L’automobile October-November 2013

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ÉDITORIAL

Gas bar blues

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Michel Poirier-Defoy Rédacteur senior mpoirierdefoy@lautomobile.ca

I

l doit vous arriver de revisiter des lieux où vous n’étiez pas allé depuis un bon moment. Un quartier où vous avez déjà vécu ou travaillé dans le passé. Je me suis pris à ce jeu dernièrement, question d’éviter les voies rapides congestionnées. Seulement pour me rendre compte combien certains secteurs avaient changés : des tours à condos avaient poussé là où bien des postes d’essence et des ateliers avaient pignon sur rue autrefois. Au point de se demander combien autant de commerces pouvaient subsister. Le fantôme d’un Ultramar était devenu un terrain pour voitures usagées. D’autres avaient changé de vocation pour devenir des spécialistes : attaches remorques, lave auto, centre de location d’outils et comptoir laitier ! Je con­ viens avec vous que le classique garage à deux portes avec service d’essence et l’office tout vitré en demi-lune est en voie d’extinction. Il y a un bon moment qu’on s’est rendu compte qu’un technicien était plus à sa place dans une baie de service et qu’un caissier pouvait gérer 12 pompes, vendre du café et des journaux. La disparition de milliers de postes d’essence a été bien acceptée. En fait, ce sont les pétrolières qui ont changé la façon de faire le plein : libre service avec un comptoir de ham­burgers et un îlot de bière dans le coin. Alors, quand la vie utile des réservoirs d’un petit poste d’essence vient à terme, à moins

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que l’endroit ne soit considéré comme un service essentiel en région, on ferme boutique, on décontamine et on vend le terrain pour bâtir des condos. On a séparé définitivement essence et réparations. Mais il y a plus. Lors de ma balade urbaine, j’ai reconnu les vestiges de d’autres fantômes. Sont donc disparus avec le temps autant de mécanos de fond de cour. Certains s’affichaient ouvertement sur la porte du garage familial. D’autres avaient toujours une camionnette qui rouillait et qui servait d’entrepôt pour la ferraille. Le pire fut toujours celui qui faisait de la carrosserie, avec la voiture accidentée sous la toile et ce qui se retrouvait en suspension dans l’air ! Peu importe pourquoi et comment ils sont disparus, personne ne va se plaindre. Finalement, le dernier volet en voie d’extinction est le DIYer (Do It Yourself). La filée du samedi matin chez NAPA ou CTC raccourcit sans arrêt. L’ère du débrouillard qui faisait une classique mise au point (cap, pointes, rotor, filage, bougies) est révolue : même votre nouvelle souffleuse à neige n’a plus de carburateur. Ce qui reste dans la file du week-end, ce sont des mé­ canos qui réparent leur véhicule, celui du beau-frère ou du voisin et à l’occasion tente d’arrondir leur fin de mois. Mais depuis qu’il faut sortir le scanner pour signaler la présence d’un nouveau filtre, on se garde une petite gêne. Il y a toujours un témoin qui va rester allumer quand ce n’est pas le concessionnaire qui va vous appeler pour vous signaler un problème sous le capot et qu’un rendez-vous est à votre portée. Pour le bricoleur qui s’installe dans son entrée résidentielle, rien ne va plus : une fois le changement d’huile et de certains filtres effectué, les niveaux de liquides vérifiés, il se rend vite compte qu’il lui manque un outil pour rejoindre une ou deux bougies, que ses

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Il est à peu près temps que le consommateur vous traite en professionnel.

connaissances l’empêche d’aller de l’avant et que le manuel de l’opérateur est totalement inutile. Combien de fois avez-vous reçu un véhicule sur une plateforme après que son propriétaire ait tenté de procéder à des réparations ! L’automobile, dans ses premières parutions en 1939 (!) pointait du doigt ces jobineux qui réparaient les voitures… dans la rue, à l’endroit même où elles étaient tombées en panne, ce qui privait de commerce ceux qui étaient en règle. À cette époque, un minimum d’outils vous permettait de changer le moteur ! De nos jours, il vous en coûte quel­ ques milliers de dollars annuellement simplement pour être à jour. C’est sans compter la formation continue et tout ce à quoi vous avez accès par Internet en vous inscrivant auprès de certains fournisseurs. Il est à peu près temps que le consommateur vous traite en professionnel. Il ne pose pas de question quand il fait appel à certains corps de métier dont le tarif horaire est plus élevé que le vôtre.  o

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