de cette maison soulève la problématique de l’intimité. Les occupants sont perpétuellement visibles, ne pouvant pas se cacher du voisinage. Dans la société nippone, la sphère familiale se base sur une identité communautaire, dont la notion d’uchi44. De ce fait, la notion d’intimité n’est que très peu évoquée.

Dans le cas présent, nous avons l’impression que cette transparence donne une nouvelle dimension à la cellule communautaire, comme si la cellule familiale, uchi, s’agrandissait jusqu’au quartier. Autrement dit, l’habitat contemporain cherche à s’étendre vers une identité collective plus large. En tant qu’Occidentaux, nous percevons ce manque d’intimité, comme une atteinte à notre vie privée. Au-delà de cette problématique, ce sont les valeurs culturelles et sociales inculquées aux Japonais Figure 100 : House N/A, Sou Fujimoto, qui font de cette proximité visuelle une richesse Tokyo, 2007-2011

architecturale.

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Uchi : (Se référer au I-E)

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La Moriyama House ne déroge pas à cette hyperbole formelle. L’habitat traditionnel japonais entretien une forte relation à un extérieur. Elle se coupe de l’environnement urbain et s’ouvre sur des jardins intérieurs idéalisés. Elle donne aux visiteurs seulement une vue sur le ciel, qui est au final le seul élément naturel réel de la maison.

En opposition, la Moriyama House est entièrement ouverte sur le quartier. La conception de cette maison n’instaure pas une frontière entre la rue, le jardin et l’habitat. On assiste plutôt à une interconnexion de la ville (la nature extérieure) et de l’habitat. Le jardin japonais idéalisé laisse place à une simple appropriation de l’espace extérieur, visible dans les ruelles japonaises.

Figure 101 : Vue depuis la ruelle au nord de la Moriyama House, Tokyo, Ruey Nishizawa, 2002-05 (Source : © Iwan Baan) Figure 102 : Appropriation végétale des abords des maisons japonaises (Source : © Iwan Baan)

Au-delà de cette tendance à l’exagération, le caractère singulier du mode de vie japonais se voit aussi bouleversé. La forte influence occidentale a fait évoluer la manière d’habiter des Japonais vers des codes très occidentaux tels que le fait de manger à table assis sur une chaise ou encore l’emplacement fixe du lit. Cela nous montre un réel détachement à l’espace habité traditionnel nippon. Néanmoins, on retrouve dans l’ensemble des maisons étudiées, une tendance à l’espace nomade, des espaces totalement neutres qui vivent de façon différente selon les moments de la journée. On peut supposer que cette habitude sociale conditionne et conditionnera pendant des siècles l’habitat japonais.

Figure 103 : Vue sur une des pièces depuis le jardin Moriyama House, Tokyo, Ruey Nishizawa, 2002-05 Figure 104 : Coupe AA’ (identification des différentes hauteurs de plancher) Moriyama House, Tokyo, Ruey Nishizawa, 2002-05 (Document réalisé par Alice Hoarau)

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La Moriyama House ou encore la maison à Murasakino en sont de parfaits exemples. La modularité spatiale et formelle des blocs de la Moriyama House propose différentes situations.

Selon le positionnement du plancher et des ouvertures, le plancher peut devient un banc.

L’espace se mutualise en fonction du lieu et du moment.

Un autre exemple de cette réinterprétation, est l’introduction d’espaces intermédiaires au sein de l’habitat contemporain japonais. Comme nous venons de le voir précédemment, la machiya traditionnelle se compose principalement de ces espaces transitoires.

Leur objectif est de lier deux espaces entre eux. Les plus marquants sont le genkan, qui sépare la maison de la rue ; le doma qui permet de relier directement la rue au jardin du fond et enfin l’engawa, qui prolonge l’intérieur vers l’extérieur. Ainsi, on retrouve ces entités dans les maisons étudiées.

Par exemple, on retrouve subtilement la présence théorique du genkan. Dans le cas de la Moriyama House, chaque pièce de cette maison possède sa propre entrée. Elle se matérialise par une dalle en béton au sol. Elle symbolise une pause entre l’extérieur et l’intérieur. Comme dans la maison traditionnelle japonaise, la nature du sol du genkan accentue un rapport de transition.

Figure 105 : Extrait de plan schématique de l’entrée d’un des blocs de la Moriyama House (Document réalisé par Alice Hoarau) - Vue sur l’entrée du bloc A, Moriyama House, Tokyo, Ruey Nishizawa, 2002-05

Par conséquent, l’architecture domestique contemporaine japonaise emprunte et s’approprie les codes de la maison traditionnelle. Ils se déclinent sous différentes formes. D’une part, on retrouve une réinterprétation fortement influencée par les valeurs culturelles, sociales et architecturales des pays occidentaux.

D’autre part, on assiste à une transposition plutôt théorique que formelle de ces éléments.

Enfin, on s’aperçoit que l’architecture contemporaine japonaise pousse ces codes à leurs extrêmes pour en retirer le maximum de potentiel architectural.

Cependant la philosophie spatiale japonaise, évoquée au début : ma, oku et en, définit-elle de nouvelles formes architecturales au sein de ces maisons contemporaines.

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3) Déclinaisons strictement formelles des codes traditionnels de la maison japonaise

Nous venons de voir que l’habitat contemporain nippon est un savant mélange du traditionaliste japonais et d’une forte influence du monde moderne occidental. Nous avons démontré qu’elles appliquent et réinterprètent certains dispositifs spatiaux traditionnels.

Cependant, ces nouvelles architectures nippones cherchent à établir d’autres interactions avec son environnement et ses occupants. Il ne s’agit plus que d’une simple relation entre l’homme et la nature mais il est question ici de développer de nouvelles sensations et/ou perceptions entre l’homme, son environnement et son habitat.

A partir des études de cas réalisées, nous pouvons émettre l’hypothèse que ces maisons contemporaines japonaises utilisent leur aspect strictement formel pour exprimer certaines perceptions spatiales. Cela engendre donc l’apparition de nouvelles thématiques relationnelles.

Ainsi, il me semble intéressant d’analyser la composition formelle de ces maisons. Qualifiées d’atypiques, de minimalistes et de futuristes, leur aspect formel nous amène à nous questionner sur la perception qu’elles engendrent.

Comment l’aspect strictement formel de ces maisons impacte-t-il sur la perception architecturale ?

De ce fait, nous pouvons remarquer que ces habitats contemporains transposent non seulement les dispositifs architecturaux traditionnels mais cherchent à les déclinent sous différentes formes de perceptions.

A travers ces études, nous avons pu identifier plusieurs de ces déclinaisons qui se présentent sous différentes thématiques. Les plus dominantes que nous allons voir par la suite sont la mise à distance, l’analogie à la nature, la verticalité et l’entre-deux.

En outre, ces déclinaisons strictement formelles dévoilent-elles une nouvelle typologie architecturale japonaise ? Ou s’agit-il d’une appropriation de l’espace moderne occidentale par les Japonais ? Ou encore pouvons-nous parler de l’invention d’une nouvelle modernité propre aux Japonais ?

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- Mise à distance par l’imbrication

L’architecture de la House N se questionne sur la dimension réelle de l’intimité. Ici, la dernière boite située au cœur de l’habitat représente l’intimité du foyer.

En tant qu’Occidentaux, ce cœur intime se doit être protégé et en sécurité. Les murs de la maison forment une des premières protections. Dans cette continuité, le jardin est considéré comme la seconde et Figure 106 : Vue intérieur de la House N, Oita, Japon, Sou enfin la dernière protection reste la Fujimoto, 2008 clôture qui sépare le jardin privé de l’espace public. En somme, la composition globale de la maison occidentale se construite à partir d’un séquençage graduant de la rue (espace public), le jardin (semi-public car il reste visible à travers la clôture), la maison (semi-privé, toujours visible mais renferme l’intimité) et enfin l’intérieur (la cellule privée).

Ici, la House N réutilise ce séquençage exclusivement occidental (n’oublions pas que les machiya traditionnelles urbaines japonaises n’utilisent pas cette composition. Elles sont généralement renfermées sur elles-mêmes, sur un jardin intérieur).

Nous avons l’impression que l’architecte Sou Fujimoto reprend cette gradation progressive de l’habitat occidental et la transpose dans une nouvelle forme architecturale. Il utilise le concept d’imbrication afin de reproduire ce schéma de manière contemporaine et futuriste. Comme nous avons vu précédemment, cette maison se compose de trois boîtes de dimensions différentes qui s’imbriquent les unes à l’intérieur des autres.

De plus, on retrouve l’application des notions ma et en entre chaque volume. La délimitation des différents volumes esquisse la présence d’espaces intermédiaires (omniprésents dans la maison traditionnelle japonaise) qui vient accentuer la sensation de mise à distance.

Figure 107 : Coupe transversale schématique de la House N, Oita, Japon, Sou Fujimoto, 2008 (Document réalisé par Alice Hoarau)

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La force de ce projet réside dans la connexion qu’il y a entre ces différents espaces. Le fait que l’aspect formel de ces boîtes soit identique et que la première boîte englobe les deux autres, cela constitue un lien fort. C’est ce qui crée la continuité du projet.

A l’image de la maison traditionnelle japonaise, la cellule habitée et le jardin font partie d’un même ensemble. Un ensemble, où l’extérieur nourrit l’intérieur et inversement.

En somme, la composition graduée de cette maison crée une forte mise à distance entre l’intimité du foyer et l’extérieur urbain. Elle matérialise ainsi une nouvelle forme d’architecture moderne japonaise.

- « Analogie à la nature »45 :

Le contexte géographique et urbain des villes japonaises peut être comparé à un chaos urbain. Les villes sont constituées d’une juxtaposition de petits centres urbains extrêmement concentrés et entourés d’une multitude de petites maisons individuelles. Les rues japonaises côtoient des formes, des tailles, des typologies architecturales de toutes sortes et cela dans une forte densité et une proximité extrême, sans aucune cohésion.

L’architecte Sou Fujimoto a développé dans son manifeste cette analogie. Il cherche à créer un comparatif entre la ville japonaise et la nature. Le tissu urbain s’apparenterait à une immense forêt artificielle, où une multitude d’essence d’arbre (différentes hauteurs, différentes espèces…) se côtoient dans de petits espaces.

Dans le cas de la House N/A, l’architecte conçoit un lieu de vie qui s’apparenterait à habiter dans un arbre. La composition formelle de cette maison reprend l’idée d’un arbre, où chaque branche correspond à un espace donné de la maison que l’on peut y grimper (branche par branche, strate par strate).

Figure 108 : Analogie à la nature schéma explicatif, House N/A, Tokyo, Sou Fujimoto, 2007-2011 (Le dernier schéma est extrait de l’ouvrage FUJIMOTO Sou, Primitive Architecture, Contemporary Architect’s Concept Series 1, 2008, Tokyo) (Document réalisé par Alice Hoarau)

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FUJIMOTO Sou, Primitive Architecture, Contemporary Architect’s Concept Series 1, 2008, Tokyo

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- La verticalité :

La machiya traditionnelle s’organise sur un plan horizontal. Elle possède toutefois en étage mais répond parfaitement à cette disposition. Le but de cette organisation est de créer des espaces entièrement libres sans aucune interruption visuelle ou physique entre l’intérieur et l’extérieur. L’une des causes de cette composition horizontale est le découpage parcellaire étroit et allongé des villes japonaises. Ces dimensions conditionnent irrévocablement l’agencement des espaces intérieurs. L’idée étant que plus l’espace est libre, continu et fluide plus la maison gagne en profondeur. Ainsi le visiteur se trouvant à l’intérieur de ces maisons perçoit les espaces de manière plus grande.

Toutefois, la forme architecturale de certaines maisons contemporaines étudiées et bien d’autres déroge à cette disposition. Nous avons l’impression que ces maisons inversent finalement les codes. L’espace horizontal traditionnel se transpose dans une verticalité formelle. Cela nous amène à nous questionner sur l’importance réelle de cette composition horizontale. Comment passe-t-on d’une architecture traditionnelle horizontale à un modèle d’habitat contemporain vertical ? Pour répondre à cette question, nous allons nous appuyer sur certaines réalisations contemporaines nippones.

On retrouve cette déclinaison formelle dans l’un des projets de Sou Fujimoto. Il s’agit de la House N/A, construite à Tokyo en 2011. Cette maison expérimente la verticalité et explore d’une autre manière la notion de profondeur.

Implanté dans un quartier dense et très hétéroclite, les parcelles de ces projets sont souvent de petits interstices issus du découpage aléatoire de tissu urbain.

Ici, le terrain semble beaucoup plus petit que celle des maisons traditionnelles, ce qui peut expliquer l’apparition de plusieurs niveaux pour répondre aux besoins des occupants.

Figure 109 : Façade sud, House N/A, Sou Fujimoto, Tokyo, 2007-11 (Source : ArchDaily) Figure 110 : Plan de masse, House N/A, Sou Fujimoto, Tokyo, 2007-11 (Document réalisé par Alice Hoarau)

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Néanmoins, on s’aperçoit que cette verticalité ne contraint pas l’espace. L’ensemble de la maison garde cette fluidité, primordiale aux yeux des Japonais. Au contraire, cette verticalité associée à la fragmentation du plancher accentue même la sensation de liberté. Chaque niveau communique les uns avec les autres sans aucune rupture. Malgré la présence de différents niveaux, l’espace n’est ni segmenté ni cloisonné.

De plus, cette nouvelle composition rajoute la sensation kinesthésique qui est aussi présente dans la conception de l’espace japonais traditionnel. Dans ce projet, cette sensation est dupliquée. Le phénomène invite le corps à déambuler selon des rythmes aléatoires. De ce fait, l’ascension des différents niveaux (monter, descendre, enjamber) crée une attraction au sein de l’habitat. Ainsi cette configuration spatiale n’est ni statique ni linéaire. Bien au contraire, elle apporte une multitude de mouvement, de geste supplémentaire à l’espace moderne japonais et fait interagir le corps avec l’architecture.

Autre exemple de cette déclinaison formelle est la Layer House réalisé en 2003 à Kobe par l’architecte contemporain japonais Hiroaki Ohtani. On retrouve dans ce projet quelque point identique à la maison précédemment. En effet, l’implantation parcellaire de ce projet a conditionné le dimensionnement de cette maison. La verticalité permet ici d’obtenir une multitude de micro-espace suspendu qui communique les uns avec les autres et forme la cellule habitée. Ses différents micro-espaces sont reliés entre eux par un escalier suspendu qui dessine un parcours au sein de la maison. Il guide le visiteur vers « les profondeurs sacrées de l’architecture »46. Il détermine chaque mouvement et dirige le corps et le regard. Les jeux de vide et de plein poussent à l’extrême la sensation kinesthésique. Inéluctablement, ces dispositifs verticaux provoquent chez les visiteurs les mêmes sensations voulues par la maison traditionnelle japonaise : la notion de profondeur, la perte de repères et la rupture avec le monde extérieur.

Figure 111 : Façade principale - Vue intérieur du deuxième niveau, Layer House, Kobe, Hiroaki Ohtani, 2003

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BERTHET-BONDET Isabelle, 20 Maisons nippones - Un art d’habiter les petits espaces, Marseille, Edition Parenthèses, 2010

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Enfin, on retrouve l’application des règles hiérarchiques traditionnelles dans l’organisation horizontale mais aussi verticale de la maison à Murasakino. Organisée sur trois niveaux, les notions d’omote, d’ura et de hare, de ke sont ici appliquées selon la verticalité des espaces. Le rez-de-chaussée correspond au degré maximal d’omote et de hare, il représente l’aspect externe du foyer. Alors qu’au dernier étage, nous avons le degré maximal d’ura et de ke. Il accueille le salon et la terrasse ouverte sur le jardin du sanctuaire Imamiya. Ces deux derniers espaces représentent le cœur intime de la maison verticale au même titre que l’okuniwa dans l’architecture horizontale des machiya.

Figure 112 : Coupe longitudinale – Organisation hiérarchique (OMOTE / URA, HARE/KE) : application horizontale et verticale, Maison à Murasakino, Dai Nagasaka, Kyoto, 2000 (Document réalisé par Alice Hoarau)

En somme, cette déclinaison verticale résulte principalement de l’implantation parcellaire de ces projets. Elle conditionne immédiatement le dimensionnement de l’espace au sol et engendre selon les besoins des usagers cette composition verticale. Cependant, la verticalité de l’espace moderne japonais apporte un nouveau regard sur l’architecture domestique nippone. Elle peut être considérée comme un des critères d’une nouvelle typologie architecturale domestique japonaise.

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- L’entre deux :

L’espace japonais traditionnel ne s’organise pas sur un rapport linéaire d’une pièce à une autre. Au contraire, elle prend sa force singulière dans la dualité des éléments. L’idée étant que chaque polarité peut vivre en harmonie malgré leur différence. Afin de créer cette coexistence, les Japonais ont instauré l’espace de médiation (en), un lieu n’appartenant ni à l’un ni à l’autre. Traditionnellement, il matérialise un jeu d’épaisseur, un intervalle entre deux éléments donnés et ainsi il définit la notion d’entre deux.

Dans le cas de la House N, l’imbrication des différentes boîtes dessine des espaces d’entredeux. De par sa composition, chaque boîte délimite en quelque sorte l’espace et le fractionne en plusieurs seuils intermédiaires. La seconde boite renferme l’espace intime de la maison et crée à la fois un vide et un plein ponctuel. Cette seconde coque crée un passage entre l’espace extérieur (le jardin) et le cœur intime de la maison (espace de vie).

Figure 113 : Coupe transversale de la House N, Oita, Japon, Sou Fujimoto, 2008 (Document réalisé par Alice H.)

Figure 114 : Vue intérieur entre la cuisine et et séjour, House N, Oita, Japon, Sou Fujimoto, 2008

Ici, l’entre-deux possède un rôle de médiateur et marque par sa présence une transition entre deux éléments. Dans l’architecture traditionnelle nippone, on retrouve cette notion dans l’application de « ma » et de « en ». Comme nous l’avons déjà vu, ces notions engendrent des sensations, des perceptions de l’espace de manière différente selon le récepteur. Ces entredeux viennent enrichir l’expérience sensorielle vécue tout au long de la maison traditionnelle.

A travers ce projet, l’entre deux se matérialise par quelque chose de bâti, une zone tampon transitionnelle, un espace intermédiaire.

Même si l’espace semble totalement ouvert, l’imbrication de ces volumes esquisse des zones bien établies. La délimitation du sol entre ces différentes couches marque la transition de chaque pièce, au même titre qu’un encadrement de porte marque la différence d’une pièce à l’autre.

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Dans la maison Moriyama, l’entre-deux dessine une cohabitation entre deux polarités, l’intérieur et l’extérieur. Sa composition nous amène à nous interroger sur leurs limites et leurs fonctions.

Le découpage de cette maison fait que la cellule d’habitation matérialisée généralement par une maison est ici déclinée. Les boîtes correspondent à l’espace intérieur alors que le jardin (l’extérieur) distribue chacune de ces boîtes et devient ainsi l’espace de déambulation. Les différents espaces intérieurs ne pourraient pas communiquer les uns avec les autres sans la présence du jardin et vice-versa. Ici l’intérieur et l’extérieur deviennent des éléments dépendants l’un par rapport à l’autre.

Figure 115 : Découpage de la Moriyama House, Tokyo, Ruey Nishizawa, 2002-05 (Document réalisé par Alice Hoarau)

Dans cette maison, l’espace intérieur et le jardin forment un tout. On peut même constater que l’extérieur devient le prolongement de l’espace de vie. Ainsi, l’entre-deux matérialise une seconde forme qui est la réconciliation des éléments. Il n’y a plus d’espace intermédiaire physique mais un intervalle latent qui fait coexister ces deux polarités.

En somme, l’entre-deux est une notion omniprésente dans l’architecture japonaise qu’elle soit traditionnelle ou contemporaine, ces dispositifs ont pour objectif de créer une interaction, une certaine alchimie entre deux corps opposés.

Dans ces projets, la notion d’entre-deux se matérialise sous deux formes différentes. La maison N/A adopte le système d’imbrication qui crée des espaces de médiation. Alors que l’éclatement formel de la maison Moriyama fait converger deux polarités distinctes. Cela se fait sans aucune transition physique mais cette coexistence donne la sensation d’être l’essence du projet.

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Paradoxalement, l’habitat contemporain japonais ne s’éloigne pas tellement des perceptions voulues par l’habitat traditionnel. De par l’influence culturelle propre à chaque architecte, on s’aperçoit que l’architecture domestique contemporaine japonaise n’est pas qu’une reformulation des codes traditionnels mais qu’il s’agit au contraire de l’invention d’une nouvelle modernité inscrivant les traits dominants de la culture nippone.

Nous venons de voir un panel de maisons contemporaines japonaises qui traite à la fois des caractères culturels traditionnels dans lequel elles s’inscrivent et les transposent métaphoriquement dans une modernité architecturale. De par l’influence du monde moderne et son ouverture sur le monde extérieur, le travail des architectes contemporains nippons nous donne l’impression que ceux-ci cherchent à faire évoluer le modèle de la maison de ville traditionnelle. Je pense que ses différentes déclinaisons formelles peuvent être considérées comme une amorce vers l’identification d’une nouvelle forme d’habitat japonais. Ces architectes nippons cherchent à définir la nature profonde de l’espace moderne japonais dans l’architecture du XXIème siècle.

En somme, les Japonais intègrent une dimension spirituelle et sensorielle à l’espace moderne occidental. Ils cherchent à provoquer une attraction psychologique par le biais de dispositifs architecturaux. Ils veulent avant tout donner une réalité physique à l’espace habité occidental.

Les espaces intermédiaires, les temps de pause, les sensations kinesthésiques sont des éléments importés du traditionalisme japonais et ont pour but de rythmer aléatoirement la cellule d’habitation. Ainsi, les Japonais veulent dévoiler l’importance de chaque incident architectural afin d’obtenir une multitude d’identité singulière au sein d’une seule maison.

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Conclusion

L’architecture contemporaine japonaise aspire à une singularité caractéristique, liée à la culture unique de l’archipel, conjuguant une tradition toujours influente avec une extrême modernité. Bien que le Japon ait été isolé pendant plus de deux siècles du reste du monde, les japonais ont su bâtir une culture et une histoire architecturale propre à leurs valeurs sociales.

Cet isolement leur a permis d’édifier la conception de l’espace japonais intimement lié à la relation singulière qu’ils ont avec leur environnement naturel.

Pour les Japonais, l’espace habité sert à traduire une symbolique et à transmettre des sensations. La spatialité nippone traditionnelle cherche à mettre en valeur chaque lieu de manière à vivre une expérience singulière à chaque moment où il se présente à nous.

L’architecture japonaise fait appel à la fois à la spatialité et à la temporalité, ils sont indissociables. Traditionnellement, l’espace japonais doit saisir l’instant et transmettre une sensation propre à chacun.

L’espace habité japonais s’appréhende en mouvement. Le modèle de la machiya traditionnelle cherche à créer du mouvement par la présence ponctuelle d’éléments intermédiaires, transitoires et un important travail sur la profondeur et le parcours. Ainsi, chaque incident architectural du foyer va s’associer aux mouvements du corps et c’est à cet instant que le concept spatial nippon deviendra une réalité physique, presque palpable. Toutefois, cet espace reste très codifié.

Dans ce mémoire, je me suis principalement intéressée à deux grands concepts qui composent la philosophie spatiale japonaise.

Dans un premier temps, nous avons vu que cette philosophie de l’habitat se base sur des éléments spatiaux sensoriels et met en application les notions d’espace-temps ma, la coexistence en et la profondeur oku. Ces notions agissent sur une dimension invisible et faite appel aux sens de l’homme dans le but de créer une interaction entre le corps, l’esprit et l’architecture. Elles cherchent à faire ressentir à l’utilisateur des sensations, à créer de nouvelles perceptions de l’espace selon leur propre regard.

Dans un second temps, la spatialité japonaise applique paradoxalement une rigoureuse organisation hiérarchique. La maison traditionnelle japonaise est basée sur une sphère identitaire familiale, uchi. De plus, l’espace habité nippon utilise un système de gradation qui détermine l’aspect externe et/ou interne de chaque pièce. Cette dernière notion hiérarchique reflète l’importance ou non de certains lieux qui composent la cellule habitée japonaise.

Dans le cas présent, l’étude de la machiya nous a dévoilé la volonté de mettre à distance, de protéger le cœur naturel et intime de l’habitat, identifié comme le jardin du fond, l’oku-niwa.

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La machiya traditionnelle témoigne de l’impact physique et spirituel de cette philosophie spatiale japonaise. Ce modèle d’habitat populaire urbain a été construit à partir de ces codes traditionnels et c’est ce qui lui confère une identité forte et singulière.

Au-delà de l’aspect traditionnel, les codes de l’espace japonais se voient chamboulés de par la mutation fulgurante du Japon et sa modernisation de plus en plus grandissante. Les japonais sont aujourd’hui davantage influencés par la culture et la société occidentale. Ce rapport m’a permis de voir de quelle manière le concept de la spatialité japonaise a pu être transposé. Ainsi, les diverses études de maisons contemporaines japonaises m’ont permis de mesurer et d’identifier l’impact ou non des notions spatiales traditionnelles sur leur forme, leur conception et leur interaction avec le milieu japonais.

Certaines de ces maisons reflètent une architecture très minimaliste, d’une apparente simplicité et qui peuvent être très vite prises à parti. Certaines d’entre elles s’inscrivent dans un registre architectural poussé à l’extrême, dévoilant parfois trop l’intimité des occupants.

Néanmoins elles ne s’insèrent pas directement dans la continuité du mouvement moderne.

En faisant, ce comparatif entre la machiya traditionnelle et certaines réalisations domestiques contemporaines japonaises, nous remarquons une subtile influence des codes traditionnels.

Ces maisons contemporaines sont issues d’un savant mélange entre cultures, architecture traditionnelle et modernité occidentale. Ces études nous ont dévoilé une dimension sensorielle où l’espace moderne japonais a le pouvoir lui aussi de transmettre des sensations et est chargé de symboles. Même si l’aspect externe de ces maisons ne reflète en rien son appartenance à l’architecture traditionnelle japonaise, elles prennent toutefois racine dans la conception de l’espace japonais, propre à l’archipel, de par l'utilisation des concepts spatiaux ma, oku, en.

Le travail des architectes Sou Fujimoto, de l’agence SANAA, ou encore d’Hiroaki Ohtani, s’inscrit dans une modernité extrême mais ces réalisations associent parfaitement l’influence moderne occidentale, aux valeurs culturelles et traditionnelles nippones et cela avec une sensibilité propre à ces architectes.

Dans un registre moins expérimental, la maison à Murasakino réalisée par l’agence japonaise MEGA, traduit avec subtilité ce rapport entre modernité et traditionalisme, comme nous l’avons vu précédemment.

Ainsi, ce rattachement culturel leur confère une singularité identitaire forte. Certes, le rapport traditionnel se révèle très difficile à saisir mais son influence s’inscrit davantage dans la conception même de l’espace que dans l’aspect formel. A travers ces emprunts traditionnels, ces architectes contemporains cherchent plutôt à identifier une nouvelle forme conceptuelle et à en réinterpréter les codes dans une production plus contemporaine.

Comme nous venons de le dire, l’architecture domestique contemporaine japonaise cherche à déceler et utiliser les principales qualités théoriques des codes traditionnels.

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Avec ce recul analytique, nous pouvons supposer que ces concepteurs nippons cherchent subtilement comment appliquer ces notions traditionnelles dans de nouvelles formes architecturales. Cette transposition va engendrer à son tour de nouvelles déclinaisons strictement formelles. Ainsi, l’architecture moderne en associant aux théories traditionnelles de la spatialité japonaise va donner naissance à plusieurs concepts formels modernes tels que la mise à distance, la verticalité, l’entre-deux ou encore l’analogie à la nature.

Les architectes contemporains japonais étudiés dans ce mémoire, réutilisent, réinterprètent strictement l’aspect conceptuel de la spatialité japonaise traditionnelle en l’insérant dans une modernité occidentale et créent par la même occasion une nouvelle forme de modernité.

Néanmoins, en tant qu’Occidental vivre quotidiennement au sein de ces maisons pourrait nous sembler impossible de par notre mode de vie très différent de celui des Japonais.

La spatialité japonaise met en scène une dimension spirituelle et sensorielle. Elle confère à l’espace habité, à la maison une identité forte et singulière. Son pouvoir crée une multitude d’interactions entre le corps, l’esprit et son environnement, qu’il soit artificiel ou naturel.

Au Japon, l’ère du XXIème siècle a laissé place à de nouvelles typologies architecturales. De plus en plus connus et reconnus pour leur travail, les architectes contemporains japonais bâtissent une architecture toujours plus avant-gardiste, innovante et d’une simplicité déconcertante qui a pour racine les valeurs culturelles, sociales et traditionnelles du Japon. L’architecture domestique contemporaine nippone en est le parfait exemple. Elle a su conjuguer un potentiel traditionalisme et une architecture moderne tout en gardant son pouvoir d’interaction (corps, esprit et architecture).

Le Japon connaît aujourd’hui un fort engouement. Sa culture traditionaliste intrigue et réveille une certaine curiosité chez les Occidentaux. Pendant des siècles, l’architecture japonaise a inspiré de nombreux architectes. Son caractère singulier lui a conféré une forte identité et même aujourd’hui, cette singularité s’en ressent dans l’espace domestique contemporain japonais.

Finalement, on peut se demander si cette manière de concevoir l’espace habité de la maison ne pourrait pas devenir une approche possible dans la problématique des maisons individuelles standardisées en Occident. Est-ce-que l’application de cette philosophie spatiale ne serait-elle pas une démarche supplémentaire hypothétique dans la conception de l’habitat occidental ?

Certes notre mode de vie est aux antipodes de celui des japonais mais est-ce-que l’aspect théorique de la spatialité japonaise ne pourrait-il pas s’adapter selon les besoins de l’individu ?

Cependant, ce recul analytique peut nous amener à nous interroger sur les volontés architecturales des concepteurs contemporains nippons. Finalement, est-ce-que les concepteurs japonais ne chercheraient-ils pas à définir une nouvelle forme de spatialité contemporaine adaptée à tous les modes de vie (occidental, japonais…) ?

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Glossaire Traduction des termes japonais rencontrée dans le mémoire

Aimai : l’ambiguïté, le vague, le flou, le sombre Ashigatame : Poutres de bois doublant dodai Aware : émotion intense procurée par la beauté éphémère des choses ou la tristesse inhérente de la vie, mélancolie Azekura-zukuri : technique constructive de la maison traditionnelle japonaise, qui consiste à empiler des pièces de bois pour former les murs porteurs.

Basho : lieu, place Bashosei : rapport au lieu Doma : espace de la maison traditionnelle dont le sol est en terre battue Daidokoro : la cuisine Dodai : châssis en bois horizontal posé sur les fondations de la maison En : coexistence Engawa : galerie périphérique de la maison traditionnelle (elle peut être ouverte comme une varangue ou semi-ouverte comme une véranda) Fûdo : le milieu nippon Futari no ma : la relation intime entre deux personnes Fusuma : Parois coulissantes faites d’un fin treillis de bois et de plusieurs couches de papier de riz Genkan : Vestibule d’entrée dans la maison traditionnelle Hare : officiel, manifeste, public Hisashi : long appentis couvert de planches qui entoure le moya Ke : usuel, intime, privé, informel Ken : une ancienne unité de longueur valant 1,818 m Keta : Châssis de bois faisant partie de la charpente de la maison traditionnelle Ki : souffle vital, esprit, cœur, sentiment, énergie, sensation Kôshi : lattage en bois à claire-voie Kuwashî : la beauté de la petitesse Ma : intervalle de temps et/ou d’espace entre deux choses Machiya : maison de ville bourgeoise, aux sens premiers, par excellence celle des marchands de l’époque Edo Meiji : Rétablissement du régime impérial en 1868 (nom de l’empereur) Mise : magasin, boutique Mise-niwa : jardin devant le magasin Moya : corps principal de la machiya Naka-niwa : Jardin intérieur en mouvement Okabe : cloison sans isolant

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Oku : la profondeur sacrée des choses, loin de leur aspect externe, ce qui est secret, difficile à connaître Oku-niwa : jardin du fond Okusan : la personne du fond, la femme, l’épouse Omote : face, extérieur de la maison, endroit Roku jô ma : la pièce de six tatamis Shakkei : Emprunt de paysage Shoji : Parois coulissantes faites d’un fin treillis de bois et de papier de riz Shintai : L’union entre le corps et l’esprit Shinkabe : mur composé d’un treillis en bambou positionné entre deux poteaux, puis il est recouvert un torchis fait d’argile, de paille et de plusieurs couche enduit Soto : extérieur Tokonoma : niche ou alcôve, espace sacré de la maison traditionnelle japonaise, toujours ornée d’arrangement floral et d’un tableau.

Tsubo-niwa : micro-jardin à l’intérieur de la maison traditionnelle japonaise Tori-niwa : un cheminement en terre battue qui longe entièrement la parcelle et permet de relier la rue au jardin du fond Uchi : intérieur, cellule identitaire Ura : côté cache des choses, intérieur, fond [oku], envers Yama : la montagne Yane : Débord de toiture, utilise pour protéger l’engawa Za : confréries de charpentiers Zashiki : pièce de vie recouvert de tatami, salle de réception des hôtes.

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Bibliographie

Livres : - BERQUE Augustin, Dictionnaire de la civilisation Japonaise, Paris, Hazan, 1994 - BERQUE Augustin, Maurice Sauzet, Vivre l’espace au Japon, Paris, PUF, 1982 - BERQUE Augustin, Maurice Sauzet, Le sens de l’espace au Japon : Vivre, penser, bâtir, Paris, Editions Arguments, 1999 - SAUZET Maurice, BERQUE Augustin et FERRIER Jean-Paul, Entre Japon et Méditerranée : architecture et présence au monde, Paris, Massin, 1999 - BONNIN Philippe, MASARSUGU Nishida, SHIGERMI Inaga, Vocabulaire de la spatialité japonaise, CNRS Editions, 2014 - BONNIN Philippe, JACQUET Benoit, Dispositifs et notions de la spatialité japonaise, Presses Polytechniques Romandes, 2014 - PEZEU-MASSABUAU Jacques, La maison Japonaise et la neige, Presse universitaire de France, 1966 - PEZEU-MASSABUAU Jacques, La maison Japonaise, Publications Orientalistes de France, 1981 - PEZEU-MASSABUAU Jacques, Géographie du Japon, P.U.F., 1968 - PEZEU-MASSABUAU Jacques, Habiter au Japon, Parenthèses, 2007 - TAUT Bruno, La maison japonaise et ses habitants, Editions Du Linteau, 1937 - ARCHILAB, Japon 2006, Faire son nid dans la ville, Paris, HYX, 2006 - BEL Jean, L’espace dans la société urbaine japonaise, Paris, Pof, 1980 - YOSHINOBU Ashihara, L’ordre caché, Tôkyô, la ville du XXIe siècle ? Paris, Hazan, 1994.

- FIEVE Nicolas, L’architecture et la ville du Japon ancien : espace architectural de la ville de Kyôto et des résidences shôgunales aux XIVe et XVe siècles, Paris, Maisonneuve et Larose, 1996 - SALAT Serge, LABBE Françoise, Créateurs du Japon, éd. Hermann, 1986 - BERTHET-BONDET Isabelle, 20 Maisons nippones - Un art d’habiter les petits espaces, Marseille, Edition Parenthèses, 2010 - SCHITTICH Christian, In Detail : Japan- Architecture, Construction, Ambiance, Birkhauser, 2003 - ISOZAKI Arata, Ma : espace-temps du Japon, Musée des Arts Décoratifs, 1979 - WATSUJI Tetsurô, Fûdo (milieux), Tôkyô, Iwanami Shoten, 1935 - TANIZAKI Junichiro, Éloge de l’ombre, Paris, Edition Verdier, 2011 - JODIDIO Philip, L’architecture d’aujourd’hui, Volume 5, Taschen, Paris 2007

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Ouvrages sur les architectes : - FUJIMOTO Sou, Primitive Architecture, Contemporary Architect’s Concept Series 1, 2008, Tokyo - FUJIMOTO Sou, GLEITER Jörg, KÜPPER Günter, Futurospective Architecture, Friedrich Meschede, 2012 - El Croquis n°151, Sou Fujimoto 2003/2010, 2010 - El Croquis n°121/122, SANAA (Sejima et Nishizawa), 1998-2004

Article : - PEZEU-MASSABUAU Jacques, La maison Japonaise : Standardisation de l’espace habité et harmonie sociale, Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 32ᵉ année, N. 4, 1977. (P 607-701) - CRUZ-SAITO Mizuki, NISHIDA Masatsugu, BONNIN Philippe, Le tatami et la spatialité japonaise, Ebisu, n°38, 2007. (P. 55-82) - PEZEU-MASSABUAU Jacques, Problèmes géographiques de la maison japonaise, Annales de Géographie, n°409, 1966. (P. 286-299)

Article de presse : - ALBERT Marie-Douce, Sanaa : « Une architecture simple mais pas sévère », LE MONITEUR.FR, 2014 (Source : http://www.lemoniteur.fr) - HUGRON Jean-Philippe et BORNE Emmanuelle - SANAA, esthétique de la disparition, pratique de la dislocation, CyberArchi, 2010

Sites internet : - http://japarchi.fr/ - http://www.mcjp.fr/fr - http://www.frac-centre.fr/ - http : //www.archdaily.com/ - http : //www.dezeen.com/ - http:// www.lecourrierdelarchitecte.com/

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Annexes

- Annexe 1 : Coupe transversale de la maison traditionnelle japonaise - Annexe 2 : Exemple d’un plan de Machiya pour situer les différents types de sol : doma, itanonia et tatami - Annexe 3 : Palais Katsura - Annexe 4 : Etude de cas de Moriyama House, SANAA, Ruey Nishizawa, Tokyo, 2002-05 - Annexe 5 : Etude de cas de House N, Sou Fujimoto, Oita, 2008

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Annexe 1 : Coupe transversale de la maison traditionnelle Source : PEZEU-MASSABUAU Jacques, Problèmes géographiques de la maison japonaise, Annales de Géographie, n°409, 1966. (P. 286-299)

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Annexe 2 : Exemple d’un plan de Machiya pour situer les différents types de sol : doma, itanonia et tatami (Source : Machiya Shobu-an, Kyoto)

Itanonia : Sol recouvert d’un plancher en bois épais

Doma : Sol généralement en terre battue ou pavé

Tatami : Sol recouvert de fibres naturelles tressées

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Annexe 3 : Katsura rikyû : Villa Impériale de la famille princière Hachijô no Miya, XVIIème siècle, située à Katsura, Kyoto, construite dans le style sukiya-zukuri.

Palais Impérial Katsura – Vue sur le jardin du palais, Kyoto,

Plan du Palais Impérial Katsura, Kyoto,

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Annexe 4 : Etude de cas de Moriyama House, SANAA, Ruey Nishizawa, Tokyo, 2002-05 Plan de situation, faรงade urbaine

Plan de situation Moriyama House, Tokyo, Japon, Ruey Nishizawa, 2002-05

Zoom sur la rue principale Moriyama House, Tokyo, Japon, Ruey Nishizawa, 2002-05

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