MINISTÈRE DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE NATIONAL,DE L'URBANISME, DE L’HABITAT ET DE LA POLITIQUE DE LA VILLE ECOLE NATIONALE D’ARCHITECTURE DE FES
TRAVAIL PERSONNEL DE FIN D'ETUDES
L’aura d’un patrimoine négligé
Travail de: Salma GRAGUI
Membres du jury: Mr. Rachid TAHIRI Mme. Mariame RHADDIOUI
Encadrement:
Mr. E l M ontacir BENSAID Mme. I mane BKIRI
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بر�ملا
2021 _ 2022
يه و كنيد ةغل و كنيد ىلع و كتلاص � ىلع ظفاح لامشل � يف تنك ء � وس ،كديلاقت ىلع ظفاح و ،ةيبرعل � ىلع ظفاح .برغل � يف و � قرشل � يف و � ،بونجل � يف و � ىلع و كتاجهل ىلع ظفاحو ،كتليبق و كتهج يف كسابل ىلع ظفاح .كرثن و كرعش و كبد � و كتسدنه و كخبط ن ل .دغل � برغم نع فلتخي نل مويل � برغم ن ل هلك � ذه باقح ل � ةبقح لك يف و موي لك كيلإ ةجاح يف برغمل � . الله همحر يناثلا نسحلا كلملا ةللاج " "
RÉSUMÉ
Montagnes, pierres et terres, une palette qui s'affiche sur l'Anti-Atlas marocain, un territoire sousi qui exhibe une pluralité patrimoniale représentative et typique. Une architecture vernaculaire, témoignant du vécu des ses civilisations, trouve son charme en son unicité et sa pureté en terme de matériaux de construction utilisés, ainsi que dans sa configuration spatio-fonctionnelle.
Traduisant un besoin spatial pour se donner naissance, cette vedette aujourd'hui évoque un délaissement et un abandon subits , mais sans détachement de contexte géographique.
Endurant une exclusion accentuée des projets de développement régionaux, dans le sens d'interventions de réintroduction au contexte local, ces bâtiments cachent en leurs murailles des potentiels inédits.
Tizourgane, une kasbah sujette à tout ceci, a été la matière, le moyen et la finalité dans notre étude. Son attraction architecturale persiste encore après des siècles , cependant son intégration en une orientation à la fois touristique et économique sera la façon de la faire revivre et reconnue, non seulement à l'échelle de ses villages mitoyens, mais aussi sur le plan régional et national.
ABSTRACT
Mountains, stones and lands, a palette that is displayed on the Moroccan Anti-Atlas, a sousi territory that exhibits a representative and typical patrimonial plurality. A vernacular architecture, testifying to the experience of its civilizations, finds its charm in its uniqueness and purity in terms of building materials in use, as well as in its spatial and functional configuration.
Translating a spatial need to rise, this star evokes today a sudden neglect and abandonment, but without detachment from the geographical context.
Enduring an accentuated exclusion of the regional development projects, concerning the interventions of the local context reintroduction, these buildings hide within their murals original potentials.
Tizourgane, a kasbah prone to all this, has been the material, the tool and the finality in our study. Its architectural attraction still remains intact after centuries, however its integration in a tourist and economic orientation will be the way to revive and recognize it again, on the local, the regional and the national level.
ةلسلس اهضرعتست ةحول يه ،بارتو راجح ا و لابج يضار ا نم ازجتي لا ءزج اهنوك- ريغصلا سلط لا ا ثارتلل ةيجذومنو ةيريبعت ةيلك لكشتو ،-سوس ،ةفلاسلا اهتاراضح ىلع دهشت ةيلحم ةرامع ةمدختسملا داوملا ءاقنو اهتدحو يف اهقن ور ىلجتي نم يفيظولا اهميمصتو ،ةهج نم اهدييشت يف ارجه مويلا دهشت ةرهوجلا هذه . ىرخ ا ةهج ءاصقلإ اهتهجاوم رارمتسا عم .نيئجافم ايلختو ىلإ ةفداهلا ةيوهجلا عيراشملا ةحاس نم داح هذه نضتحت ،يلحملا راطلإا ميدقت ةداعإ ريظنلا ةعطقنم تاناكمإ اهراوص ا نيب ينابملا " ،هركذ قبس ام لكل ةعضاخ اهنوك "ناكرزيت اذه يف ةياغلاو ةليسولاو ةداملا لكشت تلظ ةيرامعملا اهتيبذاج ن ا حيحص .ثحبلا اهب فيرعتلاو اهءايحإ نكل ،ن ورق دعب ةمئاق ةيحايسلا تاهجوتلا نمض اهجامدإب نيهر ايلحم و اينطو و ايوهج ةيداصتقلااو . . صخلم
SOMMAIRE Introduction générale Intérêt et contour du sujet....................................................................... Problématique ...................................................................................... Objectifs................................................................................................. Méthodologie d’approche...................................................................... Partie I : Cadrage du territoire sousi Chapitre I : L’anti-Atlas, un dépositaire du patrimoine rural en marge.................................................................................................... A- Notions et concepts de base ............................................. 1. La dichotomie urbain/rural .................................................. 2. De la notion du Patrimoine ................................................. 3. Le tourisme ........................................................................ B- D’une perspective contemporaine ..................................... 1. Architecture en pierre et développement rural : Cas du Maroc ................................................................................. 2. Le rural et la dimension marketing (marketing territorial)..... 3. Etude benchmarking .......................................................... 12 13 16 15 22 24 33 36 42 44
9 Chapitre II : L’architecture vernaculaire comme identité du Sud marocain .......................................................................................... A- Cadrage de la région ......................................................... 1. Contexte général de la région: typologies architecturales existantes ........................................................................ 2. Un tableau, une scène, une histoire ................................ 3. Le Vernaculaire en architecture ....................................... B- Un diagnostic vernaculaire .............................................. 1. Contexte socio-historique ................................................ 2. Typologies de cette architecture : Kasbah, ksour, igoudar 3. La terre locale une richesse diversifiée ........................... ...... Chapitre III : Une mise en tourisme durable de « Almaghrib lmansiy » A- D’une architecture vernaculaire à l’architecture de l’oubli: Diagnostic de la kasbah Tizergane ..................... 1. Aperçu historique ............................................................ 2. Tizourgane par rapport à la région ................................... 3. Tentatives d’intervention sur le tissu ................................ B- Etat des lieux : Zoom-Out ................................................. C- Etat des lieux : Zoom-In .................................................... 53 60 64 69 71 73 77 80 82 84 87
Partie II : Projet architectural Requalification
Chapitre I : Equipement Culturel....................................................
Chapitre II : Ambiances du projet...................................................
94 95 111
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INTERET ET CONTOUR DU SUJET
Architecture de terre, ksour et kasbah, sources authentiques d’un très haut potentiel touristique concentrées dans le territoire sud marocain. Que ce soit par rapport à leur unicité au niveau des matériaux, des configurations, ou de la qualité de vie, elles seront à jamais des espaces incitant les externes à leur découverte. Cependant, elles peuvent être perçues du point de vue de leurs utilisateurs en tant qu’obstacles du développement rural limitant leur alignement avec les nouvelles exigences de l'époque actuelle.
Une architecture pesante, une architecture sculptée par un passé, une architecture à mission et à intérêt commun. Le territoire Sud marocain jouit d’une pluralité patrimoniale significative illustrée dans le bâti marquant cette zone, comptant un grand nombre de greniers, citadelles ou Agadir, forme patrimoniale profondément ancrée dans la mémoire socio-organisationnelle des populations locales, nous citons entre autres la kasbah de Tizergane construite en terre et en pierre.
Classée patrimoine national, néanmoins aujourd’hui débordée de vie et qui n’a pas su être à l’abri de l’exode rural intensifié qu'elle a connu vers la moitié du 20ème siècle.1 Toutefois, le potentiel de ce site reste toujours exceptionnel, entouré de montagnes, d’une faune et d’une flore intacte. Formé par un ensemble de constructions épousant la rondeur du piton rocheux de 1250m de haut qui les accueillent, le grenier de Tizergane est encore un village fortifié au sommet d’une montagne dans la commune d’Ida Ougnidif 2.
En lisant les études antérieures faites à ce propos, on constate qu’au début, la définition de l’Agadir se limite à un lieu de stockage des récoltes et un refuge en cas de danger, un rôle purement économique et défensif. Or, la fonction politique de l’Agadir ne peut être négligée ; c’est le lieu de réunion des élus communautaires décidant les affaires de toute la communauté3 .
1 Documents fournis par l’Agence Urbaine d’Agadir
2 Wikipédia
3 Universalis Encyclopedie, https://www.universalis.fr/encyclopedie/agadir/
Agadir, ou grenier collectif, signifie elliptiquement un bâtiment communautaire fortifié construit dans le but d’y faire un entrepôt et qui servait à la fois à la fortification. Chaque famille y possédait une resserre pour y conserver différents types d’aliments : grains, miel, amandes et noix d’argan avec une durée de conservation dépassant les 20ans.
Etant originaire de cette région, je me suis intéressée à son histoire et ses spécificités, dotée d’une originalité patrimoniale qui aspire à être investie pour supporter un tourisme authentique, dans le but de la redynamisation et revitalisation de la zone en question.
PROBLEMATIQUE
Dans la vallée du Sous, seule la forteresse de Tizergane qui est encore debout, la dominant sur un piton rocheux. Une kasbah unique en son genre, n’acceptant jamais de se soumettre aux agressions extérieures.
A l’échelle d’une miniature de ville, avec une architecture vernaculaire multiséculaire en péril, menacée, paramétrée par différents enjeux territoriaux, c’est une poche profonde sous-exploitée du terrain sud marocain rural, toujours en attente d'une revalorisation sociale, environnementale, économique et identitaire, tel est le cas d’un grand nombre de sites historiques, alourdies d’histoires, et faisant preuve d’un génie de construction inébranlable.
Cette région cherche à atteindre une territorialisation judicieuse des projets de développement, dans le cadre d’une politique de développement régional, afin de la rééquilibrer et décentraliser les activités de la ville d’Agadir et ses banlieues aux centres ruraux et périurbains adjacents dans le cadre d’une dynamisation endogène de la zone. Ceci afin de réussir à maintenir une densité assez importante dans ces villages.
13
L’enjeu sera alors de trouver une approche pour redynamiser ce tissu rural en conjuguant le respect de son identité patrimoniale, le bien-être de ses habitants et la revitalisation de son attrait touristique.
QUESTIONNEMENTS
Comment redynamiser ce tissu rural en conjuguant respect de son identité patrimoniale, bien-être de ses habitants et revitalisation de son attrait touristique ?
- Comment insuffler, à partir de la ville métropole de la région -Agadir-, un dynamisme touristique et par conséquent socio-économique dans les villages limitrophes ?
- Comment agir sur la région Souss-Massa pour la promouvoir au niveau national et international en exploitant sa zone rurale et en respectant ses caractéristiques locales ?
- Comment peut-on ériger le marketing territorial d’une région abandonnée et à fort potentiel touristique ?
- Quels sont les inhibiteurs détectés des sites historiques, contraintes majeures à leur inclusion dans les stratégies du développement régional
- Comment peut-on réintégrer la kasbah Tizergane dans son contexte adjacent et la rendre un site à rayonnement territorial ?
- Si le site offre une vocation touristique, quel type de tourisme serait le plus efficace pour une mise à niveau/ mise en tourisme adéquate ?
METHODOLOGIE
Ce mémoire traite de la thématique du rural et principalement le développement touristique rural par le biais du patrimoine adjacent. Tout au long de ce travail, plusieurs notions, concepts, fragments de pensées et projets architecturaux seront abordés.
L’approche se développe en trois grands moments:
En vue d’aboutir aux objectifs fixés, la première partie du présent mémoire est consacrée à l’assimilation de la notion du patrimoine, en essayant de joindre les différentes réflexions sur cette notion, dans les deux entités spatiales : urbaine et rurale. On pousse encore cette partie introductive pour définir cette dernière dichotomie rural/urbain pour passer ensuite à un tour d’horizon pour contextualiser toute la région d’étude : l’Anti-Atlas, ses atouts et ses potentialités architecturales et paysagères.
La deuxième partie, en continuité de la partie précédente, consiste à cerner le vernaculaire comme
définition du monde rural. Comment l’architecture vernaculaire ou l'architecture indigène, dans son contexte local et socio-historique, est née et en quoi elle se diffère des autres typologies architecturales? Par la suite, à travers un zoom-in et un travail de charte sur la commune d’Ida Ougnidif, plus précisément la citadelle Tizergane, on étudiera de plus près ce tissu patrimonial par une lecture architecturale détaillée, dans le but de mettre l’accent sur sa particularité et ses spécificités. Après une compréhension de l’histoire, des caractéristiques, des valeurs et de l’identité des lieux, l’interprétation et le dégagement des contraintes et des atouts du site en question, nous montrerons la fission sémantique qu’a subit le village par l’effet du temps et ses répercussions actuelles. Quant à la troisième partie, il s'agit d'un passage à l'action par le développement d'une nouvelle approche perceptuelle qui met en valeur les potentiels endormis
15
du village. Ceci se fonde suite à une étude de cas concrets dans ce sens et une lecture référentielle de situations similaires. Ensuite on passe à la définition de la mise en tourisme à travers la patrimonialisation de ce tissu comme action de sauvetage ponctuel mais dont les radiations seront à niveau régionales.
HYPOTHESES
- L’échelle territoriale est un ancrage incontournable pour la mise en valeur et le développement des sites patrimoniaux enterrés d’oubli.
- Le développement touristique d’un tissu rural exige sa rurbanisation.
OBJECTIFS
L’objectif fixé par le présent travail consiste à développer des démarches et établir une vision cohérente sur la mise en place d’un développement stratégique rural au Sud du Maroc, en créant un effet d’entraînement à travers la mise en valeur des sites patrimoniaux décentralisés et à fort potentiel (cas d’étude Kasbah Tizergane). Il portera également sur la promotion d’un tourisme rural durable, permettant de tisser une interaction gagnant-gagnant entre les différents centres ruraux et urbains..
Partie I
Cadrage du territoire sousi
CHAPITRE I :
L’anti-Atlas, un dépositaire du patrimoine rural en marge
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A - NOTIONS ET CONCEPTS DE BASE
1 - La dichotomie urbain/rural
L’urbain, la ville, le rural et la campagne rentrent tous dans le jargon contemporain. Leur définition aussi difficile qu’elle puisse paraître, aussi bien pour les novices que pour les spécialistes.
La ville, définie aujourd’hui par le nombre de banlieues crées en son périmètre, témoigne l’augmentation de la population conduite par une nouvelle répartition du sol en perpétuel changement.4 Un accroissement démographique explosant et une recherche continue de mode de vie « urbain ».
Fig 1 .Palette Urbain/Rural
La ville et l’urbain, notions difficilement cernées, mais que l’on peut qualifier de concentration et de densification physique de la population, suivant une répartition systématique : administrative, économique, dortoir, etc. Le paysage urbain diffère d’une ville l'autre :
Qui dit ville, pense aux activités, et majoritairement, le tertiaire qui regroupe des activités spécifiquement urbaines entre services aux particuliers et services aux entreprises. Autrement dit, la ville jouit d’une pluralité d’activités tertiaires nécessitant une interaction et un contact face à face, et leur absence, récemment, crée le phénomène de « cité dortoir ».
4
Daniel PINSON, Des banlieues et des villes
Pour Paul Claval, la ville est une organisation destinée à maximiser l’interaction sociale, dont une bonne partie de cette interaction est dirigée par les échanges matériels et la vie intellectuelle.5 Contrairement à la campagne, qui puise majoritairement son activité sur l’agriculture. Le rural comme terme a été définit par le dictionnaire Larousse comme suit : qui concerne la campagne, les paysans, l'agriculture6. La campagne se déclare alors selon un critère morphologique de faible densité de la population, ou encore un group ement humain de moins de 2000 habitants, dans un espace présentant une continuité du bâti, où se confondent fonction et groupe social.7
Kevin Lynch, architecte et urbaniste américain, trouve que la ville puise sa définition de son imagibilité. Cette dernière cernée par le nom de la ville, sa signification sociale, son histoire et sa fonction. L’imagibilité d’une ville s’obtient à travers les différentes formes physiques qui la composent8 .
L’opposition de l’urbain au rural s’est dilatée avec le changement des mouvements et des effets qui y sont liés, et dont le résultat a été traduit par un exode rural très fort. D’après des études faites par les agences d’urbanisme en France, « le monde rural, longtemps assimilé au secteur agricole et à un lieu d’exode vers les villes, présente un paysage socio-économique plus complexe et la ' ruralité est remplacée par les ruralités ' ». Il n’est alors plus admissible de parler du rural au singulier, vu que les manières d’occuper l’espace et les dynamiques démographiques et économiques actuelles sont beaucoup plus diverses.
5 Paul CALVAL, La logique des villes 6LAROUSSE Dictionnaire
7 L’avenir des campagnes, INSEE 8Kevin LYNCH, L’image de la cité
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Quand à l'espace à dominante rurale, ou espace rural, il regroupe "l'ensemble des petites unités urbaines et communes rurales n'appartenant pas à l'espace à dominante urbaine (pôles urbains, couronnes périurbaines et communes multipolarisées)."9
Deux notions indissociables, donnent naissance à deux thèses opposées dans le développement territorial :
-Se concentrer sur les pôles à potentiel fort pour un rendement meilleur - Profiter des avantages économiques et sociaux des zones rurales Selon François Perroux, le progrès naît dans les grandes villes puis sera diffusé aux espaces adjacents10, comme est le cas des métropoles mondiales, à titre exemplaire la ville de Paris, qui a donné naissance à des villes nouvelles à 30km du centre, des villes satellites, avec un contrôle des constructions limitant le bâti à des bureaux et des usines pour ne pas en faire un centre gigantesque. La France est donc devenue émiettée en de multiples petites régions qu’on peut nommer des métropoles d’équilibre, soumises à Paris et complémentaires à la métropole.
L’enjeu majeur des politiques régionales se réduit à maintenir une forte densité des patelins et à offrir l’indispensable au bien-être dans les campagnes. Cependant, est-ce que la France a réussi à le faire ?
- La rénovation rurale
L’étape qui suit serait de décongestionner et d’équilibrer les grandes villes à travers l’aménagement des campagnes, qui ont beaucoup souffert et souffrent toujours du phénomène de cette époque ; l’exode rural, ainsi que d’oser le désert et remplir les zones dépeuplées et vidées.11 Comme on parle actuellement du monde urbain, en étant un monde en changement continu, le monde rural, à son tour, doit recevoir sa part du gâteau du siècle, et admettre qu’il est impératif pour la campagne de rester en phase avec l’époque. Il faudrait donc tout d’abord, dissocier la campagne de la retraite, (cas du Sud de la France), et ce par le biais d’une
9 Définition fournie par Insee.fr 10 François PERROUX, Les espaces économiques 11 Az-Elarab INANI, cours d’aménagement du territoire
nouvelle politique rurale, consistant à intégrer des activités nouvelles dans le rural, afin de ne plus confondre Rural et Agriculture, une interconnexion forcée limitant les capacités de la campagne.
La tendance récente est la ville à thème, et se fut plus « moderne » de parler de ville durable, un terme contemporain, dont le concept, est vachement tiré des campagnes12. Sustainable city, ou ville dont l’intelligence réside premièrement en sa résilience, suivant des principes de développement durable et d’urbanisme écologique, ce sont souvent des villes ex-nihilo, cherchant à diminuer leur empreinte écologique. Elles sont inspirées des modes de vie de la campagne avec une base reposant sur des concepts qui existaient et qui existent toujours dans le rural. On déduit que c’est un soubassement rural dont l’aboutissement est un résultat pseudo-urbain.
Fig 2 .Esquisse urbanisme durable
Une jonction du minéral et du naturel, une fusion des couleurs des trames vertes et bleues, jonglant entre les différents modes d’occupation des sols, et l’aménagement des corridors de biodiversité ; une palette qu’on a l’habitude de voir en campagne, mais qu’on décrit d’ingénieuse quand on l’inculque dans l’urbain.
Chercher à créer des espaces conviviaux et faire un retour à la notion du bien commun, tel est le nouveau credo de l’urbanisme contemporain. Ex nihilo nihil fit ; ou rien ne vient de rien.
Pourquoi donc concevoir des villes nouvelles puisées de caractéristiques existantes au lieu de faire revivre les territoires ruraux ayant toute une histoire et un historique de savoir-faire, dans la limite de préserver leurs caractéristiques vernaculaires ?
12 Notion en débat, La ville durable
23
2 - De la notion du Patrimoine
Oser à trouver une définition de ce que recouvre le mot Patrimoine reste un exercice, actuellement même, acrobatique. Les définitions du Patrimoine sont à foison. C’est une notion complexe, apparue au XIIème siècle. Elle désigne à l’origine certains biens que le père transmet à ses enfants et qui sont destinés à être transmis de génération en génération. Selon Natahlie Heinich, le patrimoine n’est « ni donné, ni acquis, il se fabrique »13. A l’échelle mondiale, vers les années 80, « l’inflation patrimoniale » ou encore the Heritage boom, a survenu en tant qu’un nouveau phénomène chamboulant la conception du patrimoine. Ce développement a étendu le périmètre de cette notion, d’un patrimoine monumental, de famille, vers un patrimoine contemporain, urbain, naturel et rural. Ce fût la résultante de la découverte de l’utilité du patrimoine comme moyen de réaffirmer le passé commun des sociétés14 .
De ce fait, on se retrouve actuellement devant une diversité d’objets patrimoniaux, entre monuments, des biens immatériels, des coutumes, des paysages, des traces biologiques et des architectures variées.
On parlait de patrimoine quand il y a menace de disparition de biens, par succession au sein d’une famille, d’une génération ou encore d’une société15 Ainsi, la définition classique du patrimoine renvoie à un bien, un legs, le produit d’une histoire que nous recueillons chaque jour et que nous tentons de conserver et protéger afin de le transmettre à nos successeurs.
Françoise CHOAY avance dans son livre « L’allégorie du patrimoine » le patrimoine comme étant un bien, un héritage commun d’une collectivité, d’un groupe humain. Il signifie un fonds de jouissance d’une communauté élargie aux dimensions planétaires et constitué par l’accumulation continue d’une diversité d’objets que rassemble leur commune appartenance au passé.15
Ce mot s’est vite avéré donc d’un usage commode désignant les productions humaines les plus variées. Il possède un caractère global qui permet une compréhension pluridisciplinaire ; plaçant sous un même regard les beaux-arts et toute sorte d’artefacts.
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14
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Natalie Heinich, La fabrique du patrimoine
Rodney HARRISON, Heritage
Françoise CHOAY, l’allégorie du patrimoine
On entend dans le mot Patrimoine, la notion de transmission. Cette action exige une préservation et une protection efficaces de ces legs qu’ils soient matériels ou immatériels. Cette conservation nous concerne tous et nous force d’agir efficacement pour faire renaître le patrimoine architectural en premier lieu et essayer de conjuguer rationnellement la pratique de l’espace avec les exigences de l’évolution actuelle.
André Chastel, à son tour, précise à travers son écrit de référence pour la définition de cette notion que cette dernière « se reconnaît au fait que sa perte constitue un sacrifice et que sa conservation suppose des sacrifices ».16
- Quand est-ce qu'on parle de Patrimoine ?
Généralement, le patrimoine trouve son essence et son langage dans les discours qui le précèdent ou l’accompagnent et la mise en patrimoine est un processus performatif, vu que n’est nommé patrimoine que ce qui est ou était nommé comme tel à un moment de son cycle de vie 17. C’est le discours et les récits alors qui font d’un objet un objet patrimonial, et la patrimonialisation trouve ainsi sa base en ces derniers.
En architecture, la valeur patrimoniale d’un site dépasse tout critère de dimension formelle (beau, ordinaire) ainsi que tout autre critère objectif (important/ basique). Elle est construite aussi par la réception émotionnelle et physique des personnes visées par sa fabrication.18 (Smith et al).
La société a toujours été le premier fournisseur du patrimoine architectural, transmettant ainsi un témoignage de son histoire et de son passé, et parlant de ses caractères saillants à travers son génie de construction. A l’époque actuelle et dans la dimension collective de cette notion, on ne parle plus de restauration du patrimoine comme intervention pour sa sauvegarde, vu que cette approche, aujourd’hui devenue obsolète, ne fait qu’accentuer son exclusion de toute sorte d’opération conceptuelle, et ne s’attache qu’à l’ossature des édifices concernés.
La perception publique du patrimoine est censée être plus adoucie que ce qu’on constate ;ce n’est pas une charge ou un fardeau ;au contraire, c’est une force et une richesse pour le développement du territoire et de son implantation.
16
17
18
25
André CHASTEL et Jen-Pierre BABELON, la notion de patrimoine.
Anne WATERMEZ, Cummunication et langages
Smith et Al, Construire des patrimoines culturels en mobilité.
Patrimoine, notion adhérée à jamais à la conservation et la protection, un devoir gouvernemental et sociétal à la fois, posant de grands problèmes financiers pour se faire, poussant ses acteurs à le fuir et le négliger lorsqu’il ne fait généralement pas partie d’un ancien tissu médinal, alias d’un sujet inscrit dans un tissu urbain.
- Patrimoine : Une temporalité matérialisée
Le patrimoine s’étale sur une ligne chronologique regroupant le passé, le présent et le futur, et cependant aspire avoir une durée de vie éternelle. C’est la plume qui écrit et décrit un vécu d’une période précise, et à la fois, construit la mémoire collective de la communauté concernée. Halbwachs dit de cette mémoire : « une reconstruction du passé … qui adapte l’image des faits anciens aux croyances et aux besoins spirituels du présent ».19 C’est un révélateur de l’histoire par le biais du lien qu’il a tissé entre le passé et le présent.
Cependant, dans sa frise chronologique, le présent d’un tissu patrimonial détermine son futur ; suivant des choix administratifs, politiques, affectifs … de sa société. 19 Halbwachs, la mémoire sociale
-
Rural
L'intérêt accordé au patrimoine rural résulte de l'élargissement de la notion de patrimoine. Cela s'explique par le passage d'une vision limitée au patrimoine bâti, d'une beauté exceptionnelle et irremplaçable, à une notion englobant le "petit" patrimoine, qu'il soit naturel (paysages) ou symbolique des modes de vie disparus ou en voie de disparition accélérée.
Lorsqu'on parle de patrimoine culturel rural, on pense en premier lieu au bâti mais une vision plus globale, en adoptant l'approche de la définition par la négative, le patrimoine rural se détermine par opposition au patrimoine urbain, « savant », industriel, citadin, d'autre part au patrimoine protégé au titre des monuments historiques, Le patrimoine rural est donc fortement lié au territoire et à l'environnement. 20»
Le patrimoine rural, appelé aussi patrimoine de proximité, différencie les éléments exceptionnels à savoir les sites et monuments historiques, pour adopter des éléments plus ordinaires et quotidiens qui, en raison de leur lien étroit avec la nature et l'activité humaine, servent de témoins de la vie changeante et évolutive des personnes sur un territoire donné. Il recouvre l'architecture vernaculaire rurale, les maisons, les œuvres d'art, les mœurs, le savoir-faire, les produits du terroir, les compétences, les outils et le patrimoine naturel (y compris les paysages naturels et le continuum des environnements bâtis et naturels).
À la lumière de cette définition, qui associe patrimoine et représentation d'un système en extinction ou de plus en plus rare, on peut se demander s'il ne serait pas plus approprié de prendre en compte la société rurale dans son ensemble, compte tenu de l'état actuel de ses mutations et transformations, plutôt que de se limiter à des éléments spécifiques de l'environnement rural ayant une valeur patrimoniale.
En réalité, les menaces qui pèsent sur la ruralité moderne sont nombreuses. Que cela soit dû à des dynamiques internes comme l'exode rural ou la détérioration des conditions socio-économiques des communautés rurales, ou à des facteurs externes comme l'urbanisation, la mondialisation ou l'homogénéisation des modes de vie, le monde rural en déclin irréversible est
27
Patrimoine
: 20 Direction du tourisme, Conseil Général de la côte-d’or. Restaurer le patrimoine rural non protégé.
désormais considéré comme un patrimoine culturel. L'espace rural possède des caractéristiques et des productions uniques - spatiales, socio-économiques, culturelles et architecturales - qui ont survécu, et qui ont acquis de ce fait une valeur patrimoniale.
- Les dimensions du patrimoine culturel rural :
•Patrimoine Matériel :
Ce patrimoine est plus facile à repérer, et englobe : les biens mobiliers et immobiliers, ainsi que les paysages ;
Paysages :
« Le paysage désigne le résultat des interactions entre les populations, leurs activités et les lieux qui les accueillent... C'est l'ensemble dynamique des relations entre les êtres vivants occupant un espace donné »21
Il est arbitraire de séparer le bâtiment du paysage car il en fait partie. La continuité bâtiment-village-site ne doit pas être rompue de peur de perdre à la fois sa cohérence et son authenticité.
Néanmoins, , les touristes et les résidents permanents ont des
Les biens mobiliers:
Ce sont les résultats de l'adaptation aux conditions locales et des traditions culturelles d'élevage, de transformation et de préparation. II illustre les liens délicats qui existent entre le produit, l'homme et la terre.
Ces biens peuvent être des outils ou des objets à usage domestique (les meubles de maisons…), festif, ou religieux (tenues de prières ou mobiliers de mosquée…)
Il se peut également qu’ils soient des variétés végétales locales (fruits, légumes, etc.) et des races animales,
Les biens immobiliers:
L'architecture rurale prédomine dans le patrimoine rural, mais au détriment des monuments et de l'architecture vernaculaire, qui comprend les habitations et les bâtiments agricoles, ainsi que ceux liés à l'artisanat, à l'industrie, à l'administration locale ou à la vie communale.
De nombreux petits monuments contribuent à l'identité du paysage rural : puits, lavoirs et abreuvoirs, sources, mégalithes, anciens moulins, cimetières... Certains sont encore soutenus par des pratiques
21 Audrey TESSIER, Stéphane Gariépy, Le paysage rural au Québec.
perceptions différentes du paysage. L'expérience locale est communiquée à travers un ensemble original composé de représentations physiques et mentales du paysage. L'image mentale est fortement associée aux éléments suivants : la forme de la parcelle, les haies, les chemins, les murs, les alignements d'arbres et l'environnement, qui sont tous liés à un système de production particulier ou, plus simplement, à des itinéraires quotidiens. 22
ainsi que des produits plus élaborés (fromages charcuteries). Ce sont des produits de terroir qui, contrairement aux produits modernes standardisés et consommés, présentent des caractéristiques d'authenticité et d'inclusion. Ils ont un caractère unique et une excellence associés à un lieu, une histoire basée sur un ensemble de facteurs sociaux, de compétences techniques et de connaissances indigènes, et ils peuvent servir de réserves génétiques ou de symbole pour une région. Leur préservation implique le maintien de leur production dans les environnements qui les ont vus naître et prospérer.
pratiques et des croyances, et tous servent à organiser l'espace vécu de la communauté.
•Patrimoine Immatériel :
Les éléments qui composent ce patrimoine sont indissociables du patrimoine matériel :
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22 Isac CHIVA, Une politique pour le patrimoine culturel rural.
Fig 3 .Les gorges de Ait Mansour Fig 4. Illustration Pinterest
Les modes d'expression : relèvent d'une inscription spécifique de la communauté sur son territoire et, plus largement, d'une manière spécifique d'être ensemble. Les dialectes locaux, les noms des lieux (toponymes) qui reflètent des usages ou des représentations spécifiques, les contes et légendes qui font partie de l'histoire locale, la musique, la littérature orale sont autant d'exemples de traditions non écrites.
Les modes de socialisation: et les formes spécifiques d'organisation sociale, telles que certaines coutumes et fêtes.
Les techniques et le savoir-faire : qui ont permis la création des paysages, la construction des maisons, la fabrication des meubles et la production des produits du terroir. La conservation, la protection, la valorisation et la transmission du patrimoine rural seront impossibles sans les savoir-faire paysagers, architecturaux, agropastoraux et artisanaux qui ont permis sa création et qui restent nécessaires à son entretien et à sa restauration, sa modification et sa modernisation au niveau de la logique de production et de l'esthétique générale.
- Les dimensions du patrimoine culturel rural :
Le phénomène de la patrimonialisation se définit comme étant le processus de fabrication du patrimoine, ou la pratique qui attribut à un objet le qualificatif patrimonial, digne d’intérêt et de sauvegarde.23
Ce processus au début se rapportait aux monuments altérés par le facteur du temps, à leur rendre leur voix dans le contexte actuel. Néanmoins, aujourd’hui cette notion correspond à une « jouissance promise à une communauté par (ré) appropriation de biens communs ».24 (Daniel J.Grange)
D’après Lucie Morisset, le patrimoine et la patrimonialisation forment tous les deux un écosystème.25
En regard de l’intention de base de la patrimonialisation, cette action se rattache inhéremment à la muséification. Dans la conservation patrimoniale, on vise à respecter l’esprit des lieux en gardant le site en question dans son état 23
Julie Deschepper, notion en débat. Le patrimoine 24 Daniel J.Grange, L’esprit des lieux- Le patrimoine et la cité 25 Lucie K.Morisset, 2009
d’origine, en essayant de minimiser le plus possible l’introduction de corps étrangers. La notion de patrimoine, à caractère réunificateur, intégrant les individus dans une époque marquée par une mutation sociale, et dérivant le partage d’identité et le renforcement des racines communes.
Fig 5. Etapes de patrimonialisation
Le patrimoine après avoir été mis de côté pour un bon moment, s’engage aujourd’hui dans la création et le renforcement des territoires, et donc du pays.
Par métonymie au territoire, le patrimoine devient le représentatif des objets qu’il symbolise ou représente l’image globale d’un tout : « La partie pour le tout » ou « le tout pour la partie », l'exemple de la Médina de Fès qui symbolise toute la ville. Ceci est devenu une composante essentielle du développement d’un territoire, accompagné d’un étalement constant des objets considérés patrimoniaux
Fig 5. Médina de Fes
31
impliquant évidemment un élargissement des acteurs du processus de patrimonialisation, vers les collectivités territoriales, les habitants et l’associatif26.
La patrimonialisation ré-exploite les réserves d’opportunités qu’offrent les objets patrimoniaux, et donne la possibilité de réintroduire ces ressources et de consolider leur fonction une fois activée dans une organisation territoriale.
L’objet patrimonial se démarque des objets économiques classiques. Selon JEUDY, « il faut en quelque sorte que le patrimoine se trouve exclu du circuit des valeurs marchandes pour sauver sa propre valeur symbolique ». Suivant une logique de développement ombrée par la patrimonialisation, des synergies se créent à l’échelle du territoire visé et favorisent la mobilisation du patrimoine et ses ressources27
- Le patrimoine : Ressource du territoire
Comme on a discuté précédemment, le patrimoine est fortement lié à l’identité de son territoire, en jouant à la fois un rôle d’attractivité du territoire d’étude.
Avec la montée du régionalisme et de la concurrence territoriale, ainsi que la demande croissante d'identité et d'authenticité dans un monde de plus en plus globalisée, le patrimoine, en raison de ses caractéristiques uniques de " non reproductibilité " et de " non cessibilité ", est devenu une ressource de plus en plus importante dans le développement local à travers des stratégies de différenciation territoriale.
Dans ce cadre, le legs est considéré comme un élément qui peut être utilisé et développé, en fonction de ses liens avec d'autres domaines d'étude. Par exemple, il peut devenir un instrument pour le développement du tourisme, un label ou une image de marque utilisée dans le marketing territorial. Dans de rares cas, il peut également conduire au développement de réseaux dont le centre d'intérêt est un objet historique particulier (par exemple, des terrasses, des mosquées, des châteaux).
26 François et Al, 2006 27 Jeudy 2001, 23
3 - Le
tourisme
« Rien n'est plus évocateur qu'un paysage campagnard, avec ses champs parés de couleurs estivales, ses fermes régulièrement disposées le long du chemin, ses clôtures de bois ou de pierres empilées, son semis de hameaux et de villages, (...) C'est ce tableau que les gens des villes vont quérir au hasard d'une promenade. Et c'est toujours cette image que les touristesrecherchentquandilsnousobserventdel'extérieur.Elle est fausse bien sûr et la plupart d'entre nous le savent bien.28» SergeCourville,1992
À l'heure actuelle, le tourisme est un champ d'études qui explose d'interrogations sur des sujets aussi variés que les origines des pratiques touristiques, les dynamiques de développement et de changement de l'offre, ou encore les nombreux effets du déploiement des activités liées au tourisme dans les lieux publics.
Par conséquent, s'interroger sur le tourisme rural dépasse une question de définition. S'interroger sur le tourisme rural, c'est aborder ses caractéristiques uniques, telles que celles liées à sa dispersion et aux défis organisationnels, ainsi que ses effets, ses apports et ses contributions aux régions qui accueillent l'activité. Il faut également s'interroger sur la signification du patrimoine rural que les touristes consomment et se confronter aux problèmes d'infrastructure et de conception touristiques.
Le tourisme dans ses formes variées, se qualifie par des adjectifs adjoints au mot tourisme, à titre indicatif le tourisme rural, durable ou alternatif. Cette variété de nomination porte à confusion vu que jusqu’à présent, on ne leur trouve pas une définition universelle.
Cependant, il existe une approche de définition rendant la situation moins complexe, liant le tourisme à l’espace géographique où se déroule
33
28
Serge Courville Le QUébec rural dans tous ses états, Sous la direction de Bernard Vachon, Barcal Montical, 1992
l’activité : ex. tourisme du désert, tourisme de montagne, ou en le liant à la motivation ou la pratique accomplie : ex. tourisme de randonnée, tourisme gastronomique…
Cela signifie qu'un tourisme "rural", définit comme se déroulant dans une zone rurale, n'exclut pas nécessairement d'autres types de tourisme (par exemple, l'écotourisme, l'agrotourisme, le tourisme durable, le tourisme culturel, le tourisme sportif, etc. peuvent tous être pratiqués dans une zone rurale).
Selon sa définition la plus courante, le tourisme rural est tout simple ment la pratique du voyage en milieu rural par opposition au milieu urbain, quelle que soit sa forme. Par opposition au bleu (le littoral) et au blanc (les sports d'hiver), on parle aussi de tourisme vert. Cependant, cette définition présente des difficultés car un touriste séjournant dans l'arrière-pays du littoral dira de ses vacances qu'elles ont été passées "à la mer" car il raisonne en termes de lieu plutôt que d'espace. De la même manière que les zones montagneuses sont par définition rurales et que le tourisme de montagne est vert en été et blanc en hiver29.
Dans certaines définitions, on a tendance à restreindre le terme "rural" à des comportements qualitatifs spécifiques, tels que la préservation des traditions culturelles, des ressources naturelles et des paysages.
D’après Henri Grolleau (1993), «... tourisme d'échelle locale, il est d'initiative et de gestion locales, il vise des retombées locales, il valorise les ressources naturelles, les paysages, les patrimoines et la culture locale »30
Euroter (1992) annonce que, « Le tourisme rural se définit dans l'économie globale du tourisme comme la valorisation touristique des espaces agrestes, des ressources naturelles, du patrimoine culturel, du bâti rural, des traditions villageoises, des produits du terroir, par des produits labellisés, illustratifs des identités régionales, couvrant les besoins des consommateurs en hébergement, restauration, activités de loisirs, animation et services divers, pour des fins de développement local durable et de réponse adéquate aux besoins de loisirs dans la société moderne, dans une nouvelle solidarité sociale ville-campagne »31. 29 www.cheurfa.centerblog.net/3-hebergement-touristique
30 Henri Grolleau, 1992 secrétaire général du tourisme et de l’espace rural
31 Extrait de l’exposé de Suzanne Thibal, Secrétaire générale d’Euroter( Tourisme en Europe rurale)
- La mise en tourisme
La mise en tourisme correspond au processus de création d’un lieu touristique ex-nihilo ou de subversion d’un tissu existant par l’activité touristique, aboutissant à l’état suivant : un lieu touristique.
Cette action évoque le caractère humain et dynamique du processus et de son résultat, en addition au poids décisionnel des acteurs concernés. Cette pratique est devenue, de nos jours, incontournable pour chaque pays ou territoire aspirant avoir sa part du gâteau du tourisme mondial.
Néanmoins, il convient de noter la portée de la dimension culturelle. « Le tourisme rural n'est donc pas seulement un enjeu permettant d'atteindre un développement touristique équilibré et de lutter contre le sur développement du tourisme urbain ou côtier. Il constitue également une orientation nécessaire afin de maintenir, de protéger et de mettre en valeur tout ce qui vient de notre passé, et qui constitue notre patrimoine. 32» 32
général adjoint de l’OMT à l’ouverture du séminaire conjoint
35
Extrait du discours d’ouverture prononcé par Francesco Frangialli, secrétaire
CEU-ETC en 1996
Fig 6. Journalsopenedition.org
Assurer la durabilité, c’est assurer une attractivité touristique. Cette notion regroupe deux mécanismes à la fois : une subversion spatiale et une production touristique. Georges Cazes présente la mise en tourisme sous forme d’un chevauchement de l’imagé et du commercial. 33
B - D'une perspective contemporaine
4 - Architecture en pierre et développement rural : Cas du Sud
Dans le sens de la production touristique, on peut rejoindre les deux approches de mise en tourisme, que ce soit une subversion d’un lieu existant ou d’un lieu fraîchement créé, vu que le résultat renvoie dans les deux cas aux notions du tourisme et du touriste. Cette dernière évoque « toute personne qui se déplace vers les lieux situés dans l’espace-temps du hors-quotidien afin d’y développer des pratiques récréatives », tandis que le tourisme représente « un système d’acteurs, de pratiques et de lieux qui a pour objectif de permettre aux individus de se déplacer pour leur récréation hors de leur lieu de vie habituel »34. 33 Georges Cazes, culture et dépendances. 34 Equipe Mit_ Tourisme 1-Mieux communs, 2002
Fig 7. SDAU Grand Agadir
La ville d'Agadir représente la capitale du territoire sud marocain, c'est la métropole regroupant les activités importantes et englobant les différents secteurs rapporteurs.
Elle est adjacente à de mlultiples patelins qu'on inclut dans l'aménagement du Grand Agadir. Ces noyaux représentent déjà des centres urbains complets, de par leurs cadences démographiques et activités courantes.
Fig 8. Stratégies maétropolitaines 2014, Proposition d'intégrer les noyaux dans l'aménagement du Grand Agadir
Cependant, on remarque que les centres ruraux adjacents ne profitent guère de cet étalement urbain. Après l’intensification de l’exode rural vers la fin des années 50, la majorité de ces communes ont connu un « enclavement contemporain », à la recherche du privilège urbain.
Manque de cohérence territoriale et usage rural difficile à saisir. Les centres ruraux, en général, souffrent d’un faible intérêt des acteurs dans le développement territorial : les actions politiques n’intègrent, majoritairement, pas ces centres, elles étaient orientées plutôt vers les villes. De ce fait, l’image des campagnes ne changent guère au Maroc, contrairement à d’autres pays, qui s’intéressent aussi bien au paysage urbain que rural, et qui suivent de plus près le graphe campagnard parallèlement à la mondialisation des villes.
37
- L’exclusion de l’architecture en pierre dans le développement économique de la région:
Au Maroc, le mot kasbah désigne généralement les grandes maisons familiales où vivent le maître de maison, sa famille et les personnes qui travaillent pour lui. La majorité des kasbahs ont été construites entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, et elles ont été influencées par les flux urbains du Nord, comme on témoigne la présence d'arcs dans les structures. Ce sont des références indéniables à l'architecture nordique. Elles sont actuellement consacrées à la colonisation du Maroc.
Elles représentent un patrimoine culturel important, ce qui a conduit à la mise en place d'un programme touristique pour ces structures classées par l'UNESCO.
Pour contribuer à redonner vie à ces structures, notamment au Maroc et en Tunisie, on peut se tourner vers un phénomène récent, le tourisme des ksour. Le développement du tourisme dans ces régions est principalement dû à la restauration des ksours et des kasbahs afin d'attirer un maximum de touristes. On peut s'interroger sur ces restaurations, qui n'ont parfois d'autre but que de mettre en valeur ces structures.
Fig 9. Ksar Tamnougalt , Daraa
- Un pivot vers une architecture unifiée
« Ce qui a été considéré, comme l'architecture universelle est, en fait, l'architecture traditionnelle de l'Europe du Nord qui a utilisé à l'ère industrielle toutes les techniques dont elle était la promotrice, notamment celles du verre et de l'acier, produits finis qui qui lui permettaient de mieux réaliser ses besoins de lumières. » 35André Ravereau
Selon André Ravereau, l'architecture moderne est un type d'architecture que l'on trouve dans les pays du Nord et qui vise à créer de grandes baies vitrées pour laisser entrer le plus de lumière possible. André Ravereau critique les Européens qui croient en l'universalité de leur architecture, conçue dans des climats tempérés et utilisant des éléments structurels produits artificiellement, ce qui les oblige à être mobiles d'une région à l'autre et donc non localisés. En l'absence de choix et d'alternative, la population est contrainte de choisir des matériaux industrialisés puisqu'ils offrent une certaine commodité d'exécution. 35
Cependant, ces matériaux restent assez chers et difficiles à obtenir pour les habitants des villages ; de plus, leur installation n'est pas plus facile, mais plutôt plus compliquée et plus longue. Il convient également de s'interroger sur l'éthique de nouveaux matériaux comme le béton et les balustrades en verre, qui ne semblent pas adaptés aux latitudes de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient. En effet, dans certaines régions du monde, l'architecture moderne et les matériaux industrialisés, notamment les grandes baies vitrées, n'impliquent pas un mode de vie moderne confortable et ne sont pas synonymes de confort.
Toutefois, la mondialisation de l'architecture englobe non seulement de nouveaux matériaux tels que le béton et le plâtre, mais aussi de nouvelles méthodes de construction résultant des progrès technologiques. En raison de ces nouvelles procédures, la présence d'un architecte professionnel sera requise lors de la construction de tous les types des structures, des maisons aux bâtiments publics. On assiste à une redistribution des rôles dans l'élaboration d'un projet architectural. Un client ne peut plus 35
39
André RAVEREAU et le M’zab, regarder, dessiner, construire
construire lui-même sa maison, il doit faire appel à un architecte. Une hiérarchie s'établit, et l'habitant ne peut plus construire seul sa maison.
Néanmoins, la nouvelle génération considère la construction moderne comme un véritable symbole de progrès et de civilisation. Les gouvernements érigent des millions de logements comme la Cité du Quartier Industriel à Agadir, où de nombreuses familles ont été asservies sans pouvoir exprimer leur avis sur le projet. On respecte tellement l'architecture nordique, qui se veut de style mondial mais qui ne correspond pourtant pas à cette partie du monde.
-L’abandon de l’architecture vernaculaire – Ere de l’industrie
Avec l'introduction de nouveaux matériaux de construction comme le béton au milieu du XXe siècle, les techniques traditionnelles comme la terre cuite ont pratiquement disparu. Dans tout le Sahara, les ksour ont été abandonnés dans les années 1980, principalement pour faire place à un nouveau hameau construit à quelques centaines de mètres des ksours, et les anciennes maisons en terre, qui n'étaient pas entretenues, se sont progressivement détériorées, surtout après de fortes pluies (comme en 1989). 36
Les constructions sur le terrain sont confrontées à divers problèmes à l'époque moderne, en fonction des changements économiques et démographiques régionaux : En effet, dans les régions les plus développées économiquement, la transition vers une architecture contemporaine utilisant des matériaux industrialisés importés d'Occident se fait plus rapidement, et l'utilisation traditionnelle des écosystèmes naturels tend à s'estomper et à disparaître au même rythme.
36 H.Kharmich, M.Sedreddine, S.ElRharbi, Les matériaux de construction locaux, un appui pour une architecture contextuelle autosuffisante en énergie.
Fig 10. Armature, Instagram 9GAG
Lorsque la modernité arrive, l'habitant d'un habitat terrestre est confronté aux inconvénients de sa maison traditionnelle, ainsi qu'aux préjugés contre le développement d'une structure terrestre crue. La population met en avant deux défauts majeurs de l'architecture terrestre : la salubrité et la dégradation causée par la poussière ou la présence d'insectes dans les charpentes. Elle souligne également les difficultés d'entretien de cet habitat terrestre, car lorsqu'il pleut, il faut soit tasser efficacement le toit pour empêcher l'infiltration de l'eau, soit remplacer la terre ou l'enduit des murs. En fait, ce n'est que s'il est entretenu régulièrement que la vie humaine survit dans le temps et au fil des siècles. Les habitants voient dans les nouveaux parpaings et les maisons en béton un moyen d'éviter les inconvénients de l'architecture traditionnelle au niveau du sol. Olivier Aurenche écrit dans un rapport sur l'architecture vernaculaire du ProcheOrient : "Le patrimoine en terre cède rapidement la place à la modernité". 37
Le sabotage industriel accélère effectivement l'émigration rurale. En conséquence, les enfants émigrent vers les villes les plus proches, d'où ils reviendront avec des instruments sophistiqués à leur village. Malgré le fait que l'architecture en terre offre un avantage thermique et un certain confort dû à l'inertie de la terre, les habitants préfèrent les structures modernes en béton.
Dans d'autres cas, les habitants sont contraints de quitter leur maison traditionnelle pour s'installer dans une communauté voisine construite entièrement en parpaings, comme dans le cas de Cafer Höyük, une ville turque de la vallée de l'Euphrate. Cependant, pendant cette transition, plusieurs résidents ont rassemblé les matériaux de leur ancienne maison et les ont transportés sur le site voisin du nouveau village pour les utiliser.
Les personnes les plus pauvres démolissent leurs maisons, mais de nouvelles structures en béton sont rapidement construites à côté des structures originales qui ont été bâties avec des matériaux traditionnels. Il existe un véritable phénomène d'abandon des villages que l'on observe aujourd'hui dans tout le Moyen-Orient : pour la plupart, cet abandon est spontané 38: c'est un désir de la population qui ne montre aucun chagrin face aux vieilles habitations en terre qui sont maintenant en ruines. Olivier Aurenche assiste à un déplacement latéral de son habitat.
Aujourd'hui encore, l'architecture vernaculaire se heurte à des résistances et à des barrières. Ces blocages peuvent prendre de nombreuses
41
37 Olivier AURENCHE, L’architecture vernaculaire du proche-orient.
formes culturelles, politiques, institutionnelles, ou psychologiques. Certaines puissances industrielles peuvent entretenir ces préjugés afin de développer leurs matériaux de construction dans certains pays. Elles iront même jusqu'à écarter les structures en terre au profit de celles en béton ou en maçonnerie afin de protéger leurs affaires.
4 - Le rural et la dimension marketing (marketing territorial)
- Dialectique d'usage et d'histoire
Reconvertir le patrimoine, c’est le préserver et lui donner une nouvelle vie. Par ce fait, on offre un nouveau souffle à toute sa société limitrophe, et le conserver évoque son inscription dans une démarche de développement durable.
Dans un pays considéré en voie de développement, avec un contexte de ressources financières d’autant moins limitées, le choix des investissements patrimoniaux doit se faire parallèlement aux autres investissements productifs, rendant de la sorte le patrimoine accessible au plus grand nombre d’habitant dans l’optique de préserver l’identité architecturale de son territoire.
Réhabiliter, réutiliser, « Quelle que soit la capacité d’une architecture à durer, il arrivera un moment ou un autre où il faudra l’adapter à de nouvelles fonctions » Jean-Michel Leniaud 38
Quand on s’intéresse au volet de la réutilisation du patrimoine, il est impératif de rester dans le même esprit architectural de base, le préservant ainsi des manipulations constructives de cette époque.39 Entre un développement faisant tabula rasa aux legs architecturaux et un strict conservatisme laissant dégrader leurs états, l’approche actuelle est de développer le territoire en repensant le patrimoine. Articulant entre patrimoine, aménagement et développement rural, la politique récente regroupe ces concepts pour en former un autre : le marketing territorial.
38
Jean-Michel Leniaud, directeur de l’école nationale des chartes, directeur d’études à l’école pratique des hautes études. 39 Jean-Michel Leniaud, Rénover, réutiliser, reconvertir le patrimoine.
On entend dans cette notion un/des désir(s) à satisfaire chez un/des consommateur(s). Généralement les fractures territoriales sont montrées du doigt par les habitants. Dans un contexte de concurrence générale et dans un souci d’attractivité, chaque territoire ou chaque région cherche à sortir du lot et à se différencier par rapport aux autres en se créant une transparence de ses atouts. C’est la discipline moderne qui « vend » un territoire donné en y appliquant les principes du marketing à la gestion territoriale. 40
« Le marketing territorial est l’effort collectif de valorisation et d’adaptation des territoires à des marchés concurrentiels, pour influencer en leur faveur le comportement des publics visés par une offre différente et attractive dont la valeur perçue est durablement supérieure à celle des concurrents. Cette approche cherche à trouver le meilleur équilibre entre le marketing de la demande fondée sur une excellente connaissance des clients. Enfin, le marketing territorial constitue une boîte à outils basée sur des méthodes techniques et des analyses de pratique menées à travers le monde » 41
- Les cibles du marketing territorial:
Le public visé par une stratégie marketing territorial a été identifié par Hautbois et Desbordes selon suit : 42
Les entreprises : socle du dynamisme sur lequel va s’épanouir l’activité économique locale
Les ménages : dans le but de conquérir un public pour le convaincre à s’implanter sur ce territoire
Les touristes : selon Hautbois et Desbordes, la mise en concurrence des territoires est le premier argument expliquant l’émergence et le développement du tourisme de masse, de campagne de communication visant cette population touristique.
Il s’agit ici d’attirer une population saisonnière dans le but de dynamiser l’économie du territoire à certaines périodes de l’année. Le marketing territorial découle alors d’une réflexion des autorités locales et des collectivités, que ce soit d’un point de vue économique ou d’aménagement du territoire, ou encore de notoriété.
40
TPFE ElBouzaidi-Tilali Yasmine, Marketing territorial sensoriel
41 Le Mercator – Tout le marketing à l’ère numérique.
42 Hautbois et Desbordes, Sport et marketing public
43
4 - Etude Benchmarking : Patrimoine rural facteur de développement
- Ville de Chefchaouen, Maroc :
Cadrage : La ville de Chefchaouen est située au nord-ouest du Maroc bâtie à 600 m d'altitude au pied des monts Kelaa et Meggou, sur la chaîne du Rif.
Histoire : La ville s’est développée autour d’une médina d’une superficie d’environ 10km2 construite au XVème siècle. Elle est totalement piétonnière, y circulent seulement des tricycles pour le transport et des ânes. Construite sur un plan andalous, elle présente des singularités par rapport aux autres médinas marocaines la rendant particulièrement attrayante. 43 Mise en valeur patrimoniale : Parmi les stratégies de développement établies pour la ville de Chefchaouen, on trouve la conversion de l’activité principale de la ville vers une vocation touristique, mettant en valeur ses multiples atouts.
Le toursime est devenu donc le principal secteur d'activité économique avec 120 000 touristes/an .44
L’ancienne Médina est devenu le point principal de départ de cette action, vu sa typicité et son originalité, entre nuances et typologie architecturale, la ville a construit son image à travers son histoire et sa médiatisation à l’échelle nationale et internationale par le biais de séries télévisées ou de films (Exemple : Bnat lalla Mennana…)
43 Wikipédia 44 https://www.reseau-euromed.org/fr/ville-membre/chefchaouen/
Fig 11. Chefchaouen à vol d'oiseau. Google Fig 12. Chefchaouen la ville bleue. Google Fig 11. Place Chefchaouen. Google
- Village de Courgoul, France :
Définition : Courgoul (Auvergne, France) est une commune rurale française peu dense, située dans le département du Puy-de-Dôme en région Auvergne-Rhône-Alpes. 45
Culture locale et patrimoine : Les pailhats, terrasses retenues par des murets de pierres sèches, témoins d’un mode d’agriculture et d’un savoir-faire ancestral.
Action de mise en valeur : La restauration des pailhats a fait en sorte de créer de l’évènement : on en parle, des visites et des randonnées y sont organisées, des lycées agricoles, des écoles supérieures envoient leurs étudiants pour des stages de construction en pierres sèches et une fête annuelle autour des produits du terroir anime le village. Par la suite, une démarche de gestion du paysage est devenue essentielle pour ce développement. 46
45
46
,
45
Fig 12. Illust. Issoire Tourisme
Wikipédia Courgoul, France
Pailhtas de Courgoul : terrasses cultivées
- Réintégration des bâtiments patrimoniaux :
Définition : Le Beamish Museum est le plus grand musée à ciel ouvert en Angleterre. C’est « un musée vivant » qui donne à voir la vie quotidienne dans la région entre 1820 et la deuxième guerre mondiale. Un tramway, deux fermes, une ville et une cité minière d'époque sont notamment présentés. 47
Culture locale et patrimoine : Ce musée rentre dans une stratégie de redynamisation touristique et économique d'un territoire encore marqué par l'agriculture et l'activité minière. Il s’inscrit dans la volonté de représenter ce qui fonde l’identité régionale, et fait de l’histoire un facteur d’attractivité.
Action de mise en valeur : Le projet a débuté en 1970 avec une fonction mémorielle, en rassemblant des objets donnés par les habitatants et les conservant dans une maison de campagne, située sur un site de plusieurs hectares. L’accumulation de ces objets lui permet d’ouvrir ses collections au public par la suite. La reconstitution d’un village et d’un chemin de fer suit sur l’espace disponible transformant le lieu en un « musée vivant ». Une expérience : Ce musée propose à ses visiteurs l’expérience de s’immerger dans un village typique de la région durant l’âge d’or des mines, de l’agriculture et de l’industrie du chemin de fer. 48
La renaissance de l’architecture et des activités parallèles: Celles-ci proposant la participation de volontaires et d’habitants de la région.
47 Wikipédia, Beamish museum
48 Beamish Home, https://www.beamish.org.uk/
Beamish Museum Angleterre :
Fig 13. Beamish Museum Angleterre , Google
Evaluation de performance : L’aménagement de ce site a marqué une hausse significative de l’activité touristique depuis 2012 à nos jours, et par conséquent une hausse de ses revenus économiques, surtout avec la construction d’une unité hôtelière à ses abords.
47
Fig 14. Beamish Museum Angleterre , Google
Le village de Wadi Rum en jordanie :
Définition : Le Wadi Rum ou Wadi Ramm est un paysage désertique comportant des canyons, des arches naturelles, des falaises et des grottes, situé au sud de l'Arabah en Jordanie. Il a été inscrit au Patrimoine mondial en 2011 en tant que bien mixte naturel et culturel. Le site est aussi appelé Iram dans les textes nabatéens.
Potentiels : Le site regroupe les ruines du temple nabatéen, Burdah Rock Bridge, les sept piliers de la sagesse.
Action : Création d’un village central à vocation touristique, pour une expérience englobant les éléments à fort potentiel.
Fig 15. Wadi Rum village, Wikipédia
Le musée cinématographique de Ouarzazate:
Définition : Ouarzazate est une ville et commune — municipalité — de la province de Ouarzazate (Maroc), dont elle est le cheflieu, dans la région Draâ Tafilalet. La ville est surnommée « la Porte du désert »
Potentiels : L'architecture de Ouarzazate est réputée pour le nombre de kasbah (forteresses) dont la ville est dotée : la plus connue, la kasbah de Taourirt, datant du XVIIe siècle, veille toujours sur la médina.
Action : entre nature et tradition, la ville s’acharne à ouvrir ses portes à une vocation cinématographique universelle, en se basant sur sa typologie architecturale unique.
La ville a pu intégrer parfaitement son architecture vernaculaire dans l'ensemble des actions de développement, et est devenu l'open-air musée du Haut Atlas.
49
Fig 16. Musée cinématographique de Ouarzazate
Fig 16. Vallée de Ouarzazate
Travaux de l’architecte Salima Naji : Cas d’Agadir n'Iserghine :
Salima Naji, architecte et anthropologue franco-marocaine qui s’est engagée depuis plus de vingt ans en la protection et la mise en valeur de l’architecture vernaculaire présaharienne.
Entre pisé et pierre sèche, l’architecte s’est donnée à fond dans plusieurs actions de réhabilitation et de restauration patrimoniales.
Typologie : Agadir n’Isserghine, un grenier millénaire témoignant la richesse patrimoniale au Sud-Ouest d’Akka Ighane, Actions : La muraille orientale ainsi que la tour porche étaient effondrées. Ce grenier a été sauvé de la ruine en 2012 grâce au fond des ambassadeurs américains pour la préservation de la culture .
« En proposant un projet de scène devant la façade principale du grenier, nous pouvions à peu de frais prévoir une protection du site et empêche qu’il soit l’objet de toutes les convoitises tout en proposant une première mise en valeur du site.
» Salima Naji
«
Nous voyons bien ci-contre la zone de projet qui annonce la sauvegarde de tout le village. La scène se déploie sur toute la façade, légèrement surélevée, le beau mur ancien servant d’arrière-plan à ce théâtre de plein-air où le public viendra s’assoir sur des nattes et des tapis devant ou sur des estrades montées pour l’occasion. Nous envisageons ici une simple scène qui servira aux danses traditionnelles chantées et autres ahwashs, scène facilement et rapidement réalisée ».49 Salima Naji
49 Salima Naji, https://www.salimanaji.org/salima_naji/2013/01/agadir-nisserghine-une-avanc%C3%A9e-spectaculaire.html
Source illustrations: Salimanaji.org
51
CHAPITRE II :
L’architecture vernaculaire comme identité du Sud marocain
A - Cadrage de la région
1 - Contexte général de la région
Fig 17. Situation nationale de Sous-Massa
Majoritairement, l'architecture de terre et de pierre se localise dans le sud du Maroc, éparpillée dans les montagnes du Haut et de l’Anti-Atlas50.
Cette typologie architecturale regroupe les notions de confort, d’appartenance et de climat, aussi bien que la qualité paysagère et visuelle.
50 Architecture du Haut Atlas, http://jacquot.gregoire.free.fr/maroc/commun/architecture.htm.
53
Généralement, les villages se fondent dans leur paysage adjacent étant donné qu’ils sont implantés dans le sol local la plupart du temps (terre ou pierre). Ils sont le plus souvent orientés vers le soleil levant.
Dans les vallées des agriculteurs sédentaires, les maisons sont regroupées en villages sur des escarpements surplombant la rivière et les champs, afin de donner aux cultures le plus d'espace possible. Les blocs de construction s'imbriquent les uns dans les autres, les toitures de l'un servant de terrasse à l'autre ; le village se dessine donc par le biais d’un enchevêtrement des murs, des toits et des terrasses.51
Ils sont rassemblés autour du tighremt (grande résidence patriarcale) et de l'igherm (grenier collectif) accompagnés d’un nombre d’annexes, à titre d’exemple la mosquée, qui n'est pas toujours visible.
La construction se fait à la main. Le transport des pierres se fait encore à dos de mulet, et le pisé est barré parfois avec les pieds, mais la plupart du temps avec un pilon. 52
- Paysage et environnement :
La diversité régionale qui distingue le Maroc est à l'origine de la richesse du pays, qui le fascine et le distingue du reste du monde. Il existe de nombreuses différences climatiques et géographiques qui servent souvent de contraintes enrichissantes, permettant une culture constructive en parfaite harmonie avec l'environnement. Cette connaissance unique et avisée offre un large éventail d'applications qui visent à servir divers objectifs liés au confort, à la fonctionnalité, à la culture et, dans certains cas, à la politique.53
Que ce soit dans les fondations, les soubassements, les murs de construction, les toitures, les mortiers ou les enduits, ces matériaux ont contribué à l'émergence d'architectures contextuelles, évolutives, durables et résilientes. La flexibilité des matériaux, combinée aux contraintes environnementales naturelles, a donné naissance à une technologie, une variété d'utilisation, des formes de manifestation et des modes de regroupement propres à chacune des deux régions.
Les Chleuhs de l’Anti-Atlas, nommés à l'origine "Adrar-n-de rn" (signifiant "la montagne des montagnes"), est la partie la plus élevée du pays,
51 Architecture du Haut Atlas, http://jacquot.gregoire.free.fr/maroc/commun/architecture.htm 52 Olivier AURENCHE, L’architecture vernaculaire du proche-orient 53 CPS Agence Urbaine d’Agadir
avec des sommets dont l'altitude varie de 3500 à 4000 mètres, et englobe presque toute la partie nord du Haut Atlas.54
En effet, l’Anti-Atlas témoigne, par la richesse de son patrimoine architectural, de l'ingéniosité et de la patience de ses ancêtres qui, au fil des siècles, ont réussi à humaniser ce milieu rude et austère et à développer et entretenir une osmose avec l'environnement. L'enclavement et le repli de cette région sur la haute montagne lui ont également permis de maintenir son mode de vie et sa culture.
Cette intégration dans l'environnement se reflète également dans l'utilisation des matériaux locaux. Ainsi, les communautés de cette zone utilisent exclusivement la pierre et la terre comme matériaux de construction primaires, non seulement en raison de leur abondance, mais aussi pour le confort thermique qu'elles procurent aux résidents. L'utilisation de ces deux matériaux permet d'obtenir une unité agricole exceptionnelle ; toutefois, l'examen des différents processus et techniques de construction révèle diverses variantes conceptuelles influencées par des facteurs naturels, spatiaux, économiques, sociaux et culturels.55
En effet, la topographie de cet environnement a fait que certaines entités se distinguent non seulement par leurs caractéristiques climatiques et physiques, mais aussi par les matériaux utilisés pour la construction, donnant lieu à des différents types de logement, l'un situé en haute montagne et reposant uniquement sur la pierre, l'autre situé près du plateau et reposant davantage sur la terre. 54
55
Fig 18. Village Ilil, CyBer Berberes
CPS Agence Urbaine d’Agadir 55 Henri TERRASSE, Kasbah berbères de l’Atlas et des Oasis
Conduits à des altitudes allant de 1000 à 2000 mètres, les bâtiments de haute altitude occupent les flancs rocheux des chaînes de montagnes connues pour leurs fortes déclivités. Le caractère accidenté de ces sites, combiné à l'ingéniosité des habitants, a entraîné la distribution des groupements le long d'un tracé linéaire et stratifié, avec trois composantes parallèles émergeant du paysage, à savoir les habitations, les terres arables et le cours d'eau.56 Malgré les contraintes géographiques du site, le choix de l'emplacement se justifie, entre autres, par la stabilité que les zones rocheuses offrant à la construction.
Le climat et la topographie du site, tout comme l'organisation sociale des habitants, ont tous eu un impact profond sur la morphologie des Douars des hautes montagnes. En effet, la rareté des terrains constructibles et la rudesse du climat, associés à une forte cohésion humaine, ont donné naissance à une structure spatiale compacte allant d'une périphérie éparse à une composition plus dense basée sur une disposition spontanée et organique dictée par les déclivités du terrain.
La forme des constructions, leur implantation et les matériaux utilisés pour leur construction reflètent cette forte insertion au site commandée par le besoin critique d'adaptation. Ainsi, les bâtiments les plus importants se distinguent par l'utilisation exclusive de la pierre en raison de sa forte présence dans la région, de ses caractéristiques techniques face à un terrain rocheux, de sa résistance à la corrosion et de ses qualités thermiques face à un climat sec et froid.57 En effet, à mesure que l'on prend de l'altitude, la terre se fait plus rare, laissant place à la pierre sous ses différentes formes : schisme basaltique et calcaire ou sédimentaire.
- Caractéristiques géologiques et architecture :
La diversité régionale qui distingue le Maroc est à l'origine de la richesse du pays, qui le fascine et le distingue du reste du monde. Il existe de nombreuses différences climatiques et géographiques qui servent souvent de contraintes enrichissantes.
56 Salima NAJI, Greniers collectifs de l’Atlas
57Jacques-Meunié, Sites et forteresses de l’Atlas
Fig 19.Carte géologique simplifiée de la chaîne de l’Anti-Atlas marocain avec localisation des principaux gisements métalifères, Levresse.2001.
Le Maroc, ou le paradis des géologues, regroupe une diversité de reliefs accentués dans les montagnes de l'Atlas, et un élancement vertical à l'Anti-Atlas, procurant ainsi une richesse de pierres, que les habitants de la région trouvaient utiles pour la construction de leurs bâtiments les plus imposants, et qui tiennent leurs places jusqu'aujourd'hui, tels les greniers collectifs et les Ksour.
57
Fig 20, Carte de répartition de quelques igoudar dans l’Anti-Atlas marocain, TPFE 38
La collection des greniers collectifs au Maroc correspond à une étendue géographique spécifique. Il en compte des dizaines dans les montagnes de l'Anti-Atlas, à savoir : Tasguent, Amtoudi, Tilmezsirhal n’Sidi Yaqoub, Aguellouy, Agadir Imi n’Tsil…
De même, nous trouvons dans la zone d’étude (Fig ) des dépôts détritiques de l'ère cambrienne, suivis d'une sédimentation en plaques calcaires. Ceci justifie l’abondance de pierres calcaires, qui sont fréquemment utilisées dans ces structures.
- Typologies architecturales:
• La maison :
Elle est construite en pisé ou en pierres empilées à sec. Pour les constructions en pisé, les parties supérieures des murs sont parfois ornées de motifs géométriques : chevrons, croix, damiers, losanges (toutes ces décorations se sont transmises de génération en génération) et sont souvent élucidés comme des briques de pierre ou de terre concassées.
Les crues utilisées pour ces décorations sont plus fines que celles utilisées pour la construction proprement dite ; elles sont argileuses et ne peuvent contenir aucun sable ; on y ajoute parfois un peu de chaux. Les constructions en pierre sèche (qui prédominent sur les hauteurs) sont exemptes de motifs géométriques ; le seul élément de décoration est constitué de frises de pierre aux courbes obliques.
Fig 21. Matériaux , Architecture du Haut Atlas
De nos jours, la maison tend à n'abriter que les membres restants de la famille élargie plutôt que le lieu de rassemblement traditionnel de toute la famille élargie.
Elle est destinée à abriter à la fois des personnes et des animaux ; pendant l'été, on trouve des vaches et des chèvres dans les pâturages alpins, et pendant l'hiver, elles sont gardées à l'intérieur de l'étable. En terrain plat, les maisons ont rarement plus d'un étage, et les ajouts se font au niveau du sol. Les habitants des maisons ci-dessus utilisent les toits comme terrasse lorsqu'ils sont attachés à une colline, car les étages s'imbriquent. Dans ce cas, l'ajout d'étages entraîne l'extension des maisons.
• La Kasbah : est avant tout une fondation communautaire créée dans le but de réunir et de protéger une ou des familles à la fois. La kasbah est une maison de maître substantielle comportant jusqu'à six étages. Délicate et allongée et plus ornée de thèmes géométriques dans les parties supérieures (fines ciselures et une alvéole de briques) ; elle est faite d'une combinaison de pierre et de pisé qui est dotée de chaux. Parmi ses caractéristiques architecturales, on trouve qu’elle se distingue des greniers et des autres constructions par ses murs épais et élevés faits pour résister aux éventuelles attaques, tronqués par des ouvertures généralement de petits rectangles, pour préserver la fraîcheur et minimiser les rayons solaires du Sud et les pièces encadrant le patio pour favoriser la circulation de l’air.
Les plus grandes Kasbahs forment de véritables palais avec un grenier collectif intégré.
59
Fig 22. Kasbah, Pinterest
2 -Un Tableau , une scène, une histoire
L'Anti-Atlas est une chaîne de montagnes au sud-ouest du Maroc, orientée sud-ouest et nord-est sur près de 600 km, située entre le Haut Atlas central et du Souss au Tafilalet58 et englobe les deux principales régions faisant preuve d’une richesse architecturale patrimoniale très intéressante.
L'Anti-Atlas, montagne couverte d'armoise et de thym, cache une histoire géologique longue et tortueuse. Les Berbères, qui habitent la région depuis au moins trois millénaires, ont cultivé avec soin ses terres les mieux exposées, cultivant dans les vallées minerai et amandiers, mais aussi olives et légumes. Nous emprunterons "la route des Agadirs", ces rochers fortifiés aux allures de citadelles érigées sur des hauteurs escarpées où les habitants ont emmagasiné leurs récoltes et leurs objets de valeur pendant des siècles, se réfugiant également avec leurs animaux en cas de danger. Nous arriverons dans la petite ville d'Ida Ougnidif, près de laquelle la casbah de Tizourgane, domine la vallée du haut de sa falaise rocheuse.
58 "Anti-Atlas" (or Jebel Saghru), The Encyclopædia Britannica, 1910.
Fig 23. Carte de l’Anti-Atlas d’après J. Riser. Dessin S. de Butler.
On peut déterminer quatre régions principales en analysant les caractéristiques physiques et humaines de cette chaîne : l'Anti-Atlas occidental, l'Anti-Atlas moyen, le volcan Siroua, le Jbel Sarhro et l'Ougnate, et enfin le désert saharien.
L'Anti-Atlas occidental est divisé en trois régions : la chaîne des montagnes d'Ifni, le plateau d'Akhsass et les contreforts de Tazeroualt et de Kerdous. Ces régions associent l’arganeraie et la steppe à euphorbes, ainsi que les modelés de granites qui font du paysage Sousi un paysage original.59
Aussi difficiles que soient les caractéristiques naturelles de cette chaîne, la densité de la population est aussi élevée. La paysannerie sédentaire est plus répandue sur les versants donnant sur l’Atlantique, où des pluies plus abondantes permettent des pratiques agricoles arides.
Les pentes sont notablement organisées en terrasses de culture retenues par des murs de pierre qui s'élèvent jusqu'aux sommets. Figuier, olivier, abricotier, amandier, grenadier, palmier, ainsi que viande et légumes, sont certains des produits les plus divers que l'agriculture irriguée offre dans les vallées. La plus connue de ces oasis de montagne est Tafraoute, qui est prolongée au nord et à l'est par la luxuriante vallée de l'Ameln. Le long de la ligne de cette chaîne, l’élevage des moutons et des chèvres complète les cultures de ces hauts massifs.
Cependant, l’émigration vers les grandes villes de la côte, à savoir Casablanca et Rabat, voire vers des pays étrangers, assure l’aisance de ces terres. Les revenus générés sont ensuite réinvestis dans les collectivités locales sous forme d'un logement ou d'une entreprise.
Les paysages envoutants et l'avancée agricole de la région en font une destination touristique de plus en plus populaire dressée par un circuit fascinant allant de la palmeraie de Tafraout aux villages adjacents.
61
Fig 24. Euphorbe et Arganier, E.Laoust
Fig20
59 J.Riser, Anti-Atlas, Encyclopédie berbère
https://journals.openedition.org/encyclopedieberbere/2522?lang=fr
- Définitions:
De nombreux mots berbères que l'on retrouve dans les textes historiques et fréquemment dans la toponymie ont des significations castrales. On peut également signaler :
-Ighrem : Il est repris dans les dialectes berbères pour désigner un lieu fortifié, un mur de pierres sèches dans le Haut Atlas, un village ou une enceinte dans le Moyen Atlas et une cité chez les Mozabites. La définition commune des greniers est celle de structures fortifiées, souvent de grande taille, où les Berbères de montagne cachent leur récolte et tous leurs biens de valeur : argent liquide, bijoux, vêtements, textiles et, parfois, armes et munitions. Animaux et personnes préparés à la résistance du grenier-citadelle en cas d'alerte.60
-Agadir : un terme répandu chez les berbérophones et qui peut avoir plusieurs significations, à savoir celle du grenier fortifié, ou village. E.Laoust perçoit que « « Les faits linguistiques actuels se résument ainsi : « agadir a le sens de «mur» dans les parlers du Sud et du Moyen Atlas (groupe tamazight),qui emploient igherm pour désigner un bourg ou le ‘Ksar’ saharien et l’établissement du transhumant montagnard et celui de «forteresse» et de «grenier collectif» dans les parlers du groupe tachelhit qui connaissent igherm avec le sens de «mur en pierre sèche» 61
"Magasins de toute une tribu, construction en pierre et mortier de terre, toits en terrasse, plan-type à rue centrale et longue, serrée entre deux bâtiments à deux ou trois étages, auxquels on accède par des dalles délsordant du mur, formant un palier devant chaque portillon de chambre, plus rarement par de petits escaliers individuels ou par des trones d'arbres à encoches "62.
60 Wikipédia, définition de l’Anti-Atlas marocain.
61 E. Laoust, Mots et choses berbères, Paris Challamel 1920.
62 Jacques-Meunié, Les greniers collectifs au Maroc
- Histoire :
Agadir ou premières banques de l’histoire
Comme a été mentionné au début, les Igoudar servaient de conservation et de stockage de produits de valeur, à savoir l’orge ou « l’or vert des montagnes », les jarres d’huile d’olive, du miel, les bijoux en argent, ainsi que les actes de mariage et les titres fonciers.63 « Je parle toujours de premier système bancaire qu’a connu l’humanité. Si on réalise une étude approfondie, on verra qu’il s’agit bien d’un système bancaire »64 , explique Khaldi Alayoud, le spécialiste du patrimoine culturel au Maroc, « Il y avait des chambres fortes, où chacun disposait d’une cellule fermée à clé. Cette clé était gardée par la famille. Et un gardien gérait les entrées et sorties grâce à un code ou un autre système. Ces greniers étaient régis par une charte baptisée «louh» où étaient écrites noir sur blanc les règles à respecter à l’intérieur», assure-t-il.
Agadir ou un vivre-ensemble ancestral
Le Maroc, à cette époque déjà, jouissait des valeurs de cohabitation, qui a commencé par un vivre-ensemble social où vivaient toutes les classes sociales confondues, ainsi que religieux entre les musulmans et les juifs au sein de ces institutions millénaires, et sont devenus donc des lieux d’échange par excellence. Les juifs pratiquaient dans ces greniers la confection et la vente d’objets d’artisanat65.
Cette cohabitation a été régie par un nombre de règles établies par les représentants du grenier et approuvées par les utilisateurs de cet espace dans le but de minimiser les confrontations et les malentendus.
63 ArabNews, Les greniers collectifs ou Igoudar : un trésor architectural marocain en perdition https://arab.news/jbrtt
64 Khalid Alayoud, Greniers collectifs à Azilal, des magasins hauts perchés, Media24
65 ArabNews, Les greniers collectifs ou Igoudar : un trésor architectural marocain en perdition
63
Fig 25. Charte écrite « Louh », Arabnews.
2 -Le vernaculaire en architecture
- De la notion du vernaculaire :
Historiquement, le terme vernaculaire était utilisé pour souligner qu'un esclave était né dans la maison plutôt que d'être acheté. Le mot a ensuite été élargi en 1765 pour couvrir non seulement ce qui est né dans la maison, mais aussi ce qui est né dans le pays. En effet, l'expression est associée à une langue particulière (1823). La langue vernaculaire est alors définie comme la langue parlée le plus fréquemment au sein d'une communauté.66 L'étymologie du mot vernaculaire souligne le fait que ce terme fait allusion à l'origine et à l'affiliation de quelque chose.
La pensée vernaculaire d’Ivan Illich
Ivan Illich est un penseur autrichien et un commentateur social des temps modernes. L'économie vernaculaire, selon la terminologie d'Illich, désigne un système économique unique qui diffère de l'économie du marché. Dans son essai " The Vernacular ", Ivan Illich réinterprète la définition étymologique latine suivante : * Vernaculaire, du latin vernaculus, indigène, désignait à l'origine tout ce qui est cultivé, tissé, ou préparé à la maison, par opposition à ce qui est obtenu par le commerce [...] Il me semble que, dans le monde global du XXIe siècle, toutes les initiatives visant à maximiser l'utilisation des ressources et des matériaux disponibles en abondance, gratuitement ou à faible coût, sont encouragées, y compris la plus essentielle d'entre elles : la force de travail.*
« Il nous faut un mot simple, direct, pour désigner les activités des gens lorsqu'ils ne sont pas motivés par des idées d'échange, un mot qualifiant les actions autonomes, hors marché, au moyen desquelles les gens satisferont leurs besoins quotidiens - actions échappant, par leur nature même, au contrôle bureaucratique [...] » 67
Ivan Illich rejette l'idée que le capitalisme implique un mode de vie entièrement dominé par le commerce industriel dans son livre "Le genre vernaculaire", qu'il définit comme l'agencement des interactions sociales
66 La grande encyclopédie, Paris, Larousse 1973 67 Ivan ILLICH, le genre vernaculaire
en dehors de la sphère régie par le commerce et ses processus d'échange. Pour lui, le terme "genre vernaculaire" désigne tout ce qui n'est pas destiné à la vente dans la Domus romaine mais plutôt à l'autoconsommation domestique.
" En ce qui concerne la relation entre le "vernaculaire" et le concept d'échange, je crois qu'au tournant du siècle, le "vernaculaire" devient le mécanisme économique "pseudo-informel" qui est inextricablement lié au système économique contemporain (le système capitaliste) ; il se superpose, mais l'existence de l'un implique l'existence de l'autre. Par conséquent, le vernaculaire contemporain n'est plus ce qu'il était."
- Vernaculaire en architecture :
L'objectif de ce chapitre est de comprendre comment le terme " vernaculaire " est utilisé pour décrire l'architecture. Contrairement à la pensée d' Ivan Lllich qui relie le vernaculaire à un état d’être, on va la discuter d’un point de vue qui la relie à un état de faire.
a. Encyclopédie du monde de l'architecture vernaculaire :
Le professeur Paul Oliver a publié en 1997, aux éditions Cambridge University Press, trois ouvrages sur le thème de l'architecture traditionnelle dans le monde. Le premier volume porte sur les principes, les théories et les philosophies qui sous-tendent l'étude de l'architecture traditionnelle. Elle est définie comme "l'architecture sans architectes". 68
Une autre étude de ce qu'est l'architecture vernaculaire, qui précède celle du professeur Paul Oliver, a été publiée en France au début des années 1980 par une revue éditée par le Centre d'études et de recherches sur l'architecture vernaculaire (CERAV). Cette définition était basée sur les travaux du spécialiste britannique Eric Mercer. Elle définit une structure vernaculaire comme une structure qui s'inscrit dans un mouvement de construction ou de reconstruction spécifique au cours d'une certaine période historique et qui reflète un changement dans l'économie et la classe sociale des personnes qui l'utilisent.69 En ce sens, la connaissance des origines sociales du constructeur-utilisateur est un facteur important à prendre en compte lors de l'analyse d'une structure.
65
68 Paul OLIVIER, E. Cambridge University Press 69 Eric MERCER , English vernacular houses : A study of traditional farmhouses and cottages, Londres
b. L'architecture sans architecte de Bernard Rudofsky :
Bernard Rudofsky (1905-1988) était un écrivain, historien et architecte né en Autriche. Il a publié son livre "architecture without architects" en 1965 dans le cadre d'une exposition intitulée "Architecture without Architects". Son but en écrivant ce livre est d'embellir notre propre notion de l'art de construire en explorant le monde non codé de l'architecture et qu'en l'absence de termes spécifiques, nous nous référerons à cette architecture comme vernaculaire, anonyme, spontanée, indigène ou rurale. Il a été attiré par les exemples de l'architecture traditionnelle du monde entier, ainsi que par la diversité des compétences de ses bâtisseurs.
Il définit cette architecture comme "l'activité spontanée et continue des communautés", qui est "loin d'être l'œuvre des spécialistes." Il s'agit d'une architecture non codifiée qui se rapporte à l'art de la construction et n'est pas influencée par la théorie architecturale. 70
Cette définition implique qu'il existe un pont et une relation étroite entre l'architecture non architecturale et l'architecture vernaculaire.
c. Le nouveau vernaculaire et le concept de « Learning From »:
Selon sa publication Apprendre du vernaculaire, et vice versa un nouveau type d'architecture vernaculaire" Pierre Frey (Frey, Pierre), professeur à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, voit au-delà de l’image simpliste et la perception romantique de l’architecture vernaculaire. L'auteur commence par une critique de l'architecture ordinaire et extraordinaire générée par l'industrie mondiale de l'architecture, ainsi que des alternatives qui émergent dans de nombreux pays du monde. Il s'aligne explicitement sur les discours critiques de Bernard Rudofsky et d'Ivan Illich.
Ce concept encourage les gens à examiner les circonstances, à en tirer des enseignements et à réinterpréter pour créer une nouvelle architecture vernaculaire. On en ressort alors un désir de redéfinition de l'architecture vernaculaire par rapport à l'époque actuelle. 71
70 Bernard RUDOFSKY, Architecture without architects, 1965
71 Pierre FREY, Learning from vernacular, https://journals.openedition.org/critiquedart/1321
- Le Vernaculaire et :
. l'Environnement : D’après le professeur Fréderic Aubry, "la trilogie conceptuelle : L'Homme, le Site et les Matériaux" est indiscutable lorsqu'on parle d'architecture vernaculaire. La combinaison de ces trois éléments permet de définir les caractéristiques des différentes architectures vernaculaires : "L'architecture vernaculaire morphogénèse est fondée sur la synthèse d'une trilogie conceptuelle composée de trois points de référence à partir desquels on peut analyser et interpréter méthodiquement toute structure en répondant à des questions simples telles que quoi ? pour qui ? où ? pourquoi ? comment ? L'HOMME englobe et exprime le contenu de toutes les données thématiques, activités et besoins à caractère socio-économique, culturel et historique. LES MATERIAUX englobent les choix et les procédés utilisés pour créer la forme du bâti. LE SITE intègre toutes les données environnementales, climatiques et morphologiques. 72
La norme sociale est également concernée par le bâtiment vernaculaire. Selon Nezar Elsayyad et Elena Tomlinsonte, l'architecture vernaculaire dans un monde globalisé est plus qu'un simple type de bâtiment lié à l'endroit où vous l'avez envoyé, mais elle renvoie également à une notion de groupement social. Dans ce cas, nous parlons d'une pratique sociale qui, une fois adoptée par un groupe, devient une "norme".
. L'Atemporalité :
Nous avons tendance à associer le vernaculaire à ce qui vient du passé (ce qui a disparu), à ce qui provient d'un héritage culturel transmis de génération en génération. Ou, en tout cas, l'architecture vernaculaire n'est pas l'architecture du passé. Elle est considérée comme une architecture atemporelle puisqu'elle évolue en fonction des époques. Les outils du métier s'améliorent ou disparaissent au fil des générations, l'utilisation des matériaux évolue avec le temps, et même le contexte change avec l'époque. Par conséquent, l'architecture vernaculaire contemporaine est une construction vernaculaire qui appartient au présent.
67
72 Guindani, Doepper,1990
Comme l'explique Ursula Hartig73 , l'architecture vernaculaire est une fonction du monde actuel et de son évolution : ce n'est pas un concept fixe sans rapport avec le changement. En fait, l'architecture vernaculaire n'est peut-être pas la même dans les sociétés pré-étatiques que dans les grandes entreprises d'aujourd'hui.
. La Spontanéité :
L'architecture vernaculaire est une architecture bon enfant, instinctive, qui utilise les ressources disponibles. Elle n'a pas été dessinée et on ne lui a pas assigné de style. C'est lui, et non le savoir-faire ou le besoin, qui décide de la forme de l'architecture. Il existe des formes claires et directes, ainsi qu'une efficacité dans les gestes architecturaux et l'utilisation des matériaux.
Il est clair que nous n'avons pas un désir inné de pratiquer l'architecture, ni un désir instinctif d'abriter et de gérer l'espace qui nous entoure. Par conséquent, la nature désordonnée de l'architecture vernaculaire crée un ensemble désordonné, chaotique, mais ardent, régi par le sens humain du bien-être. 74
.
Le Processus :
Au départ, l'architecture vernaculaire est un processus. Par conséquent, elle n'a pas d'objectif final défini ni de spécialisation définitive. Elle est en constante évolution, résultat d'additions et de soustractions. En ce sens, elle est basée sur l'expérience personnelle, que l'on garde ou que l'on abandonne. Le consommateur final n'est pas le résident, mais plutôt le moteur du processus. Cela nécessite un certain niveau d'expertise ainsi qu'un état d'esprit indépendant.
. L'Autonomie :
Le vernaculaire, par définition, est un produit qui n'est pas destiné à l'échange, ce qui soutient l'absence d'une dichotomie client-serveur architecturée. Sans échange, chacun devient son propre client et son propre architecte.
Dans le cas d'une société traditionnelle, la définition du métier d'architecte peut devenir une conception du cadre de vie plutôt que de l'habitation ellemême.
73 U.HARTIG, Contextual construction, Learning from the vernacular dans Stragies pour un développement durable local, Institute for Town and Regional planning, Berlin 2008, P.90
74 Sara ZEMOULI, TPFE Cohabiter l’espace commun
B - Un Diagnostic vernaculaire
1 - Contexte socio-historique de l’architecture vernaculaire du sud
Mêlant spirituel et fonctionnel, l’architecture vernaculaire de la région Sous-Massa développe sa propre écriture. Ce territoire qui a été longtemps ignoré, mais qui regagne son attention pour tracer l’identité contemporaine du Maroc.
L’espace Amazigh préexistait déjà avant l’arrivée des premières conquêtes arabes. Les guerres intertribales dynamisaient ces terres à l'époque. Même si le stockage reste le but premier d'un grenier, l'enjeu sécuritaire ne doit pas être négligé. En outre, les villageois ont témoigné qu'en plus des provisions alimentaires, ils conservaient également dans leurs conteneurs des documents de valeur, des bijoux, des armes, des munitions, des vêtements, des tapisseries et d'autres objets.
Mais à partir du XIXe siècle, les makhzen vont lancer des incursions pour soumettre les pulsations berbères qui exécutent leur danse indépendante. Après la "pacification des confins" en 1935, les guerres tribales prennent fin et les greniers perdent leur fonction défensive. Les institutions traditionnelles de gestion communautaire qui organisaient les tribus sont démantelées par la même occasion.75 L'instauration de la paix sera un facteur important dans l'abandon des greniers.
69
75 Malika Fassi Fihri, TPFE Les agadirs de l’Anti-Atlas marocain Ensa Malaquais
Frise Chronologique :
2 - Typologies architecturales: Greniers
- Grenier de falaise :
Parmi les types de greniers collectifs, qui intéressent moins les ethnologues, sont les magasins construits sur les flancs et les des canyons du Haut et Anti-Atlas. Les montagnards distinguent les greniers de falaise, appelés aussi iyem n-uyulid, et les groupes qui ne sont plus actifs et qui sont attribués aux chrétiens « iyem n-irrumin », ou plus précisément aux Portugais « qsar bortgis ».76
Les greniers de falaise seraient le résultat d'une institution relativement récente datant du 17ème ou 18ème siècle, les quelques exemples survivants se trouvent dans la région d'Ayt 'Abdi à Sokhman.77
Appuyant leur poids sur le long de la falaise et supportant des poutres encastrées dans les fissures de la roche, formant ainsi des dalles qui réunissent l’ensemble, les espaces libres sont divisés en cases « tihuna » dans lesquelles les transhumants déposent leurs réserves d'huile, de céréales et de laine. Leur particularité architecturale aide au jeu défensif que joue ces greniers ; il suffit d’enlever les poutres pour rendre les espaces inaccessibles face aux attaques nocturnes.
71
76 ME.B, M.Peyron et J.Vignet-Zunz, Geniers, Journalsopenedition.
77 Salima NAJI, Greniers collectifs de l’Atlas
Fig 26. Grenier Ait Abdi nKousser, Media24
Fig 27. Grenier Sidi Moussa, Ait Bouguemmaz, Media24
Fig 28. Grenier Ait Benndeq, Media24
Le plus grand de ces greniers est le " Tyem n Tihouna n-Ouwejjyal ", situé au sud de Boutferda, près des Ayt Sokhman. Il comptait environ 370 cases au moment de son apogée, et il est aujourd'hui partiellement détruit (Fougerolles, 1990). Deux autres greniers de falaise sont connus aux Ayt Abdi n-Kousser et aux Ayt Benndeq. Le premier comptait 130 caisses dans son état d'origine, avait été partiellement détruit lors des opérations militaires de 1933, et a repris du service en 1950 (Jacques Meunié 1951). Quant au second, il a été opérationnel de 1950 à 1960 mais est actuellement inactif.
Le choix de l’implantation sur une falaise se justifie par un besoin de sécurité. C’est donc le résultat d’une recherche instinctive de se retrouver un endroit sécurisé. «…la première chose qui pousse les gens à créer des greniers, c’est la sécurité. », Khalid Alayoud chercheur du patrimoine marocain. 78
- Grenier fortifié :
Il est une autre catégorie de greniers collectifs qui persiste au Maroc qui est le grenier fortifié. Dans le Rif, on rapporte que des greniers familiaux se sont installés dans des sites difficilement accessibles où ils ont rassemblé ces petites structures qui donnent à l'agglomération l'allure d'un village rétréci.
Le tout est soumis à un règlement qui est appliqué par un homme armé et un conseil de six ou huit membres, comme est le cas pour la majorité des greniers collectifs. Il y a une évolution clairement définie et contrôlée par la peur, dont la volte-face est le grenier fortifié, que l'on qualifie fréquemment de collectif, par abus de langage, car dans ces structures, chaque famille possède une ou plusieurs cellules.79
Ce type de grenier est présent de l’Ouest vers l’Est, des monts de l’Anti-Atlas et le Haut Atlas aux reliefs de la Tunisie. Leur particularité architecturale qui les définit se manifeste dans l’unicité de l’accès à ces édifices. L’Agadir (pl.Igoudar) des pays de Sous du Sud et Sud-Ouest marocains est l’une de cette splendide manifestation, parfois, il arrive que le village dépendant de l'Agadir soit gouverné par celui-ci, mais la majorité de ces structures défensives sont isolées, notamment lorsqu'elles appartiennent à plusieurs villages d'une même zone. 80
78 Khalid Alayoud, Greniers collectifs à Azilal, des magasins hauts perchés, Media24
79 E.B, M.Peyron et J.Vignet-Zunz, Geniers, Journalsopenedition.
80 E.B, M.Peyron et J.Vignet-Zunz, Geniers,T.II, Encyclopédie berbère21/1999.
Sur trois, quatre, voire cinq étages, on trouve des logettes dont l'accès dangereux était mal sécurisé par des portes recouvertes de voiles. La seule ouverture est une porte étroite fréquemment barrée de clous et de plaques de fer. A l'intérieur se trouvent la loge du gardien, les magasins où sont placés les fonds ou les biens désignés par une charte pour l'entretien de l'agadir, et au besoin, celle du marabout, qui garantit à la fraction et à l'agadir, la protection divine. 81
Les agadirs qui possèdent une mosquée dont le mihrab est suspendu au-dessus du mur d'enceinte sont bien connus. Position forte qui pouvait tenir un certain temps en l'absence d'artillerie, l’agadir est devenu le refuge en cas de conflit avec les voisins ou les troupes du sultan. Certains possèdent une porte avec une chicane ou un poste de garde au niveau de l'entrée.81
Dans les monts du Haut et Moyen Atlas, la nomination des greniers fortifiés diffère de ceux de l’Anti-Atlas et se définit pas l’Ighrem. Derrière ce nom se trouve une différence assez importante de dimensions ; ce magasin familial comporte moins de chambres que l’agadir. Cependant, la configuration intérieure et les paramètres de gestion et de construction à savoir l’utilisation de la pierre et de la terre, sont les mêmes que pour les agadirs.
3 - La terre locale : une richesse diversifiée
L'architecture vernaculaire forme ses composantes et forge son savoir dans son environnement naturel, exprimant ainsi la relation symbiotique qui existe entre l'Homme et la terre. Une histoire, une culture, une identité émergent et marquent le passage du temps, des lieux et des êtres. Au-delà de la conception technique de l'objet construit et de son aspect formel, la force de cette architecture réside dans sa dimension vivante en tant que langage culturel transcendant et projet social contemporain. Une architecture qui répond aux résonances du lieu et des personnes.
Le matériau choisi, la conception des espaces, leur distribution et même leur affectation sont tous fortement influencés par le contexte géographique et les caractéristiques naturelles de l'environnement. Face à un climat hivernal glacial, la pierre est utilisée dans la construction non seulement pour son abondance, mais aussi pour ses propriétés thermiques, qui procurent un microclimat favorable à la vie et aux activités humaines.
81 TPFE Tifawt Louadaoui, Patrimoine en pierre du Sud du Maroc , Greniers collectifs de l’anti-atlas
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En effet, la pierre possède des propriétés thermo-physiques intéressantes grâce à sa diffusivité et sa conductivité thermique, parallèlement à une régulation hygrothermique et une inertie thermique intéressante82. La rudesse du climat nécessite la construction d'une barrière thermique capable de stocker la chaleur le jour et de la restituer la nuit, afin de mieux réguler les
variations de température à l'origine de l'inconfort thermique. La pierre ralentit le transfert de chaleur entre l'extérieur et l'intérieur et conserve longtemps la chaleur ou la saveur.
La multiplicité régionale qui caractérise le Maroc est à l'origine de la richesse du pays, qui le démarque du reste du monde. Il existe de nombreuses différences climatiques et géographiques qui servent souvent de contraintes enrichissantes, permettant une culture constructive en parfaite harmonie avec l'environnement. 83 Cette connaissance unique et avisée offre un large éventail d'applications qui visent à servir divers objectifs liés au confort, à la fonctionnalité, à la culture et, dans certains cas, à la politique.
Certes, dans les régions du Haut-Atlas et de l’Anti-Atlas, cette variété d'utilisation est très courante, et elle découle de la flexibilité des matériaux primaires, que sont la terre, la pierre et le bois, et qui sont abondants localement. Les contraintes, les besoins et les objectifs fonctionnels ou culturels qui caractérisent ces milieux et leurs habitants influencent l'utilisation de ces matériaux.
Que ce soit dans les fondations, les soubassements, les murs de construction, les toitures, les mortiers ou les enduits, ces matériaux ont contribué à l'émergence d'architectures contextuelles, évolutives, durables et résilientes. La flexibilité des matériaux, combinée aux contraintes environnementales naturelles, a donné naissance à une technologie, une variété d'utilisation, des formes de manifestation et des modes de regroupement propres à chacune des deux régions.
Fig 29. Carrières terre locale. google.
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T UNTEC, Le guide de la pratique de la pierre naturelle
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CPS Agence Urbaine d’Agadir
Les aspects extérieurs du site, en plus des caractéristiques dimensionnelles et organisationnelles de la kasbah, contribuent à son caractère unique. En effet, le principal trait distinctif de cette citadelle-grenier est son style architectural. Ce style, qui est sans doute la traduction de la maîtrise de la construction sèche, serait également le résultat d'une volonté assez évidente de donner aux parements de la construction un aspect très esthétique.
Les prouesses des maçons témoignent de la maîtrise de cette maçonnerie. Ils ont été capables de construire des structures assez complexes dans un cadre social où les matériaux de travail auraient été très rudimentaires.
Cet accomplissement témoigne d'une certaine prévoyance dans le choix des pierres et des échafaudages pour les différentes structures architecturales. Ces bâtisseurs ont pu construire des architectures bien stabilisées dans un environnement au relief très accidenté. La résistance des structures aux différents facteurs de dégradation au cours des siècles atteste le niveau de prévoyance en matière de détérioration.
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Fig 30. Schéma TPFE Issuu
CHAPITRE III :
Une mise en tourisme durable de « Al'maghrib l'mansiy » :
A - D’une architecture vernaculaire à l’architecture de l’oubli: Diagnostic de la kasbah Tizergane
1 - Aperçu historique et contexte géographique
La seule structure encore intacte dans la vallée du Sous est la Kasbah de Tizergane, qui se dresse sur un affleurement rocheux et domine la région. Elle ne peut être confondue avec les villes berbères construites en pisé le long des parois de la vallée du Draa, également connue sous le nom de "vallée des mille casbahs". La Kasbah de Tizergane, datant du XVIIIe siècle, est unique en son genre. Son histoire est celle d'une forteresse qui n'a jamais accepté de se rendre au cours de son existence. Pour résister plus longtemps aux éléments, ses habitants ont construit chez eux des agadirs (greniers en bambou généralement indépendants des maisons). Lorsqu'un ennemi tentait de prendre le contrôle, les femmes de Tizergane étendaient leur linge à l'huile d'olive au sommet de la Kasbah pour donner l'impression que l'eau ne coulait pas. Celui-ci devint vert de fureur et de frustration suite à une longue bataille.
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Fig 31. Photographie. Mohammed Amine Houari
Son emplacement dans une région frontière contrôlée par le Makhzen et des régions plus troublées nous dicte alors sa fonction ultime : les habitants se réfugiaient en cas d’alerte dans l’Agadir du village.
Dû à des facteurs économiques ; revenus très faibles, ou à des facteurs sociaux tels que les contacts précieux entre les familles du village avec celles du Nord ou d’autres facteurs comme l’installation de plusieurs ménages éparpillées dans les rives de la rocade, le phénomène de l’exode rural s’intensifie à partir de 1950, laissant entre les mains des paysans affaiblis par l’âge, une responsabilité énorme ; celle de protéger la forteresse. 84
82 T UNTEC, Le guide de la pratique de la pierre naturelle 83 CPS Agence Urbaine d’Agadir
Fig 32. Comment l'Anti-Atlas reprend vie P.42
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"L’architecture est le témoin incorruptible de l'histoire" Octavio Paz
2 - Tizourgane par rapport à la région:
- Situation géographique : Région : Sous_Massa Distance Agadir Tizourgane : 70km
Selon la fiche fournie par l’Agence Urbaine d'Agadir, ce site est classé patrimoine mondial comme kasbah représentant l’architecture rurale vernaculaire.
Cependant, même après sa restauration, elle était délaissée pour une longue période.
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Fig 33. Fournie par l'Agence Urbaine d'Agadir
3 - Tentatives d’intervention sur le tissu:
L’état de cette kasbah ne passait pas inaperçu pour son chevalier servant qui devait la quitter avec ses parents à la recherche de conditions de vie contemporaines. Jamal Moussali, faisant partie des familles nombrables, pour ne pas dire le seule ménage, résidant la butte de nos jours, un cas très rare d’exode urbain, fuyant la mégalomanie de la ville de Casablanca, pour revenir s’installer à Tizergane, son village natal, portant avec lui des idées ambitieuses de développement local et régional, et ce après la fondation de son association en 1999. Après une visite ministérielle en 2005, un budget étatique a été alloué à la rénovation des parties communes à savoir les remparts, le chemin de ronde, la mosquée et les tours, un autre pour le raccordement des demeures en réseaux divers ; eau potable et électricité, ainsi que la gestion des eaux usées. 84
Cette restauration a été supervisée par Jamal Moussali et s'est basée sur la préservation du site et les principes de construction locale. Après la création de son association en 1999, il a réussi à électrifier (non sans difficulté) le haut lieu et à y acheminer l'eau. Tous les câbles et conduites ont été introduits. Les autres eaux utilisées en circuit fermé sont gérées par un système très sophistiqué. 85
Sur les terrasses et la pente de la butte sont réinstallées des plantations d'espèces végétales endogènes qui sont arrosées par les eaux usées. Pour les créateurs du projet, il s'agit avant tout d'un point de départ pour des mesures de protection régionales supplémentaires, plus étendues. Pour sauver les murs, il est également nécessaire d'introduire un développement cohérent dans une zone dépeuplée.
Le succès de ce projet est en fait assuré par un petit groupe de passionnés. Limitant les gains et les investissements à un désir de préserver le patrimoine local, ils se concentrent sur la collecte d'éléments de l'histoire régionale et travaillent à la sensibilisation de la communauté locale.
Première étape de rénovation de la kasbah
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AM Architecture du Maroc, Patrimoine Kasbah de Tizourgane
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Press, La Kasbah Tizourgane https://tizourgane-kasbah.com/fr/press.html
La vision de base des architectes du Sud (l’administration de Ouarzazate accompagnée d’un nombre d’architectes privés, était de faire de cette citadelle, un site diversifié, joignant l’utile à l’agréable, selon deux scénarios de développement : le premier étant la création d’un complexe hôtelier, le deuxième basé sur un concept d’auto-développement par et pour les gens de la localité qui consiste à transformer lu site en maisons d’hôtes, centre d’accueil, centre commercial d’artisanat, restaurants et musée des arts traditionnels.
En fin de compte, seul le projet de maison d’hôtes a vu le jour, grâce à Jamal Moussali qui était le chef de l’association en charge.
Réhabilitation : nouvelle fonction touristique
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Voies Régionale R105 : Agadir Tizergane
Voies Nationales N1 : Agadir Tiznit
Voies Provinciales : Reliant les voies nationales au site
B - Etat des lieux : Zoom-Out - Accessibilté : Axes principaux
85 - Topographie :
- Paysage et environnement naturel
- Etat des lieux : Zoom-In
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C
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Partie II Exhibition Vernaculaire
CHAPITRE I :
Equipement culturel Musée Open-Air
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CHAPITRE II :
Ambiances du projet Intérieures et extérieures
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L'architecture, c'est ce qui fait les belles ruines. Auguste Perret
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Coupe : Partie Musée Echelle : 1 200 Détail technique Elément toiture
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“Le neuf se bâtit toujours sur les ruines de l’ancien.”.
Didier Le Pêcheur
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“Les fleurs poussent aussi parmi les ruines.”
Marilyn French
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Bibliographie