Mémoire de fin d'études - Occupation temporaire et aménagement des friches urbaines

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OCCUPATION TEMPORAIRE

ET AMÉNAGEMENT DES FRICHES URBAINES D’UNE LOGIQUE D’OPPORTUNITÉ À UNE PRATIQUE INTÉGRÉE Grégoire Beaumont - Mémoire de fin d’études - 2017/2018 Encadrant : Pierre Colnat - Master Architecture Ville et Territoire

École Nationale Supérieure d’Architecture de Nancy



OCCUPATION TEMPORAIRE

ET AMÉNAGEMENT DES FRICHES URBAINES D’UNE LOGIQUE D’OPPORTUNITÉ À UNE PRATIQUE INTÉGRÉE

Mémoire de fin d’études - 2017/2018 Équipe pédagogique Architecture Ville et Territoire (AVT) Vincent Bradel, Pierre Colnat et Cécile Fries-Paiola Étudiant : Grégoire Beaumont Enseignant encadrant : Pierre Colnat

École Nationale Supérieure d’Architecture de Nancy



Mes remerciements vont : À Pierre Colnat pour son aide et sa disponibilité dans la conduite de ce mémoire, ainsi qu’à Cécile Fries-Paiola, À Arthur Poisson et Pérrine Détrie (Yes We Camp), Hippolyte Roullier et Lucile Panotier (Plateau Urbain), Anne Carnac (Paris Batignolles Aménagement), et Marianne Auffret (Mairie du 14e arrondissement de Paris) pour avoir accepté avec enthousiasme de répondre à mes nombreuses questions, À toutes les personnes croisées aux Grands Voisins, qui ont alimenté d’une manière ou d’une autre ma réflexion au cours de cette étude, À mes parents, mes soeurs et mes beaux-frères pour leurs encouragements, leur soutien et leur aide durant tout mon cursus et particulièrement au long de cette dernière année d’étude, À mes amis, et à tous ceux qui de près ou de loin, à Nancy ou à Buenos Aires, ont rendu passionantes ces cinq dernières années.

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/ Sommaire

/ Introduction CHAPITRE I - INVESTIR LES FRICHES URBAINES : CADRE ET ACTEURS DE L’OCCUPATION TEMPORAIRE 1.1/ S’installer dans les interstices de la ville : origines et formes de l’occupation temporaire 1.2/ Mise en place d’une occupation temporaire sur une friche urbaine : acteurs, gouvernance, cadre juridique et modèle économique 1.3/ Des métiers émergents liés au développement de l’occupation temporaire CHAPITRE 2 - EXPÉRIMENTER DE NOUVEAUX MODES DE VIE ET QUESTIONNER LE PARTAGE DE LA VILLE

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2.1/ Une variété d’usages pour des besoins non satisfaits par la ville 2.2/ Des expérimentations et des collaborations favorisées par la temporalité de l’occupation 2.3/ Un environnement inclusif et participatif renouvelant l’hospitalité des territoires

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CHAPITRE 3 - REPENSER LA PLANIFICATION URBAINE ET INSPIRER LES INSTITUTIONS : DE L’OCCUPATION TEMPORAIRE À L’URBANISME TRANSITOIRE

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3.1/ D’une logique intercalaire à une logique transitoire : émergence d’un intérêt institutionnel 3.2/ L’urbanisme transitoire : évolutions et initiatives institutionnelles en faveur de l’occupation temporaire 3.3/ Freins à l’occupation temporaire et risques et limites de son institutionnalisation

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/ Conclusion

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/ Bibliographie

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/ Table des illustrations

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/ Annexes 1/ L’hôpital Saint-Vincent-de-Paul : situation et histoire 2/ Le projet d’écoquartier Saint-Vincent-de-Paul 3/ Les dispositifs d’animation et de réinsertion des Grands Voisins 4/ Guides d’entretiens

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LISTE DES ABRÉVIATIONS :

SEMNA : Société d’économie mixte d’aménagement et de gestion de la ville de Nanterre PNRU : Plan National de Renouvellement Urbain EPFIF : Etablissement public foncier de la région Île-de- France YWC : Yes We Camp GV : Grands Voisins SPLA PBA : Société Publique Locale d’Aménagement Paris Batignolles Aménagement APHP : Assistance Publique des Hôpitaux de Paris ZAC : Zone d’Aménagement Concerté COT : Convention d’occupation temporaire ERP : Etablissement Recevant du Public CHS : Centre d’hébergement social IAU ÎdF : Institut d’Aménagement et d’Urbanisme Île-de-France DALV : Droit à la ville PLU : Plan Local d’Urbanisme SAMOA : Société d’Aménagement Mixte Ouest Atlantique ANRU : Agence Nationale du Renouvellement Urbain OAP : Orientations d’Aménagement et de Programmation EPADESA : Établissement Public d’Aménagement de La Défense Seine Arche SCIC : Société Coopérative d’Intérêt Collectif

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/ Introduction

La ville n’est pas un objet figé, mais est en perpétuel mouvement. Elle se transforme au rythme où évoluent les sociétés, les modes de production, les populations, les modes de vie, les modèles politiques et économiques spécifiques à un temps. Différentes périodes historiques témoignent de cette mutation constante de la ville et soulignent les différents modes d’évolution qu’elle adopte. Jusqu’au XIXe siècle, la mutation des villes s’est majoritairement illustrée par des processus de démolition/reconstruction par lesquels on vise à remplacer ce qui est obsolète par du nouveau, à aérer la ville ou encore à affirmer un nouveau pouvoir en effaçant toute trace symbolique de celui aboli. À partir de 1830 en France, l’essor industriel va nettement accélérer le développement des villes qui vont s’étendre pour répondre à la perpétuelle croissance économique et démographique. Les usines se multiplient dans les périphéries urbaines, le long des voies ferrées qui viennent connecter les villes entre elles. Cette expansion sera meurtrie par les deux guerres mondiales, mais les périodes de reconstruction qui les suivront iront de pair avec la continuité de l’étalement urbain. L’urgente nécessité de reconstruction d’habitats va donner naissance à de nouveaux quartiers résidentiels en périphérie de ville que la démocratisation de la voiture et le développement des infrastructures qui y sont liées permettent de rejoindre facilement depuis les centres-villes. Ainsi dans cette période de prospérité, de consommation de masse, mais aussi d’urgence, les villes vont adopter un mode d’évolution expansif qui va rendre floues les limites qu’elles avaient pu avoir. Mais le choc pétrolier de 1973 et la crise économique et industrielle qui va en découler vont mettre fin à la prospérité des 30 Glorieuses et marquer le début d’une prise de conscience par rapport à cette période de production et de consommation massive. En effet, la mutation des villes au cours du XXe siècle est à l’origine de plusieurs problèmes environnementaux et socio-économiques. Son développement expansif s’est fait au détriment des terres agricoles et a généré des problématiques de pollution et la diminution des énergies fossiles. D’autre part, le phénomène de résidentialisation de la seconde moitié du XXe siècle a créé des quartiers déconnectés, enclavés et standardisés dans lesquels se sont retrouvés peu à peu des populations en difficulté sociale et économique qui peinent encore à sortir de la précarité. Jusqu’aux années 2000 les politiques urbaines évoluent en parallèle de la prise de conscience progressive de ces différents problèmes, renouvelant les procédures d’aménagement, planifiant et réglementant davantage la fabrique de la ville. De cette prise de

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conscience résulte depuis le début du XXIe siècle un urbanisme basé sur le renouvellement urbain dont l’enjeu est de reconstruire la ville sur elle-même dans une logique de développement durable, respectueux de l’environnement, et favorisant la mixité sociale et fonctionnelle. Dès lors, divers tissus urbains touchés par des difficultés sociales et économiques, obsolètes ou abandonnés, sont au cœur des politiques urbaines. 490 quartiers situés en Zone Urbaine Sensible (ZUP), généralement dans les périphéries urbaines, font l’objet d’un Plan National de Renouvellement Urbain (PNRU) qui vise depuis 2003 à « améliorer le cadre de vie des habitants, offrir de nouveaux espaces de vie, et faciliter l’accès et l’ouverture de ces quartiers »1. Ces opérations impliquent la plupart du temps des démolitions-reconstructions, des changements radicaux qui s’inscrivent dans un temps long, source de nombreux troubles pour les habitants. Malgré la mise en place de procédures de concertation et de participation, il en ressort une difficulté de travailler dans un contexte urbain et social déjà constitué. D’autre part, de grandes emprises foncières vacantes font également l’objet d’un intérêt croissant dans ce contexte de renouvellement urbain. En s’étalant les villes se sont également décousues et s’y sont multipliés des espaces sans usages : dents creuses, terrains vagues, vides urbains, délaissés, ruines urbaines, espace rudéral…les termes pour les qualifier sont nombreux. La « friche urbaine » s’en distingue par la particularité qu’elle caractérise un espace sans usages mais en transition. Ce terme désignant à l’origine une terre agricole laissée temporairement « au repos » (une jachère) a trouvé une nouvelle signification face aux multiples délocalisations d’industries, d’hôpitaux, de sites militaires, ferroviaires et portuaires, de zones commerciales ou de bureaux qui se perpétuent depuis les chocs pétroliers des années 1970. Du fait de l’étalement urbain, les espaces abandonnés ou en cessation d’activité issus de ces délocalisations ont fini par se retrouver intégrés à la ville. Ce sont ces emprises foncières, bâties ou non, que l’on a qualifiées de « friches urbaines ». Ce terme reste complexe puisqu’il concerne une diversité de lieux, de tailles, d’histoires et de patrimoines. Nous en adopterons dans ce travail la définition suivante : Terrain bâti ou non, intégré à la ville au cours de son évolution, ayant participé à une activité (industrielle, artisanale, hospitalière, ferroviaire, militaire ou tertiaire) qui a cessé pour des raisons économiques (faillites, délocalisations), désormais temporairement inutilisé. Terrain dégradé d’une telle façon que tout nouvel usage n’est possible qu’après une remise en état, mais dont la situation urbaine propice à une densification de la ville intéresse les acteurs de l’aménagement urbain (collectivités, aménageurs, promoteurs).2 1) « Rapport de l’ONZUS : dix ans de PNRU », Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU), 13 Mai 2013. Disponible sur : https://www.anru.fr/fre/Actualites/Evenements/Rapport-de-l-ONZUS-dix-ans-de-PNRU 2) Définition inspirée de celle retenue pour l’inventaire départemental des friches du Bas-Rhin par l’Agence de Développement et d’Urbanisme de l’Agglomération Strasbourgeoise (ADEUS). Disponible sur : http://www.adeus.org/glossaire/ friches-industrielles

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Introduction

Ces espaces urbains parfois de grandes dimensions sont ainsi très convoités pour l’opportunité qu’ils présentent de pouvoir reconstruire la ville sur elle-même. Toutefois, leur renouvellement, tout comme celui des quartiers concernés par le PNRU, soulève de nombreux problèmes qui rendent leur réaménagement difficile. Certains sites, du fait de leur ancienne activité, nécessitent une dépollution avant leur réemploi, d’autres, d’importants travaux de raccord aux réseaux urbains. Au-delà de ces contraintes techniques, la mémoire et la programmation future du site soulèvent des questionnements : Comment rendre attractif à nouveau un espace qui a perdu tout intérêt et potentiellement généré du chômage ? Quels programmes installer dans ces espaces de grande superficie ? Que garder de l’existant ? Les friches urbaines subissent alors une succession d’étapes avant d’être réellement réintégrées au tissu urbain : portage foncier, négociations de rachat, diagnostics techniques et urbains, dépollution, programmation, concertations, maîtrise d’œuvre urbaine, commercialisation, maîtrise d’œuvre architecturale, chantiers de démolitions, de constructions et de réhabilitations… Il peut souvent se passer plus d’une dizaine d’années entre la cessation d’activité et la réouverture du site. Ce temps de latence avant la reconstitution de ces tissus urbains peut toutefois être optimisé. Tout comme les friches urbaines sont des opportunités pour le renouvellement urbain, leur temps long de requalification en est une pour répondre à des besoins sociaux non satisfaits, urgents ou temporaires. Depuis plusieurs années se multiplient des occupations temporaires légales de friches sous différentes formes et temporalités. Les acteurs qui les mettent en place et les gouvernent sont de la société civile : associations, artistes, start-ups, et collectifs pluridisciplinaires souvent composés d’architectes et d’urbanistes. Ils se professionnalisent, s’organisent, et témoignent d’un intérêt citoyen croissant pour l’évolution des villes. En effet, plusieurs exemples d’occupations temporaires de friches en situation urbaine, au-delà de réactiver un lieu abandonné, en font des espaces éphémères d’un nouveau genre, d’échanges et d’expérimentations, créateurs de richesses culturelles, sociales ou ETAT DES LIEUX DES FRICHES ET DE LA 3 économiques. Ces démarches d’aménageVACANCE EN FRANCE : ment rapide et éphémère suscitent des in• Ile-de-France : 140 hectares de friches térêts pour tous les acteurs et pratiquants industrielle ; 3,5 millions de m2 de bude la ville, et viennent bousculer les mécareaux vides ; 100 000 logements vacants niques traditionnelles de planification urà Paris • France : 150 000 hectares de friches, 2,7 baine. Face à ce temps long d’inutilité qui millions de logements vacants caractérise les friches urbaines, on peut alors voir dans ces initiatives temporaires 3) Source : vidéo « Meet-up sur « l’Urbanisme temporaire » », Conférence au Pavillon de l’Arsenal à Paris, 1h24, 24 Novembre 2016. Disponible sur : http://www.pavillon-arsenal.com/fr/conferences-debats/cycles-en-cours/hors-cycle/10507-meet-up-urbanisme-temporaire.html

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un moyen d’optimiser la vacance et peut être de proposer une nouvelle manière de faire la ville. Au regard des nombreuses mutations qui traversent l’histoire des villes, de l’impermanence qui les caractérise, leur conception dans le temps doit être questionnée. L’urbanisme n’est pas seulement un aménagement de l’espace, mais aussi un aménagement du temps de la ville. Quels sont donc les impacts de ces occupations temporaires sur le devenir des friches urbaines, sur leur renouvellement urbain, ou plus globalement sur l’urbanisme ? Pour interroger cette forme urbaine éphémère, notre étude s’organisera majoritairement autour de l’analyse d’un cas d’étude révélateur des impacts, des risques, des opportunités, et des externalités que génèrent ces expériences. Nous étudierons ainsi l’occupation temporaire de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul à Paris dans le 14e arrondissement, connue sous le nom « les Grands Voisins ». Cet exemple d’actualité est révélateur des nombreux impacts que peuvent avoir ces initiatives dans la mutation des friches urbaines puisqu’il s’est développé en parallèle d’un projet de requalification de l’ancien hôpital. L’analyse de ce cas s’appuiera sur des entretiens réalisés auprès des différents acteurs qui en ont permis la mise en place (élus, associations et collectifs chargés de la gouvernance du projet, aménageur public), des visites du site, ainsi que sur l’étude de nombreuses publications à son sujet. Notre recherche s’étendra également à d’autres cas d’occupations temporaires pour appuyer certains propos ou montrer d’autres possibilités, d’autres fonctionnements, et d’autres impacts de ces expériences sur la ville et son évolution. Nous étudierons dans un premier temps la mise en place, le cadre et les acteurs de l’occupation temporaire. Dans une seconde partie, nous présenterons les usages qu’elle développe et leurs impacts sociaux et territoriaux. Enfin nous nous intéresserons dans une dernière partie aux impacts de ces occupations sur les logiques d’acteurs et les projets d’aménagements urbains.

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Le terme d’occupation temporaire englobe une multitude de situations. Éclaircissons ainsi dans un premier temps celles auxquelles nous nous intéresserons dans cette étude, puis penchons nous sur leur mise en place, leur cadre juridique et économique, et sur les acteurs qui gravitent autour de ces initiatives éphémères.

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CHAPITRE 1 INVESTIR LES FRICHES URBAINES: CADRE ET ACTEURS DE L’OCCUPATION TEMPORAIRE

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Investir les friches : cadre et acteurs de l’occupation temporaire

1.1/ S’installer dans les interstices de la ville : origines et formes de l’occupation temporaire L’occupation éphémère d’espaces en ville n’est pas un phénomène nouveau. Occuper provisoirement un morceau délaissé de l’espace urbain pour l’utiliser et le façonner en attendant qu’il trouve une nouvelle fonction est en effet une pratique ancienne. Le squat Les personnes à la rue, en situation de grande précarité, sont les premières à s’installer dans les interstices de la ville à la recherche d’un toit pour survivre. D’autres profils de personnes investissent des espaces illégalement pour satisfaire des besoins auxquels la ville n’est pas adaptée sans pour autant connaître une situation économique précaire : collectifs d’artistes à la recherche d’espaces de création atypiques ou de murs pour s’exprimer ; skaters à la recherche de nouveaux « spots » façonnant eux-mêmes leurs skateparks à l’image de celui réalisé dans l’espace Darwin à Bordeaux. L’occupation éphémère d’espaces vacants est également un moyen pour des riverains et des associations de proposer des alternatives à des manques d’offres en équipement ou en « possibilité de faire » dans leur quartier ou ville. L’espace public fait aujourd’hui l’objet de multiples réglementations qui y interdisent de nombreux usages dans une recherche constante de sécurité et de limitation des conflits de la part des puissances publiques. À cette « stérilisation réglementaire » vient s’ajouter la « stérilisation routière » de l’espace public (Soulier Nicolas, 2012)1. La voiture accapare aujourd’hui une grande partie de l’espace urbain qui est ainsi davantage fragmenté et standardisé, que partagé et original. Ainsi pour lutter contre cette stérilisation, mais également contre la vacance d’usage de certains espaces urbains, de nombreuses initiatives civiles détournent et s’approprient les délaissés urbains : la Guerilla Gardening est un réseau dont le principe est de jardiner la terre de quelqu’un d’autre sans son autorisation pour redonner une place à la nature en ville en dehors des parcs ; la Guerilla Bicycle Lanes en est un autre qui manifeste contre le manque de pistes cyclables en ville en les peignant lui-même sur les sols urbains ; le Park(ing) Day est un évènement mondial organisé le 3e week-end de septembre mobilisant citoyens, artistes, et activistes pour transformer temporairement des places de parking payantes en espaces végétalisés, artistiques et conviviaux ; des associations ou collectifs engagés dénoncent la vacance d’usage de logements et le gaspillage en général en occupant illégalement des appartements inoccupés.

Ces premiers exemples qu’ils soient motivés par des besoins vitaux, en espace de

1) SOULIER Nicolas, « Reconquérir les rues », Editions Ulmer 2012

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création ou d’expression, en équipement, ou qu’ils soient le fruit d’une démarche contestataire ou revendicatrice, sont des occupations illégales, des squats lorsqu’il s’agit d’une « occupation d’un local en vue de son habitation ou de son utilisation collective » (PECHU Cécile, 2010)2. L’occupation légale de l’espace public Toutefois, l’occupation éphémère de l’espace urbain concerne également des démarches légales aussi variées dans leurs objectifs et leurs formes que les exemples cités précédemment, mais plus cadrés dans leur temporalité et périmètre d’action. De tout temps, une multitude d’usages éphémères viennent animer l’espace public témoignant de sa réversibilité : fêtes, cirques, marchés, foodtrucks et camions itinérants… La temporalité courte de ces occupations est la motivation première de leurs acteurs : s’adapter aux flux et au temps de la ville. À ces usages commerciaux et socioculturels viennent s’ajouter depuis quelques années des actions d’aménagements temporaires de l’espace public dans le but de proposer et tester de nouveaux usages en vue d’une évolution de celui-ci. À Bordeaux, le collectif d’architectes ETC a été missionné par une association d’habitants pour aménager temporairement la place Dormoy dans le but de proposer et tester de nouveaux usages, mais avant tout de revendiquer un aménagement durable de cet espace public peu mis en valeur et peu fréquenté. L’aménagement a pris la forme d’un chantier ouvert et modulable dans lequel n’importe qui pouvait s’investir. Mis en place en 2012, cette installation perdure dans l’attente du « réel » projet d’aménagement, mais son entretien est désormais aux mains des ha-Fig.1 : Chantier participatif de la place Dormoy, bitants. Bordeaux .

L’occupation temporaire des friches urbaines Depuis quelques années, d’autres formes d’occupations temporaires investissent de manière légale des parcelles ou des bâtiments entiers, des friches urbaines, sur des durées variant de quelques mois à plusieurs années. Entre avril et juillet 2014 à Aubervilliers, une friche appartenant à l’Etablissement Public Foncier de la région Île-de- France (EPFIF) a été aménagée et ouverte au public à l’initiative de l’association à fond publics « Les Laboratoires d’Aubervilliers », dans le but 2) PECHU Cécile, « Les squats », Paris, Presses de Sciences Po, 2010

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Investir les friches : cadre et acteurs de l’occupation temporaire

de fédérer les riverains en créant un nouvel espace partagé au sein du quartier. L’association Yes We Camp (YWC) a été chargée d’imaginer et d’aménager ce lieu de vie en collaboration avec les riverains. Après un travail de communication pour générer des intérêts, un nouvel espace public appelé « Chez Albert » a été co-construit par les habitants. • • • •

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Espace : Parcelle non bâtie de 2400m2 (52, rue Lécuyer à Aubervilliers) Temps : 3 mois Pour qui : Riverains Par qui : Association Yes We Camp missionée par l’association « Les Laboratoires d’Aubervilliers », initiative publique Pourquoi : Optimiser la vacance d’une friche pour créer un espace partagé public Comment : Communication et chantier participatif

-Fig.2 : «Chez Albert», occupation d’une friche publique à Aubervilliers.

Le « 6B » est un lieu de création et de diffusion artistiques pluridisciplinaire installé dans un ancien immeuble de bureaux dans le quartier Gare-Confluence en construction à SaintDenis. C’est l’architecte Julien Beller qui a négocié en 2008 avec le propriétaire Alstom l’occupation de ce bâtiment destiné à être détruit. Il accueille ainsi depuis 2010 plus de 150 résidents et participe de l’animation du quartier à travers différents évènements culturels. • • • • • •

Espace : parcelle bâtie d’environ un hectare, immeuble de 7000 m2 (6-10, Quai de Seine à Saint-Denis) Temps : depuis 2010 Pour qui : Collectif d’artistes Par qui : L’architecte Julien Beller a négocié avec le propriétaire Pourquoi : Optimiser la vacance d’un bâtiment pour créer un lieu de création et de diffusion artistiques Comment : Réaménagement d’un immeuble vacant, évènements

-Fig.3 : Le 6B, occupation temporaire d’un ancien immeuble de bureaux ; en arrière-plan les bâtiments neufs de l’écoquartier Néaucité en construction, Saint-Denis.

« Le Pavillon du Docteur Pierre », édifice classé situé à Nanterre voué à être réhabilité et à accueillir un programme plurifonctionnel (espaces de coworking, d’incubation

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et d’évènementiel), a fait l’objet d’une occupation temporaire pendant 9 mois en préalable du chantier. Afin d’éviter le squat du site, la Société d’économie mixte d’aménagement et de gestion de la ville de Nanterre (SEMNA) a ainsi légué temporairement son bien au collectif Soukmachines. L’occupation s’est traduite par l’installation temporaire d’une centaine d’artistes et l’ouverture ponctuelle du site au public à travers divers évènements. • • • • • •

Espace : 4000 m2 d’espaces extérieurs, bâtiment de 2000m2 (4, rue Becquet à Nanterre) Temps : 9 mois Pour qui : Collectif d’artistes et riverains Par qui : Prêt du propriétaire au Collectif Soukmachines Pourquoi : Éviter le squat et la dégradation du site Comment : Évènements, aménagement extérieur et réhabilitation minime du bâtiment

-Fig.4 : Le Pavillon du Docteur Pierre, Nanterre.

Enfin, à Nanterre, l’occupation temporaire d’une friche de 9000m2 accompagne pendant 8 ans le développement du nouveau quartier des Groues de 40 hectares. Cet espace animé par le collectif Yes We Camp, accueille à la fois des activités sportives, des aménagements pour soutenir la production artistique et des animations culturelles, des espaces de détente et de promenade, ainsi qu’une pépinière dont les productions végétales sont vouées à fleurir le futur quartier. • • • • • •

Espace : parcelle de 9000m2 en partie construite (halles) Temps : 8 ans Pour qui : habitants actuels et futurs, touristes Par qui : Association Yes We Camp sélectionnée par la ville de Paris suite à un appel à manifestation d’intérêt Pourquoi : Animer un quartier et accompagner son développement Comment : Évènements, ouverture au public, aménagements légers, agriculture urbaine

-Fig.5 : L’occupation «Vive les Groues», Nanterre.

Ces occupations informelles sont héritières des squats au sens où elles per-

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Investir les friches : cadre et acteurs de l’occupation temporaire

mettent de répondre à des besoins socio-économiques non satisfaits par la ville traditionnelle, elles occupent des espaces vacants, et sont généralement issues d’une action collective et autogérées. Elles s’en distinguent toutefois par leur caractère légal et pacifique, et leur ouverture au public. Les villes temporaires : Enfin au plus haut degré de l’occupation temporaire se trouvent les villes éphémères telles que celles créées en Inde tous les ans pour accueillir les millions de pèlerins hindous de la Kumbh Mela pendant trois mois, ou encore la ville tente de Mina à 5km de la Mecque accueillant des centaines de milliers de personnes durant le pèlerinage musulman du Hajj.

-Fig.6 : Ville éphémère pour le festival de la Kumbh Mela, en Inde.

Les occupations temporaires qui viennent ponctuer le temps de la ville sont donc multiples et diverses. Elles se différencient par les espaces-temps qu’elles investissent, les personnes les initiant et les occupant, les besoins qu’elles satisfont, les objectifs qui les motivent, et le cadre réglementaire qu’elles respectent ou non. Parmi ce panel d’exemples se démarquent les occupations temporaires de friches urbaines légales et non contestataires, qui ont la particularité de s’installer sur des espaces vacants mais en devenir, parfois inscrits dans des projets d’aménagement ou de renouvellement urbain, et qui en proposent finalement une première réappropriation. Ce sont ces occupations temporaires en croissance, sorties de la marginalité pour s’intercaler avant l’aménagement, que nous étudierons pour évaluer leurs potentiels impacts sur la ville et le futur des friches urbaines. L’essor de ces initiatives tient à plusieurs éléments : • La multiplication du nombre de friches urbaines depuis les années 1980 caractérisées par des temps de latence longs avant leur restructuration. • Le renchérissement des prix du foncier3, notamment en Île-de-France, qui a un double impact : l’immobilisation d’un terrain devient plus coûteuse pour son propriétaire ; l’émergence de besoins en locaux aux loyers abordables et aux baux flexibles pour des activités naissantes qui ne trouvent pas de réponses dans le marché traditionnel (start-ups et collectifs d’artistes). 3) Entre 1996 et 2016, les prix immobiliers ont été multipliés par trois, atteignant 5500€/m2 en moyenne en Île-de-France. Source : DIGUET Cécile, ZEIGER Pauline, COCQUIERE Alexandra, « L’Urbanisme transitoire : aménager autrement », Note rapide de l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme Île-de-France (IAU) n°741, mis en ligne en Février 2017.

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Mais la multiplication de ce phénomène tient également à la professionnalisation de leur mise en place et à l’émergence d’un cadre juridique facilitant les installations éphémères. Après avoir présenté les multiples formes que peuvent prendre les occupations temporaires et précisé celles que nous étudierons dans ce mémoire, analysons dans le détail la mise en place d’un cas précis : Les Grands Voisins.

-Fig.7 : Cartographie des initiatives d’occupation temporaire en Île-de-France depuis 2012, Institut d’Aménagement et d’Urbanisme d’Île-de-France.

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Investir les friches : cadre et acteurs de l’occupation temporaire

1.2/ Mise en place d’une occupation temporaire sur une friche urbaine : acteurs, gouvernance, cadre juridique et modèle économique Les occupations temporaires et conventionnées de friches urbaines sont aujourd’hui nombreuses. Si elles ont de commun de s’inscrire sur des territoires en devenir, elles se distinguent ou se confondent par leur temporalité, leur histoire, leur taille, leurs opérateurs et occupants, leurs initiateurs, leur modèle économique, et leur cadre juridique. Toutefois, pour en comprendre une mise en place et un fonctionnement analysons l’exemple des « Grands Voisins » (GV), révélateur des intérêts premiers qu’une occupation éphémère peut susciter chez les propriétaires, collectivités, occupants et riverains. Histoire des Grands Voisins « Les Grands Voisins » est le nom de l’occupation temporaire de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul dans le XIVe arrondissement de Paris, sur lequel sera construit d’ici 2023 un écoquartier porté par la Société Publique Locale d’Aménagement Paris Batignolles Aménagement (SPLA PBA). Cet hôpital spécialisé dans les naissances et les soins aux enfants et dont les premières traces remontent au XVIIe siècle occupait un site de 3,4 ha avec 16 bâtiments de fonctions, tailles, époques et styles différents. Au début

-Fig.8 : Photographie aérienne de l’occupation de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul, Paris 14e.

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des années 2000, l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (APHP, 4ème propriétaire foncier de Paris) adopte une stratégie de réorganisation de ses différents sites et décide la fermeture et la délocalisation de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul à l’hôpital Necker dans le XVe arrondissement. Pendant son départ progressif entre 2011 et 2014, l’APHP confie à l’association Aurore la gestion d’une partie des bâtiments sous la forme d’une convention d’occupation temporaire (COT). L’association, qui agit contre l’exclusion sociale par l’hébergement, le soin et l’insertion y installe un foyer de stabilisation et deux centres d’hébergement d’urgence, et paye en contrepartie les charges inhérentes au fonctionnement du site. L’APHP, qui avait eu une mauvaise expérience avec le squat de l’hôpital Broussais dans le sud du 14e arrondissement, y voit un moyen d’éviter les problèmes et dégradations qu’une occupation illégale est susceptible de générer tout en permettant de répondre à des besoins urgents en hébergement. En 2014 lorsque l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul a intégralement cessé son activité, Aurore se voit proposée de rester et de s’étendre sur la totalité du site dans le cadre du projet de vente à la Ville de Paris via l’EPFIF. L’association accepte et ambitionne, avec la Mairie, l’ouverture du site à d’autres structures associatives ou salariales à la recherche de locaux abordables afin d’expérimenter un mélange fonctionnel et social, d’optimiser les espaces bâtis et de partager les charges inhérentes à l’occupation temporaire. La Ville de Paris accepte le projet sous réserve que le site soit ouvert au public afin que les riverains puissent également profiter de ce nouvel espace. Malgré une transition fluide entre les occupants de l’hôpital puis ceux de l’occupation temporaire certains bâtiments s’avèrent dégradés et nécessitent des rénovations. Pour permettre cette évolution de l’occupation temporaire la Mairie met en contact Aurore avec deux collectifs : l’association Yes We Camp pour coordonner de manière générale l’ouverture au public, la médiation et l’animation du site, et la coopérative Plateau Urbain pour organiser l’installation des nouveaux occupants (associations, artistes, artisans, start ups) et mettre en place un équilibre économique. Ainsi au cours de l’année 2015 l’occupation, qui prend le nom des Grands Voisins, s’enrichit d’autres usages, d’autres populations, et s’ouvre au public jusqu’en décembre 2017. « Les Grands Voisins » est donc un projet porté et mené par des associations expérimentées dans la gestion du temporaire, mais à l’initiative des propriétaires successifs de l’hôpital, et fortement soutenu par la mairie du 14e arrondissement. La motivation première de ces acteurs institutionnels est d’éviter le squat du site et les dégradations qu’il peut générer. Parfois, l’initiative d’occupation est menée par les structures qui la mettent en place. À Saint-Denis, le 6B survient d’une initiative associative. L’architecte Julien Beller a négocié en 2008 avec les propriétaires de l’immeuble l’occupation du bâtiment pour un loyer modéré en attendant sa démolition. Parfois, l’occupation est d’abord illégale puis régularisée par une autorisation d’occupation temporaire : à Bordeaux, le collectif Évolution à l’origine de l’occupation temporaire « Darwin » dans une ancienne caserne militaire

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Investir les friches : cadre et acteurs de l’occupation temporaire

située au cœur du projet d’aménagement de la Zone d’Aménagement Concerté (ZAC) Bastide Niel a commencé en partie par le squat de hangars vacants. Acteurs et gouvernance de l’occupation temporaire La gouvernance des Grands Voisins est donc assurée par une cogestion des trois structures aux compétences propres : l’association Aurore, la coopérative Plateau Urbain et l’association Yes We Camp. Ces opérateurs de l’occupation temporaire ont chacun des missions particulières, mais le bon fonctionnement et la réussite de cette expérience tiennent surtout au dialogue et au travail collaboratif entre ces différents acteurs. Ils se réunissent ainsi régulièrement pour échanger sur le projet : • Une fois par semaine sous la forme d’un comité de pilotage pour échanger sur les grandes orientations du projet temporaire et la gestion du site. • Une réunion mensuelle a lieu avec des représentants de la Mairie du XIVe arrondissement pour veiller au respect des termes de l’occupation et au bon déroulement du projet. • Un conseil bimestriel des Grands Voisins permet aux structures occupantes de proposer leurs idées de projets ou de dispositifs collectifs. Les trois cogestionnaires de l’occupation évaluent les possibilités (cadre légal, budget, temporalité) sans porter de jugement sur l’idée principale. Cette réunion permet avant tout aux structures résidentes de se rencontrer et de connaître leurs compétences respectives. Tous les occupants du site sont ainsi acteurs du projet. Aux Grands Voisins ce sont plus de 1500 personnes (les Voisins) qui ont fait vivre quotidiennement l’ancien hôpital : - 900 personnes environ (artistes, artisans, start-ups et associations) ont développé des activités diverses dans les 175 structures économiques installées (250 au total ont participé à l’occupation). - 600 personnes en situation précaire ont été accueillies dans 5 centres d’hébergement social (CHS) et un foyer pour travailleurs migrants - 130 Équivalent Temps Plein (103 Aurore, 3 Plateau Urbain, 24 YWC) étaient chargés de la gestion de l’occupation temporaire (sans compter les bénévoles) Au 6B à Saint-Denis, l’ensemble des structures occupantes de l’immeuble (artistes, associations, artisans) sont membres d’une même association « le 6B » rappelant l’importance de l’implication de tous les résidents dans la structure. Participation et gou-

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vernance horizontale sont donc clefs de l’occupation temporaire. Cadre juridique et modèle économique de l’occupation En matière de procédure, l’association Aurore, gestionnaire principal du site portant la responsabilité technique et financière du projet, a dû effectuer une demande de changement d’affectation auprès de la préfecture pour permettre l’installation d’hébergements. Elle a ensuite signé une première convention domaniale avec l’APHP, propriétaire initial de l’hôpital, puis des conventions d’occupation temporaire (COT) avec les propriétaires successifs, à savoir l’EPFIF et enfin la SPLA PBA,responsable de l’opération d’aménagement. Des sous-conventions d’occupation précaire étaient signées en second lieu entre l’association Aurore et les occupants temporaires. Des outils juridiques se développent ainsi depuis quelques années (2014 pour la COT) pour faciliter l’occupation temporaire de friches urbaines en liant un propriétaire et un occupant coordinateur donné qui sert de tiers de confiance entre le propriétaire et les divers occupants du site : autorisation d’occupation temporaire (pour le domaine public), bail dérogatoire, convention de prêt à usage… Ces outils permettent avant tout de faciliter l’organisation de la fin de l’occupation, rassurant ainsi le propriétaire et permettant aux gestionnaires du temporaire de s’organiser.

-Fig.9: Schéma explicatif du fonctionnement de l’occupation temporaire des Grands Voisins.

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L’équilibre économique du projet doit être abordé selon la perspective des différents acteurs. Le propriétaire économise de son côté les frais de gardiennage du site (1,2 million d’euros économisés par an aux GV). L’occupant coordinateur (Aurore) perçoit de la part des occupants une contribution aux charges (électricité, chauffage, eau, amortissement des investissements en réhabilitation, charge foncière, et éventuellement le wifi). Aux Grands Voisins, les structures sous-locataires payent un loyer de 17€/m2/mois contre 34€/m2 en moyenne à Paris1. Aurore fait fonctionner les centres d’hébergement grâce à des subventions d’état, et paye Plateau Urbain pour ses prestations de gestion de l’immobilier temporaire. YWC ne paye pas de loyer pour les 600 m2 d’espaces qui lui sont confiés, mais doit en contrepartie s’autofinancer : elle fonctionne grâce à des recettes commerciales et évènementielles (bar, restaurant, location d’espaces). La situation économique de certains acteurs s’avère ainsi parfois précaire. La mise en place d’une occupation temporaire tient tout d’abord en un accord entre son propriétaire et des occupants potentiels. Si l’initiative d’une occupation temporaire est parfois associative, elle vient souvent du propriétaire qui y trouve également des intérêts : • Éviter le squat et les dégradations qu’il peut générer • Éviter des frais de gardiennage Généralement, l’initiative vient du propriétaire lorsque celui-ci appartient au domaine public, et, à l’inverse, du monde associatif lorsque le site est de propriété privée. Or d’après une étude réalisée par l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme d’Île-de-France (IAU), 80% des occupations temporaires dans la région ont lieu sur des sites de propriété publique (collectivités, EPF, SPLA)2. Si les initiatives d’occupation temporaire sont source d’intérêts pour les propriétaires des sites au point d’être motivées par ces derniers, leur multiplication tient avant tout dans la confiance grandissante apportée aux acteurs qui les mettent en place. En effet, les gestionnaires de ces lieux éphémères se professionnalisent à la fois dans l’organisation des sites qu’ils gèrent en quasi-autonomie et dans leur rapport avec les propriétaires et collectivités locales. Après avoir détaillé la mise en place d’une occupation temporaire, intéressons-nous aux acteurs qui les mettent en place et les font vivre, et qui font émerger un intérêt grandissant des propriétaires pour ces appropriations éphémères.

1) Source : CALVINO Antoine, « Les friches, vernis sur la rouille ? », Le Monde Diplomatique, Avril 2018, n°769, p.26 à 27. 2) Source : DIGUET Cécile, « L’urbanisme transitoire : optimisation foncière ou fabrique urbaine partagée ? », Étude réalisée par l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme Île-de-France (IAU), Paris, Janvier 2018, p.9.

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1.3/ Des métiers émergents liés au développement de l’occupation temporaire Les gestionnaires de l’occupation temporaire sont divers dans leurs rôles, leurs attentes et motivations, ou encore dans leurs professions. Ils ont néanmoins de commun d’avoir développé une expertise nouvelle : rapprocher un espace vacant et des besoins non satisfaits par la ville dans une logique de rationalisation économique, d’expérimentation, ou de partage et de solidarité. Ce sont des associations, des coopératives ou des collectifs qui ont montré et développé au gré de multiples expériences un réel professionnalisme du temporaire, qui en font aujourd’hui des acteurs de références. On peut tout de même distinguer trois types de gestionnaires qui favorisent le développement d’occupations temporaires : • • •

Les activateurs ou animateurs1, tels que Yes We Camp, Soukmachines, Bellastock ou encore Aurore Les facilitateurs ou intermédiaires2, tels que Plateau Urbain, La belle friche, ou Adopte une friche Les gestionnaires d’espaces de travail3, tels que La Ruche ou Paris&Co

Les activateurs : Les premiers acteurs à l’origine du développement de l’occupation temporaire sont les activateurs ou animateurs. Il s’agit d’équipes pluridisciplinaires motivées par le fait même de redonner vie à un lieu vacant et au quartier qui l’entoure. Yes We Camp est une association pluridisciplinaire (architectes, graphistes, photographes, constructeurs, artisans, cuisiniers, spécialistes de la communication…) qui depuis sa création en 2013 « explore les possibilités de construire et d’habiter des espaces partagés en proposant des équipements temporaires à la fois fonctionnels et inclusifs ». L’association s’est ainsi spécialisée au gré de multiples expériences dans la fabrication d’espaces communs temporaires avec l’objectif de « réunir autour de ces projets temporaires les envies d’implication d’êtres humains d’horizons multiples et d’affirmer 1) Termes employés par Cécile DIGUET dans l’étude « L’Urbanisme transitoire : aménager autrement ». Note rapide de l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme Île-de-France (IAU) n°741, mis en ligne en Février 2017. 2) Termes employés par Cécile DIGUET dans l’étude « L’urbanisme transitoire : optimisation foncière ou fabrique urbaine partagée ? ». Étude réalisée par l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme Île-de-France (IAU), Paris, Janvier 2018, p.37. 3) Terme évoqué au « Meet-up « Urbanisme temporaire » ». Conférence au Pavillon de l’Arsenal à Paris, 1h24, 24 Novembre 2016.

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la ville comme un terrain fertile, où les espaces sont partagés avec confiance et constituent une source de réalisation et d’épanouissement individuel, avec un bénéfice commun. »4 Ces collectifs recherchent par l’expérimentation temporaire à construire des espaces pouvant rassembler des populations de tous les milieux sociaux. La co-construction de ces occupations temporaires avec les habitants et les occupants est ainsi une dimension importante de ces animateurs pour faire émerger des usages communs. Aux Grands Voisins, Yes We Camp a aménagé et animé les 15000 m2 d’espaces extérieurs en collaboration avec les structures et les résidents présents sur le site, mais aussi avec les riverains et autres volontaires. Pour intégrer le plus grand nombre de personnes, ces collectifs s’appuient sur divers outils que leur pluridisciplinarité a permis d’élaborer : communication digitale, affiches, chantiers participatifs, rencontres et réunions, lieux d’informations… Leur expertise repose donc sur leur large domaine de compétence, une forte adaptabilité et réversibilité, et une capacité à fédérer et faire travailler ensemble divers acteurs. La réinsertion de populations en situation précaire est également une ambition forte de leur travail. « Nous sommes un acteur éphémère spécialisé dans l’amorce d’usages communs et solidaires, qui vient accompagner des acteurs locaux qui connaissent leur territoire. Notre objectif est de faciliter les dialogues, d’inclure le plus de personnes pour faire émerger un projet durable que nous laissons ensuite aux mains des acteurs locaux » (Arthur POISSON, YWC, 2017).5

-Fig.10 : Principe de fonctionnement des «activateurs» de l’occupation temporaire. 4) Texte de présentation de l’association Yes We Camp. Site internet : https://yeswecamp.org 5) Propos issus d’un entretien avec DÉTRIE Périnne et POISSON Arthur (respectivement graphiste et artiste, membres de l’association Yes We Camp), mené par BEAUMONT Grégoire, à Nancy, le 14 Novembre 2017.

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Si ces collectifs ont dû dans leur début « faire leurs preuves » ils sont aujourd’hui sollicités par des collectivités qui reconnaissent leur savoir-faire. Leur compétence permet effectivement de tester des usages au plus près des habitants et de faire émerger des idées de programmation qui peuvent alimenter un projet urbain. Au nord de Paris, au cœur de la ZAC du futur écoquartier Fluvial de l’Île-Saint-Denis, l’association d’architecture expérimentale Bellastock a été missionnée pour accompagner les chantiers de déconstruction d’entrepôts et expérimenter in situ des prototypes d’aménagement à partir de matériaux réemployés issus de ces démolitions6. Le chantier est ouvert à tous et le collectif ambitionne ainsi « d’avoir un impact sur la manière dont va être pensé, conçu le projet pérenne, et de contribuer à la détermination des usages futurs. »7 Néanmoins si ces métiers commencent à être reconnus, ils disposent de peu subventions, et se trouvent souvent dans des situations économiques précaires qui limitent leurs moyens d’action dans le temps.

-Fig.11 : Aménagements éphémères réalisés par Yes We Camp aux grands Voisins. 6) Projet ActLab - http://www.bellastock.com/notre-activite/actlab/ 7) Propos de Paul Chantereau, fondateur de l’association Bellastock - VAN EECKHOUT Laetitia, « Quand les friches se transforment en laboratoires de la ville », Le Monde, mis en ligne le 9 Juin 2017.

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Les facilitateurs Les facilitateurs sont des collectifs qui mettent en relation des propriétaires de fonciers ou d’immobiliers vacants avec des porteurs de projets. Ils sont généralement composés d’architectes, d’urbanistes, d’économistes et de professionnels de l’immobilier qui ont développé une expertise sur la maîtrise administrative et technique des occupations temporaires. Plateau Urbain8 propose ainsi, via une plateforme internet, différents espaces louables temporairement dans le respect d’un cahier des charges bien défini : durée d’occupation, loyer, conditions d’appropriation, droits sur la structure bâtie, surfaces disponibles. Des porteurs de projets candidatent et sont sélectionnés par la coopérative selon des critères qui diffèrent suivant les possibilités d’appropriation qu’offre le lieu. Les facilitateurs cherchent avant tout à « favoriser les jeunes structures en cours de développement (artistes, artisans, start-ups, associations), également déterminées à intégrer ou adapter leur projet dans un cadre à plus long terme » (Hippolyte ROULLIER, Plateau Urbain, 2017).9 Les espaces sont réhabilités et mis aux normes à minima par une équipe d’experts (scénographes, architectes, spécialistes de l’événementiel) selon les usages envisagés et

-Fig.12 : Principe de fonctionnement des «facilitateurs» de l’occupation temporaire. 8) Coopérative d’intérêt collectif fondée en 2013 par deux urbanistes, un professionnel de l’immobilier, un économiste et un ingénieur des ponts et chaussées. Site internet : https://www.plateau-urbain.com 9) Propos issus d’un entretien téléphonique avec ROULLIER Hippolyte et PANOTIER Lucile (membres de la coopérative Plateau Urbain), mené par BEAUMONT Grégoire, le 17 Novembre 2017.

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permis par le lieu. Si une remise aux normes ERP10 nécessaire pour des programmations qui recevraient un public (évènementiel, bar, restauration) est trop coûteuse par rapport à la durée d’occupation possible, les espaces sont simplement rénovés aux normes du Code du travail, moins contraignantes. L’occupation temporaire doit ainsi respecter les mêmes normes qu’un bâtiment pérenne, et les usages potentiels dépendent ainsi beaucoup de la qualité et de l’état du bâti. Les structures résidentes payent ensuite un loyer abordable comprenant les charges et une redevance sur l’investissement avancé par la coopérative pour la remise en état des espaces. Ainsi, si la coopérative a vocation à favoriser l’ouverture de ces espaces vacants au public, sa motivation principale est de permettre à des structures disposant de peu de moyens financiers de se développer et de potentiellement pouvoir s’installer de manière pérenne à la suite de cette expérience. Les espaces mis à disposition sont soit issus d’accords directs avec des propriétaires (rencontre à des colloques, contacts avec des propriétaires de sites vacants), soit issus de réponses à des appels d’offres formulés par des propriétaires publics ou privés : dans ce cas-là, Plateau Urbain intervient comme une compétence chargée de la préfiguration de la programmation avant l’installation pérenne. Ainsi la coopérative agit comme intermédiaire entre occupants temporaire et propriétaires, mais répond également à des missions de stratégies urbaines pour le compte d’aménageurs, de promoteurs ou de collectivités.

-Fig.13 : Plateforme de candidature en ligne pour occuper temporairement une friche urbaine; La Belle Friche. 10) « Les établissements recevant du public (ERP) sont des bâtiments dans lesquels des personnes extérieures sont admises. Peu importe que l’accès soit payant ou gratuit, libre, restreint ou sur invitation. Une entreprise non ouverte au public, mais seulement au personnel, n’est pas un ERP. Les ERP sont classés en catégories qui définissent les exigences réglementaires applicables (type d’autorisation de travaux ou règles de sécurité par exemple) en fonction des risques. » Définition disponible sur : www.service-public.fr

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L’agence d’architecture « la Belle Friche » est partie d’un constat similaire à celui de Plateau Urbain : le temps de latence dans les projets d’architecture entre conception et réalisation d’une part et l’augmentation de la demande d’acteurs liés à l’événementiel et à la restauration d’autre part. Au-delà de la simple mise en relation et mise aux normes des espaces temporairement accessibles, l’agence accompagne la ou les structures porteuses de projet sur d’autres aspects : faisabilité technique du projet, évolutivité de la programmation, partenariat avec d’autres porteurs de projet.
 Les facilitateurs sont donc avant tout des experts dans la mise en place et la gestion juridique et économique d’une occupation temporaire. Ils contribuent au développement de ces initiatives en amenant un cadre rassurant pour des propriétaires souvent réticents et non formés à une gestion temporaire de leur patrimoine. De plus, comme les animateurs précédemment présentés, ils ambitionnent, par la sélection et l’accompagnement de porteurs de projets qu’ils jugent adéquats à une situation urbaine, « d’œuvrer sur l’urbanisme, sur le développement du quartier en ayant un impact environnemental et social positif sur celui-ci » (Hippolyte ROULLIER, Plateau Urbain, 2017). Les gestionnaires d’espaces de travail Ce dernier acteur résulte d’un métier qui a évolué en découvrant la possibilité d’occuper provisoirement des espaces vacants. Il s’agit d’entreprises spécialisées dans l’incubation et l’accompagnement de start-ups sur des temporalités courtes (6 mois en moyenne). Paris&Co recherche ainsi des espaces qui correspondent à cette temporalité. Elle a trouvé dans l’occupation temporaire un moyen de rendre ce temps d’incubation moins onéreux pour les jeunes entreprises. Plusieurs métiers émergent ainsi du développement de l’occupation temporaire. Ils ont en commun des compétences – adaptabilité, réversibilité d’action, capacité à rassembler - et des valeurs urbaines – inclure toutes les populations dans la fabrique urbaine, créer des espaces communs, permettre à des économies précaires de se développer. Si ces gestionnaires se caractérisent par un engagement fort et des ambitions plus sociales qu’économiques, ils ont à cœur de s’inscrire dans la conformité. Leur professionnalisme les a rendus crédibles et fait passer de « solliciteurs à sollicités », démocratisant ainsi cette pratique d’occupation temporaire. Toutefois, ces métiers restent souvent dans des situations économiques précaires, leur effectif fluctuant au rythme des projets temporaires, et cherchent encore à se structurer.

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L’occupation temporaire des friches urbaines est un phénomène en expansion. Il reprend des principes et valeurs du squat en optimisant la vacance urbaine pour répondre à des besoins non satisfaits par la ville traditionnelle. Mais ces occupations s’en démarquent en s’inscrivant dans la légalité et en s’organisant. Elles sont en effet le fruit de métiers émergents qui ont développé des compétences de mise en place juridique et économique du temporaire, mais également d’ancrage territorial, d’animation et de participation citoyenne. Ils contribuent ainsi à professionnaliser cette démarche et en font émerger des intérêts institutionnels. Après avoir présenté le cadre et les acteurs de l’occupation temporaire, intéressons-nous dans une seconde partie aux usages développés dans ces lieux et aux impacts qu’ils ont sur les occupants, les quartiers et la ville.

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CHAPITRE 2 EXPÉRIMENTER DE NOUVEAUX MODES DE VIE ET QUESTIONNER LE PARTAGE DE LA VILLE

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Expérimenter des nouveaux modes de vie et questionner le partage de la ville

2.1/ Une variété d’usages pour des besoins non satisfaits par la ville Tout comme les échelles spatio-temporelles qu’ils investissent, les projets d’occupations temporaires adoptent des usages variés répondant à des besoins non couverts par le reste de la ville. On peut distinguer trois grandes catégories d’usages : les usages liés à la culture, à l’art et aux loisirs (ateliers d’artistes, espaces d’expositions et de création, bars, clubs, espace public et jardins, équipements sportifs) ; les usages à vocation économique et commerciale (incubateurs, espaces de coworking, bureaux, artisanat, locaux associatifs, agriculture urbaine) ; les usages à vocation d’habitat et d’hébergement (foyers pour migrants, centres d’hébergement d’urgence et de stabilisation, ou campings alternatifs). Les occupations liées à la culture et aux loisirs : Les occupations liées à la culture et aux loisirs sont les plus nombreuses1. Elles répondent au désir d’artistes de profiter d’un espace de liberté de création et de diffusion, et aux besoins en espaces de fête, de détente et d’évènementiel alternatif manquant dans les villes denses. Le 6B permet ainsi à 170 structures des domaines de l’art et de la culture de se développer, et vient animer le quartier l’été en ouvrant au public une plage en bord de Seine. Autre exemple, dans le 18e arrondissement de Paris la SNCF a mis temporairement

-Fig.14 : Exposition du collectif «Inconnaissance» au 6B, à Saint-Denis.

-Fig.15 : Graffeurs à l’Aérosol, dans le 18e arrondissement de Paris

1) 25% des opérations selon une étude de IAU Ile-de-France réalisée sur 77 projets d’occupation temporaire ayant eu lieu ou étant en cours depuis 2012 dans la région Île-de-France. Source : DIGUET Cécile, « L’urbanisme transitoire : optimisation foncière ou fabrique urbaine partagée ? », Étude réalisée par l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme Île-deFrance (IAU), Paris, Janvier 2018, p.14.

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à disposition de la coopérative Polybrid un ancien hangar de fret en réponse à un appel à manifestation d’intérêt. Ce lieu rebaptisé l’Aérosol accueille divers évènements et expositions sur le monde du street-art et des espaces d’expression artistiques « en phase avec ce quartier qui a accueilli les premières fêtes hip-hop dans les années 1980 » (Kevin RINGEVALD, Polybrid, 2018).2 Si cette occupation donne une place à une forme d’expression artistique peu valorisée et historique dans ce quartier, on remarque néanmoins qu’elle s’ancre peu dans le territoire local : les tarifs des consommations sont élevés pour les riverains de cet arrondissement populaire, et les artistes qui contribuent à valoriser le site ne sont pas rémunérés. Le propriétaire semble ici profiter des avantages en matière d’économie de projet et de valorisation de son site au détriment du volet social et participatif de ce type d’occupation. Les occupations à vocation économique et commerciale : D’autres occupations permettent à de jeunes activités disposant de peu de ressources économiques de se développer en profitant de locaux aux loyers abordables. Les appels à porteurs de projets réalisés par les gestionnaires-facilitateurs confirment ces besoins émergents : lors de l’appel à projets pour l’occupation de l’Open Bach dans le 13e arrondissement de Paris, 100 candidatures ont été envoyées pour 20 places temporaires.3 En plus de répondre à des besoins confirmés, ces occupations développent une dynamique économique dans des quartiers parfois marqués par la désaffectation du site occupé. Sur l’Île de Nantes un ancien hangar qui abritait un karting a été réaménagé temporairement et accueille quarante entreprises du secteur des industries culturelles et créatives, soit 150 emplois. La Halle Papin, ancienne usine de pneus située à Pantin, a été mise à disposition du collectif Soukmachines par l’Établissement Public Territorial Est Ensemble Grand Paris pour animer ce lieu avant sa réhabilitation. Elle accueille depuis 2016 82 sérigraphes, bijoutiers, graveurs sur bronze, designers, architectes, fabricants d’enceintes ou constructeurs de décors dans une quarantaine de box pour un loyer mensuel de 6 à 10 € le m2 (contre 13€ en moyenne à Pantin). Le collectif y organise également des fêtes et des ateliers pédagogiques gratuits rassemblant riverains, Parisiens et touristes. « Nous pourrions optimiser nos revenus, mais nous considérons que tout n’est pas mercantile. Nous préférons répondre aux besoins d’espace de jeunes entrepreneurs et associations, tout en ayant une intention artistique et sociale avec des évènements ouverts à tous » (Yoann-Till DIMET, Soukmachines, 2018).4

2) Source : CALVINO Antoine, « Les friches, vernis sur la rouille ? », Le Monde Diplomatique, Avril 2018, n°769, p.26 à 27. 3) Espace éphémère de création et de production pluridisciplinaire administré par Le Labolic. Source : Meet-up « Urbanisme temporaire », Conférence au Pavillon de l’Arsenal à Paris, 1h24, 24 Novembre 2016. 4) Source : CALVINO Antoine, « Les friches, vernis sur la rouille ? », Le Monde Diplomatique, Avril 2018, n°769, p.26 à 27.

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Les occupations à vocation d’habitat ou d’hébergement : Enfin des occupations permettent d’héberger des populations en situation de précarité. Ces occupations temporaires restent rares5, car plus complexes à mettre en place d’un point de vue juridique et, car les propriétaires sont plus réticents à l’idée de devoir déplacer des personnes plutôt que des activités au terme de la COT. Une question se pose également : comment faire vivre le temporaire à des personnes à la recherche de repères comme un espoir et non comme un traumatisme ? Toutefois, l’hébergement de personnes en situation précaire par le biais de l’occupation temporaire représente une solution nouvelle pour répondre à un besoin croissant.6 Une des solutions consiste à installer des bâtiments modulaires sur des friches non bâties, à l’image du CHS la « promesse de l’Aube » (200 places), conçu par l’agence Moonarchitectures et géré par Aurore, situé dans le 16e arrondissement de Paris sur LE MAL LOGEMENT EN FRANCE 6 : une friche publique. À l’issue de la conven• 4 millions de personnes mal logées tion d’occupation du domaine public de 5 • dont 896 000 privées de logement perans, les quatre bâtiments modulaires sesonnel ront démontés puis déplacés sur un autre • dont 143 000 SDF (contre 132 000 en site. Une autre solution consister à optimi2012) • dont 2 819 000 vivant dans des condiser le patrimoine bâti des friches urbaines, tions de logement très difficiles (surlorsque celui-ci le permet, comme ce fût le peublement, état sanitaire...) cas aux Grands Voisins dans 6 des 16 bâtiments existants.

-Fig.16 : Optimisation du patrimoine bâti ou installation d’achitectures éphémères et modulables pour l’hébergement social 5) 6% des opérations selon l’étude de IAU Île-de-France réalisée sur 77 projets d’occupation temporaire ayant eu lieu ou étant en cours depuis 2012 dans la région Île-de-France. 6) Les chiffres du mal-logement en France, 2017, Fondation l’Abbé Pierre. Disponible sur : http://www.fondation-abbe-pierre.fr

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Si ces types d’occupation restent rares, les opérateurs d’hébergement d’urgence tels qu’Aurore se professionnalisent dans cette démarche et développent des partenariats avec des bailleurs sociaux qui leur confient temporairement des bâtiments voués à être démolis ou réhabilités. Marianne Auffret, élue en charge de l’Urbanisme à la mairie du XIVe arrondissement de Paris souligne qu’« en s’installant de manière temporaire dans l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul, Aurore inaugurait sans doute à cette époque une nouvelle façon de faire. » 7

-Fig.17 : Centre d’hébergement d’urgence temporaire «La Promesse de l’Aube», dans le 16e arrondissement de Paris.

Les occupations mixtes : Certaines occupations temporaires mixent divers programmes. Les GV accueillent ainsi un panel d’usages et de populations : des activités économiques (artisans, artistes, start-ups, associations), des évènements (expositions, fêtes, débats, marchés et concerts), des espaces publics piétons (terrains de football et de pétanque, potagers), des services de proximité (bars, restaurants et quelques commerces), et des espaces d’hébergement social (CHS) ou hôtelier (camping). La mixité fonctionnelle et sociale prônée par les politiques d’aménagement, souvent difficile à atteindre par la planification, semble prendre forme naturellement dans ces occupations informelles. Rassembler diverses fonctions au même endroit peut pourtant être source de conflits d’usages (bruit, gestion des déchets, de l’intimité). La gestion de ces conflits tient à l’organisation et à l’adaptation du site aux différents usages par les porteurs du projet temporaire. Yes We Camp a ainsi pu anticiper avec Aurore le besoin d’intimité des résidents des CHS mais également la nécessité de les intégrer à la vie publique du site, et organiser ainsi la programmation, la signalétique et les espaces 7) Extrait de l’entretien avec AUFFRET Marianne (élue en charge de l’Urbanisme à la mairie du XIVe arrondissement de Paris), mené par BEAUMONT Grégoire, à Paris, le 28 Février 2018.

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publics en ce sens. Les conflits d’usages sont anticipés et gérés au fur et à mesure du projet grâce à la gouvernance et la continuité d’action des animateurs du site. Cette mixité permet d’améliorer l’acceptabilité de l’occupation temporaire auprès des riverains. Concentrer au même endroit des populations en situation de précarité, des activités en développement et parfois précaires peut générer des tensions et des conflits locaux, d’autant plus dans un quartier de faible mixité sociale tel que le 14e arrondissement. Ainsi, si l’hébergement permet de répondre aux besoins de populations en situation précaire, les activités, les services et les espaces d’animation peuvent répondre à des besoins locaux d’un autre type de population. « Un des enjeux pour Aurore et la Mairie était que ce type d’occupation se passe dans les meilleures conditions. Être accepté par les riverains est un enjeu central pour ce type de projet, et c’est dans cet objectif que le site s’est ouvert au public et à d’autres usages » (Anne CARNAC, PBA, 2018).8 -Fig.18 :Signalétique aux Grands Voisins.

Les occupations temporaires permettent ainsi de répondre à des besoins en espaces de lancement professionnel, de création, d’animation locale, mais également en hébergement de populations touchées par la précarité. Quand elles sont à l’initiative du propriétaire de la friche, il arrive qu’elles soient simplement menées dans une logique de rentabilité, mais la plupart du temps elles s’ancrent véritablement dans leur quartier et sont destinées à répondre à ces besoins émergents. Si l’hébergement social par l’occupation temporaire peut sembler une solution d’urgence qui ne règle pas dans le fond les difficultés que parcourent les résidents, la mixité et l’ancrage territorial d’exemples comme les GV créent un « écosystème » souvent bénéfique pour la réinsertion de ces populations dans la Société. De la même manière, le groupement d’activités diverses au même endroit et sur un temps court favorise les synergies, les collaborations et l’expérimentation. Intéressons-nous donc dans une seconde partie à ces effets que provoque cette temporalité courte sur les occupants, leur parcours de vie ou leur activité.

8) Extrait de l’entretien avec CARNAC Anne (responsable de l’opération Saint-Vincent-de-Paul à la SPLA Paris Batignolles Aménagement), mené par BEAUMONT Grégoire, à Paris, le 12 Janvier 2018.

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2.2/ Des expérimentations et des collaborations favorisées par la temporalité de l’occupation Les occupations temporaires de friches urbaines sont par définition limitées dans le temps. Elles évoluent dans un cadre bien défini en préalable à la restructuration pérenne du site par son propriétaire. Cette temporalité courte a plusieurs impacts sur l’appropriation des lieux et ses occupants : elle pousse à aménager les lieux de manière rapide et réversible ; elle génère des collaborations et une énergie collective ; elle offre une liberté expérimentale et pousse à agir de manière incrémentale. Des architectures légères et expérimentales En effet, le temps limité, mais également les moyens financiers précaires et les contraintes d’urbanisme amènent les occupants à aménager les lieux par des constructions légères, démontables, recyclables et réversibles, rapides à installer pour profiter au plus vite de l’espace vacant. L’emploi de « low-technologies » est ainsi récurrent dans les projets d’occupation temporaire : « ce sont des systèmes simples, durables et accessibles en termes de coûts et de savoir-faire. Leur impact environnemental est faible, car elles privilégient les matériaux de récupération et des fonctionnements peu énergivores. C’est également une philosophie, celle de faire mieux avec moins. »1 Les bâtiments occupés sont aménagés selon leur découpage spatial : ceux de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul déjà organisés spatialement ont dans l’ensemble simplement été meublés. Les espaces loués sont livrés nus aux occupants qui sont libres dans l’aménagement de leur bureau ou atelier. Le Karting à Nantes ou la Halle Papin à Pantin, deux vastes espaces sous un hangar, ont eux dû être redécoupés par des aména-

-Fig.19 : Découpage spatial de la Halle Papin, Pantin.

-Fig.20 : Boxes en ossature bois sous le hangar de l’ancien Karting à l’Île de Nantes.

1) Site internet Low Tech Lab : http://lowtechlab.org/wiki/Accueil

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gements légers pour créer des sous-espaces pour les divers occupants : 12 boxes modulables de 12 à 96 m2 pour l’un, un simple marquage au sol ou des cloisons en bois pour l’autre. Un avantage de cette architecture légère et réversible pour le propriétaire des lieux est l’absence de traces physiques après la fin de l’occupation temporaire. Le CHS temporaire la Promesse de l’Aube a ainsi été conçu sans fondations, les modules préfabriqués sont simplement posés sur des plots de répartition directement posés sur le sol. D’autre part, ces initiatives temporaires, parfois conçues de manière improvisée, permettent d’expérimenter de nouveaux modes constructifs ou de développer des filières de réemploi des matériaux de construction à l’image du travail effectué par Bellastock sur le territoire de Plaine Commune à Saint-Denis. Un catalyseur de rencontres et de collaborations Les occupations temporaires sont également des lieux générateurs de coopérations. Différents facteurs sont à l’origine de la création de ces réseaux de collaborations : • Le temps court pousse à agir vite, et donc à fédérer. • La précarité de la situation, le besoin d’échanger avec le propriétaire lie les occupants qui dépendent de cette bonne relation. • Le manque de ressources pousse à mettre en commun, à mutualiser des moyens matériels, mais aussi des savoirs et des compétences. • Les structures s’installant dans des occupations temporaires, qu’elles soient du même secteur d’activité ou non, partage souvent des valeurs communes. • Un critère de sélection des porteurs de projets est parfois émis par les gestionnaires-facilitateurs en faveur d’une adhésion contributive au projet global d’occupation temporaire, au-delà de l’intérêt personnel de développement d’une activité. Aux Grands Voisins, les demandes d’installation étant nombreuses, Aurore et Plateau Urbain, ont donc défini différents critères de sélection : • Moyens financiers de la structure, afin de favoriser les plus précaires, et surface recherchée • Capacité au paiement des charges, afin d’assurer l’équilibre économique • Ancienneté (moins de 5 ans pour les entreprises), pour favoriser les structures jeunes • Volonté de contribution collective En s’installant aux Grands Voisins les structures doivent s’engager à participer d’une manière ou d’une autre au projet d’occupation temporaire : évènements, réinsertion de résidents des CHS, entretien du site, proposition de projets. L’engagement et la participation de tous les résidents dans le projet vont de pair avec son bon fonctionnement.

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Ainsi si l’occupation est pilotée par trois associations, toutes les structures résidentes sont invitées à nourrir le projet et à s’investir de manière collective. Ces critères ont par ailleurs été suggérés en amont par la mairie de Paris : « Nous avons émis plusieurs exigences au cahier des charges « informel » qu ‘Aurore et Plateau Urbain allaient passer auprès des structures qui souhaitaient devenir sous-locataires. Nous exigions qu’ils pratiquent des prix abordables, et que les sous-locataires ne s’installent pas que par opportunité foncière, mais qu’ils aient quelque chose à donner en échange dans le cadre de la préfiguration » (Marianne AUFFRET, mairie du XIVe arrondissement de Paris, 2018).

Ces réseaux de collaborations continuent souvent d’exister au-delà de l’occupation temporaire et vont parfois jusqu’à créer des fusions. D’après une étude réalisée par Plateau Urbain 79% des structures installées aux GV ont interagi avec au moins une structure du site, créant des collaborations inédites entre des entreprises de secteurs d’activité très différents. Certaines structures (38%), davantage du secteur socioculturel, ont également développé des partenariats avec des activités du 14e arrondissement. 40% des structures installées aux GV souhaitent d’ailleurs pérenniser leur activité dans cet arrondissement ou à proximité.2 L’installation aux GV s’est donc accompagnée pour une partie des structures d’un ancrage local fort. L’écosystème temporaire a ainsi généré des collaborations qui perdurent aujourd’hui. L’association d’insertion Carton Plein, qui collecte et valorise les cartons usagés, installée aux GV jusqu’en décembre 2017, a trouvé un nouveau local dans le 11e arrondissement qu’elle partage avec 4 autres structures rencontrées aux GV afin de monter ensemble un projet d’accompagnement de personnes en grande précarité. COLLABORATIONS, PARTENARIAT ET « Les Grands Voisins nous a permis de nous TREMPLINS ÉCONOMIQUES AUX GRANDS consolider et de gagner de nouveaux déVOISINS 2 : bouchés » (Do HUYNH, Carton Plein, 2017). • 79% des structures ont interagi avec au Autre exemple, la jeune agence moins une structure du site d’architecture Concorde lancée aux GV par • 38% avec des structures du 14e arronquatre amis s’est suffisamment dévelopdissement pée, notamment grâce à cette ambiance • 40% des structures souhaitent pérennicollaborative pour s’installer désormais de ser leur activité dans le 14e arrondissement manière pérenne à Marseille. • 30% des structures souhaitent pour« Nous y avons découvert un vrai esprit suivre leur activité dans de l’immobilier entrepreneurial. Nous avons pu échanger traditionnel de bureaux avec d’autres sur les clés d’une bonne gestion. C’est précieux lorsque l’on se lance. 2) Étude réalisée sur 132 structures des Grands Voisins. Coopérative Plateau Urbain, « Mixités, parcours et interactions : les structures professionnelles aux Grands Voisins – Diagnostic des structures professionnelles installées dans l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul, Paris 14ème arrondissement », Étude réalisée par Plateau Urbain pour le compte de Paris Batignolles Aménagement, Paris, Avril 2017. Disponible sur : https://www.plateau-urbain.com/documentation

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Cela nous a aidés à nous structurer » (Simon MOISIÈRE, agence Concorde, 2017).3 L’occupation temporaire a ainsi eu un effet de tremplin économique et immobilier puisque 30% des structures des GV souhaitent poursuivre leur activité dans de l’immobilier traditionnel de bureaux. 56% d’entre elles souhaitent en revanche poursuivre dans de l’occupation temporaire conventionnée, ce qui peut laisser penser qu’une partie de ces structures restent en fragilité financière. On peut également penser que ce chiffre montre que l’écosystème collaboratif généré par l’occupation a été apprécié et a apporté une plus-value aux structures (11% d’entre elles souhaitent également poursuivre leur activité dans des espaces de coworking). Un laboratoire urbain favorisant l’expérimentation Comme le temporaire pousse à aménager de manière précaire les sites occupés, il offre souvent une liberté d’action qui amène les occupants à tester des usages, des architectures, ou des pratiques innovantes. Le temps court et les moyens restreints poussent à agir de manière rapide et concrète suivant une démarche incrémentale : « À l’inverse des processus classiques dans les administrations ou les entreprises où chaque projet doit être évalué et validé avant d’être mis en réalisation, nous prenons le risque d’avancer plus rapidement, par test, avec comme corollaire la nécessité d’une gouvernance réactive, capable de réorienter les projets » (Nicolas DETRIE, YWC, 2017).4 L’occupation temporaire reconnaît ainsi et met en pratique le droit à l’erreur, au profit de la créativité. Pour que le projet éphémère puisse évoluer, les structures pilotes doivent toutefois savoir cadrer ces expérimentations (budget, respect de la loi). Les réunions hebdomadaires et bimestrielles des GV (conseil des Grands Voisins) étaient prévues à cet effet : proposer, décider, orienter, ou modifier des projets collectifs. Cependant, une temporalité réduite ne permet pas toujours d’amortir les investissements de départ pour mettre les lieux aux normes d’accessibilité et réduit les possibilités d’appropriation. Si elles ne sont pas soutenues par des subventions, les occupations aux durées les plus courtes sont ainsi souvent contraintes à adopter un usage commercial afin d’équilibrer le budget. Les occupations temporaires sont ainsi des espaces-temps dans lesquels sont testés des économies alternatives, des concepts, des produits ou des dispositifs sociaux. Aux GV différents dispositifs innovants ont contribué à l’attractivité du site, à sa capacité à rassembler des personnes de toutes les strates sociales, et à la réinsertion des résidents des CHS. 3) Source : VAN EECKHOUT Laetitia, « Quel devenir pour les occupants et les résidents des Grands Voisins ? », Le Monde, mis en ligne le 29 Décembre 2017. 4) Nicolas Détrie, fondateur de l’association Yes We Camp. Source : PAIROT Clément, MOREAU Émilie, « La ville autrement ; Initiatives citoyennes / Urbanisme temporaire / Innovations publiques / Plateformes numériques », Étude réalisée par l’Atelier Parisien d’Urbanisme (APUR), Paris, Juillet 2017.

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la maison des médecins (espace polyvalent dédié aux résidents des CHS) la conciergerie solidaire (dispositif d’insertion par l’activité) la ressourcerie créative (vente d’objets recyclés et formation au réemploi) les ateliers partagés (espace de partage de compétences et de moyens matériels) la Lingerie (bar et lieu d’animation du site) les Comptoirs (restaurant associatif géré avec des résidents en réinsertion) le marché solidaire (marché aux puces mensuel) les espaces publics piétons (place des fêtes, potagers, mobilier, terrains de sport) le trocshop (système d’échange de biens et de services entre les Voisins) 5

Activités mixtes Centres d’hébergement Espaces d’animation et de réinsertion -Fig.21: Répartition des programmes de l’occupation des Grands Voisins. 5) Détail des différents dispositifs en annexe p.104.

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Cette occupation a surtout mis au jour de nouveaux dispositifs de réinsertion sociale et professionnelle des personnes en situation précaire. « Le fait d’avoir 1500 personnes qui travaillent en permanence sur le site (dans un quartier qui n’avait jamais connu une telle activité) génère des besoins. Or ces besoins sont autant d’opportunités pour les personnes en insertion de mettre la main à la pâte et de se remettre dans une logique de travail. L’animation du site et son ouverture au public sont en soi un vrai levier de socialisation » (William Dufourcq, Aurore, 2017). La conciergerie solidaire a notamment permis à 53% des résidents des CHS de trouver un emploi, et 6% une formation.6 De plus d’après l’étude réalisée par Plateau Urbain, 52% des structures implantées aux GV déclarent avoir eu des interactions avec des personnes en hébergement. Même si la nature de ces échanges n’est pas connue, ils ont probablement eu des effets bénéfiques sur la réinsertion de ces publics en difficulté. Le temporaire a donc des effets multiples. L’indépendance vis-à-vis de l’espace occupé confère aux usagers une liberté qui les pousse à tester, à collaborer et à mutualiser, et limite les relations de pouvoir et d’appropriation des lieux. Quel que soit l’usage développé, les friches occupées deviennent des laboratoires, des sites tests pour de nouvelles activités où des expérimentations peuvent être portées sans gros risques financiers. L’occupation temporaire dessine ici une nouvelle méthode de travail qui donne le droit à l’erreur et permet d’innover dans un environnement peu contraignant. Ces « écosystèmes » collaboratifs et expérimentaux où prend place temporairement une mixité d’usages et de populations proposent de nouvelles manières de vivre et de partager la ville. Abordons donc dans une dernière partie en quoi ces occupations temporaires favorisent la réintégration des friches dans la ville et quels impacts elles ont sur la vie locale et les modes de vie urbains.

-Fig.22 : Propositions et recherches de partenariats aux Grands Voisins.

-Fig.23 : Expérimentation d’agriculture urbaine aux Grands Voisins.

6) William Dufourcq, Directeur de l’occupation des Grands Voisins, association Aurore. Source : VAN EECKHOUT Laetitia, « Quel devenir pour les occupants et les résidents des Grands Voisins ? », Le Monde, mis en ligne le 29 Décembre 2017.

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2.3/ Un environnement inclusif et participatif renouvelant l’hospitalité des territoires « On aura beau dire qu’un endroit est ouvert à tous, il sera finalement atteint par ceux qui ont la capacité à s’y sentir bien » (Nicolas DÉTRIE, YWC, 2018).1

L’ouverture temporaire des friches urbaines pour des usages intermédiaires, au-delà d’une recherche d’optimisation foncière, est souvent portée par une volonté de proposer des espaces urbains différents, une vision de la ville renouvelée. Les activateurs de ces espaces-temps revendiquent ainsi la constitution d’un environnement urbain plus inclusif où « l’enjeu est la légitimité à se sentir ici » (Nicolas DÉTRIE, YWC, 2018). Selon Denis Delbaere nous assistons aujourd’hui à une perte de valeurs associées auparavant à la vie dans l’espace public, un affaiblissement de la dimension sociale qui le caractérise, dû au développement d’un monde de plus en plus individualiste, fondé sur la recherche de « l’entre-soi ». Cette « crise de l’espace public » est liée à l’urbanisme de résidentialisation de la seconde moitié du XXe siècle, producteur d’une fragmentation et d’une spécialisation des espaces publics dans un but de contrôle et de limitation des conflits. L’espace public n’est aujourd’hui plus un lieu de confrontation et d’échange, mais un espace de cohabitation et de passage (Denis Delbaere, 2010).2 Or bénéficier d’espaces de qualité et de convivialité en ville est un souhait exprimé par les individus : à Marseille YWC gère l’occupation temporaire d’une friche appelée «Foresta», située à la croisée de différents quartiers sensibles « où les populations sont à la recherche d’espaces appropriables au quotidien » (Arthur POISSON, YWC, 2017). D’ailleurs, les initiatives d’habitants pour améliorer leur cadre de vie en aménageant des espaces conviviaux dans l’espace public se multiplient d’après une étude de l’IAU).3

1) DÉTRIE Nicolas, « Les bonnes recettes d’une transformation urbaine réussie », Interview du fondateur de l’association Yes We Camp, 5min, 5 Avril 2018, Paris. 2) Selon Denis Delbaere, l’espace public se définit selon deux composantes : sa forme (dimension spatiale) et sa composante anthropologique (dimension sociale). C’est un espace ouvert à tous dans lequel tous types d’échanges (commerciaux, sociaux et politiques) sont possibles entre les différentes couches de la population, et où chacun peut faire valoir ses intérêts, notamment vis-à-vis de l’autorité publique. Source : DELBAERE Denis, « La fabrique de l’espace public », Paris : Edition Ellipses, Collection La France de Demain, 2010. 3) Source : LEROI Pascale, « Développer l’économie éphémère pour des territoires plus accueillants », Note rapide de l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme Île-de-France (IAU) n°757, mis en ligne en Septembre 2017.

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Nicolas Détrie est ainsi « convaincu que la plupart des gens portent en eux le désir d’aller vers les autres, de dépasser leurs habitudes et de se tester comme coproducteurs de la ville plutôt que simple utilisateur. Par souci du jugement des autres, par sentiment de ne pas être capable ou de ne pas avoir le droit, beaucoup n’osent pas. Le rôle que nous nous donnons avec YWC est de faire exister des espaces ou des moments pendant lesquels ces barrières tombent. »4

-Fig.24 : Aménagements des abords du quartier de Dr Ayme à Cavaillons par ses habitants accompagnés du collectif ETC.

Des « espaces autorisants » Ainsi une motivation centrale des activateurs d’occupations temporaires est d’en faire des espaces ouverts à tous, des lieux d’interface entre différentes populations, sans domination d’un groupe social, où l’individu n’est plus « consommateur passif de la ville, mais acteur voire coproducteur ». Yes We Camp parle « d’espaces autorisants » ou « à haute valeur humaine». Pour générer ce sentiment de « possibilité de faire et de légitimité », l’association met en place un ensemble de signaux et dispositifs destinés à faire ressentir aux visiteurs qu’ils se trouvent dans un espace différent et à éveiller leur curiosité : communication, organisation des lieux, espaces tampons, signalétique, présence de l’art et d’architectures insolites (Hammam en plein air, serre d’aquaponie aux GV). Il s’agit de mettre en -Fig.25 : Signalétique aux Grands Voisins. place « un ensemble d’éléments qui, dans la perception des gens, déclenchent des messages de « possibilité de faire », de reconsidération de soi-même et des autres. » Des salariés sont également mobilisés pour faire fonctionner le lieu et « susciter une attitude collective bienveillante, confiante et invitante » (Nicolas DÉTRIE, YWC, 2018).5 4) Source : PAIROT Clément, MOREAU Émilie, « La ville autrement ; Initiatives citoyennes / Urbanisme temporaire / Innovations publiques / Plateformes numériques », Étude réalisée par l’Atelier Parisien d’Urbanisme (APUR), Paris, Juillet 2017. 5) DÉTRIE Nicolas, « Les bonnes recettes d’une transformation urbaine réussie », Interview du fondateur de l’association Yes We Camp, 5min, 5 Avril 2018, Paris.

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Pour le projet « Chez Albert » à Aubervilliers, l’enjeu de Yes We Camp était de créer un espace public à partir des habitudes du quartier et des usages souhaités par ses habitants. La parcelle permettant de connecter deux rues, l’association a commencé par l’ouvrir de part et d’autre pour créer un raccourci dans le quartier. « Il faut inventer une histoire pour que ça intéresse les populations. Il ne s’agit pas seulement d’aller à la rencontre des riverains, il faut aller voir les commerçants, se rendre compte des habitudes, créer des liens, faire des affiches, donner un nom au lieu, et être présent pour que les gens osent et s’investissent. (…) On essaye à travers nos projets de mettre en commun des usages que les gens font tout seuls, des « usages de la maison. » » (Périnne DÉTRIE, YWC, 2017).

L’importance des communs Dans les occupations mixtes qui peuvent générer davantage de conflits d’usages, les espaces communs prennent une place importante. Aux GV la présence de 600 personnes en situation précaire était la structure même du projet. Pour favoriser la réinsertion de ces populations et susciter l’intérêt des riverains, Parisiens et touristes, il a fallu transformer la perception des 15000 m2 d’espaces extérieurs - mobilier urbain, microarchitectures, signalétiques – et laisser des espaces intérieurs à l’usage de tous (La Lingerie). L’architecture des occupations temporaires est ainsi basée sur sa capacité à être appropriable. Plateau Urbain, dans la gestion de ces lieux temporaires, prévoit systématiquement que certaines salles restent à la disponibilité de tous, en réservant les espaces les plus attractifs aux communs. Au-delà de la simple acceptation de l’occupation, l’enjeu des activateurs est également que chacun se sente en capacité de s’investir et de faire évoluer le projet selon ses besoins. La mise en scène de ces espaces et la cohabitation de groupes sociaux variés peuvent avoir comme effet de générer l’envie de s’impliquer. L’occupation temporaire devient en quelque sorte un support de participation à la fabrique du territoire.

-Fig.26 : La Lingerie, lieu de vie central des Grands Voisins.

-Fig.27 : La terrasse du restaurant associatif des Grands Voisins.

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Mettre en pratique le « droit à la ville » Ces lieux contribueraient ainsi à changer les mentalités, à lutter contre l’exclusion, à encourager une économie locale et à proposer des modes de vie plus durables en dépassant « les fonctions « régaliennes » propres à l’espace public (circulation, hygiène, sécurité) » (Nicolas DÉTRIE, YWC, 2018). Ces initiatives d’occupation temporaires témoignent ainsi d’un engagement en faveur du droit à la ville (DALV). Ce concept initié par le philosophe et sociologue Henri Lefebvre en 1968, qui émettait une critique contre l’urbanisme de l’époque, a été repris au début des années 2000 dans un contexte de remaniement des politiques urbaines en faveur de la décentralisation et de la participation démocratique. Un groupe de travaux fait émerger le concept de citoyenneté urbaine et « propose de mettre la notion de DALV au service d’une réflexion sur la transformation des identités politiques dans le cadre de la montée de la participation, de la démocratie locale et du cosmopolitisme urbain. Le DALV, ici compris comme droit de l’habitant, permettrait de construire les bases d’une citoyenneté urbaine plus inclusive, notamment pour les migrants. Cette citoyenneté urbaine serait souple, éphémère, ouverte aux multi-appartenances et se combinerait avec la citoyenneté nationale. »6 Certains activateurs d’occupations temporaires revendiquent une implication dans le champ politique : « Ce que nous faisons c’est de la préfiguration de politiques publiques, et pas seulement de nouveaux quartiers. C’est une lutte contre les sentiments de défiance et d’impuissance. » Ainsi motivées par des gestionnaires qui ont l’ambition d’en faire des lieux inclusifs, les occupations temporaires contribuent à développer l’hospitalité des territoires.7 Les services, animations, signalétiques, interventions artistiques, et aménagements éphémères créent cette hospitalité. Malgré leur précarité, ces espaces deviennent parfois des sites majeurs de production et d’attractivité culturelles pour leur ville à l’image des « GV qui ont créé une animation forte et drainé un public dans un quartier peu dynamique dans son ensemble » (Anne CARNAC, PBA, 2018).

6) « Henri Lefebvre dénonce en particulier le recours généralisé, en urbanisme, aux principes de planification et de fonctionnalisme qui provoquent alors l’éviction des classes populaires des quartiers centraux. Cet urbanisme rationaliste (qui considère la ville comme un objet technique) étouffe les pratiques sociales autonomes et dépossède les citadins de leur droit à produire collectivement l’espace. (…) Pour H. Lefebvre, la ville n’est pas un simple décor : c’est un espace produit idéologiquement et politiquement, résultant de stratégies, de luttes, de contradictions. A ce titre, elle doit faire l’objet d’une réappropriation de la part de la classe ouvrière car elle est en train de se dissoudre dans un urbain anomique (étalement, fragmentation, fin de la ville « historique »). » Source : MORANGE Marianne et SPIRE Amandine, « Droit à la ville ». Disponible sur : http://www.hypergeo.eu/spip.php?article698 7) Source : LEROI Pascale, « Développer l’économie éphémère pour des territoires plus accueillants », Note rapide de l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme Île-de-France (IAU) n°757, mis en ligne en Septembre 2017.

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Les occupations temporaires de friches et les activateurs qui les animent de manière collective et participative redonnent ainsi une place à ces lieux à l’abandon dans la ville, parfois à certaines populations en situation de précarité dans la Société, et contribuent à réactiver la vie de certains quartiers. Ces richesses sociales, économiques et culturelles créées à court terme peuvent intéresser les institutions liées à la fabrique urbaine traditionnelle sur des projets à plus long terme. Intéressons-nous ainsi dans une dernière partie aux impacts de ces occupations temporaires sur les institutions, l’urbanisme et le devenir des friches occupées.

LE CONCEPT D’HOSPITALITÉ TERRITORIALE 7 : « Territoire où les sédentaires (habitants, travailleurs, étudiants), comme les personnes de passage (tourisme, affaires) se sentent bien, ont envie de rester pour la qualité des échanges humains, l’ambiance et les services. »

-Fig.28 : Un terrain de foot aménagé dans une allée de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul.

-Fig.29 : Mobilier urbain original aux Grands Voisins.

-Fig.30 : Entrée de l’ancienne occupation temporaire «Chez Albert» à Aubervilliers.

-Fig.31 : Panneau de présentation du projet des Grands Voisins.

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Les occupations temporaires sont des lieux atypiques où prennent place une multitude d’usages plus ou moins informels. Le cadrage temporaire et réglementaire permet de rassurer les institutions inquiétées par d’éventuels dégradations ou conflits entre les occupants et le futur développement du site. Ce cadre offre d’autre part aux occupants une liberté expérimentale et permet de répondre à des besoins non satisfaits par la ville traditionnelle : espaces de lancement professionnel, lieux de fête ou de création artistique, hébergement de personnes en situation précaire. Les sites occupés deviennent ainsi des lieux d’expérimentations sociales, économiques ou artistiques, faits de réalisations concrètes et rapides, favorisant les rencontres, les collaborations, et donnant une place à chacun dans la ville. Les acteurs qui les animent sont en effet souvent portés par la volonté de générer de nouvelles citoyennetés en faisant se côtoyer dans un égal sentiment de légitimité des visiteurs, des riverains, des travailleurs et des personnes vulnérables qui trouvent la possibilité d’une resocialisation progressive dans cet espace-tampon entre le privé et la ville. Ces valeurs créées à court terme par les occupations temporaires peuvent nourrir un projet à plus long terme, qu’elles y soient associées ou non. En amorçant des dynamiques locales (sociales, économiques ou culturelles) elles contribuent à revaloriser le site et son quartier, et en testant des programmations elles peuvent inspirer les acteurs de l’aménagement urbain. Voyons ainsi dans une dernière partie les impacts que peuvent avoir ces occupations sur le devenir des friches urbaines, sur les institutions (propriétaires, collectivités, métiers de l’aménagement urbain) et sur la planification de ces espaces stratégiques. François Hollande en visite aux GV le 17 janvier 2017 disait : « On se trompe à n’y voir qu’un projet temporaire : c’est de l’investissement. »1

1) Source : VATOV Marie-Christine, « Dossier : L’Urbanisme temporaire s’inscrit dans la durée », Traits urbains, Février 2018, n°94, p.14 à 25.

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CHAPITRE 3 REPENSER LA PLANIFICATION URBAINE ET INSPIRER LES INSTITUTIONS : DE L’OCCUPATION TEMPORAIRE À L’URBANISME TRANSITOIRE

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Repenser la planification urbaine et inspirer les institutions : de l’occupation temporaire à l’urbanisme transitoire

3.1/ D’une logique intercalaire à une logique transitoire : émergence d’un intérêt institutionnel Ainsi l’occupation temporaire englobe un ensemble d’actions et d’initiatives de la société civile qui visent à investir de manière provisoire et légale des terrains ou des bâtiments inoccupés, publics ou privés, pour satisfaire des besoins hors marchés ou en manifester. Elle se distingue de « l’Urbanisme dominant planificateur » dont les actions s’inscrivent sur un temps long de la ville et dont les opérateurs sont des institutions publiques ou privées (collectivités, aménageurs, promoteurs immobiliers, bailleurs sociaux). Cet Urbanisme dominant intègre un « ensemble de règlements permettant aux pouvoirs publics de contrôler l’utilisation du sol en milieu urbain » (Code de l’Urbanisme). 1 Le projet urbain classique Les Zones d’Aménagement Concerté (ZAC) sont des opérations publiques d’aménagement urbain qui suivent les volontés des politiques en matière d’urbanisme : « zones à l’intérieur desquelles une collectivité publique ou un établissement public

-Fig.32 : Étapes et chronologie d’un projet urbain classique. 1) Définition du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales : http://www.cnrtl.fr/definition/urbanisme

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y ayant vocation décide d’intervenir pour réaliser ou faire réaliser l’aménagement et l’équipement des terrains, notamment de ceux que cette collectivité ou cet établissement a acquis ou acquerra en vue de les céder ou de les concéder ultérieurement à des utilisateurs publics ou privés. »2 Ces projets urbains suivent une mécanique de planification bien définie et doivent respecter les règlements d’urbanisme édictés dans le Plan Local d’Urbanisme (PLU). Lorsqu’un bâtiment ou qu’un espace devient friche, il suit ainsi une succession d’étapes avant d’être réutilisé : études urbaines, études pré-opérationnelles, concertations, maîtrise d’œuvre urbaine, commercialisation des lots, chantiers de démolition, construction ou réhabilitation… L’occupation temporaire n’est pas une démarche intégrée à ces procédures, et le renouvellement urbain de ces friches s’accompagne donc systématiquement d’une période plus ou moins longue de vacance. L’occupation « intercalaire » Mais la réintégration de ces friches dans le tissu urbain est souvent longue, fastidieuse et coûteuse, et de plus en plus de propriétaires voient dans l’occupation temporaire un moyen d’optimiser leur patrimoine et d’économiser des frais de gardiennage. À Bagnolet, le promoteur Habitat prête gratuitement au collectif Wonder un ancien immeuble de bureaux pendant 3 ans en contrepartie de la sécurisation et de l’animation du site. Il souhaite en revanche « ne pas entendre parler de ce qui se passe sur son terrain et une sortie dans le respect du contrat d’occupation temporaire. »3 À Nantes, l’oc-

-Fig.33 : Étapes et chronologie d’un projet urbain intégrant une occupation temporaire, «intercalée» entre deux occupations «formelles». 2) Code de l’urbanisme, 1er alinéa de l’article L. 311-1. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Code_de_l%27urbanisme_ (France) 3) Propos issus du Meet-up sur « l’Urbanisme temporaire », Conférence au Pavillon de l’Arsenal à Paris, 1h24, 24 Novembre 2016.

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Repenser la planification urbaine et inspirer les institutions : de l’occupation temporaire à l’urbanisme transitoire

cupation temporaire de l’ancien karting est pour Lénaïc Le Bars (Société d’Aménagement Mixte Ouest Atlantique – SAMOA) « une opération neutre qui permet de maintenir les friches dans un état correct et d’éviter les squats. »4 Enfin à Bordeaux, si l’espace Darwin a des répercussions économiques en attirant de nombreuses entreprises dans la future ZAC Bastide Niel, Elisabeth Toulon (Bordeaux Métropole) estime que « l’occupation temporaire ne doit pas empêcher le projet urbain de se faire. »5 La plupart du temps le propriétaire a ainsi déjà défini la programmation et la réhabilitation de son bien et permet une occupation dans une simple logique de rationalisation économique, « intercalée » entre deux fonctions aux temporalités plus longues. L’occupation « transitoire » Toutefois, les richesses sociales, culturelles et économiques générées par les occupations temporaires viennent parfois influencer les projets urbains et leurs opérateurs, immisçant peu à peu ces initiatives dans les logiques de planification urbaine. L’occupation des GV a ainsi permis au projet de requalification de l’ancien hôpital SaintVincent-de-Paul d’évoluer. La programmation initialement à vocation quasi exclusive de logements s’est diversifiée pour accueillir également 6000 m2 de locaux d’activité, dont une partie sera étudiée pour continuer à exercer des loyers modérés. L’occupation temporaire a ainsi révélé un potentiel d’activité insoupçonné à l’origine du projet par les opérateurs de l’aménagement. Un centre d’hébergement d’urgence et une conciergerie solidaire ont également été intégrés à la programmation de l’écoquartier dans l’idée de poursuivre la dynamique de réinsertion sociale innovante initiée aux GV. « Dans le projet urbain il y a des éléments de programme qui ont émergé de l’occupation des GV: les 6000m2 de locaux d’activité annoncés sont apparus car les GV ont montré qu’il y a une réelle attractivité à Paris pour des locaux à loyer modéré. (…) Des conditions de coût vont être étudiées pour qu’une partie de ces espaces aient des loyers maîtrisés par rapport aux loyers classiques, avec des critères à définir pour savoir qui aura le droit d’accéder à ces espaces. (…) Les conciergeries solidaires, qui proposent des services de quartier et facilitent la vie des habitants, sont des programmes souvent portés par les aménageurs de projets urbains. Aux Grands Voisins ce programme existe déjà et innove en liant services et réinsertion professionnelle de personnes en situation précaire. Nous travaillons donc avec Aurore sur la définition d’un modèle de conciergerie solidaire qui pourrait se pérenniser dans le futur quartier, et pourquoi pas s’étendre à d’autres » (Anne Carnac, PBA, 2018).

Au-delà des évolutions programmatiques, l’occupation du site a été un support de communication, de sensibilisation et de rassemblement autour du projet d’éco4) Source : DIGUET Cécile, ZEIGER Pauline, COCQUIERE Alexandra, « L’Urbanisme transitoire : aménager autrement », Note rapide de l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme Île-de-France (IAU) n°741, mis en ligne en Février 2017. 5) Source : KAN Charlotte, VINCELOT Sophie, KIRALY Barbara, DUPONT Orianne, « Dossier : Urbanisme transitoire », Hors-série Le Moniteur - Annuel Immobilier 2018, p.38 à 47.

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quartier pour la Mairie du 14e : « L’instance de démocratie participative qui a été mise

en place à travers le conseil des Grands Voisins est très intéressante à l’égard des concertations dans le cadre du projet d’écoquartier. Il a été un vecteur de démocratie locale, d’organisation, de vie commune, mais aussi un lieu où on a pu faire un certain nombre de présentations, de suggestions, de réunions publiques, de débats autour de l’avenir de Saint-Vincent-de-Paul » (Marianne Auffret, Mairie du 14e arrondissement, 2018).

Les institutions responsables du projet urbain ont ainsi rapidement vu dans ces initiatives éphémères d’autres intérêts - test de programmations et de dispositifs sociaux communs - que le fait d’économiser des frais de gardiennage et de maintenir en état leur patrimoine. De plus, en 2017 lorsque la Ville de Paris confit à PBA l’aménagement de l’hôpital, le traité de concession émet « la volonté d’inscrire le projet d’écoquartier dans « l’esprit des GV », dans une logique d’innovation par rapport à l’aménagement classique ». Pour répondre à cette demande la société d’aménagement rencontre les

trois opérateurs de l’occupation temporaire et décide de la prolonger sur une partie du

-Fig.34 : Étapes et chronologie d’un projet urbain lié à l’occupation transitoire de la friche. Les usages temporaires influent les futurs usages « permanents ».

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site deux ans de plus jusqu’en 2020 : « On s’est rendu compte que dans le phasage de

construction du quartier que l’on imaginait des espaces existants allaient rester vacants pendant encore quelques années.(…) De plus, puisqu’on a gardé des locaux d’activité dans le programme final on a décidé de tirer le fil et de continuer à avoir une programmation d’activité dans une poursuite d’occupation afin de continuer à tester des usages, cette fois-ci en collaboration avec les opérateurs des Grands Voisins » (Anne Carnac, PBA, 2018).

Cette mise en relation du projet temporaire et du projet pérenne témoigne d’une marque de confiance de la mairie et de PBA pour les opérateurs du temporaire. Ces institutions passent d’une vision « intercalaire » de l’occupation temporaire à une vraie logique de transition : « Si le site était vide, on couperait tous les réseaux, et derrière on ferait nos démolitions et nos travaux. Là, on va maintenir une partie des réseaux et rendre une partie indépendante pour que l’occupation temporaire puisse se prolonger. On a donc fait et financé tout un diagnostic et ensuite plusieurs travaux pour maintenir un accès à l’électricité, au chauffage et à l’eau dans des bâtiments pour que l’occupation se prolonge. (…) Ce choix a suscité des débats au sein même de PBA. Jusqu’où va notre rôle d’aménageur ? Il a fallu prouver l’intérêt de garder une occupation temporaire : économie des frais de gardiennage ; support de communication sur le projet, attractivité pouvant faciliter la commercialisation... La prise en compte de cette occupation comme phase de préfiguration reparamètre notre métier et la mécanique de l’aménagement » (Anne Carnac, PBA, 2018).

Certaines occupations, plus rares, vont même jusqu’à se pérenniser. Le 6B, grâce à son succès et son rayonnement local, au soutien des collectivités et du promoteur immobilier Brémond, en est un exemple : ce dernier a obtenu une modification du PLU pour que le bâtiment hébergeant le collectif puisse être maintenu et non détruit, moyennant sa réhabilitation. Bernard Brémond (PDG de l’entreprise) y a vu un moyen efficace d’attirer de nouvelles populations et d’animer le futur quartier, et probablement de faciliter la commercialisation des opérations immobilières : « Ce lieu fait évoluer l’image de la ZAC et met de la vie dans le quartier avant même que les habitants arrivent. »6 et 7 Les occupations temporaires impulsent ainsi des dynamiques économiques, sociales ou culturelles qui ont des effets divers sur le développement des sites occupés : certaines n’impactent pas le projet à long terme, d’autres révèlent des usages et vont jusqu’à se pérenniser. Ces effets dépendent de l’engagement des opérateurs de l’aménagement et des propriétaires des sites concernés par l’occupation, certains ne souhaitant pas échanger avec les occupants malgré les bénéfices qu’ils pourraient en tirer. Toutefois, des institutions commencent à voir dans ces initiatives temporaires des intérêts autres que l’éco6) Source : VAN EECKHOUT Laetitia, « Quand les friches se transforment en laboratoires de la ville », Le Monde, mis en ligne le 9 Juin 2017. 7) Voir photographie p.51 : Le 6B pérennisé vu depuis le nouveau quartier Néaucité.

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nomie du gardiennage ou d’éventuelles dégradations. Pour la SEMNA, l’occupation du Pavillon du Docteur Pierre n’était à l’origine qu’un test pour éviter les squats récurrents que l’aménageur subit. Celui-ci a finalement bénéficié d’externalités qui ont changé son regard sur ces initiatives : valorisation du site classé et découverte par les riverains, support de communication sur le projet de réhabilitation… Ainsi des collectivités, des aménageurs et des grands propriétaires fonciers intègrent désormais des occupations temporaires dans leurs projets d’aménagement dans des buts clairs, parfois avant même qu’ils ne soient définis : préfigurer et expérimenter de nouveaux usages, activer de nouveaux quartiers, cibler de potentiels futurs habitants... L’occupation temporaire et la professionnalisation de ses opérateurs bousculent les métiers de l’aménagement en révélant des potentialités en matière de fonctions ou d’aménagement que les procédures classiques de planification ne peuvent pas toujours anticiper. Ces laboratoires urbains éphémères semblent ainsi se dessiner une place dans l’urbanisme planificateur et contribuent à faire émerger un jeu d’acteurs plus ouvert dans la fabrique de la ville. Voyons ainsi dans une seconde partie les initiatives institutionnelles qui font monter l’occupation temporaire dans la fabrique de la ville, et les enjeux politiques qui les motivent.

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Résidents CHS

Structures économiques

Espaces publics

Occupation temporaire (2015-2017)

600

250

15 000 m2

Phase de préfiguration (2018-2020)

180

80

3000 m2

Activités mixtes Centres d’hébergement Espaces d’animation et de réinsertion -Fig.35 : Répartition programmatique de l’occupation temporaire des Grands Voisins.

-Fig.37 : Chronologie du site, de l’occupation temporaire, et du projet d’écoquartier.

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LE QUARTIER DEMAIN

60% de bâtiments conservés 40% de bâtiments nouveaux Maison des médecins

43�000m2 de logements

Pinard

50% de sociaux, 20% intermédiaires et 30% libres

Le site actuel

Petit

5�400m2 d’équipements publics Petite enfance / équipement sportif et pédagogique

Lepage

6�400m2 de commerces et activités

L’Oratoire

Lelong

4�800m d’espaces verts 2

Colombani

8�400m2 d’espaces publics de voierie 6�000m2 d’équipement privé d’intérêt collectif

Robin

4 accès piétons et vélos et nouvelle circulation

Chaufferie

Jalaguier Rapine

Maison des médecins Activités

Pinard Équipement public

is so

na d

e

Couvent de la Visitation

Ru

e

Bo

Petit Logements

Accès vélos et piétons L’Oratoire Activités

Lelong Logements

en fe rt Ro c

he re au

L’Oratoire Logements

Lepage Logements

Av .D

Chaufferie Logements Robin Logements

Denfert Programme privé d’intérêt collectif

Fondation Cartier

Accès vélos et piétons

Accès vélos et piétons

Espaces verts centraux Commerces Accès voiture, vélos, piétons

Activités Bâtiments conservés (60%) Œuvre des Jeunes Filles Aveugles

Bâtiments nouveaux (40%) Les ilots à venir, non encore conçus, sont représentés de façon schématique.

Observatoire de Paris

-Fig.36 : Répartition programmatique du projet de l’écoquartier Saint-Vincent-de-Paul (Janvier 2018). Histoire et perspective

Concertation et aménagement

2018 - 2020 Préfiguration du quartier par les Grands Voisins

1814 - 1914 Hospice des enfants trouvés ou assistés.

Décembre 2014/avril 2015 Premier cycle de concertation sur le devenir du site.

1930 - 1999 Hôpital spécialisé dans les naissances et les soins aux enfants.

Juillet 2014 Désignation de l’équipe de maîtrise d’œuvre urbaine Anyoji Beltrando mandataire.

1999 - 2011 Départ progressif de l’hôpital Saint-Vincent De-Paul.

Décembre 2015 à juin 2016 Deuxième cycle de concertation sur la base du projet Anyoji Beltrando.

La dynamique des Grands Voisins se prolonge à travers une nouvelle phase d’occupation temporaire des espaces encore non concernés par le chantier : la cour Robin, la cour de l’Oratoire, la Lingerie et le bâtiment Lepage. La diversité sociale, économique et culturelle caractéristique de la première phase se renouvelle, avec l’objectif de s’ouvrir plus encore sur le quartier, et de jouer un rôle de passerelle entre les usages quotidiens présents et futurs.

1650 - 1750 Noviciat de prêtres pour l’église catholique.

2011 Création d’un site d’hébergement temporaire. 2015 Début du projet d’occupation temporaire « Les Grands Voisins » et ouverture du site au public. 22 décembre 2017 Fin de la première phase d’occupation temporaire des Grands Voisins. 2018-2020 Nouvelle phase d’occupation temporaire préfigurant le futur quartier. 2023 Nouveau quartier.

Décembre 2016 Le conseil de Paris approuve la création de la Zac et désigne son aménageur, la SPLA Paris Batignolles Aménagement. 2017 Lancement des études pré-opérationnelles et de maîtrise d’œuvre des espaces publics. 2018 Commercialisation des lots / premiers travaux de démolition. Fin 2019- 2023 Travaux de réalisation des bâtiments et espaces publics.

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3.2/ L’urbanisme transitoire : évolutions et initiatives institutionnelles en faveur de l’occupation temporaire À la recherche d’un projet urbain flexible, participatif, fondé sur les usages Les politiques en matière de planification urbaine évoluent et adoptent aujourd’hui une approche centrée sur les usages de la ville. Les projets urbains doivent pouvoir s’adapter tout au long de l’action aux évolutions du contexte, des enjeux, et des acteurs. Ces nouveaux objectifs viennent en contraste des pratiques plus linéaires et standardisées de l’urbanisme de la seconde moitié du XXe siècle dont les aménagements ont trop rarement satisfait les besoins réels des habitants. L’ampleur des friches à urbaniser et la diversification des modes de vie urbains en matière d’habitat, de mobilité ou de loisirs rendent difficile l’anticipation de ces besoins. Les projets urbains ont ainsi des conséquences imprévues que leurs porteurs cherchent aujourd’hui à maîtriser. Les procédures de concertations et de participation citoyenne se multiplient en ce sens depuis le début des années 2000 et font désormais partie intégrante du processus réglementaire des ZAC. Néanmoins, leur efficacité reste à améliorer, en témoigne l’évaluation du PNRU1 : «Il est reconnu que les collectivités et les acteurs et l’Agence Nationale du Renouvellement Urbain (ANRU) ont eu la volonté d’organiser, de mettre en place et promouvoir la démarche et des dispositifs de concertation publique ; mais « trop souvent, cela consistait pour chacun des maîtres d’ouvrage à exposer son projet et recueillir les réactions plus qu’en une concertation conjointe sur le projet de rénovation urbaine lui-même et encore moins sur l’objectif de cohésion qui le sous-tendait. (…) Les porteurs de projet doivent intégrer à part entière la participation dans leur processus opérationnel ». L’objectif à atteindre reste une véritable co-production. »1 Des initiatives institutionnelles pour l’occupation temporaire des friches en préalable ou en parallèle d’un projet urbain Dans ce contexte d’évolution des pratiques du projet urbain, l’occupation temporaire apparaît aux yeux de certains acteurs institutionnels comme un nouvel outil d’urbanisme. Ces derniers ont décelé dans ces modes informels des sources d’économies, des possibilités de rentabilisation et de revalorisation des sites occupés, mais également des stratégies de communication, de participation et de programmation du projet urbain. Différentes initiatives publiques et parfois privées, et des évolutions du droit de l’urbanisme viennent ainsi intégrer ou du moins favoriser l’occupation temporaire dans les pro1) « Rapport de l’ONZUS : dix ans de PNRU », Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU), 13 Mai 2013. Disponible sur : https://www.anru.fr/fre/Actualites/Evenements/Rapport-de-l-ONZUS-dix-ans-de-PNRU

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cessus de renouvellement ou d’aménagement urbain. Évolutions des politiques et juridictions en faveur de l’occupation temporaire Tout d’abord, l’évolution des outils juridiques facilitant l’occupation temporaire d’espaces inutilisés (convention et autorisation d’occupation temporaire, bail dérogatoire, convention de prêt à usage) témoigne d’une volonté politique d’optimiser la vacance urbaine. En facilitant l’organisation de la fin de l’occupation, ces outils instaurent une relation de confiance entre occupant et propriétaire. D’autre part, le décret du 28 décembre 2015 modernisant le PLU permet, dans des « zones urbanisées ou à urbaniser », de créer des secteurs sans règlement, dans lesquels des Orientations d’Aménagement et de Programmation (OAP) sont définies. Ces nouvelles OAP, qui auparavant se superposaient au règlement, apportent une certaine souplesse dans la conception du cadre de planification qui pourrait faciliter l’occupation temporaire et des usages plus diversifiés. Ces premières avancées facilitent avant tout la mise en place d’initiatives éphémères. Appels à manifestation d’intérêt de soutien aux initiatives d’urbanisme transitoire D’autres initiatives politiques témoignent d’une volonté de systématiser et d’intégrer pleinement des occupations temporaires dans des projets d’aménagement urbain, comme une partie du processus de conception de ces derniers, ou dans une logique d’optimisation et de revalorisation foncière. Cette volonté politique que les occupations et leurs opérateurs jouent un rôle dans la phase de conception du projet, voire de programmation immobilière, fait émerger le concept d’« urbanisme transitoire ». Le sociologue Benjamin Pradel le définit ainsi : « Action d’organiser et d’aménager temporairement ou cycliquement des espaces à enjeux, publics ou privés, ouverts ou bâtis, afin d’en stimuler les usages, d’y amplifier les échanges et d’y générer des pratiques à court terme en vue d’une valorisation symbolique, (ré)investissement social et transformation spatiale à long terme. Dans cette perspective, la vocation d’occupation temporaire est considérée comme une étape d’enrichissement ou de valorisation programmatique d’un projet d’aménagement à venir.»2 Jean Louis MISSIKA, adjoint à la mairie de Paris, annonçait ainsi en novembre 2016 « le vœu que la ville de Paris et les aménageurs de la ville intègrent de manière systématique dans les grandes opérations d’aménagement urbain, lorsque le site et les lieux la rendent possible, une démarche d’occupation temporaire dans un but de préfiguration d’usages pour le projet urbain. (…) Cela ne concerne à ce titre pas que des actifs de la ville ,et j’appelle à cet égard l’ensemble des propriétaires (institutionnels, privés, bailleurs sociaux) à s’inscrire dans le même type de démarche avec l’appui de la ville. » 3 2) Source : PRADEL Benjamin, « L’Urbanisme transitoire, une définition à tiroir », Linkedin, 9 Janvier 2018. Disponible sur : https://fr.linkedin.com/pulse/urbanisme-temporaire-une-définition-benjamin-pradel 3) Source : Meet-up « Urbanisme temporaire », Conférence au Pavillon de l’Arsenal à Paris, 1h24, 24 Novembre 2016.

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La région Île-de-France a en ce sens lancé en 2016 un appel à manifestation d’intérêt (AMI) de soutien aux initiatives d’urbanisme transitoire, un dispositif pour impulser des démarches d’urbanisme transitoire dans la région et permettre : • D’accélérer la réalisation des projets d’aménagement engagés • D’amorcer de nouveaux projets d’aménagement et de développement territorial • D’impulser des dynamiques économiques émergentes et innovantes • De redonner de la valeur à des lieux délaissés Destiné aux collectivités, aux aménageurs publics et privés, et aux professionnels de l’occupation temporaire, il se traduit par un soutien financier (jusqu’à 200 000€) afin de faciliter le déploiement des projets et multiplier les expérimentations. La sélection des projets est faite par un jury composé d’élus régionaux et de membres de l’IAU.4

-Fig.38 : AMI de la région Île-de-France.

« Vive les Groues », occupation temporaire d’une friche de 9000 m2 gérée par Yes We Camp à Nanterre, est un projet lauréat de cet AMI. Il accompagne pendant 10 ans l’évolution de la ZAC des Groues pour construire l’identité du quartier et préfigurer peu à peu son aménagement. L’idée de l’Établissement Public d’Aménagement de La Défense Seine Arche (EPADESA) est de pouvoir s’appuyer sur les usages développés pour avancer dans la programma: La pépinière des Groues fait pousser les fution et le design des espaces du quartier -Fig.39 turs arbres de la ZAC. Nanterre. en devenir. La Ville de Nantes a également mis en place un dispositif d’appel à projets temporaires sur des parcelles et des bâtiments publics, pas ou peu utilisées, pour y inventer de nouveaux usages : « 15 lieux à réinven4) Source : Île-de-France, « Soutien aux initiatives d’urbanisme transitoire ». Disponible sur : https://www.iledefrance.fr/ aides-services/soutien-aux-initiatives-d-urbanisme-transitoire

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ter ». Un cahier des charges a permis de vérifier la recevabilité des projets déposés et un vote démocratique a permis de sélectionner les projets les plus intéressants aux yeux des Nantais. Enfin, la société SNCF Immobilier a également lancé son propre AMI pour l’occupation temporaire de son patrimoine faisant l’objet d’un projet d’aménagement.5 Elle a ainsi lancé 18 projets (notamment Ground Control, Grand Train, l’Aérosol) sur des sites en devenir pour diverses raisons : éviter le squat ; faire accepter un projet en attendant que le permis de construire soit accordé ; tester des usages, notamment des tiers-lieux dédiés à la vie sociale ; valoriser le site et le projet à moindres frais. D’autres occupations temporaires, initiées et financées par des institutions, mais de manière plus ponctuelle, s’inscrivent dans cette dynamique d’urbanisme transitoire. Le projet Actlab, géré par Bellastock et financé par l’établissement public Territorial Plaine Commune, l’ADEME et le Conseil Régional, accompagne le développement l’écoquartier fluvial de l’Île Saint-Denis. Sur une parcelle d’environ 1400 m2, le collectif préfigure le futur écoquartier en expérimentant des prototypes d’aménagement, notamment de mobilier urbain, à partir de matériaux réemployés issus de chantiers du territoire Plaine Commune. Ce laboratoire urbain ouvre ses portes aux usagers, aux professionnels et aux artistes, curieux d’appréhender autrement la fabrique de la ville.

-Fig.40 : Principe de fonctionnement du projet Actlab de Bellastock à Saint-Denis. 5) 2e propriétaire foncier derrière l’état avec 12 millions de m2 de surface de plancher, et 20000 hectares d’emprise foncière, SNCF Immobilier envisage l’aménagement de de 2 millions de m2 d’ici 2026. Source : KAN Charlotte, VINCELOT Sophie, KIRALY Barbara, DUPONT Orianne, « Dossier : Urbanisme transitoire », Hors-série Le Moniteur - Annuel Immobilier 2018, p.38 à 47

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Autre exemple à Montévrain, où la construction d’un écoquartier s’étale sur 16 années (2009-2025). Pour activer ce nouveau quartier où les premiers habitants vivent et travaillent dans un lieu qui n’est pas animé, une occupation temporaire gérée par les agences La Belle Friche et Écologie urbaine et citoyenne accompagne sa construction. Elle prend la forme d’une maison du projet temporaire qui permet d’entraîner la population dans une dynamique collective, de concertation, et de nouveaux projets par l’animation, le jeu et la communication. L’attraction générée par l’offre économique, culturelle ou évènementielle de l’occupation participe à valoriser le territoire en y attirant visiteurs, artistes, médias et voire futurs acquéreurs.6

-Fig.41 : L’atelier de prototypage du projet ActLab, de Bellastock. Saint-Denis.

-Fig.42 : Mobilier urbain expérimental réalisé par Bellastock à partir du réemploi. Nanterre.

Les initiatives de soutien à l’urbanisme transitoire se multiplient ainsi de différentes manières et dans des buts contrastés. Les motivations des acteurs institutionnels en faveur d’une occupation temporaire en préalable ou en parallèle d’un projet urbain sont en effet multiples. Pour la plupart des acteurs institutionnels, l’objectif est de tester des usages ou d’en préfigurer. La rapidité d’action, l’inventivité et la réversibilité des opérateurs du temporaire, et les faibles moyens financiers nécessaires à l’installation d’une occupation permettent d’expérimenter des usages sans certitude de leur faisabilité ou de leur pérennité. L’occupation temporaire d’une friche peut ainsi apporter de la flexibilité au projet urbain dont elle fait l’objet, et permettre de cibler plus justement des usages et habitants potentiels, en préservant l’avenir d’éventuelles décisions d’aménagement décalées des usages souhaités. Toutefois si ces initiatives peuvent faire ressortir des usages potentiels (comme les locaux d’activité ou le CHS aux GV), Anne Carnac (PBA) insiste sur le fait que « le but de la préfiguration n’est pas de créer quelque chose qui va se pérenniser en tant que tel. La population qui s’installera dans le futur écoquartier Saint-Vincent-de-Paul ne sera pas la même qu’aux GV (70% de logements familiaux). » Les aménageurs explorent donc

des moyens d’évaluer les usages qui peuvent se pérenniser, et des procédés pour les 6) Source : VATOV Marie-Christine, « Dossier : L’Urbanisme temporaire s’inscrit dans la durée », Traits urbains, Février 2018, n°94, p.22.

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SYNTHÈSE DES INTÉRÊTS DES ACTEURS INSTITUTIONNELS POUR L’OCCUPATION TEMPORAIRE D’UNE FRICHE URBAINE: Propriétaires : 1. Réduire les frais de portage foncier et d’immobilisation du bien : - Éviter la sécurisation et le gardiennage du site (13000 à 15000€/mois à Paris) - Éviter le squat et les dégradations qu’il peut générer 2. Renouveler l’identité du lieu et le valoriser ainsi sur les marchés fonciers et/ou immobiliers Collectivités et aménageurs : 1. Tester des usages et des services en préfiguration d’un projet : - Envisager une programmation plus diversifiée dans le cas d’une conception déjà formulée - Apporter une banque d’idées permettant d’amorcer un projet - Cibler des habitants ou usagers potentiels - Expérimenter des projets politiques, urbains ou immobiliers (test de produits, de nouveaux modes de vie ou de mobilité urbaine) - Impulser des dynamiques économiques, attirer des structures innovantes et créer de nouveaux réseaux 2. Améliorer la vie quotidienne des riverains lorsque l’occupation offre des services de proximité ou d’animation culturelle : - Favoriser ainsi l’acceptation et l’intégration d’un projet urbain dans son environnement à différentes étapes du processus - Activer une vie locale dans un quartier en construction ou en renouvellement urbain 3. Améliorer la commercialisation d’un programme à venir grâce à l’attractivité générée par l’occupation 4. Mettre en valeur un projet urbain de long terme et informer de son contenu: - Utiliser l’occupation comme support de communication et de concertation sur le projet urbain - Sensibiliser la population sur différentes thématiques (sociales, environnementales, économiques…) et favoriser l’implication citoyenne dans le projet urbain 5. Répondre temporairement à des besoins précaires ou urgents : - Héberger des personnes vulnérables - Expérimenter l’aménagement de nouvelles offres de locaux abordables pour des activités émergentes (PME, artistes, artisans) Intérêts :

Financier

Humain

Médiation

Urbain

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mettre en œuvre dans le cadre du projet sur le long terme. PBA a notamment missionné Plateau Urbain sur deux volets : • Un diagnostic de l’occupation pour tirer enseignement et apprentissage de ce qu’a généré l’occupation temporaire et les activités qui s’y sont développées. • Une mission d’accompagnement sur la définition de la stratégie immobilière du projet définitif, notamment sur la manière d’y conserver des locaux à loyer modéré. « Le Sens de la Ville », assistant à la maîtrise d’ouvrage, accompagne également PBA sur la stratégie du projet urbain participatif : « Son rôle est de questionner tous les programmes et de faire « remonter » l’usage, les réels besoins, dans le processus de conception et de mise en œuvre du projet urbain. Par exemple, comment mettre en œuvre cette idée inspirée des GV de conserver des locaux d’activité à loyer modéré ? Faut-il un gestionnaire de l’ensemble de ces locaux ou bien chaque promoteur les gèrera lui-même ? »

L’occupation temporaire et ses opérateurs contribuent ainsi au souhait de l’aménageur de réaliser un projet adapté aux usages des futurs habitants en ciblant une partie d’entre eux. Pour que cette collaboration entre l’occupation temporaire et l’opération d’aménagement soit productive, PBA insiste sur la nécessaire indépendance des deux projets : «Nous nous sommes mis d’accord avec les opérateurs de l’occupation sur cette

seconde phase de préfiguration, sur son périmètre, et sur les objectifs tout en considérant que nous sommes bien indépendants les uns des autres : ils sont responsables des GV et nous du projet urbain. Les deux doivent être compatibles mais ne pas s’immiscer dans le travail et les compétences des autres. Par exemple, ni nous ni la ville n’avons participé à la sélection des structures économiques de cette seconde phase d’occupation » (Anne Carnac, PBA, 2018).

L’occupation temporaire apparaît comme un nouvel outil pour une conception de la ville au plus près des besoins de ses habitants. Elle dessine une nouvelle façon d’aménager et de programmer les friches urbaines en favorisant une mixité d’usages qui peuvent inspirer le projet futur, et en suscitant une participation citoyenne concrète dans l’aménagement de la ville. Elle permet ainsi d’ouvrir le jeu d’acteurs impliqués dans la conception et la mise en œuvre des projets urbains. Si des acteurs institutionnels soutiennent ces initiatives à travers des démarches d’urbanisme transitoire, il demeure néanmoins des freins à l’occupation temporaire. De plus, leur systématisation et institutionnalisation comporte des risques et des limites qu’il est nécessaire de mettre en évidence pour envisager des solutions afin que ces initiatives aient réellement un rôle à jouer dans le renouvellement des friches urbaines. Abordons ainsi dans une dernière partie ces obstacles à l’occupation temporaire, et les limites de son institutionnalisation.

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3.3/ Freins à l’occupation temporaire et risques et limites de son institutionnalisation Si au regard de cette étude les occupations temporaires semblent adopter une place croissante dans la ville, si leurs acteurs semblent se professionnaliser, si leur mise en place semble se faciliter, si leurs effets positifs sur la ville semblent identifiés, et si les institutions commencent à les favoriser, il demeure plusieurs freins à leur démocratisation. D’autre part, la systématisation de ces initiatives dans les projets de renouvellement des friches urbaines à travers l’urbanisme transitoire comporte des limites et des risques pour les acteurs du projet urbain comme pour les occupants temporaires. Freins à l’occupation temporaire et à l’optimisation de la vacance urbaine : Scepticisme des propriétaires Les occupations temporaires, bien que très médiatisées, constituent sur le plan quantitatif des surfaces assez minimes au regard des surfaces vacantes. En effet si 77 sites éphémères ont éclos depuis 2012 en Île-de-France1, la vacance urbaine reste forte : 140 hectares de friches industrielles et 3,5 millions de m2 de bureaux vides dont près d’un quart non loués depuis 4 ans ou plus en Île-de-France ; 100 000 logements vacants à Paris.2 Malgré le soutien croissant des institutions publiques en faveur de l’occupation temporaire, les propriétaires privés y ayant recours restent minoritaires.3 La peur d’une appropriation trop forte, l’assimilation au squat, et les conditions d’occupation et de sortie sont les principales -Fig.43 : Le gardiennage et le murage restent les raisons qui font reculer ces propriétaires. solutions coutumières des propriétaires de biens vacants. 1) Voir «cartographie des occupations temporaires en Île-de-France» partie 1.1. Source : DIGUET Cécile, « L’urbanisme transitoire : optimisation foncière ou fabrique urbaine partagée ? », Étude réalisée par l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme Île-de-France (IAU), Paris, Janvier 2018 2) Source : Meet-up « Urbanisme temporaire », Conférence au Pavillon de l’Arsenal à Paris, 1h24, 24 Novembre 2016. 3) 20% selon l’étude de IAU Île-de-France réalisée sur 77 projets d’occupation temporaire ayant eu lieu ou étant en cours depuis 2012 dans la région Île-de-France.

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Précarité des opérateurs du temporaire D’autre part, la précarité économique des tiers-de-confiance spécialistes de l’occupation temporaire (facilitateurs et activateurs) remet en cause la durabilité de ces nouvelles structures professionnelles, et ralentit la diffusion de leurs initiatives. L’investissement de départ pour rendre la friche exploitable peut s’avérer important en moyens financiers et en temps, notamment lorsque celle-ci est dégradée. Lorsque le temps d’occupation est court, la réhabilitation du site peut finalement prendre le dessus et empiéter sur le travail des occupants. De plus il peut être difficile d’anticiper les coûts de réhabilitation et d’occupation d’un site de grande ampleur. Durant les deux premières années d’occupation aux GV, la gestion du site était déficitaire car la mise à disposition de certains bâtiments n’a été possible qu’à partir de 2016 après des réhabilitations lourdes. La Mairie du XIVe arrondissement a voulu proposer une subvention aux opérateurs pilotes de l’occupation afin de faciliter sa mise en place mais celle-ci a été refusée au Conseil de Paris. « Dans le cadre des marchés publics, on ne peut pas définir des acteurs et les subventionner : il faut soit mettre des acteurs en concurrence, soit être dans le cadre d’une initiative associative. Là nous n’étions ni vraiment dans l’initiative associative - puisque c’était nous qui avions, à travers les rencontres et l’informel, été chercher ces acteurs pour cette occupation temporaire - ni dans le cadre des marchés publics puisque nous n’avions pas mis en concurrence les opérateurs, et pour cause puisque nous n’avions pas défini le projet. On a donc voté cette subvention en arrondissement (100 000€), mais elle a été refusée au Conseil de Paris » (Marianne Auffret, Mairie du 14e arrondissement, 2018).

Tout de même, dans certains cas le propriétaire verse un investissement de départ ou participe à la réhabilitation et mise aux normes des lieux. La SEMNA a ainsi subventionné le collectif Soukmachines pour l’occupation du Pavillon du Docteur Pierre, dans le montant des frais de gardiennage économisés. Sur le site de l’occupation Ground Control dans le 12ème arrondissement de Paris, la SNCF a pris partiellement en charge la mise aux normes ERP en finançant l’ajout d’un escalier de secours. Les AMI engagés par la

- Économie des frais de gardiennage - Maintien en état - Externalités positives pour un projet urbain ou immobilier

- Investissement de départ - Frais de fonctionnement (charges, entretien, animation) - Autofinancement

-Fig.44 : Déséquilibre économique entre les activateurs de l’occupation temporaire et les propriétaires/aménageurs.

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région Île-de-France ou certaines collectivités permettent également de couvrir ces investissements de départ. Toutefois, les opérateurs de l’occupation temporaire peuvent également rencontrer des difficultés à pérenniser les financements de fonctionnement du site (charges, entretien, animation) sur toute la période du projet, notamment lorsque cette dernière est variable ou incertaine, et lorsqu’un usage commercial n’est pas autorisé. Le projet «Chez Albert » géré par YWC à Aubervilliers a ainsi pris fin au bout de trois mois. L’association a dû arrêter sa permanence faute de financements, et malgré de multiples appropriations personne n’a pris le relais de l’entretien du site. Contraintes juridiques D’autre part, si des outils juridiques et des évolutions du droit de l’urbanisme facilitent la mise en place d’occupations temporaires (COT, assouplissement du PLU), les normes juridiques qui leurs sont imposées au même titre qu’une occupation traditionnelle (code du travail, ERP dans le cas d’une ouverture au public) semblent exigeantes au regard du statut temporaire et des moyens limités dont disposent les occupants. Leur responsabilité juridique s’avère d’autant plus importante lorsque le propriétaire n’est pas dans une logique de collaboration avec l’occupation. De plus, ces normes peuvent limiter les possibilités de faire, d’optimiser toutes les potentialités du site, et, dans le cadre d’une préfiguration d’un projet urbain ou immobilier, de tester tous types d’usages. Un format de normes ERP « temporaire » pourrait être envisagé pour faciliter l’ouverture au public de ces initiatives et élargir ainsi les usagers temporaires potentiels. Dépendance à la situation économique et au dynamisme du territoire Enfin, l’occupation temporaire des friches urbaines reste un phénomène limité aux grandes villes (Paris, Marseille, Bordeaux, Rennes, Nantes) « qui captent déjà le développement, les acteurs métropolitains, les capitaux, et qui ont déjà les outils pour agir : une halle en première couronne francilienne avec des boîtes à l’intérieur c’est super ! Au fin fond du 52 on essaye, mais c’est plus compliqué de faire venir des start-uppers et des opérateurs du temporaire motivés » (Julien Meyrignac, urbaniste chez Citadia).4 Ce phénomène d’occupation et d’optimisation de la vacance dépend ainsi du climat économique et du dynamisme des villes, et s’étend pour l’instant peu dans les zones périurbaines et rurales.

4) Source : VATOV Marie-Christine, « Dossier : L’Urbanisme temporaire s’inscrit dans la durée », Traits urbains, Février 2018, n°94, p.14 à 25.

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Pistes prospectives Plusieurs solutions sont envisagées pour lutter contre ces freins au développement des occupations temporaires. Tout d’abord, les collectivités qui les soutiennent et les opérateurs du temporaire peuvent développer des outils pour promouvoir, auprès des aménageurs, propriétaires et promoteurs, la professionnalisation de ces démarches et leurs potentiels impacts sur le contexte local, la vie urbaine, et l’économie du projet urbain. C’est en ce sens qu’a eu lieu le Meet-up sur « l’Urbanisme temporaire » au Pavillon de l’Arsenal, organisé par la Mairie de Paris en novembre 2016. YWC a de son côté mis en place une formation pour « faire vivre une occupaOCCUPATIONS tion temporaire » adressée auxTEMPORAIRES collectivités, aménageurs, et propriétaires, mais également aux architectes, urbanistes, gestionnaires as- FAIRE VIVRE UNE OCCUPATION TEMPORAIRE sociatifs ou travailleurs sociaux.5 La Mairie du XIVe arrondissement de Paris s’est également appuyée sur l’occupation des GV pour convaincre des propriétaires privés d’engager une démarche d’occupation temporaire de leurs biens vacants. Elle a ainsi convié le promoteur Cogedim - propriétaire d’un immeuble du Boulevard Montparnasse vacant pendant plusieurs mois avant sa réhabilitation - à visiter l’hôpital occupé et à rencontrer des opérateurs temporaires potentiels. Séduit, il a accepté que le collectif « la Réserve des Arts » s’installe pendant quatre mois dans son immeuble et fonde le LAB 14. Toutefois, la mairie insiste sur son simple « pouvoir de conviction » à ce sujet. Si des outils réglementaires existent pour pousser les propriétaires à em: Initiatives institutionnelles et associapêcher le squat de leurs biens vacants, aucun -Fig.45 tives pour promouvoir l’occupation temporaire. ne leur permet encore d’encourager plus mécaFORMATION PAR YES WE CAMP

FORMATION

Outils et méthodes de Yes We Camp pour des projets à haute valeur humaine

Trois jours en immersion complète dans le projet Grands Voisins

Du mardi 30 mai au jeudi 1er juin 2017

Contenu de la formation

Cette formation proposée par Yes We Camp vise à faire découvrir et partager les outils méthodologiques et opérationnels développés par Yes We Camp pour concevoir, activer et gérer des occupations temporaires. L’importance de la narration pour faire émerger puis piloter un projet cohérent. La déclinaison des intentions identifiées en démarches de gouvernance, de participation, d’aménagement et de programmation artistique.

Présentation de nos outils et méthodologies pour obtenir les autorisations, définir et piloter un modèle économique, animer une équipe, accueillir des volontaires, gérer les plannings, coordonner la gouvernance.

Mise en situation opérationnelle par la découverte ou pratique réelle de plusieurs métiers développés par Yes We Camp : cantine-buvette, agriculture urbaine, fabrication de mobiliers.

PARTAGES DES SAVOIRS FAIRE YES WE CAMP

Outils de pilotage

Conception d’un projet

INTERVENANTS EXTÉRIEURS

Dispositifs participatifs

Exploration des enjeux

Éclairages ciblés sur les enjeux sociétaux et urbains des occupations temporaires, par des intervenants extérieurs invités : IAU-IdF, APUR, Plateau Urbain, Association Aurore...

Présentation d’une dizaine de dispositifs mis en place sur les Grands Voisins, mêlant des objectifs sociaux, économiques, culturels, narratifs et participatifs.

Ateliers pratiques

EXPÉRIENCES COLLECTIVES

Trois jours en immersion

Nous proposons que tous les stagiaires soient hébergés sur site. Les repas sont partagés avec toute l’équipe de Yes We Camp impliquée aux Grands Voisins.

Yes We Camp - École de pratiques - Formation « Faire vivre une occupation temporaire » 1

5) Formation Yes We Camp : « faire découvrir, et partager les outils méthodologiques et opérationnels développés par YWC pour concevoir, activer et gérer des occupations temporaires. » Disponible sur : https://yeswecamp.org/?p=834

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niquement les propriétaires à l’occupation temporaire.6 Limites et risques d’une institutionnalisation de l’occupation temporaire D’autre part, si le recours à l’occupation temporaire dans les projets de renouvellement des friches urbaines par les acteurs de l’aménagement urbain favorise sa démocratisation, il comporte néanmoins des limites et des risques. Limite : déséquilibre entre la précarité des occupations temporaires et les bénéfices qu’en tirent les institutions et propriétaires Une première limite des opérations d’urbanisme transitoire fait écho à la situation précaire des occupations temporaires. Si ces initiatives éphémères sont souvent davantage motivées par des enjeux socioculturels qu’économiques, la question d’une meilleure répartition des économies réalisées par les propriétaires ou aménageurs se pose. En effet, tandis que ces derniers économisent des frais de gardiennage (4 millions d’euros économisés aux GV depuis le début de l’occupation) et voient leur site entretenu, les activateurs du projet temporaire portent la responsabilité juridique et évoluent avec de faibles moyens financiers (ils reposent souvent sur des stagiaires et des bénévoles, et reçoivent peu d’aides ou de subventions). D’autre part, dans le cadre d’une opération d’urbanisme transitoire les aménageurs bénéficient d’avantages générés par l’occupation qui peuvent augmenter la valeur marchande du site ou la commercialisation des lots : valorisation du site et du projet d’urbanisation, test et préfiguration d’usages, attractivité… L’occupation des GV a ainsi créé un millier d’emplois et des services de proximité, et l’espace de co-working de l’occupation Darwin à Bordeaux a cumulé 70 millions d’euros de chiffre d’affaires. Plusieurs solutions se présentent pour financer et aider à l’émergence et à la pérennisation des opérateurs du temporaire. Tout d’abord, comme ce fut le cas pour

- Versement des frais de gardiennage économisés comme fond d’amorçage de l’occupation - 1% «transitoire» dans le budget d’aménagement pour maintenir des financement le long de l’occupation - Versement d’une partie de la commercialisation par les promoteurs immobiliers (par m2 vendu)

- Entretien du site - Préfiguration d’usages - Activation de dynamiques économiques, sociales et culturelles

-Fig.46 : Financer les opérateurs du temporaire. 6) Informations issus de l’entretien avec AUFFRET Marianne (élue en charge de l’Urbanisme à la mairie du XIVe arrondissement de Paris), mené par BEAUMONT Grégoire, à Paris, le 28 Février 2018.

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l’occupation du Pavillon du Docteur Pierre, les frais de gardiennage économisés par le propriétaire peuvent être reversés aux occupants comme fonds d’amorçage de l’occupation. D’autre part le collectif Soukmachines imagine qu’un pourcentage du budget du projet d’aménagement (« 1% transitoire ») soit dédié à l’occupation temporaire. Enfin, pour l’occupation des Groues à Nanterre, YWC a créé une Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC - Le Conseil des Groues) afin d’y intégrer tous les acteurs du projet de ZAC (promoteurs, collectivités, autres occupants, habitants, entreprises…) pour échanger sur le projet, et sur la mise en œuvre et le co-financement des actions transitoires qui valorisent les futures opérations immobilières. Limite : difficile évaluation et mise en valeur des bénéfices (culturels, économiques et sociaux) générés par l’occupation temporaire Ce déséquilibre économique entre un monde institutionnel et un monde informel amène à un autre questionnement : comment mesurer la richesse apportée par l’occupation temporaire au projet urbain pour que soit reconnu et financé à juste prix l’urbanisme temporaire ? Il apparaît ainsi important de mettre en place une méthodologie d’évaluation des projets d’occupation temporaire (retombées économiques, sociales et culturelles), pour démarginaliser ces pratiques aux yeux de certains propriétaires et ainsi favoriser leur déploiement et leur financement. Ce retour sur expérience doit également permettre d’identifier les usages potentiellement réinterprétables dans le projet urbain.7 La grande diversité de ces initiatives rend néanmoins complexe une évaluation quantifiée et objectivée de leurs effets. Risque : « industrialisation » de l’éphémère dans une logique de gentrification ou de rentabilité économique D’autre part, la systématisation de l’occupation temporaire dans les projets de réhabilitation de friches urbaines porte le risque d’une utilisation du phénomène comme vecteur de gentrification.8 En effet, on peut redouter une utilisation strictement commerciale et évènementielle de l’occupation temporaire, reprenant son esthétique «lowtech» (sans que les principes du réemploi ne soient réellement appliqués), dans une stratégie marketing et non une recherche d’innovation, d’usages potentiels ou d’accueil de publics précaires. 7) Plateau Urbain accompagne ainsi un atelier professionnel de l’université Paris I Panthéon Sorbonne (master Aménagement et urbanisme) sur « l’évaluation des projets d’urbanisme temporaire : enjeux et méthode ». Source : VATOV Marie-Christine, « Dossier : L’Urbanisme temporaire s’inscrit dans la durée », Traits urbains, Février 2018, n°94, p.23. 8) « La gentrification désigne une forme particulière d’embourgeoisement qui concerne les quartiers populaires et passe par la transformation de l’habitat, voire de l’espace public et des commerces. Cette notion s’insère dans le champ de la ségrégation sociale et implique un changement dans la division sociale de l’espace intra-urbain, qui passe aussi par sa transformation physique. » Source : CLERVAL Anne, « Gentrification ». http://www.hypergeo.eu/spip.php?article497

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L’Aérosol, occupation temporaire issue de l’AMI lancé par la SCNF qui donne une place à une forme d’expression artistique peu valorisée (le hip-hop), semble néanmoins davantage reposer sur une recherche de retombées en termes d’image de la part du propriétaire plutôt qu’en une réelle valorisation du mouvement artistique : les tarifs des consommations sont élevés pour les riverains de cet arrondissement populaire, et les artistes qui contribuent à valoriser le site ne sont pas rémunérés. À Bagnolet, plutôt que d’apporter une solution temporaire légale à des squatters migrants, le promoteur Habitat a, suite à l’expulsion de ces derniers, attribué son site au collectif d’artistes Wonder pour éviter une récidive. Si ces propriétaires optimisent la vacance de leurs friches, leurs attentes en matière de retombées sont nulles ou uniquement orientées vers leur propre intérêt. Certains activateurs d’occupations temporaires sont ainsi attentifs aux perspectives des propriétaires qui les contactent : « Lorsqu’on nous a appelés pour nous proposer d’installer des artistes au RDC de la cité du 140 à Ménilmontant, où nous sentions qu’il y avait une volonté de changer la population du quartier, nous avons refusé » (Collectif Soukmachines).9 Risque : Standardisation de l’occupation temporaire au détriment de sa spontanéité d’action, de sa créativité et de son adaptabilité D’autre part, l’institutionnalisation et la systématisation des occupations temporaires portent le risque d’une standardisation de ces initiatives et d’un appauvrissement de leurs retombées en termes d’attractivité, d’animation de la vie locale, de participation et de préfiguration d’usages. La singularité et l’adaptation au contexte de chacune des expériences d’occupation sont ainsi déterminantes dans leur attrait et leurs impacts. On peut également se méfier d’une déresponsabilisation de la ville de ses obligations en matière d’accès au logement et de lutte contre la précarité en se reposant sur ces ac-

-Fig.47 : Inauguration de l’Aérosol par la SNCF à Paris, 18e.

-Fig.48 : L’Aérosol, «l’endroit le plus cool de Paris».

9) Source : CALVINO Antoine, « Les friches, vernis sur la rouille ? », Le Monde Diplomatique, Avril 2018, n°769, p.26 à 27.

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teurs de la société civile qui apportent des solutions temporaires à ces problèmes. Il est ainsi important que les politiques accompagnent et soutiennent les opérateurs du temporaire dans leurs expérimentations pour apporter des solutions pérennes à ces besoins. Risque : complexification des procédures d’aménagement et retardement du projet urbain Enfin, certaines institutions redoutent que l’utilisation de l’occupation temporaire comme outil de préfiguration du projet urbain complexifie et retarde paradoxalement sa mise en œuvre. D’autres appréhendent d’éventuels conflits ou oppositions entre les occupants et opérateurs du projet urbain. Toutefois, pour Anne Carnac (PBA) « quel que soit le sujet, quand il est anticipé et évalué en amont, on peut l’intégrer plus facilement dans les processus puisqu’on sait ce que cela va impliquer et ce que cela va coûter. » Une solution pour éviter ces risques est

donc d’envisager une occupation temporaire le plus tôt possible, au mieux au même moment que le déménagement du précédent occupant, afin d’éviter les dégradations et par la même occasion une augmentation du temps et du coût de réhabilitation, de fluidifier le transfert du site et de créer un support adapté aux cycles de concertations du projet urbain. Ainsi si les démarches d’occupations temporaires se développent et sont de plus en plus portées par des institutions publiques et parfois privées, plusieurs freins, risques et limites à sa démocratisation perdurent. La sensibilisation des propriétaires, des aménageurs et des pouvoirs publics sur ces initiatives comme outils d’optimisation de la vacance mais également comme nouveaux modes de conception de la ville est une clef de leur développement. Paul Citron, membre de la coopérative Plateau Urbain, disait en ce sens à l’occasion du Meet-up sur l’Urbanisme temporaire : « Massifier la démarche d’urbanisme temporaire c’est défendre ce processus sans édifier de formes, souligner les bonnes pratiques sans édicter de normes. Ce n’est surtout pas l’industrialiser ou la labelliser. Ces projets doivent rester des expériences inédites et ne pas servir de modèle. Massifier la démarche c’est donc avant tout la banaliser, la faciliter et apporter des méthodes (diagnostic technique, montage juridique, modèle économique) tout en laissant surtout les idées et les projets aux mains des usagers. (…) Il faut dépasser l’opposition entre le provisoire et le pérenne. L’urbanisme transitoire n’a pas à s’enraciner dans les espaces occupés, mais sa démarche doit devenir pérenne. L’urgence qui caractérise certains besoins nécessite d’inventer des alternatives. Le droit à la ville doit passer par la pérennisation de la démarche. »

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L’occupation temporaire impacte à différents niveaux les opérateurs de l’aménagement urbain (collectivités, aménageurs, promoteurs). Certains n’y voient pour l’instant qu’un moyen d’optimiser leurs biens vacants, d’éviter leur dégradation, leur squattage, et d’économiser des frais de gardiennage. Mais de plus en plus d’entre eux tirent des enseignements de ces initiatives pour alimenter leur projet urbain. Celles-ci révèlent en effet des potentialités en termes de fonctions ou d’aménagement que les procédures classiques de planification ne peuvent pas toujours faire émerger. Elles permettent de tester des usages, de cibler d’éventuels habitants, d’expérimenter des concepts ou produits sans attente de résultats précis et sûrs. L’occupation temporaire apparaît ainsi comme un nouvel outil d’urbanisme à une époque de remise en question des mécaniques de planification, de recherche d’adaptabilité du projet urbain, d’une approche centrée sur les usages de la ville rejetant la standardisation. D’une logique intercalaire de l’occupation temporaire nous sommes ainsi passés à une logique transitoire. Des institutions, majoritairement publiques, ont saisi cette opportunité et développent des dispositifs de soutien à cet « urbanisme transitoire » naissant (appels à manifestation d’intérêt, subventions, évolutions juridiques et du droit de l’urbanisme). Toutefois, plusieurs freins à sa démocratisation perdurent, et sa systématisation dans les procédures de renouvellement des friches urbaines comporte des risques et limites. Les occupations temporaires restent en effet marginales en volume de la fabrique urbaine, les propriétaires privés restant sceptiques à ces démarches ; l’institutionnalisation du phénomène porte le risque d’une industrialisation et d’une instrumentalisation de l’occupation au détriment de ses qualités et valeurs : adaptabilité, créativité, spontanéité d’action et inclusivité. On peut ainsi se demander si l’occupation temporaire est réellement amenée à intégrer la mécanique de l’aménagement urbain. Le manque de recul nous empêche encore de mesurer de manière suffisamment quantifiée les impacts qu’apportent ces initiatives aux projets urbains, mais il n’en demeure pas moins qu’elles ont su susciter l’intérêt des collectivités, des aménageurs et de grands propriétaires qui manifestent une réelle volonté de les multiplier.

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CONCLUSION

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Conclusion

L’occupation temporaire légale des friches urbaines est un phénomène en expansion. La multiplication de ces espaces urbains vacants depuis les années 1980, le renchérissement des prix du foncier - qui rend plus coûteuse l’immobilisation d’un terrain et fait émerger des besoins en locaux aux loyers abordables pour des activités (économiques, associatives ou sociales) qui ne trouvent pas de réponses dans le marché traditionnel – et le développement de nouveaux outils juridiques (COT, baux dérogatoires) favorisent ce déploiement. Mais la massification de ces initiatives, souvent perçues marginales et précaires, tient surtout dans l’émergence de professionnels de l’occupation temporaire. Les facilitateurs, experts en montage juridique et économique du temporaire, banalisent cette démarche en mettant en lien les propriétaires de friches et des porteurs de projets. Les activateurs, collectifs pluridisciplinaires créatifs et adaptables, ouvrent, animent, rassemblent, et testent des usages pour créer des lieux inclusifs. Ils ont à eux deux développé une expertise dans la mise en place, la gouvernance et l’ancrage territorial des occupations temporaires. Ces espaces-temps intercalés entre deux périodes d’usages formels permettent ainsi de répondre à des besoins non satisfaits par la ville, faute de financements ou car trop informels : lieux de création artistique ou de fête ; espaces de lancement professionnel ; hébergement de populations en situation de précarité. Si par définition ces initiatives semblent n’apporter que des solutions temporaires à ces besoins, elles ont souvent des impacts positifs à long terme sur les occupants ou les quartiers (tremplin économique, réinsertion socioprofessionnelle, attractivité économique et culturelle). En effet, en mixant des activités, des populations et parfois des usages, ces occupations limitées dans le temps génèrent des écosystèmes innovants. D’un côté, l’indépendance vis-à-vis de l’espace occupé confère aux opérateurs du temporaire une certaine liberté d’appropriation, et de l’autre le temps court et les moyens restreints les incitent à tester, à collaborer et à agir vite suivant une démarche incrémentale qui reconnaît le droit à l’erreur. Les sites occupés deviennent ainsi des lieux d’expérimentations sociales, économiques ou artistiques, favorisant les rencontres et donnant une place à chacun dans la ville. Les acteurs qui les animent sont en effet souvent portés par la volonté de générer de nouvelles citoyennetés, de mettre en pratique le droit à la ville, en faisant se côtoyer dans un égal sentiment de légitimité des visiteurs, des riverains, des travailleurs et des personnes vulnérables, et en leur donnant la capacité de s’investir dans ce projet temporaire. En amorçant des dynamiques locales (économiques, culturelles ou sociales), ces occupations contribuent à revaloriser le site et son quartier, et en testant des programmations elles

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peuvent inspirer les acteurs de l’aménagement urbain. Elles génèrent donc des valeurs à court terme qui peuvent nourrir un projet à plus long terme, qu’elles y soient associées ou non. L’occupation temporaire des friches urbaines impacte ainsi à différents niveaux les logiques de planification urbaine et leurs opérateurs (collectivités, aménageurs, promoteurs). Certains n’y voient pour l’instant qu’un moyen d’optimiser leurs biens vacants, d’éviter leur dégradation, leur squattage, et d’économiser des frais de gardiennage. Mais de plus en plus d’entre eux tirent des enseignements de ces initiatives pour alimenter leur projet urbain. Celles-ci révèlent en effet des potentialités en matière de fonctions et d’aménagement que les procédures classiques de planification ne peuvent pas toujours anticiper, activent des dynamiques qui rendent le site attractif et peuvent faciliter une future commercialisation, animent ces quartiers en mutation et deviennent des supports de participation citoyenne. À l’heure où l’urbanisme adopte une approche centrée sur les usages et revendique des projets urbains adaptés aux besoins, ces initiatives civiles et précaires, mais néanmoins professionnelles, proposent une stratégie alternative de développement ou de renouvellement urbain. C’est pourquoi des institutions, majoritairement publiques, manifestent un intérêt croissant pour ces projets temporaires. D’une logique intercalaire de l’occupation temporaire nous sommes ainsi passés à une logique transitoire. En effet, différents dispositifs de soutien à cet « urbanisme transitoire » se développent depuis le début des années 2010 : appels à manifestation d’intérêt, subventions, évolutions juridiques et évolutions du droit de l’urbanisme. L’exemple des Grands Voisins prouve que des usages développés pendant l’occupation temporaire peuvent servir à irriguer l’aménagement futur. Toutefois, plusieurs freins à sa démocratisation perdurent : les propriétaires privés redoutent le respect des conditions d’appropriation et de fin d’occupation ; les opérateurs du temporaire évoluent dans la précarité ; et le phénomène se limite aux territoires urbains dynamiques. D’autre part, sa systématisation dans les procédures de renouvellement des friches urbaines comporte des risques et limites : instrumentalisation et standardisation des initiatives au détriment de leur adaptabilité, spontanéité, créativité et inclusivité ; déséquilibre entre la précarité des occupations et les bénéfices qu’en tirent les institutions et propriétaires ; difficile évaluation et mise en valeur des bénéfices (culturels, économiques et sociaux) générés par le projet temporaire. Dans cette perspective, l’occupation temporaire peut-elle réellement intégrer les mécanismes de planification urbaine ? La spontanéité d’action caractéristique du temporaire peut-elle prendre part à la fabrique du pérenne, synonyme de contrôle et d’ordre ? Comment apprendre du « non planifié » et l’intégrer au « planifié » ? Toutefois l’informel et le formel ne sont pas contradictoires : les innovations découlent davantage de contextes informels, et ce sont les contextes formels qui assurent leur développement sur le long terme, leur durabilité. L’occupation temporaire offre ain-

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Conclusion

si des possibilités pour optimiser la vacance urbaine, répondre à des besoins non satisfaits, mais également pour assouplir les mécaniques de conception urbaine et composer des projets urbains de manière incrémentale, par le test, l’erreur éventuelle et la co-production. Mais elle exige de laisser aux opérateurs qui les font vivre l’autonomie nécessaire pour inventer de nouveaux usages, et des soutiens (juridiques et financiers) pour pérenniser leur profession, à savoir : un cadre temporel lisible, des outils juridiques flexibles, un soutien financier, ainsi qu’une tolérance, confiance, reconnaissance et volonté de collaborer de la collectivité/du propriétaire/de l’aménageur. L’occupation doit de son côté ne pas s’immiscer dans le projet urbain et garder son indépendance vis-à-vis des institutions. Son institutionnalisation nécessite donc à la fois une reconnaissance globale des plus-values que peuvent apporter ces initiatives et une réorganisation des procédures d’aménagement. Les lois limitant strictement la vacance en Belgique1, les registres des locaux et immeubles vacants et les incitations à l’occupation temporaire aux Pays-Bas2, ou le service public d’urbanisme en charge de l’accompagnement et de la coordination des utilisations temporaires à Vienne3, sont sans doute des pistes que les pouvoirs publics peuvent étudier pour populariser et tirer profit de ces initiatives temporaires d’avenir. « La chaîne de l’aménagement est une mécanique bien rôdé synonyme de bilans financiers importants, d’un enchaînement d’acteurs, de contrats, d’acquisition de terrains, qui exclue souvent les petits évènements, perçus comme des complexités supplémentaires. Mais ces occupations temporaires complexifient-elles vraiment le projet urbain ? L’aménagement temporaire enrichit, amène à questionner autrement, permet aux acteurs de sortir de leur logique de cloisonnement, pour comprendre et aller proposer autre chose tout en restant dans sa compétence. (…) Il reste difficile d’en faire un modèle : les occupations doivent s’adapter à une quantité de variantes propres à chaque situation (échelle, étape d’avancement des projets, contexte…). Ce qui me paraît important c’est de ne pas s’immiscer dans leur projet et inversement, mais de tout de même s’assurer de leur viabilité » (Anne Carnac, PBA, 2017).

1) Source : CARNOY Gilles, « La lutte contre les immeubles occupés », 27 Décembre 2012. Disponible sur : https://gillescarnoy.be/2012/12/27/la-lutte-contre-les-immeubles-inoccupes/ 2) Source : KAN Charlotte, VINCELOT Sophie, KIRALY Barbara, DUPONT Orianne, « Dossier : Urbanisme transitoire », Hors-série Le Moniteur - Annuel Immobilier 2018, p.46. 3) Source : KHAEBEL Rachel, « Vienne, la vacance aménagée », Traits Urbains, Été 2015, n°76, p.56 à 58.

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/ Bibliographie

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Bibliographie

- MORANGE Marianne et SPIRE Amandine, « Droit à la ville ». Disponible sur : http://www.hypergeo.eu/spip.php?article698 - PRADEL Benjamin, « L’Urbanisme transitoire, une définition à tiroir », Linkedin, 9 Janvier 2018. Disponible sur : https://fr.linkedin.com/pulse/urbanisme-temporaire-une-définition-benjamin-pradel - RENARD Laurence, « L’espace public jardiné par les habitants », in La fabrique du lieu Atelier en paysage et urbanisme participatif, 20 Octobre 2012. Disponible sur : https:// www.lafabriquedulieu.com/lespace-public-jardine-par-les-habitants/ - VAN EECKHOUT Laetitia, « Quand les friches se transforment en laboratoires de la ville », Le Monde, mis en ligne le 9 Juin 2017. Disponible sur : https://www.lemonde.fr/ smart-cities/article/2017/06/09/quand-les-friches-se-transforment-en-laboratoires-dela-ville_5141230_4811534.html - VAN EECKHOUT Laetitia, « Quel devenir pour les occupants et les résidents des Grands Voisins ? », Le Monde, mis en ligne le 29 Décembre 2017. Disponible sur : https:// www.lemonde.fr/smart-cities/article/2017/12/29/quel-devenir-pour-les-occupants-etles-residents-des-grands-voisins_5235609_4811534.html - Article anonyme du site Squat.net, « Bagnolet (93) : le collectif Wonder, ou l’art au service de la gentrification », 24 Février 2017. Disponible sur : https://fr.squat. net/2017/02/24/bagnolet-93-le-collectif-wonder-ou-l-art-au-service-de-la-gentrification/ Vidéos et podcasts - Conférence au Pavillon de l’Arsenal à Paris, « Meet-up « Urbanisme temporaire»», 1h24, 24 Novembre 2016. Disponible sur : http://www.pavillon-arsenal.com/fr/ conferences-debats/cycles-en-cours/hors-cycle/10507-meet-up-urbanisme-temporaire. html - BISHOP Peter (Professeur en Conception Urbaine à The Bartlett Shool of Architecture), « The Temporary City : Strategies for an uncertain world », Conférence sur son ouvrage du même titre, 28min, 24 Février 2016, Londres. Disponible sur : https://vimeo. com/156597467 - DÉTRIE Nicolas, « Les bonnes recettes d’une transformation urbaine réussie », Interview du fondateur de l’association Yes We Camp, 5min, 5 Avril 2018, Paris. Disponible sur : http://www.mediatico.fr/video/yes-we-camp-les-bonnes-recettes-dune-transformation-urbaine-reussie/ - Interview de ROUSSAT Jean-Baptiste (Plateau Urbain), DUFOUR William (Aurore), DÉTRIE Nicolas (Yes We Camp), Emission de radio « Plus près de toi », Radio Nova, 2 Janvier 2018. Disponible : http://www.nova.fr/podcast/plus-pres-de-toi/plus-pres-de-toile-podcast-du-2-janvier

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Sites internet - Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU), « Rapport de l’ONZUS : dix ans de PNRU », 13 Mai 2013. Disponible sur : https://www.anru.fr/fre/Actualites/Evenements/Rapport-de-l-ONZUS-dix-ans-de-PNRU - Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, Portail lexical. Disponible sur : http://www.cnrtl.fr/definition/urbanisme - Île-de-France, « Soutien aux initiatives d’urbanisme transitoire ». Disponible sur: https://www.iledefrance.fr/aides-services/soutien-aux-initiatives-d-urbanisme-transitoire - Paris Batignolles Aménagement, « Opération Saint-Vincent-de-Paul ». Disponible sur : http://www.paris-batignolles-amenagement.fr/pba/operations/234-saintvincent-de-paul-14e - Ville de Nantes, « Les Nantais prennent les clés du patrimoine nantais ! ». Disponible sur : https://www.nantes.fr/15lieux - Ville de Paris, « Projet 14e – Saint-Vincent-de-Paul ». Disponible sur : https://www. paris.fr/services-et-infos-pratiques/urbanisme-et-architecture/projets-urbains-et-architecturaux/saint-vincent-de-paul-14e-2373#la-concertation-prealable-a-la-creation-de-lazac-2014-2016_3

« Opérateurs de l’occupation temporaire » :

- Agence La Belle Friche - https://www.labellefriche.com - Association Yes We Camp - https://yeswecamp.org - Association Bellastock - http://www.bellastock.com - Association Aurore - https://www.aurore.asso.fr - Association le 6B - http://www.le6b.fr - Collectif Soukmachines - https://www.soukmachines.com - Coopérative Plateau Urbain - https://www.plateau-urbain.com - Espace Darwin - http://darwin.camp/c/projet-darwin/ - Les Grands Voisins - https://lesgrandsvoisins.org Autres références : - Association Carton Plein - http://www.carton-plein.org - Collectif ETC - http://www.collectifetc.com - Collectif EXYZT - http://www.exyzt.org - Collectif Cabanon Vertical - http://www.cabanonvertical.com - Collectif YA+K - http://yaplusk.org - Collectif Encore Heureux - http://encoreheureux.org/about/

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Bibliographie

Entretiens - Entretien avec DÉTRIE Périnne et POISSON Arthur (respectivement graphiste et artiste, membres de l’association Yes We Camp), mené par BEAUMONT Grégoire, à Nancy, le 14 Novembre 2017 - Entretien téléphonique avec ROULLIER Hippolyte et PANOTIER Lucile (membres de la coopérative Plateau Urbain), mené par BEAUMONT Grégoire, le 17 Novembre 2017 - Entretien avec CARNAC Anne (responsable de l’opération Saint-Vincent-de-Paul à la SPLA Paris Batignolles Aménagement), mené par BEAUMONT Grégoire, à Paris, 12 Janvier 2018 - Entretien avec AUFFRET Marianne (élue en charge de l’Urbanisme à la mairie du XIVe arrondissement de Paris), mené par BEAUMONT Grégoire, à Paris, 28 Février 2018 - Visite « Presse » du site des Grands Voisins avec RAPIN Aurore (Yes We Camp), BROUSSAT Jean-Baptiste (Plateau Urbain) et GAILLARD Florie (Aurore), à Paris, le 22 Décembre 2017.

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/ Table des illustrations

-Fig.1 : Photographie du chantier participatif de la place Dormoy, Bordeaux, Collectif ETC, 2012. Disponible sur : http://www.collectifetc.com/realisation/cafe-sur-place/ -Fig.2 : Photographie de l’occupation temporaire « Chez Albert», Aubervilliers, Association Yes We Camp, 2014. Disponible sur : https://www.flickr.com/photos/camping2013/14371440113/in/album-72157645025640564/ -Fig.3 : Photographie de l’occupation temporaire le « 6B », Saint-Denis, Association le 6B, 2016. Disponible sur : http://www.le6b.fr/diapos/open-air-2016/ -Fig.4 : Photographie de l’occupation du « Pavillon du Docteur Pierre », Nanterre, Collectif Soukmachines, 2015. Disponible sur : http://www.soukmachines.com/le-pavillon/ -Fig.5 : Photographie de l’occupation «Vive les Groues», Nanterre, Association Yes We Camp, 2018. Disponible sur : https://yeswecamp.org/?page_id=718 -Fig.6 : Photographie du festival de la Kumbh Mela, Inde, 2016. Disponible sur : https://www.amc-archi.com/photos/constellation-s-a-bordeaux-observer-les-mutations-planetaires,5175/ kumbh-mela-mapping-the-epheme.7 -Fig.7 : Cartographie des initiatives d’occupation temporaire en Île-de-France depuis 2012, Institut d’Aménagement et d’Urbanisme d’Île-de-France (IAU). Disponible sur : https://www.iau-idf.fr/savoir-faire/nos-travaux/edition/lurbanisme-transitoire-amenager-autrement.html -Fig.8 : Photographie aérienne de l’occupation de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul, Paris 14e, atelier UOA, 2016. Disponible sur : http://www.atelieruoa.com/lesgrandsvoisins/lzxjzm6gzsy491xnrhmw4xbss2mmmv -Fig.9 : Schéma explicatif du fonctionnement de l’occupation temporaire des Grands Voisins. Production personnelle. -Fig.10 : Principe de fonctionnement des «activateurs» de l’occupation temporaire. Production personnelle. -Fig.11 : Photographie des aménagements éphémères réalisés par Yes We Camp aux grands Voisins, Paris 14e, atelier UOA, 2016. Disponible sur : http://www.atelieruoa.com/lesgrandsvoisins/y7k2mtiejce9pg88eik2vdkeg6g1nn -Fig.12 : Principe de fonctionnement des «facilitateurs» de l’occupation temporaire. Production personnelle. -Fig.13 : Plateforme de candidature en ligne pour occuper temporairement une friche urbaine, La Belle Friche. Capture d’écran du site internet : https://www.labellefriche.com/friche -Fig.14 : Photographie de l’exposition du collectif «Inconnaissance» au 6B, Saint-Denis, Jirí Kornatovský, 2016. Disponible sur : http://artshebdomedias.com/article/frapper-a-porte-de-linconnaissance-6b/ -Fig.15 : Photographie de graffeurs à l’Aérosol, Paris, 2017. Disponible sur : http://monmacadam.fr/laerosol/ -Fig.16 : Schéma : optimisation du patrimoine bâti ou installation d’achitectures éphémères et modulables pour l’hébergement social. Production personnelle/ -Fig.17 : Centre d’hébergement d’urgence provisoire «La Promesse de l’Aube», Paris, 2016, Moonarchitectures. Disponible sur : http://www.moonarchitectures.fr/centre-dhebergement-provisoire-de-200-places/ -Fig.18 :Signalétique aux Grands Voisins, Paris 14e, atelier UOA, 2016.. Disponible sur : http://www.atelieruoa.com/lesgrandsvoisins/0u0ak383qb6c1ubz70ugd00950fz9r -Fig.19 : Photographie de la Halle Papin, Pantin, Agathe Vincent (IAU îdF). Disponible sur : https://www.

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Table des illustrations

iau-idf.fr/savoir-faire/nos-travaux/edition/lurbanisme-transitoire.html -Fig.20 : Photographie du hangar de l’ancien Karting à l’Île de Nantes. Disponible sur : http://www.iledenantes.com/fr/projets/247-karting-activites-creatives.html -Fig.21 : Axonométrie des Grands Voisins, répartition des programmes de l’occupation. Retouche d’une axonométrie réalisée par l’agence d’urbanisme Anyoji Beltrando (maîtrise d’œuvre urbaine du projet SaintVincent-de-Paul). Disponible sur : http://www.anyojibeltrando.com/fr/saint-vincent-de-paul/ -Fig.22 : Photographie : propositions et recherches de partenariats aux Grands Voisins, Paris 14e, atelier UOA, 2016. Disponible sur : http://www.atelieruoa.com/lesgrandsvoisins/0u0ak383qb6c1ubz70ugd00950fz9r -Fig.23 : Photographie : expérimentation d’agriculture urbaine aux Grands Voisins, Paris 14e, atelier UOA, 2016. Disponible sur : http://www.atelieruoa.com/lesgrandsvoisins/0u0ak383qb6c1ubz70ugd00950fz9r -Fig.24 : Photographie : aménagements des abords du quartier de Dr Ayme à Cavaillons par ses habitants accompagnés du collectif ETC, 2016. Disponible sur : http://www.collectifetc.com/realisation/que-je-tayme/ -Fig.25 : Photographie d’un panneau de signalétique aux Grands Voisins. Paris 14e, atelier UOA, 2016. Disponible sur : http://www.atelieruoa.com/lesgrandsvoisins/0u0ak383qb6c1ubz70ugd00950fz9r -Fig.26 : Photographie de La Lingerie, lieu de vie central des Grands Voisins. Paris 14e, atelier UOA, 2016. Disponible sur : http://www.atelieruoa.com/lesgrandsvoisins/0u0ak383qb6c1ubz70ugd00950fz9r -Fig.27 : Photographie de la terrasse du restaurant associatif des Grands Voisins. Paris 14e, atelier UOA, 2016. Disponible sur : http://www.atelieruoa.com/lesgrandsvoisins/0u0ak383qb6c1ubz70ugd00950fz9r -Fig.28 : Photographie d’un terrain de foot aménagé dans une allée de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul. Paris 14e, atelier UOA, 2016. Disponible sur : http://www.atelieruoa.com/lesgrandsvoisins/0u0ak383qb6c1ubz70ugd00950fz9r -Fig.29 : Photographie d’un mobilier urbain original aux Grands Voisins. Paris 14e, atelier UOA, 2016. Disponible sur : http://www.atelieruoa.com/lesgrandsvoisins/0u0ak383qb6c1ubz70ugd00950fz9r -Fig.30 : Photographie de l’entrée de l’ancienne occupation temporaire «Chez Albert» à Aubervilliers, Yes We Camp. Disponible sur : https://yeswecamp.org/?page_id=98 -Fig.31 : Photographie d’un panneau de présentation du projet des Grands Voisins. Paris 14e, photographie personnelle. -Fig.32 : Schéma : étapes et chronologie d’un projet urbain classique. Production personnelle inspirée d’un schéma de l’étude « L’Urbanisme transitoire. Optimisation foncière ou fabrique urbaine partagée ? », p.4. Disponible sur : https://www.iau-idf.fr/savoir-faire/nos-travaux/edition/lurbanisme-transitoire.html -Fig.33 : Schéma : étapes et chronologie d’un projet urbain intégrant une occupation temporaire, « intercalée » entre deux occupations « formelles ». Production personnelle. -Fig.34 : Schéma : étapes et chronologie d’un projet urbain lié à l’occupation transitoire de la friche. Les usages temporaires influent les futurs usages « permanents ». Production personelle. -Fig.35 : Axonométrie : répartition programmatique de l’occupation temporaire des Grands Voisins. Retouche d’une axonométrie réalisée par l’agence d’urbanisme Anyoji Beltrando (maîtrise d’œuvre urbaine du projet Saint-Vincent-de-Paul). Disponible sur : http://www.anyojibeltrando.com/fr/saint-vincent-de-paul/ -Fig.36 : Axonométrie : répartition programmatique du projet de l’écoquartier Saint-Vincent-de-Paul (Janvier 2018). Brochure PBA « Le futur quartier Saint-Vincent-de-Paul » disponible sur : http://www.paris-batignolles-amenagement.fr/pba/operations/234-saint-vincent-de-paul-14e -Fig.37 : Schéma : chronologie du site, de l’occupation temporaire et du projet d’écoquartier. Production personnelle inspirée du dossier de presse « Saint-Vincent-de-Paul. Faire Paris autrement » du 15 Juin 2018 réalisé par PBA, p.36/37. Disponible sur : http://www.paris-batignolles-amenagement.fr/pba/operations/234saint-vincent-de-paul-14e -Fig.38 : Page de garde de l’Appel à Manifestation d’Intérêt de la région Île-de-France, 2017. Disponible sur : https://fr.calameo.com/read/00220236291a6a42ee67e -Fig.39 : Photographie de la pépinière des Groues, à Nanterre, Yes We Camp, 2018. Disponible sur : https:// yeswecamp.org/?page_id=718

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-Fig.40 : Schéma de principe du fonctionnement du projet Actlab de Bellastock à Saint-Denis. Disponible sur : http://www.bellastock.com/notre-activite/actlab/le-lieu/ -Fig.41 : Photographie de l’atelier de prototypage du projet ActLab, de Bellastock. Saint-Denis. Disponible sur : https://www.amc-archi.com/photos/bellastock-assistant-deconstructeur,3924/mobilier-urbain-realise-en-o.10 -Fig.42 : Photographie de mobilier urbain expérimental réalisé par Bellastock à Nanterre. Disponible sur : https://www.amc-archi.com/photos/bellastock-assistant-deconstructeur,3924/mobilier-urbain-realise-en-o.10 -Fig.43 : Photographie d’un immeuble muré. Ouest-France, 2013. Disponible sur : https://www.ouest-france. fr/bretagne/rennes-35000/sur-les-quais-lex-charleston-toujours-inoccupe-1607703 -Fig.44 : Schéma illustrant le déséquilibre économique entre les activateurs de l’occupation temporaire et les propriétaires/aménageurs. Production personnelle. -Fig.45 : Pages de garde de la formation Yes We Camp « Faire vivre une occupation temporaire », disponible sur : https://yeswecamp.org/?p=834 ; et du Meet-up sur l’Urbanisme Temporaire ayant eu lieu au pavillon de l’Arsenal, disponible sur : http:// www.pavillon-arsenal.com/fr/conferences-debats/cycles-en-cours/hors-cycle/10507-meet-up-urbanisme-temporaire.html -Fig.46 : Schéma d’une potentielle meilleure répartition économique entre les opérateurs du temporaire et les institutions. Production personnelle. -Fig.47 : Photographie de l’inauguration de l’Aérosol par la SNCF à Paris, 18e, Batinfo, 2017. Disponible sur : https://batinfo.com/actualite/la-sncf-a-inaugure-son-nouveau-site-durbanisme-transitoire-avec-sonmusee-dedie-au-street-art_8362 -Fig.48 : Photographie d’un article du Parisien : « Ne cherchez plus, voilà l’endroit le plus cool de Paris (l’Aérosol) », 09/08/17. Disponible sur : http://www.leparisien.fr/paris-75018/paris-ne-cherchez-plus-voila-l-endroit-le-plus-cool-de-paris-07-08-2017-7180863.php - Croquis couverture : Les Grands Voisins un jour de marché. Production personnelle. -Photographie Chapitre 1 : La Chaufferie des Grands Voisins. Photographie personnelle, 15/02/18. -Photographie Chapitre 2 : Le camping alternatif de Yes We Camp au port de l’Estaque (Marseille) en 2013. Photographie de l’atelier UOA. Disponible sur : http://www.atelieruoa.com/yeswecamp-marseille/94n0bfbapzhldpe49fqhpj9ilc3pre -Photographie Chapitre 3 : Le 6B pérennisé vu depuis le nouveau quartier Néaucité. Photographie personnelle, 11/01/18. -Photographie conclusion : Un panneau de présentation du projet des Grands Voisins. Paris 14e, photographie personnelle.

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ANNEXES

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Annexes

1/ L’hôpital Saint-Vincent-de-Paul : situation et histoire

Situation et contexte urbain L’ancien hôpital Saint-Vincent-dePaul bénéficie d’une bonne implantation située au nord du 14e arrondissement de Paris, à mi-chemin entre la place Denfert Rochereau et Port Royal. Il s’installe dans un îlot de grande taille (10 hectares) à la croisée de différentes centralités et points d’intérêts : le quartier Montparnasse à l’ouest, la place Denfert Rochereau et le quartier Daguerre au sud, et Port Royal et le Jardin du Luxembourg au nord. Le secteur et notamment l’avenue Denfert-Rochereau sont peu animés et s’inscrivent comme en creux par rapport aux quartiers et pôles commerciaux voisins. L’hôpital s’organise en un enclos de 3,4 hectares traversant l’îlot sur lequel il s’installe. Il est donc desservi au sud, par l’avenue Denfert Rochereau, et au nord, par la rue Boissonade. Il est bordé au nordouest par un tissu résidentiel dense du XIXe siècle, au sud-ouest par le jardin de la Fondation Cartier et du Foyer des Jeunes Filles Aveugles, et au nord-est par le jardin du Couvent de la Visitation. Il s’installe ainsi dans un îlot peu dense, entouré par de grandes emprises paysagères privées fermées derrière leurs murs d’enceinte. Le quartier est donc à la fois marqué par un tissu résidentiel dense, de grands équipements publics et privés du domaine de la santé, et d’institutions reli-

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Situation dans Paris et dans le 14e arrondissement.


gieuses. L’îlot hérite sa forme actuelle et sa grande taille de ces institutions religieuses et civiles concentrées ici depuis le XIXe siècle. Si ces grandes emprises aérées en font un quartier calme, leur fermeture et leurs hauts murs d’enceinte ou grilles le long de l’avenue Denfert Rochereau et du Boulevard Raspail confèrent aux espaces publics un simple statut de circulation. Le maillage des voies est peu dense dans le secteur de desserte de l’hôpital (620 mètres sans carrefour entre Port Royal et Denfert-Rochereau) et la proportion d’espace public est faible. Les commerces et services de proximités sont également rares. Le secteur se singularise ainsi par la faiblesse des flux piétons et l’importance des linéaires de façades non marchands, générés par les grands équipements et institutions, peu propices au développement de fonctions commerciales. En revanche le site est bien desservi en vélo et en transports en communs avec le passage de la Traversée Nord-Sud de Paris le long de l’avenue Denfert Rochereau, et trois arrêts de métro à moins de 500 mètres. L’offre de transport est complétée par plusieurs lignes de bus avec un couloir de bus avenue Denfert Rochereau dans le sens montant.

Photographie aérienne du quartier : un site à la croisée de centralités

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Annexes

/ Le site dans son environnement proche

1- Cimetière de Montparnasse 2- Fondation Cartier 3- Maison de retraite Marie-Thérèse 4- Foyer de vie - Oeuvre des Jeunes Filles Aveugles 5- Couvent de la Visitation 6- Foyer pour handicapés Notre Dame de Joye 7- Observatoire de Paris 8- Clinique Beaudelocque 9- Hôpital Cochin 10- Congrégation des soeurs Saint-Joseph de Cluny 11- Maison d’arrêt de la Santé

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6

5

3. Jardin de la maison de retraite Marie Thérèse

4 2

3

1

4. La fondation Cartier

1. Mur d’enceinte av. Denfert Rochereau

5. Entrée secondaire du site rue Boissonade

2. Entrée principale du site av. Denfert Rochereau

6. Le parc du couvent de la Visitation

95


Annexes

/ Fonctions

Habitat Grand équipement public ou privé Bâtiment d’activité Institution religieuse Services et commerces de proximité en RDC

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1- Ecole Spéciale d’architecture et école Camondo 2- Fondation Cartier 3- Maison de retraite Marie-Thérèse 4- Foyer de vie - Oeuvre des Jeunes Filles Aveugles 5- Couvent de la Visitation 6-IPC Fac de Philosophie et de Psychologie 7- Foyer pour handicapés Notre Dame de Joye 8- Observatoire de Paris 9- Clinique Beaudelocque 10- Fac de Médecine 11- Hôpital Cochin 12- Congrégation des soeurs Saint-Joseph de Cluny 13- Lycée hôtelier


/ Trame verte et espaces publics

Jardins privés Espaces verts publics Cimetière de Montparnasse 1- Squares de la place Denfert Rochereau 2- Jardin de l’Observatoire de Paris 3- Jardin des Grands Explorateurs

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Annexes

Histoire et héritage L’hôpital Saint-Vincent-de-Paul était à l’origine un noviciat pour jeunes prêtes fondé en 1655 sur une parcelle agricole. A la fin du XVIIIe siècle il est transformé en maternité puis accueille à partir de 1838 l’Hospice des Enfants Trouvés fondé par le religieux Vincent de Paul en 1638, autrefois situé sur l’Île de la Cité. Au XXe siècle l’Hospice se voit adjoint d’un Hôpital qui prend alors le nom de son fondateur. Il se densifiera tout au long du siècle dans l’élan de modernisation et d’essor industriel, accueillant la plupart des bâtiments aujourd’hui existant : la maternité Pinard et la chaufferie, la clinique médicale infantile Lelong, le centre chirurgical infantile Pierre Petit et une morgue dans le bâtiment Lepage. Ce site est donc lié à une histoire forte marquée par la le soin de l’enfance et lutte contre la misère.

1810 98

1890


1942

2018 99


Annexes

1655 L’Oratoire. Architecture classique du XVIIe siècle protégée par le PLU.Outre sa valeur patrimoniale l’Oratoire a une valeur symbolique forte en tant que lieu de mémoire de l’accueil des enfants abandonnés.

1880 Le corps de bâtiment Robin, d’architecture classique, est également protégé au PLU.

1840 La Lingerie, construction plus basse mais néanmoins de qualité architecturale.

1930 L’ancienne chaufferie du site et sa haute cheminée disposent d’un caractère architectural fort.

1930 La maternité Pinard construite en même temps que la chaufferie dispose des mêmes qualités architecturales avec ses façades en briques appareillées.

1954 Le bâtiment Lelong, plus moderne, porteur d’intérêts pour ses façades en briques appareillées et sa capacité d’acceuil importante.

100


ROBIN

État des lieux : un patrimoine varié hérité d’une longue histoire

101


Annexes

2/ Le projet d’écoquartier Saint-Vincent-de-Paul

Ici, des mobilités douces et partagées Aménageur Paris Batignolles Aménagement pour le compte de la Ville de Paris contact@parisbatignolles.fr www.paris-batignolles- aménagement.fr

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23 2017 - 20

Illustrations Jean Secco - Conception graphique Yes We Camp - 2017

Maîtrise d’œuvre urbaine Anyoji Beltrando / Agence TER / Alphaville / EVP / Alto

SAINT-VINCENT-DE-PAUL DONNE NAISSANCE À UN NOUVEAU QUARTIER

La collection architecturale avec ses espaces historiques et atypiques - l’Oratoire, les pavillons Robin, Pinard, Lelong ou encore la Maison des médecins - est conservée et restaurée. Les autres bâtiments laisseront place à de nouveaux immeubles en cœur d’ilot. Cet aménagement, qui conserve 60% du bâti, vise la sobriété et s’inscrit avec respect dans l’esprit des lieux.

Vivre ensemble, l’esprit des lieux La tradition d’accueil et de solidarité de l’ancien hospice des enfants assistés se prolonge aujourd’hui dans l’objectif de mixité sociale que traduit la programmation : sur un total de 43 000 m2 de logements, sont prévus 50% de logements sociaux, 20% de logements intermédiaires, 30% de logements libres, y compris un programme d’habitat participatif. Des pôles d’activités Le calme du quartier, vert et apaisé, se conjugue avec des pôles d’attractivité. Un programme privé d’intérêt collectif, CINASPIC (« Constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif »), s’installera en bordure du boulevard Denfert-Rochereau et un grand équipement dédié à l’enfance et à la jeunesse, à vocation sportive et pédagogique, prendra place dans le bâtiment Pinard. Le quartier accueillera également des commerces de proximité autour de la cour du pavillon Robin, ainsi que des activités diverses, marchandes ou productives, innovantes ou relevant de l’économie sociale et solidaire. Certaines pourront investir les cours anglaises, espaces atypiques à Paris que la Ville souhaite valoriser.

Transformer les 3,4 hectares de l’ancien hôpital en nouveau quartier est une opportunité unique pour répondre au besoin de logements et favoriser la mixité sociale au cœur de Paris. La Mairie de Paris a fait le choix pour ce projet, d’une approche urbaine fondée sur l’innovation d’usages afin qu’il réponde aux attentes et aux nouvelles façons de vivre des citadins. La conception du futur quartier Saint-Vincent-de-Paul est également guidée par des objectifs ambitieux de sobriété énergétique et d’exemplarité écologique. La réalisation de l’opération a été confiée en décembre 2016 à la société publique locale Paris Batignolles Aménagement. En parallèle, pendant le temps de vacance du site, un projet d’occupation temporaire a été lancé pour expérimenter des usages innovants et inclusifs, les Grands Voisins, qui s’effacera progressivement au moment des premiers travaux d’aménagement.

Une démarche environnementale ambitieuse Le projet préserve la trame verte et permet de redécouvrir la composition paysagère des allées. Il est pensé autour d’un jardin à la croisée centrale qui se prolonge dans les voies et les cours plantées. Les Grands Voisins ont, depuis 2015, fait la preuve de l’intérêt d’un espace public partagé, trés végétal, qui privilégie les circulations douces en restant ouvert sur la ville par la large façade sur le boulevard. L’exemplarité écologique se traduit aussi par la priorité donnée aux circuits courts et à l’économie circulaire, au recyclage des déchets, à la performance énergétique ou encore à la gestion des eaux, pour un mode de vie plus responsable.

SAINT-VINCENT-DE-PAUL La Ville de Paris engage la reconversion de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul, en nouveau quartier durable, sobre, inclusif et respectueux de l’histoire du site.


LE QUARTIER DEMAIN

60% de bâtiments conservés 40% de bâtiments nouveaux Maison des médecins

43�000m2 de logements

Pinard

50% de sociaux, 20% intermédiaires et 30% libres

Le site actuel

Petit

5�400m2 d’équipements publics Petite enfance / équipement sportif et pédagogique

Lepage

6�400m2 de commerces et activités

L’Oratoire

Lelong

4�800m2 d’espaces verts Colombani

8�400m2 d’espaces publics de voierie 6�000m2 d’équipement privé d’intérêt collectif

Robin

4 accès piétons et vélos et nouvelle circulation

Chaufferie

Jalaguier Rapine

Maison des médecins Activités

Pinard Équipement public

is so

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Couvent de la Visitation

Ru

e

Bo

Petit Logements

Accès vélos et piétons L’Oratoire Activités

Lelong Logements

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Lepage Logements

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L’Oratoire Logements

Av .D

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Chaufferie Logements Robin Logements

Denfert Programme privé d’intérêt collectif

Fondation Cartier

Accès vélos et piétons

Accès vélos et piétons

Espaces verts centraux Commerces Accès voiture, vélos, piétons

Activités Bâtiments conservés (60%) Œuvre des Jeunes Filles Aveugles

Bâtiments nouveaux (40%) Les ilots à venir, non encore conçus, sont représentés de façon schématique.

Histoire et perspective

Observatoire de Paris

Concertation et aménagement

2018 - 2020 Préfiguration du quartier par les Grands Voisins

1814 - 1914 Hospice des enfants trouvés ou assistés.

Décembre 2014/avril 2015 Premier cycle de concertation sur le devenir du site.

1930 - 1999 Hôpital spécialisé dans les naissances et les soins aux enfants.

Juillet 2014 Désignation de l’équipe de maîtrise d’œuvre urbaine Anyoji Beltrando mandataire.

1999 - 2011 Départ progressif de l’hôpital Saint-Vincent De-Paul.

Décembre 2015 à juin 2016 Deuxième cycle de concertation sur la base du projet Anyoji Beltrando.

La dynamique des Grands Voisins se prolonge à travers une nouvelle phase d’occupation temporaire des espaces encore non concernés par le chantier : la cour Robin, la cour de l’Oratoire, la Lingerie et le bâtiment Lepage. La diversité sociale, économique et culturelle caractéristique de la première phase se renouvelle, avec l’objectif de s’ouvrir plus encore sur le quartier, et de jouer un rôle de passerelle entre les usages quotidiens présents et futurs.

1650 - 1750 Noviciat de prêtres pour l’église catholique.

2011 Création d’un site d’hébergement temporaire. 2015 Début du projet d’occupation temporaire « Les Grands Voisins » et ouverture du site au public. 22 décembre 2017 Fin de la première phase d’occupation temporaire des Grands Voisins. 2018-2020 Nouvelle phase d’occupation temporaire préfigurant le futur quartier. 2023 Nouveau quartier.

Décembre 2016 Le conseil de Paris approuve la création de la Zac et désigne son aménageur, la SPLA Paris Batignolles Aménagement. 2017 Lancement des études pré-opérationnelles et de maîtrise d’œuvre des espaces publics. 2018 Commercialisation des lots / premiers travaux de démolition. Fin 2019- 2023 Travaux de réalisation des bâtiments et espaces publics.

Brochure PBA « Le futur quartier Saint-Vincent-de-Paul » disponible sur : http://www.paris-batignolles-amenagement.fr/pba/operations/234-saint-vincent-de-paul-14e

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Annexes

3/ Les dispositifs d’animation et de réinsertion des Grands Voisins La maison des médecins : ancienne salle de garde des médecins de l’hôpital datant du XIXe siècle réhabilitée en lieu de vie polyvalent et ouvert aux résidents comme aux riverains accueillant : une salle de sport, un studio de musique avec cours de guitare et chorale, une cuisine partagée, des cours de français d’informatique et de théâtre, des évènements festifs. Ce dispositif porté par plusieurs associations (Aurore, Plateau Urbain, Yes We Camp, CapaCités) est avant tout le fruit d’une collaboration avec les résidents accueillis dans les structures d’hébergement d’urgence et de stabilisation qui ont été invité à s’approprier les lieux et s’impliquer dans le projet global. Il a permis pour certains d’entre eux d’enclencher une démarche d’insertion sociale et professionnelle. La conciergerie solidaire (réinterprétée dans le projet pérenne) : est un dispositif d’insertion par l’activité économique qui permet aux personnes en situation de grande précarité de reprendre une activité professionnelle progressive. L’objectif premier est ainsi d’ordre social et vise à permettre aux résidents des centres d’hébergement, accompagnés de travailleurs sociaux, de reprendre une activité à leur rythme. Les prestations sont diverses mais internes au site : agriculture et embellissement du site, entretien des voiries et gestion des déchets, service des repas à la cantine solidaire, entretien des locaux ou réponse à des besoins ponctuels des structures présentes sur le site. Au-delà des services d’entretien du site ces personnes en situation précaires ont également pu participer à l’activité d’associations, de start-ups ou d’artisans implantés aux Grands Voisins. La moitié des personnes passées par ce dispositif avaient, fin 2017, trouvé un emploi ou étaient en formation. La ressourcerie créative : est un lieu dédié à l’économie sociale et solidaire : vente d’objets et de déchets récupérés et réemployés, et ateliers de réparation et de création, gratuits pour les résidents des CHS. La galerie « les Arts Voisins » : est un espace destiné à l’exposition d’œuvres d’artistes, professionnels ou amateurs, travaillant ou habitant sur le site des Grands Voisins. La galerie a été pensée comme un lieu d’échanges et de dialogue entre les arts. Le projet a été impulsé par Maël Aïnine Cherif, une artiste-peintre résident dans l’un des centres d’hébergement d’Aurore.

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Les ateliers partagés (maintien dans la seconde phase de l’occupation temporaire) : ont été mis en place par des artistes et artisans désireux de partager leurs compétences, leur savoir-faire, mais aussi leurs moyens matériels. Ce partage prenait la forme de cours payants pour le grand public, moitié prix pour les Voisins et gratuits pour les résidents. L’objectif était avant tout de proposer un lieu de relations sociales, notamment à destination des personnes en situation précaire, animé par une dynamique d’apprentissage. La Lingerie (maintien dans la seconde phase de l’occupation temporaire) : était un bar-restaurant accueillant ponctuellement des évènements (débats, concerts, théâtres…). Lieu emblématique de l’animation et de l’attractivité du site, il fut mis en place et géré par l’association Yes We Camp dans la perspective d’ouverture du site au public. Le bar et la cuisine étaient gérés par l’équipe de l’association et des personnes en insertion professionnelle via le dispositif de la conciergerie solidaire. Les Comptoirs (maintien dans la seconde phase de l’occupation temporaire) : était un restaurant ouvert au public situé à l’entrée du site et dont les plats servis étaient préparés par les résidents des centres d’hébergement. Formés par les chefs cuisiniers de l’association Yes We Camp et accompagné par les équipes de l’association Aurore, les résidents ont peu à peu géré de manière autonome le restaurant atteignant 30 salariés fin 2017. Leurs prestations se sont même élargies à la vente de repas en dehors du site, et au maintien d’un restaurant dans la seconde phase de l’occupation temporaire qui sera géré uniquement par une équipe de résidents. Le Trocshop (maintien dans la seconde phase de l’occupation temporaire) : était un système d’échange de biens et services entre les structures résidentes des Grands Voisins dont l’objectif était de créer du lien entre toutes les personnes pratiquant le site. Les biens et les services échangé étaient convertis en monnaie temps avec des billets de 15, 30 et 60 minutes. A l’origine uniquement accessible aux Voisins, cette monnaie locale a été ouverte au grand public. Le Marché solidaire (maintien dans la seconde phase de l’occupation temporaire) : avait lieu une fois par mois et rassemblait à l’origine biffins , et résidents des Grands Voisins qui souhaitaient vendre leurs modestes biens ou productions. Cette démarche visait avant tout à lutter contre l’exclusion des biffins en aménageant un espace où ils sont autorisés à vendre. A l’image de ces personnes qui vivent du triage et recyclage des déchets, les organisateurs du marché veillaient au réemploi de toutes les matières avec une « zone de gratuité » en fin de marché, et une distribution des biens restants via des concours mis en place au Trocshop. Le marché s’est ensuite élargi et accueillait habitants du quartiers, producteurs, artistes et artisans locaux.

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Annexes

4/ Guides d’entretiens

Entretien avec Périnne DÉTRIE et Arthur POISSON (respectivement graphiste et artiste, membres de l’association Yes We Camp), à Nancy, le 14 Novembre 2017. Entretien téléphonique avec Hippolyte ROULLIER et Lucile PANOTIER (membres de la coopérative Plateau Urbain), le 17 Novembre 2017.

Les dynamiques collectives d’appropriation de l’espace public dans les projets de renouvellement urbain. Comment un aménagement éphémère en lien avec une population riveraine peut-il porter, accompagner, influencer le développement d’un quartier ? Comment concevoir des espaces publics en accord avec les pratiques habitantes dans les tissus urbains en développement ou rénovation ? Quels moyens pour améliorer durablement la vie dans les espaces publics des quartiers en développement ou renouvellement urbain ? Questionnaire destiné à des collectifs pluridisciplinaires intervenant temporairement sur des territoires urbains sans usages ou délaissés, par des aménagements légers, afin de les rendre accessibles et appropriables par les populations riveraines ou des associations. 1/ IDENTITE DU COLLECTIF - Nom - Statut (association, coopérative, collectif…) - Fondation du collectif et bref historique - Combien de personnes travaillent dans votre collectif ? Statut ? (Professions, salariés, bénévoles…) 2/ TERRITOIRES D’INTERVENTION -Comment êtes-vous amenés à réaliser vos projets ? Fait-on appel à vous ? Initiative de votre collectif ? Réponse à des appels d’offres ? - Sites publics ou privés ? -Sur quel type de territoire cherchez-vous à intervenir ? Friches en situation urbaine (hospitalières, militaires, industrielles, commerciales) Quartiers résidentiels défavorisés, excentrés, concernés par le PNRU, périurbain Centres anciens Espaces verts, parcs Autre ? Quelconque ?

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3/ L’OCCUPATION – OBJECTIFS ET CONTRAINTES -L’habitant, le riverain est souvent amené à participer dans vos projets. Pourquoi pensez-vous que c’est important ? Quelle forme cette participation prend-elle ? Quels sont les retours des participants ? - Vous intervenez sur des sites vacants, en friche ou peu attractif dans leur aménagement. Y-a-t-il des contraintes d’utilisation et d’aménagement de ce site ? Comment rendez-vous le site accessible au public ? (Aménagements, communication, légère rénovation) Quelles relations avec le propriétaire ? (Public ou privé) - Vos projets s’implantent généralement de manière temporaire, éphémère. Pour quelles raisons ? Est-ce une contrainte ou une volonté ? Vocation à durer ? Qu’avez-vous le droit de faire ? Obligations et interdictions ? - Financement des aménagements et du projet ? - Gestion de l’effectif, autres acteurs ? - Typologies d’intervention ? 4/ L’APRES-OCCUPATION - Quels types de projet prennent place après le vôtre : réhabilitation, renouvellement urbain, aménagement d’espaces publics, programme privé ? - Votre rôle dans ce projet ? (Conseil, médiation, participation au projet, inexistant) - Vos connaissances sur ce futur projet ? - Votre avis sur ces projets ? Satisfaction, déceptions ? - L’avis des habitants ? - Suivi de ce nouveau projet ?

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Entretien avec Anne CARNAC (responsable de l’opération Saint-Vincent-dePaul à la SPLA Paris Batignolles Aménagement), à Paris, 12 Janvier 2018. Sujet : L’urbanisme transitoire et expérimental, de l’aménagement éphémère au projet pérenne Quels enjeux des actions transitoires et expérimentales dans la mutation des friches urbaines ? I. Etat des lieux : histoire et formes de l’urbanisme transitoire, éphémère et expérimental II. Réinscrire les friches dans la ville à court terme : pratiques et usages mis en place III. Créer des laboratoires d’urbanisme, des espaces autorisant, lieux de collaboration et d’expérimentations IV. Influencer la fabrique de la ville : impacts sur la morphologie urbaine Questionnaire destiné à la SPLA Paris Batignolles Aménagement, aménageur de la ZAC Saint-Vincent-de-Paul à Paris dans le XIVe arrondissement, le 12 janvier 2018. 1/ IDENTITÉ ET FONCTIONNEMENT D’UNE SPLA - Qu’est-ce qu’un aménageur ? - Comment fonctionne Paris Batignolles Aménagement ? (Histoire, statut juridique, missions, objectifs, financements) - Quelle est la gouvernance d’une SPLA ? (Elus, politiques, professionnels) - Comment se déroule une opération d’aménagement (ZAC) ? (Intervenants, chronologie des interventions) 2/ L’HÔPITAL SAINT-VINCENT-DE-PAUL : LE PROJET DE ZAC - Depuis quand l’avenir de l’hôpital est-il questionné ? - Qui a participé aux cycles de concertation sur le devenir du site ? Comment a été désigné l’équipe de maîtrise d’œuvre urbaine ? - Comment et quand PBA s’est vu attribuer le rôle d’aménageur de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul ? (Rôle, conditions, objectifs) - Comment a été élaboré le projet ? Qui a participé à son élaboration ? (Choix de démolitions et conservations, définition des lots, programmes, densité bâtie, espaces verts…) - Quelle différence entre maîtrise d’œuvre urbaine et maîtrise d’œuvre des espaces publics ? 3/ L’HÔPITAL SAINT-VINCENT-DE-PAUL : L’OCCUPATION TEMPORAIRE DES GRANDS VOISINS - Comment s’est mis en place une occupation temporaire ? (Initiateurs, origines, intérêts des différentes parties en amont) - Pour quelles raisons a-t-on souhaité ouvrir le site au public en 2015 ? - Quelles conditions ont été donné aux association coordinatrices des Grands Voisins sur ce qu’elles pouvaient faire sur le site ? (Cadre juridique, normes ERP, cahier des charges) - Ces associations ont-elles bénéficié de financements publiques ?

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- Qui est à l’origine du prolongement de l’occupation temporaire de 2018 à 2020 ? PBA a-t-il joué un rôle dans l’existence des Grands Voisins ? - En quoi cette seconde phase se différencie de la première mis à part la diminution du périmètre dédié à l’occupation temporaire ? (Cadre juridique et financier, cahier des charges différent ?) - Quels sont les objectifs derrière la préfiguration du futur quartier ? - Quel(s) intérêt(s) voyez-vous à un aménagement temporaire d’un site destiné à être aménagé durablement ? (Image : moyen de communiquer sur le projet ; économique : gardiennage, maintien en état, taxe foncière ; « banque d’idées » pour concevoir le projet) 4/ LES GRANDS VOISINS ET LE PROJET D’ÉCOQUARTIER - L’expérience des Grands Voisins a-t-elle influencé le projet d’écoquartier ? - Sur quels aspects du projet ? (Programmes et usages, patrimoine et architecture, espaces publics, objectifs environnementaux et sociaux, communication…) - De quelle manière l’occupation temporaire a généré ces impacts sur le projet ? Réunions entre PBA, l’Equipe de maîtrise d’œuvre urbaine et les associations coordonnant l’occupation temporaire ? Préconisations spontanées de la part des Grands Voisins ? Inspirations suscitées par des structures installées dans les Grands Voisins ? - L’expérience des Grands Voisins a-t-elle suscité des conflits avec PBA ? (Désaccords sur le projet, dégradations) - Selon vous le projet de ZAC actuel serait-il le même si les Grands Voisins et l’occupation temporaire n’avait jamais eu lieu, si l’hôpital était resté en friche pendant 6 ans ? - Pensez-vous/Souhaiteriez-vous qu’une partie des Grands Voisins puisse se pérenniser dans le projet d’écoquartier ? (Un aménagement, des associations, des évènements…) 5/ L’URBANISME TRANSITOIRE : UNE DÉMARCHE SYSTÉMATISABLE ? - Répèteriez-vous l’expérience sur d’autres sites en devenir ? L’urbanisme temporaire a-t-il un rôle à jouer dans la préfiguration des opérations d’aménagement ? - Un aménagement temporaire en amont du projet est-il « systématisable, institutionnalisable » ? Est-ce déjà en cours ? - Quels changements seraient nécessaires dans le processus actuel d’aménagement du territoire ? (Prévoir un pourcentage de financement de l’occupation temporaire dans le budget de l’aménagement ; cadre légal adapté à un aménagement temporaire…)

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Entretien avec Marianne AUFFRET (élue en charge de l’Urbanisme à la mairie e du 14 arrondissement de Paris), à Paris, le 28 Février 2018 Sujet de mémoire : L’urbanisme transitoire, de l’aménagement éphémère au projet pérenne Quels impacts des occupations temporaires des friches urbaines sur leur planification ? I. Réinscrire les friches dans la ville : cadre et usages de l’occupation temporaire II. Réinterroger les modes de vie et le partage de la ville : innovations sociales III. Repenser les logiques d’acteur et inspirer le projet urbain : de l’occupation temporaire à l’urbanisme transitoire Questionnaire destiné à Marianne Auffret, élue en charge de l’Urbanisme à la mairie du XIVe arrondissement de Paris, le 28 février 2018. PRÉSENTATION - Depuis quand occupez-vous ce poste à la mairie de Paris ? Parcours professionnel ? - Quelles sont vos missions en tant qu’élue chargée de l’Urbanisme à la mairie du XIVe arrondissement de Paris ? 1/ L’HÔPITAL SAINT-VINCENT-DE-PAUL : LE PROJET DE ZAC - Depuis quand l’avenir de l’hôpital est-il questionné ? D’autres programmations ont-elles été imaginé avant l’écoquartier ? - Comment a été élaboré le projet ? Quels objectifs l’ont motivé ? (Choix du programme, des démolitions et conservations, définition des lots, densité bâtie, mixité sociale, espaces verts, …) - Comment a-été constitué l’équipe de maîtrise d’œuvre urbaine ? Place de l’animation / concertation dans cette équipe ? Rapport à l’occupation temporaire ? - Qui a participé aux cycles de concertation sur le devenir du site ? Des résidents des Grands Voisins ont-ils assisté à ces concertations ? L’occupation temporaire a-t-elle facilité ces concertations ? - Quels sont les principaux besoins ou manques du XIVe arrondissement en terme de programmation et d’aménagement ? (Espace public, espace vert, commerce de proximité, équipement culturels, habitat…) - Quelle image renvoie l’hôpital Saint-Vincent de Paul dans l’esprit des habitants du quartier ? - Cet équipement a-t-il une identité forte dans le quartier ? (Histoire, patrimoine architectural…) 2/ L’HÔPITAL SAINT-VINCENT-DE-PAUL : L’OCCUPATION TEMPORAIRE DES GRANDS VOISINS - Pourquoi a-t-on permis l’installation de centres d’hébergement d’urgence dans l’ancien hôpital Saint Vincent de Paul ? - Comment s’est mise en place l’occupation temporaire des Grands Voisins après l’installation des centres d’hébergement d’urgence ? (Initiateurs, volonté de diversification de l’occupation, conditions, intérêts…)

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- Pour quelles raisons a-t-on souhaité ouvrir le site au public en 2015 ? - Quelles conditions ont été donné aux association coordinatrices des Grands Voisins sur ce qu’elles pouvaient faire sur le site ? (Cadre juridique, normes ERP, cahier des charges) - Ces associations ont-elles bénéficié de financements publiques ? - Comment les riverains ont-ils perçu cette occupation temporaire ? Quels ont été les impacts des Grands Voisins sur la vie du quartier, le public ? 3/ LES GRANDS VOISINS ET LE PROJET D’ÉCOQUARTIER - Quand et pourquoi l’expérience des Grands Voisins a-t-elle suscité un intérêt pour (re)penser le projet de réaménagement de l’ancien hôpital ? - De quelle manière s’est développé ce rapprochement entre le projet urbain et l’occupation temporaire ? Réunions ? Qui ? Préconisations spontanées de la part des Grands Voisins ? Inspirations suscitées par des structures installées dans les Grands Voisins ? - La Mairie de Paris est-elle liée au prolongement de l’occupation temporaire de 2018 à 2020 ? - En quoi cette seconde phase se différencie de la première mis à part la diminution du périmètre dédié à l’occupation temporaire ? - Quels sont les objectifs derrière la préfiguration du futur quartier ? - Selon vous le projet de ZAC actuel serait-il le même si les Grands Voisins et l’occupation temporaire n’avait jamais eu lieu, si l’hôpital était resté en friche pendant 6 ans ? - De quelle manière le futur écoquartier peut-il s’inscrire dans la continuité des Grands Voisins ? - Quel(s) intérêt(s) voyez-vous à l’occupation temporaire d’un site destiné à être aménagé durablement ? 4/ L’URBANISME TRANSITOIRE : UNE DÉMARCHE SYSTÉMATISABLE ? - Répèteriez-vous l’expérience sur d’autres sites en devenir ? L’occupation temporaire a-t-elle un rôle à jouer dans la planification urbaine ? - Un aménagement temporaire en parallèle du projet est-il « systématisable, institutionnalisable » ? Est-ce déjà en cours ? - Comment intégrer l’occupation temporaire dans les procédures d’aménagement urbain ? - Quels changements nécessaires ? (Prévoir un pourcentage de financement de l’occupation temporaire dans le budget de l’aménagement ; cadre légal adapté à un aménagement temporaire…)

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