Catalogue d'exposition - Forêt, Vert Fragile

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Forêt, Vert Fragile

Arts & Sciences, à la rencontre des écosystèmes forestiers Catalogue d’exposition


Artistes invité.es

Romain BERNINI Tamaris BORRELLY Thierry BOUTONNIER Jessica BUCZEK Ursula CARUEL Daniel CORREIA MEJÌA Valérie CRENLEUX Piero DI COSIMO Thierry DUBREUIL Xavier DUMOULIN Rosario D’ESPINAY SAINT-LUC Laurie-Anne ESTAQUE Raphaël FAON Bruno GADENNE

Noémie GOUDAL Francis HALLÉ Gérald KERGUILLEC Vincent LAJARIGE Diana LUI Hugo MAIRELLE & Vincent MULLER Geneviève MICHON Laurent MULOT Solange PESSOA Rachel RENAULT Sarah VALENTE Mathilde WOLFF

Comité scientifique

Francis HALLÉ Philippe HARGUINDEGUY Francis MARTIN Emmanuel TORQUEBIAU Rozenn TORQUEBIAU


CATALOGUE D’EXPOSITION

Forêt, Vert Fragile Commissariat d’exposition Paul Ardenne Coproduction Greenline Foundation & Forest Art Project Avec le soutien de la Ville de Marseille & la Bibliothèque Alcazar Scénographie Paolo Morvan en collaboration avec Clemens Lauer Conception graphique Noémie Besset & Margaux Olivré Matériaux La Réserve des arts Méditerranée

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FORÊT, VERT FRAGILE

Sommaire............................ 5 Édito.....................................7 Catalogue des œuvres......... 9 Contenu scientifique..........64 Production engagée.........115 À propos...........................128

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CATALOGUE D’EXPOSITION

Sommaire

CATALOGUE D’EXPOSITION

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FORÊT, VERT FRAGILE

« Il n’y aura pas d’humanité sereine sans, solidairement, des forêts fortes »

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CATALOGUE D’EXPOSITION

Réunissant plus de vingt artistes plasticiens épris de nature, cette exposition a pour thèmes la forêt et l’univers forestier. Il y est question de la forêt primaire, « première », qui mobilise depuis des décennies la recherche de Francis Hallé, botaniste et biologiste présent ici à travers ses croquis de travail. Tout autant, de la forêt contemporaine et de son devenir, plein de dangers, auxquels les artistes plasticiens d’aujourd’hui ne sont pas indifférents. Écosystème pluriel et complexe, la forêt contemporaine a pour caractéristique unifiante la dégradation qu’elle endure. Stress hydrique, mégafeux, déforestation, industrialisation, instrumentalisation touristique, la sylve souffre des coups de boutoir de l’anthropocène, et ses amis et défenseurs avec elle. L’écosystème forestier, essentiel au soutien à la biodiversité et à la bonne empreinte carbone planétaire, est une composante essentielle du vivant que les artistes ont plaisir à contempler, à restituer à leur manière et à célébrer. Que leur art s’attache à la beauté, à la fragilité ou à la symbolique forestière, qu’il rende compte plus densément de la profondeur des relations entre humains et forêts, les images qu’ils nous proposent en appellent à plus de vie symbiotique, au respect, à l’attention, dans une perspective humaniste, sensible et préservatrice. Il n’y aura pas d’humanité sereine sans, solidairement, des forêts fortes. L’exposition se structure autour de quatre entrées thématiques corrélées au thème forestier, illustrées par les œuvres proposées au regard et développées au fil d’apartés documentaires : le biotope, sols et sous-sol, l’agroforesterie, les feux. Paul Ardenne

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« L’art et l’émotion sont les enseignants les plus puissants que nous ayons à notre porté pour véhiculer des messages forts et universels. Il est temps de réunir les sciences et la création au cœur de la société pour transmettre les savoirs et les connaissances indispensables au monde d’aujourd’hui et de demain. » Sarah VALENTE Fondatrice de Greenline Foundation


CATALOGUE D’EXPOSITION

Symbiose et Synergie Le monde végétal nous confirme la force de l’union qu’il a su développer avec le monde animal. Les symbioses multiples entre végétaux et l’univers des champignons ont engendré une synergie si puissante que la vie sur terre est apparue. Ces unions et ces symbioses doivent nous inspirer. Greenline Foundation et Forest Art Project ont ainsi décidé de faire route ensemble, en symbiose. Il nous faut réunir l’Art, la Science et l’Education aux service des arbres, des forêts, de la vie sur terre. Les récentes découvertes scientifiques nous confirment le niveau d’ignorance que nous avons de la complexité du monde vivant, de sa puissance et de sa fragilité. De plus en plus d’artistes, plasticiens, musiciens, danseurs, acteurs de théâtre, poètes et écrivains investissent ce grand thème de la nature et particulièrement des arbres et des forêts. Le savoir scientifique doit être enseigné au plus grand nombre, adultes et jeunes générations. Cette Utopie rejoint celle de nombreuses associations ayant empruntés le même fil rouge. A nous de trouver les symbioses et les synergies, et d’affirmer ce nécessaire respect de la nature qui nous a créé. Puissions-nous retrouver la sagesse des arbres comme l’évoque Francis HALLÉ. Vincent LAJARIGE Président de Forest Art Project

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Catalogue des œuvres

« FORÊT, VERT FRAGILE »


FORÊT, VERT FRAGILE

ROMAIN BERNINI Chipko II, 2020 Huile sur toile, 180 x 140 cm. Greenline Collection Vit et travaille à Paris, France. Peintre prodigue, Romain Bernini développe depuis près de vingt ans une œuvre plastique posant la question des rapports entre humain et environnement. Significativement, sa première série de peintures, Trying (« occupé à essayer »), se consacre à la représentation de crânes humains, sur le modèle canonique de la vanité. Que faire de l’humain ? L’artiste consacre de nombreux tableaux à l’univers animalier, approché de manière toujours biaise (des yeux de reptiles, par exemple, agrandis et emplissant toute la toile), ainsi qu’au paysage, sauvage ou humanisé, avec une tendance toujours plus marquée pour les scènes pouvant évoquer le rapprochement intime avec la nature, une volonté de réappartenance. Chipko II, dans cet esprit, représente un homme enlaçant un tronc d’arbre dans une forêt touffue. Retrouvailles transies d’émotion, pour sûr, l’humain se reconnecte au vivant végétal. Mais la nature en a-t-elle souci ? Ce geste ne vient-il pas trop tard ?

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FORÊT, VERT FRAGILE

TAMARIS BORRELLY Cette forêt des premiers temps, 2019 Aquarelle sur papier coréen, 150 x 210 cm.* Greenline Collection Vit et travaille à Paris, France. Tamaris Borrelly ne peint jamais la réalité mais la forme parfaite que celle-ci pourrait prendre. Entre les tableaux significatifs de l’esprit de son œuvre, citons Enchevêtrements, aquarelle (l’artiste y excelle) nous présentant un corps humain dont les parties internes sont constituées de biotopes naturels tels que grottes ou forêts profondes très végétalisées. Enchevêtrement : on ne saurait mieux qualifier que par ce terme les peintures de l’artiste, de grand format souvent, accumulant dans une atmosphère paisible, diaphane et protéiforme larges sections végétales, corps humains fondus dans la matière et dans la masse, animaux paisibles aussi, en des visions pas loin d’évoquer un Éden écologique. Plus que celle de l’hybridation, une mise en figure de la symbiose, du vivant total. Cette forêt des premiers temps, grand tableau riche de coloris doux que Tamaris Borrelly présente dans cette exposition, est une toile aussi référentielle qu’énigmatique. Dans un paysage arboré, deux silhouettes humaines aux organes végétaux (l’Adam et l’Ève des temps écosophiques ?) ont pris place au sein d’un univers luxuriant où vaquent d’autres humains d’une nature peu discernable. L’effet de fusion domine, contre celui de la différence. Une métaphore de la vie osmotique, celle des humains, celle des plantes, indifféremment ?

* Vue détaillée de l’œuvre 14



FORÊT, VERT FRAGILE

THIERRY BOUTONNIER Forêt de plume, 2022 Installation : feutre, fac-similés de nuggets, tapis de plume de volailles. En collaboration avec Eva Habasque (artiste) et Valérie Tanfin (artisan plumassière). Production MAIF Social Club. Vit et travaille à Paris, France. Thierry Boutonnier est un éco-artiste que mobilise tout problème de nature environnementale : la domestication animale, l’artificialisation du vivant, la raréfaction de la biodiversité végétale en milieu urbain… Ces différents thèmes, l’artiste les traite de manière moins littérale que processuelle, performative – ateliers avec les populations locales, séances collectives de plantation… La sculpture Forêt de plume a pour thème l’alimentation et particulièrement, l’agro-alimentaire, au bilan écologique discutable. L’artiste décrit ainsi son œuvre : « Dans une clairière, tout semble prêt pour un déjeuner sur l’herbe à la Manet. Mais les convives originels ont disparu et, sur la jolie nappe de plume blanche, la corbeille de fruit s’est transformée en une montagne de nuggets de poulet, comme un autel à la malbouffe sur fond de forêt fantôme ». Et d’ajouter, sur un mode documentaire et militant : « La consommation de viande de volaille et d’œuf représente en France un tiers de l’Empreinte Forêt (outil permettant de mesurer l’impact de notre consommation sur la déforestation). De l’arbre à la plume se joue toute la chaîne de l’élevage industriel de poulets en batterie nourris par la monoculture intensive de soja, première cause de déforestation dans le monde ». Une œuvre plus engagée qu’il n’y paraît, sous des dehors facétieux.

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FORÊT, VERT FRAGILE

JESSICA BUCZEK Forêt de Bialowiezça, Pologne, 2019 Photo encadrée, encre pigmentaire sur papier Innova, 60 x 42 cm.* Vit et travaille dans le département de la Loire, France. Jessica Buczek, photographe, se consacre à la représentation de la nature. Elle aime citer cette formule du poète Friedrich Hölderlin, qui lui sert de boussole existentielle, « Ne faire qu’un avec toutes choses vivantes, retourner, par un radieux oubli de soi, dans le Tout de la Nature ». L’image, pour Jessica Buczek, est « directement liée à la nature, ce sont les paysages qui m’inspirent, les paysages immenses et sauvages ou bien à l’inverse, les détails, modestes mais pourtant eux aussi témoins de la richesse, de la complexité de la nature », précise l’artiste. La quête de l’image propre à l’artiste, une image toujours saisie ici au plus près de l’environnement naturel, détermine un style spécifique visant complicité, partage, infusion, inscription intime dans le sujet. À quelles fins ? Le « réenchantement du monde ». Cette disposition édénique, Jessica Buczek photographe la réitère, chemin (forestier) faisant, au fil de ses séries d’images saisies au cœur des forêts primaires ou au contact du monde animal. Très haute définition de la figure, célébration de la beauté élémentaire, choix de l’« univers sans l’homme », aussi, l’humanité étant la grande absente de son univers anthropofuge (par peur de tout casser en faisant trop de bruit ?) sont chez elle autant d’ingrédients tactiques.

* Vue détaillée de l’œuvre 18



FORÊT, VERT FRAGILE

URSULA CARUEL La forêt brûle I, II et III, 2022 Acrylique et fusain sur papier Fabriano Artistico, 50 x 50 cm.* Vit et travaille à Montpellier, France. Ursula Caruel défend un art local et nomade où l’identité du paysage et la question de la mise en vie du dessin sont primordiales. Son processus de création passe par l’observation du végétal environnant les lieux où ses installations sont présentées. Passionnée de botanique, cette artiste attentive étudie les processus de croissance du vivant dans ce but générique, qui est l’essence et le fondement de son travail d’artiste, en dupliquer la nature créative. Le dessin devient alors, chez elle, biomimétique et les espaces où prennent pied ses expositions, des moments d’équilibre entre geste et silence. Le thème de l’arbre est un des sujets privilégiés d’Ursula Caruel. L’artiste, toujours respectueusement, avec méticulosité, a à cœur de dresser le portrait de leur magnificence et de la prodigalité de leurs réseaux végétaux. Elle n’élude pas, pour autant, la question de leur destin funeste lorsque frappe l’incendie de forêt, phénomène dont l’artiste, qui réside sur l’arc méditerranéen français, est coutumière. Un traitement élémentaire, sombre, charbonneux de l’image de l’arbre brûlé, de manière signifiante, remplace alors le tracé rigoriste. La figure perd en densité, en matière et, analogiquement, en force vitale. La mort de l’arbre, métaphore de la mort de l’art. Si le sujet disparaît, que peindre, que représenter ?

* Vue détaillée de l’œuvre 20



FORÊT, VERT FRAGILE

DANIEL CORREIA MEJÌA La caìda, 2022 Huile sur toile, 80 x 160 cm.* Greenline Collection Né en Colombie. Vit et travaille à Berlin. Caida, « La chute », en espagnol. Le sens énigmatique du titre de ce tableau renvoie à une interrogation qui définit l’univers plastique de Daniel Correia Mejìa : être vivant en ce monde, n’est-ce pas se condamner à tomber, à être de trop ? L’artiste, qui ne fait pas secret de son homosexualité, s’est fait une spécialité de la représentation du corps masculin nu dans des compositions au sens incertain, jamais exhibitionnistes ou narcissiques mais traitant d’un humain à la fois fier et intranquille, fort et faible d’un même tenant, jamais tout à fait rassuré quant à sa condition, sa position dans le monde, sa légitimité. La nature, dans cette affaire intime, et notoirement la forêt, ce lieu du repli, de la cachette, de la solitude qui permet l’introspection psychologique ? Elle est partie intégrante de nombreux tableaux de Daniel Correia et apparaît sous l’espèce récurrente d’espaces densément boisés où erre un homme le plus souvent seul – l’artiste lui-même, de façon spéculaire et autobiographique. Cette nature, chez l’artiste colombien, fait l’effet d’une compagne, d’un interlocuteur, d’un milieu où aller quérir une vérité, une réponse sur l’énigme d’être soi. Le ton volontiers onirique ou tenu en lisière de naïveté caractéristique de cette peinture n’oublie pas la métaphysique, la question plus large de la position de l’humain dans le biotope général, en un monde et en un environnement qui pourraient bien le dépasser, parce que trop grand, ou le recueillir, comme un refuge.

* Vue détaillée de l’œuvre 22



FORÊT, VERT FRAGILE

PIERO DI COSIMO Le feu de forêt, 1505 Huile sur panneau de bois, 202 x 71 cm.* Reproduction de l’œuvre originale, conservée à l’Ashmolean Museum, Oxford (Grande-Bretagne). Florence (Italie), 1462-1522. Le tableau sur bois Le Feu de forêt, dit encore L’Incendie de forêt, a été peint par Piero di Cosimo au tournant du XVIe siècle. L’artiste florentin s’y inspire d’un passage du 5e Livre de l’essai De Natura Rerum (« Sur la nature des choses ») du poète et philosophe romain Lucréce (Titus Lucretius Carus, 1er s. av. n.è.). Lucrèce, évoquant la création du monde, y fait part de la puissance du « feu victorieux » (§ 397), qui « consuma une partie du monde dans ses flammes, lorsque les ardents chevaux du soleil (…) l’emportèrent à travers toute l’étendue aérienne et terrestre ». Le feu par lequel « tout périt, consumé par le souffle brûlant », est dès l’antiquité un ennemi juré des forêts, de Méditerranée comme d’ailleurs. Il y est aussi de longue date un allié pour les paysans (pratique de l’écobuage, enrichissement des sols par les cendres), au risque de l’embrasement non contrôlé.

* Vue détaillée de l’œuvre 24



FORÊT, VERT FRAGILE

VALÉRIE CRENLEUX Interconnectivité de l’Univers, 2022 Disques de racines végétales cultivées, vingt pièces en suspension. Diamètre, 45 cm.* Vit et travaille à Ballancourt-sur-Essonne, France. « Attentive aux racines, ces parties de la plante à l’origine du développement de chaque être vivant végétal, Valérie Crenleux les cultive dans son jardin et dans son atelier, en prend soin, les nettoie l’une après l’autre afin d’en faire son médium. Au fur et à mesure de ses expériences de germination, l’artiste approfondit sa compréhension du système racinaire. En caressant les racines, elle entre en communication avec celles-ci et ressent à la fois leur force et leur fragilité », écrit la critique d’art Pauline Lisowski. Plus encore, Valérie Crenleux crée des toiles auxquelles elle annexe « ses » racines, qui deviennent des paysages visuels, entre abstraction et organicité. Ce descriptif de sa méthode de travail classe Valérie Crenleux dans le camp des artistes jardiniers, ceux pour lesquels le végétal n’est pas seulement une réalité qui s’observe et que l’on représente mais encore un médium qui s’ouvrage, à l’égal du pigment du peintre ou du marbre du sculpteur. Quant à sa série Interconnectivité de l’univers, celle-ci évoque par son titre l’état d’interdépendance fédérant tous les êtres sur notre planète, humains comme animaux, végétaux comme minéraux. Suspendus dans l’air et s’y mélangeant – ainsi qu’à nos regards, qu’ils accrochent –, des disques ajourés faits de réseaux racinaires jouent une intrigante partition plastique, mélange d’esthétique, de sensible et de convocation du fait naturel, entre présence et flottement dans l’espace d’exposition.

* Vue détaillée de l’œuvre 26



FORÊT, VERT FRAGILE

ROSARIO D’ESPINAY SAINT-LUC Amazonia I et II, 2019 Diptyque, huile acrylique sur toile, 2 x 130 x 97 cm.* Vit et travaille en Provence, France. Née en Colombie, dans la vallée de Cauca, puis ayant vécu en Équateur, Rosario d’Espinay Saint-Luc s’installe dans les années 2000 en Provence. Elle y mène une carrière de peintre que fascinent la lumière et, avec elle, les éléments, feu, air, terre, air eau, auxquels elle ajoute l’éther. « Proche de la nature, je développe la thématique de l’impact physique, émotionnel et spirituel avec les éléments. Éther est une divinité primordiale de la mythologie grecque ; en physique, l’Éther était considéré comme la substance qui remplissait l’espace mais aussi et surtout, les anciens philosophes donnaient le nom Éther à un élément plus subtil que la terre, l’eau, l’air et le feu, le cinquième élément », explique l’artiste. Les peintures de Rosario d’Espinay Saint-Luc, toujours porteuses d’un élan, d’une énergie, d’une force, s’incarnent dans un style abstrait où la quête d’une fusion des formes semble essentielle. Le tableau exprime un moment de vie où se conjuguent état de l’instant présent, réminiscences, sensations fugaces ou plus profondes, volonté d’appartenance cosmique au Grand tout, le tout animé par le jeu des couleurs et la franchise du geste. Le diptyque Amazonia, où des volutes de fumée rougeoyante semblent s’être emparées d’un air devenu uniformément saturé, étouffant tout, évoque immanquablement les feux de forêts amazoniens et le processus mortifère de la déforestation à grande échelle d’origine anthropique, destructeur, ce dernier, de pans entiers de l’écosystème. Où l’abstraction rejoint le réel le plus crucial et le plus actuel.

* Vue détaillée de l’œuvre 28



FORÊT, VERT FRAGILE

THIERRY DUBREUIL Face Time, 2023 Photographie (encres pigmentaires sur papier Innova, aquarelle naturelle), 21 x 30 cm. Vit et travaille à Paris. Thierry Dubreuil est un photographe sensible que caractérisent un souci esthétique constant et, si la formule n’est pas galvaudée, la recherche de la beauté. Ses compositions photographiques fuient le réalisme et tendent à se rapprocher de la peinture, abstraite plus que figurative souvent : formes alanguies qui peuvent évoquer de loin un Yves Tanguy ou un Joan Miró ; accent mis sur la densité du détail. Le réel intéresse Thierry Dubreuil, qui y puise son inspiration, mais à toutes fins qu’il se voit sublimé par l’image photographique et, de concert, par l’imaginaire même du photographe. C’est là l’esprit de Face Time, photographie du tronc d’un arbre mort recouvert de lichen et prenant un tour anthropomorphique : son apparence n’est-elle pas celle de deux humains se regardant dans les yeux ? L’image captée entraîne le spectateur dans un hors-monde, plus qu’elle ne témoigne de la réalité pure et crue et de la vie des sols forestiers. Ouverture à l’imaginaire. « Je me suis formé à la galerie-journal-maison d’édition Contrejour, sanctuaire de la photographie d’auteur dans les années 1980, à Paris », nous apprend Thierry Dubreuil. Photographie d’auteur que la sienne, on dira aussi bien photographie plasticienne, ce type de mise en forme où la photo devient peinture et, dans son cas et selon les termes de l’artiste, un vecteur « pour mieux observer et penser la beauté fragile de ce monde, le rêve et l’existence ».

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FORÊT, VERT FRAGILE

XAVIER DUMOULIN Série Incandescences, 2022 Tirages photographiques (3) : Dune, Falaise, Flammes, dimensions variables. Vit et travaille à Pau, France. Photographe français œuvrant tous azimuts, Xavier Dumoulin braque l’oculus de son appareil-photo vers tout ce qui définit la contemporanéité : les paysages urbains ou naturels d’aujourd’hui, les personnes que nous sommes ici et maintenant, les activités humaines et les architectures dernier cri. Peu de pulsion, chez ce photographe-témoin, à l’esthétisation : les choses sont, la photographie enregistre. La série Incandescences, des plus réalistes, cherchant moins l’effet sidérant que l’expression d’un constat, documente les feux gigantesques, les « mégafeux », ceux notamment ayant carbonisé durant l’été 2022 une vaste section de la forêt des Landes. Le feu tel que Xavier Dumoulin le photographie, parce que vu de loin, fait l’effet d’une force aussi discrète que souveraine, qui avance à son rythme, inexorable, dans l’indifférence à toute forme d’opposition, naturelle ou humaine. Pas de spectaculaire, l’image se veut plus pensive que sidérante. Laissons le photographe s’exprimer sur le sens des images de sa série Incandescences, hautement éthique, pour finir : « Le feu est partout, attisé par le tout-argent. L’Homme semble embraser tout ce qu’il touche et la terre s’enflamme où il s’installe ». Encore, « un feu que nous avons maitrisé pour nous protéger, pour évoluer mais qui se retourne contre nous pour nous détruire ». Faites entrer le coupable.

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LAURIE-ANNE ESTAQUE Elle est où ma forêt ?, 2021 Gouache et aquarelle sur papier, 180 x 130 cm.* Vit et travaille à Felletin et Aubusson, dans le Limousin, France. Le monde réellement singulier de Laurie-Anne Estaque est celui des collections : collections d’objets, que l’artiste accumule dans son atelier, collections de documents variés, souvent réutilisés dans ses œuvres, qui sont des mémoires du monde matériel, intellectuel et administratif tel qu’il va et s’organise. Avec cette artiste éprise de détail, qui fouille dans les entrailles du monde en fonctionnement et en retire les pièces motrices, rien ne se perd et tout est utile aux fins de création, sous cette condition, conjuguer esthétique et information. Elle est où ma forêt ? est un des multiples tableaux documentés réalisés par Laurie-Anne Estaque à partir de sources diverses telles que bulletins, publicités, articles de presse ou tracts relatifs à la gestion forestière, à l’agroforesterie et usages humains de la sylve, non toujours convergents et pacifiques au regard de leurs mobiles. S’affichent dans ce panneau peint documentaire, en un face à face tendu, amis et défenseurs de la forêt d’un côté, ennemis, prédateurs économiques et exploiteurs de celleci de l’autre, comme en un affrontement guerrier. La forêt comme enjeu, exposée à maintes menaces, parti de la vie d’un côté, parti de la mort de l’autre.

* Vue détaillée de l’œuvre 34



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RAPHAËL FAON Wildfire 4 et 14 Cyanotype / papier aquarelle, 30 x 40 cm. Greenline Collection Vit et travaille à Paris, France. Raphaël Faon arrange, trafique les images. Son travail artistique, adepte du sampling, prend pour point de départ l’offre visuelle des médias de masse et d’information, les photos de presse par exemple, qu’il s’approprie et recombine au moyen de l’imagerie numérique (en partenariat, fréquemment avec l’artiste Andres Salgado). Sujet de prédilection de cet artiste vigile : le « corps social », l’humain dans l’espace public et aux prises avec les aléas du réel ou en situation de crise (révolte, migrants de Méditerranée…). L’image reconfigurée que produit Raphaël Faon entend changer le point de vue et de concert, susciter une perception renouvelée ou affinée de l’événement médiatisé. Suggérer qu’une image, en notre ère d’iconofolie, est un objet malléable dont il n’est jamais inutile d’éclairer le sens véritable : tel est dans cette logique l’objet de la série Wildfires (« Feux sauvages »). L’artiste y interroge le thème des mégafeux et pose cette question : à quoi servent les images médiatiques produites à partir de ce phénomène calamiteux, pour les médias ? À informer ? À sidérer, en verrouillant la pensée critique ? À terroriser ? L’art se fait contrepoint. « Les tirages de Wildfires sont réalisés à partir de photographies trouvées de feux de forêts dont les causes ne sont pas toujours déterminées, entre incendie criminel et embrasement spontané ». La « transfiguration » qu’y opère l’artiste élargit cette problématique et renseigne sur « la manière dont l’art peut venir exorciser les catastrophes », lui aussi, à sa manière propre, en tant que média esthétique mais aussi critique.

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BRUNO GADENNE La grande jungle (nocturne), 2021 Diptyque. Acrylique et huile sur toile, 200 x 300 cm.* Greenline Collection Vit et travaille à Paris, France. Très tôt dans sa carrière, qu’il débute avec les années 2010, Bruno Gadenne choisit de se consacrer au paysage naturel, qui devient son sujet fétiche, une source d’inspiration infinie. Qu’il s’agisse de hauts sommets ou de forêts profondes, le traitement de l’image propre à ce peintre privilégie la nature sauvage, le moins possible humanisée. L’artiste travaille à partir de photographies, elles-mêmes le cas échéant retouchées, une offre plastique servant de base à des tableaux où le sens du détail le dispute à celui du grandiose. Tout à la fois, Bruno Gadenne transcende, et sa vision du paysage, et le paysage même qu’il fixe dans ses images. L’icône, le sublime ne sont jamais loin : la majesté du paysage est en vérité son sujet premier, devant lequel l’artiste s’efface et auquel il fait allégeance. La grande jungle est un des multiples tableaux de la série Nocturnes de Bruno Gadenne – des vues de forêts, la nuit. L’artiste connaît parfaitement son sujet. Il voyage, parcourt les continents à la recherche de l’image pour lui parfaite, celle qui va accumuler en son sein une naturalité où l’homme est prié de s’effacer et la puissance de la nature en acte priée, elle, de se manifester pleinement, en majesté. Rigoureuse application d’un programme artistique anthropofuge : celui-ci fait l’économie de la présence humaine, devenue comme superflue.

* Vue détaillée de l’œuvre 38



FORÊT, VERT FRAGILE

NOÉMIE GOUDAL Les Mécaniques : Tropiques 3 et 6, 2020 C-Print. 100 x 80 cm. Greenline Collection Vit et travaille entre Paris et Londres. Photographe et réalisatrice de nombreuses installations en studio ou en cœur de nature, Noémie Goudal nourrit une création prolifique dont l’objet premier est la perception et les jeux – visuels, d’esprit – qu’elle permet. Son thème de prédilection : le paysage, naturel avant tout autre. Ce paysage, l’artiste ne le saisit jamais frontalement et tel quel mais elle le modifie par insertion d’éléments inattendus et parasites : des maquettes d’architecture ou encore, fréquemment, des caches ou des plantes d’une espèce différente à celle qui domine au sein du lieu où la photographie est prise. Signalons encore ses installations de type Immersions¸ fondées sur une même mise en scène : le spectateur y est convié à s’immerger dans une fausse cellule végétale, simple tapisserie d’images photographiques. Dans sa série Les Mécaniques : Tropiques, Noémie Goudal réitère sa passion du faux-semblant : des éléments de végétation tropicale, branches, palmes, lors de la prise de vue, sont intégrés dans le vrai paysage européen où l’artiste a planté son appareil-photo. Si la réalité a une apparence, Noémie Goudal a soin d’en faire tout autre chose : un spectacle, un reflet, un trompe-l’œil, le commencement d’une fiction. L’artiste joue sur notre fascination pour la prodigalité végétale, ici fabriquée de toutes pièces et soumise à une artificialisation aussi radicale que trompeuse.

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FORÊT, VERT FRAGILE

FRANCIS HALLÉ Dessins botaniques Encres pigmentaires. Papier Innova, 15 dessins (origine : carnets d’études scientifiques). Vit et travaille à Montpellier, France. Né d’un père ingénieur agronome et d’une mère férue d’art, d’histoire et de poésie, Francis Hallé est botaniste, biologiste et dendrologue. Réputé mondialement pour ses recherches sur la forêt et notoirement, les forêts équatoriales et primaires, il est l’auteur de nombreux ouvrages scientifiques et a été le conseiller scientifique et le co-scénariste du film Il était une forêt (réalisation : Luc Jacquet, 2013). Il milite activement pour la reconstitution, en Europe continentale, d’une forêt primaire, ce type de sylve originelle ayant pour l’essentiel disparu du Vieux continent sous les effets du défrichement et de l’artificialisation. Francis Hallé est le benjamin d’une famille issue d’une lignée de voyageurs, médecins et artistes peintres, avides de cultures différentes et de pays lointains. Pendant la guerre de 1939-1945, réfugié avec sa famille près de Fontainebleau, il constate qu’un lopin de terre peut couvrir les besoins d’une famille nombreuse. Initié dans ce domaine par son père, Francis Hallé conçoit une profonde admiration pour la forêt. Sous l’influence de son frère aîné, Nicolas, botaniste au Muséum de Paris, il se spécialise en botanique tropicale avant d’étudier sous les Tropiques les forêts primaires, en Côte d’Ivoire, au Congo, au Zaïre et en Indonésie. Les recherches scientifiques de Francis Hallé ont donné lieu à la réalisation de multiples croquis, conservés dans ses carnets de travail. Plusieurs de ces croquis très détaillés, dessinés dans la grande tradition de l’art végétal et de la botanique scientifique, sont présentés dans l’exposition, après agrandissement et encadrement.

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FORÊT, VERT FRAGILE

GÉRALD KERGUILLEC Arbre 1, Arbre 2, 2023 Acrylique sur papier Kraft, 180 x 100 cm.* Vit et travaille en Normandie et en Bretagne, France. Gérald Kerguillec est un peintre mental. Son domaine d’attraction est le paysage : les champs, les forêts, les côtes du pays de Caux, en Normandie, d’où il est originaire. L’artiste ne travaille jamais sur le motif mais donne figure par reconstitution à sa propre mémoire de l’environnement. Pas de réalisme mais une inflexion à la connexion cérébrale. L’enjeu ? Il consiste à imaginer un paysage de verdure jusqu’à en avoir les neurones verts, plaisante l’artiste. Peindre, pour lui, c’est laisser le paysage faire son nid en son for intérieur, par imprégnation, à l’instar d’une vision mystique chez les possédés, puis en faire une image. Représentations à la fois expressionnistes et signifiantes d’un arbre sur un simple papier Kraft, à l’acrylique, Arbre 1 et Arbre 2 relèvent de cette pulsion intelligible et sensible forte. Le thème de l’arbre et ses multiples entrées (forme, couleur, figure courante et symbolique) y traversent l’esprit de l’artiste pour en rejaillir sous une espèce à la fois concrète et imaginaire, dopée en vraisemblance autant qu’en énergie. Que fait l’artiste ? Il mentalise l’arbre jusqu’à ce que ce dernier capture sa cérébralité et vienne animer la gestuelle le transmuant en une image. L’art de peindre de Gérald Kerguillec, une continuation de la pensée par d’autres moyens, au bénéfice de la pensée figurative.

* Vue détaillée de l’œuvre 44



FORÊT, VERT FRAGILE

VINCENT LAJARIGE Bois brûlés (incendies Varois 2009), 2009-2013 1 Mathusalem, 2019 : Mark Alsterlind, Vincent Lajarige 2 Nombre variable (installation, jusqu’à 40). Long. : 150 à 250 cm. Bois flotté récupéré sur le bord du Verdon (en aval des gorges), 300 x 70 x 70 cm. Vit et travaille en Arles, France. 1 2

Vincent Lajarige est le co-créateur de l’association Forest Art Project, regroupant des éco-artistes, association à l’initiative de l’exposition Forêt, Vert Fragile avec Greenline Foundation. Il est aussi peintre, sculpteur, docteur de métier et un des adhérents pionniers de l’ONG Médecins du monde. Artiste humaniste, volontaire et bienveillant, Vincent Lajarige avoue une véritable passion pour les paysages. Ceux de Normandie, où il a grandi, ceux encore des forêts d’Europe, d’Afrique ou d’Amérique du sud, qu’il artialise de maintes manières : au travers de tableaux peints, de sculptures élaborées, d’éléments collectés également, dans un souci de préservation et à toutes fins de laisser au végétal sa chance une fois terminé son cycle de vie naturel. Mathusalem, énorme fragment de tronc d’un arbre tombé au sol, récupéré puis devenu sculpture par la grâce des artistes, évoque le monde de la sylve et tout autant une relation, une liaison, les vertus transitionnelles de l’affection. L’arbre, en tel cas, ne meurt pas (il vivra peut-être aussi longtemps que le Mathusalem de la Bible, près de mille ans), il ressuscite dans le musée, matériau perpétué et préservé au-delà du seul contrat biologique. Ce souci de la collecte de végétaux inscrit Vincent Lajarige dans la lignée des éco-artistes collecteurs, celle du plus humble et sensible entre tous, herman de vries (sans majuscule : cet artiste néerlandais se considérait comme un élément entre tous les autres que compte le monde, pas comme un sujet). On en retrouve le principe dans les bois brûlés qu’expose ici l’artiste, récupérés dans le Vercors consécutivement à un incendie de forêt. Sauvetage, résurrection, préservation et soin, tout n’est pas mort, la vie continue.

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FORÊT, VERT FRAGILE

DIANA LUI

Tree of Life (Anthropocene), 2022-2023* Tree of Death (Anthropocene), 2022-2023 Contenu scientifique fourni par l’artiste p.110 Aquarelle, pigments de couleur, encre de Chine, encres végétale et minérale, 210 x 150 cm Vit et travaille à Paris, France. Portraitiste d’origine malaise, Diana Lui a vécu un temps aux États-Unis avant de s’installer en France. Dessin, peinture, installation, photographie surtout, elle développe visuellement, via ces médiums, une réflexion centrée autour de la question et des représentations du corps contemporain nomade – celui du citoyen du monde saisi dans sa diversité. Ses images toujours discrètes s’appliquent à capter la vérité intime, audelà de l’apparence. De façon méditative, en noir et blanc et en prenant le temps qu’il y faut : Diana Lui utilise un vieil et lourd appareil-photo des débuts du XXe siècle, une chambre encombrante lui interdisant l’instantané. Dès avant 2017, où ce thème se fait majeur dans son œuvre (exposition « I Will Not Give Names to Trees – A Personal Mythology » à la galerie Wei-Ling de Kuala Lumpur), l’artiste a soin d’insérer la figure de l’arbre dans le cycle de ses travaux plastiques : de puissants arbres noueux, véritables sculptures naturelles. Branchage dense, troncs musculeux, ramure ramifiée au possible, l’arbre tel que le photographie Diana Lui joue une partition laissant au spectateur une impression tant de sidération émerveillée que de gêne. Sidération : la force de la natura naturans, sa capacité de présence et à résister à l’anthropisation du monde destructrice des forêts. Gêne : l’arbre, à l’évidence, vit sa vie sans nous, le fantasme de la fusion totale du vivant ne prend pas corps, et nous voici exclus. Une même attention tendue à l’arbre, à la fois esthétique et donnant à penser, se décèle dans les dessins de l’artiste réitérant ce thème. Le mobile de l’artiste est affectif et anthropologique, à la fois. « Nos ancêtres les hominidés vivaient sur les arbres, notre corps a même la forme d’un arbre, les mythes abondent sur les hommes qui sont redevenus des arbres à leur mort. Nos anciens croyaient que les arbres agissaient comme des messagers entre le monde souterrain et les cieux… Notre destin humain est tellement lié aux arbres qu’il est tragique de constater à quel point nous l’avons oublié », déplore Diana Lui. Regret ? Nostalgie, pour sûr. * Vue détaillée de l’œuvre 48



FORÊT, VERT FRAGILE

HUGO MAIRELLE & VINCENT MULLER Être(s), depuis 2018 Photographies (portraits et masques), deux tirages 120 x 80 cm, deux tirages 60 x 50 cm. Vivent et travaillent en Alsace, France. Ce projet collaboratif réunit un plasticien et un photographe. Hugo Mairelle et Vincent Muller, à divers intervenants, demandent de créer dans un coin de nature que ces derniers affectionnent particulièrement un masque facial, artefact personnalisé dont ils se couvriront ensuite, tout en posant nus, à l’état « de nature ». Ce masque est fait de végétaux trouvés sur site, dans des forêts souvent (les Vosges, en France). Les participants au projet sont portraiturés portant ce masque, archivé lui aussi par une photographie, avant restitution à la nature, sans faire l’objet d’une conservation. Le témoignage d’un instant d’échange humain-environnement naturel. Être(s) questionne notre rapport aux écosystèmes et propose une réflexion philosophique et pragmatique face à l’anthropocène destructeur et mortifère. D’un monde naturel qui disparaît, que voudrionsnous garder ? Cette œuvre informe aussi sur les liens biologiques que nous entretenons avec le vivant végétal, ici l’objet d’une parure, d’un embellissement du corps humain, d’un maillage sensible et esthétique de ce dernier avec la nature. Être(s), encore, est allusivement « une ode à la diversité et un hommage aux peuples qui vivent en relation étroite avec leur environnement », disent les artistes.

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FORÊT, VERT FRAGILE

GENEVIÈVE MICHON Les trognes méditerranéennes, 2022 Deux tirages photographiques 60 x 80 cm.* Vit et travaille à Montpellier, France. Geneviève Michon est ingénieur agronome, ethnobotaniste et photographe. Sa vie professionnelle tout comme son intérêt artistique se destinent à l’arbre, en particulier à l’« Arbre Paysan », celui qui accompagne les cultures rurales du monde depuis l’aube des temps et qui a forgé sa nature spécifique au contact de l’humain. Elle est aussi ethno-écologiste et spécialiste des relations entre sociétés et forêts. Au cours de ses nombreux séjours à l’étranger (régions tropicales, Méditerranée, Maghreb), elle s’est plus particulièrement intéressée à la façon dont les agriculteurs du monde conçoivent et matérialisent leur rapport aux forêts, ainsi qu’aux conflits qui opposent agriculteurs et administrateurs forestiers. L’engagement scientifique et politique de Geneviève Michon a pour corollaire une pratique autodidacte de la photographie dont l’arbre est le sujet principal. Entre documentation et esthétisation, l’œil de la photographe n’entend pas faire la part : l’arbre est une réalité et cette réalité adopte une forme plénière et spécifique dont l’image doit rendre compte sans dérive vers l’imaginaire. La série des Trognes présentée ici, consacrée aux arbres coupés de Méditerranée, met l’accent sur les spécificités de ces formations végétales issues de la gestion humaine du bois : les trognes, arbres dénaturés, martyrs, sont aussi d’extraordinaires réservoirs à biodiversité (passereaux insectivores, rapaces nocturnes, martres, insectes). Un exemple de reconfiguration de la nature par elle-même, en dépit de l’homme.

* Vue détaillée de l’œuvre 52



FORÊT, VERT FRAGILE

LAURENT MULOT Lawal Quilcas, 2022 Portrait, diptyque. Tirages photographiques 90 x 60 cm. Œuvre créée grâce au soutien des Instituts français et argentin, de la galerie Françoise Besson, de la Métropole et de la Ville de Lyon, ainsi que du CEA (Commissariat à l’Énergie Atomique, Saclay) Vit et travaille à Lyon, France. Selon comment on le considère et depuis lequel des points de notre géographie physique, mentale, politique ou culturelle, le monde n’a pas la même forme, le même sens, la même intensité. L’uniformisation culturelle est un mythe. Dans une zone reculée d’Argentine, Laurent Mulot s’intéresse à l’arbre millénaire Lawal, « celui dont la mémoire ne meurt pas », selon les indiens mapuches vivant dans cette région depuis plus de mille ans. Lawal Quilcas (« Quilcas », nom utilisé pour décrire un art graphique rupestre, entre écriture et ornement, propre à la civilisation précolombienne) célèbre cet arbre faisant l’objet d’un culte. Laurent Mulot, in situ, en fait le fondement d’une création protéiforme tissée de photographies, de rencontres et d’une performance collective, dans une perspective documentaire, ethnographique et d’hommage. Lawal Quilcas, à partir de la réalité d’un arbre millénaire, interroge notre rapport au temps et à la nature sous de multiples angles. Comment perçoit-on l’arbre « Lawal » ? En fonction de référents non forcément convergents, note l’artiste dans un esprit relativiste. Lawal, par les scientifiques, est considéré comme une « horloge » absolue qui témoigne, dans ses cernes, des conditions de la vie sur la terre et d’événements majeurs du cosmos. Et par les cultures ancestrales, comme une entité détentrice de la mémoire humaine. Flexibilité de notre approche du réel et, en celui-ci, de l’arbre et de la forêt, servant de révélateurs de nos modes de pensée et de concevoir.

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FORÊT, VERT FRAGILE

SOLANGE PESSOA Sans titre, 2020 Huile sur toile, cinq formats 33,5 x 38 cm.* Greenline Collection Née au Brésil. Vit et travaille dans le Minas Gerais, Brésil. Originaire du Brésil, Solange Pessoa fait résonner dans son art le « génie du lieu », celui de la terre natale. Pour elle, l’artiste ne vient pas de nulle part ou ne fait pas qu’habiter un éternel présent. Ainsi que le signifient les formes essentialistes et la « manière » de cette peintre et sculptrice, tout un monde préexiste à quiconque crée, monde touffu et enchevêtré du milieu, de l’écosystème, des ancêtres, des cultures déployées depuis les temps immémoriaux. La série de tableaux Sans titre présentée ici exprime une relation primitive, iconique, signalétique au réel. Les animaux, la forêt, les humains, tous se retrouvent unis dans la même formalisation, qui réunit et fusionne : tracé élémentaire et en silhouette, usage fortement signalétique du noir sur blanc. Une forme, une idée, réduite à une écriture se raréfiant au maximum, la composition prend un tour primordial, archaïque. Elle nous ramène à la pensée sauvage, celle des plus grandes proximités entre nature et culture. Créer ? Pour Solange Pessoa, ce n’est pas tant s’ancrer dans une contemporanéité vibrante que signifier ce que la contemporanéité doit au passé profond. Proche par son style de l’art des autochtones, animiste, spiritualiste, attaché aux figures symboliques de l’animal, du végétal ou de l’humain essentiel, l’œuvre de Solange Pessoa s’allie avec cœur avec l’indigénisme devenu une revendication des peuples encore récemment colonisés par l’Occident. Oublier d’où l’on vient, négliger les esprits ? Plutôt, sur le mode sensible et mémoriel, faire de l’art une variante de l’ethnographie.

* Vue détaillée de l’œuvre 56



FORÊT, VERT FRAGILE

RACHEL RENAULT Mille-Feuille, 2020-2021 Peinture à l’huile. Triptyque, 197 x 342 cm.* Vit et travaille à Reims, France. L’univers plastique de Rachel Renault goûte l’hybridation. Que ses toiles fassent référence à la vie courante, alors un élément perturbateur s’y fait jour, de manière immanquable : un animal, des viscères, des poissons, des formes flasques, une situation inattendue… L’artiste ne représente pas le monde mais un écosystème particulier, son monde intérieur, mutant, par collage mental. Pulsion à un imaginaire libre, au rêve éveillé. L’art, au rythme de sa pratique, est pour Rachel Renault une manière spécifique de libérer la pensée profonde, les forces de l’inconscient, tout ce qui travaille en nous au profond et en-dedans. Non que le strict réalisme soit une forme vaine, il ne traite que des apparences. Lors même que nous sommes, parce qu’humains, des êtres voués à l’égarement mental, à la prospection permanente, sans réponse définitivement sûre et abonnée aux représentations dérivantes. Le tableau Mille-Feuille, triptyque spectaculaire et énigmatique, nous montre un paysage aussi insolite que luxuriant. Effet de délocalisation garanti ! Évocation de la Guyane où l’artiste a vécu plusieurs années, cette création monumentale est riche de formes végétales et animales généreuses, en plus de fourmiller de détails curieux : que fait-là cette femme nue à l’horizontale, coincée entre des branches, que l’on découvre dans le panneau droit de ce triptyque ? Mille-Feuille exprime, entre autres ouvertures symboliques, le désir de l’artiste de cohabiter avec un environnement sauvage, de ceux que la vie moderne a réduits à rien ou presque. Figuration aux accents organiques évoquant la prodigalité de la forêt équatoriale, Mille-Feuille, création plastique où la forêt joue un rôle déterminant, structurant, assume d’être un paysage psychique, métaphorique, une figure du ressourcement mais aussi du lâcher-prise.

* Vues détaillées de l’œuvre 58



FORÊT, VERT FRAGILE

SARAH VALENTE Fragments I et II, 2018-2021 Bois (chêne) et résine, 60 x 20 x 15 cm. Greenline Collection Vit et travaille à Paris, France. Photographe, peintre, sculptrice, Sarah Valente entretient avec l’élément naturel, depuis l’enfance, un rapport fusionnel. Elle traduit généreusement cette pulsion à travers maintes créations dont le végétal, la forêt notamment, européenne mais aussi tropicale (elle la découvre, enfant, avec son grandpère maternel), forme le pivot, l’inspiration et la matière dense. « Dans la forêt, avec les arbres et la vie infinie qui les entoure, je me sens à ma place. Lors de mon apprentissage de la photographie, je suis vite passée comme une évidence d’un sujet humain, à celui de la nature. Sa richesse est mon sujet », dit l’artiste. Elle fonde en 2021 le fonds de dotation Greenline Foundation, basé à Paris, à l’issue de sa réflexion « sur l’importance de diffuser l’information relative à la protection et à la création de nouvelles forêts dans le monde ». Cette structure pro natura est à l’initiative, avec l’association Forest Art Project, de l’exposition Forêt, Vert Fragile. Portraitiste de la forêt, ainsi pourrait-on qualifier cette artiste prodigue, à la production intense, mais aussi des oiseaux, des microorganismes, de la symbiose végétale ou encore de la vie des abeilles – en témoigne sa monumentale Ruche, réalisée avec les artistes Pauline Guerrier, David Servan-Schreiber et Ugo Schildge, une sculpture-installation immersive où le spectateur peut expérimenter le cadre de vie des abeilles. Si la géométrie de l’œuvre de Sarah Valente est variable, son déterminant est en revanche unitaire : conférer à l’ouvrage de la nature en action, autant que faire se peut, une figure suggestive au-delà des représentations conventionnelles abonnées au mimétisme. Fragments I et II, les pièces présentées par Sarah Valente dans cette exposition, s’affichent ainsi comme de fort singuliers mémoriaux. Des morceaux de chênes de la forêt bretonne de Brocéliande ont été coffrés dans une résine transparente de forme parallélépipédique. Plus qu’un simple objet de décoration, assurément. Un témoignage, plutôt et aussi bien, de la complexité des processus naturels et de leurs effets, pour la plupart indiscernables mais pour l’occasion révélés. Ici, nous précise l’artiste, « le dioxyde de carbone prisonnier du bois fait apparaitre des traces argentées, il est, grâce à l’inclusion visible à l’œil nu, et habille le bois tel de l’argent liquide ».

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FORÊT, VERT FRAGILE

MATHILDE WOLFF Chêne 2, 2023 Bromélia 4, 2023 - Impression digigraphique sur papier Hahnemühle 200 gr, 120 x 80 cm. Chêne I et II, 2023 - Impression digigraphique sur papier Hahnemühle 200 gr, 80 x 60 cm. Vit et travaille à Paris et dans le Cotentin, France. Le travail plastique de Mathilde Wolff se voue tout entier à la célébration de la nature, celle plus particulièrement du végétal. Un intérêt précoce pour l’univers naturel, un voyage en Amazonie, encore, où elle jugera sur pièce des effets dévastateurs de la déforestation ont scellé chez cette artiste française un pacte d’amour avec les plantes, qu’elle a soin de représenter sous tous leurs angles : le feuillage comme la fleur mais aussi le système racinaire, dans l’esprit typologique des biologistes. Sensibilisée très tôt aux enjeux environnementaux de l’anthropocène, Mathilde Wolff est une dessinatrice horspair soucieuse de détail et d’exactitude. Elle recourt à une pratique technique plutôt complexe : dessin, peinture à l’aquarelle, collage et calque, retravail digital enfin de l’œuvre réalisée, en un processus rigoureux et structurel. Il résulte de cette facture des compositions magnétiques, captant l’œil du spectateur avec insistance, que caractérise leur nature à la fois hyperréaliste, tirant vers la photographie, et graphique, suggérant une fabrique humaine et non plus mécanique. Cet alliage stylistique, évoquant de loin en loin l’Art nouveau, recèle un fort pouvoir d’attraction. Une simple racine ou le développement arachnéen d’un rhizome, avec Mathilde Wolff, deviennent des figures majeures, précieuses, de la joaillerie végétale. Un même effet iconique se décèle dans les visuels issus des séries Bromélia et Chênes présentées dans cette exposition. Toute la complexité de la plante s’y affiche, isolée de son contexte de pousse, à titre d’information essentielle et d’ouverture sur la richesse du vivant et les prouesses organiques de la biodiversité. Comme à dire : attention, complexe, respectable, à admirer mais non moins à préserver, avant disparition éventuelle.

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Contenu scientifique

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FORÊT, VERT FRAGILE

Qu’est-ce que l’Agroforesterie ?

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CATALOGUE D’EXPOSITION

Une association d’arbres à des pratiques agricoles ou d’élevage Telle est la définition la plus simple de l’agroforesterie. Dans la réalité, de nombreuses situations très diverses se cachent derrière ce terme. Voici quelques exemples : - les alignements d’arbres ou d’arbustes dans ou autour des champs ; - les haies autour des parcelles ou le long des ruisseaux, chemins et fossés ; - le bocage lorsque de nombreuses haies forment un maillage dans le territoire rural ; - les brise-vents arborés ; - les cultures ou élevages sous arbres dispersés dans les champs ; - l’élevage dans des forêts ou des plantations d’arbres ;

Le résultat est très variable, allant de milieux relativement ouverts tels que des champs dans lesquels apparaissent des arbres ici et là, à des milieux plus fermés dans lesquels la composante arborée domine et qui ressemblent parfois à des forêts, ou à des paysages en mosaïque associant arbres, cultures ou animaux dans des proportions et des dispositions variées. Le bénéfice de ces pratiques est multiple : la présence des arbres améliore la qualité des sols et le microclimat, favorise la présence des espèces auxiliaires qui permettent de lutter contre les maladies des cultures, facilite la pollinisation. Les haies jouent un rôle essentiel dans le maintien d’une diversité biologique et préservent la circulation de l’eau vers la nappe phréatique.

- l’alimentation d’animaux avec du fourrage d’arbre ; - les agroforêts et les forêts comestibles : rotations ou plantations en relais associant des arbres et des cultures ; - les paysages composites associant ces modalités.

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FORÊT, VERT FRAGILE

L’AGROFORESTERIE : DEUX LOGIQUES COMPLÉMENTAIRES. D’une part introduire des arbres ou arbustes dans les fermes et le monde rural pour en obtenir des productions arborées (bois, fruits, fibres, résine, huiles essentielles, etc.) qui s’ajoutent aux productions des cultures annuelles ou de l’élevage. D’autre part valoriser les services écologiques que les arbres peuvent rendre à l’agriculteur, à l’éleveur ou à la société. Par exemple protéger le sol ou en améliorer la fertilité, assurer une meilleure utilisation des ressources en eau, favoriser la biodiversité, stocker du carbone pour atténuer le changement climatique, contribuer à l’adaptation au changement climatique. Dans le paysage rural, les arbres de l’agroforesterie sont aussi des marqueurs de l’espace et du foncier, des éléments du patrimoine, des symboles socio-culturels, etc. En raison de cette dualité, on dit parfois que les arbres de l’agroforesterie sont polyvalents : ils peuvent à la fois fournir des productions et rendre des services. Les différentes modalités agroforestières que l’on peut mettre en oeuvre doivent correspondre aux conditions présentes dans telle ou telle zone, selon qu’il s’agit d’agriculture, de forêt, de plantation d’arbres, d’élevage, chasse, cueillette, loisirs ruraux, grands espaces naturels, zone à réhabiliter, etc. Ce document présente des exemples de quelquesunes de ces modalités.

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Moisson dans une parcelle agroforestière ©Ch. Dupraz

Caféiers sous arbres d’ombrage, Tanzanie ©E. Torquebiau



CATALOGUE D’EXPOSITION

CHAMPS ARBORÉS Dans une optique agroforestière, il est possible de modifier toutes les formes d’agriculture existantes en faisant appel à des arbres. Par exemple en introduisant des alignements d’arbres pour bois d’oeuvre dans les champs de céréales. L’écartement entre les lignes d’arbres doit permettre de continuer à cultiver la parcelle avec les méthodes habituelles. À l’inverse on pourra convertir des vergers conventionnels d’arbres fruitiers en vergers agroforestiers en y introduisant des cultures maraîchères, notamment celles qui supportent un environnement ombragé, par exemple certains légumes-racines ou tubercules (radis, topinambours, panais, patates douces, etc.), des légumesfeuilles (épinards, endives, bettes, courges, choux), des fruits de sous-bois (cassis, mûres, cormes, arbouses). En zone tropicale humide, ce sont les caféiers et les cacaoyers qui sont plantés sous de grands arbres d’ombrage. Au Sahel, d’immenses champs sont cultivés au milieu d’arbres dispersés dans les parcelles. Dans les champs arborés, outre leurs productions, les arbres jouent de multiples rôles écologiques. Ils protègent le sol, améliorent le microclimat, favorisent la présence des espèces auxiliaires qui permettent de lutter contre les maladies des cultures, facilitent la pollinisation.

Dehesa, Espagne ©Denis Asfaux

Arbres dispersés dans les champs, Sahel, Sénégal © Louise Leroux

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FORÊT, VERT FRAGILE

ÉLEVAGE AGROFORESTIER De nombreux élevages peuvent s’envisager en conditions agroforestières. À l’abri des arbres, les animaux sont moins stressés et plus productifs. Il est également possible d’assurer une partie de l’alimentation des troupeaux avec du fourrage d’arbre, dont la qualité et la digestibilité sont souvent supérieures à celles du fourrage herbacé. En Espagne et au Portugal, une pratique consiste à associer chênes-lièges, céréales et élevage de porcs dans les mêmes parcelles. Ailleurs en Europe, on élève des volailles en terrain arboré, ou on pratique l’éco-pastoralisme en introduisant des moutons dans les plantations d’arbres.

Élevage sous châtaigniers, Cévennes France © Daniel Mathieu

De nombreuses espèces d’arbres, autrefois communément utilisés pour nourrir les troupeaux reprennent aujourd’hui de l’usage, par exemple frênes, érables, tilleuls, mûriers. En Afrique, c’est 30 à 50 % de la ration alimentaire des vaches et des moutons qui est assurée par les arbres, et beaucoup plus pour les chèvres.

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Volailles en Agroforesterie, Gers, France © E. Torquebiau

Fourrage d’arbre, Ain, France © Adrien Messean


FORÊT, VERT FRAGILE

HAIES ET BOCAGE Autour des parcelles ou des exploitations agricoles, sur les ruptures de pente et les talus, le long des chemins, routes, ruisseaux et fossés, les haies arborées sont une composante essentielle de notre patrimoine rural. Elles ont malheureusement disparu en grande partie au siècle dernier dans le cadre du remembrement agricole mais leur retour est en bonne voie grâce à de multiples initiatives. Lorsqu’elles sont suffisamment nombreuses pour constituer un maillage, les haies forment le bocage, paysage agroforestier familier de certaines de nos campagnes. Le bocage a un effet important sur le microclimat en atténuant les contrastes de température et d’humidité. Les haies sont extrêmement favorables à la biodiversité, elles protègent aussi le sol en régulant la circulation de l’eau. Certaines haies sont disposées en bordure des parcelles pour servir de brise-vent.

AGROFORÊTS & FORÊTS COMESTIBLES L’agroforesterie peut prendre la forme de parcelles densément arborées, multistrates, composées de nombreuses espèces différentes. Des expériences sont disponibles en Angleterre (forest-gardens) et apparaissent en France (forêt comestible). Les agroforêts sont bien connues sous les tropiques (Indonésie, Tanzanie, Ghana, Cameroun, Brésil, etc.) et on peut s’en inspirer. En Europe, il faut les imaginer comme des associations entre fruitiers (notamment toutes les variétés « oubliées ») et la flore arborée locale, spontanée. On peut y envisager arbres, arbustes, plantes grimpantes, racines et tubercules utiles, champignons, herbacées du sous-bois, élevage, ruches, etc. Le point commun de toutes les plantes des strates inférieures sera bien évidemment une certaine tolérance à l’ombre. Ces agroforêts ressemblent à des forêts naturelles et en reproduisent le fonctionnement écologique.

Paysage bocager, Aude, France © E. Torquebiau

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CATALOGUE D’EXPOSITION

AGROFORESTERIE AUTOUR DES FORÊTS ET DES PLANTATIONS D’ARBRES En périphérie des forêts et des plantations d’arbres, l’agroforesterie peut jouer un rôle d’interface entre les zones densément boisées et les zones ouvertes. Afin d’assurer un gradient progressif, on peut imaginer que ces zones « tampons » soient constituées des mêmes espèces arborées, mais à densité plus faible, afin d’y permettre par exemple la culture et collecte de produits forestiers (champignons, châtaignes, truffes, fleurs et fruits, bois de chauffage), ou la pratique de la chasse, de la randonnée et des sports de nature. La pratique de la régénération naturelle assistée (on repère les espèces les plus intéressantes et on les protège) permet de renouveler régulièrement la zone agroforestière sur la base des espèces locales, spontanées. En association avec des cultures saisonnières ou de l’élevage, ces interfaces agroforestières peuvent constituer d’efficaces coupefeux en périphérie des zones boisées.

Forêt comestible, France © Fabrice Desjours

Ripisylve ©Wikimedia Commons

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FORÊT, VERT FRAGILE

MOSAÏQUE AGROFORESTIÈRE L’agroforesterie permet enfin d’entretenir des paysages ruraux hétérogènes en associant en « patchwork » les modalités décrites dans ce document. Les parcelles sont petites. Les modalités d’utilisation du sol varient d’une parcelle à l’autre. Des alignements arborés (haies, clôtures vivantes, ripisylves) sont installés (ou favorisés par régénération naturelle assistée) dans toutes les infrastructures paysagères le permettant : lisières, bordures de parcelles, fossés, ruisseaux, rivières, sentiers, chemins, routes, ruptures de pente, etc. Dans cette mosaïque, les flux d’eau et de matière fonctionnent de manière résiliente, la biodiversité s’exprime, production et protection sont associées dans un paysage beau et harmonieux.

Agroforêt, Indonésie © E. Torquebiau

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Alignements d’arbres en grandes cultures © E. Torquebiau

L’auteur EMMANUEL TORQUEBIAU Chercheur émérite en Agroforesterie, CIRAD, Montpellier. Membre des Conseils d’Administration de l’Association Française d’Agroforesterie et de l’Association Francis Hallé pour la Forêt Primaire


Les champignons


Les champignons développent une symbiose avec plus de 90 % des espèces végétales. Cette relation intime entre champignons et racines des plantes est la symbiose mycorhizienne. Les symbioses mycorhiziennes sont présentes dans tous les écosystèmes terrestres, des déserts aux prairies alpines, des forêts boréales aux forêts tropicales, mais également dans la plupart des agrosystèmes. Il existe quatre grands types de symbioses mycorhiziennes que l’on distingue en fonction de leur structure anatomique et de leur fonctionnement, à savoir les endomycorhizes à arbuscules, les ectomycorhizes, les mycorhizes des orchidées et les mycorhizes des éricacées. Les estimations actuelles suggèrent que près de 92 % des espèces végétales forment une symbiose avec des champignons mycorhiziens. Cette relation symbiotique développe un bénéfice pour chaque partie : les champignons mycorhiziens apportent à la plante hôte l’eau et les éléments minéraux qui lui sont nécessaires.

En retour la photosynthèse produit de la sève riche en sucres qui sont transportés vers les racines mycorhizées et utilisés par les champignons associés pour construire leurs réseaux et leurs fructifications. De façon générale, le champignon aide l’arbre à puiser des éléments minéraux et de l’eau dans le sol. En échange, l’arbre fournit des sucres au champignon. Un arbre hôte, tel qu’un chêne centenaire, peut interagir simultanément avec plusieurs centaines d’espèces de champignons ectomycorhiziens, cèpes, amanites, truffes, russules, lactaires ou cortinaires. Cette diversité remarquable de symbiotes fongiques pourrait s’expliquer par leur complémentarité fonctionnelle. La mycorhization a donc un impact bénéfique sur la croissance des plants forestiers. Se sont ainsi développées depuis quelques années des techniques de mycorhization contrôlée.


FORÊT, VERT FRAGILE

L’ALLIANCE ENTRE LES CHAMPIGNONS ECTOMYCORHIZIENS ET LES ARBRES Dans les forêts caducifoliées ou de résineux, toutes les racines des grandes essences sylvicoles (par exemple pins, épicéas, chênes, hêtre) forment des symbioses avec les champignons ectomycorhiziens. Ce sont les racines fines, de deuxième ou troisième ordre, qui ont la capacité de former cette symbiose. Elles sont localisées dans les couches supérieures du sol, soit les couches organiques (litière, humus), ou à l’interface avec l’horizon minéral. La symbiose ectomycorhizienne domine dans les forêts des régions où les climats saisonniers froids et secs ralentissent la décomposition de la matière organique. Par conséquence, cette symbiose est prédominante dans les forêts des régions tempérées et boréales, ainsi que dans les étages montagnards. Sur la base des études mycologiques, morphologiques et moléculaires, plus de 20 000 champignons ectomycorhiziens ont été répertoriés. Il s’agit essentiellement d’Ascomycètes ou de Basidiomycètes. Des études biogéographiques, réalisées à l’échelle continentale, ont montré que 60 % des arbres de la planète sont en symbiose avec des champignons ectomycorhiziens. Un arbre hôte, tel qu’un chêne centenaire, peut interagir simultanément avec plusieurs centaines d’espèces de champignons ectomycorhiziens, cèpes, amanites, truffes, russules, lactaires ou cortinaires. Cette diversité remarquable de symbiotes fongiques pourrait s’expliquer par leur complémentarité fonctionnelle. Chacune des espèces de champignons pourrait bien jouer un rôle spécifique dans cette vaste association entre l’arbre et son cortège de mutualistes mycorhiziens. Certains champignons seraient spécialisés dans l’approvisionnement en éléments minéraux, d’autres dans une meilleure récupération suite à une sécheresse édaphique ou dans la protection contre les parasites racinaires.

Laccaria bicolor sur sapin de Douglas © Francis Martin

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Fructifications du polypore amadouvier sur chêne © F. Martin

Ectomycorhize de Bolet pruineux sur hêtre. © Marc Buée


CATALOGUE D’EXPOSITION

Morphologiquement, l’ectomycorhize se distingue par trois composantes structurales majeures (voir la photo « Section de racine de Pin colonisée par le champignon Cenococcum geophilum ») : ~ un manteau constitué d’hyphes fongiques agglomérés qui entoure la racine courte ; cette structure joue un rôle important dans le stockage des nutriments (éléments minéraux, glycogène, acides aminés, lipides) produits par l’activité métabolique du champignon et de sa plante-hôte. ~ un réseau de filaments fongiques – les hyphes – colonisant la racine et progressant entre les cellules épidermiques et les cellules corticales de la racine, pour former le réseau de Hartig. C’est au niveau de cette interface que s’effectue les échanges d’éléments nutritifs (glucose, acides aminés, éléments minéraux) entre le champignon et sa plante hôte ~ un mycélium externe plus ou moins abondant, se ramifiant à partir de la racine mycorhizée et formant un réseau colonisant le sol. C’est à partir de ce réseau mycélien que se différencient les fructifications. La croissance du réseau ramifié de filaments mycéliens externes peut être considérable (jusqu’à 1 000 m de mycélium/m de racine) augmentant ainsi le volume de sol exploité par l’arbre mycorhizé.

Racine de Pin colonisée par le Lactaire délicieux © Alexis Guérin

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FORÊT, VERT FRAGILE

Ce réseau extra-racinaire assure ainsi un rôle de prospection du sol, d’absorption et de transport des nutriments. Les hyphes fongiques sont capables de dissoudre et d’absorber des éléments minéraux inaccessibles aux racines de la plante-hôte et de les transférer, au partenaire végétal. Outres les ressources minérales solubles (phosphates, azote minéral, potassium, micro-éléments), les champignons ectomycorhiziens sont également capables d’altérer les minéraux et d’exploiter une partie des ressources accumulées dans la matière organique des sols en sécrétant des protéases, des phosphatases ou des oxydases. L’impact de la symbiose mycorhizienne est essentiellement trophique et exerce de ce fait une forte influence sur la croissance et la santé des plantes.

LA MYCORHIZATION CONTRÔLÉE : UN OUTIL DE GESTION SYLVICOLE La mycorhization contrôlée, ou inoculation raisonnée de champignons mycorhiziens, s’applique essentiellement dans les pépinières forestières ou les plantations. Elle consiste à introduire une grande quantité de propagules mycorhiziennes actives sur le système racinaire de jeunes plants, en l’absence de compétiteurs (stérilisation préalable par pasteurisation). En pépinière forestière, les premiers essais de mycorhization contrôlée de semis d’essences forestières ont été réalisés aux alentours de 1920 en Australie par inoculation de semis de pins de Monterey à l’aide de spores du champignon ectomycorhizien, le rhizopogon jaune. Au début des années 1980, cette méthode de mycorhization contrôlée est développée à grande échelle aux États-Unis dans les plantations de pins.

Mycorhization contrôlée : semis de sapins de Douglas mycorhizés par différents champignons symbiotiques. La meilleure croissance est observée, à droite, avec le Laccaire bicolore. © F Le Tacon (INRAE)

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Culture in vitro de peupliers colonisés par le Laccaire bicolore, champignon ectomycorhizien ©Anne Jambois (INRAE)


FORÊT, VERT FRAGILE

En France, les premiers essais de mycorhization contrôlée sontréalisés à la pépinière de l’Office National des Forêts de Peyratle-Château (Haute-Vienne), en 1979, sur semis d’Épicéa commun et de sapin de Douglas. Des plantations expérimentales sont mises en place à partir de 1981. La mycorhization contrôlée conduit le plus souvent à une forte augmentation (> 50 %) de la croissance des semis inoculés. L’inoculation des semis peut se faire par un champignon sélectionné dans la microflore locale du site de plantation (souche autochtone) ou une souche provenant d’autres régions ou pays (souche exotique). L’inoculation avec des champignons indigènes est souvent plus efficace et évite l’introduction de souche(s) exotique(s), potentiellement invasives, qui risquent de supplanter les communautés fongiques locales et indirectement la composition de la communauté végétale. Suite à ces travaux et à une série d’études complémentaires sur l’impact bénéfique de la mycorhization contrôlée sur la croissance des plants sylvicoles, plusieurs pépiniéristes forestiers (par exemple Robin Pépinières, les Pépinières Naudet) offrent une large gamme de plants forestiers (sapins, pins, hêtres, cèdres ou chênes) mycorhizés par des laccaires, des hébélomes ou des pisolithes. La mycorhization a un impact bénéfique sur la croissance des plants forestiers dans différents contextes écologiques et en particulier dans les programmes de reboisement et de plantations. La présence des champignons symbiotiques stimule l’alimentation minérale des jeunes plants, assurent une bio-protection des plants vis-à-vis des pathogènes du sol et améliore la structure des sols. La maîtrise de la symbiose mycorhizienne est donc un atout indéniable dans une approche agroécologique de la conduite des plantations forestières.

Fructification de Laccaire associé au sapin de Douglas. © F Martin

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CATALOGUE D’EXPOSITION

TRUFFICULTURE Un bel exemple de l’application commerciale de la mycorhization contrôlée est la production de plants truffiers. Les premiers plants mycorhizés de manière contrôlée par la truffe noire du Périgord (Tuber melanosporum) sont commercialisés en 1973 par la société Agritruffe dépositaire d’une licence INRA/ANVAR. Cette technique d’inoculation à grande échelle repose sur la mise en contact des racines de jeunes semis de chêne ou de noisetier préalablement germés avec des spores de truffe noire du Périgord ou de truffe de Bourgogne provenant de truffes broyées. Ce procédé de mycorhization contrôlée a entraîné une révolution dans la trufficulture en permettant le développement des plantations en Europe, en Australie et en NouvelleZélande. Aujourd’hui, plus de 80 % des truffes récoltées en France sont issus de plantations de plants truffiers.Cependant, les nombreux échecs rencontrés dans l’installation de truffières productives sont dus à la fois au non-respect de règles élémentaires de culture (mauvais choix des sites de plantation, mauvaise préparation du sol, absence d’entretien ou entretien insuffisant, absence d’irrigation) et à l’insuffisance des connaissances techniques et scientifiques sur la biologie des truffes et l’écologie de la truffière.

Truffe noire du Périgord © Fabrice Desjours

Noisetiers truffiers dans la truffière expérimentale de Boncourt © F Martin

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À RETENIR 92 % des végétaux contractent une association mycorhizienne Les champignons ectomycorhiziens représentent généralement plus de 50 % de la communauté fongique d’une forêt dans les régions tempérées ou boréales.

La richesse et la composition des communautés de champignons mycorhiziens sont fonction de la plante hôte, du climat et des conditions du sol. Les agrosystèmes intensifs, caractérisés par de forts intrants chimiques et phytosanitaires, présentent un appauvrissement des champignons symbiotiques. La communauté de champignons mycorhiziens influence la

diversité, la productivité et la stabilité de la forêt et réciproquement.

Les changements de la composition en espèces fongiques lors du vieillissement du peuplement forestier est progressif avec des chevauchements d’espèces.

Les champignons spécialistes (associés à un nombre

restreint d’espèces) remplacent progressivement les espèces généralistes (associées à plusieurs partenaires) lors du vieillissement de la forêt. En forêt, les champignons mycorhiziens fournissent des quantités

considérables d’azote minéral et organique, ainsi que du phosphate inorganique à leurs plantes hôtes.

Les champignons mycorhiziens améliorent la résistance à la

sécheresse, séquestrent les métaux lourds et stimulent la résistance aux maladies et au stress. Les champignons mycorhiziens sont l’un des moteurs essentiels

de la multifonctionnalité des écosystèmes. La mycorhization contrôlée est largement utilisée en trufficulture et dans les projets de restauration.


Section de racine de Pin colonisée par le champignon Cenococcum geophilum. Le champignon est en vert, la racine en rouge © J Plett (INRAE)

L’auteur FRANCIS MARTIN Directeur de recherche émérite à l’INRAE de Nancy et Professeur associé à l’Institut de recherche sur la forêt subtropicale à Hangzhou, Chine. Docteur en physiologie végétale, microbiologiste et mycologue, il se passionne pour la biologie des arbres et de leurs alliés microbiens. Il est l’auteur de « Sous la forêt : pour survivre il faut des alliés » et « Les arbres aussi font la guerre » parus chez HumenSciences et « La forêt hyperconnectée » publiée par les éditions La Salamandre.


Forêt primaire ou en libre évolution


« C’est une forêt qui a atteint son maximum de diversité biologique végétale et animale. Elle n’a jamais été modifiée par l’homme, ou a eu suffisamment de temps sans intervention humaine (plusieurs siècles) pour retrouver son caractère primaire.» Une forêt primaire, c’est avant tout un mélange d’êtres vivants de toutes sortes : - Arbres bien sûr, d’espèces et d’âges différents, de toutes formes et de toutes dimensions, et qui ont poussé spontanément à partir de graines. - Mais aussi de multiples animaux, des plus gros jusqu’aux microscopiques, des lianes, arbustes, buissons, plantes à fleurs, fougères, mousses, champignons, bactéries. - Beaucoup de bois mort, un sol épais et spongieux. Lorsqu’on y pénètre, la sensation de passer dans un autre monde, de beauté, de richesse, d’harmonie, de paix. Un monde frais et ombragé, odorant, accueillant, peut-être un peu impressionnant.

Les arbres démultiplient l’espace où les autres êtres vivants peuvent s’installer ou se nourrir. Ils s’élancent vers le ciel et les profondeurs de la terre. De cet axe vertical, partent branches et racines dans toutes les directions. De multiples connexions assurent le fonctionnement de cet écosystème extraordinairement complexe : une infinité d’êtres vivants interagissent les uns avec les autres, luttent, collaborent, s’associent, communiquent par voie aérienne et/ou souterraine. La qualité du sol forestier est essentielle : une forêt en bonne santé est une forêt où le sol, humide et fertile, grouille de vie. Il ne faut surtout pas confondre cette forêt naturelle avec une plantation d’arbres, où tous les arbres sont identiques, souvent du même âge et alignés.


FORÊT, VERT FRAGILE

DE TRÈS GRANDS ARBRES Dans une forêt naturelle, les arbres de la canopée peuvent atteindre des dimensions qu’on n’imagine plus de nos jours, tant ils sont devenus rares. 40 à 50 m de haut (l’équivalent d’un immeuble de 12 à 15 étages !) pour des sapins ou des épicéas dans la forêt primaire de Slatioara en Roumanie. L’âge moyen de ces arbres est de 300 ans en Europe centrale, parfois 400 ans, voire plus de 1 000 ans pour l’if. Dans la forêt équatoriale, les arbres atteignent couramment 50 à 60 m. Ces arbres de très grande taille qu’ils soient vivants ou morts, ont une fonction protectrice pour la vie dans le sous-bois, en y régulant le microclimat. Leurs troncs massifs font fonction de dissipateur de chaleur lors des étés très chauds. Ils assurent aussi une humidité constante dans le sous-bois. Lorsqu’ils meurent et tombent à terre (une mort souvent lente, qui peut durer des siècles) , l’eau s’accumule dans le bois pourrissant, et contribue à conserver un sol humide.

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Forêt tropicale à Sumatra, Indonésie

Vieux hêtre tortueux, Pyrénées


© Louise Leroux


CATALOGUE D’EXPOSITION

LA FORÊT, C’EST LA COMPLEXITÉ Pourtant, le processus de départ est très simple et nous pouvons l’observer tous les jours : c’est la photosynthèse. Ce processus qui est à l’origine de la vie sur terre, est le mécanisme par lequel les plantes, grâce à l’énergie du soleil, fabriquent leur matière, à partir du gaz carbonique (CO2) de l’air et d’eau. Dans le cas de la forêt, la photosynthèse a réussi la prouesse de constituer l’énorme masse de matière végétale que sont les arbres : troncs, branches, feuilles, racines, à la base des chaînes alimentaires de tous les êtres vivants de la forêt. 75 % de la biodiversité terrestre mondiale se trouve dans les forêts. Mais le résultat de cette immense biodiversité, c’est bien plus que la somme des composants de la forêt : du sous-bois fait d’ombre, de silence et d’humidité, à la canopée baignée de lumière, la forêt est un ensemble biologique exceptionnel. Personne ne sait reproduire cette performance. De multiples connexions assurent le fonctionnement de cet écosystème extraordinairement complexe : une infinité d’êtres vivants interagissent les uns avec les autres, luttent, collaborent, s’associent, communiquent par voie aérienne ou souterraine. Si un arbre est agressé par un animal herbivore trop entreprenant, il peut émettre des substances volatiles qui provoquent une réaction des autres arbres, dont les feuilles deviennent alors toxiques. Le prédateur n’a alors d’autre choix que d’aller manger plus loin. Les filaments des champignons parcourent le sol de la forêt et forment avec les racines des arbres un immense réseau souterrain. Les connexions de la forêt, c’est de l’entraide à grande échelle, une authentique société.

Chouette chevêchette

Forêt des Vosges en automne

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FORÊT, VERT FRAGILE

PAS DE FORÊT SANS SOL C’est là, au pied des arbres, que se passe un autre processus essentiel. Les feuilles, le bois mort et les autres débris végétaux et animaux qui se retrouvent par terre constituent une couche épaisse de matière organique appelée litière. Décomposée par les champignons, les insectes et des micro-organismes, la litière se transforme en humus qui se mélange progressivement avec la matière minérale. Peu à peu, un sol se forme en profondeur. C’est dans le sol que les racines des arbres s’allient avec les filaments (mycélium) des champignons et forment une symbiose, c’est-à-dire une association favorable aux deux partenaires. Les arbres fournissent des glucides issus de la photosynthèse aux champignons en échange d’eau et de minéraux. Il existe aussi des symbioses avec des bactéries qui fournissent de l’azote à certaines plantes. Une forêt en bonne santé est une forêt où le sol, humide et fertile, grouille de vie. On le reconnaît à la couleur : la matière organique lui donne cette teinte noirâtre. On le reconnaît à l’odeur : il sent bon, ce sont des bactéries qui lui donnent ce chaud parfum d’humus.

Litière de feuilles mortes, Vosges

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Régénération de la forêt dans un chablis, Pyrénées

Hêtraie, Vosges


© E. Torquebiau


CATALOGUE D’EXPOSITION

LA FORÊT, C’EST LE RECYCLAGE Les arbres absorbent le gaz carbonique qui est dans l’air, stockent du carbone dans leur bois, fabriquent de l’oxygène et libèrent de la vapeur d’eau. Ils sont les champions des services rendus à la terre. Les forêts en libre évolution réparent les sols, filtrent l’eau, réduisent la pollution, produisent la pluie, protègent du vent, du soleil, du froid, de l’érosion. Une forêt, c’est une énorme masse de matière organique, végétale et animale. Tous ces êtres vivants participent aux chaînes alimentaires. Grâce aux arbres, cette matière organique est conservée pendant des siècles dans la biomasse et transmise au sol afin que d’autres êtres vivants en profitent. Ce sont surtout les champignons qui assurent ce recyclage, en décomposant le bois. Dans le sol, une multitude de micro-organismes, bactéries, insectes, continuent le travail. Sans ces organismes décomposeurs, la forêt serait un amoncellement de bois mort.

Champignons le long d’une racine de hêtre, Vosges

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FORÊT, VERT FRAGILE

LA FORÊT, C’EST LE TEMPS LONG La forêt semble immuable car le temps des arbres est un temps long. La croissance et la transformation des arbres est imperceptible à l’oeil nu, sauf la chute des feuilles et la floraison. Les arbres ne bougent pas, symbole de permanence. Mais la forêt se renouvelle sans cesse : quand un arbre tombe, une clairière appelée chablis se forme et la lumière permet à de nouveaux arbres de pousser. Dispersion du pollen, apport de graines par les animaux : la diversité change et augmente au fil du temps. Dans ce temps très long, la forêt construit un sol épais, garant de sa longévité et de sa résilience. Mais c’est là aussi une affaire de patience : il faut deux siècles pour fabriquer 1 cm de sol ! Lorsqu’on détruit une forêt naturelle et ancienne, on détruit des milliers d’années. Lorsque disparaît la biodiversité forestière, ce sont des millions d’années d’évolution qui sont perdues.

Mousses dans le sous-bois, Vosges

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FORÊT, VERT FRAGILE

LA FORÊT, C’EST LA MEILLEURE RÉPONSE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE La forêt atténue le changement climatique par la fixation du carbone dans les arbres et son transfert dans le sol. C’est une véritable usine à capture du gaz carbonique, ce gaz à effet de serre que nous émettons en trop grande quantité par nos activités industrielles (transports, usines, engrais minéraux, élevage, combustibles fossiles, etc.) et qui est à l’origine du changement climatique. Tout le carbone qui est stocké dans le bois et dans le sol, c’est autant de carbone qui n’est pas dans l’atmosphère. Le sol d’une forêt naturelle et ancienne contient du carbone en abondance.

Ruisseau du sous-bois, Vosges

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Les auteurs ROZENN TORQUEBIAU Autrice pour la jeunesse, elle a co-écrit avec Francis Hallé «L’étonnante vie des plantes» (Éditions Actes-Sud, 2021). Elle est membre de l’équipe pédagogique de l’Association Francis Hall pour la Forêt Primaire. Jeune houx dans le sous-bois, Sologne

Mais la forêt est aussi capable de s’adapter au changement climatique. S’il fait anormalement chaud ou froid, la forêt résiste à l’imprévu. De même s’il pleut trop ou trop peu. Dans la litière et le bois mort, l’eau s’est accumulée et garantit la présence d’un sous-bois humide. La diversité de la forêt en libre évolution et les multiples interactions entre les arbres et les autres êtres vivants contribuent à sa résilience, c’est-à-dire sa capacité à résister à un aléa et à récupérer ensuite si son fonctionnement a été altéré.

EMMANUEL TORQUEBIAU Chercheur émérite en Agroforesterie, CIRAD, Montpellier. Membre des Conseils d’Administration de l’Association Française d’Agroforesterie et de l’Association Francis Hallé pour la Forêt Primaire


Incendies & Mégafeux


Un méga feu est incontrôlable par l’homme. Résumé de l’interview du LieutenantColonel des pompiers d’Aquitaine Philippe HARGUINDEGUY le 4 octobre 2022. Une période particulière de l’été 2022 a provoqué la survenue de feux dits « hors-normes » en Gironde sur trois sites particuliers : la forêt usagère de la Teste de Busch, les plantations sylvicoles sur la commune de Landiras et les espaces forestiers de sur la commune de Hostens. Ils n’ont pas été classifiés méga-feux car un peu inférieurs à 40.000 hectares selon la définition. Les circonstances favorisant leur apparition sont : canicule prolongée (températures supérieures à 40 °), sécheresse intense, vents locaux provoqués par les incendies euxmêmes (bourrasques jusqu’à 80 km/h) et concentrations importantes de résineux. Caractéristiques : - Températures parfois atteignant les 2000°. Les tentatives d’extinction par l’apport de quantité importantes d’eau est illusoire : elle s’évapore avant de toucher les flammes. - La hauteur des flammes a atteint 30 mètres à certains endroits.

- Le front de flamme a été au maximum de 6 kilomètres de long. - Les plantations d’arbres d’une même hauteur favorisent la progression du feu : celle-ci peut se faire à une vitesse de 4 à 5 kilomètres par heure. Ces caractéristiques interdisent un possible contrôle de ces feux hors normes. Il a été constaté que seules les pluies d’automne pouvaient parvenir à maîtriser l’intensité de ces incendies. Afin de limiter leurs progressions l’abattage d’arbres réalisant de grandes travées sont nécessaires. Les feux ont été déclarés éteints à la mi-septembre 2022. Mais il a été constaté que la lignite présente en profondeur dans le sous-sol continuait de se consumer en avril 2023. 95% des incendies sont d’origine humaine. La plupart par négligence (70%). La prévention et l’éducation est le meilleur moyen de lutte contre les incendies et ces méga-feux.


Tree of Life* Tree of Death** (Anthropocene) 2022-2023 par Diana Lui


« Lorsque j’ai décidé de participer à cette exposition consacrée à nos forêts, mon envie immédiate a été de mieux connaître la planète sur laquelle je vivais. J’ai toujours tenu pour acquis cette maison que nous appelons Terre et ce n’est que ces dernières années que j’ai commencé à être extrêmement préoccupée par la vitesse alarmante avec laquelle les forêts disparaissent, notamment en Malaisie, où je suis née. Étant originaire de Malaisie, la nature tropicale a toujours été présente dans mon enfance et même dans mon jardin. Voir les forêts luxuriantes et les terres indigènes être remplacées par des gratte-ciel, des autoroutes bruyantes et la pollution m’a amené à réfléchir sérieusement à l’équilibre fragile entre les humains, la terre et le vivant. Alors que le changement climatique se produit partout dans le monde à une fréquence alarmante, il faudrait choisir d’être sourd et aveugle pour ignorer la détérioration urgente de notre environnement. » Pays les plus touchés par la perte de forêts primaires, en termes de superficie, en 2022

Autres Malaisie Papouasie Nouvelle Guinée Cameroun Laos Colombie

Brésil

Pérou Indonésie Bolivie

République démocratique du Congo

20

30

10 premiers pays pour l’augmentation de la perte de forêt primaire en 2022 Ghana + 71% Bolivie + 59% Angola + 52% Cameroun + 40% Columbia + 32% Laos + 31% Argentine + 26% Philippines + 25% Equateur + 25% Liberia + 23%

0

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World Resources Institute / Global Forest Watch

40

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Tree of life

Tree of Life (Anthropocene) 2022-2023 Tree of Life est une tentative de cartographier la planète sur laquelle je vis et de mémoriser ce qui reste de nos forêts dans différentes parties de notre planète. Cette carte du monde peinte comme un miroir symétrique à la manière de Rorschach est pour moi une façon de « voir » à nouveau le monde vert, ou ce qui reste de nos forêts, comme un mirage en voie de disparition. La carte originale a été réalisée par Adam Symington à l’aide de l’intelligence artificielle qui a traité les informations du capteur Modis du satellite Terra reflétant la quantité de canopée verte restante autour du globe.

Source : https://www.visualcapitalist. com/cp/mapping-worlds-forestshowgreen-is-our-globe/ Pour obtenir des informations en temps réel sur ce qui reste de notre monde vert cartographié par le site Global Forest Watch, veuillez scanner ce code QR avec l’appareil photo de votre mobile :


Tree of life

Tree of Death (Anthropocene) 2022-2023 Tree of Death est l’antithèse de Tree of Life, encore une autre façon de voir et de mieux comprendre le monde et ses forêts en voie de disparition. Alors que je cartographiais le monde et pointais en rouge toutes les zones où une perte significative de la couverture arborée était détectée, j’ai remarqué la zone que j’avais peinte en vert dans Tree of Life, j’ai peint des zones similaires en rouge. Les zones rouges représentent les forêts qui disparaissent ou ont disparu au cours des vingt dernières années seulement. C’est une image alarmante de notre avenir si l’on considère la population humaine croissante sur Terre. « Depuis 2000, le monde a perdu plus de 104 millions d’hectares de paysages forestiers vierges et intacts. Rien

qu’en 2020, plus de 10 000 kilomètres carrés d’Amazonie ont été détruits pour le développement de routes. La déforestation et la fragmentation sont causées par une série d’activités de développement humain. Mais ils sont également exacerbés par le changement climatique, avec une multiplication des incendies de forêt, des ouragans, des sécheresses et d’autres événements météorologiques extrêmes, ainsi que des espèces envahissantes et des infestations d’insectes qui perturbent les écosystèmes forestiers.» - extrait d’article Mapping the World’s Forests: How Green is Our Globe ? - Adam Symington & Freny Fernandes pour TheVisualCapitalist. com, source: https://www.visualcapitalist.com/ cp/mapping-worlds-forestshowgreen-is-our-globe/

La carte originale que j’ai utilisée pour Tree of Death a été créée par Adam Symington à l’aide d’un programme d’intelligence artificielle pour cartographier la couverture forestière mondiale de 2000 à 2021. Les données permettant de créer la carte provenaient de l’Université du Maryland.



Production engagée

« FORÊT, VERT FRAGILE »



CATALOGUE D’EXPOSITION

Note d’intention La scénographie de l’exposition Forêt, Vert Fragile est pensée comme une déambulation rythmée, inspirée d’une marche en forêt. L’espace, volontairement dense, est ponctué de totems présentant les œuvres ainsi que d’un mobilier d’assise et de lecture. Il offre plusieurs scénarios de visite, mettant autant en valeur les peintures, photographies et installations que le contenu scientifique lié à l’exposition.

Paolo Morvan en collaboration avec Clemens Lauer

© Sybille Berger

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FORÊT, VERT FRAGILE

Une gamme de mobilier modulable S’inspirant des grumes de bois empilés, le mobilier est conçu à partir de deux modules standardisés réalisés uniquement à partir de matériaux réemployés, issus du stock de La Réserve des arts Méditerranée. Les dispositifs, une fois assemblés, constituent à la fois des éléments d’accroche et de présentation ainsi qu’un ensemble d’éléments graphiques forts, marquants l’exposition d’une réelle empreinte esthétique. Cette composition se veut légère, discrète, rappelant néanmoins la densité d’une forêt. Deux types de bois industriels ont étés utilisés dans la conception des modules d’assemblage. Leur traitement est pensé de façon à évoquer leurs caractéristiques et aspect naturel : - Les tasseaux bruts, éléments verticaux de différentes hauteurs rappelant les branches d’un arbre - L’aggloméré, assemblé sous forme de bûche et teinté, rappelant ainsi sa provenance initiale La gamme se décline en trois typologies d’éléments : - mobilier de médiation scientifique - cimaises verticales - socles et assises Les problématiques de montage, démontage, stockage et transport ont été prises en compte dès la conception du projet. Ainsi, tout le mobilier est conçu de façon à être démonté facilement et rapidement. Les modules composant la gamme, tous de forme carré, sont stockables et transportables sur palette.

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© Paolo Morvan

© Paolo Morvan


© Sybille Berger


© Sybille Berger

© Sybille Berger


FORÊT, VERT FRAGILE

La logique du réemploi Issus de la filière du bois et transformés mécaniquement, tous les matériaux utilisés portent les stigmates d’une vie antérieure (ici cimaises d’exposition et éléments de décors de défilé). Traces de vis, de scies, d’agrafes, de peintures et de colle modifient l’aspect industriel lisse d’origine, et rappellent la vie de cette matière première, son chemin et son parcours. Plutôt que de tenter de cacher ces dommages, ceux-ci sont réparés et mis en valeur par des ornements issus de techniques de menuiserie et d’ébénisterie. Chaque élément a été travaillé avec ces techniques de façon à redonner vie à cette matière première. Ainsi, les différents modules ont étés poncés, fraisés, teintés, huilés, rebouchés, jusqu’à leur donner l’aspect d’un véritable produit manufacturé, évoquant quelque fois la céramique. L’usage de matériaux de réemploi permet d’éviter l’impact carbone à double titre : - la non-production de nouveaux matériaux - la non-destruction des matériaux réemployés En effet, la production des matériaux neufs aurait engendré des émissions carbones ici quantifiées en fonction du poids utilisé : - 7 kilos de contreplaqué correspondant à 4,76 kilos de CO2eq - 690 kilos d’aggloméré correspondant à 593,4 kilos CO2eq - 128 kilos de tasseaux correspondant à 33,28 KG CO2eq Ainsi, l’évitement carbone permis par l’usage de matériaux préexistants représente 631,44 kilos CO2eq. La non-destruction des matériaux réemployés permet quant à elle d’éviter l’émission de 4,21575 kilos CO2eq en déchèterie. Au total l’ensemble du mobilier de l’exposition Forêt, Vert Fragile aura permis d’éviter l’émission de 635,65575 kilos CO2. Les matériaux ont été collecté et revalorisé par La Réserve des arts Méditérannée, structure experte en réemploi et spécialisée dans le secteur culturel.

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© Sybille Berger


© Sybille Berger


© Sybille Berger


© Sybille Berger


© Sybille Berger


FORÊT, VERT FRAGILE

Créé en 2021 à l’initiative de l’artiste plasticienne Sarah Valente, le fonds de dotation Greenline Foundation (GLF) cultive la puissance de l’art pour protéger les forêts. Né d’un engagement environnemental personnel, le fonds s’appuie également sur une volonté de participation de plus en plus marquée dans le secteur de l’art. Son action comprend trois axes : - Cultiver la force de l’art pour protéger les forêts en sensibilisant, via des manifestations artistiques, la société à la cause environnementale. Sensibiliser par l’art pour permettre de redécouvrir la beauté et le rôle critique de la nature, et plus spécifiquement des forêts. - Préserver les forêts existantes et ré-ensauvager les zones endommagées, notamment via la plantation d’arbres ou le rachat de parcelles. - Mobiliser les artistes et les professionnels du monde de l’art en les invitant à œuvrer ensemble à la protection des forêts.

www.greenline.foundation 128


CATALOGUE D’EXPOSITION

À la suite de la réalisation du film Il était une forêt sorti en 2013 (réalisation Luc JACQUET et Francis HALLE Conseillé scientifique), afin de continuer l’aventure, l’association Forest Art Project a été créée en 2016. « L’Art et la Science s’engagent pour l’avenir des forêts de notre planète » est son objectif. Cette affirmation a naturellement ouvert ses projets d’expositions et de conférences scientifiques à de nombreux artistes et spécialistes déjà investis dans ce domaine. Très logiquement une vocation pédagogique à l’adresse du grand public et des jeunes générations s’est imposée devant l’ignorance générale que nous avons du monde végétal et des forêts. Les récentes découvertes scientifiques sont fascinantes et doivent profondément modifier notre regard sur le « vivant » auquel nous appartenons. Transmission d’un savoir et pédagogie nous amènent à enrichir notre objet : « L’Art, la Science et l’éducation s’engagent pour les forêts ». Cette idée fondatrice nous invite à engager et élargir nos actions au service de cette cause qui nous dépasse.

www.forest-art-project.fr 129



Contact contact@greenline.foundation


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