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Les

CHINOIS

EN AFRIQUE

LE PETIT COMMERCE EN PÉRIL

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Le savoir-faire canadien

Ayant désormais pignon sur rue sur les marchés locaux, les commerçants chinois s’immiscent dans le commerce « informel ». Les commerçants locaux sont de plus en plus inquiets devant cette menace qui pèse sur leur gagne-pain.

GÉNIE-CONSEIL CANADIEN

VOIE

La du succès

BIEN TRACÉE

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Le Canada se classe parmi les principaux exportateurs de services d’ingénierie au monde. Et plusieurs de ses firmes sont en tête des plus grandes entreprises internationales dans ce secteur.

LOBBYING AUX ÉTATS-UNIS UNE NOTE SALÉE POUR L’AFRIQUE

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Pour défendre leurs intérêts aux États-Unis, les pays africains ont recours au lobbying. Un service qui coûte cher, mais dont les résultats sont loin d’être garantis.

SOMMAIRE

ENQUÊTE

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L’ÉDITORIAL DE GERBA MALAM

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ENQUÊTE LES CHINOIS EN AFRIQUE : LE PETIT COMMERCE EN PÉRIL

petit commerce

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Sénégal : la redoutable concurrence des commerçants chinois

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RENDEZ-VOUS D’AFFAIRES

16 18

MARCHÉS AFRICAINS

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DIGNES DE MENTION

21 22 23 24 25 26

DOSSIER GÉNIE-CONSEIL CANADIEN

ÉVÉNEMENTS

28 30 32 34

CONFÉRENCE INTERNATIONALE DE YAOUNDÉ – CAMEROUN

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MARCHÉS NORD-AMÉRICAINS

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MONDIALISATION

Les promesses n’engagent que ceux qui y croient

DÉVELOPPEMENT

40 42

L’AFRIQUE ET SA DIASPORA : LA MAIN TENDUE

ÉCONOMIQUE

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COOPÉRATION

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DIVERSITÉS ET COMPÉTENCES

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FLASH INFOS

Cameroun : les commerçants chinois ont un pied dans la porte Congo Brazza : les Chinois de plus en plus visibles dans le

INDUSTRIE DU CIMENT AU SÉNÉGAL : UNE GUERRE EN VUE? ÎLE MAURICE : UNE ASCENSION ÉCONOMIQUE REMARQUABLE

Une industrie forte et sollicitée Les entreprises du génie-conseil : les têtes d’affiche Firmes d’ingénierie canadiennes : cap sur l’Afrique SNC Lavalin: l’empreinte d’un géant canadien L’expertise canadienne brille autour du globe

L’Afrique doit reprendre en main ses richesses L’État de droit: un vecteur de performance économique

ASSEMBLÉES ANNUELLES DE LA BAD De nouveaux défis après le triplement du capital

CONFÉRENCE DE MONTRÉAL Pour réussir en Afrique, il faut respecter les Africains

LOBBYING AUX ÉTATS-UNIS : UNE NOTE SALÉE POUR L’AFRIQUE SOMMETS DU G8-G20 :

DIASPORA NOIRE À QUÉBEC : L’ÉMERGENCE D’UN LEADERSHIP

GROUPE COLLEGIA : AU-DELÀ DE LA FORMATION CONTINUE PATRICE SOKÜ, UNE FIGURE MONTANTE DE LA MODE QUÉBÉCOISE

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AFRIQUE

L’ÉDITORIAL DE GERBA MALAM

LA VOIE INCONTOURNABLE DE L’INDUSTRIALISATION

main-d’œuvre insuffisamment qualifiée, secteur entreprenarial privé peu structuré, absence d’intégration régionale effective, environnement juridique es richesses pétrolières, forestières, gazières et miet réglementaire peu rasnières de l’Afrique sont immenses. Or, ces richessurant, moyens financiers ses, au lieu d’être une source de progrès social, ne et technologiques limités, profitent qu’aux sociétés multinationales occideninadaptation des circuits tales qui les exploitent et aux dirigeants des pays financiers aux échanges africains complices de cette exploitation. Conséquence de internes ou régionaux, etc. cet état de choses : les populations africaines vivent dans Malgré ces problèmes la pauvreté. Que faire pour que cette situation change et qui sont réels, l’Afrique que les ressources naturelles servent véritablement au dén’a pas d’autre choix que veloppement de l’Afrique? C’était l’un des thèmes forts de de poursuivre l’industrialisation, car les pays émergents sont la Conférence internationale de Yaoundé, organisée en mai justement ceux qui se sont engagés fermement dans cette voie. dernier par le Cameroun, pour faire le bilan des 50 ans d’inL’industrialisation reste donc incontournable pour plusieurs dépendance de 17 pays africains. raisons. D’abord, l’industrie crée des emplois, accroît les reLa bonne gouvernance et la transparence dans la gesvenus et augmente la valeur des produits agricoles. Ensuite, tion des ressources minières et naturelles ont été proposées elle favorise le progrès technologique et produit des recettes comme principal remède à ce problème. C’est sans doute qui permettent aux gouvernements de réduire et d’éliminer une solution au détournement des richesses et des revenus, la pauvreté. Enfin, l’industrialisation aidera l’Afrique à augmais au-delà de la mauvaise gouvernance, le vrai problème menter sa part de la production et du commerce mondiaux et des ressources naturelles réside dans le fait que l’Afrique à être plus présente dans l’économie mondiale. les exporte encore et toujours sans leur Néanmoins, pour que ce décollage indonner une valeur ajoutée. Ainsi, un pays dustriel puisse se produire, certaines condicomme la Côte d’Ivoire, qui est le premier tions doivent être remplies. En premier « L’Afrique peut producteur mondial de cacao, importe les lieu, il est impératif que l’Afrique invesprendre sa place sur tablettes de chocolat ainsi que les produits tisse massivement dans les infrastructures dérivés. De même, le Nigeria, premier des créneaux nouveaux, pour favoriser une intégration régionale producteur de pétrole d’Afrique subsahaeffective. La taille d’un grand marché réoù le LABEL AFRIQUE a un gional est en effet décisive pour réaliser rienne, importe plus de la moitié de son essence. Pourquoi donc 50 ans après les un robuste potentiel de croissance éconoavantage compétitif. » indépendances, l’Afrique est-elle absente mique dans le long terme, constituant un du secteur stratégique et très lucratif de la facteur clé parmi les incitations majeures transformation des ressources naturelles? En d’autres terà l’entrée du capital étranger. L’intégration plus poussée des mes, pourquoi l’Afrique peine-t-elle à s’industrialiser? Cette marchés régionaux sur le continent pourra également stimuquestion nous semble essentielle. ler le développement industriel en facilitant les économies Au lendemain des indépendances pourtant, l’industrialid’échelle. Deuxièmement, il faut créer un climat des affaires sation était perçue comme la priorité des priorités sur le plan véritablement incitatif, lisible et prévisible. Troisièmement, il économique, car c’est le chemin qu’avait emprunté l’Occifaut améliorer les systèmes financiers de proximité de façon à dent pour son développement et les nouveaux pays indépence que chaque catégorie d’entrepreneur privé puisse s’adresse dants voulaient imiter ce modèle industriel. On assista alors à une institution financière adaptée à ses besoins de croissanà la mise en place des industries de substitution aux imporce ou de diversification. tations, qui allaient favoriser un développement autocentré. La tâche ne sera cependant pas facile, car il ne s’agit plus Un demi-siècle plus tard, le développement industriel reste seulement de produire, mais d’être compétitif pour espérer peu perceptible en Afrique. Dans de nombreux pays, le tissu tirer profit des marchés de plus en plus ouverts et concurindustriel est encore embryonnaire ou inexistant. Actuellerentiels à l’heure de la mondialisation. Or, l’Afrique a perment, les produits manufacturés ne représentent que 19 % du trop de temps et se trouve moins bien préparée que les du total des exportations des pays africains tandis que les autres régions. Mais tout n’est pas perdu. Dans un contexte importations d’articles manufacturés représentent 70 % du de développement humain et durable, marqué par l’attrait des total. Avec une telle faiblesse de production, cette industrie, consommateurs des marchés développés pour le commerce peu performante, est incapable d’exploiter les opportunités équitable, les produits bio et les produits culturels, l’Afrique, offertes par les marchés des pays industrialisés (Accords si elle augmente ses capacités productives et sa production de partenariat économique de Cotonou entre l’Union euromanufacturière, peut « prendre sa place sur des créneaux péenne et les pays ACP [Afrique, Caraïbes, Pacifique], Loi nouveaux, liés en particulier aux nouvelles technologies, aux américaine sur la croissance et les possibilités en Afrique industries culturelles, au tourisme, à l’artisanat, où le label [AGOA], etc.). Afrique a un avantage compétitif », comme le soutenait, lors À l’origine de cette faible industrialisation, plusieurs obsd’une conférence publique à Dakar, Alain Nickels, le reprétacles, qui sont aujourd’hui bien identifiés : infrastructures sentant de l’Organisation des Nations Unies pour le dévelopde base (routes, télécommunications, énergie) déficientes, pement industriel (ONUDI).

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EN AFRIQUE Photo : iStockphoto

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roisième économie mon­­ diale, la Chine était surtout connue comme un pays exportateur redoutable avec des articles aux prix imbattables. Ce géant économique s’impose également aujourd’hui comme un gros investisseur dans le monde. Plusieurs de ses entreprises vont en effet à la conquête des contrats et des marchés internationaux. L’Afrique n’échappe pas à cette vague chinoise. Déjà envahi par des produits « made in China », ce continent accueille de plus en plus de petits commerçants chinois qui contrôlent peu à peu le commerce local, s’attaquant même au secteur dit informel. Déstabilisés par ces nouveaux concurrents, les nationaux se retrouvent souvent sur la touche et sans gagne-pain. Ce phénomène est-il encore marginal ou prend-il de l’ampleur? Comment les nationaux réagissent-ils face à cette situation? Quelles en sont les conséquences économiques et sociales? Que font les autorités? Y a-t-il des risques d’explosion à court, moyen ou long terme? Nos journalistes font l’état des lieux au Cameroun, au Sénégal et au Congo.

« Ils vendent même des beignets », constate un habitant du quartier Etoudi (Yaoundé), qui raconte la scène d’une Chinoise au bord de la route, des paquets de son produit à la main, hélant timidement des clients interloqués, dans un français indéchiffrable.

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CAMEROUN LES COMMERÇANTS CHINOIS ONT UN PIED DANS LA PORTE

Parfait N. Siki

Arrivés au Cameroun il y a dix ans avec des produits de pauvres, les commerçants chinois n’ont pas réussi l’invasion. Ils travaillent à présent à une reconquête de la clientèle. Ni les autorités ni les commerçants locaux ne considèrent encore leur faible nombre comme une menace.

À

Tsinga, le « centre comfaires? », lui demande-t-on. « Achetez mais ils ont fini par se rendre compte mercial des meubles Hong et tout va bien », répond-elle, avant que ce serait difficile. » Les propriétaiKong » est un point de rede détourner son visage, signe que la res chinois ont d’abord compris qu’il père, mais pas sous ce conversation est terminée. Elle a nom d’affiche. Pour les habiduré moins de 10 secondes. tants de ce quartier de Yaoundé Il y a trois ans, un autre et les taxis, c’est « le magasin commerce chinois, situé au chinois », même si les mots sur même endroit, a fait faillite son enseigne sont en français. faute d’acheteurs. M. Nikos, un Sur toute l’avenue marchande habitué de Tsinga, indique que de ce quartier où on trouve aussi « leurs produits étaient de la pabeaucoup de Nigérians, c’est cotille. Les Camerounais, même l’unique commerce chinois, spéles plus pauvres, ont un certain cialisé dans les meubles de luxe. goût, il ne faut pas leur vendre Une visite à l’intérieur édifie sur n’importe quoi, c’est pour cela la qualité des produits proposés, que la friperie aura toujours de mais les prix excluent d’office de la cote. » La sélection s’est donc la clientèle une bonne partie des opérée par le « goût », en réalité habitants de Yaoundé. Dans un par la qualité. pays où le salaire minimum ne dépasse pas les 29 000 FCFA LA VENTE À LA CRIÉE mensuels, un classeur est proposé à 850 000 FCFA, un salon Les commerçants chinois ont Ce petit commerçant chinois de valises et de sacs de en cuir à 1 800 000 FCFA et des rectifié le tir depuis cinq ans ensports a décidé de tenter sa chance à Yaoundé. babioles de décorations peuvent viron, mais ils ont aussi diversiatteindre les 200 000 FCFA. fié la gamme des produits proposés en fallait s’adapter à la clientèle, à la fois Il ne faut pourtant pas s’y mépreninvestissant l’électroménager, l’électroen terme de qualité des produits et de dre, les affaires marchent. Le « centre nique et les jouets de moyenne qualité. leurs prix. Trois d’entre eux sont précommercial des meubles Hong Kong » De plus, ils ont renoncé à faire concursents dans le magasin. Inutile de deest là depuis trois ans et n’est pas près rence aux Libanais, installés dans le mander qui est le patron, les Chinois centre-ville depuis des décennies et de fermer ses portes. Une employée prétendent ne pas connaître ce mot, qui vendent eux-mêmes des articles du magasin témoigne qu’ « il y a des puis ils se méfient de vous. À son haessentiellement chinois, et se sont reticlients. Vous pouvez avancer de l’arbillement, son calme et les gestes de rés dans la périphérie et dans les villes gent et consigner un meuble que vous déférence des autres vis-à-vis d’elle, secondaires, à l’exemple d’Obala, à 40 allez payer au fur et à mesure. Et beauon devine que l’une des deux dames kilomètres de Yaoundé. Seulement, les coup de Camerounais le font. Avant, du groupe est au moins la principale Chinois n’ont pas que les magasins; ils nos patrons voulaient l’argent cash, responsable. « Comment vont les af-

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font aussi la vente à la criée. Un vrai choc pour les populations des villes de Yaoundé et Douala notamment, qui ont regardé, médusés, des Chinois vendant des beignets. « Ils vendent même des pop-corn », ajoute un habitant du quartier Etoudi, qui raconte la scène d’une Chinoise au bord de la route, des paquets de son produit à la main, hélant timidement des clients interloqués, dans un français indéchiffrable. Une réalité bien connue des autorités publiques, qui l’ont condamnée au cours de la dernière session de la commission mixte Chine-Cameroun, tenue à Yaoundé en 2006. « Le gouvernement avait fermement demandé à son partenaire de proscrire la vente au détail à leurs ressortissants au Cameroun », indique un fonctionnaire du ministère du Commerce. La raison est simple: la loi commerciale camerounaise interdit le commerce du détail aux étrangers. Bien malgré eux donc, beaucoup de Chinois, qui en avaient encore l’ambition, ont dû arrêter la vente des beignets et des pop-corn, même si on peut encore en apercevoir quelques-uns de temps en temps. L’invasion chinoise dans le commerce local – à ne pas confondre avec l’invasion des produits chinois qui, elle, est patente – est, à cet égard, marginale. « Il n’y a pas tant que cela des commerces chinois au Cameroun, à part deux ou trois restaurants et une bonne dizaine, peut-être une vingtaine de magasins à Yaoundé. En fin de compte, nous gagnons plus en vendant nos produits aux grossistes camerounais qui viennent acheter sur place qu’en venant les vendre ici nous-mêmes », confie un officiel chinois, avant d’insister sur son anonymat.

Aucun chiffre n’est du reste tenu sur leur nombre et les responsables en parlent avec sérénité. « Nous avons souscrit les règles du commerce libre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Tant que les commerçants chinois respectent la règlementation commerciale et paient les impôts, tout va bien », explique-t-on à la direction du commerce intérieur. On y ajoute que les Nigérians, Sénégalais et Maliens tiennent bien des boutiques et même la vente des pièces détachées sans être inquiétés. Ici, on préfère parler d’une nouvelle offre de la Chine en

PLUTÔT QU’UNE MENACE, UNE OPPORTUNITÉ

direction des hommes d’affaires camerounais. « Ils ont créé un espace commercial où ils offrent 100 m² à chaque pays africain pendant trois ans sans loyer ni taxe à payer. C’est le défi de la compétitivité », déclare un respon-

Au ministère du Commerce (Mincommerce), on n’est pas préoccupé outre mesure par les commerces chinois.

« DES CHINOIS VENDANT DES BEIGNETS! UN VRAI CHOC POUR LES POPULATIONS DE YAOUNDÉ. »

« Au ministère de l’économie, la Chine est per­­çue comme une opportuni­té et non comme une menace » sable du service de la coopération du Mincommerce. Les commerçants nationaux, quant à eux, ne considèrent pas encore les Chinois comme une menace. « Ils ne sont pas présents dans ce marché », observe Yves Yankeu, un commerçant de Mokolo. Mais, poursuit-il, « il ne faut pas fermer les yeux, c’est un peuple bien malin qui nous endort peutêtre pour mieux nous envahir. » À la vérité, il est de bon ton, ces jours-ci, d’être sinophile dans le pays de Paul Biya. Le gouvernement luimême ne pourrait pas faire du mal à une mouche chinoise. La raison? Son programme d’infrastructures pour les dix prochaines années repose sur la générosité financière du gouvernement chinois, à travers Exim Bank China. Cette banque, véritable bras séculier de la politique étrangère de la Chine, a accepté d’octroyer des crédits pour le financement ou la construction de l’autoroute Yaoundé-Douala, un deuxième pont sur le Wouri, le barrage hydroélectrique de Memve’ele et une partie du port en eau profonde de Kribi. Des projets dont le coût est estimé à quelque 1500 milliards de FCFA. Les taux d’intérêt pratiqués par Exim Bank China sont les plus bas du marché et le gouvernement y compte beaucoup. Il existe au ministère de l’Économie une division de la coopération avec les pays émergents. Elle surveille la balance commerciale, les investissements et les partenariats d’affaires entre la Chine et le Cameroun entre autres. Ici, la Chine est une opportunité, pas une menace.

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ENQUÊTE

LES CHINOIS EN AFRIQUE LE PETIT COMMERCE EN PÉRIL


CONGO BRAZZAVILLE LES CHINOIS DE PLUS EN PLUS VISIBLES DANS LE PETIT COMMERCE

Thierry Sylvane Noungou

Sur les marchés locaux, des relations commerciales se nouent entre Congolais et Chinois qui augurent des beaux jours pour des commerçants chinois, pragmatiques et ouverts, dont le nombre s’accroît d’année en année.

S

ur l’avenue de la Paix, l’une des principales rues commerçantes de Brazzaville, il est rare de marcher sur 50 mètres sans rencontrer une boutique chinoise. En effet, une fois le Congo sorti de ses tumultes au début des années 2000, des petits commerçants venus de l’Empire du milieu ont fait leur apparition à travers les coins et recoins des principales villes. À Brazzaville et Pointe-Noire, leur nombre s’est accru rapidement au milieu de cette dernière décennie, avant de stagner ces deux dernières années selon les observations. « Nombreux de nos camarades préfèrent maintenant émigrer vers des pays voisins comme l’Angola, le Gabon et le Cameroun pour espérer gagner mieux. Car ici nous investissons beaucoup pour gagner peu à cause des taxes et des coûts de loyers élevés», explique Lu Xing, un commerçant installé au centre-ville de la capitale congolaise depuis 2002. Au cours de l’année 2008, la chambre du commerce et de l’industrie de Brazzaville avait enregistré quelque 32 commerçants chinois dont une vingtaine ont investi dans le petit commerce. Selon certains agents recouvreurs de l’établissement, plusieurs d’entre eux exercent sous la même enseigne pour limiter les charges liées aux taxes. Sans parler précisément de commerçants chinois, les données officielles du Centre national des statistiques et des études économiques (CNSEE) illustrent ces afflux des commerçants asiatiques. Mais leur nombre est loin de concurrencer celui des commerçants d’origine ouest-africaine dont la présence au Congo remonte à plusieurs décennies. Ainsi, en 2007, on comptait 66 entreprises créées par des ressortissants ouest-africains contre 42 commerces asiatiques (Annuaire statistique du Congo, CNSEE).

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DES PRODUITS TRÈS COMPÉTITIFS La gamme des produits proposés par les Chinois est très variée : articles vestimentaires, matériel électrique, électroménager, cosmétique, matériaux de construction, restauration, vaisselle, fleurs et divers autres produits. Souvent vendus à des prix très compétitifs, ces produits semblent avoir acquis une place prépondérante sur les marchés locaux. En effet, l’inondation du marché congolais par des produits « made in China » reste le phénomène le plus marquant observé ces dernières années. D’ailleurs, la destination chinoise est de plus en plus prisée par les grossistes congolais et étrangers évoluant au Congo. L’argument prix, apparemment bien adapté au faible pouvoir d’achat des Congolais, semble être un facteur déterminant des importations congolaises en provenance de la Chine qui, en cinq années, ont vu leur valeur multiplier par quatre. Elles sont passées ainsi de 15 milliards 23 millions de FCFA en 2003 à 60 milliards 717 millions en 2007.

« Pour les petits vendeurs congolais, les commerçants chinois semblent être devenus des partenaires privilégiés pour la garantie de leurs stocks. »


« DANS L’OPINION CONGOLAISE, LES IDÉES DE REJET DES COMMERÇANTS ET PRODUITS CHINOIS NE SONT PAS RARES. »

Dans l’opinion congolaise, les idées de rejet des commerçants et produits chinois ne sont pas rares : « Nous attendons qu’ils se mettent à vendre les beignets », ironise un commerçant de Poto-Poto, à Brazzaville. Alors que Corine, étudiante à la faculté des lettres de Brazzaville, déplore comme beaucoup d’autres Congolais, la qualité illusoire de certains produits : « Il devient très difficile de trouver une bonne montre par exemple, pour le Congolais moyen. Tout ce qu’on achète ne dure pas plus d’une semaine, ce sont des produits qui viennent de là… »

DES PARTENAIRES PRIVILÉGIÉS

dont l’étal abonde de casseroles, verres, assiettes et autres produits acquis auprès des vendeurs chinois : « Nous coopérons bien, ils nous comprennent et nous font de bons prix pour des articles qui ne sont pas aussi mauvais. Il suffit de savoir choisir. Je vous assure que mes clients ne se plaignent pas outre mesure depuis que je leur fournis des produits chinois. » Pour les petits vendeurs congolais n’ayant pas beaucoup de possibilités sûres d’approvisionnement à l’étranger, les commerçants chinois semblent être devenus des partenaires privilégiés pour la garantie de leurs stocks. Cette relation semble être un des piliers avérés par lequel se joue l’avenir des commerçants chinois au Congo.

Néanmoins, aucune menace directe ne semble contrecarrer l’installation des commerçants chinois au Congo. « La loi et la réglementation en vigueur dans notre pays n’interdisent pas aux Chinois de pratiquer le petit commerce. Ce qui leur est interdit, c’est le commerce à l’étalage. Nous ne devons pas également nous laisser aller aux chantages de certains Congolais qui restent hostiles à la présence des commerçants étrangers. L’expérience nous a montré que nos compatriotes ne sont pas toujours capables de les remplacer valablement », nous explique le directeur du commerce intérieur au Congo, Étienne Ngangoli. Ce point de vue est corroboré par la plupart des vendeurs à l’étalage et autres ambulants. À l’instar de Sylvie Sur l’avenue de la Paix, l’une des principales rues commerçantes de Brazzaville, il est rare de marcher sur 50 mètres sans croiser une boutique tenue par des Chinois.

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ENQUÊTE

LES CHINOIS EN AFRIQUE LE PETIT COMMERCE EN PÉRIL


SÉNÉGAL LA REDOUTABLE CONCURRENCE DES COMMERÇANTS CHINOIS

Lassana Cissokho

L’un des symboles de la bonne tenue de l’économie chinoise classée 3e au rang mondial est l’apport de sa diaspora disséminée à travers les quatre coins du globe. Naturellement, le Sénégal n’échappe pas à l’invasion des commerçants chinois qui ont pignon sur rue dans le commerce de détail. Officiellement, 200 boutiques chinoises ont été répertoriées dans la ville de Dakar. Malgré la grogne des commerçants nationaux, les Chinois ont le soutien des autorités locales et sont là pour rester.

D

epuis la reprise des relations diplomatiques entre le Sénégal et la Chine le 25 octobre 2005, on assiste à une véritable ruée des produits « made in China » à Dakar. Et ce n’est pas seulement le fait des importateurs sénégalais. Les Chinois, plutôt que de se limiter à ravitailler ces importateurs, ont préféré braver des milliers de kilomètres les séparant des côtes occidentales pour proposer directement leurs produits aux acheteurs sénégalais. Ce sont des marchandises de consommation courante dont les prix défient toute concurrence : thé, chaussures, céramique, tissus, électronique, appareils électroménagers, cosmétiques, joaillerie, etc. Contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays africains, les Chinois ici ne se limitent qu’à la vente des produits chinois. Pour écouler ceux-ci sur

le marché local, ils comptent sur un réseau de revendeurs locaux composé de milliers de jeunes garçons et filles autrefois désoeuvrés ou vendeurs à la sauvette. Quotidiennement, ceux-ci envahissent les rues de la capitale ainsi que les marchés hebdomadaires qui s’organisent tant dans la capitale que dans les villes secondaires de l’intérieur du pays, munis de leurs produits « made in China » qu’ils écoulent comme de petits pains.

LA COLÈRE DES COMMERÇANTS LOCAUX Conséquence de cette redoutable concurrence : le chiffre d’affaires des commerçants sénégalais a radicalement baissé. Autrefois très débordés, la plupart d’entre eux se tournent les pouces ou se sont reconvertis vers d’autres activités plus lucratives. Ceux qui ré-

sistent sont contraints de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Le mythique marché Sandaga, qui est au cœur de la capitale sénégalaise, est la preuve éclatante de la baisse des activités des détaillants locaux dont la quintessence des marchandises est d’origine étrangère. Ceux des commerçants dont les affaires prospèrent, se sont alignés sur les produits chinois qui sont de loin les plus prisés des consommateurs avec un pouvoir d’achat très sérieusement malmené par un renchérissement du coût de la vie sans précédent. Du reste, la capitale sénégalaise occupe aujourd’hui la troisième place des villes les plus chères dans le continent, selon une récente étude de chercheurs africains. Si les consommateurs sénégalais se sont félicités de l’invasion des produits chinois sur le marché local, y jetant leur dévolu essentiellement à cause de leurs

Un Chinois parmi les Sénégalais dans un autobus circulant dans les rues de Dakar.

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prix, cette nouvelle donne n’est pas du goût des commerçants locaux. Leur puissante association, en l’occurrence l’Union nationale des commerçants et industriels sénégalais (UNACOIS), est montée au créneau pour fustiger ce quitus donné par les tenants de la troisième république aux Chinois. Les commerçants sénégalais sont même allés plus loin en baissant leurs rideaux de fer, histoire de protester à leur manière contre la présence des Chinois dont ils considéraient la concurrence illicite. En fait, ils dénoncent la part trop belle faite à leurs collègues chinois et l’absence de réciprocité dans le traitement des importateurs par les autorités des deux pays. Les pourfendeurs des commerçants chinois devront prendre leur mal en patience. En effet, ce n’est pas demain la veille qu’ils disparaîtront du décor dakarois, notamment du célèbre centre Petersen et des allées du Centenaire transformées depuis des années en « Little Chinatown ». Ils ont l’appui des autorités sénégalaises qui ne voient rien de mal à leur présence au Sénégal. Ainsi, pour le président Abdoulaye Wade, s’adressant à l’agence chine nouvelle à la veille du

« LES COMMERÇANTS SÉNÉGALAIS DÉNONCENT LA PART TROP BELLE FAITE À LEURS COLLÈGUES CHINOIS ET L’ABSENCE DE RÉCIPROCITÉ DANS LE TRAITEMENT DES IMPORTATEURS PAR LES AUTORITÉS DES DEUX PAYS. »

sommet Chine-Afrique l’année dernière, « nous sommes dans un monde de liberté, d’échanges, dans une société marquée par la mondialisation ».

« CE N’EST PAS DEMAIN LA VEILLE QUE LES CHINOIS DISPARAÎTRONT DU DÉCOR DAKAROIS, NOTAMMENT DU CÉLÈBRE CENTRE PETERSEN ET DES ALLÉES DU CENTENAIRE TRANSFORMÉES DEPUIS DES ANNÉES EN LITTLE CHINATOWN. »

« Pour écouler leurs produits sur le marché local, les Chinois comptent sur un réseau de revendeurs locaux composé de milliers de jeunes garçons et filles autrefois désoeuvrés ou vendeurs à la sauvette. »

crains pas ce que certains appellent une invasion chinoise ». Le président Wade ajoute : « J’arrive de France et des États-Unis, mais partout, on nous dit, en substance, que la Chine va envahir l’Afrique et surtout noyauter notre commerce et nos faibles industries en déversant sur notre continent ses milliers de produits à bas prix. J’ai répondu à mes interlocuteurs que nous ne sommes pas des enfants de choeur et que nous savons que tous les pays défendent leurs intérêts; mais nous ne pouvons pas douter un seul instant que la Chine sait que l’Afrique a refusé, au lendemain des indépendances, d’être le dépotoir de l’Europe ou de l’Amérique pour devenir un souk réduit au commerce sans aucune industrialisation ». L’ancien chef de la diplomatie sénégalaise, M. Cheikh Tidiane Gadio, abonde dans le même sens : « Moins de deux ans après la reprise de nos relations diplomatiques avec la République populaire de Chine, la coopération entre ce pays et le Sénégal se porte bien. Mais nous pouvons mieux faire. Les commerçants chinois connaissent bien l’hospitalité sénégaLes produits chinois, abondants et à bon prix, font le bonheur de laise. Leur implantation dans la certains revendeurs locaux. société sénégalaise ne nous pose pas problème. Il faut maintenant que la réciprocité soit une réalité [en Alors, une zone franche excluChine]. Il faut que les commerçantes sivement réservée aux Chinois ou et les commerçants sénégalais qui déun Chinatown? Pourquoi pas? Pour sirent s’implanter en Chine pour les lui, « on consent de telles mesures à besoins de leurs activités commerciad’autres pays; je ne vois pas pourquoi les trouvent une hospitalité légendaire les refuser aux Chinois. Au total, je ne en Chine. »

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ENQUÊTE

LES CHINOIS EN AFRIQUE LE PETIT COMMERCE EN PÉRIL



21e CONGRÈS MONDIAL DE L’ÉNERGIE

TOG 2010 - 5th TECHNOLOGY OF OIL AND GAS

12 septembre au 16 septembre 2010 Montréal, Canada

12 au 14 octobre 2010 Tripoli, Libye

Après avoir voyagé sur plusieurs continents (Madrid, Tokyo, Houston, Buenos Aires, Sydney et Rome), le Congrès mondial de l’énergie est de retour à Montréal du 12 au 16 septembre sous le thème « Agir maintenant sur les enjeux planétaires – Pour un monde d’énergie en mouvement ». Près de 200 conférenciers regroupant les plus importants dirigeants, ministres et leaders du milieu énergétique en provenance de 52 pays et plus de 3500 délégués d’une centaine de pays seront réunis. Tables rondes, forums, conférences et séances techniques figurent au programme de l’événement organisé tous les trois ans en parallèle avec le Conseil mondial de l’énergie (CME), une organisation multi-énergie mondialement reconnue. Infos : www.wecmontreal2010.ca, wecmontreal2010@jpdl.com

Depuis son lancement en 2002, ce salon et forum biannuel sur la technologie du pétrole est le plus couru en Libye. Sur le thème « Technologies du pétrole et du gaz pour des sources d’énergie et des produits pétrochimiques durable », l’événement organisé par le Libyan Petroleum Institute et appuyé par la National Oil Corporation (NOC), regroupera du 12 au 14 octobre à Tripoli, des compagnies et entreprises locales et internationales spécialisées, des sociétés de services, ainsi que des instituts et centres de recherche intéressés par le domaine. Infos : www.libyatog.com

2e CARREFOUR DES FOURNISSEURS DE

MIIA - MARCHÉ INTERNATIONAL DE

L’INDUSTRIE AGROALIMENTAIRE

L’INVESTISSEMENT EN AFRIQUE

29 septembre au 2 octobre 2010, Centre international de conférences et d’expositions de Casablanca, Maroc

1er novembre 2010, Gagnoa Côte d’Ivoire

Fort de son succès en 2005, le CFIA revient avec une seconde édition qui accueille quelque 200 exposants et pour laquelle sont attendus 3500 visiteurs. L’événement offre une nouvelle fois l’opportunité aux entreprises et aux commerçants du secteur agroalimentaire de se positionner sur les différents marchés du Maghreb et de rencontrer des clients potentiels. Il regroupera tous les secteurs intervenant dans la transformation des produits agroalimentaires incluant toutes les filières (produits surgelés, viandes, boissons, alimentation animale, etc.) Infos : www.cfiaexpo.com

La cité cosmopolite de Gagnoa sera le 1er novembre l’hôte de la première édition du rendez-vous d’affaires qui se veut être une plateforme stratégique de rencontres et d’échanges pour la promotion de l’investissement en Afrique. Le programme prévoit notamment un forum axé sur la problématique de l’investissement en Afrique avec des communications faites par des experts et spécialistes des secteurs public et privé suivies de débats. Une foire et un portefeuille de projets à présenter aux investisseurs, des rencontres Business to Business, One to One et des ateliers sont également à l’ordre du jour. Infos : www.investirenafrique.net/salon_1.html

8e FORUM EMA INVEST 21 et 22 octobre 2010 Genève, Suisse La fondation EMA, fondée en 1998 et qui a pour but d’offrir aux acteurs économiques du Sud un meilleur accès aux capitaux, aux technologies, aux marchés et aux médias internationaux, organise son 8e forum les 21 et 22 octobre prochain à Genève, en Suisse. « L’Afrique, laboratoire des économies du futur », « Comment l’Afrique peut-elle reprendre le contrôle de son négoce ? » et « À chaque communauté, sa culture financière » sont quelques-uns des thèmes abordés durant les huit conférences qui sont proposées. Infos : www.emainvest.com 5 AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 35 15

RENDEZ-VOUS D’AFFAIRES

WEC -WORLD ENERGY COUNCIL-


INDUSTRIE DU CIMENT AU

SÉNÉGAL

UNE GUERRE EN VUE?

Lassana Cissokho

En raison de ses vastes réserves de calcaire, le Sénégal possède une industrie du ciment en pleine croissance. Jusqu’à maintenant, le pays comptait deux acteurs majeurs, Sococim et les Ciments du Sahel. Mais voilà qu’un troisième joueur s’annonce : Dangote Cement, du magnat nigérian Alyko Dangote, qui doit être opérationnel fin 2010. Une nouvelle qui réjouit sans doute les consommateurs, mais qui fait un peu moins sourire les deux concurrents.

« Selon les Nations Unies, le taux de couverture du marché sénégalais par les cimenteries CDS et Sococim sera de 200 % fin 2010. »

16 AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 35

UNE COMPÉTITION FÉROCE À première vue, la tâche ne sera pas aisée, car cette usine sera confrontée à deux cimenteries bien implantées, la mastodonte Sococim et les Ciments du Sahel (CSD). La première, fondée en 1948, mais tombée dans l’escarcelle de la française Vicat depuis une décennie, se situait en 2007 à la 393e place des 500 entreprises africaines les plus performantes et au 9e rang au plan national. L’entreprise, implantée à Rufisque (environ à 30 km de Dakar), contribue à hauteur de 2 % dans la formation du PIB du Sénégal. Depuis l’année dernière, la Sococim a étendu sa production annuelle à 3,5 millions de tonnes de ciment grâce à des investissements de 100 milliards de FCFA. Ce dont s’est fortement réjoui le chef de l’État, Abdoulaye Wade, qui a inauguré en mars 2010, les nouvelles acquisitions de production de l’entreprise. L’usine compte désormais un broyeur vertical de ciment d’une capacité de 120 tonnes à l’heure, plus performant que les broyeurs à boulets traditionnels. Selon ses dirigeants, la Sococim est la première cimenterie africaine à en posséder. Mais son monopole s’est terminé en 2005 quand les Ciments du Sahel, (CDS) appartenant au groupe Fauzie

Photos : Shutterstock

S

ans tarder, Alyko Dangote s’est mis à l’ouvrage, enlevant le doute dans la tête de ceux qui croyaient à un éléphant blanc. Presque au moment où le non moins influent investisseur indien de Mittal Arcelor a gelé son projet d’investissement de plus de 1000 milliards de FCFA pour l’exploitation des mines de fer de Matam, dans la partie septentrionale du pays. Le magnat nigérian – dont la fortune est évaluée à 3 milliards $ selon le magazine Forbes en 2008 et à 10 mil­ liards selon d’autres estimations – n’en est pas à ses premières armes dans le monde des affaires. À la tête de l’empire Dangote, premier groupe en importance au Nigéria, il possède 13 sociétés dans des secteurs aussi divers que l’agroalimentaire, le pétrole et le ciment. Dans ce dernier secteur, Dangote Cement a signé un contrat de 1,85 milliard $ avec l’entreprise chinoise Sinoma Engineering International pour la construction de trois nouvelles usines de ciment sur le continent africain, dont l’une au Sénégal, à Pout, qui exigera un investissement d’un milliard de dollars. À terme, cette usine devra contribuer à porter la production totale du plus grand fabricant de ciment du Nigéria à 50 millions de tonnes d’ici 2012.


Layousse, est devenu son concurrent. L’entreprise située à Kirène a réussi à mobiliser 130 milliards de FCFA d’investissements grâce à un consortium financier composé de plusieurs établissements bancaires dont Cbao, la DGE, la Proparco, l’Agence française de développement (AFD) et la marocaine Attijari WafaBank. Grâce à cet important investissement, la production des CDS est portée à trois millions de tonnes de ciment annuellement. Au total, l’offre nationale de ciment a plus que doublé en moins de trois ans, passant de trois millions de tonnes à 6,5 millions de tonnes par an.

UNE GUERRE À PRÉVOIR? Selon les Nations Unies, le taux de couverture du marché sénégalais par les cimenteries CDS et Sococim sera de 200 % fin 2010,. En outre, une analyse de la Société financière internationale qui investit dans le secteur depuis 25 ans, estime que les CDS et Sococim produiront déjà une surcapacité de 40 % en 2011-2012. D’ores et déjà, les CDS vendent moins cher le sac de ciment d’environ un euro. L’ex-ministre de l’Industrie et des Mines du Sénégal, Madické Niang, s’en félicitait, affirmant que « grâce aux Ciments du Sahel, la fourchette du prix du ciment a baissé de 15 à 10 % ». La demande étant très forte dans les pays de la sous région ouest-africaine, les revendeurs avaient surtout tendance à écouler une écrasante partie de la production de Sococim sur le marché des pays limitrophes avec une plus-value indéniable, ce qui créait une pénurie sur le marché sénégalais. L’immixtion des CDS dans le secteur mettant un terme à un demi-siècle de règne sans partage de la cimenterie de Rufisque n’avait pas réussi au départ à changer cette situation. En effet, il n’était pas rare de voir de nombreux chantiers de construction à l’arrêt faute de ciment. Mais en accroissant leur capacité de production, les CDS ont imprimé une nouvelle tournure à l’offre de ciment depuis quasiment un an. Ce qui a sensiblement relancé des centaines de chantiers autour desquels les ouvriers se tournaient les

pouces. Aujourd’hui, sur toute l’étendue du territoire national, le ciment est disponible. C’est dans ce contexte que s’installe Dangote Cement. Mais à entendre son promoteur, ses devanciers ne l’inquiètent pas. Il compte relever le défi dans un environnement fortement con­ cur­ren­tiel. Le Nigérian mise, en effet, sur l’augmentation de la production et la baisse des prix du ciment au Sénégal pour se faire un chiffre d’affaires. « Nous attendons du Sénégal qu’il y ait une baisse des prix. Lorsque nous investissons un marché, les prix vont baisser et la demande va croître. L’expérience que nous avons dans le domaine de la cimenterie et du sucre montre que nous sommes capables de le faire », a déjà affirmé en entrevue au Quotidien national sénégalais Devakuman Edwin, le directeur des projets à la société Dangote.

L’intérêt des autorités sénégalaises au plus haut niveau pour l’implantation d’une troisième cimenterie ne saurait être mise en doute. Comme peut en attester l’audience que le président sénégalais Abdoulaye Wade a accordée à un membre de la famille Dangote fin mars. Même si rien n’a filtré publiquement de cette entrevue, on peut deviner que l’état des travaux de l’usine de Pout a été abordé. Guerre ou pas, l’arrivée d’une autre cimenterie au Sénégal chamboulera le paysage économique de l’industrie, une baisse des prix du ciment étant à prévoir en raison d’une offre plus abondante. Les trois opérateurs devront surtout miser sur un élargissement de leur marché dans la sous-région. Tout un défi, car une telle stratégie suppose l’existence d’infrastructures bien développées pour faciliter la distribution du produit et la réception des matières premières, ce qui est actuellement loin d’être toujours le cas.

« Une analyse de la Société financière inter­ nationale qui investit dans le secteur depuis 25 ans, prévoit une surcapacité de 40 % en 2011-2012. »

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MARCHÉS AFRICAINS

MISE EN VALEUR DES RESSOURCES


ÎLE MAURICE UNE ASCENSION

ÉCONOMIQUE REMARQUABLE

Badjang Ba Nken

Grâce à sa stabilité politique et sociale et une exploitation judicieuse de ses atouts économiques, l’Île Maurice est passée en une trentaine d’années du statut de pays à bas revenus, dont l’économie était essentiellement agricole au statut de pays émergent, dont l’économie repose sur les secteurs industriel et financier en pleine croissance et sur le tourisme.

S

ituée dans le sud-ouest de l’Océan Indien, à environ 800 km de la côte est de Madagascar, l’Île Maurice, île volcanique de 1865 km², a accédé à la souveraineté internationale le 12 mars 1968 à la suite de l’organisation en 1967 d’un référendum au cours duquel les populations ont décidé de s’affranchir de la couronne britannique. Démocratie parlementaire, le pays dispose d’une constitution basée sur le style Westminster (britannique) qui assure sa stabilité. Les membres du Parlement qui représentent les partis politiques sont élus tous les cinq ans. Le président de la République est le chef de l’État et le commandant en chef de l’armée. Tous les pouvoirs exécutifs sont détenus par le premier ministre qui dirige le gouvernement.

Grand Bassin, Centre de l’île - Appelé « Ganga Talao » par les Hindous mauriciens, ce lac formé dans le cratère d’un volcan est le plus grand site sacré hindou au monde hors de l’Inde. 18 AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 35

L’Île Maurice a pour capitale Port-Louis. La langue officielle du pays est l’anglais, mais le français et le créole sont les langues les plus pratiquées. Une situation qui trouve une explication dans l’histoire de l’île. En effet, après sa découverte par des navigateurs hollandais au 16e siècle, ils la baptisent Mauritius. Dès 1715, l’île passe sous le contrôle des Français qui lui donnent le nom d’Île de France. Le règne français se termine par une bataille féroce avec les Britanniques en 1810. Ces derniers réinstituent le nom Mauritius et règnent sur l’île pendant 158 ans, c’est-à-dire jusqu’à l’indépendance en 1968. Durant la première décennie de l’indépendance, l’économie mauricienne repose essentiellement sur l’agriculture, plus précisément sur la culture et l’exportation de la canne à sucre. Le développement de cette culture est étroitement lié à l’histoire de l’île et de son peuplement. Introduite par des navigateurs hollandais, la canne à sucre servait principalement, à l’époque, à la distillation d’alcool. Lorsqu’ils s’installent dans l’île, les Français commencent la production du sucre. Sous l’administration britannique, la culture de la canne à sucre devient l’activité économique principale dans l’île. Le sucre mauricien est aujourd’hui exporté principalement vers les pays de l’Union européenne. Il bénéficie des accords spéciaux du Protocole sucre de la Convention de Lomé. Le reste de la production est écoulé sur le marché américain. Maurice est l’un des dix plus gros exportateurs de sucre au monde, grâce à une variété de sucres spéciaux : Demerara, Golden Granulated, Light and Dark Muscovada, Molasses Sugar, White Refined, Special Raws… Intégrées à l’économie locale, les sociétés sucrières cherchent aussi à mettre à profit leur savoir-faire et leur expertise dans le domaine

Photos : iStockphoto, Shutterstock

LA CULTURE PRÉDOMINANTE DE LA CANNE À SUCRE


agricole en délocalisant leurs activités dans des pays de la région. Ainsi, des sociétés mauriciennes ont rénové ou racheté des usines sucrières dans d’autres pays membres de la SADC (Southern Africa Development Community). Aujourd’hui, le secteur agricole mauricien se tourne de plus en plus vers la diversification de ses activités. C’est ainsi que l’horticulture et la production de fruits et légumes sont encouragés.

UNE INDUSTRIE DU TEXTILE TRÈS COMPÉTITIVE Soucieuse de sortir du sous-développement pour accéder à la modernité, l’Île Maurice a décidé de diversifier son économie en développant dès les années 70 les industries secondaires et le secteur tertiaire. Grâce à la zone franche (Export Processing Zone) et à son port franc, Maurice a attiré de nombreux investisseurs étrangers. La zone franche manufacturière emploie aujourd’hui plus de 90 000 personnes qui produisent quotidiennement pour le marché de l’exportation : vêtements, jouets, électronique légère, etc. Bénéficiant des investis­sements d’hommes d’affaires asiatiques et occidentaux, la zone franche réalise environ deux tiers des exportations mauriciennes. L’industrie du textile mauricienne a su se transformer pour se positionner parmi les meilleures au rang mondial sur un marché très concurrentiel. Le label « Made in Mauritius » jouit, de l’avis des observateurs avertis, d’une réputation de prestige et « habille » les plus grandes marques dans les boutiques du monde. Depuis 1992, l’Île Maurice est devenue le premier centre offshore de l’hémisphère Sud. Plus de 1500 sociétés offshore s’y sont implantées. Elle a par ailleurs ratifié plusieurs accords de double imposition notamment avec les pays suivants : Allemagne, Botswana, Chine, France, Inde, Indonésie, Italie, Luxembourg, Madagascar, Malaysie, Pakistan, Royaume-Uni, Singapour, Afrique du Sud, Swaziland, Suède, Zimbabwe. Quant au secteur bancaire, il a réalisé plus d’un milliard de dollars d’investissements dans la décennie 1990-2000.

UNE DESTINATION TOURISTIQUE PAR EXCELLENCE L’autre atout important de l’économie mauritienne, c’est le tourisme. Maurice a réussi en quelques années à s’imposer comme une destination touristique par excellence. Outre la beauté naturelle de ses paysages, la qualité de l’hébergement, des facilités et des services offerts, l’amélioration des infrastructures locales et la desserte aérienne avec des vols directs sont les points forts qui ont soutenu le développement de ce secteur. Des campagnes de promotion ciblées ont également contribué à faire du tourisme le troisième pilier de l’économie mauricienne. Véritable industrie, le tourisme mauricien se distingue

Bénéficiant des investissements d’hommes d’affaires asiatiques et occidentaux, la zone franche réalise environ deux tiers des exportations mauriciennes. par la création de nombreux emplois et richesses. En 2008, l’Île Maurice a accueilli plus de 790 000 touristes, dont la majorité venait de France. Il existe une centaine d’hôtels fonctionnels dans le pays. Pour attirer davantage de touristes, le pays a commencé à libéraliser son accès aérien. Des compagnies comme Corsairfly et Virgin Atlantic peuvent maintenant desservir la destination, à côté de la compagnie nationale Air Mauritius. La destination Maurice bénéficie d’une image de qualité, ayant évité jusqu’ici le tourisme de masse et s’appuyant sur le sens de l’hospitalité des Mauriciens, le multilinguisme de la population ainsi que la stabilité économique, sociale et politique du pays. Conscient que son environnement reste un atout pour le développement touristique, le pays accorde une place privilégiée à la protection et à la préservation de son environnement naturel. En misant davantage sur le haut

D’UNE ÉCONOMIE AGRICOLE REPOSANT UNIQUEMENT SUR LA CULTURE DE LA CANNE, LE PAYS A PROCÉDÉ AVEC SUCCÈS À LA DIVERSIFICATION DE SA BASE ÉCONOMIQUE EN DÉVELOPPANT LE SECTEUR TEXTILE, LE TOURISME ET LES SERVICES FINANCIERS.

de gamme, la qualité de ses établissements hôteliers et l’ouverture vers de nouveaux marchés, l’industrie touristique est appelée à jouer un rôle prépondérant dans l’économie mauricienne dans les décennies à venir. Au total, Maurice a réussi une performance économique remarquable, passant d’un pays en voie de développement au statut de pays nouvellement industrialisé. Le pays a opéré des changements structuraux déterminants au cours de ces trente dernières années afin de s’adapter aux conditions d’une économie moderne. D’une économie agricole reposant uniquement sur la culture de la canne, il a procédé avec succès à la diversification de sa base économique en développant le secteur textile, le tourisme et les services financiers. Grâce au développement de ces différents secteurs et plus particulièrement à l’apport des zones franches manufacturières (textile, industries légères, bijouterie, etc.) créées au début des années 70, Maurice a connu un progrès économique constant qui se traduit par un taux de croissance annuel de l’ordre de 5 % à 6 %, une amélioration de l’espérance de vie (67 ans pour les hommes et 74 ans pour les femmes), une baisse de la mortalité infantile (18 pour 1000) et un grand développement des infrastructures. Par ailleurs, l’Île Maurice a un revenu annuel de 3400 dollars par habitant et un des plus hauts indices de développement humain dans la région subsaharienne (0.825). Le taux d’imposition varie de 0 % à 35 %.

AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 35 19

MARCHÉS AFRICAINS

DES RÉFORMES EXEMPLAIRES


DIGNES DE MENTION

NIGER ET TCHAD :

BAN KI-MOON SALUE LA LUTTE

DON SUPPLÉMENTAIRE DU CANADA POUR CONTRER LA FAMINE

CONTRE LA CORRUPTION AU

Le gouvernement canadien a déployé une aide supplémentaire de plus de 6,8 millions $ pour aider à contrer la crise alimentaire au Niger et au Tchad où la situation a atteint un niveau critique. Le don servira à « répondre aux besoins alimentaires et nutritionnels essentiels des gens souffrant de la faim », notamment à des « milliers de femmes enceintes, de mères et d’enfants de moins de cinq ans », a déclaré la ministre de la Coopération internationale, Beverly Oda, dans un communiqué. L’aide sera acheminée via le Programme alimentaire mondial et Aide à l’enfance Canada, une ONG canadienne. Plus tôt cette année, le Canada a accordé près de 2 millions $ au Niger et 7,2 millions $ au Tchad afin de venir en aide aux populations touchées par les conflits et aux réfugiés fuyant la région limitrophe du Darfour, au Soudan. (Source : AFP)

CAMEROUN

De passage au Cameroun, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a salué la lutte menée par le gouvernement contre la corruption et sa promotion de la bonne gouvernance. M. Ban, en tournée sur le continent afin de discuter avec les leaders africains de leur participation au sommet des Nations Unies sur les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) prévu en septembre à l’ONU, a prononcé un discours lors d’un déjeuner présidentiel diffusé à la radio d’État. Rappelons que, pressé par les bailleurs de fonds internationaux, le gouvernement camerounais a lancé en 2004 l’opération « Épervier » de lutte contre la corruption qui a permis l’interpellation d’une centaine de personnes, dont neuf anciens ministres. Lors du déjeuner, M. Ban a également salué le « grand succès » de la célébration du 50e anniversaire de l’indépendance du Cameroun, obtenue le 1er janvier 1960 de la France. En mai dernier, les autorités camerounaises avaient organisé une série de manifestations pour ce cinquantenaire, dont une conférence internationale lors de laquelle le président Biya avait plaidé pour l’attribution à l’Afrique d’« au moins un siège » de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. (Source : AFP)

SUCCÈS DE LA MAURITANIE DANS SA LUTTE CONTRE LA DÉSERTIFICATION

LIBÉRIA : OBAMA SALUE L’HÉROÏSME D’ELLEN JOHNSON SIRLEAF

L’Organisation de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a salué les efforts concluants de la Mauritanie pour lutter contre l’ensablement en fixant les dunes. La FAO a cité le pays en exemple à d’autres pays africains aux prises avec ce problème. « En choisissant les bonnes espèces de plantes et d’arbres locaux et en faisant intervenir la communauté locale et les autorités nationales, le projet Mauritanie de la FAO a fixé 857 hectares de terres menacées aux abords de la capitale Nouakchott et dans les zones côtières du sud, grâce à 400 000 plants produits en pépinières », a indiqué l’agence onusienne par biais de communiqué. L’avancée des dunes de sable, qui se produit lorsque des grains de sable sont transportés par le vent, ensevelit les villages, routes, oasis, cultures, canaux d’irrigation et barrages, ce qui entraîne de considérables dégâts économiques et aggrave la pauvreté et l’insécurité alimentaire, rappelle l’organisation spécialisée.

Le président américain Barack Obama a salué « l’héroïsme » de son homologue libérienne Ellen Johnson Sirleaf, qu’il a donnée en exemple pour ses réformes démocratiques nécessaires selon lui en Afrique. « Elle s’est engagée à respecter l’État de droit et a fait de grands efforts pour réformer le système judiciaire. Dans toutes ces entreprises, je veux assurer le peuple libérien de la fidélité et de l’amitié des États-Unis », a affirmé le président Obama en recevant Mme Johnson Sirleaf à la Maison Blanche. M. Obama a estimé que sa contribution au développement démocratique du pays pouvait servir d’exemple à d’autres pays africains comme la Guinée, la Côte d’Ivoire et le Niger. Mme Johnson Sirleaf, première et à ce jour seule femme chef d’État en Afrique, a fait valoir que son pays avait fait d’importants progrès en matière de démocratie et a remercié Obama pour son soutien.

(Source : AFP)

(Source : AFP)

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VOIE

GÉNIE-CONSEIL CANADIEN

La du succès BIEN TRACÉE

Le génie-conseil au Canada est un secteur en bonne santé. Il compte maintes firmes figurant en première ligne des entreprises les plus importantes au monde, dont certaines ont un chiffre d’affaires de plusieurs centaines de millions de dollars, voire d’un milliard et plus. Sans compter que leur expertise est sollicitée aux quatre coins du globe. Sur le continent africain, où beaucoup reste à faire sur le plan des infrastructures et de l’énergie, les poids lourds du domaine, mais aussi les petites firmes visionnaires y oeuvrent depuis plusieurs années, se taillant une belle part de marché. Portrait du secteur et de ses acteurs majeurs.

Photo : Shutterstock

Marie-Claude Fafard

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DOSSIER

GÉNIE-CONSEIL CANADIEN


DOSSIER

Le génie-conseil est un important secteur d’activité au pays regroupant plus de 88 500 travailleurs. Le Canada se classe également parmi les principaux exportateurs de services d’ingénierie au monde. Selon l’association des firmes d’ingénieursconseils du canada (AFIC), ce sont plus de 13,8 milliards $ de revenus bruts que ses 600 firmes membres injectent dans l’économie canadienne chaque année. SNC Lavalin, projet de la Grande Rivière, Libye

L’

industrie de l’ingénierie-conseil est parmi les plus vigoureuses au Canada. Le site Consultingengineer-find.ca répertorie plus de 4000 firmes réparties dans les dix provinces et trois territoires. En 2007, l’Indice de prix des services d’ingénierie-conseil (IPSIC), qui est un bon indicateur de l’activité économique du secteur, était en hausse de 4,5% par rapport à l’indice révisé inscrit en 2006. Et malgré la crise économique, le secteur n’a pas trop été ébranlé selon le magazine Canadian Consulting Engineer, en raison de nombreuses dépenses effectuées par les gouvernements des provinces pour les infrastructures publiques comme les routes, les ponts et les réseaux d’eau du pays, ce qui garde la plupart des firmes occupées. Par contre, afin de faire face à la mondialisation des marchés, ce secteur d’activité s’est fortement transformé au cours des dernières années, de nombreuses acquisitions et fusions se sont conclues au sein des firmes de génie-conseil.

AU SERVICE DES ENTREPRISES L’ingénieur-conseil est en quelque sorte un maître d’œuvre dans la planification et la réalisation d’un projet, visant à en réduire les coûts de cycle de vie. Ses tâches consistent à concevoir, superviser et en général conseiller dans le cadre de projets relatifs aux disciplines d’ingénierie tout en respectant les intérêts légitimes du client et ceux de la communauté concernée. L’ingénieur-conseil exerce son métier en profession libérale, ce qui l’oblige à n’avoir que des activités exclusivement conceptuelles. Par exemple, un ingénieur en aéronautique qui travaille à titre d’« ingénieur-conseil » se limitera à la réalisation des plans et des études de ses futurs avions. La construction proprement dite sera à la charge d’entreprises artisanales ou industrielles. Ne s’improvise pas ingénieur-conseil qui veut. Il doit être assujetti à un code de déontologie rigoureux et accepter la responsabilité de ses services professionnels ainsi que de ceux de ses salariés. Le travail d’un ingénieurconseil ou d’une firme doit non seulement être techni-

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quement fiable, mais aussi prendre en compte l’ensemble des facteurs socioéconomiques de l’ouvrage pour le bien public.

UNE

INDUSTRIE

FORTE ET SOLLICITÉE

Des entreprises, le gouvernement et des organisations sans but lucratif embauchent des experts-conseils pour les éclairer dans leurs décisions, les aider à cerner, à analyser et à régler des problèmes. Les types de services offerts vont des services clé ou produit en main, de gestion de projets et de construction, à la conceptualisation de plan et de devis en passant par la réalisation d’études préliminaires et de services consultatifs. Les domaines que couvre l’ingénierie-conseil sont vastes. L’infrastructure inclut les projets reliés à la mise en valeur des ressources naturelles, à l’énergie électrique, hydraulique, thermique ou nucléaire, aux télécommunications, à la télévision, à la radio, au cadre de vie et aux transports. Le bâtiment comprend les projets d’habitat, d’hôtellerie, de centres commerciaux, de sports et de loisirs, d’éducation, de santé et de bureau. Finalement, le domaine de l’industrie englobe les projets touchant les industries énergétiques, les grands complexes industriels, les industries manufacturières de biens de consommation, les industries agricoles et alimentaires de même que la lutte contre la pollution et le traitement des effluents et déchets.


LES ENTREPRISES DU GÉNIE-CONSEIL

LES TÊTES D’AFFICHE

Autoroute Est-Ouest, Alégrie

Mines Mana, Burkina Faso

DESSAU

GÉNIVAR DESSAU

Fondée en 1957, Dessau est la 2e firme d’ingénierie-construction en importance au Québec, la 5e au Canada et se classe au 58e rang du palmarès des 150 plus importantes firmes d’ingénierie au monde. Elle possède 65 bureaux au Québec et en Ontario ainsi que dans plusieurs pays, principalement au Maghreb, en Amérique centrale, en Amérique du Sud et dans les Caraïbes. Oeuvrant tant dans les secteurs public et privé, Dessau offre notamment des services en ingénierie, urbanisme, géotechnique et matériaux couvrant les domaines du bâtiment, du développement urbain, de l’environnement, de l’énergie, des télécommunications et des transports. Depuis sa création, l’entreprise a réalisé des projets d’envergure dans plus de 50 pays. Toujours en expansion, elle a connu une forte croissance au cours des dernières années. Depuis 2007, l’entreprise a vu son nombre d’employés et son chiffre d’affaires doubler. Elle s’est vue remettre depuis sa fondation une centaine de récompenses dont le « Prix canadien du génie-conseil 2009 » dans la catégorie « Bâtiments ». Employés : près de 5 000 Revenus annuels : 600 millions $

GÉNIVAR

Les origines de la firme québécoise remontent à 1959. Elle possède des bureaux dans plus de 85 villes au Canada, à Trinité-etTobago, ainsi qu’en Algérie, et poursuit actuellement son expansion au Canada et à l’international. Cotée à la Bourse de Toronto, l’entreprise a, depuis 2006, acquis près de 50 compagnies. Le Fonds de revenu Génivar a d’ailleurs annoncé en août dernier que son bénéfice du deuxième trimestre est passé à 9,5 millions $, par rapport au bénéfice de 7,7 millions réalisé l’an dernier. Tant dans les secteurs public que privé, elle propose une gamme de services-conseils pour toutes les phases d’exécution d’un projet, incluant la planification, la conception, la réalisation et l’entretien. Elle couvre notamment les domaines du transport, du bâtiment, de l’environnement, des infrastructures, de l’énergie et du secteur industriel. Génivar compte à son actif des réalisations dans plus de 35 pays. Parmi ses projets majeurs, on retrouve la réalisation du récent Centre de convention d’Oran, en Algérie. Effectif : 4 500 employés (Canada, Trinité-et-Tobago et Algérie) Revenus annuels : 478 millions $ (avril 2010)

Les firmes de génie-conseil au Canada sont nombreuses et leurs services dépassent pour la plupart les frontières. Portrait de quelques-unes d’entre elles qui figurent dans les ligues majeures de l’industrie.

Barrage de Kef Eddir, Algérie

AECOM TECSULT INC.

DOSSIER

GÉNIE-CONSEIL CANADIEN

Aluminerie de Mozal, Mozambique

SNC-LAVALIN

AECOM TECSULT INC.

Fondée en 1961, la société d’experts-conseil Aecom Tecsult Inc. est l’une des plus importantes au Québec. Elle est la filiale québécoise d’AECOM qui l’a achetée en 2008, devenant ainsi le « centre d’excellence » en hydroélectricité et en barrages du géant mondial de génie-conseil. Le groupe Tecsult s’est d’abord fait connaître en ingénierie énergétique dans les années 60 en collaborant au développement d’aménagements hydroélectriques au Québec. Depuis, il a élargi ses activités dans différentes sphères du génieconseil ainsi que dans d’autres domaines connexes. Ses champs d’expertise sont principalement l’hydroélectricité, les barrages, les infrastructures, le transport, le génie urbain, l’environnement, la gestion du territoire, l’industrie et le bâtiment. Parmi les réalisations majeures d’AECOM Tecsult Inc, mentionnons la construction du complexe ferro-portuaire pour traversier-rail de Baie-Comeau, au Québec et la réhabilitation du Port de Lomé, au Togo. Employés : 1300, Québec (46 000, AECOM) Revenus annuels : plus de 100 millions $, Québec (6 milliards $, AECOM)

SNC-LAVALIN

SNC-Lavalin est l’un des plus importants groupes d’ingénierie et de construction au monde, et un acteur majeur en matière de propriété d’infrastructures et de services d’exploitation et d’entretien. Parmi les cinq plus grosses firmes du genre au monde, SNC-Lavalin a des bureaux partout au Canada et dans plus de 35 autres pays. Active à l’étranger depuis près de 50 ans, l’entreprise travaille actuellement dans une centaine de pays outre-mer. Le champ d’activité de l’entreprise comprend une quinzaine de secteurs, allant de l’agriculture à l’agroalimentaire, en passant par les infrastructures et le bâtiment, l’énergie et l’environnement, les mines et la métallurgie, et les produits chimiques et le pétrole. Mentionnons que la revue Corporate Knights l’a classée en 2010 en 7e position dans son palmarès des 50 meilleures entreprises citoyennes au Canada. Le classement est fondé sur une série de critères tels que la gouvernance, la rémunération du chef de la direction par rapport à celle des employés les moins rémunérés et le portefeuille de projets écologiques et durables. Employés dans le monde : 22 000 Revenus annuels : Plus de 6 milliards $ AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 35 23


DOSSIER

FIRMES D’INGÉNIERIE CANADIENNES

CAP SUR L’AFRIQUE

Plusieurs pays du Maghreb et de l’Afrique noire, en plein essor, misent sur des infrastructures modernes pour assurer leur croissance économique et vont hors continent acheter biens et services – quelques centaines de milliards de dollars par an. Une mine d’or pour plusieurs firmes d’ingénierie-conseil qui multiplient les efforts afin de gagner de nouveaux marchés, encouragés par un climat d’investissement favorable.

L

es firmes d’ingénierie canadiennes, tout particulièrement celles du Québec, sont très présentes sur le continent africain. Non seulement elles bénéficient d’une expertise mondialement reconnue, mais elles ont également l’avantage d’offrir des services en français, première langue parlée par beaucoup d’Africains, sans avoir le passé colonialiste de leurs concurrentes de l’Hexagone. La firme SNC-Lavalin a anticipé le potentiel de l’Afrique. Depuis 42 ans, elle a réalisé plus de 800 projets dans 52 pays. Actuellement active dans 50 États, la multinationale a établi plusieurs bureaux permanents sur le continent, notamment en Algérie, en Tunisie, au Cameroun, et plus récemment, en Afrique du Sud. Ses projets sont nombreux et variés : construction de barrages, d’aéroport et de lignes électriques, élimination des criquets migrateurs, etc. Parmi les plus importants, mentionnons celui de la Grande Rivière artificielle en Libye, qui consistait à transporter l’eau pompée dans les nappes souterraines sur 3000 km de désert. L’ambitieux projet, toujours en évolution, présentait un défi de taille. Autre société bien présente en Afrique, CIMA International, la division chargée des opérations à l’international de la société d’ingénierie CIMA+. Cette dernière a été fondée en 1990 par fusions et intégrations de plusieurs firmes de génieconseil. La firme emploie plus de 1600 personnes au Québec et à l’étranger. CIMA International a réalisé, depuis 1997, une centaine de projets dans plus de 20 pays africains. Elle possède cinq bureaux régionaux sur le continent, soit en Algérie, au Gabon, au Niger, en République Démocratique du Congo et au Rwanda. L’entreprise

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mise entre autres, sur son expérience et son savoir-faire dans les domaines de l’énergie, du transport, de l’eau et du bâtiment pour gagner de nouveaux marchés, notamment en Tanzanie, au Kenya, au Nigéria et en Ouganda. Parmi ses projets d’envergure, CIMA International réalise actuellement une étude de faisabilité d’un projet de transfert d’eau du fleuve Oubangui vers le Lac Tchad. Il vise à lutter contre l’assèchement progressif de ce point d’eau indispensable à la survie et au développement de plusieurs millions d’habitants riverains du Lac Tchad et du fleuve Chari. Une autre entreprise digne de mention est Aecom Tecsult Inc., qui a joint les rangs de la géante américaine AECOM en 2008. Elle est l’une des compagnies les plus connues en Afrique francophone. Fondée en 1961, la firme québécoise de génie-conseil œuvre sur le continent africain depuis ses tout débuts. Elle est présente dans une trentaine d’États et ses activités sur le continent représentent près de 30 % de ses revenus. L’entreprise a d’ailleurs ouvert deux bureaux au printemps dernier en Algérie et en Guinée. Ses réalisations comprennent entre autres la conception et la supervision des travaux de modernisation et d’extension de l’aéroport de Bamako-Sénou au Mali, projet en cours jusqu’en 2013, de même que la construction du barrage de Kef Eddir en Algérie, un projet de quatre ans d’une valeur de 134 millions $ qui se termine cette année. Mentionnons aussi la maîtrise d’œuvre pour la réhabilitation de plusieurs projets routiers au Sénégal, Mali, République démocratique du Congo et Madagascar. Son mandat pour le compte de la Banque africaine de développement (BAD) pour lequel elle a développé des procédures inno-

vatrices dans l’évaluation des impacts environnementaux et sociaux des projets de l’important bailleur de fonds, lui a d’ailleurs valu le prix d’excellence des Prix canadiens du génie-conseil en 2009. Autre projet de taille à souligner, celui de la firme Dessau, qui a été choisie au printemps dernier par le consortium sino-turc pour participer à un projet ferroviaire de 38,8 millions $. La ligne à double voie électrifiée de 170 km sera construite entre les villes de Bordj Bou Arreridj et Thenia, dans le nord-est de l’Algérie.

Aéroport de Bamako-Sénou au Mali, projet en cours de Aecom Tecsult Inc. jusqu’en 2013.

Le projet ferroviaireTebessa 1, en Algérie, auquel Dessau a contribué.

Sans oublier la firme canadienne Génivar qui est active sur le continent africain depuis plusieurs années. Active dans le secteur minier, elle travaille depuis quelques années sur deux projets importants pour la société minière canadienne Semafo : au Burkina Faso où elle a réalisé l’ensemble des infrastructures de la mine Mana, et au Niger, pour le projet minier Samira Hill. Récemment, Avion Gold Corp. lui a confié un mandat pour la mine Tabakoto-Ségala au Mali.


SNC LAVALIN L’EMPREINTE D’UN

GÉANT CANADIEN

AFRIQUE EXPANSION MAG : Selon vous, quelle est la place du génie-conseil canadien à l’échelle internationale? Fadima Touré-Diallo : En ce qui nous concerne, SNC Lavalin rayonne dans 120 pays et mène actuellement 10 000 projets à travers le monde. Cela va d’une simple étude d’analyse à un projet de plusieurs milliards $. À l’international, notre part de revenu compte pour près de 50 %. Si on parle de l’Afrique en particulier, 15 % de nos revenus proviennent du continent qui se traduit en chiffres à tout près d’un milliard $.

Dans quels domaines l’expertise de

SNC Lavalin est-elle la meilleure? Nous avons l’avantage d’être diversifié avec une cinquantaine de divisions spécialisées et nous excellons dans plusieurs secteurs dont l’eau, l’énergie, l’environnement, pétrole et gaz, mines et métallurgies, les infrastructures. Je ne peux vous nommer un domaine précis car nous avons brillé dans chacun d’eux ! Dans un premier temps, SNC-Lavalin s’est fait connaître dans le secteur de l’énergie qui a réalisé notamment le projet de la centrale hydroélectrique de la Baie James et tous les travaux de grands barrages au Canada. En matière d’infrastructures également, nous avons réalisé des projets majeurs à Montréal tels la place Ville-Marie, des autoroutes et le passage sous le fleuve Saint-Laurent, etc. Dans le secteur de l’environnement, nous sommes également très reconnus.

Avec un chiffre d’affaires annuel de plus de six milliards $ et 22 000 employés à temps plein, SNC Lavalin, la plus grande firme d’ingénierie canadienne, figure dans le Top 5 des firmes en Amérique du Nord. Entretien avec la Vice-présidente Afrique et relations Banque africaine de développement, Fadima Touré-Diallo, qui évolue au sein de la multinationale depuis plus de 13 ans.

Quelle est l’importance des firmes de génie-conseil telles que la vôtre pour des pays en voie de développement? Ces pays ont besoin de génie pour réaliser des projets, en particulier d’infrastructures, afin de se développer, mais pour lesquels ils n’ont pas toujours suffisamment l’expertise. Pour tous les projets que nous réalisons, nous travaillons de concert avec des entreprises locales et notre objectif est de laisser quelque chose une fois le projet terminé pour assurer la pérennité.

Quels sont les répercussions sociales des projets réalisés dans ces pays? Ils participent à améliorer les conditions de vie des populations. Par exemple, dans le cas d’un projet d’eau, cela permet aux populations d’avoir de meilleures conditions d’hygiène, l’éloignement des moustiques et maints autres bénéfices.

Qui finance vos projets?

Pour la zone Afrique, on peut citer les institutions de Bretton Woods, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement (BAD), la Banque européenne d’investissement (BEI), l’Agence canadienne de développement international (ACDI), etc. Étant donné que nous sommes une entreprise assez liquide, il nous arrive aussi de financer des projets directement en étant investisseur comme ce fut le cas pour la construction d’un site de nickel à Madagascar.

Comment gérez-vous les risques lors

de projets à l’étranger souvent aux pri-

Fadima Touré-Diallo

ses avec des situations politiques instables? SNC Lavalin ne fait pas de politique. Notre objectif premier est de faire un travail technique donné. Mais nous avons des outils de calcul de risques qui peuvent être d’ordre technique, financier et humain. Il nous est arrivé sur de très bons projets apparemment de dire non, car les risques étaient tels qu’on ne pouvait pas soumissionner. Nous collaborons aussi parfois avec Exportation développement Canada (EDC), mais cela dépend des cas.

Une

grande firme de génie-conseil telle que la vôtre s’impose-t-elle nécessairement sur le marché à l’étranger? Lors d’une soumission au client, seule la technique compte en général et celui qui remporte va discuter ensuite du prix avec le client. Mais si ce dernier tient compte du prix et des techniques proposées, il se peut que l’entreprise qui est première techniquement, même dans le cas d’une firme importante, peut se retrouver dernière au final. Peu importe, on peut dire que SNC Lavalin a servi de leader pour amener d’autres entreprises à être ses compétiteurs (rires). En associant des compagnies canadiennes connexes à la réalisation de nos projets à l’international, on leur a ouvert la voie. Aujourd’hui, elles évoluent partout, même sans passer par nous. C’est une fierté. Le marché est assez grand, et nous avons assez confiance en nos capacités sans craindre de perdre notre place.

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DOSSIER

GÉNIE-CONSEIL CANADIEN


DOSSIER

GÉNIE-CONSEIL CANADIEN Le Canada se classe parmi les principaux exportateurs de services d’ingénierie au monde. À l’heure actuelle, les entreprises canadiennes arrivent au troisième rang mondial pour les recettes d’exportation, fournissant des services dans plus de 125 marchés étrangers. Au cours des dernières années, près de 20% des revenus du secteur du génie-conseil ont été générés dans le cadre de mandats réalisés à l’étranger.

D

epuis la fin des années 40 et 60, les firmes canadiennes d’ingénierie-conseil ont percé les marchés étrangers, enregistrant de surcroît une progression marquée de leurs honoraires depuis la fin des années 70, selon les auteurs Roger Verreautl et Mario Polèse (1989).

les projets énergétiques. Par ailleurs, les investissements canadiens étrangers directs dans les mines et l’énergie constituent un facteur important dans le marché de l’ingénierie internationale et génèrent une part substantielle de la demande pour l’exportation de services d’ingénierie canadiens.

à des clients étrangers nouent généralement un partenariat avec une firme locale. Elles s’assurent ainsi de respecter les lois et règlements du pays. En outre, les négociations multilaréales du Canada dans l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) ont aussi favorisé un meilleur accès aux marchés des services à l’étranger et favoriser une plus grande libéralisation des industries de services. Cet accord international signé en 2000 régit le commerce mondial des services entre les 133 États membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et a mis en place des règles générales de libéralisation du commerce des services.

L’EXPERTISE CANADIENNE BRILLE AUTOUR DU GLOBE Ainsi, selon le ministère canadien des Affaires étrangères et Commerce international, le Canada est le troisième exportateur mondial des services d’ingénierie, derrière les États-Unis et le Royaume-Uni. En 2006, les honoraires de source étrangère générés par le génie-conseil dans le pays ont totalisé près de 3,1 milliards $. De plus, pour l’ensemble du Canada, les services de génie ont enregistré des recettes d’exploitation de 15,4 milliards la même année. Ce qui équivaut à une croissance annuelle de 11,6 %, comparativement aux recettes de 2005. Autres données parlantes : selon un rapport de 2009 d’Ingénieurs Canada, au cours des dernières années, près de 20 % des revenus du secteur du génieconseil ont été générés dans le cadre de mandats réalisés à l’étranger.

UNE PRÉSENCE SUR QUATRE CONTINENTS Les domaines prédominants du marché international des services d’ingénierie sont la conception technique et la réalisation d’infrastructures, le développement minier et métallurgique et

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Les services exportés sont très diversifiés et varient d’un continent à l’autre. Les principaux marchés d’exportation sont les États-Unis, qui sont preneurs pour environ la moitié. L’Europe et l’Amérique du Sud s’avèrent être aussi des marchés intéressants, mais ce sont surtout l’Afrique et l’Asie qui représentent des débouchés importants pour les firmes canadiennes de génie-conseil. La région du MoyenOrient constitue également un marché en croissance grâce à la mise en place de quelques grands projets énergétiques et d’infrastructures.

ENTENTES AVEC D’AUTRES PAYS Pour favoriser la mobilité des ingénieurs canadiens sur le plan international, l’organisme Ingénieurs Canada a signé des ententes avec plusieurs autres pays. Ces mesures permettent notamment aux diplômés canadiens en ingénierie d’obtenir plus facilement un permis d’exercice. Ces ententes sont utiles dans les pays où la profession d’ingénieur est réglementée. Si ce n’est pas le cas, les entreprises d’ingénierie canadiennes qui offrent leurs services

MENTION POUR LE QUÉBEC Les firmes québécoises de génie-conseil font très bonne figure sur la scène internationale et contribuent en grande partie à la performance canadienne de l’industrie à l’étranger. Le génie-conseil québécois est en effet responsable de la moitié des exportations canadiennes de services d’ingénierie et crée quelques milliers d’emplois dans le reste du Canada et à l’étranger. Certaines firmes québécoises figurent parmi les plus importantes et les plus respectées sur la planète, mentionne l’Ordre des ingénieurs du Québec.



L’AFRIQUE DOIT REPRENDRE EN MAIN

SES RICHESSES

Marc Omboui

S

elon des sources concordantes, on trouve en Afrique environ 40 % des réserves mondiales d’or, 73 % des réserves de platine, 88 % des réserves de diamant, 95 % des réserves de vanadium, 38 % des réserves d’uranium, 10 % des réserves de pétrole et 7,9 % des réserves de gaz naturel. À cela, on peut ajouter les ressources forestières, fauniques et halieutiques, etc. Certains pays comme la République démocratique du Congo (RDC) sont considérés comme de véritables « scandales géologiques »

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tellement ils regorgent de richesses naturelles. Mais, paradoxalement, le continent demeure parmi les régions du monde où sévissent la pauvreté et la misère. Les raisons de cette situation sont diverses et relèvent tant de la responsabilité des pays eux-mêmes que d’un environnement qui leur est défavorable. Le premier problème que pose l’exploitation des ressources et la gestion des revenus réside dans le fait que les États africains ne disposent pas toujours de toutes les informations re-

latives aux ressources qui sont sur leur sol et dans leur sous-sol. En effet, l’exploration et l’exploitation de ces ressources naturelles sont généralement l’affaire des sociétés multinationales qui en déterminent l’existence et l’importance, décident du moment de les exploiter et trouvent les moyens financiers pour le faire, bien loin du contrôle des pays producteurs. Ces derniers, réduits à un rôle de spectateur, sont quelquefois tout heureux de recevoir des dividendes qui leur tombent comme la manne du ciel.

Photo : iStockphoto

Les immenses ressources naturelles dont regorge l’Afrique suscitent les convoitises des grandes puissances industrielles qui en ont besoin pour alimenter leurs économies et ne profitent ni aux populations, ni aux pays producteurs. Conséquence, le continent croupit dans la misère la plus abjecte. C’est pour cette raison paradoxale que cette question a été inscrite à l’ordre du jour de la conférence « Africa 21 » organisée à Yaoundé en mai dernier par le chef de l’État camerounais, Paul Biya dans le but de trouver les moyens de permettre à l’Afrique de se faire une place sur l’échiquier mondial et de sortir du sous-développement.


UNE GESTION QUI POSE PROBLÈME La gestion des revenus générés par l’exploitation de ces ressources par les gouvernants africains est, dans la plupart des cas, problématique. Jusqu’à une époque récente, dans certains pays, les recettes issues de la vente du pétrole faisaient partie d’un compte hors budget quand ce n’était pas simplement une caisse noire. Les nombreuses ressources dont dispose l’Afrique servent à alimenter les conflits, la corruption et l’autocratie, ainsi que l’affirme El Hadj Sy, président du conseil d’administration de la Open Society Initiative for West Africa (OSIWA). Pour sa part, Todd Moss, sous-secrétaire d’État américain chargé des affaires africaines, s’adressant au Sénat américain en septembre 2008 et parlant du « mal hollandais », affirmait que dans nombre de pays, l’exploitation des ressources naturelles nuit à la compétitivité de l’industrie et de l’agriculture et transforme le processus politique en un processus de contrôle des ressources naturelles. Et selon une déclaration datée d’octobre 2009 de Publiez ce que vous payez (PCQVP), une ONG qui vise à promouvoir les pratiques éthiques dans la conduite des affaires et la bonne gouvernance, « les gouvernements et les administrations qui gèrent ces revenus souffrent de carences institutionnelles et ne rendent pas compte de leur gestion aux populations ou à leurs représentants élus ». Les industries extractives notamment sont généralement associées à des niveaux élevés de corruption. Des pratiques opaques et l’appropriation injuste des ressources au profit d’intérêts individuels ou de groupes exacerbent les tensions sociales et peuvent affaiblir les États et favoriser l’instabilité. Dans certains cas, il est arrivé que des multinationales se mêlent de la politique intérieure des États. Ce fut notamment le cas au Congo Brazzaville où une société pétrolière s’est impliquée dans le conflit qui a opposé le président Pascal Lissouba à son rival Denis Sassou Nguesso.

Toutes ces choses ont amené à parler de la « malédiction des ressources » pour qualifier la situation somme toute paradoxale entre la remarquable abondance de ressources naturelles et l’extrême pauvreté.

AMÉLIORER LA GOUVERNANCE Les solutions envisagées jusqu’ici pour changer cette situation semblent mettre l’accent sur les problèmes de gouvernance. Parmi ces solutions, on peut citer l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (EITI), le Publiez ce que vous payez et le processus de Kimberley dont le but, grosso modo, est de faire en sorte que l’exploitation des richesses naturelles se fasse dans le respect des règles et les principes de bonne gouvernance et de transparence, et donc contribue à la réduction de la pauvreté et au développement économique et social. Sans avoir résolu le problème dans son l’ensemble, ces initiatives n’ont pas été totalement vaines. Mais d’autres champs restent encore à explorer qui concernent notamment l’utilisation responsable des revenus générés par l’exploitation de ces ressources, le renforcement des pouvoirs publics, ainsi que des lois et des règlements sur les opérations d’exploitation des ressources naturelles et l’usage des revenus qui en découlent, l’implication des communautés locales et de la société civile dans la gestion de ces ressources. Des efforts dans ce sens sont déjà faits en ce qui concerne l’exploitation des forêts. Au Cameroun, par exemple, les communautés riveraines reçoivent une partie des revenus découlant de l’exploitation des forêts. En même temps, les communautés villageoises elles-mêmes peuvent s’organiser dans le but d’exploiter pour leur propre compte ce qu’on appelle ici forêts communautaires.

ET QUID D’AFRICA 21 ? Les pays africains doivent se mettre ensemble, mutualiser leurs efforts en vue de tirer profit de leurs ressources. Ainsi que le suggère le Comité pour

l’annulation de la dette, les États africains doivent être solidaires et inventer de nouvelles formes d’échanges novatrices pour que l’exploitation des ressources naturelles bénéficie le plus largement possible aux peuples des pays concernés. Pour ce qui est des problèmes de financement, pourquoi ne pas créer par exemple, comme les Sud-Américains, une banque du Sud, qui pourrait aider à financer des projets publics d’intégration régionale, et donc de donner les moyens d’extraire, de transformer et de commercialiser les richesses naturelles tout en préservant l’environnement? La formation de la ressource humaine de qualité apparaît elle aussi comme une donnée essentielle à prendre en compte par les États. Le gouvernement camerounais, par exemple, qui est engagé dans un vaste programme d’exploitation de son sous-sol, a fait l’amer constat qu’il ne dispose pas assez d’ingénieurs de mines. Des préoccupations qui n’ont pas échappé aux participants de la conférence internationale Africa 21. Des résolutions ont ainsi été prises, telles que l’adhésion de l’ensemble des États à l’Initiative de transparence dans les industries extractives, la rationalisation du périmètre des organes d’intégration régionale afin de les rendre plus fortes pour éviter les doubles emplois, les déperditions des ressources, et le développement d’un tissu infrastructurel intégrateur notamment en matière de transport et d’énergie, la promotion de la création de grandes multinationales africaines à côté du développement des PME et des PMI, l’édiction de normes fiscales claires et attractives de même que la promotion de la propriété intellectuelle et industrielle. Le chantier est donc immense pour que les multiples richesses naturelles dont regorge le continent profitent enfin aux États et aux populations pour leur permettre de se développer. Il faut déjà se féliciter de ce qu’il y a comme une prise de conscience tant par les États africains eux-mêmes qu’au niveau de la communauté internationale.

AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 35 29

ÉVENEMENT

CONFÉRENCE INTERNATIONALE DE YAOUNDÉ


L’ÉTAT DE DROIT

Badjang ba Nken

UN VECTEUR DE PERFORMANCE

ÉCONOMIQUE

L

e débat sur la « bonne gouvernance et performance économique », qu’a présidé Abdoulie Jenneth, sous-secrétaire des Nations Unies et secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique, s’est ouvert par un échange sur la définition de la notion de gouvernance. À l’occasion, des intervenants ont notamment rappelé que la gouvernance est perçue par la Banque mondiale comme étant « la manière dont on utilise le pouvoir dans la gestion des ressources économiques et sociales d’un pays pour assurer son développement ». Pour le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), c’est la « norme d’efficacité et d’efficience selon laquelle on exerce le pouvoir pour assurer le développement et l’amélioration du bien-être ». Résumant les différentes interventions, Abdoulie Jenneth a défini la gouvernance comme « l’accès équitable de tous au pouvoir et aux richesses, un levier de la performance économique ». Quant au professeur Joseph Ntouda 30 AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 35

Ebodé, géostratège camerounais, enseignant à l’université de Yaoundé II, il a relevé « le caractère multidimensionnel de la gouvernance qui oppose des conceptions du monde différentes et dont la seule dimension économique n’assure pas de développement ». Poursuivant la réflexion, les participants aux travaux d’« Africa 21 » ont relevé pour le déplorer que la gouvernance n’est pas la chose la mieux partagée en Afrique. Elle fait aussi bien défaut à certains États, collectivités territoriales, entreprises et associations. Les causes de cette absence de gouvernance, ont-ils par ailleurs relevé, sont multiples. Il s’agit notamment de la faiblesse des institutions qui ne sont généralement pas faites pour traverser le temps, mais pour servir les individus ou plus précisément les gouvernants; de l’absence de patriotisme qui pousse certains à faire main basse sur les richesses du pays ou à piller les fonds publics au détriment de la majorité; de l’absence ou de la faiblesse des structures de contrôle ou de sanction,

Photos : Shutterstock

Au terme des échanges des participants à la Conférence internationale de Yaoundé sur le sous-thème « Bonne gouvernance et performance économique », il s’est dégagé un consensus sur l’urgence du renforcement de l’État de droit en Afrique, le déficit de gouvernance étant de nature à hypothéquer durablement le développement des États africains.

en raison entre autres du non-respect du principe pourtant reconnu de la séparation des pouvoirs.

DES RECOMMANDATIONS AU MENU Conscients de l’existence de liens étroits entre gouvernance et performance économique, les participants aux assises de Yaoundé ne se sont pas contentés de faire des constats. Michel Charasse, ancien ministre du Budget, membre du Conseil constitutionnel français, estime qu’il n’y a pas de recette type pour la gouvernance. Pour lui, chaque pays doit y aller avec sa formule propre, en fonction de ses réalités. Néanmoins, estime-t-il, il y a un point commun à ce processus : pas de bonne gouvernance sans État démocratique. « Un État au service de tous, un État fort car organisé et respecté, sachant préserver la paix civile ». Pour le Camerounais Stéphane Doumbe-Bille, enseignant de droit à l’université de Lille (France), la gouvernance locale, la décentralisation


peuvent être une solution. Mais leur application optimale passe par des réformes visant à transformer les collectivités territoriales décentralisées de manière à ce qu’elles puissent efficacement œuvrer au progrès économique et social des populations. Emmanuel Golou, économiste, ancien ministre et actuel député au Bénin, estime qu’il faut que les unions régionales deviennent une réalité. « À trop vouloir se comporter » de manière individualiste, les pays africains risquent « de rater » le train de l’histoire mis en marche par la recomposition, le nouveau rapport de forces mis en place à travers le monde. Jean Louis

GOUVERNANCE D’ENTREPRISE

LA GOUVERNANCE SE DÉFINIT

La gouvernance n’étant pas seulement l’affaire des États, les participants à la Conférence internationale de Yaoundé « Africa 21 » ont également échangé sur la gouvernance des entreprises publiques et privées. C’est ainsi que l’on a rappelé que dans les pays africains notamment, la crise économique des années 1980 avait pour conséquence la crise de gestion publique, avec en bonne place la mauvaise gestion des sociétés d’État dans l’économie de marché que ces pays avaient alors adoptée. Les stratégies nationalistes de développement sous l’égide de

PAR L’ACCÈS ÉQUITABLE DE TOUS AU POUVOIR ET AUX RICHESSES, UN LEVIER DE LA PERFORMANCE ÉCONOMIQUE. la cause principale de la crise financière et économique généralisée de 2008-2009. À la suite de cette crise, l’intervention massive de l’État a été la solution préconisée contre la mauvaise gouvernance des entreprises privées dans les économies développées de

LES POLITIQUES D’AJUSTEMENT STRUCTUREL BÂTIES SUR LE RETRAIT DE L’ÉTAT DU SECTEUR PRODUCTIF N’ÉTAIENT PAS UNE PANACÉE. Les participants aux travaux d’« Africa 21 » réunis à Yaoundé, au Cameroun, en juillet 2010.

Billon, président de la Chambre de commerce de Côte d’Ivoire partage cette vision, lui qui estime comme préalable, une libre circulation des personnes et des biens effective. « Nous demandons plus de démocratie, de sécurité (…) une croissance qui se traduit en amélioration des conditions de vie des populations ». François Bourguignon, directeur de l’École d’économie de Paris, a noté que la croissance en nette augmentation en Afrique augure de perspectives reluisantes et que la consolidation des acquis enregistrés constitue au-delà de la seule gouvernance, une condition de la performance économique. Aussi a-til suggéré le développement industriel pour lutter efficacement contre le chômage et renforcer la productivité agricole pour atteindre l’autosuffisance alimentaire. Pour sa part, M. Boradmian, directeur général d’ALBRIUT Group, a relevé en guise de mise en garde que « le déficit de gouvernance est de nature à hypothéquer durablement le développement des États africains ».

l’État étaient dénoncées de toutes parts comme « causes de l’inefficacité, de la corruption, et du faible rythme de croissance ». Compte tenu de cette situation, un ensemble de politiques englobant le désengagement de l’État du secteur productif, la privatisation des sociétés d’État, la déréglementation des industries locales, « une politique macroéconomique plus prudente », a été recommandée. À la suite de l’adoption par de nombreux pays africains des programmes d’ajustement structurel, la plupart des entreprises étatiques ont été soit privatisées, soit liquidées, soit inscrites au programme de privatisation. Par ailleurs, suite aux exigences des institutions de Bretton Woods et des bailleurs de fonds, plusieurs agences de régulation ont vu le jour. La récente vague de renationalisation des icônes du secteur privé en Occident laisse entrevoir cependant un repositionnement de l’État dans la gouvernance des entreprises, surtout parce que le mauvais comportement de certaines grandes entreprises serait

l’Occident. Compte tenu du fait que la privatisation a été prescrite par le passé comme solution à la mauvaise gestion des entreprises publiques dans les pays en voie de développement, la solution inverse mise en œuvre pour les économies développées lors de la récente crise est une admission implicite du fait que les politiques d’ajustement structurel bâties sur le retrait de l’État du secteur productif n’étaient pas une panacée et qu’un diagnostic erroné du problème était à la base de cette solution inappropriée aussi bien pour les économies développées que celles en voie de développement. Au terme des travaux de l’atelier consacré à la bonne gouvernance et aux performances économiques, il s’est dégagé un consensus sur l’urgence du renforcement de l’État de droit en Afrique. Et pour cause, l’État de droit est un puissant vecteur de performance économique, tandis que le déficit de gouvernance est de nature à hypothéquer durablement le développement des États africains. AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 35 31

ÉVENEMENT

CONFÉRENCE INTERNATIONALE DE YAOUNDÉ


L

e groupe de la BAD a accru son capital général en le positionnant à 100 milliards $. Pour les responsables de la banque, l’objectif est de permettre à cette institution financière « de soutenir un niveau de prêt plus élevé, y compris en direction du secteur privé. Elle pourra ainsi répondre aux demandes massives émanant de tous les pays ».

crise économique mondiale a tout de même arrêté la période de forte croissance économique en Afrique, réduisant la croissance du produit intérieur brut (PIB) du continent d’une moyenne d’environ 6 % en 2006-2008 à 2,5 % en 2009. Cependant, avec cette croissance très importante du capital, ledit rapport prévoit un rebondissement de la croissance en Afrique qui devrait se situer à 4,5 % en 2010 et 5,2 % en 2011.

Jean Samuel Kondo

BAD

DE NOUVEAUX DÉFIS APRÈS LE TRIPLEMENT DU CAPITAL Les lampions se sont éteints sur les 45e assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD) en mai dernier à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Et ce, avec le triplement du capital de l’institution financière africaine. Cependant, nombre d’experts des finances ne cessent de poser cette lancinante question : quels nouveaux défis?

C’est que, en réponse à la crise financière qui n’a pas épargné les économies africaines déjà fragiles, la BAD avait accéléré ses engagements, mis en place de nouveaux instruments pour faciliter le commerce et restructuré son portefeuille. « La Banque avait ainsi utilisé ses ressources plus rapidement qu’elle ne l’avait initialement prévu », a révélé le président du groupe, M. Donald Kaberuka. En effet, sans l’intervention de la BAD, les progrès réalisés en Afrique en matière de croissance économique au cours de la décennie écoulée risquaient d’être anéantis par la crise.

UN REBONDISSEMENT PRÉVU DE LA CROISSANCE Il n’empêche, comme le démontre le rapport de la BAD/OCDE/CEA 2010 sur « les Perspectives économiques africaines » (PEA) lancé en marge des assemblées annuelles de la BAD, que la 32 AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 35

Cette reprise à travers le continent sera néanmoins très variable d’une région à une autre. Ainsi, l’Afrique australe, qui a été plus durement touchée en 2009, devrait se relever plus lentement que les autres régions, avec une croissance moyenne de près de 4 % en 2010-2011. L’Afrique de l’Est, qui a le mieux résisté à la crise mondiale, devrait à nouveau atteindre la plus forte croissance, avec plus de 6 % en moyenne en 2010-2011; l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest devraient toutes les deux connaître une croissance d’environ 5 % contre 4 % en Afrique centrale au cours de la même période. Une tendance semblable prévaut dans tous les secteurs.

ASSUMER LE LEADERSHIP AFRICAIN En attendant, le continent doit relever à long terme des défis de taille, notamment le changement climatique et la production d’énergie. Selon les ex-

perts, la crise financière a déjà alourdi le fardeau grandissant de l’Afrique pour la réponse au changement climatique qui, selon les estimations, devrait atteindre au moins 10 milliards $ et très probablement 30 milliards $ par an à l’horizon 2030. L’un des défis de la BAD, c’est de pouvoir porter précisément le leadership africain sur ces questions cruciales. En tout cas, nombre d’experts et d’officiels africains n’ont pas manqué de plaider pour que le président Donald Kaberuka intensifie cette approche dans sa démarche et sa stratégie de gouvernance de la banque. C’est dans cette optique qu’il faut placer le discours du président ivoirien, Laurent Gbagbo, pour qui la BAD est une Banque créée pour l’Afrique et le développement de l’Afrique. Mais, le continent, malgré quelques avancées indéniables, est toujours confronté au défi de la pauvreté, surtout en Afrique subsaharienne. Malgré la mondialisa-


tion, il y a toujours un écart entre les autres régions du monde et l’Afrique. Parfois, dans certains domaines, cet écart se creuse dangereusement. C’est pourquoi le président Gbagbo pense qu’il faut désormais inverser cette tendance. « C’est la mission de notre génération. Le groupe de la Banque africaine de développement peut faire beaucoup pour impulser, soutenir et accompagner les politiques et les ac-

ce manque d’infrastructures et de services sur le continent est aujourd’hui la principale contrainte qui plombe le développement du continent. Et pourtant, l’Afrique ne manque pas d’atouts. Par exemple, ce continent possède toutes les sources d’énergie électrique connues : des cours d’eau pour les barrages hydroélectriques, du charbon, du gaz, de l’uranium, le soleil, le vent. Cependant, il n’a pas d’électri-

tions de redressement de l’Afrique », cité. Selon l’Agence Internationale de a-t-il souligné. l’Énergie (AIE), seulement 23 % de Comme le président ivoirien, des la population de l’Afrique subsahaexperts africains pensent que la BAD rienne a accès au réseau électrique. peut aider les décideurs africains à Certes, la BAD multiplie les investistrouver des résements dans ponses concrètes Le manque d’infrastructures les infrastrucaux questions estures, mais sentielles au dé- et de services sur le continent elle ne peut veloppement du pas tout faire. continent. Elle Elle doit donc doit assumer le est aujourd’hui la principale se montrer leadership de la très sélective mobilisation des contrainte qui plombe le dans le choix ressources pour de ses prorégler des pro- développement du continent. jets et trablèmes de dévevailler plus loppement auxquels, manifestement, étroitement avec les autres bailleurs aucun des États, pris individuellement, de fonds. Une approche que résune peut trouver de réponses nationales me bien le responsable Afrique de pertinentes. Il s’agit principalement des l’Ouest de l’institution, M. Janvier infrastructures de transport et de comLitse, en déclarant que la Banque munication, de la production et de la ne cherche pas à tout faire, mais à distribution de l’énergie électrique. À « faire mieux dans ce qu’elle sait faire cet égard, les experts sont unanimes : de mieux ».

INFRASTRUCTURES EN 2009 UN INVESTISSEMENT DE 6 MILLIARDS $ DE LA BAD Des documents du groupe de la Banque africaine de développement (BAD) révèlent qu’en 2009, ce sont 6 milliards $ de financements qui ont été approuvés pour la fourniture d’infrastructures modernes et abordables dans ses pays membres régionaux. Ces financements visent à réaliser des projets aéroportuaires au Maroc et en Tunisie, des routes nationales au Burkina Faso, au Cameroun, au Tchad, au Ghana, en Guinée, au Mali, en Sierra Leone, au Malawi, au Rwanda, au Sénégal et en Ouganda. Les autres projets concernent les routes multinationales CamerounNigeria, Cameroun-Gabon, KenyaÉthiopie, et Mozambique-MalawiZambie. La Banque a aussi approuvé des projets d’énergie au Botswana, au Kenya, au Lesotho, au Nigeria, en Afrique du Sud et en Tunisie, et des projets dans le secteur de l’eau en Tunisie, au Maroc et en Égypte. Au niveau du secteur privé, l’appui de l’institution financière africaine a été de 1,8 milliard $, en hausse par rapport à 1,4 milliard $ en 2008. Pour ce qui est de l’intégration régionale, la Banque a engagé 685 millions $, couvrant des projets de développement des infrastructures régionales et de renforcement des capacités institutionnelles. Enfin, en ce qui concerne la relance économique dans les États fragiles, la BAD a approuvé 551 millions $ pour financer 12 opérations en Guinée-Bissau, au Togo, en Côte d’Ivoire, au Libéria, en Sierra Leone, aux Comores et en République centrafricaine.

AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 35 33

ÉVENEMENT

ASSEMBLÉES ANNUELLES DE LA BAD


Didier Oti

POUR RÉUSSIR EN AFRIQUE, IL FAUT RESPECTER LES AFRICAINS

voquée ici et là dans quelques ateliers, l’Afrique était au centre d’un petit-déjeuner de travail sous le thème « Faire des affaires en Afrique ». Un petit déjeuner au cours duquel on a entendu David Creighton, chef de la direction de Cordiant Capital, une entreprise de gestion de capitaux d’investissement privés dans les marchés émergents, Bruce Mon-

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tador, l’administrateur du Canada auprès de la Banque africaine de développement (BAD), et Nkosana Moyo, vice-président et chef des opérations de la BAD. Parmi les questions soumises à leur réflexion : quels sont les secteurs porteurs? Comment établir des relations d’affaires respectueuses des traditions et de l’environnement? Comment établir des partenariats stratégiques

avec les grandes banques? Dans l’assistance, de nombreux universitaires, des responsables d’ONG et bien entendu, des dirigeants d’entreprise. L’Afrique, on le sait, est un marché dont la richesse et la croissance n’ont d’égale que sa complexité. Pour bien des investisseurs occidentaux cependant, l’Afrique peut être soit un Eldorado, soit un Golgotha, selon qu’ils sont des initiés ou des profanes du continent.

Nkosana Moyo, vice-président et chef des opérations de la BAD en compagnie de David Creighton, chef de la direction de Cordiant Capital.

Photographe: Jean-François Lemire

É

La 16e édition du Forum économique international des Amériques – Conférence de Montréal s’est tenue du 7 au 10 juin, sous le grand thème « Innover pour réussir dans un nouveau marché global ». L’Afrique, dont les ressources intéressent de plus en plus les investisseurs, a fait partie des discussions.


ET SI « LE PÉRIL JAUNE » ÉTAIT LE MODÈLE À SUIVRE? Depuis le milieu des années 1990, ceux qui font office de nouveaux prosélytes de l’Afrique sont les Chinois. Les économies africaines se sont ouvertes à leurs capitaux. Le volume global du commerce entre le continent et le pays de Hu Jintao dépasse les 100 milliards $. En 2007, les échanges commerciaux de la Chine avec le continent ont surpassé ceux de la France. De quoi étonner, inquiéter et contrarier tant les anciennes puissances coloniales que les aspirants au buffet africain. De guerre lasse, les compétiteurs de la Chine en sont réduits à la dénigrer et à ne relever que les effets néfastes de son offensive en Afrique. « Mauvaise approche », prévient le Zimbabwéen Nkosana Moyo. Le viceprésident exécutif de la BAD estime que pour comprendre la nouvelle relation sino-africaine, il faut s’intéresser à l’histoire. L’histoire de relations entre l’Afrique et l’Occident, l’histoire des relations entre l’Occident et la Chine, et l’histoire des relations entre l’Afrique et la Chine. Toutes ces histoires, aux yeux de Nkosana Moyo, ont été marquées par la condescendance occidentale, des rapports inégalitaires, un entêtement à imposer des manières de faire sans tenir compte de leur adéquation avec les traditions et de leur acceptabilité par ceux qui sont censés en bénéficier. Or, pour les Africains, le respect, la dimension humaine sont des éléments importants dans les transactions. En affaires, comme dans la vie quotidienne. Bref, dit M. Moyo, les relations entre l’Afrique et l’Occident ont été marquées par beaucoup de frustration de part et d’autre. Et c’est dans ce contexte que la Chine arrive dans le portrait. Ayant connu sa part de domination dans sa longue histoire, la Chine a une approche moins directive, moins intrusive et moins condescendante dans ses rapports avec les pays africains. Un contraste qui séduit les Africains. D’où ce conseil du vice-président exécutif de la BAD aux Canadiens : pour réussir en affaires en Afrique, il faut créer un rapport de confiance fondé sur le respect mutuel. La quête des bénéfices immédiats au détriment d’une stratégie à long terme aboutit inexorablement à l’échec.

Longtemps chasse gardée des anciennes puissances coloniales, l’Afrique découvre les vertus de la compétition que ses richesses suscitent. Elle s’en délecte. Et selon M. Moyo, un pays comme le Canada qui n’a justement pas ce passé colonial et qui souffre moins d’a priori négatif que d’autres pays occidentaux, pourrait en profiter. Pourtant, on a l’impression que le Canada se désengage de l’Afrique. Mais selon Bruce Montador, administrateur du Canada auprès de la BAD, la perception du désengagement du Canada en Afrique est exagérée. Certes, dit-il, l’Agence canadienne de développement international, l’ACDI, est présente dans un nombre plus restreint de pays, mais elle est plus efficace, parce que concentrée sur quelques projets

LA CHINE A UNE APPROCHE MOINS DIRECTIVE, MOINS INTRUSIVE ET MOINS CONDESCENDANTE DANS SES RAPPORTS AVEC LES PAYS AFRICAINS.

spécifiques. Bruce Montador constate aussi que le volume des échanges est de plus en plus important entre l’Afrique et le Canada. Tant les importations que les exportations sont en forte hausse depuis une dizaine d’années. C’est que les entreprises canadiennes n’ont jamais été aussi actives en Afrique. Elles sont dans le secteur minier, l’ingénierie, la gestion des déchets, les techniques sanitaires, l’épuration de l’eau, les énergies renouvelables, etc.

L’ÉCONOMIE VERTE VA-T-ELLE TUER… L’ÉCONOMIE? Parmi les nombreux autres sujets abordés à la Conférence de Montréal, l’incontournable discussion sur l’environnement. « L’économie verte et les nouveaux modèles de croissance : jusqu’où peut-on aller? » Telle était la question. Tout le monde est appelé à opérer un changement « culturel » sur

cette question. Tout le monde est aussi d’avis que les pays du Sud n’ont pas les moyens d’y parvenir sans le soutien de leurs homologues plus riches. Mais, côté africain, on commence à douter de la volonté des pays riches de tenir leur promesse faite au Sommet de Copenhague en 2009. Dans la capitale danoise, les pays riches s’étaient engagés à donner 30 milliards $ aux nations pauvres d’ici 2012 pour les aider à affronter les défis du changement climatique. La question qui se pose alors est la suivante : faute de ressources financières, les pays africains vont-ils renoncer aux efforts en faveur de l’environnement? Vont-ils mettre de côté les préoccupations envi­ ronnementales au profit des intérêts économiques? Pour le Pr Biaka Zasseli, Conseiller spécial du président ivoirien Laurent Gbagbo, les Africains sont acculés par des demandes contradictoires : nécessité d’exploiter les ressources naturelles, pression des institutions internationales, respect de l’environnement, etc. qui les obligent à privilégier les intérêts économiques. Pour M. Zasseli, l’environnement doit servir de clé de voûte à l’activité économique globale. Malheureusement, note-t-il, les pays africains sont soumis à une urgence de vie, dans un monde où tout va très vite. Les dirigeants en sont réduits à parer au plus pressé. Le forum s’est conclu sur un thème à la fois économique et politique : les défis d’un monde multipolaire. Concentrant son discours sur l’économie, l’ancien Premier ministre de Grande-Bretagne, John Major, s’est inquiété de la crise financière grecque, sans pour autant prédire la fin de la zone euro. Pour John Major, l’euro est plus qu’une monnaie, c’est une source de cohésion. Les pays européens dont l’histoire a été ponctuée de conflits, tiennent à leur union économique, source de stabilité et de paix. Mais, outre la Grèce, les soubresauts que connaissent les économies du bassin méditerranéen (Espagne, Portugal et Italie) vont être un vrai test pour la solidité de la maison Europe au cours des prochains mois. De quoi alimenter les discussions lors de la 17e édition de la Conférence de Montréal, dont le thème en 2011 sera justement « Un ordre économique en mutation : nouvelles réalités, nouveaux modèles ». AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 35 35

ÉVENEMENT

CONFÉRENCE DE MONTRÉAL 2010


LE LOBBYING AUX Vitraulle Mboungou

Les États-Unis sont souvent perçus comme la patrie des lobbies. Et pour cause! Le phénomène du lobbying est si profondément ancré dans la société américaine que c’est devenu presque une institution. Il connaît depuis une décennie un véritable succès auprès d’un certain nombre d’États africains qui dépensent des millions de dollars sans garantie de résultats, pour défendre leurs intérêts aux États-Unis et redorer leur image.

L

e lobbying est le plus souvent défini comme une structure organisée pour représenter et défendre les intérêts particuliers d’un groupe donné qui, pour ce faire, exerce une activité de lobbying qui consiste « à procéder à des interventions destinées à influencer directement ou indirectement les processus d’élaboration, d’application ou d’interprétation de mesures législatives ou plus généralement, de toute intervention ou décision des pouvoirs publics ». Chaque lobby dispose de plusieurs outils d’influence tels que les clubs de réflexion également appelés « think tanks », les cabinets de conseils ou d’avocats, les associations et les fondations qui utilisent pour atteindre leur but, différents moyens de pression comme les voix des membres ou sympathisants lors des élections, les actions médiatiques, les dons aux campagnes électorales, etc. En 2005, on dénombrait près de 35 000 lobbyistes officiellement déclarés à Washington, soit deux fois plus qu’en 2000. Et on estime à plus de deux milliards $ la somme dé36 AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 35

pensée chaque année pour les activités de lobbying.

DES LOBBIES TRÈS INFLUENTS La puissance des lobbyistes américains repose essentiellement sur les contacts dont ils disposent, notamment dans le paysage politique. Étant souvent d’anciens membres du Congrès ou du gouvernement, ils sont capables de mettre à profit leur carnet d’adresses pour servir leur client. Leur activité a parfois une connotation péjorative auprès de l’opinion publique, car elle est souvent entourée d’opacité et emploie des méthodes incontrôlées, voire corruptrices. D’où les soupçons de dessous de table et de trafic d’influence dont ils font l’objet. Pourtant, cette activité est encadrée depuis 1946 par le Federal Regulation of Lobbying Act qui établit un registre pour tous les acteurs rémunérés pour influencer les membres du Congrès. Cette réglementation a été renforcée en 1995 par le Lobbying Disclosure Act et

en 2006 par le Legislative Transparency and Accountability Act. Une de ses obligations est d’obliger les lobbyistes à tenir un registre au Congrès, qui est ensuite rendu public tous les trois mois via un site Internet, en particulier lorsque ces derniers contribuent financièrement à des causes politiques comme des élections et à des activités qui touchent des politiciens, des représentants ou des membres du pouvoir exécutif ou législatif. De même, Barack Obama, dès son arrivée à la Maison Blanche en 2008, a tenté réellement de réduire leur poids avec de nouvelles règles (les plus restrictives jamais vues à Washington selon certains) afin d’éviter les conflits d’intérêts. Mais il semblerait que sa tâche ait été rendue difficile par leur omniprésence partout dans le paysage politique américain.

UN PHÉNOMÈNE EN EXPANSION AUPRÈS DES PAYS AFRICAINS Depuis quelques années, de plus en plus de pays africains ont recours à des cabinets de lobbying américains pour défendre leurs intérêts ou redorer leur image souvent désastreuse aux ÉtatsUnis. Ainsi, selon une étude réalisée en janvier 2010 par GwethMarshall Consulting, cabinet de conseil américain, auprès de dix cabinets de lobbying américains ayant au moins un État africain dans leur portefeuille clients, les États africains ont dépensé près de 150 millions $ durant la dernière décennie. Cette estimation


ÉTATS-UNIS Photos : Shutterstock

UNE NOTE SALÉE POUR L’AFRIQUE ne prend évidemment pas en compte rer la perception que les membres du le coût des prestations non déclarées, Congrès, de l’exécutif et les investisni celui des cadeaux offerts en bonus. seurs américains peuvent avoir d’eux Les pays anglophones sont considérés ou encore l’obtention d’un rendezcomme étant les « meilleurs clients » vous à forte valeur symbolique. Ainsi, des lobbyistes de Washington avec en il semblerait que le président sénégatête de la liste, le Nigeria, le Zimbalais, Abdoulaye Wade, ait enclenché bwe, le Kenya, le Ghana et l’Afrique un puissant lobbying pour rencontrer du Sud, auxquels viennent s’ajouter Barack Obama, depuis que celui-ci a l’Angola, la Guinée équatoriale et la préféré se rendre au Ghana à la place Libye récemment. Chez les francopho- « Les raisons les plus évoquées par ces États nes, la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Burkina africains au moment de passer commande, Faso et le Sénégal sont la volonté d’améliorer la perception sont les États les plus que les membres du Congrès, de l’exécutif dépensiers en la matière. Ces différents et les investisseurs américains peuvent avoir pays ne lésinent pas d’eux ou encore l’obtention d’un rendezsur les moyens pour vous à forte valeur symbolique. » « s’acheter » une bonne image auprès de la première puissance mondiale. du Sénégal lors de sa tournée africaine Les forfaits proposés par ces cabinets en 2008 et a reçu la présidente du Livarient selon la demande. Ainsi, les béria, Ellen Johnson Sirleaf, à la Maiforfaits de veille thématique vont de son Blanche pour une visite officielle. Il 13 000 à 65 000 $ par an et les forfaits ne désespère pas d’être le premier chef d’assistance permanente de 130 000 à d’État africain francophone que rece250 000 $ par an. Cependant, l’ensemvra le président américain, en particuble de ces tarifs est généralement mullier depuis que l’entourage de celui-ci tiplié par cinq, voire par dix, lorsqu’il lui a promis de réaliser son rêve. Le s’agit d’États africains, notamment président sénégalais a également signé lorsque le prestataire est un ancien miun contrat avec le cabinet LtL Stratenistre, diplomate ou officier américain, gies pour l’aider à attirer les entreprises etc. Dans ce cas, la note peut monter américaines sur son territoire. jusqu’à 75 000 $ par mois. Le cas d’Abdoulaye Wade est asDe même que les forfaits, les obsez représentatif de cette tendance jectifs sont différents en fonction de la de nombreux États africains qui resituation de chaque pays. Malgré tout, crutent d’anciens représentants améles raisons les plus évoquées par ces ricains pour défendre leurs intérêts États africains au moment de passer aux États-Unis. L’exemple le plus cité commande, sont la volonté d’améliopar les analystes du lobbying est celui

de Milton Bearden, de Steeplechase Group. Ancien chef de station de la CIA au Soudan de 1983 à 1985, il a été engagé au début des années 2000 par le régime de Khartoum pour faciliter la normalisation des relations entre Washington et ce dernier. Il a touché, pour cette mission très particulière, 50 000 $ par mois pendant deux ans. Il y a également l’exemple récent du président libyen, Mouammar Kadhafi qui, pour exaucer son vœu de publier dans une prestigieuse revue américaine ou de recevoir de célèbres universitaires américains dans son pays, s’est adressé au cabinet Monitor Group, pour un montant qui reste confidentiel mais qu’on imagine très élevé. Si le lobbying coûte si cher aux pays africains, qu’en est-il des résultats? Le président sénégalais Abdoulaye Wade attend toujours d’être reçu par Barack Obama; Mouammar Kadhafi court encore après les célèbres universitaires américains. Quant aux relations Soudan-États-Unis, elles sont loin d’être normalisées. Il n’y a donc aucune garantie des résultats dans le domaine du lobbying car tout dépend du problème. Les États-Unis reprochent ainsi à Abdoulaye Wade ses excentricités financières ou sa politique marquée par la corruption, à Mouammar Kadhafi, le manque de démocratie dans son pays et au gouvernement soudanais, son implication dans le conflit au Darfour. En somme, plus l’image du pays est désastreuse, plus la mission pour les lobbyistes paraît impossible.

AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 35 37

MARCHÉS NORD-AMÉRICAINS

LE PHÉNOMÈNE DU LOBBYISME


G8 Toronto

G20

Sommets

G20

La voix de l’Afrique

G8

« La seule promesse qui compte est celle qui a été faite à Gleneagles d’augmenter l’aide de 50 milliards de dollars d’ici à 2010, et c’est justement cette promesse qu’ils ont abandonnée. » Didier Oti

Le rideau n’était pas encore complètement levé sur les derniers sommets du G8 – G20 en Ontario que des représentants d’ONG distribuaient des cartons jaunes aux principaux dirigeants de la planète. Ils n’auraient pas tenu leurs promesses en faveur du développement. C’est désormais un classique : à chaque sommet, des ONG dénoncent le non-respect des engagements pris au précédent. Les dirigeants de planète font mine de ne rien entendre, et en prennent de nouveaux.

V

endredi, 25 juin, c’est la journée d’ouverture du sommet du G8 à Huntsville. Le G20 doit lui emboîter le pas le lendemain à Toronto. Mais les représentants de la société civile internationale réunis dans la capitale ontarienne n’attendent pas les discours de clôture pour dénoncer l’inaction des pays riches. « Gardez vos promesses ! Mettez plutôt l’argent sur la table », clame Dorothy Ngoma, la directrice exécutive de la National Organization of Nurses and Midwives of Malawi. « C’est le moment d’agir. On doit passer à l’action » renchérit Gerry Barr, le président du Conseil canadien pour la coopération internationale. Les sommets de Washington en 2008 et de Londres en 2009, pour ne citer que les plus récents, avaient aussi été marqués par des sorties outrées de

38 AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 35

représentants d’ONG contre l’inaction des pays riches. Il y a fort à parier qu’en 2011 à Nice (France) et en 2012 aux États-Unis, on entendra les mêmes récriminations. Sans oublier la kyrielle de manifestations hostiles dont ces rencontres sont devenues l’objet.

DE FORUM INFORMEL À L’INSTITUTION PLANÉTAIRE Lorsqu’il organise une rencontre informelle des six chefs d’États et de gouvernement les plus puissants de la planète en 1975, le président français Valéry Giscard d’Estaing ne se doute pas de l’impact futur de son initiative. Les dirigeants américain, allemand, japonais, britannique, italien et français réunis du 15 au 17 juin au château de Rambouillet discutent à bâtons rompus des affaires du monde, dans une

atmosphère détendue. Mais l’exercice s’avère productif. Le G6 voit le jour. La présence du Canada en 1976 transforme le groupe en G7. Il est baptisé G8 à partir de 1998, avec l’entrée de la Russie. Le groupe s’intéresse aux questions économiques, au développement international, à la santé, à la paix et la sécurité mondiales. Contrairement aux organismes du système des Nations unies (Banque mondiale, Fonds monétaire international), le G8 n’est pas une administration transnationale. Chaque État membre en assume la présidence pendant un an. Il accueille alors une série de réunions ministérielles et le sommet des chefs d’État. Mais les crises économiques asiatique et russe de la fin des années 90 et leur impact international montrent les limites de l’efficacité d’un groupe restreint dans un marché de plus en plus global. Entre-temps, certains pays qualifiés jusque-là de « pauvres » sont désormais « émergents », c’est-à-dire pas tout à fait riches, mais plus pauvres. Ces pays ne peuvent plus être ignorés dans les grandes discussions internationales. Sur l’initiative de Paul Martin, alors ministre canadien des finances, le G20 voit le jour en septembre 1999, en marge du sommet du G7 de Washington. L’objectif du nouveau groupe est de favoriser la stabilité financière internationale et de jeter des ponts entre pays industrialisés et pays émergents,


LES

Sommets Toronto

Photo : Shutterstock

PROMESSES G8 une lacune que ne pouvaient combler les rencontres des ministres des finances des seuls pays les plus industrialisés. Le nouveau regroupement représente les deux tiers du commerce et de la population planétaires. Il génère plus de 90 % du produit mondial brut, contre 61 % au G8.

CASSE-TÊTE POUR LES DÉCIDEURS, KERMESSE POUR LES CASSEURS Contestées par les altermondialistes qui remettent en cause la légitimité du G8 et l’accusent de vouloir « diriger le monde », les rencontres des pays les plus industrialisés sont l’occasion de gigantesques manifestations. Aux altermondialistes aux revendications claires, se mêlent des anarchistes et simples casseurs en mal de sensations fortes. Depuis Seattle en 1999, ils font l’événement, s’attirant davantage les feux de la rampe que les officiels. L’arrivée du G20 a légèrement modifié la donne. Aujourd’hui, les revendications portent sur la lutte contre la pauvreté (annulation de la dette des pays pauvres, aide contre le réchauffement climatique, etc.). Ce à quoi le G8 répond par des promesses toujours plus spectaculaires les unes que les autres. À Kananaskis (Canada) en 2002, le sommet du G8, présenté comme la « dernière chance » pour l’Afrique,

N’ENGAGENT QUE CEUX QUI Y CROIENT

G20

convient de soutenir le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD). Le plan d’action comprenant plus de 100 engagements précis en faveur de l’Afrique est adopté en grandes pompes. À Gleneagles (Royaume-Uni) en 2005, le G8 s’engage à procurer à l’Afrique une aide au développement supplémentaire de 25 milliards $. En 2006, il est question d’accès universel aux traitements contre le VIH pour 2010. Un an plus tard, c’est un engagement de 60 milliards pour la santé. En 2008, le président français Nicolas Sarkozy fait la promesse que 16 millions d’enfants supplémentaires issus de l’Afrique subsaharienne seraient scolarisés en 2010. Les États-Unis promettent la création d’un fonds de 2 milliards $ pour l’éducation. En 2009, 22 milliards $ sont annoncés pour soutenir l’agriculture et la sécurité alimentaire. Bilan deux, trois, quatre ou cinq ans plus tard? Globalement, les promesses n’ont pas été tenues, comme le montre bien le bilan-réquisitoire de Pierre Verroneau, le directeur général d’OXFAMQuébec : « Cette année, le sujet phare est la santé maternelle. L’année dernière, c’était la crise alimentaire. Chaque année, le G8 prend une nouvelle initiative. Mais avec la stagnation de l’aide globale, il ne fait que déplacer l’argent. La seule promesse qui compte est celle qui a été faite à Gleneagles d’augmenter l’aide de 50 milliards $ d’ici à 2010,

et c’est justement cette promesse qu’ils ont abandonnée ». L’Afrique, qui est censée bénéficier de plusieurs mesures des G8 et G20, est réduite à un rôle de figuration dans ces rencontres. OXFAM met d’ailleurs le G20 en garde contre la tentation de répéter l’erreur du G8 qui n’invite l’Afrique à ses sommets que pour la parade ou la photo de famille. Pour l’instant, l’Afrique du Sud est le seul représentant permanent du continent au sein du G20. Autant dire que la voix de l’Afrique est au mieux, un chuchotement. Pas surprenant donc que les ONG se fassent les porte-parole des pays pauvres aux G8-G20 et se mobilisent en faveur de l’adoption d’une taxe sur les transactions financières, la fameuse taxe Robin des bois, afin de lutter contre la pauvreté et les changements climatiques. Les pays riches sont divisés sur la question. Mais le premier ministre canadien, Stephen Harper, a réussi à convaincre l’Afrique du Sud que cette charge sur les banques serait néfaste aux pays pauvres. Les ONG affirment le contraire. Sans présumer de l’issue de ce débat, une chose est d’ores et déjà certaine : aux prochains sommets du G8 et du G20 en 2011 en France, le réquisitoire des ONG sera plus long, puisque les promesses non tenues de 2010 s’y seront ajoutées.

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MONDIALISATION

SOMMETS DU G8-G20


L’AFRIQUE ET SA DIASPORA

Vitraulle Mboungou

LA MAIN TENDUE

La diaspora africaine en Occident ne cesse de grossir avec la recrudescence de l’immigration des professionnels hautement qualifiés. L’ampleur de ce phénomène de la fuite de cerveaux africains est telle que certains gouvernements sur le continent ont commencé depuis à réfléchir au moyen de l’inverser.

L’

Afrique a perdu durant ces trois dernières décennies une partie importante de ses cadres dont dépend son développement économique, social, scientifique et technologique. Il a en effet été reconnu que l’accentuation du phénomène de la fuite de cerveaux africains a des effets très dévastateurs sur l’ensemble du continent, car cet exode économique pèse lourdement sur sa croissance et son développement. Selon la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA), entre 1960 et 1989, 127 000 professionnels africains hautement qualifiés ont ainsi quitté le continent. Et l’Organisation Internationale pour les Migrations évalue ces départs à 20 000 par an depuis les années 1990. Chose incroyable, on dénombre par exemple plus de scientifiques et d’ingénieurs africains aux États-Unis qu’en Afrique. Ce phénomène a un prix pour les États africains sur le plan financier, institutionnel et social. En 2010, le continent a ainsi investi selon le Rapport mondial sur l’Éducation pour tous de l’Unesco, plus de cinq milliards $ dans l’Éducation dont plus de la moitié dans l’enseignement supérieur.

LES TRANSFERTS DE FONDS : UNE PRÉCIEUSE AIDE Malgré l’éloignement cependant, ces professionnels qui sont principa­ lement des médecins, des ingénieurs, des scientifiques, des enseignants, des entrepreneurs, etc., contribuent au développement du continent qui les a vu naître, notamment grâce aux transferts de fonds. Ceuxci représentent, selon la Banque mondiale, entre 32 et 40 millions $ par an, dépassant ainsi l’aide officielle au développement accordée à l’Afrique. Mais ce montant est controversé, car pour certains, il ne prend pas en compte les transferts dits informels (transferts qui ne passent pas par les canaux officiels comme Western Union ou Money­­ gram) qui sont également très importants. Considérés comme une précieuse aide pour les familles restées au pays, ces transferts sont particulièrement utilisés pour les dépenses élémentaires de la vie courante. Selon une étude de 2007 de la Banque africaine de développement, 75 % des sommes ainsi transférées sont consacrées à l’alimentation, à la santé et à l’éducation, 15 % au logement et seulement 10 % sont réellement investies, souvent pour le maintien ou la construction des infrastructures publiques comme les écoles, les hôpitaux ou les édifices religieux.

Les contributions réelles ou potentielles de la diaspora africaine et la reconnaissance internationale de ses compétences ont incité un grand nombre d’États à vouloir l’impliquer davantage dans leurs efforts pour le développement du continent. Ils ont ainsi adopté à l’égard de cette

40 AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 35

Photo : iStockphoto

LA NOUVELLE ATTITUDE À L’ÉGARD DE LA DIASPORA


diaspora une nouvelle attitude qui est soutenue par l’Union africaine (UA) et la Banque mondiale qui ont signé en 2008, un protocole d’accord de cinq ans portant principalement sur une collaboration mutuelle dans le domaine des relations avec cette diaspora africaine. Un an auparavant, la Banque mondiale lançait son premier programme ainsi que la première conférence avec la diaspora africaine (la deuxième édition s’est déroulée en février dernier). La rencontre qui a eu lieu à son siège à Wash­ing­ ton a regroupé près de 400 expatriés africains installés pour la plupart en Amérique du Nord. Désireux de contribuer à l’édification d’une Afrique prospère et démocratique, beaucoup d’entre eux se sont montrés très intéressés par des projets de création de micro-entreprises ou d’organismes à but non lucratif dans leur pays d’origine ou par l’idée d’établir une base de données des compétences de la diaspora à l’intention des États africains et des organismes internationaux. De son côté, l’UA a désigné la diaspora comme l’une des six régions du continent en plus de réserver 20 sièges dans son Conseil économique, social et culturel à ses représentants. Elle a également réfléchi aux moyens de les faire participer aux travaux de toutes ses autres institutions. Par ailleurs, des pays comme le Mali, le Sénégal, le Bénin ou le Cameroun ont créé des ministères ou des divisions au sein du ministère des Affaires étrangères en charge de la question de leurs ressortissants installés à l’étranger.

DES ATTENTES TRÈS FORTES Dans ces opérations de séduction, chacun a sa méthode. Certains, à l’instar de l’ancien président nigérian, Olesegun Obasanjo, ou du président camerounais, Paul Biya, n’hésitent pas à aller à la rencontre de ces professionnels et intellectuels de la diaspora africaine. Olesegun Obasanjo avait par exemple pris l’habitude, lors de sa présidence, de rencontrer les ressortissants nigérians à chacun de ses voyages à l’étranger. Il avait également nommé un conseiller chargé de la diaspora afin de mieux canaliser l’apport de celle-ci dans la lutte contre certains grands fléaux du pays comme la famine et le sida. Le Cameroun a, quant à lui, récemment organisé sous l’impulsion du Président Biya, le premier Forum Économique et Commercial avec la Diaspora sur le thème de « La Diaspora camerounaise, un véritable acteur pour le développement ». Cet événement qui a fait suite à une première rencontre à Paris, entre Paul Biya et les Camerounais

de l’extérieur en juillet 2009, avait pour objectif « d’amener la diaspora camerounaise à participer de manière plus significative au développement économique et social du pays ». Mais comment? Certains États souhaitent carrément le retour de leurs ressortissants alors que d’autres, de plus en plus nombreux, préfèrent mettre l’accent sur des stratégies et programmes visant à inciter leurs compatriotes à investir ou ramener des investissements étrangers au pays.

UN RAPATRIEMENT PHYSIQUE QUASI IMPOSSIBLE Face à cette main tendue, de nombreux Africains de la diaspora se montrent peu enthousiastes à la perspective d’un retour dans des pays économiquement et politiquement instables, même s’il s’agit de leur pays d’origine. La réussite de ces opérations dépend donc essentiellement du dévouement des expatriés ainsi courtisés. Selon certains experts, tant que persisteront les facteurs qui ont conduit ces professionnels hautement qualifiés à émigrer, à savoir les difficultés socioéconomiques et les conflits armés, il serait insensé pour ces gouvernements de penser réussir le « rapatriement » de ces Africains de l’étranger. En effet, une partie de ces ressortissants exigent un certain nombre d’avantages que ces pays sont souvent incapables de leur offrir par manque de moyens. On cite ainsi l’exemple de ce Sierra-Léonais hautement qualifié, qui était rentré pour « servir son pays », mais qui a dû se résoudre à retourner aux États-Unis, car son salaire ne lui permettait pas de couvrir le coût de l’assurance-maladie pour sa famille. Cette histoire est assez révélatrice de la dose de courage et de sacrifice qu’implique un retour au pays. Seule donc une infime partie de cette diaspora africaine voit ce retour comme quelque chose de naturel. Lassés de leur vie dans leur pays d’accueil ou par esprit de sacrifice et par patriotisme, ces hommes et femmes décident quelquefois de rentrer pour travailler dans le secteur privé auprès des grandes entreprises ou dans l’administration, peu importe les conditions et la réalité sur place. En réalité, ce débat sur le rapatriement physique de la diaspora est aujourd’hui quelque peu dépassé dans la mesure où les États africains ont enfin compris qu’il était quasi impossible de convaincre tous les membres de la diaspora de rentrer et que le plus important était leur plus grande implication dans le développement du continent. Qu’ils le fassent d’Afrique ou d’ailleurs importe peu.

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DÉVELOPPEMENT

LA DIASPORA AFRICAINE


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es régions apparaissent souvent moins attrayantes aux yeux des nouveaux immigrants qui préfèrent les aspects pratiques et bureaucratiques des grandes métropoles. Afin de faciliter l’adaptation de la Marie-Claude Fafard communauté noire à Québec et de contribuer à son développement économique, social et culturel, le projet Prendre ma place à Québec a vu le jour avec le soutien du Fonds d’emprunt Québec et d’un Comité de suivi d’une dizaine de membres. « Ce projet vient apporter une solution au problème de rétention des immigrants qui choisissent les grandes métropoles canadiennes pour s’établir comme Montréal plutôt qu’en région. Si l’on veut renverser la tendance, il importe d’outiller les régions pour les rendre attrayantes et avantageuses pour les futurs immigrants », explique Linda Maziade, directrice générale, Fonds d’emprunt économique communautaire. Le projet est né de recommandations et de réflexions issues d’un premier colloque, en 2007, créé par un comité composé de membres de la communauté noire de la région. Lors de l’événement, les participants ont pu identifier les problèmes rencontrés par la diaspora noire. Un plan d’action a alors été élaboré et incluait notamment des activités de reconnaissance pour les gens d’affaires de la communauté noire, la promotion du projet auprès d’organisations telles que les Chambres de commerce, les Centres locaux d’emploi de Québec, etc., et la mise en place d’un réseau visant à briser l’isolement des entrepreneurs en démarche de création pour une meilleure compréhension du système québécois et une intégration favorable de leur entreprise au tissu économique régional.

L’émergence d’un

LEADERSHIP ÉCONOMIQUE La communauté noire de la Vieille capitale, toujours plus grande, regroupe à l’heure actuelle 4000 personnes. Afin de favoriser en son sein un leadership économique et de donner un coup de main aux entrepreneurs, le projet Prendre ma place à Québec fait son chemin depuis 2006. Dans le cadre de cette initiative, deux nouveautés ont vu le jour cette année : la création d’un répertoire d’une cinquantaine de gens d’affaires de cette diaspora et un gala de reconnaissance.

Remise des prix lors du gala Rêver en Noir et grand qui récompense les entrepreneurs de la ville de Québec qui se sont démarqués. 42 AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 35

UN PROJET QUI PREND FORME

Photo : Gracieuseté Fonds d’emprunt Québec

DÉVELOPPEMENT

DIASPORA NOIRE À QUÉBEC

Cette année, deux éléments nouveaux issus du plan d’action se sont concrétisés. D’abord, il y a eu la création de la première édition d’un bottin d’entrepreneurs. Baptisé « Les trésors », le répertoire comprend 49 entreprises membres de la Communauté noire de la Capitale nationale et de la région de Chaudière-Appalaches. Puis, en avril dernier, le Cabaret du Capitole a été l’hôte de la première édition du gala de reconnaissance intitulé Rêver en Noir et grand qui récompense des entrepreneurs de Québec et des environs qui se sont démarqués. Six prix ont été distribués au cours de la soirée dont celui de l’Entrepreneur de l’année remis au designer d’origine congolaise, Patrice Sokü et sa griffe SOKÜ. Le styliste de mode a été le grand gagnant de l’émission de télé-réalité, La Collection, diffusée sur les ondes de TVA. La soirée de gala a rassemblé plusieurs acteurs issus du milieu économique des secteurs public et privé ainsi que des représentants politiques, des professionnels et des étudiants de la communauté noire. « L’objectif à long terme du projet est de mettre sur pied une structure permanente d’appuis aux entrepreneurs. Un plan d’affaires a été réalisé, mais il reste des sources de financement à trouver. On souhaite que les membres de la communauté noire de Québec soient nombreux à participer à sa concrétisation! », conclut Mme Maziade.


GROUPE COLLEGIA LA FORMATION CONTINUE AU-DELÀ DES FRONTIÈRES

Depuis quelques années, le secteur de la pêche de la côte ouest africaine vit une crise, les ressources halieutiques diminuant en raison de la dégradation des écosystèmes, de la surexploitation et de la pêche illicite. Afin de mieux y faire face et de préserver ce secteur inhérent de l’économie régionale, Groupe Collegia collabore notamment avec les États côtiers pour offrir son expertise dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture, reconnue et convoitée à l’international.

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a formation de Groupe Collegia dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture est son domaine d’excellence. Ainsi, depuis 1991, le Cégep de la Gaspésie et des Îles, qui compose Groupe Collegia avec le Cégep de Matane, a réalisé plus d’une quinzaine de projets dans le secteur de la pêche en Afrique de l’Ouest, principalement au Sénégal et en Mauritanie. Cette présence prolongée a pour but de former des formateurs, mais aussi de favoriser l’adoption de pratique de pêche responsable, la recherche technologique et scientifique, la préservation du milieu et la mise en place de politique de gestion. Un savoir-faire pertinent alors que la Commission sous régionale des pêches de l’Afrique occidentale subsaharienne (CRSP) a évalué en mars dernier le manque à gagner découlant de la pêche illicite dans la région à environ 9,8 milliards $.

Photo : Gracieuseté Groupe Collegia

IUPA : DES PROGRAMMES DE HAUT NIVEAU L’un de ces projets consistait en un important programme de partenariat avec l’Institut universitaire de pêche et d’aquaculture de Dakar (IUPA) et l’École nationale de formation maritime (ENFM), qui vient de prendre fin. Lancé en 2006, il incluait la formation de formateurs dans le secteur halieutique au Québec et au Sénégal. Les répercussions ont été très bénéfiques à tous les nouveaux, affirme Nicolas Simeray, responsable du développement international. « L’IUPA est un jeune institut créé en 2002. Par le biais de notre collaboration, il démarre donc avec des

programmes de formation de haut niveau et de calibre international. Ils attireront beaucoup plus de clientèle et les finissants auront une formation qualifiée. Ce qui est d’autant plus pertinent au Sénégal avec la crise liée à la surexploitation qui sévit dans le domaine halieutique. On cherche à former les futurs cadres et à promouvoir des pratiques de pêche plus responsables. »

Essais de sélectivité en Mauritanie.

Par le biais de la présentation d’un documentaire aux hautes instances universitaires, politiques ainsi qu’à l’industrie de la pêche sénégalaise, le projet a permis de sensibiliser l’industrie sur les conditions de travail souvent extrêmement difficiles des femmes sénégalaises, main-d’œuvre essentielle dans les secteurs de la transformation des produits marins ou de la cueillette des coquillages. Un autre projet incluait aussi des essais d’engins de sélectivité dont les rapports sont en cours. On y a notamment testé l’usage de la grille Nordmore, utilisée sur les chaluts dans le golfe du Saint-Laurent pour la pêche à la crevette. « Techniquement, les crevettes passent à travers la grille et sont capturées, les plus gros poissons sont relâchés du chalut par une ouverture, ce que l’on appelle les prises accessoires sans

Deux enseignants mozambicains en visite au Québec dans le cadre du projet de formation en écotourisme.

système de sélectivité. Actuellement, en Afrique, pour les pêcheries crevettières, nous pouvons atteindre 95 % de prises accessoires », précise M. Simeray.

EXPERTISE EN ÉCOTOURISME Le savoir-faire de Groupe Collegia exporté dans les pays en développement comprend quatre autres domaines : l’écotourisme (tourisme d’aventure et interprétation du patrimoine); le génie industriel et éolien; la reconnaissance des acquis et des compétences de même que l’ingénierie de formation. Dans le domaine du tourisme, le consortium offre une formation de guides d’aventure et de guides-interprètes. Il possède aussi les compétences pour développer un label de tourisme équitable qui vise à assurer un développement durable des communautés impliquées et du secteur touristique. Actuellement, il mène un programme au Mozambique en écotourisme à base communautaire. « Nous avons été contactés pour notre expertise en tourisme d’aventure et en guide d’interprète du patrimoine, deux programmes offerts au Cégep de la Gaspésie et des Îles. Nous sommes est en train de créer un nouveau programme d’étude adapté au contexte local de travail tout en formant l’équipe des futurs formateurs. » M. Simeray précise par ailleurs que dans tous les projets, l’égalité entre les sexes fait partie des priorités. Au Mozambique par exemple, une sociologue a étudié les facteurs susceptibles d’inciter les femmes à s’inscrire au programme en écotourisme afin de poser des actions en ce sens. Marie-Claude Fafard AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 35 43

COOPÉRATION

LES PROJETS DU GROUPE COLLEGIA EN AFRIQUE



Patrice Sokü LA FIGURE MONTANTE DE LA

MODE QUÉBÉCOISE

Talentueux et ambitieux, Patrice Sokü est, à 30 ans, l’un des stylistes les plus prometteurs et recherchés de la ville de Québec, notamment grâce à sa griffe SOKÜ. Il habille également les plus célèbres artistes du Québec.

Vitraulle Mboungou

O

riginaire de la République Démocratique du Congo, il a commencé sa carrière de styliste-designer dans la capitale mondiale de la mode qui est Paris. Arrivé en France à l’âge de 10 ans avec son père diplomate, il a suivi pendant deux ans une formation en design dans une école parisienne où il a appris les techniques de confection. Il fait ensuite ses premiers pas en tant qu’assistant designer au Caire, en Israël et à Paris où il travaille pour Jean Paul Gaultier, l’un des grands stylistes français, avant de poser sa valise à Montréal en 2003.

À LA POURSUITE DU FAMEUX RÊVE AMÉRICAIN Après avoir tâté pendant un temps l’ambiance du milieu de la mode

montréalaise, il s’installe à Québec à la recherche d’un environnement plus intime. « Je cherchais une coupure et Montréal me faisait trop penser à Paris, je retrouvais la même ambiance. J’ai donc voulu prendre de la distance avec toute cette frénésie qui accompagne ce milieu », affirme-t-il. Les débuts ont été quelque peu difficiles à Québec. L’installation et l’intégration se sont faites au prix de nombreux sacrifices, comme tout immigrant qui arrive dans une ville nouvelle. « La plupart des gens n’aimaient pas mon style de vêtement. Ce n’est pas dans leur culture de s’acheter de vêtements de créateurs, ils sont habitués aux grandes chaînes de magasins ». Et pour cause, le secteur de la mode est quasi inexistant dans la ville provinciale. Mais sa force de caractère, sa persévérance et son désir de réussir le fameux rêve américain ont eu raison de nombreux murs qui se sont ainsi dressés devant lui. « Cela m’a endurci et permis d’aller encore plus loin ». En effet, le jeune créateur discret, mais non moins talentueux, a finalement réussi son intégration à la fois professionnelle et personnelle. Son atelierboutique créé en 2006 a désormais pignon sur rue dans la ville de Québec avec une clientèle qui lui reste très fidèle, sans oublier son site Internet où ses créations sont vendues en ligne.

L’ÉMISSION TÉLÉVISÉE, LA COLLECTION : LA CERISE SUR LE GÂTEAU Participer à l’une des émissions télévisées les plus populaires sur le milieu des créateurs est sans aucun doute la cerise sur le gâteau du success story de ce self-made man. En effet, au printemps 2009, le jeune homme natif de

Kinshasa a rem­­ porté la deu­ xième édition de la télé-réalité, La Collection. Ce qui lui a permis d’obtenir un contrat de 100 000 $ offert par La Baie d’Hudson, une des compagnies les plus prospères au Canada, qui a également distribué sa collection pendant un an dans ses 500 magasins à travers le pays. L’émission, vue par de nombreux Québécois et une partie de la population francophone des autres provinces, s’est révélée être « une très belle et enrichissante expérience ». Elle lui a ouvert beaucoup de portes auprès des plus importantes personnalités présentes dans le métier depuis plusieurs décennies. Grâce à cette notoriété nouvelle, il a pu également signer de nombreux contrats en Ontario et en Colombie-Britannique par exemple et apprendre encore plus sur son métier, en particulier tout ce qui concerne la vente et le marketing, deux éléments indispensables dans ce milieu. Comme tout immigrant africain attaché à ses racines, Patrice Sokü rêve aujourd’hui de faire profiter son expertise au continent qui l’a vu naître, en collaborant notamment avec des personnes désireuses d’investir dans le domaine de la mode africaine, en pleine recrudescence depuis quelques années en Afrique. L’homme aux mille projets désire aider à « former des designers africains, leur donner les moyens de créer et commercialiser leurs créations à la fois en terre africaine mais aussi à l’extérieur, en Occident en particulier », car il est naturel pour lui en tant qu’immigrant qui a réussi de « pouvoir faire bénéficier de mon expérience ceux qui sont restés là-bas ». AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 35 45

DIVERSITÉ ET COMPÉTENCES

CANADA PORTRAIT


FLASH INFOS

MOZAMBIQUE

LA RECONS­TRUCTION DU PAYS CONTINUE Depuis la fin de la guerre civile en 1992, le Mozambique, ancienne colonie portugaise, a dépensé des milliards de dollars pour se reconstruire. Les autorités ont investi 1,5 milliard $ sur cinq ans pour la construction de nouvelles infrastructures ou la remise en marche de celles déjà existantes. Mais les autorités ne s’arrêtent pas là. Alors que l’ancien chemin de fer détruit pendant la guerre est à nouveau opérationnel, un port en eau profonde est prévu pour 207 millions $, au sud de Maputo, pour désengorger le trafic maritime. Ces projets sont souvent accompagnés d’énormes investissements étrangers. Ces derniers ont « boosté » l’économie du pays dont le produit intérieur brut (PIB) par habitant a doublé durant la dernière décennie pour atteindre 440 $. Source : AFP

AFRIQUE : LANCEMENT

D’UN SATELLITE DE TÉLÉCOMMUNICATIONS DANS L’ESPACE RÉUSSI L’Afrique vient de lancer le nouveau satellite de l’Organisation régionale africaine de communication par satellite, baptisé Rascom-QAF1R en collaboration avec le lanceur européen Arianespace. Le continent souhaite ainsi combler son retard technologique et développer son réseau de télécommunications. Le décollage, qui s’est déroulé sans accroc le 5 août dernier, apporte de vraies perspectives commerciales à ce projet cofinancé par le fonds Libya Africa Investment et plus de 40 opérateurs de téléphonie africains. Couvrant principalement l’Afrique subsaharienne, ce satellite qui vient remplacer son « grand frère » RQ1 mis sur orbite en décembre 2007, a pour vocation d’offrir des services de télécommunication aux opérateurs africains et de combler la fracture numérique en reliant en haut débit les grandes villes du continent, mais aussi en apportant le téléphone dans des zones reculées via des réseaux à très bas prix. Il va ainsi permettre de raccorder près de 30 000 villages africains. Vingt-huit pays africains se sont déjà engagés à louer ses services. Source : Les Afriques 46 AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 35

LE BURKINA FASO ET LE BÉNIN REÇOIVENT DE NOUVEAUX PRÊTS DU FMI Le Fonds monétaire international (FMI) vient d’accorder de nouveaux prêts sur trois ans au Burkina Faso et au Bénin. L’organisation internationale a ainsi prêté 67,7 millions $ au Burkina Faso qu’elle considère comme l’un des pays les mieux gérés d’Afrique, pour soutenir son programme censé consolider les progrès récents en matière de croissance économique et les efforts pour réduire la pauvreté. Tandis que le prêt de 109 millions $ accordé au Bénin doit aider les autorités à « accroître la croissance économique de leur pays en stimulant l’investissement dans les infrastructures et en mettant en oeuvre des réformes structurelles visant à améliorer la compétitivité ». En 2010, le FMI prévoit un taux de croissance de 4,4 % au Burkina Faso (contre 3,2 % en 2009) et 3,2 % au Bénin (contre 2,7 % en 2009). Ces deux prêts viennent s’ajouter à d’autres, accordés respectivement en 2007 et 2005. Source : AFP

SÉNÉGAL : DÉCOUVERTE D’UN POTENTIEL GAZIER DE 167 000 M3

Le secrétaire général du ministère sénégalais de l’énergie vient d’annoncer la découverte d’un potentiel gazier de 167 000 mètres cubes à 80 km au nord de Dakar par la société Senstock détenue à hauteur de 66 % par l’État du Sénégal. Ce gisement est une bouffée d’air pour le pays dépourvu de stock de sécurité et à la merci du moindre incident ou retard des tankers. Les mesures qui accompagnent cette découverte telles que l’alimentation des turbines à gaz de la société sénégalaise d’électricité (Senelec) qui fonctionne essentiellement au mazout, vont réduire les coûts de fonctionnement, donc les prix de l’électricité. Afin d’éviter de rester l’otage des lenteurs notées dans le circuit pétrolier et gazier, le pays a également repris le système de stockage indépendant jusque-là chasse gardée des majors comme Shell et Total. Source : Les Afriques

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