Protection des droits et libertés fondamentaux - Métiers du droit

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Expression et libertés

(Miviludes) inscrive les Témoins de Jéhovah sur la liste des organismes coupables de dérives dangereuses pour les individus. Le Conseil d’État94 estime que face « aux risques que peuvent présenter les pratiques de certains organismes susceptibles de conduire à des dérives sectaires, alors même que ces mouvements se présentent comme poursuivant un but religieux, […] », la Mission « ne méconnaît, dans les circonstances de l’espèce, ni le principe de neutralité et de laïcité de la République, ni l’obligation d’impartialité qui s’impose à l’autorité administrative, ni le principe de liberté du culte », pas plus qu’elle ne viole la Convention EDH (art. 9 : liberté de manifester sa religion ou ses convictions) en discriminant les Témoins de Jéhovah. La circulaire du 25 février 2008 relative à la lutte contre les dérives sectaires a rappelé l’arsenal juridique disponible : « En l’absence de définition de ce qu’est un mouvement sectaire, c’est donc la notion d’ordre public qui est centrale. La détermination des faits portant atteinte à l’ordre public, aux biens ou aux personnes, doit permettre de lutter contre les dérives sectaires. » 461. La loi du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales a ouvert un cas de dissolution judiciaire de toute personne morale, quelle qu’en soit la forme juridique ou l’objet, qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, lorsqu’ont été prononcées, contre la personne morale elle-même ou ses dirigeants de droit ou de fait, des condamnations pénales définitives. Les parents membres de sectes peuvent être démis de leur autorité parentale en cas de déscolarisation ou de maltraitance.

2. L’envahissement de la sphère publique C’est parce que les cultes s’expriment en public (par le « témoignage, en paroles et en actes »95), parfois sur la voie publique, et que les consciences religieuses peuvent s’opposer à d’autres libertés protégées par l’État que la religion n’est jamais qu’une question privée. Dès lors très liée aux histoires et cultures nationales, la question religieuse fait l’objet de traitements très divers d’un État à l’autre et implique pour la Cour européenne de leur laisser une consistante marge d’appréciation96. L’État peut, voire doit, éviter que pour des motifs religieux certains individus harcèlent les autres. C’est une distinction subtile entre évangélisation et prosélytisme abusif qui guide la Cour européenne pour apprécier si est légitime la répression d’un comportement (qui se dit motivé par des motifs religieux) : « L’État peut contrôler si un mouvement ou une associa94. CE, 7 août 2008, Fédération chrétienne des Témoins de Jéhovah de France. 95. CEDH, Kokkinakis, préc. 96. CEDH, 26 novembre 1996, Wingrove c. Royaune-Uni.

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