Greenpeace Magazine 02/24

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Débat Que faire pour soulager les eaux suisses?

Décryptage Quand les poissons meurent en silence

p. 29 Au fil de l’eau
p. 31 Greenpeace Member n o 02 / 24

talk about

climate change

La croissance illimitée n’existe pas: comment inverser la tendance pour renforcer notre bien-être collectif et protéger l’environnement? Inscrivez-vous dès maintenant à la 6 e édition des Conversations sur le climat de Ranft, qui se tiendra du 28 au 30 juin 2024.

Je me souviens de nos promenades en forêt lorsque nous étions enfants.

Notre mère n’était pas trop contente de nous voir ramener à la maison toutes sortes de choses que nous trouvions passionnantes: chenilles (pour élever des papillons), fourmis (pour leur bricoler une fourmilière), escargots (pour les mettre dans une maisonnette avec un toboggan)… Mais ce que je préférais, c’étaient les têtards, que l’on plaçait dans un terrarium fait maison où ils finissaient par se transformer en petites grenouilles. Nous étions fiers de les ramener dans la forêt pour qu’elles puissent vivre la belle vie dans leur étang. Une idée qui allait de soi autrefois, mais plus aujourd’hui.

Car notre biodiversité se dégrade. Une situation qui n’épargne malheureusement pas les milieux aquatiques. Les eaux suisses et les êtres vivants qu’elles abritent souffrent des conséquences de la crise climatique. Mais pendant que les poissons (p. 29) et les crapauds (p. 36) luttent pour leur survie, les responsables politiques

mieux ailleurs: dans le delta du Da nube, les êtres humains et les animaux craignent pour leur avenir (p. 16) tandis qu’en Afrique, le lac Victoria est en danger (p. 10).

Nous espérons que cette édition du magazine saura vous intéresser et vous toucher. Pour que les enfants du futur puissent, eux aussi, aller à la découverte des poissons, têtards et autres habitants de nos lacs et cours d’eau.

Éditorial Let’s
Couverture: Tobias Kruse zentrumranft.ch/conversationssur-le-climat-de-ranft

Défendre le delta

Le lac Victoria menacé

Éditeur / adresse de la rédaction: Greenpeace Suisse Badenerstrasse 171

8036 Zurich

Téléphone 044 447 41 41 redaction@greenpeace.ch www.greenpeace.ch

Équipe de rédaction: Danielle Müller (responsable), Franziska Neugebauer (iconographie)

Relecture / fact-checking: Marco Morgenthaler, Marc Rüegger, Danielle Lerch Süess

Traduction en français: Karin Vogt

Textes: Tobias Asmuth, Jara Petersen, Christian Schmidt, Valerie Thurner

Photos: Tobias Kruse, Frédéric Noy

Illustrations: Jörn Kaspuhl, Raffinerie, Janine Wiget

Graphisme: Raffinerie

Lithographie: Marjeta Morinc

Impression: Stämpfli AG, Berne

Papier couverture et intérieur : 100 % recyclé

Tirage: 75 000 en allemand, 13 000 en français

Parution: quatre fois par an

Le magazine Greenpeace est adressé à l’ensemble des adhérent·es (cotisation annuelle à partir de 84 francs). Il peut refléter des opinions qui divergent des positions officielles de Greenpeace.

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Prière de nous annoncer les changements: suisse@greenpeace.org ou 044 447 41 71

Dons: CH07 0900 0000 8000 6222 8

Dons en ligne: greenpeace.ch/dons

Visite de l’une des plus grandes réserves de biosphère d’Europe, où les êtres humains et la nature craignent pour leur avenir.

International
p. 10 Éclairage Soutenir la sécurité alimentaire p. 33 Sommaire
Reportage
p. 16 IMPRESSUM GREENPEACE MEMBER 2/ 2024 Action 4 Progrès 6 Des paroles aux actes 7 Engagement 9 International 10 Actuel 14 Faits & chiffres 15 Reportage 16 Décryptage 29 Do it yourself 30 Débat 31 Éclairage 33 Mes volontés écologiques 33 Énigme 34 Le mot de la
35 Spotlight 36
fin
Action

Des militant·es Greenpeace manifestent, avec d’autres groupes de la société civile et des ONG, pour réclamer la justice climatique et le respect des droits humains à l’occasion de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP28). Dubaï, 9 décembre 2023

Photo: © Marie Jacquemin / Greenpeace

Pesticide interdit

À l’été 2023, Greenpeace Royaume-Uni et Public Eye ont mené une enquête concernant l’impact désastreux du chlorothalonil sur les êtres humains et l’environnement au Costa Rica. En Suisse, ce pesticide est interdit depuis 2019 en raison de ses effets cancérigènes. Fin 2023, le gouvernement du Costa Rica a cédé à la pression de Greenpeace et d’autres organisations environnementales en interdisant la production, la vente et l’importation du chlorothalonil.

Action judiciaire victorieuse

En janvier, Greenpeace Norvège a saisi le tribunal de district d’Oslo, en collaboration avec Natur og Ungdom (Nature et jeunesse). Les deux organisations s’opposaient aux plans de production du ministère de l’Énergie pour trois champs pétroliers et gaziers en mer du Nord. Elles ont eu gain de cause, et l’exploitation des gisements de Breidablikk, Yggdrasil et Tyrving a été immédiatement stoppée. «Nous saluons ce verdict attendu et écrasant rendu par les juges», déclare Frode Pleym, responsable de Greenpeace Norvège.

Patrimoine mondial de l’Unesco sauvé

Le lac de Neusiedl et ses paysages, dans le parc national de Ferto˝Hanság en Hongrie, sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2001. La Hongrie voulait pourtant y construire un site touristique de 77 hectares avec un complexe hôtelier, un parc de loisirs et un port de plaisance. Greenpeace a porté l’affaire devant la justice et gagné le procès. Le mégaprojet devra être redimensionné. «Notre lutte sur quatre ans aux côtés de la population locale a permis de réduire le nombre et la hauteur des bâtiments prévus dans le nouvel appel d’offres. L’idée est désormais de privilégier un écotourisme plus durable en harmonie avec la nature», se réjouit Greenpeace Hongrie. Le lac de Neusiedl devrait ainsi rester un paradis pour la faune et la flore de la région.

Progrès
Photo: © Mitja Kobal / Greenpeace Photo: © José Díaz Photo: © Rasmus Berg / Greenpeace

Esther Kern, auteure et cultivatrice

Réinventer les légumes

À la fois journaliste, auteure et food scout, Esther Kern s’intéresse depuis toujours à la nourriture. Les activités de cette adoratrice des légumes tournent autour des tubercules, feuilles et autres tiges comestibles. «Nous avons encore beaucoup à découvrir sur les légumes», affirme-t-elle comme si elle parlait d’une véritable aventure, avec ses détours et ses imprévus. Pour elle, les légumes sont bien davantage qu’un accompagnement souvent trop cuit. Sa démarche veut éveiller l’envie d’expérimenter. Car en matière d’alimentation, nous avons tendance à choisir ce que nous connaissons déjà, alors qu’il y a tout un monde à explorer.

Esther Kern travaille surtout sur les légumes cultivés en

Suisse, qu’elle cherche à utiliser intégralement pour éviter tout déchet. Mais il lui arrive aussi de tester des fruits et des légumes étrangers. En ce moment, elle invente de nouvelles façons d’utiliser les écorces d’agrumes, que nous jetons au compost au lieu de les intégrer à des plats cuisinés, comme on le fait dans les pays du Sud. Esther Kern a publié un livre de cuisine intitulé Leaf to Root, qui propose notamment des recettes de fanes de carottes et d’écorces de pastèque. Par analogie avec l’approche nose to tail pour les produits carnés, elle valorise les parties de légumes et de fruits généralement considérées comme non comestibles ou inutilisables.

La recherche du bon goût est également à l’origine de son projet culinaire Veg-Alp. Avec son complice Jann Hoffmann, Esther

Kern a élaboré une alternative végétalienne aux produits d’alpage que sont le fromage et la viande. La betterave rouge devient ainsi de la viande des Grisons ou un steak, dont la consistance se rapproche de celle des produits originaux. Et contrairement aux escalopes et autres saucisses véganes vendues en supermarché, le steak de betterave de Veg-Alp n’a rien d’industriel. Mais ce n’est pas tout: le duo concocte un nouveau produit à base de légumes qui sera bientôt proposé à la vente.

Texte: Jara Petersen
veg-alp.com Des paroles aux actes 7
Illustrations pages 7 et 8: Jörn Kaspuhl a terminé ses études d’illustrateur à l’Université de Hambourg en 2008. Après un long séjour à Berlin, il vit et travaille de nouveau dans la ville hanséatique.

Sacs à dos durables

Texte: Fabienne Wich, Greenpeace Suisse

Toute industrie doit se responsabiliser pour assurer la gestion de ses déchets: tel est le crédo de Jochen Smuda et Martin Fussenegger. Les deux fondateurs de la marque de sacs à dos berlinoise Ucon Acrobatics ont entrepris de révolutionner l’industrie de la mode. En recyclant les fibres textiles synthétiques pour en faire de nouveaux fils, le label entend s’attaquer au problème mondial des déchets de l’industrie textile.

Aujourd’hui, la plupart des vêtements usagés exportés sont mis en décharge ou incinérés. Le recyclage ne concerne que 0,6 % du volume mondial. «Il y a trop de déchets et on ne peut pas tout envoyer en Afrique», constatent les deux responsables à la tête d’une équipe de neuf personnes. Pour

eux, le problème est que ces matières sont considérées comme dépourvues de valeur, raison pour laquelle le retraitement commercial ne se fait pas. D’où l’idée d’utiliser des déchets textiles pour créer des produits recyclables. Les grands acteurs du secteur soutiennent pourtant que les procédés de recyclage ne sont pas encore rentables. «C’est ridicule. Les méthodes existent et nous sommes la preuve qu’elles sont économiquement viables», affirment Jochen Smuda et Martin Fussenegger.

Ces dernières années, des installations pilotes en Asie ont montré que le recyclage fonctionne. Cette activité est appelée à se développer à grande échelle sur ce continent dans un futur proche. Les deux entrepreneurs sont convaincus que l’Europe doit suivre le mouvement, même s’ils jugent leur label

Infos sur les sacs à dos

trop petit pour porter le mouve ment. Leur rôle est donc d’inspirer les grandes entreprises à s’engager sur cette voie. Celles-ci présentent occasionnellement des collections durables dans une optique de marketing, mais cela ne suffit pas aux yeux des créateurs d’Ucon Acrobatics. Pour un véritable changement, les responsables politiques auront un rôle à jouer, notamment pour mettre fin aux activités polluantes de l’industrie de la mode.

En attendant, Jochen Smuda et Martin Fussenegger prévoient de généraliser le recyclage textile à l’ensemble de leurs créations d’ici fin 2024. «Il y a urgence face à la crise climatique. C’est pourquoi nous voulons avancer avec courage, innovation et transparence, en montrant que c’est faisable. Si nous réussissons, d’autres en seront capables également.»

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Des paroles aux actes
Jochen Smuda et Martin Fussenegger, fondateurs d’Ucon Acrobatics

Oui à la transition énergétique!

Le 9 juin, la Suisse votera sur la loi sur l’électricité, un référendum ayant été lancé contre ce projet. Greenpeace donne quatre raisons de s’engager en faveur de l’adoption de la loi.

1 Régression Progrès 2 3 Punir Récompenser Protéger

Détruire

La loi fédérale relative à un approvisionnement en électricité sûr est un élément clé pour mettre en œuvre la loi climat adoptée l’an dernier par près de 60 % de la population. Elle permettra à la Suisse de surmonter sa dépendance aux énergies fossiles comme le pétrole et le gaz, qui proviennent souvent d’États belliqueux et qui nuisent énormément au climat et à la nature. Le nucléaire deviendra ainsi superflu en Suisse.

La loi sur l’électricité assure la stabilité des prix et récompense les économies d’énergie. Nous devons réduire notre consommation d’énergie pour protéger le climat et assurer l’approvisionnement, mais aussi décarboner les transports, le bâtiment et l’industrie. La loi permet la constitution de communautés électriques locales associant production et consommation pour une utilisation efficace du courant.

Protéger les paysages naturels intacts est essentiel pour Greenpeace Suisse. La nouvelle loi préserve les biosphères d’importance nationale. L’opposition aux projets de parcs éoliens et solaires reste possible. Réalistement, la plupart des nouvelles installations solaires seront construites sur des infrastructures existantes, car la loi impose des panneaux solaires sur les toits de plus de 300 mètres carrés. Et les installations au sol peuvent être démontées à tout moment sans dommage.

Avantages 4 Risques

Même en cas de rejet de la loi, la construction de centrales solaires, éoliennes et hydroélectriques dans les Alpes resterait possible. Voter «non» ne protégerait donc pas la nature, mais ferait reculer la politique énergétique tout en favorisant la construction de centrales nucléaires ou à gaz. Pour Greenpeace, les avantages de la loi l’emportent ainsi clairement sur les risques.

9 Engagement

LA LUTTE POUR SAUVER LE LAC VICTORIA

10 International
La nuit tombe sur la baie de Bugala, en Ouganda. Un pêcheur éteint la flamme d’une lampe à huile posée sur un support en bambou.

La pollution et la surpêche menacent le plus grand lac d’Afrique, mettant en danger les moyens de subsistance de millions de personnes. L’urbanisation et le manque d’infrastructures détruisent l’habitat de centaines d’espèces de poissons. Les investissements importants consentis par les banques de développement n’ont pas résolu le problème. Mais une start-up kényane développe des solutions.

Autrefois considéré comme le «vivier de Darwin», le lac Victoria en Afrique de l’Est était une merveille de biodiversité abritant plus de 500 espèces de poissons endémiques, dont de nombreux cichlidés, et d’autres organismes aquatiques. Sa superficie de 68 000 kilomètres carrés en fait le deuxième plus grand lac d’eau douce du monde et une source de subsistance pour environ 50 millions de personnes, dont 8 millions dépendent directement de la pêche à petite échelle. Or son équilibre

écologique est gravement compromis par l’exportation excessive de poisson et par le déversement continu de nutriments et de produits chimiques. Ceux-ci proviennent de l’agriculture, de l’industrie et des ménages et sont acheminés par une vingtaine d’affluents. Ces dix dernières années, le lac Victoria a vécu l’une des plus grandes extinctions d’espèces jamais documentées, perdant environ 60 % de ses stocks de poissons.

Urbanisation rapide

L’urbanisation progresse très rapidement en Afrique de l’Est.

L’exode rural des jeunes à la recherche d’un emploi fait grossir les centres urbains, historiquement situés le long des rivières ou dans des baies. La gestion des déchets et le traitement des eaux usées ne suivent pas la croissance exponentielle des villes autour du lac Victoria et le long de ses affluents au Kenya, en Ouganda et en Tanzanie. Les villes petites et moyennes ne parviennent à retraiter que 10 à 20 % de leurs eaux usées, le reste se déverse dans les rivières et finalement dans le lac. À cela s’ajoutent les produits chimiques rejetés par les usines de Kisumu, Mwanza ou

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Bukoba, Tanzanie. Après une nuit de tempête, les bateaux des petits pêcheurs de Dagaa sont amarrés à la plage, survolés par des hérons blancs en quête de poisson. Texte: Valerie Thurner Photos: Frédéric Noy

Kampala. Du fait de l’agriculture commerciale et du déboisement le long des rivières, la saison des pluies favorise l’érosion des sols fertilisés qui répandent leurs nutriments dans le lac. Avec des conséquences sanitaires problématiques, car l’eau contaminée du lac et de ses affluents est utilisée pour cuisiner et faire la lessive, propageant la fièvre typhoïde et d’autres maladies diarrhéiques.

Coopération politique insuffisante

Si les pays riverains sont conscients du problème, leurs intérêts économiques font obstacle à une gestion transfrontalière de l’eau. Depuis 2003, la Commission du bassin du lac Victoria fait office d’autorité de coordination. Créée sous l’égide de la Communauté d’Afrique de l’Est, elle est censée favoriser le développement économique tout en préservant la région du lac, qui inclut également le Rwanda et le Burundi, pays situés sur la rivière Kagera, une des sources du Nil et principal affluent du lac. Il s’agit de mettre sur pied une structure institutionnelle pour toutes les eaux intérieures de la région, avec le soutien de la Société allemande de coopération internationale et d’autres agences.

Un système d’information doté d’un mécanisme de surveillance et d’échange de données permettrait de documenter efficacement la qualité de l’eau et d’orienter les investissements. La coopération s’avère toutefois lente et difficile, et les projets d’infrastructures de la Banque mondiale et de ses partenaires pour le traitement des eaux usées n’avancent pas vraiment.

L’ONU estime qu’environ 2,4 milliards de personnes dans le monde ne sont pas raccordées à un système d’assainissement ou de traitement des eaux usées. Depuis les années 1990, des centaines de millions de dollars ont pourtant été investis dans ce domaine, avec

un bilan très mitigé. Les stations d’épuration comme celle de la ville portuaire de Kisumu, au Kenya, ne couvrent pas les besoins locaux et ne satisfont pas aux normes internationales minimales. Dans le Sud global, l’heure est donc aux innovations locales et peu coûteuses visant à assurer une gestion écologique des ressources.

La jacinthe d’eau, plante versatile

Les solutions sont parfois à portée de main. La jacinthe d’eau, plante ornementale introduite dans le lac Victoria par les rivières il y a quelques décennies, envahit des pans entiers du littoral, empêchant les pêcheurs d’accéder aux zones de pêche. Contrairement à d’autres organismes aquatiques, elle se développe parfaitement dans un environnement surfertilisé. Selon certaines études, elle favorise la propagation de la bilharziose, une maladie transmise par des parasites.

Malgré cela, l’entreprise kényane Biogas International s’intéresse précisément à la jacinthe d’eau. Sa mission est de transformer les déchets biodégradables et les scories en gaz de cuisson pour remplacer le charbon de bois, couramment utilisé. Sa station pilote près de Kisumu produit du biogaz, notamment à partir de la «mauvaise herbe du lac de Victoria». Dominic Kahumbu, le fondateur de l’entreprise, a étudié les caractéristiques de la plante avec son équipe.

Les études ont mis en évidence un effet anti-inflammatoire, mais aussi des propriétés purifiantes. Dominic Kahumbu est convaincu que la jacinthe d’eau est une sorte de station d’épuration naturelle. Sur le modèle des barrages pétroliers, il développe actuellement une méthode pour nettoyer les rivières en aval des villes situées sur les affluents du lac Victoria. «Nous laissons pousser la jacinthe d’eau dans les rivières en

créant une sorte d’éponge, dont nous prélevons régulièrement la partie usagée. Nous avons ainsi un système qui purifie l’eau tout en fournissant des matériaux pour les engrais, le papier ou les meubles.» Ce serait aussi une bonne source de revenus pour les jeunes adultes, estime Dominic Kahumbu. Lui et son équipe s’étonnent que les propriétés intéressantes de la plante ne soient pas valorisées jusqu’à présent.

La lutte contre la jacinthe d’eau est actuellement soutenue par des fonds de développement. La Commission du bassin du lac Victoria, qui coordonne les investissements de la Banque mondiale, se montre toutefois sceptique quant au projet de Biogas International et demande une étude de faisabilité. Celle-ci a été lancée récemment, et le ministère de l’Environnement du comté de Kisumu a assuré sa participation au projet pilote. Il ne manque plus que l’argent nécessaire. «Dès que nous aurons examiné l’étude de faisabilité, nous serons prêts à lancer des projets à l’échelle nationale. Notre méthode pourrait servir partout dans le monde. Car la jacinthe d’eau est un joyau, la carte d’invitation de Mère Nature pour accéder à l’eau potable», soutient avec conviction Dominic Kahumbu.

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À un jet de pierre de la capitale ougandaise, un pêcheur clandestin remet à l’eau son embarcation cachée sous les arbres pendant la journée.

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Dans une zone humide aux abords du lac, un homme nettoie des sacs en plastique récupérés dans une décharge pour les revendre. Le colorant bleu des sacs se dissout dans l’eau et finit dans le lac.

La vie plutôt que la croissance

Le 54e Forum économique mondial s’est tenu en janvier à Davos. Comme chaque année, des leaders politiques et économiques du monde entier se sont rendus dans les Grisons à bord de leurs avions privés pour plaider la cause d’une «croissance verte». Face à l’impératif de croissance, Greenpeace Suisse n’a pas manqué l’occasion d’envoyer un signal, ou plus précisément de poser son empreinte. Sur le haut plateau de Dreibündenstein, l’artiste britannique Simon Beck et sept militant·es ont passé une douzaine

d’heures à dessiner un motif sur une surface de neige équivalente à deux terrains de football. La forme géométrique choisie est un salut à la beauté de notre planète et à ses êtres vivants, qui sont tous connectés les uns aux autres. «La contrainte de la croissance aggrave les crises sociales et environnementales. Greenpeace demande des politiques qui renforcent notre potentiel de vie au lieu de le mettre en péril», a déclaré Agnes Jezler, spécialiste du changement chez Greenpeace.

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Photo: © Greenpeace

Un artiste graffeur zurichois amoureux de la nature

Harald Naegeli, 84 ans, a toujours trouvé dans l’environnement une source d’inspiration: les nuages, l’eau, l’herbe, les arbres… Logiquement, il s’est indigné contre la destruction de la nature tout au long de sa vie. Mais il a exprimé sa colère de manière très particulière. Avec ses bombes de peinture, il a parcouru la ville de Zurich dans l’obscurité, taguant mur après mur. Ses personnages, slogans et messages étaient une protestation contre la grisaille d’une urbanisation forcenée. Aujourd’hui, ses œuvres font partie de la culture suisse.

Cette action courageuse, cette rébellion contre l’injustice et cet engagement pour un monde durable sont aussi au cœur de la démarche de Greenpeace. En 2021, le graffeur zurichois avait déjà soutenu l’organisation en donnant une sélection de ses œuvres pour une vente aux enchères à l’occasion du 50e anniversaire de Greenpeace. Aujourd’hui, il nous soutient à nouveau en signant une édition limitée à 150 posters de son dessin à l’encre Krebs. Les bénéfices de la vente seront reversés à la campagne de protection des océans.

2 %

L’eau de fonte des glaciers alimente de nombreux cours d’eau en Suisse. Elle représente environ 8 % du débit annuel, donc du volume d’eau qui parvient dans les rivières suisses tout au long de l’année. Sans protection du climat, cet apport se réduira à 2 % d’ici la fin du siècle.

500 lacs

La fonte des glaciers fera par ailleurs apparaître de nouveaux lacs, ruisseaux et zones alluviales. Une équipe de recherche de l’Université de Zurich estime que le nombre de nouveaux lacs alpins pourrait atteindre cinq cents. Ceux-ci pourraient servir de réservoirs d’eau grâce à la construction de barrages.

500 ans

Ces dernières décennies, l’Europe est confrontée à un nombre exceptionnel d’inondations. Selon les statistiques, cela fait cinq siècles qu’il n’y avait plus eu autant d’inondations que durant ces trente dernières années.

3,2° C

Si le niveau des cours d’eau augmente, leur température grimpe également. En prenant de sérieuses mesures de protection du climat, nous pourrions limiter le réchauffement des cours d’eau en Suisse à 0,85° C à la fin du siècle. En l’absence de mesures fortes, l’augmentation de température pourrait atteindre 3,2° C.

+ de polluants

La crise climatique s’accompagne de fortes précipitations qui affectent les plans et les cours d’eau. Du fait du ruissellement de surface et de l’érosion des sols, les pluies abondantes transportent les pesticides et le phosphore de l’agriculture dans les eaux, un phénomène qui concerne aussi les microplastiques des pneus de voiture.

Source: Office fédéral de l’environnement (OFEV), Effets des changements climatiques sur les eaux suisses, Berne, 2021

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DÉFENDRE LE

Le delta du Danube est un gigantesque organisme vivant. La pollution passée et présente, le dérèglement climatique et la guerre en Ukraine sont autant de menaces qui pèsent sur cette merveille de la nature. Visite chez celles et ceux qui se soucient de son avenir.

DELTA
Texte: Tobias Asmuth Photos: Tobias Kruse

Peu avant son embouchure, le Danube se divise en plusieurs branches. Il s’écoule à la fois vers le nord et vers le sud, déversant généreusement son eau dans un grand nombre de bras et de lacs. Fatigué par son long voyage, il hésite sur le dernier tronçon jusqu’à la mer Noire, flânant et traînant à droite et à gauche. Son delta est un habitat unique pour la faune et la flore, mais un lieu de vie difficile pour les humains.

La porte d’entrée du delta est la ville roumaine de Tulcea. Au bord de l’eau, comme chaque matin, des hommes pêchent le poisson. Sous le cri des mouettes, ils partagent leurs maigres prises avec les chats qui attendent patiemment. Sur un quai, Mihai Do roftei et ses collègues de l’Institut national du delta du Danube montent à bord d’un bateau.

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Des chevaux sauvages à la recherche d’espaces verts dans le delta du Danube.

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Une installation industrielle vétuste datant de l’époque communiste s’élève à l’horizon.

Débit irrégulier

Les scientifiques veulent prendre le pouls du fleuve. En raison du changement climatique, le débit du Danube devient irrégulier, ce qui menace d’ensabler les bras latéraux. «Le delta est comme un corps dont les veines sont irriguées d’eau. Mais les capillaires n’en reçoivent plus assez. Nous surveillons un programme qui vise à ramener l’eau partout», déclare Mihai Doroftei, tandis que le bateau lève l’ancre et met le cap sur le delta.

Pour gagner du temps, les méandres du Danube ont été en partie canalisés en ligne droite vers la côte. Le plus grand canal est celui de Sulina, large de plus de cent mètres et bordé de murs de pierre destinés à protéger les rives des vagues des cargos. Les bovins, de plus en plus nombreux dans la région, paissent sur les berges. L’État subventionne leur achat, ce qui pousse parfois les agriculteurs à brûler la forêt alluviale pour créer de nouveaux pâturages.

Folie destructrice

Sur une surface correspondant au canton du Valais, le delta illustre les comportements humains qui rapprochent notre planète de ses points de basculement écologiques: exploitation désinvolte de la nature, insouciance à l’égard des bases de notre existence, recherche du profit. En cours de route, János Botond Kiss, 82 ans, explique que le delta souffre depuis des décennies. Ce biologiste retraité connaît la région depuis plus de soixante ans.

Après la révolution de 1989, il a mis sur pied un groupe de défenseurs de la nature («la première police écologique du pays») et rédigé des centaines d’articles scientifiques sur la faune roumaine. Il tient tout particulièrement aux centaines de milliers d’oiseaux migrateurs qui font halte sur les lacs du delta au printemps et en automne, et qu’il observe souvent avec ses jumelles. Heureusement que l’époque du dictateur Ceaus¸escu,

Vue du bras de Sulina, défluent du Danube, en mai 2023.
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Page 20, en haut à gauche: Un serpent se fraie un passage sur la rive du Danube.

Page 20, en haut à droite: Le soleil couchant fait briller le delta d’un éclat rougeâtre.

Page 20, en bas: À Tulcea, des pigeons se battent pour manger.

qui voulait assécher tout le delta et le transformer en usine agricole, est révolue.

Le bateau s’engage dans une branche latérale d’où part un bras encore plus petit. Une drague amarrée déverse bruyamment de la boue sur la rive. L’embarcation se dirige prudemment vers la berge. Mihai Doroftei saute à terre pour prendre des photos et noter des noms de plantes dans un carnet à spirales. «Sur la vase, on trouve surtout des espèces invasives, dit-il. Un effet indésirable de nos efforts de déblaiement des bancs de sable pour rétablir le cycle de l’eau.»

Une biodiversité spectaculaire

Nous poursuivons notre route sur des voies d’eau de plus en plus étroites, presque englouties par les buissons qui bordent les rives. Le vent s’engouffre dans les branches des saules et fait danser les roseaux qui bruissent. Les scientifiques ressemblent à un groupe d’amis en excursion. Mais ils discutent surtout des animaux et des plantes du delta: le pygargue à queue blanche, la cigogne noire, l’ibis, le bihoreau gris, le pélican, le renard roux, la loutre, le phoque moine, le roseau, le nénuphar blanc et jaune…

Si la biodiversité du delta est spectaculaire, avec ses quelque 5200 espèces animales et végétales, elle se dégrade depuis des années. Le changement climatique fait migrer certains oiseaux vers le nord, dans des régions plus froides. Et les stocks de poissons sont menacés. «Les périodes de frai sont décalées. Il faudrait adapter les règles de protection, mais les autorités restent passives», constate Mihai Doroftei. Les chances de survie des poissons sont compromises. Le fait que la pêche soit, avec le tourisme, la seule source de revenus pour la population du delta, n’arrange rien.

Diminution des prises

C’est le cas de Mihai Butalchin, 34 ans, pantalon treillis et t-shirt vert. Ils sont environ un millier de pêcheurs professionnels dans le delta. «Mais nous ne sommes que 600 à pêcher toute l’année. Les autres font des excursions en bateau pour le tourisme en été», précise-t-il dans son campement, une cabane recouverte de roseaux séchés et des remises autour desquelles errent de maigres chatons. C’est son point de chute pour contrôler les nasses qu’il a posées dans les lacs environnants. Toutes ont des marques en métal, contrôlées périodiquement par les rangers responsables de la protection du delta.

Depuis la mise en place de la réserve de biosphère en 1990, 72 % de la superficie du delta est protégée. L’objectif de ces régions modèles instaurées par l’Unesco est de réaliser un développement durable sur le plan écologique, économique et social. Les pêcheurs ne peuvent donc pas jeter leurs filets n’importe où.

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Et les méthodes illégales, comme la pêche électrique, ne sont plus tolérées. Malgré cela, Mihai Butalchin constate une diminution de ses prises de sandres et de brochets. Les perches qu’il capture sont de plus en plus petites. Il pointe les pêcheurs amateurs qui sont partout, au milieu des roseaux ou dans des bateaux. S’ils ne peuvent théoriquement pêcher que pour leur propre consommation, nombre d’entre eux vendent dans les faits leurs poissons aux restaurants. Cela vaut même pour l’esturgeon, une espèce strictement protégée.

La période faste est révolue depuis longtemps, dit Mihai Butalchin en montrant une vieille photo en noir et blanc de son grand-père. L’homme au regard fier a été décoré à plusieurs reprises pour avoir atteint les quotas de pêche. Ses décorations brillent sur sa poitrine comme des voyants lumineux. Son petit-fils Mihai rêve d’aquaculture. Ce serait la solution, pense-t-il, les stocks pourraient se reconstituer et il aurait enfin un revenu stable.

Pour un tourisme lent

Les scientifiques de l’Institut du delta du Danube sont sceptiques. L’aquaculture est coûteuse, exigeante et polluante en raison de l’utilisation de nutriments et d’antibiotiques. Selon eux, il y a tout simplement trop de pêcheurs. Mais c’est délicat de le dire, car où pourraient travailler les gens? Dans le tourisme? Le chercheur Mihai Doroftei fait la grimace. La réponse à cette question est tout aussi délicate. «Le tourisme est notre principale source de revenus. Mais sous sa forme actuelle, il détruit le delta.» Sur fond de vrombissement du moteur hors-bord, il évoque un autre tourisme, plus durable et surtout plus lent.

Car les ports de Tulcea, Sulina ou Sfântu Gheorghe sont envahis de bateaux élégants et rapides qui promettent à la clientèle de lui faire découvrir les plus beaux endroits du delta en quatre heures. «Cela n’a aucun sens, commente Mihai Doroftei en secouant la tête. Les gens viennent dans ce paysage exceptionnel, mais ils filent à travers les canaux sans voir grand-chose.» Ce tourisme à la journée nuit à la nature tout en générant moins de revenus qu’un séjour plus long. Son institut travaille sur un plan de promotion d’un tourisme plus durable: observer les oiseaux au lieu de faire une course de bateau. Malheureusement, l’interdiction des bateaux rapides semble hors de question.

Découvrir le delta à la rame

Devant les rives boueuses du village de Mila 23, le hurlement des bateaux rapides se mêle au bruit des paquebots de croisière. Des chansons populaires roumaines flottent dans l’air, interrompues par l’omniprésent Beau Danube bleu de Johann Strauss. Le 23 accolé au nom du village se réfère au nombre de miles qui séparent

Page 22: L’épave du Turgut Usta devant la côte de la mer Noire.

Page 23: Ce pêcheur dans le camp La Nea Simion fait face à un avenir sombre.

Page 25, en haut à gauche: Une cigogne en plastique perchée devant un snack-bar fermé.

Page 25, en haut à droite: Un bac transporte un camion d’une rive à l’autre du Danube.

Page 25, en bas: Sur la plage de Sulina, il est fréquent de voir des oiseaux morts.

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le Danube de la mer Noire. Ivan Patzaichin, canoéiste légendaire qui a remporté quatre médailles d’or et trois d’argent aux Jeux olympiques entre 1968 et 1984, est originaire de la région. Tout comme Victor Vasiliu, 27 ans, qui aimerait gagner sa vie en organisant des excursions en canoë dans le delta. Il ne veut pas transporter sa clientèle à toute vitesse à travers les canaux, mais lui faire découvrir la nature en ramant.

Lors d’une excursion en bateau sur les lacs qui entourent son village, Victor Vasiliu raconte qu’autrefois, tous les hommes de Mila étaient pêcheurs. Mais le métier n’a plus d’avenir. «Si la surpêche affecte les côtes d’un grand pays comme la France, le delta y sera d’autant plus confronté.» Tout en contrôlant le volant de l’embarcation avec les genoux pour se rouler une cigarette, il raconte avoir postulé pour un emploi de ranger. Sans succès, car il n’a pas de formation, comme la plupart des habitants de Mila 23 ou de Sulina. La majorité des rangers viennent de Bucarest. Pourtant, le delta n’a aucun secret pour lui. «Je connais chaque pélican par son nom», sourit-il sous ses Ray-Ban. En effet, aucun martin-pêcheur ni serpent d’eau n’échappe à son regard. Pas plus que les canettes de bière flottant sur l’eau, qu’il récupère avec patience.

Victor Vasiliu n’obtiendra jamais de prêt auprès d’une banque pour commencer son activité. En compagnie d’un ami, il veut néanmoins se lancer cet été, avec quelques canoës d’occasion. D’ici là, il s’engagera sur un chalutier au large des côtes écossaises pour gagner sa vie.

Victimes de la guerre en Ukraine

Au large du delta, des cargos sont à l’arrêt à l’entrée du canal de Sulina. Peu à peu, ils pénètrent dans le canal, trop étroit et trop peu profond à certains endroits. Ils défilent devant le vieux phare, les maisons bourgeoises du XIXe siècle, les immeubles préfabriqués socialistes et les usines de conserves désaffectées. Les bateaux remontent le canal roumain jusqu’aux ports ukrainiens sur le Danube, Ismail ou Reni, pour y charger les céréales qui ne peuvent plus être expédiées uniquement par Odessa, après les bombardements russes. Avec leur cargaison, ils retourneront en mer Noire, à Constanta, où les céréales seront transbordées sur des bateaux plus grands pour être acheminées dans le monde entier.

Ce trafic causé par la guerre est problématique pour le delta. «Les bateaux attendent pendant des jours avec le moteur qui tourne, ils déversent de l’eau et du pétrole, et introduisent des espèces invasives», explique Halyna Morhun. La jeune scientifique ukrainienne étudie la qualité de l’eau du Danube. Celle-ci s’est nettement dégradée, notamment parce que les navires surdimensionnés remuent les sédiments au fond.

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Page 27: De nombreuses carcasses de dauphins s’échouent sur les côtes du delta.

Le Danube pousse paresseusement ses eaux brunes dans la mer bleue. Le puissant fleuve, qui traverse la moitié de l’Europe sur 2850 kilomètres, se dissout en silence, presque imperceptiblement. Sur les plages, on retrouve régulièrement des carcasses de dauphins, victimes silencieuses de la guerre en Ukraine. Les explosions en mer et l’utilisation des sonars militaires ont détruit leur système de navigation. Tout un symbole des dangers qui planent

Tobias Asmuth, né en 1971 à Dortmund, vit à Berlin. Il écrit pour des magazines et des journaux en Allemagne, en Suisse et en Autriche. Ces dernières années, il s’intéresse plus particulièrement aux questions environnementales. Il a été récompensé par plusieurs prix et bourses, entre autres pour son reportage sur un projet de mine de lithium au Portugal.

Le travail photographique de Tobias Kruse, qui a grandi au Mecklembourg, s’intéresse principalement aux questions culturelles, sociales et environnementales, en adoptant une approche aussi personnelle que pos sible. Depuis 2011, il travaille pour l’agence photographique Ostkreuz.

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61 %

Mortalité piscicole

1,5 tonne

Puissants capteurs 0,1

à 1° C

61 %

43 des 71 espèces de poissons indigènes (soit 61 %) figurent sur la liste rouge des espèces menacées en Suisse, dont neuf sont déjà considérées comme éteintes. Seules quatorze espèces sont considérées comme «non menacées».

Puissants capteurs

Les poissons sont des êtres intelligents qui savent où se réfugier lorsqu’il fait trop chaud. Ils se servent de leurs capteurs pour détecter les moindres variations de température. Les ombres ont même la capacité d’identifier un tuyau d’arrosage rempli d’eau du robinet qui flotte dans une rivière.

0,1 à 1° C

Les poissons règlent leur température en la fixant entre 0,1 à 1° C au-dessus de celle de l’eau. C’est pourquoi le réchauffement croissant des rivières suisses (0,33° C par décennie au cours des quarante dernières années) leur pose problème.

1,5 tonne 2022 est considéré comme un été caniculaire en Suisse. La température de l’eau a souvent dépassé les 25° C, une limite que de nombreuses espèces ne supportent pas. Le tronçon zurichois de la Thur a ainsi vu succomber environ 1,5 tonne de truites de rivière, de chabots, d’ombres et de barbeaux.

Sources: OFEV, Liste rouge des espèces menacées en Suisse: poissons et cyclostomes, état en 2022; Fédération suisse de pêche, Concept d’action canicule et pêche, Berne, 2019; Aquaplus, Mesures de protection des poissons en cas de canicule, 2022; OFEV, La canicule et la sécheresse de l’été 2022, ofev.admin.ch; OFEV, La canicule et la sécheresse de l’été 2018, Berne, 2019.

400 km

400 kilomètres

La Suisse a déjà connu des étés caniculaires en 2003 et 2018. Dix-neuf cantons avaient alors dû sauver des poissons en les retirant des eaux. Les prises avaient dû s’effectuer sur une distance totale de 400 kilomètres le long des rivières.

Photo: œuf de poisson: blickwinkel / Alamy Stock Foto
Décryptage
Texte: Danielle Müller, Greenpeace Suisse

Découvrir la vie aquatique en réutilisant du plastique

2.

Découper le film, qui doit être plus grand que le diamètre de la bouteille. Le fixer sur l’ouverture de la bouteille à l’aide de l’élastique ou de la ficelle. Il est important qu’il soit suffisamment tendu, sinon la loupe ne fonctionnera pas.

Les eaux suisses sont encore pleines de vie. Donnez envie à vos enfants ou petits-enfants de protéger le vivant en leur montrant les organismes présents dans le ruisseau du village avec une loupe sous-marine à fabriquer soi-même.

3.

Mettre ses bottes en caoutchouc et hop, descendre dans le ruisseau! Plonger la bouteille avec le film dans l’eau. La pression exercée crée une sorte de lentille qui agit comme un verre grossissant. Bonne découverte!

1.

Couper le fond et le col de la bouteille. Si les bords sont trop tranchants, les poncer avec du papier de verre.

Matériel nécessaire:

1 bouteille en PET

1 film transparent, p. ex. sachet de congélation

1 élastique ou ficelle

1 cutter ou paire de ciseaux

Do it yourself
Illustration: Raffinerie

0 m2

La Suisse possède de magnifiques parcs pour le bouquetin, le grand duc ou le lynx, mais il n’y a pas un seul mètre carré d’habitat protégé en milieu aquatique. Conséquence: les trois quarts des espèces de poissons sont menacées ou éteintes. Que faire?

David Bittner est biologiste et directeur de la Fédération suisse de pêche (organisation soutenant l’initiative pour la biodiversité).

En Suisse, nous avons un cas de mortalité piscicole aiguë tous les deux jours.

Il n’y a pas besoin de victimes humaines. Des chevreuils ou des oiseaux morts tous les deux jours suffiraient à nous réveiller. Mais les poissons ne sont pas assez

Les poissons ne sont pas assez proches de nous.

Vorburger est professeur titulaire à l’Institut de biologie intégrative de l’EPFZ et dirige le département d’écologie aquatique de l’Institut fédéral suisse des sciences et technologies de l’eau (Eawag).

Les trois quarts des espèces de poissons et de crustacés suisses sont sur la liste rouge des espèces menacées ou ont déjà disparu. Peut-on dire que la société fait tout pour supprimer le monde aquatique?

Oui, on pourrait le formuler ainsi. La diversité biologique de nos eaux est en très mauvaise posture. Malheureusement, la

Auteur: Christian Schmidt
Débat
Christoph David Bittner
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proches de nous, ils vivent cachés dans l’eau.

La Fédération suisse de pêche dit qu’en cas de mortalité aiguë de poissons, il faut «appeler la police». Ne faudrait-il pas plutôt appeler Greenpeace?

En effet, la mortalité piscicole a longtemps été considérée comme une peccadille.

Les autorités avaient du mal à faire respecter la loi. Aujourd’hui, ces affaires sont souvent poursuivies d’office. Mais la situation est loin d’être idéale, et les menaces pesant sur les eaux augmentent.

La loi crée des zones protégées pour de nombreuses espèces, mais pas pour la faune aquatique.

Les habitats aquatiques sont peu protégés, à la différence des habitats terrestres.

Pour le lynx, nous avons des parcs où l’animal peut se retirer, mais les poissons ne trouvent pas un seul mètre carré véritablement protégé dans notre pays.

L’initiative pour la biodiversité vise à combler cette lacune. Le Conseil fédéral a élaboré un contre-projet, mais le Parlement l’a rejeté. Votre commentaire? C’est déprimant. Le Conseil national s’est efforcé de trouver un compromis, mais le Conseil des États n’a même pas voulu entrer en matière sur le projet. Il faudrait pourtant aller plus loin que l’initiative. La protection de la biodiversité, et donc des habitats aquatiques, doit être inscrite d’urgence dans la Constitution.

Que va-t-il se passer? Dans cinquante ans, les enfants pourront-ils encore observer des poissons dans le ruisseau du village?

J’essaie de rester optimiste, même si les perspectives ne sont pas réjouissantes. Pour préserver la vie dans les cours d’eau, nous devons comprendre leur importance pour la biodiversité, mais aussi pour l’eau potable, la santé des sols et notre alimentation. Les eaux suisses sont nos récifs coralliens et nos forêts tropicales, de véritables joyaux de biodiversité!

Nous ne respectons pas suffisamment l’environnement.
Christoph Vorburger La protection de la biodiversité doit être inscrite dans la Constitution.
David Bittner

perte de biodiversité en milieu aquatique est encore plus avancée que dans les autres habitats.

Pourquoi?

Les aménagements réalisés ont fortement dégradé et fragmenté les eaux suisses. À cela s’ajoutent les espèces invasives, la pollution et le dérèglement climatique.

Comment expliquer que la faune aquatique soit peu protégée par rapport à d’autres animaux?

L’une des raisons principales est l’exploitation hydroélectrique. Nous avons besoin de cette énergie, mais nous ne respectons pas suffisamment l’environnement. Et on ne fait pas grand-chose pour les quelques cours d’eau naturels restants.

L’initiative pour la biodiversité demande justement que la faune aquatique soit protégée par la loi.

C’est une très bonne idée. Je regrette vraiment que le Parlement n’ait pas pu se mettre d’accord sur un contre-projet pertinent. J’espère maintenant que le peuple acceptera l’initiative en votation.

Comment voyez-vous l’avenir de la faune aquatique?

J’aimerais être optimiste, mais je ne le suis pas. Je pense que nous pourrons sauver certaines populations parmi les espèces menacées. Mais la biodiversité originelle est détruite à jamais. Il manque souvent l’argent ou la volonté politique pour faire davantage.

Que faites-vous pour lutter contre ces tendances?

À l’Eawag, nous étudions les facteurs et les modalités qui influencent la biodiversité aquatique, ainsi que l’impact des mesures de protection. La tendance générale reste négative, mais nos travaux montrent que la protection de la nature est payante.

En tant que chercheur, essayez-vous aussi de faire de la politique?

D’autres sont plus actifs que moi dans ce domaine. Mon objectif est d’intégrer davantage les résultats de nos recherches dans la pratique concrète de protection de la nature.

Illustrations: Jörn Kaspuhl, kaspuhl.com

Auteur: Christian Schmidt, journaliste, rédacteur pour des associations et auteur de livres. Freelance par conviction. A remporté divers prix, dont le Prix des journalistes de Zurich.

AU LIT SANS MANGER?

d’inscrire la sécurité alimentaire dans la Constitution. Pourtant, sept ans plus tard, avec un taux net d’auto-approvisionnement d’à peine 50 %, nous sommes encore loin de l’objectif. En cas de lacunes dans les importations, la Suisse serait en difficulté. Le problème vient du fait que 60 % de la surface arable sert à la culture fourragère plutôt qu’à l’alimentation végétale de la population. La surconsommation de viande est une réalité mondiale, avec 80 % des surfaces agricoles utiles consacrées aux produits animaliers, qui ne représentent pourtant que 11 % de la consommation totale de calories. Une absurdité. Signez l’initiative pour une alimentation sûre insérée dans ce magazine! Pour une agriculture et une industrie alimentaire plus respectueuses de l’environnement et du climat en Suisse.

Réserve

héréditaire et quotité disponible

Utilisez notre calculateur de testament pour connaître votre situation successorale personnelle et la part dont vous disposez librement. Le nouveau droit successoral vous offre une plus grande liberté pour répartir votre succession. Le montant de la quotité disponible que vous pouvez attribuer librement varie selon votre situation familiale. En plus de votre famille, vous pouvez penser à Greenpeace quand vous rédigez votre testament. En faisant un legs à Greenpeace, vous nous aidez à documenter et à dénoncer les destructions environnementales commises par des entreprises et des gouvernements. Vous nous permettez de faire pression sur les responsables et de mener des actions pacifiques et directes qu’il n’est pas possible d’ignorer. Et vous faites en sorte que vos valeurs perdurent au-delà de votre propre existence.

Vous voulez en savoir plus? Commandez notre nouveau guide testamentaire. Il répond aux principales questions autour du testament. Vous en apprendrez également davantage sur la vision et la mission de Greenpeace. Pour toute question, n’hésitez pas à vous adresser à Anouk Van Asperen, responsable des legs: anouk.vanasperen@greenpeace.org ou tél. 022 907 72 75, greenpeace.ch/legs.

Éclairage
Pour accéder au calculateur de testament greenpeace.ch/ calculateurtestament volontés écologiques –Mes volontés écologiques –Mes volontés écologiques –Mes volontés écologiques –Mes volontés écologiques

Énigme autour du magazine Greenpeace

Combien d’espèces de poissons figurent sur la liste rouge suisse?

A: 65

R: 43

J: 28

Quand voterons-nous sur le référendum relatif à la loi sur l’électricité?

le 16 septembre le 8 décembre

Quelle est la profession de Harald Naegeli?

O: auteur de livres

I: artiste graffeur

S: humoriste

Quel lac Greenpeace Hongrie a-t-elle réussi à protéger?

S: le lac de Neusiedl

E: le lac d’Altwohner

I: le lac de Hochbürger

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Combien d’œufs pond la femelle du crapaud calamite?

A: 200 à 300

S: 3000 à 4000

L: 40 à 50

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7

Qu’est-ce qui aboutit de plus en plus dans les eaux en raison du réchauffement climatique?

T: le pétrole

O: les déchets

E: les polluants

Sur quel continent se trouve le lac Victoria?

M: l’Australie

V: l’Europe

A: l’Afrique

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Que demande l’initiative pour une alimentation sûre?

U: une agriculture et une industrie alimentaire respectueuses du climat

B: une politique migratoire plus stricte

E: un système énergétique davantage fondé sur les énergies fossiles

Solution:

Nous tirons au sort dix exemplaires du poster sur l’abeille européenne. Depuis la nuit des temps, l’abeille est vénérée et admirée, chantée et louée. Elle est l’un de nos insectes préférés, une créature étonnante et mythique, et notre troisième animal de rente le plus important. Sans elle, le monde serait moins coloré et l’offre en fruits et légumes bien maigre.

Envoyez la solution avec votre adresse d’ici au 15 juin 2024 à redaction@greenpeace.ch ou par la poste à: Greenpeace Suisse, rédaction magazine, énigme écologique, case postale, 8036 Zurich. La voie judiciaire est exclue. Aucun échange de courrier n’aura lieu concernant le tirage au sort.

La solution de l’énigme du magazine 4/23 était: MICROBES
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Énigme

Assise dans le train, je regarde par la fenêtre. Le paysage défile quand soudain, je lis sur le mur d’une maison, en grandes lettres: «Le principe de toute chose est l’eau; tout vient de l’eau et tout retourne à l’eau.» Thalès de Milet, mathématicien et philosophe de la nature grec (vers 625–547 av. J.-C.), a été le premier à comprendre l’eau, cet élément unique, comme arche, c’est-à-dire l’origine de toute existence.

Notre Terre est une planète bleue. La plus grande partie de sa surface est recouverte d’eau, dont 96 % d’eau salée. Le petit reste est constitué d’eau douce précieuse. L’eau est source de vie pour les êtres humains et la nature. L’eau est source de diversité. Elle est aussi une ressource toujours rare, qui déclenche de plus en plus souvent des conflits.

Le livre La Fin des océans de Maja Lunde, paru il y a quelques années, m’avait beaucoup marquée. La détresse existentielle des protagonistes était physiquement perceptible à la lecture. Entre-temps, les canicules et les sécheresses de ces derniers étés nous font directement sentir que le manque d’eau est un scénario qui concerne également nos latitudes. Le château d’eau qu’est la Suisse s’assèche.

Le principe de toute chose est l’eau…

Meilleures salutations,

Le mot de la fin Bild: © Anne Morgenstern H2O

Le crapaud calamite (Epidalea calamita)

Caractéristiques

Le crapaud calamite possède une ligne jaune typique qui parcourt tout le dos de l’amphibien. De couleur brun olive, le reste du corps est partiellement recouvert de verrues rouge-brun. Ses pattes postérieures très courtes sont également caractéristiques, ce qui explique que le crapaud ne puisse pas bien sauter et se déplace en rampant comme une souris.

Pendant la période de reproduction, le mâle attire la femelle en émettant des cris audibles jusqu’à deux kilomètres à la ronde grâce à son sac vocal situé sur sa gorge, qui se gonfle jusqu’à atteindre au moins la moitié de la taille de l’animal.

Habitat

À l’origine, le crapaud calamite occupait volontiers les bancs de gravier et de sable des rivières non corrigées du Plateau, ou les rives lacustres peu profondes à la végétation éparse. Aujourd’hui, on ne le trouve pratiquement plus que dans des habitats artificiels tels que les gravières, les chantiers de construction ou les places d’armes. C’est là que les amphibiens partent à la recherche de points d’eau pour frayer au printemps. Une fois qu’ils ont trouvé une flaque ou une mare, la femelle y pond jusqu’à 4000 œufs.

Menaces

Il y a dix ans, le crapaud calamite se trouvait encore fréquemment dans les cantons de Bâle-Campagne, Fribourg, Berne, Zurich et Argovie. Aujourd’hui, on ne l’observe plus que rarement, et uniquement dans les régions de basse altitude du nord des Alpes. Son habitat de prédilection ne cesse de se réduire en raison de la frénésie d’aménagement des humains. Même les habitats de remplacement, comme les gravières, ne lui offrent qu’un abri de courte durée, car ces zones sont souvent remises en culture pour des raisons économiques. Le crapaud calamite est désormais considéré comme en danger d’extinction en Suisse.

Compte /

Source: infofauna.ch/fr/services-conseil/ amphibiens-karch/les-amphibiens/especes/ crapaud-calamite#gsc.tab=0

Illustration: Janine Wiget est graphiste et dessinatrice en bâtiment de formation. Zurichoise, elle travaille en tant qu’illustratrice indépendante dans les domaines les plus divers.

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PP/Journal

Post CH AG

Né à Berne en 1990, Flurin Jecker a étudié la biologie et l’écriture littéraire. Pendant ses études, il a travaillé comme journaliste indépendant pour le quotidien et comme coursier à vélo. En 2017, il publie son premier roman Lanz aux éditions Nagel&Kimche, pour lequel il reçoit plusieurs prix. Il donne actuellement des ateliers d’écriture créative.

AZB CH-8036 Zürich
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