Le musée entre art et architecture entre artiste architecte la réponse architecturale

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LE MUSÉE ENTRE ART ET ARCHITECTURE ENTRE ARCHITECTE ET ARTISTE

La réponse architecturale des Guggenheim (NY, Bilbao, Abu Dhabi, Helsinki)



Image de couverture: MCCARTER Robert, Frank Lloyd Wright, Phaidon Press Limited, Paris, 2002, p. 318. Guggenheim of New York, vue depuis la rampe.

Travail de fin d’étude pour l’obtention du grade d’architecte

Promoteur Marianne Puttemans Étudiante Giulia Falasca

A.A. 2015-2016


LE MUSÉE ENTRE ART ET ARCHITECTURE ENTRE ARCHITECTE ET ARTISTE La réponse architecturale des Guggenheim (NY, Bilbao, Abu Dhabi, Helsinki)


Ă€ mes parents


PROPOS

Depuis mon enfance je m’intéresse aux musées. Grâce à mes parents, j’ai beaucoup voyagé, surtout dans des villes d’Europe, et les musées étaient toujours des étapes essentielles. Mon père m’a transmis sa passion et sa façon de regarder, non seulement le contenu des choses mais aussi leur contexte. Grâce à lui, chaque musée et chaque ville me transmettent des sensations et des émotions différentes. Mon parcours scolaire a aussi contribué à ma passion pour les musées. J’ai grandi dans la ville de Rome qui est un magnifique musée à ciel ouvert et depuis l’école maternelle, les visites pédagogiques occupent une place très importante dans mon éducation. Pour mon travail de fin d’étude j’ai donc décidé d’approfondir la relation qu’il y a entre art et architecture, en faisant référence de façon approfondie à l’évolution architecturale des Musées « Guggenheim » : un cas bien particulier où l’architecture se lie à une collection privée. Pour autant, le but de mon mémoire n’est pas d’arriver à donner des réponses mais plutôt d’approfondir cette thématique, en passant par la compréhension de la signification du musée et en analysant comment la fondation Guggenheim au travers de sa collaboration avec des artistes et des architectes répond à certaines exigences, comment elle a évolué et l’impact qu’elle a aujourd’hui.



TABLE DE MATIÈRES PRÉFACE Architecte-artiste ou artiste-architecte ?

I I

Le crépuscule de musée (critique du musée)

XIV

PREMIERE PARTIE : les notions HISTORIOGRAPHIE Les muses du musée

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Le moyen âge du musée : les églises

27

Le musée moderne

29

Enfin le musée

30

XXe-XXIe siècle

33

L’EXPOSITION La lumière

39

Les parcours

44


Les textes

48

Les audioguides

50

La mission

57

LES GUGGENHEIM(S) New York, WRIGHT

65

Le musée d’une collection

65

La solution de Wright

69

Les Critiques

76

Conclusions intermédiaires

82

Bilbao, GHERY

85

La collection en Europe : le cas de Bilbao

85

Les choix de Gehry

87

Art ou architecture?

96

Conclusions intermédiaires

102

Abu-Dhabi, GHERY

105

L’ île des archistars

105

Le concept

113

Art, architecture ou business?

116

Conclusions intermédiares

122

Helsinki, MOREAU KUSUNOKI ARCHITECTS

125

Le concours

125

Art in the city

125


Retour aux origines

130

Conclusions intermédiaires

134

DEUXIEME PARTIE : analyse critique LA RÉCEPTION DU GUGGENHEIM DANS LE MONDE DE L’ART ET DE L’ARCHITECTURE

138

Inspiration aux Guggenheim

138

La rotonde de Wright

139

La question des expositions temporaires

143

Bilbao dans le monde

144

Refus du Guggenheim

149

Le nouveau MoMa de New York

149

Architecture versus arts plastiques

150

Le White Cube

152

Le White Cube et Le Guggenheim sont vraiment deux concepts antagonistes ?

156

CONCLUSIONS

163

ANNEXES

169

BIBLIOGRAPHIE

197

ICONOGRAPHIE

205

ABRÉVIATIONS

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Artiste-architecte ou architecte-artiste ? « Aujourd’hui je trouve qu’il y a trop d’artistes qui se croient des architectes et trop d’architectes qui travaillent comme des artistes »1 Pierre Leguillon

Depuis longtemps et sous l’inspiration des mots de l’artiste Leguillon, je me demande si nous pouvons considérer l’architecture séparément de l’art et vice-versa. Plus précisément : Est-ce que l’architecture des musées doit être conçue comme une boîte vide qu’on doit remplir ou doit-elle être porteuse du concept artistique dans sa conception architecturale ? Est-ce que la neutralité2 du White Cube valorise ou plutôt annihile l’aspect le plus intéressant de l’œuvre d’art, telle que l’interaction avec l’œuvre même ?

1 Affirmation de l’artiste pendant la visite de son exposition temporaire « Musée des erreurs», du 10.01 au 22.02.2015 au centre d’art contemporain WIELS., Bruxelles. « Leguillon est né en 1969 à Nogent-sur-Marne (France), vit et travaille à Bruxelles. Ses œuvres, performances et projections ont bénéficié de nombreuses présentations monographiques, notamment à Raven Row (Londres, Angleterre, 2011), au Mamco (Genève, Suisse, 2010), au Moderna Museet (Malmö, Suède, 2010), au Musée du Louvre (Paris, France, 2009), ou encore à l’Artists Space (New York, USA, 2009). Plus récemment, l’artiste a participé au Carnegie International à Pittsburgh en 2013, avec deux installations : À Vivarium for George E. Ohr et Dubuffet typographe, ce dernier projet étant accompagné d’un livre publié aux éditions (SIC), à Bruxelles. Lauréat de la Villa Médicis en 2003, Pierre Leguillon enseigne à la HEAD, Haute Ecole d’Art et de Design, à Genève. » dp. http://www.wiels.org/fr/exhibitions/647/Pierre-Leguillon-Le-mus%C3%A9e-deserreurs--Art-contemporain-et-lutte-des-classes- - « PierreLeguillon Le musée des erreurs : Art contemporain et lutte des classes » - consulté le 25/11/2015. 2 Le White Cube est loin d’être un concept neutre. Il sera approfondi plus avant dans le mémoire. voir p. 152.

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Solomon R. Guggenehim New York. Photo: David Heald © The Solomon R. Guggenheim Foundation, New York

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Ou alors, est-ce que l’expression très forte d’une architecture-art, au détriment de la valorisation de l’œuvre de l’artiste, ne chercherait pas plutôt à voler la vedette à ce travail ?

Depuis les années 1960 avec l’affirmation du musée au centre des débats artistiques et culturels, ces réflexions ont animé et continuent d’animer l’évolution du monde de l’architecture. Pour les comprendre il sera nécessaire de s’approcher au sens du musée et à l’interprétation qu’en fait la fondation Guggenheim. Foucault nous donne une pensée spécifique sur l’évolution de la conception des musées à l’époque contemporaine. « L’idée de tout accumuler, l’idée de constituer une sorte d’archive

générale, la volonté d’enfermer dans un lieu tous les temps, toutes les époques, toutes les formes, tous les goûts, l’idée de constituer un lieu de tous les temps qui soit lui-même hors du temps, et inaccessible à sa morsure, le projet d’organiser ainsi une sorte d’accumulation perpétuelle et indéfinie du temps dans un lieu qui ne bougerait pas, eh bien, tout cela appartient à notre modernité »3 . Michel Foucault

Prenons l’exemple du le Mundaneum : où l’idée des deux avocats4 à l’origine du projet était de constituer un gigantesque centre d’archives qui, de la presse aux livres encyclopédiques et aux littératures de tous les pays et de tous les temps, constituerait un fonds pour étudier la paix. Jean-François Füeg, conservateur du Mundaneum de 1996 à 2003, a qualifié l’endroit « l’internet de papier ».

p. II, Guggenheim of Bilbao.

3 FOUCAULT Michel, « Des espaces autres », no 360, p. 752-762, Gallimard, Nrf, Paris, 1994 ; (conférence au Cercle d’études architecturales, 14 mars 1967 « Des espaces autres, hétérotopies»), M. Foucault n’autorisa la publication de ce texte écrit en Tunisie en 1967 qu’au printemps 1984. 4 Paul Otlet et Henri La Fontaine.

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La fondation Guggenheim, établie en 1937 par Solomon R. Guggenheim, reprend le concept de Foucault en se donnant l’objectif ultérieur d’«illuminer» le public en promouvant l’encouragement et l’éducation à l’art. La première construction qui héberge la collection de la famille Guggenheim est le Solomon R. Guggenheim Museum Depuis son ouverture en 1959, la critique architecturale a beaucoup écrit à son sujet en le considérant comme le chef-d’œure de F. Lloyd Wright, une architecture étrange au contexte quis’impose « délicatement » entre les gratteciels5 de Manhattan; tandis que les artistes ont souvent évoqué la difficulté pour eux d’exposer leurs œuvres d’art en raison des murs qui ne sont ni droits ni verticaux et de l’espace qui manque (d’après eux) de luminosité.6 Cinquante ans après la construction du Guggenheim de New York, celui de Bilbao est réalisé par Frank Gehry en 1997. Celui-ci donne lieu à diverses critiques assez fortes, notamment un manque de cohérence entre l’extérieur et l’intérieur du musée, en raison notamment des « murs droits d’affichage des œuvres » de certaines salles, qui ne répondent pas au dessin organique de l’extérieur. Cependant, il devient l’un des plus importants travaux déconstructivistes7 du XXe siècle et son succès planétaire contribue à la connaissance et à la relance de la ville de Bilbao8.

p. V, Guggenheim of Abu Dhabi. © Frank Gehry

Enfin, ces dernières années, la fondation Guggenheim a une nouvelle fois fait confiance à Frank Gehry. Le dernier chef-d’œuvre de l’architecte est en cours de construction dans la ville d’Abu Dhabi, l’achèvement des travaux est prévu pour 2018. Dans ce projet, on retrouve sa signature déconstructiviste. Il s’agit, en termes d’extension, du plus grand musée de la fondation, avec un site d’environ 48 000 mètres carrés alors que Bilbao n’en compte que 32 5009.

5 Depuis 1990, le mot « gratte-ciel » peut s’écrire au pluriel « gratte-ciel » ou « gratte-ciels ». Les deux peuvent être considérés justes. 6 Le sujet des critiques serait approfondi plus avant dans le mémoire. 7 Terme utilisé par la première fois par Philip Johnson dans une exposition du1988 au MoMa de New York, « deconstructivist architecture ». Dans cette exposition était présent des travaux de Daniel Libenskind, Frank O. Gehry, Rem Koolhaas, Peter Eisenman, Zaha Hadid, Bernard Tschumi et le group Coop Himmelb(l)au. Pour autant Gehry ne se définie pas appartenant à la courant déconstructiviste. 8 Id. 9 http://www.guggenheim.org/about-us - consulté le 3/11/2015.

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Si New York et Bilbao sont à tout la fois critiqués et appréciés par leur coté imposant dans le contexte, Abu Dhabi semble un cas particulier. La construction s’installe dans un quartier complètement rénové, composé des œuvres d’ « archistars » telles que Zaha Hadid, Norman Foster, Jean Nouvel et TadaoAndo. C’est un « quartier célébration » de l’architecture contemporaine qui attire de plus en plus de visiteurs dans une sorte de microcosme décontextualisé. Dès lors une question s’impose: Le Guggenheim a-t-il cédé à son caractère pour répondre aux nécessités de publicité et de marketing ? La réponse architecturale du Guggenheim a souvent tendance à s’imposer par rapport à son contexte afin d’attirer les gens pour voir sa collection, en mettant en place une sorte d’architecture expérimentale. Son point fort semble être justement sa capacité à provoquer la critique et les artistes, en laissant l’appréciation de chacune de ses réalisations et le succès planétaire «justifier» son travail. C’est une attitude qui a largement influencé les musées contemporains au fil des années en encourageant en quelque sorte l’expérimentation architecturale mais qui a donné, à mon avis, une place secondaire à son contenu : les artistes et leurs œuvres. Plusieurs projets contemporains témoignent cette tendance. Un exemple parmi les autres, le MAXXI, musée des arts du XXIe siècle à Rome, réalisé par l’architecte (qui a reçu le) prix Pritzker et récemment décédée, Zaha Hadid. Dans son travail, les rampes intérieures constituent elles-mêmes des œuvres d’arts qui s’imposent sur les expositions. Un autre exemple est fourni par l’architecte Daniel Libeskind, qui dans ses projets entreprend une architecture sensorielle. Le musée juif de Berlin en est la preuve. Il est considéré comme un chef-d’œuvre, grâce à l’expérience intensive et touchante que génère les parcours et son architecture extérieure. Dans l’extension du ROM (Royal Museum of Ontario) au Canada, si sa signature reste, elle change de vocabulaire puisque ce n’est plus une architecture émouvante. En effet, au travers des éléments et des formes contemporaines, son bâtiment envisage une relation entre visiteur et contexte, dans le but de valoriser les œuvres artistiques. Ses «éraflures» qui ont autant marqué le musée juif de Berlin perdent ici

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leur sens? Il en va de même pour le Guggenheim d’Abu Dhabi, où on retrouve la patte de Gehry et de ses œuvres précédentes (le Disney hall à Chicago, Le Guggenheim de Bilbao, etc.) mais où la création perd de son sens. Il la prive de son caractère provocateur, marque de la fondation pendant tous ces années, pour laisser place à la reproduction d’un « produit » efficace10. En effet, le projet, résulte selon moi d’un effet de mode, en témoigne son installation dans les émirats Arabes, qui sont devenus au cours de ces dernières années un symbole du luxe et de l’investissement touristique. Érigé sur « l’île des archistars » , la finalité du musée semble moins être la mise en valeur de la collection privée de la famille (déjà limitée à Bilbao), plutôt la mise en place d’une attraction touristique visant à attirer le plus de visiteurs en utilisant la notoriété de son nom : le Guggenheim. Un geste demandé et guidé par les lois du marketing plutôt que par l’esprit initial de la fondation : illuminer et encourager l’apprentissage de l’art11. Les trois quarts de la surface du lieu sont occupés par des laboratoires de recherche inaccessibles au public. Pour ces raisons, le Guggenheim d’Abu Dhabi interroge, outre les questions architecturales, une autre critique, au-delà des valeurs esthétiques et fonctionnelles, déjà vues à Bilbao et qui se manifestent ici encore plus. À mon avis, le Guggenheim est désormais une signature, telles que les signatures de mode Valentino, Giorgio Armani, Versace etc. Mais l’architecture est-elle une mode ou doit-on plutôt la traiter selon son contexte et sa fonction? Néanmoins, la fondation arrive encore une fois à nous laisser stupéfaites. Grâce au changement du directeur de la fondation en 200812 , on a une toute nouvelle politique d’attaque. C’est qui importe ce n’est plus la seule expansion dans le monde, plutôt une reprise de valeurs et principes qui ont caractérisé la famille Guggenheim depuis son début. On arrive donc à Helsinki. Ici plutôt que travailler sur un bâtiment-attrac-

10 De cette réflexion découle le chapitre Abu Dhabi, Gehry - Art, architecture ou business ? (voir p.117), qui me semble être la question la plus intéressante à approfondir lorsqu’on parle du phénomène d’Abu Dhabi. 11 Comme on le verra plus tard dans le chapitre dédié au Guggenheim de New York. 12 En 2008 Thomas Krens démissionne en faveur de Richard Armstrong.

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p. IX, Art in the City (Guggenheim of Helsinki).

tion, on s’installe dans un nouveau lieu, de nouveau en Europe, où la ville ellemême est porteuse de sobriété. Un nouveau choix attire l’attention, ce n’est plus une «archistar» choisie parmi les autres, mais cette fois un concours ouvert sera lancé!

Le concours est annoncé alors qu’Abu-Dhabi est encore en cours de construction, la fondation veut alors effacer cette dernière image d’une « architecture-produit » ?

© Moreau Kusunoki

Le concours très récent s’est conclu en 2015, dans les projets finalistes des bâtiments qui signent une nouvelle ère, et le projet gagnant appartient à un bureau pas très connu mais très prometteur. Je parle du bureau Moreau Kusunoki, qui s’installe à Paris. Un design frais et innovant caractérise leurs projets. Le choix à contre-courant et atypique de faire une architecture en pavillon semble avoir été décisif, un projet qui ne s’appelle pas seulement Guggenheim of Helsinki mais Arts in the city. Une nouvelle méthode de médiation culturelle a donc été décidée, fondée sur l’espace public et la participation, non plus sur une architecture sculpturale. La fondation a-t-elle compris donc la nécessité d’une nouvelle politique d’approche ?

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Le crépuscule de musées

pp. X - XI, MAXXI, Musée d’art du XXIe siècle, Rome. arch. Zaha Hadid.

Lors de la conférence «Crise du musées ou musée en crise», au palais de BOZAR, Christian Bernard, ancien directeur du MAMCO à Genève, a insisté sur le fait qu’aujourd’hui l’architecture des musées ne suit plus les besoins d’exposition, puisqu’elle résulte à présent de « gestes somptueux des politiciens et des architectes ignorants »13. À ce sujet, il a évoqué différents cas : le déjà cité MAXXI à Rome, réalisé par l’architecte Zaha Hadid, le LAMCA à Los Angeles œuvre de Peter Zumthor et notamment le Guggenheim de Bilbao réalisé par Frank O. Gehry. Pour l’ex directeur du MAMCO, ceux-ci ne sont pas des lieux adaptés pour exposer de l’art, car ils ne sont pas pensée pour ça ; rien de particulier ni de spécifique n’a été conçus pour s’adapter à l’exposition. La réflexion de l’extérieur et de l’intérieur du bâtiment est dissociée, pensée dans des temps différents. L’unique protagoniste est l’architecture qui ne laisse pas de place à autre chose. Il les définit comme des espaces d’architecture où le désir des institutions publiques est clair : l’idée du musée comme quelque chose qui attire les masses et qui amène de grands avantages économiques.

pp. XII - XIII, LAMCA, Los Angeles arch. Peter Zumthor. ©Atelier Peter Zumthor & Partner

Dans cette logique, les institution publiques poussent les architectes à travailler à toute vitesse et à réaliser chaque fois quelque chose d’extraordinaire, de spectaculaire, qui soit de plus en plus stupéfiant et qui dépasse tout ce qui a été réalisé jusqu’à présent. La fonction du bâtiment est alors souvent oubliée, le tout se confond avec l’œuvre et les bâtiments deviennent des sculptures encomiastiques14 sans laisser de place à autre chose. C’est ainsi qu’on voit apparaitres des musées, des bibliothèques, des théâtres, des logements etc. qui se ressemblent tous et dont on ne peut percevoir les activités. Le musée est alors dénaturé, affaibli, épuisé, destiné à autre chose, il ne répond plus aux exigences initiales. Frank O. Gehry, nous offre une belle illustration de signature architecturale, qui se caractérise par un travail déconstructiviste composé de dessins organiques et de formes libres et audacieuses. On peut retrouver ces éléments dans plusieurs de ses œuvres (Disney Hall, Guggenheim de Bilbao, Guggen-

13 Affirmation de l’ex directeur pendant la conférence du 4 févier 2016, BOZAR, Bruxelles. 14 Élogieuses, emphatiques.

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heim de Abu Dhabi, Lou Ruvo Brain Health Center, Vitra design Museum, Weisman Art Museum etc.). Comme Gehry, l’architecte valencien, Santiago Calatrava reproduit souvent sa signature caractérisée par des travaux stupéfiants au niveau de l’ingénierie (The PATH Terminal, ville d’art et sciences à Valence, gare Guillemain à Liège, le pont Zubizuri à Bilbao, le pont de l’Assut d’or ou le pont de l’Exposició, les deux à Valence, le pont de la musique à Rome) et par une couleur prédominante : le blanc.

p. XVI, Pont Exposició, Valencia . p. XVII, Pont de la musique, Rome. arch. Santiago Calatrava.

Tous ces travaux sont traités de la même manière et le même principe selon lequel l’architecture, entendue comme un chevauchement de formes plus étranges les unes que les autres, est la protagoniste. L’architecture, alors, abandonne la définition donnée par Vitruve, à mon avis, la plus juste, « firmitas, utilitas, venustas »15. Les gestes architecturaux auxquels les architectes, mais surtout, les villes et les gens aujourd’hui sont, trop souvent me semble-t-il, insipides, vides d’inspiration et de substance. Le métier d’architecte vient continuellement se mêler à celui d’artiste qui doit interroger le spectateur avec quelque chose d’incroyable. Il n’est plus un œil attentif et éduqué mais il suit la mode, et comme toutes les modes, il n’est pas éternel, il passe et il est oublié très vite.

p. XVIII, Walt Disney concert Hall, Los Angeles. p. XIX, Hôtel Marqués de Riscal. arch. Frank O.Gehry. © Los Angeles Philharmonic Association 15 De Architectura, le premier traité d’architecture qui nous est parvenu, composé de dix livre écrit par l’architecte romain Marc Vitruve Pollione autour le 15 a.C., et qui nous amène des informations sur les méthodes et les techniques de construction Romaines, Vitruve le dédie à l’empereur August. La citation « Haec autem ita fieri debent, ut habeatur ratio firmitatis, utilitatis, venustatis » - « Dans tous ces différents travaux, on doit avoir égard à la solidité, à l’utilité, à l’agrément »- (tr. Giulia Falasca) dp.De Architectura, Livre I,2.

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PREMIERE PARTIE : les notions


HISTOIRE

Parallèlement à son contenu et à ses visiteurs, la sémantique du mot musée a subi une profonde évolution. La définition qu’on utilise aujourd’hui est assez moderne : «Un musée est une institution permanente sans but lucratif au service

de la société et de son développement ouverte au public, qui acquiert, conserve, étudie, expose et transmet le patrimoine matériel et immatériel de l’humanité et de son environnement à des fins d’études, d’éducation et de délectation»16. ICOM Afin de la comprendre une petite digression historique s’impose.

Les muses du musée Le désir de conserver et encore plus de collectionner des objets divers a toujours fait partie de l’esprit humain comme le montrent les travaux de beaucoup de philosophes, parmi lesquels Worth, Locke, Benjamin ainsi que Freud; lui-même grand collectionneur d’œuvres antiques de la période classique. Le concept de mémoire et d’expérience est à la base de chaque type d’évolution. Dans sa théorie, Darwin soutient notamment que toute l’évolution se base sur la mémoire de l’expérience. C’est ainsi que beaucoup des philosophes se sont passionnés par ce sujet en apportant chaque fois des réflexions diverses. Si nous partons du principe que la collection est à la base de l’esprit humain, nous ne serons pas étonnés d’apprendre que les premières

16 Définition de l’ICOM qui fait référence à la communauté internationale, donne en 1951 la définition de musée, la dernière mise à jours se situe à Vienne lorsque de la 21ème conférence générale 2007. L’ICOM (international Council of museum) est créé en 1947. Cette organisation non gouvernementale sans but lucrative, en relation formelle d’association avec l’UNESCO. Elle compte 17000 membres dans 143 pays.

HISTOIRE

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collections remontent à l’époque paléolithique. Au début les objets se limitaient à des coquillages, des re-stes d’animaux et tout ce qui constituait de nouvelles découvertes ou des butins de guerre comme ce que l’on voit en Babylonie (VIIe-VIe siècle a.C.). La collection est alors pour longtemps liée au pouvoir17. Puis, les objets évoluent et deviennent des objets de vie, des objets sacrés. On voit déjà à l’époque égyptienne une forte évolution des collections, qui se concentrent sur les objets religieux, ainsi que sur des lieux de conservation. Néanmoins, c’est à l’époque hellénistique que commence à prendre forme l’idée de musée. L’étymologie du nom musée trouve son origine dans le terme grec museion (museion = temple des muses), où on reconnait le nom des divinités de l’ancienne Grèce : les Muses18. Elles étaient censées être les protectrices des arts, de la mémoire et du savoir en tant que filles de Zeus et Mnhmosunh (Mnémosyne = la mémoire). « Le goût pour le regroupement d’objets d’art remonte à la plus loin-

taine Antiil, il s’agissait de trésors relevant de préoccupations religieuses (objets cultuels ou funéraires) et auxquels le public n’avait pas accès, tandis que dans les cités et les grands sanctuaires grecs les objets précieux voués au culte des dieux étaient visibles (pinacothèque des Propylées de l’Acropole d’Athènes, trésors votifs de Delphes) »19. Cependant le terme musée est utilisé pour la première fois à Alexandrie en Egypte à l’époque hellénistique. Il se distingue de la définition qu’on lui donne aujourd’hui, en effet il ressemble davantage aux salons privés des princes du XVIIe et XVIIIe siècles. C’est le Museion (interprété comme un vrai temple des muses), érigé par les Ptolémée, princes amateurs et protecteurs des lettres20.

17 GOB André et DROUGUET Noémie, La muséologie. Histoire, développements, enjeux actuels, Armand Colin, Paris, 2006, pp. 22-23. 18 http://www.treccani.it/enciclopedia/museo_(Enciclopedia-dei-ragazzi)/ FINICELLI Loredana - «Museo» - consulté le 12/01/2016 ; http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/ mus%C3%A9e/72220 - « Musée» - consulté le 12/01/2016. 19 http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/mus%C3%A9e/72220 - «Musée» - consulté le 12/01/2016. 20 C’est la version dp. http://xn--encyclopdie-ibb.eu/index.php/logique/929124137-grammaire/7336067-MUS%C3%89E - «Musée» - consulté le 13/01/2016 , mais http://www.larousse. fr/encyclopedie/divers/mus%C3%A9e/72220 - «Musée» , le défini plutôt comme une université dirigée par des souverains mécènes.

HISTOIRE

p.22, Apollo And The Muses John Singer Sargent 1921, Néoclassicisme, huile sur toile, 283.21 x 428.62 cm. © Museum of fne arts Boston

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Pendant la journée, ils se réunissaient autour des figures érudites de l’époque, ainsi protégés de l’extérieur, ils discutaient de problèmes philologiques, politiques, philosophiques etc.21 Néanmoins, l’époque de l’antiquité classique, en passant par les Grecs, les Etrusques puis par les Romains, constitue une forte évolution de l’institution muséale. Il faut penser aux sanctuaires grecs, comme nous l’avons déjà dit, qui sont les seuls lieux d’exposition d’art au public22, aux tombes étrusques qui hébergent plusieurs objets de la vie quotidienne des défunts ; mais surtout, à l’époque romaine où l’art profane rencontre l’art sacré. À Rome, l’art n’est plus réservé aux érudits mais est au centre du quotidien de la population. Rome englobe toutes les religions et les cultures des peuples conquis, ainsi les objets constituent le patrimoine et le pouvoir des collections romaines. Dans des lieux profanes ouverts au grand public, comme les thermes, les exemples d’arts se mélangent aux activités23 qui se déroulent à l’intérieur. Un autre exemple de la rencontre de l’art profane avec l’art sacré est celui des Forums romains. Ces lieux sont caractérisés par un portique où sont exposés diverses œuvres artistiques. Il y a des cellules à chaque coin pour qu’on puisse organiser des symposiums, et on trouve à l’extrémité un temple dédié à une divinité (en rapport avec la figure de l’empereur, comme une sorte d’icône) où sont conservés les objets pour les cultes et des statues24. Les Romains introduisent aussi le concept de copies à défaut des originaux. Ils se soucient de la conservation des œuvres. Le traité de l’architecte Vitruve sur l’installation judicieuse des pinacothèques en est la preuve. Les Romains s’inquiètent de la sécurité des objets présentés et inventent la fonction de gardien25, ayant compris la valeur des œuvres exposées bien que le

21 Luigi Enrico Rossi Roberto Nicolai, Storia e testi della letteratura greca,. L’età ellenistica, p.13. 22 Art qui se manifeste à ce moment sur forme des objets voué au culte de dieux. 23 À partir du IIe siècle avant JC., les thermes sont un des lieux les plus fréquentés. Tout le monde peut y accéder même les classes les plus pauvres. Comme les bains se faisaient nus et sans problèmes d’intimité entre hommes et femmes, les thermes ont représenté pour la morale chrétienne un de symbole de promiscuité, non acceptable par l’Eglise et donc très fortement critiqué. 24 Alessandro Viscogliosi, cours Storia dell’architettura e dell’urbanistica antica e medievale, donné à l’université La Sapienza de Rome, support vidéo. 25 http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/mus%C3%A9e/72220 - «Musée».

HISTOIRE

p.24, (haut) O. Von Corven The Great Library of Alexandria The Memory of Mankind. New Castle, DE: Oak Knoll Press, 2001. (bas) Scène symposium roman, provénence inconnue. © Tolzmann, Don Heinrich, Alfred Hessel and Reuben Peiss.

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concept de classification26 ne soit pas encore assumé.

Le moyen-âge du musée À la fin de l’Empire romain d’Occident et au début du Christianisme, on assiste au déclin de l’art profane au profit de l’art religieux27. Tout commence à faire référence à la religion. Les matériaux les plus précieux et durables sont utilisés pour la construction des églises (les seuls édifices qu’il nous reste aujourd’hui de cette époque). La production d’art n’a plus qu’une seule visée : la religion. Personne ne parle la même langue, le peuple est essentiellement analphabète et personne ne parle latin, langue des Saintes Ecritures. Cela justifie une production centrée sur l’art figuratif des scènes religieuses, pour que les gens puissent comprendre des passages bibliques fondamentaux même s’ils ne les lisent pas directement. Pendant la messe, avant l’avent de San Francesco28, les membres du clergé ne sont pas visibles par le peuple. Ils sont séparé par une iconostase (ou jubé). Celles-ci sont très

26 Id. 27 À savoir : la fin de l’empire romain, avant celui d’occident et après celui d’orient, romp l’unité culturelle et linguistique qu’il y a en Europe. Quand Charlemagne arrive au pouvoir, avec son royaume immense qui se développe sur l ’ancien continent, il se trouve face à un peuple avec lequel il n’arrive pas à communiquer. Ils n’ont aucun élément en commun sinon la religion, c’est pourquoi, Charlemagne commence à se rapprocher des moines, les seuls qui arrivent à communiquer entre eux (puisque dans toutes les régions, ils sont habitués au latin), et il cherche à faire légitimer sa figure auprès de la religion chrétienne. On se rappelle le couronnement de Charlemagne la nuit de Noël à Rome, par le pape, à l’an 1000. C’est aussi ici que commencent à se mélanger le pouvoir temporel et spirituel. Dès lors, le clergé devient de plus en plus puissant et riche, des évêques sont nommés princes et sont également très aisés.dp. Alessandro Viscogliosi, cours Storia dell’architettura e dell’urbanistica antica e medievale, donné à l’université La Sapienza de Rome, support vidéo. 28 Moine italien qui vécu entre le 1100 et 1200. Il introduit une nouvelle conception de la célébration de la messe : en langue vulgaire et non en latin, où le célébrant est parmi les fidèles. Son but est que le sens de la célébration soit compris et plus seulement imaginé. Ce concept a un important succès en Italie, et l’Eglise promeut ce système pour un rapprochement des fidèles, c’est comme ça que se propagent les «ordini mendicanti» (litt. Ordres mendiants) en Italie. Cette nouvelle conception a une conséquence architecturale importante puisque les églises sont conçues comme des espaces unitaires, réalisés sur une grande hauteur des nefs latérales et un espace imprégné de lumière diffuse, plus intensif sous les voûtes. C’est le début du gothique italien.

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p.26, Les termes de Caracalla, huile sur toile, 152.3x95.3cm, 1899, appartenent à une collection privé, Lawrence Alma Tadema.

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décorées avec diverses scènes religieuses, constituant un moyen supplémentaire de renforcer l’imagination et la foi des gens, qui ne comprennent pas la messe. En effet, auparavant la compréhension de l’office religieux n’était pas primordial, seule la foi comptait. Même si de plus en plus l’art commence à concéder de «licences poétiques» comme on pourrait le voir dans l’art roman29, elle fait toujours référence à la religion. Les lieux de culte chrétiens, comme les églises et les abbayes, avec toute l’audace que demande une telle affirmation, pourraient être considérés comme les premiers musées. Ils s’approchent le plus du sens qu’on leur donne aujourd’hui : des bâtiments conservateur de l’art, où l’exposition est accessible à tous et pour tous ; même si à l’époque, le but est aussi de plier les masses à certaines doctrines et que la production d’art est aussi contrôlée dans les monastères. L’église, temple des hommes les plus érudits de cette période30, a aussi bien compris l’importance de la mémoire. C’est à elle qu’on doit la conservation des exemplaires d’arts anciens, comme le Panthéon à Rome, conservé pendant des années sous forme d’église, mais aussi des écritures qui sont retranscrites et parfois même traduites pour la conversion de la population.

Le musée moderne Pendant le début du Quattrocento, le terme musée est repris par les humanistes31 qui le définissent comme un lieu où les princes collectent et conservent tableaux et antiquités. Les collections sont plus vastes, avec des objets qui variaient selon l’intérêt et la culture des propriétaires : statues, chef-

29 Pendant la période Romane en particulier, on retrouve dans les églises des scènes bibliques, qui ont comme personnages des êtres inventés et imaginaires. La période romane se caractérise par l’implication des maçons et non des érudits dans la construction et la décoration. 30 Les moins cisterciens et clunisiens, d’ordre bénédictin, entre tous constituent un exemple explicatif de la culture. Ils mettent en pratique la doctrine de S. Benoit, « ora et labora », donc prie et travaille, puisque le travail est aussi entendu comme l’étude. C’est grâce à cet esprit que les découvertes majeures au niveau structurel du gothique ont été faites par les moines cisterciens. - dp. Alessandro Viscogliosi, cours Storia dell’architettura e dell’urbanistica antica e medievale, donné à l’université La Sapienza de Rome, support vidéo. 31 Son étymologie vient du latin : humanae litterae (disciplines propres à l’être humain). C’est un mouvement idéologique et culturel qui affirme la dignité des êtres humains. Elle se développe à partir de la Renaissance italienne (autour du XVe siècle avec pour centre Florence) et se diffuse dans toute l’Europe.

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p.28, (haut/bas), Chapiteaux de la collégiale St Pierre, Chauvigny époque roman.

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d’œuvre des artistes de l’époque encouragés par les mécénats, naturalia et mirabilia32. La possession de la collection a une finalité politique et économique, elle garantit aux princes, au clergé etc. un grand prestige par rapport à leurs contemporains et elle constitue un trésor auquel se référer en cas de nécessité. Entre le 1536 et 1543, Paolo Giovio dépose dans le palais de Médicis à Côme sa récolte d’objets magnifiques et lui donne le nom de musée, en l’honneur des Muses. À ce moment, la passion pour les arts anciens devient de plus en plus forte. L’idée de faire des voyages d’études commence à se diffuser dans toute l’Europe, avec un sentiment d’italophilie puisqu’il est le « pays-temple » des restes antiques et de la Renaissance. Au retour de ces voyages, les Kunst und Wunderkammern, (chambres de merveilles)33 commencent à se propager dans les maisons34 de tous les grands princes, mécènes et riches hommes. Cette période où les expositions se trouvent dans des maisons privées, nous montre que les richesses sont accessibles principalement aux classes les plus favorisées (dont l’une des plus connues, la maison de Lorenzo de Médicis, à la fin du XVe siècle), où les collections de tableaux occupent une place essentielle. La mise en exposition privilégie la quantité à la qualité, et le résultat en est des « murs de tableaux ». p.31, Galerie de vues de la Rome antique, Giovanni Paolo Panini, entre 1754-1757, huile sur toile.

Enfin le musée C’est au cours de la deuxième moitié du XVIe siècle qu’on voit les premières apparitions du musée dans son sens actuel, avec des classifications

32 Œuvres de la nature e de l’homme. http://www.treccani.it/enciclopedia/museo_(Enciclopedia-dei-ragazzi)/ - FINICELLI Loredana - « Museo». 33 Ces chambres se diffusent à partir du Nord de l’Europe et spécialement dans les pays germaniques, elles comprenent outre les œuvres artistiques, les objets les plus variés : coraux, fossiles, fleurs et fruits, instruments techniques et scientifiques ; auxquels on attribue souvent des pouvoirs magiques. L’une des chambres les plus connues est celle de l’empereur Rodolphe II, au château de Prague. http://www.treccani.it/enciclopedia/museo_(Enciclopedia-dei-ragazzi)/ - FINICELLI Loredana, « Museo». 34 GOB André et DROUGUET Noémie, op. cit., p. 25.

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d’objets par exemple par ordre chronologique. Avec les « Musei Capitolini » de Pape Sixte V, en 1734 et la construction du « British Museum » en 1754, les expositions commencent à abandonner leur caractère élitiste afin de privilégier la mémoire et la transmission au grand public35. Il en va de même pour l’objet des expositions, les peintures accompagnent et laissent place à différents objets, à d’autres formes de conservation et d’art. La Révolution Française signe la transformation du monde du musée, qui s’approprie finalement son sens actuel. Après la Révolution, l’ancien palais du Louvre est par exemple utilisé comme lieu d’exposition de la collection royale au grand public. L’art est déclaré public et appartenant à l’état. Il n’y a plus de distinction de classes, tout le monde a le droit d’admirer l’art produit au cours des siècles passés. Le Louvre est ouvert en 1793 avec pour but de conserver et de diffuser la connaissance du patrimoine artistique, de promouvoir l’éducation culturelle et civile des citoyens, comme l’ont suggéré les Lumières36 37.

XXe-XXIe siècle Néanmoins le musée, depuis sa naissance, n’a pas toujours trouvé l’approbation de la société. Il y a beaucoup de critiques, Quatemère de Quincy accuse notamment le musée d’avoir enlevé les œuvres de leur contexte original en dénaturant l’œuvre même. Au début du XXe siècle ce sont les futuristes38 qui accusent le musée

35 Encyclopédie Britannique. 36 http://www.treccani.it/enciclopedia/museo_(Enciclopedia-dei-ragazzi)/ - FINICELLI Loredana - « Museo». 37 Les Lumières est un mouvement politique, philosophique et culturel du XVIIIe siècle, qui né en Angleterre et trouve son paroxysme en France. Il se développe dans toute l’Europe et en Amérique. Dans ce mouvement, la raison est interprétée comme lumière, elle est l’outil dont l’homme doit se servir pour guider tous les champs du savoir et de la connaissance, pour l’amélioration de la vie de l’homme. «Sapere aude!» cit. Immanuel Kant, (Aie le courage de savoir!) dp. http://www.oilproject.org/lezione/diderot-dalembert-encyclopedie-enciclopedia-filosofia-riassunto-illuminismo-francese-10671.html - «Illuminismo» - consulté le 18/01/2016 et http://www.treccani.it/enciclopedia/tag/illuminismo/ - «Illuminismo» - consulté le 19/01/2016. 38 Le manifeste du futurisme est publié par Filippo Tommaso Marinetti, le 20 févier 1909 dans le journal Le Figaro. Le futurisme est un mouvement qui rejette la tradition et exalte le monde moderne. Les mots-clés de ce mouvement sont : vitesse, violence, modernité, futur.

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p.32, Abbaye du Thoronet, photografies N/B Lucien Hérvé (19102007) © Lucien Hérvé

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d’être le symbole du passé contre lequel ils se battent. Le poète Paul Valéry39 accuse le musée d’accumuler les œuvres les unes à côté des autres, alors que selon lui chaque œuvre doit être exposée toute seule pour avoir un rapport direct avec le spectateur40. Pendant les années 1960 c’est la critique des futuristes qui recommence à se propager. Si les raisons évoquées ne sont pas les mêmes qu’au début du siècle, le musée continue d’être vu comme quelque chose du passé, défini comme des « mausolées de l’histoire ». L’idée de sécularisation des bâtiments-musées ainsi que le processus de sacralisation des objets d’art font qu’on assiste à une désacralisation de l’art41 même. La mise en valeur des certaines œuvres amène à la pénalisation des œuvres moins connues. La mise en exposition et la cohabitation des œuvres de manière anarchique font que « le musée aurait échoué dans sa mission démocratique », en privilégiant à nouveau les idées d’une classe sociale élitiste42. Plusieurs enquêtes sociologiques43 remarquent que le musée reste une institution à fréquentation des classes privilégiées, tout du moins instruites, parce que les organisations n’ont pas suscité l’intérêt des personnes moins éduquées, des enfants etc.

39 Ambroise Paul Toussaint Jules Valéry, 1871-1945, est un poète et écrivain français. Au début, poète symboliste, il abandonne après une crise en 1892 son langage poétique et ses valeurs esthétiques en faveur d’une connaissance scientifique. 40 http://www.treccani.it/enciclopedia/museo_(Enciclopedia-dei-ragazzi)/ - FINICELLI Loredana - « Museo» 41 La sacralisation de l’art et surtout de l’artiste est un concept qui commence au romantisme. À cette période l’artiste est associé à la figure du génie, défini par Diderot comme : celui qui est capable de produire quelque chose de parlant pour tous. L’expérience artistique devient DELIGHT (un horreur délicieuse, selon Burke), la sensation la plus forte qu’un homme peut prouver, puisque liée aux deux sensations de conservation de l’âme humaine : le plaisir et la douleur. Cette sacralisation se développe toujours plus jusqu’à en arriver aux années 1960-1970 où elle devient quelque chose de ridicule. C’est la signature de l’artiste qui fait l’art, elle est devenue tellement subjective que le jugement des artistes se conserve à la critique. Beaucoup des artistes ne se trouvent pas d’accord avec cette commercialisation et dénaturation de l’art et ils commencent à créer des œuvres provocatrice, voir Duchamp, Piero Manzoni, Rauschenberg, etc. 42 http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/mus%C3%A9e/72220 - «Musée». 43 Parmi lesquelles, Laurie Hanquinet qui dans son essaie Du musée aux pratiques culturelles. Enquête sur les publics de musées d’art moderne et contemporain, décrit différents types des publics et leur comportement vers le musée. Elle opère une distinction entre différents types de publics selon leur niveau de culture : - Les cultivés classiques, Les cultivés en retrait, Les cultivés progressistes, Les Hédonistes , Les Eloignés culturels, Les amoureux de l’art

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p.34, Le manifeste du Futurisme, publié par le Figaro le 20 Février 1909.

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Aujourd’hui on assiste plutôt à une réévaluation de l’institution du musée grâce à diverses moyens de médiation culturel, des activités de plus en plus vivantes (des ateliers pour adultes et enfants) et grâce à une architecture extérieure de plus en plus spectaculaire. C’est à ce moment que débutent les critiques les plus singulières, particulièrement au niveau des réponses architecturales. L’un des plus célèbres exemples de sécularisation des musées est offert par le Guggenheim de New York, avec sa spirale au centre du réseau de Manhattan, c’est d’ici qui commence une autre histoire…celle des Guggenheim.

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L’EXPOSITION Outre que la signification du musée est important comprendre les principes technique de l’exposition. Les éléments qui constituent la mise en scène des musées ne se limitent certainement pas à la lumière, les textes et les parcours. Néanmoins dans l’impossibilité des traiter tous les nombreux aspects d’une exposition, j’ai choisi d’expliciter quelques notions de base pour faciliter la compréhension des arguments traités plus avant dans le texte.

La lumière « L’éclairage présente toujours un paradoxe : la lumière est un élément puissant, malléable et virtuellement indispensable lorsqu’il s’agit d’activer un dessin, une aquarelle ou un tableau ; mais il est aussi un élément insidieusement destructeur. Un éclairage trop faible pour offrir un minimum de visibilité peut parfaitement suffire à faner, altérer l’œuvre de quelque façon, et cela jusqu’à la détruire. Plus l’éclairage est fort, plus les dommages sont importants. Afin d’optimiser le fonctionnement d’une œuvre, il peut ainsi arriver que l’on en abrège la durée et les mesures prises pour protéger une œuvre peuvent en contrarier le fonctionnement. Car pour une œuvre d’art, comme pour un être humain, le paradoxe fondamental réside en ceci que vivre signifie mourir »44. Nelson Goodman

p.38, Pollock: A Collection Survey, 1934–1954, Exposition au MoMA de New York jusqu’au 16/03/2016.

La lumière constitue non seulement un des éléments les plus importants dans la mise en scène d’un musée, mais aussi une source de vie. Qu’elle soit naturelle ou artificielle, si elle est utilisée consciemment, elle permet de mettre en valeur les œuvres exposées. Néanmoins le travail de la lumière reste un travail très délicat, car une mauvaise exposition aux rayons solaires peut pro-

44 GOODMAN Nelson et les langages de l’art : Les Cahier du musée National d’Art moderne , p. 8.

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duire aussi des dommages non négligeables et parfois irréversibles. Les sources d’éclairages principales sont : •

La lumière naturelle, la plus dangereuse. Elle est composée de rayons ultraviolets et infrarouges ; les premiers provoquent des réactions photochimiques (variation de chromaticité, craquelage, etc.) et les seconds provoquent un échauffement des objets45.

Les lampes à incandescence, les moins dangereuses. Elles créent peu de réactions photochimiques, par contre on doit craindre les effets thermiques provoqués par les radiations infrarouges46.

Les tubes fluorescents émettent des radiations ultraviolettes plus nocives du point de vue photochimique que les lampes à incandescence. Toutefois, la dégradation photochimique est moins importante que celle causée par la lumière naturelle47.

Les paramètres d’éclairage dans un espace se regroupent en trois catégories principales : •

La lumière d’ambiance : la lumière générale qui sert à donner un caractère à une ambiance48.

La lumière de fonction : l’éclairage se fait selon la fonction à développer (par exemple la lecture, l’exposition vidéo etc.)49.

La lumière d’accentuation : l’éclairage qui sert à mettre en valeur certain points, c’est la lumière utilisée pour l’éclairage des sculptures.50

Enfin on peut nommer aussi la lumière décorative. Elle ne fait pas partie des principales catégories ci-dessus, mais on peut la mentionner puisque elle constitue une source lumineuse. Ce qui la caractérise, sont ses supports

p.40, Lumière diffuse par le dôme de la Rotunda au Guggenheim de New York, exposition: Installation view of Picasso and the Age of Iron, 1993 Photo: David M. Heald © SRGF, New York

45 RUBERT Rachelle, La lumière scénographique dans les musées, ULB-Faculté d’architecture (1996) ; pp.22-26, le mémoire ne renseigne la source. 46 Id. 47 Ibid. 48 WINCHIP Susan M., Fundamentals of Lighting, Fairchild books, (2011), pp.6-10. 49 Id. 50 Ibid.

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d’émission de lumière, des pièces décoratives qui donnent vie, parfois, à des œuvres d’art.51 Elle est très rarement utilisée dans les espaces muséaux afin de ne pas occulter les pièces exposées. Les lumières artificielles et naturelles peuvent être utilisées individuellement ou en combinaison, selon l’objet en exposition et sa nature (objet tridimensionnel ou bidimensionnel, matériaux etc.) on aura différents types d’éclairage. Nous pouvons ainsi distinguer différents types d’éclairage en fonction des sources. •

l’éclairage naturel, zénithal ou latéral. Pour l’éclairage naturel, la source lumineuse vient du haut et pénètre de façon perpendiculaire dans l’édifice. Grâce à l’aide des filtres ou d’autres dispositifs lumineux, on évite le contact direct avec les rayons ultraviolets. Elle produit une lumière diffuse et uniforme. Cette lumière est particulièrement adaptée aux éclairages des peintures et des œuvres bidimensionnelles52. C’est celle choisie dans le Guggenheim de New York par Wright (dans ce cas, la lumière descend par le dôme, sur la sommité), mais aussi dans le Guggenheim d’Helsinki à l’aide de dispositifs lumineux qui règlent l’entrée de la lumière dans les salles. L’éclairage latéral, pour sa part, à l’aide des fenêtres ou baies, est particulièrement exploité dans des musées qui veulent avoir une communication entre intérieur et extérieur.

l’éclairage artificiel d’ambiance a le même comportement que celui de la lumière zénithale naturelle, sauf qu’il est produit via des sources lumineuses artificielles, installées dans les plafonds53. C’est type d’éclairage a été préféré dans les salles d’exposition de Bilbao et d’Abu-Dhabi.

l’éclairage ponctuel au moyen de spots. C’est un éclairage produit via des sources lumineuses artificielles qui émettent une lumière ponctuelle. Cette lumière s’adapte surtout aux objets tridimension-

p.42, Représentation chromatique des lumières les plus diffuses.

51 Id. 52 GOB André, DROUGUET Noémie, op.cit., p. 139. 53 Id.

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nels, dans ce cas, les spots seront utilisés en collaboration les uns avec les autres54. C’est une lumière qui est présente dans tous les bâtiments Guggenheim, pour soutenir les lumières d’ambiances naturelles ou artificielles. •

l’éclairage des vitrines par fibres optiques est utilisé lorsqu’il y a des exigences de conservation, pour des objets qui demandent un éclairage faible55.

Il faut tenir compte que l’intensité de lumière change sa couleur et par conséquence la perception de l’œuvre exposée. Dans le cas d’une exposition est donc préférable une lumière froide, qui n’altère pas les choix chromatiques de l’artiste.

Les parcours La structuration d’un parcours constitue un des éléments essentiel pour la compréhension du discours, qui doit être accessible même sans l’aide des textes. C’est au travers du parcours que la logique et l’organisation spatiale se combinent pour construire le sens de l’exposition, tout ça au travers des diverses structures possibles, accessibles par le concepteur56. •

La structure chronologique : souvent privilégiée par les musées historiques et des beaux-arts ainsi que par des musées à caractère scientifique57.

La structure géographique : très présente dans des musées de peinture ou archéologique, recourt souvent à une classification selon la provenance d’une certaine école (école italienne, école hollandaise…) où des lieux de découverte58.

Les catégories classificatoires (taxinomies) : des classifications par ordre, genre, espèces, très souvent utilisées par des musées à caractère plus érudits (comme les musées de sciences naturelles, d’ar-

54 Ibid. 55 Ibid. 56 GOB André, DROUGUET Noémie, op.cit., p. 107. 57 GOB André, DROUGUET Noémie, op.cit., p. 108. 58 Id.

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chéologie, d’ethnographie etc.), ont eu un énorme succès au XIXe et début du XXe siècle mais sont plus rares aujourd’hui59. •

La structure selon les techniques : développée dans des musées de sciences et techniques ainsi que dans des musées de beaux-arts et d’arts appliquées60.

La structure de matériaux : une organisation qui s’adapte le mieux à tout type d’institution muséale61.

Les thèmes de la vie : classification privilégiée par les musées de sciences naturelles, d’archéologie et d’ethnographie62.

La structure selon les écoles et les mouvements artistiques : principe organisateur des musées consacrés à l’art des XIXe et XXe siècles, prévoit une classification plus générale du mouvement comme par exemple, l’impressionnisme, le romantisme, la modernité etc.63

Il y a aussi des classifications moins classiques qui sont toutefois privilégiées dans certains cas : •

La structure de confrontation : met en comparaison certaines œuvres, certains objets de différents types, réalisations et périodes64.

La structure selon les particularités locales : cherche à mettre en valeur des objets, documents ou œuvres d’intérêt local.65 C’est aussi le cas des Guggenheim de Bilbao avec une section dédiée aux artistes basques ou le Guggenheim d’Abu Dhabi qui a des salles réservées à l’exposition de l’art arabe qui sont séparées de celles consacrées à l’art occidental, jugé parfois trop audacieux pour les canons locaux.

Cependant, quel que soit le parcours, plusieurs enquêtes sociologiques ont montré que le visiteur type regarde à peine la moitié des œuvres exposées.

59 Ibid. 60 GOB André, DROUGUET Noémie, op.cit., p. 109. 61 Id. 62 Ibid. 63 Ibid. 64 Ibid. 65 Ibid.

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Pourquoi ? Souvent, les concepteurs prévoient mal la structuration de leurs discours qui semblent peu compréhensibles. Le cheminement physique du spectateur doit être concilié avec son parcours intellectuel. Le parcours doit traduire dans l’espace le programme muséographique. La conception d’un parcours doit imaginer l’exposition comme une histoire racontée au moyen de son chemin. Même si le parcours peut se montrer flottant et libre, il doit tenir une ligne générale imposée pour permettre au spectateur d’avoir un fil conducteur dans sa visite66. Divers choix sont utilisés par les musées. On peut avoir des parcours imposés où les architectes ainsi que les curateurs et scénographes pensent que l’exposition doit être vue dans un seul sens retenue le plus juste. On peut aussi avoir des parcours plus libres qui laissent une sorte de liberté au visiteur sans lui faire sentir une forme d’oppression par quelque chose d’imposé.67

Réflexions personelles

En tout cas, il faut se rappeler qu’aucun musée ne peut se détacher des choix politiques. Le fait d’exposer selon un schéma plutôt qu’un autre nous offre une vision partielle sur le contenu, forcement on n’aurait que la vision du curateur. Par exemple le petit musée juif de Bruxelles (Uccle), propose une exposition où il y a la confrontation des cultures juifs et musulmanes, mais dans ce cas, c’est tenu compte seulement des confrontations culturelles et pas de celles religieuses. Ou encore, le musée d’Hergé, à Louvain-la-Neuve, qui montre le dessinateur comme un génie absolu, c’est un exemple d’exposition tendent à la glorification de l’auteur, où il ne se fait pas référence à des aspects plus hombres de sa personnalité. C’est la même chose à Santa Clara, à Cube, où le musée de Che Guevara devient plutôt une sorte de sanctuaire, de lieu de culte qu’un musée.

p.46, Typologie des visiteurs, selon E. Véron et M. Levasseur

Toujours, lorsqu’on est confronté à une exposition il faut tenir compte qu’elle est loin d’être neutre et ce qu’on en aperçoit est le fruit d’une volonté étudiée très forte. Il faut comprendre qu’on aurait une vision partielle, c’est comme l’encadrement d’une photographie, qui préfère mettre l’accent sur un objet plutôt que sur un autre.

66 GOB André, DROUGUET Noémie, op.cit., p. 111. 67 Ces diverses stratégies seront adoptés dans les musées Guggenheim et ils seront énoncés cas par cas dans les chapitres suivants.

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Les textes « La présence des textes fait l’objet d’une querelle ouverte entre mu-

séologues. Certains affirment que les textes sont inutiles, encombrants, dirigistes, offensants et que le mieux est d’en épargner la lecture aux visiteurs. »68 La présence de textes sollicitent deux opinions, soit on les considère comme des annexes inutiles à la visite, parfois dérangeants ; soit on les considère, comme certains auteurs, parmi lesquels Sandra Sunier ou Jean Davallon, comme des parties fondamentales de la structure même de l’exposition.69 Les textes sont des éléments pensés pour l’accompagnement de la visite. Ils aident à la compréhension du sens général du parcours, en soulignent certaines thématiques et points clés. Pour qu’ils soient considérés comme des outils plutôt que comme un élément dérangeant, ils doivent être conçus en fonction du public auquel ils sont adressés : une rédaction correcte, un texte lisible et compréhensible. Plusieurs enquêtes sociologiques montrent que le visiteur ne s’arrête pas pour lire tous les textes, souvent rédigés comme des proses essentiellement composées de termes techniques; ceux-ci ne font rien d’autre qu’exclure et décourager les lecteurs. Lorsqu’un terme technique doit être utilisé, il doit être expliqué dans la mesure du possible, de la façon la plus plaisante possible70. La structure du texte doit permettre d’en comprendre le sens global même en lisant seulement quelques parties. La mise en forme des textes doit aussi constituer un point d’attention : les choix de la couleur, de la police, de la taille ainsi que de la typographie ne doivent pas être soumis qu’à des critères esthétiques.71

68 Association des amis GHR « La muséologie selon Georges Henri Rivière : cours de muséologie, textes et témoignages », Dunod, Paris, (1989), p.281 69 SUNIER Sandra, Le scénario d’une exposition, Publics&musées, 11-12, (1997), pp.195-211, DAVALLON Jean, L’exposition à l’œuvre, 1999, p.16. 70 GOB André, DROUGUET Noémie, op.cit., pp. 119-152. 71 Id.

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Les textes peuvent se présenter sous différentes formes : •

Titre, c’est un texte très court qui donne les informations de base sur une salle ou sur l’exposition. Ils jouent un rôle informatif72.

Chapeau, c’est un bref texte explicatif du titre.

Texte informatif, il donne l’argumentation générale de l’exposition. Normalement il est structuré en paragraphes sous-titrés73.

Cartel : ce sont les fameuses étiquettes qui précisent chaque œuvre, le titre l’auteur, la technique, l’année74.

Texte « pour en savoir plus », textes plus longs que les autres, qui précisent en détails le thème et le concept de l’artiste. Ce type de texte vise un public plus intéressé qui cherche volontairement des informations supplémentaires. Normalement ils se présentes sous forme de brochure et ils se trouvent en amont de la visite pour l’approfondir75.

D’autres types de texte peuvent être présents de façon plus ponctuelle dans l’exposition : •

Un texte d’introduction76

Une synthèse77

Des citations78

De plus la rédaction en plusieurs langues est souhaitée. Cela pour répondre, non seulement aux exigences de tourisme mais aussi de globalisation à laquelle on se trouve faire face.

À mon avis le texte ne devrait pas prendre trop de place dans un musée, voir pas y être du tout. Souvent les gens se concentrent sur les textes en cherchant les œuvres des auteurs le plus connus et en passant vite devant 72 Ibid. 73 Ibid. 74 Ibid. 75 Ibid. 76 Ibid. 77 Ibid. 78 Ibid.

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les autres œuvres, qui peuvent être magnifiques, mais qu’ils ne connaissent pas. Au Louvre par exemple, on ne peut pas sortir sans avoir vu la Gioconda (Joconde), alors qu’on peut passer devant à un Tiziano magnifique sans le regarder. Qu’est-ce que cela change de connaître le titre ou le nom de l’auteur ? L’art ne doit-il pas être parlant pour tous ? De plus, l’œuvre est parfois titrée « untitled – sans titre », en quoi cela nous renseigne-t-il ? Ah bon, mais c’est un Picasso…

Réflexions personelles

Imaginez maintenant de rentrer dans un musée où il n’y aurait aucun titre, où seules les œuvres seraient présentées et que l’on pourrait parcourir sans conditionnement en suivant son intérêt réel …. En jouant à se rappeler de l’auteur, ce jeu aiderai la mémoire et ramènerai l’art dans la tête de gens. Titrer, ou pire, expliquer les œuvres par des textes, revient à allumer le navigateur gps de nos voitures : nous détruisons notre capacité d’orientation, nous arrivons à connaître notre destination (qu’il s’agisse d’une ville ou d’un œuvre) mais nous manquerons le parcours qui nous permet de l’atteindre. Selon moi, et je ne suis pas la seule, le plaisir n’est pas dans la contemplation du résultat mais dans l’abandon de celui-ci via un parcours.

Les audioguides Un outil plus récent utilisé par les visiteurs des musées est l’audioguide. Cet objet est apparu au cours de ces dernières années dans le sillage de la numérisation et virtualisation qui a affecté le monde entier ainsi que l’univers muséal. Les textes et le guides traditionnels sont ainsi remplacés, en essayant de rendre la visite plus dynamique et interactive en confrontant les visiteurs à une technologie naissante.

p.51, Texte « pour en savoir plus » en différents langues, au Guggenheim de Bilbao.

Réflexions personelles

Photo: Giulia Falasca © Guggenheim Bilbao

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Pour moi, les audioguides sont des résumés stériles des cartels des œuvres mis à disposition de visiteurs souvent fainéants, qui ne veulent pas faire l’effort de lire et qui se concentrent trop sur un enregistrement qui n’ apporte rien de plus. Les Musées Guggenheim ont adoptés les audioguides et lors de ma visite du Guggenheim de Bilbao, j’ai été confrontée à une multitude de personnes qui se baladaient à la recherche du numéro d’une œuvre pour au final lui accorder une considération pour le moins limitée. C’est une visite qui perd

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à mon avis son but interactif. Quand on est dans un musée, on est de plus en plus confronté à des visiteurs qui, à la place de s’arrêter, de regarder et de contempler les œuvres, prennent des photos (en cherchant à se cacher des gardiens) et écoutent les audioguides (il m’est déjà arrivé de voir des personnes écouter la description d’une œuvre différente de celle qu’elles regardaient sans s’en rendre compte). Il n’y a alors aucune interaction avec les œuvres ou les autres visiteurs parce que ces personnes sont trop concentrées à chercher à se cacher ou à trouver le cartel indiquant le numéro à taper sur l’audioguide. C’est comme ça que l’on perd le moment, les gens sont désespérés, stressés, n’interagissent pas entre eux et la visite devient stérile.

p.52, Cartel au Guggenheim de Bilbao. p.53, Titre de Salle au Guggenheim de Bilbao. Photo: Giulia Falasca © Guggenheim Bilbao

Je trouve également dommage que les audioguides aient contribué à la lente et inexorable disparition des guides, espèce rare aujourd’hui, des personnes vraiment passionnées capables non seulement de donner des informations complémentaires comme des anecdotes, mais aussi de nous offrir une vraie interaction . Heureusement aux Guggenheim de New York et celui de Bilbao, la figure des guides n’a pas disparu. On trouve encore des gens qui veulent être guidés, profiter d’un groupe et découvrir le musée guidé par une personne. Quand par exemple on visite une ville, n’est-ce pas plus intéressant d’être guidé par quelqu’un qui connait le lieu ? Non seulement pour savoir tout, mais pour en savoir plus et vivre sa magie. La capacité du guide doit être de savoir s’adapter à son public, être chaque fois différent au fil des jours, dans le même musée.

Réflexions personelles

On oublie trop souvent que la meilleure manière d’apprendre est l’interaction, sinon l’école même n’existerait pas, les livres seraient suffisants. Donner l’opportunité aux gens de communiquer entre eux et avec le guide génère une expérience bien plus enrichissante que l’apprentissage froid et aseptique des textes et des audioguides. Veut-on vraiment confier notre apprentissage et notre temps à un discours enregistré par des voix robotiques ? Et si à l’école on n’avait plus de professeurs, mais seulement des voix enregistrées qui nous font cours tous les jours de chez nous ? Ne préfère-t-on pas un professeur qui nous explique et qui adapte le cours à chaque classe ? Mais surtout, serions-nous capables d’y arriver sans camarades avec lesquels tout partager ?

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p.54, Texte «pour en savoir plus» au Guggenheim de Bilbao, sous forme de brochure disponible à l’entrée du musée. Photo: Giulia Falasca © Guggenheim Bilbao

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La mission « Le musé doit exposer le patrimoine qu’il conserve, éduquer et provoquer du plaisir ».79 Après l’analyse des sept différentes définitions du mot Musée (Larousse Encyclopédique, Littré, Encyclopedia Britannica, Winkler Prins, Oosthoek, Brockhaus, et la définition de l’ICOM) ; toutes indiquent expressément un rôle de collection et conservation, six un rôle de présentation au public ou d’éducation de celui-ci, et cinq un rôle d’étude ou de recherche scientifique.80 La conservation, l’exposition et la recherche sont donc les éléments qui caractérisent le Musée de façon primordiale. La fonction de conservation, outre son rapport au vol, est l’élément qui permet la conservation des œuvres de la détérioration, le choix adéquat de lumière, de sonorité et hygrothermie sont donc des conditions nécessaires qui doivent être garanties aux objets en exposition ou non. La fonction d’exposition publique, comme on l’a vu dans l’histoire des musées, est une condition à laquelle on est arrivé lentement. Elle constitue la condition sine qua non le musée qui sans elle n’existerait pas. Enfin l’étude et la recherche accompagnent les deux fonctions précédentes et permettent la durabilité du musée par-delà la gestion de ses acquisitions et prêts81. Elle permet aussi les vérifications des œuvres lors des expositions temporaires pour en assurer l’intégrité à la fin d’une exposition et garantir donc la collaboration présente et future entre divers musées et/ou collectionneurs.

p.56, Audioguide, Guggenheim de Bilbao. Photo: Giulia Falasca © Guggenheim Bilbao

Dans ces bâtiments, la fondation Guggenheim cherche à regrouper ces trois fonctions du musée : l’exposition, la collection et la recherche. Surtout

79 ABOUDRAR Bruno-Nassim, Nous n’irons plus au musée, éditions Aubier, Paris (2000), pp. 19-20 80 BAUDOUIN Frans, CAHEN Lucien, DE ROO René, ROBERT-JONES Philipe, Le musée et son public-colloque organisé par le C.N.B/ICOM à l’occasion de la deuxième campagne des musées, Musée royaux des Beaux-Arts Belgique, Bruxelles, 1968 ; chapitre rédigé par CAHEN Lucien – Qu’est-ce qu’un Musée ? - p.23. 81 Ibid.

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dans les nouveaux bâtiments, après celui de New York, l’espace pour la recherche a toujours pris plus de place. Dans son musée à Abu Dhabi, deux tiers de la surface disponible sont dédiées aux centres de recherche afin de classer et d’amplifier la collection mais aussi pour coordonner le projet éducatif : un des principes de la fondation. L’importance respective des trois éléments essentiels évolue avec le temps. Pendant longtemps, la conservation accompagnée d’une présentation passive au public suffisait : le point représentatif de la notion du musée se trouvait dans la conservation. Depuis quelques décennies, ce point se déplace vers l’étude et la recherche scientifique, à mesure qu’on s’est rendu compte de la nécessité de l’étude intensive des objets conservés. En ce moment, nous sommes en présence d’une exigence nouvelle, celle de faire participer davantage le musée à l’éducation permanente et de le faire entrer toujours plus dans la vie de tous les jours du citoyen.82 Comment faire face à cette nouvelle exigence ? Aujourd’hui on distingue une nouvelle condition celle de l’animation. La fonction d’animation, la plus récente, devient fondamentale pour que les musées, particulièrement les musées d’art, viennent s’intégrer au quotidien d’une ville et de sa société. Cela se fait au travers de médiations culturelles telles que les ateliers, les visites guidées, les réserves accessibles, les manifestations, les conférences etc. De plus, les musées font appel à des activités complémentaires, il n’est pas rare aujourd’hui de voir des musées de diverses natures réunis ensemble ou possédant des auditoriums, des bibliothèques, etc. On va à la rencontre d’une tendance faite de pôles culturels et muséaux plutôt que des simples musées. C’est le cas par exemple du pôle muséal de Mons, de celui en construction à Lausanne etc.

p.58, Cartel plus indication pour les audioguides, au Guggenheim de Bilbao. Photo: Giulia Falasca © Guggenheim Bilbao

Mais pourquoi se pose-t-il la question d’amener de plus en plus gens aux musées ? Pourquoi est-il nécessaire de l’accompagner par d’autres fonctions ?

82 BAUDOUIN Frans, CAHEN Lucien, DE ROO René, ROBERT-JONES Philipe, op.cit. p.24

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Réflexions personelles

Le parcours historique, que nous avons fait, nous a appris que les musées, spécialement ceux d’arts, sont aujourd’hui réservés à une élite, des personnes cultivées capables de comprendre l’art. La plupart des gens, à cause d’une sacralisation83 de l’art se sentent découragés et s’éloignent des musées pour lesquels ils ne se sentent pas visés. Mais les musées ne peuvent pas s’adresser qu’à une élite, puisque ils ont un but éducatif et démocratique. Cela impose de s’adresser à tout le monde et cela justifie le fait de rendre accessible l’art. La vie du musée doit donc se réinventer. Le phénomène de sacralisation est désormais implanté dans la tête des gens, par conséquent un retour aux origines s’impose. Ainsi, il est nécessaire que les musées intègrent des activités jugées plus populaires, auxquelles les potentiels visiteurs peuvent s’identifier. C’est donc une manière de retenir l’attention, en arrivant par ce biais à réussir là où l’art a échoué. Comment les Guggenheim ont répondu à cette nécessité ? Quelles sont les médiations culturelles qu’ils ont adoptées ?

p.61, Puppy, Jeff Koons, à l’entrée du Guggenheim de Bilbao. Photo: Giulia Falasca

New York et Bilbao se distinguent de ses héritiers. Ici l’architecture est manifeste. On va au Guggenheim pour connaître le bâtiment, et une fois rentré on est curieux de voir ce qu’il y a dedans. Dans ces deux bâtiments ce qui semble faire la vitrine, donc la carotte, est l’exposition des noms très connus qui rapprochent encore les gens des musées. J’ai remarqué par exemple lors de ma visite à Bilbao que la salle d’Andy Warhol, une des salles les plus grandes du musée, était pleine ! Il en va de même de l’exposition des œuvres à l’extérieur qui est gratuite (Maman, Puppy etc.), où les gens devant Maman de Louise Bourgeois faisaient la file pour prendre des photos. Néanmoins, une sorte de numérisation du musée est nécessaire et lorsqu’on visite les Guggenheim on a, par exemple, des audioguides inclus dans le prix. Les réseaux sociaux, comme Facebook ou Twitter, confirment aussi ce passage. On reçoit des mises à jour des expositions presque une fois par jour et on a la possibilité de voir des photos de mises en scène. À Abu Dhabi, le problème est différent, on se pose pas la question, l’archi-

83 voir p. 35.

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tecture et son contexte semblent être les valeurs porteuses de cette médiation culturelle.84 Le cas d’Helsinki est intéressant car contrairement à Abu Dhabi, il ne s’installe pas dans une ville connue pour son tourisme. De plus, la temporalité n’est certainement pas celle de New York ou Bilbao, quand on allait encore aux musées. La clé ici est basée sur la participation au musée. Le projet en soi qui prend le nom d’Art in the city est porteur de ce concept, celui de concevoir le musée comme un espace de vie et de rencontres. La fonction de musée semble un accompagnement à la construction de l’espace public, où sont présentées des activités complémentaires, telles que l’auditorium, un port terminal, une bibliothèque etc. Et, comme l’ont déclaré les architectes, il y aura également une salle vitrine, dans laquelle on prévoit d’exposer des grandes signatures d’art pour attirer les gens.

p.63, Exemple de médiation culturelle par moyen des reseaux sociaux dans une de salles d’exposition du Guggenheim de Bilbao. Photo: Giulia Falasca © Guggenheim Bilbao

84 L’approche d’Abu Dhabi sera approfondie dans le chapitre Abu Dhabi, Gehry - Art, architecture ou business ? ; voir p.117

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HISTOIRE


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New York, WRIGHT « L’architecture, pas seulement comme forme émanant de la fonction,

mais conçue en tant qu’espace enclos. L’espace enclos pourrait être considéré désormais comme la réalité du bâtiment. Le sens du dedans, ou l’espace de l’intérieur, voilà quo singularise l’architecture par rapport à la sculpture ou à la peinture. Le bâtiment devient une création d’un espace-intérieur en lumière »85 Frank Lloyd Wright

Le musée d’une collection Solomon Robert Guggenheim est né en 1861 à Philadelphie, il est le fils le de Meyer Guggenheim. Il appartient à une famille bourgeoise qui a fait fortune grâce aux exploitations minières, et aux fonderies dans le Nord des Etats Unis, au Mexique, au Chili ainsi que dans des autres lieux miniers du monde. Dès son enfance, il reçoit une éducation humaniste et artistique, ce qui définitra sa personnalité d’amateur d’art. Pendant les années 1930, fortement influencé par les mouvements contemporains, il commence à transformer sa passion en collection, à partir des œuvres des grands maîtres comme Kandinsky, Modigliani, Paul Klee et Chagall.

p.64, Guggenheim of New York, vue du bas. Photo: David Heald © SRGF

Durant la période où sa collection prend forme, il expose en permanence dans sa suite à l’hôtel Plaza de New York, puisque le nombre de pièces qu’il possède offre la possibilité d’organiser des expositions publiques. En 1937, il donne vie à la « Fondation Solomon R. Guggenheim pour la

85 WRIGHT F.L., In the Realm of Ideas, conference de 1931 à l’art institute of Chicago, in Pfeiffer (dir.), Frank Lloyd Wright Collected Writings, vol. 2, p. 89.

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promotion et l’encouragement de l’art » qui envisage d’aider le public à se rapprocher de l’art et à sa compréhension. Solomon en est le premier président et la baronne Hilla Rebay86 la première curatrice. Après la constitution de sa fondation et l’expansion de sa collection privée, qui est désormais extrêmement vaste, il commence à imaginer un lieu plus adapté pour ses expositions où les œuvres peuvent être toutes admirées et où les visiteurs peuvent en profiter au mieux. En 1938, Peggy Guggenheim commence à collaborer avec son oncle. C’est elle qui élargit les achats de la collection vers des œuvres surréalistes et abstraites. Après une période passée à Paris avec son mari, elle se rapproche de la culture bohème qui lui fait connaître et se lier d’amitiés avec quelques artistes des avant-gardes européennes, comme Marcel Duchamp, Man Ray, Constantin Brâncuși. Toutefois, sa collaboration avec la fondation n’est pas toute suite acceptée et diverses années passent avant que l’on comprenne et apprécie son esprit avant-gardiste. Son travail avec Hilla Rebay amène Solomon à concrétiser son imagination et ils commencent à chercher un lieu sur mesure pour exposer sa collection. Ils tombent sur un ancien showroom dans le cœur de Manhattan, aux numéros 24 et 54 de l’East Street, qu’ils louent pour expérimenter l’idée d’un bâtiment pour la collection. Sous la direction de Hilla Rebay, le bâtiment se caractérise par une scénographie de murs gris et d’une moquette au sol de la même couleur ; de la musique classique et de l’encens qui accompagnent la visite du temple de la « non-objectivity painting »87.

p.66, Museum of non-objective painting, intérieur.

Le musée connait un énorme succès et Hilla Rebay est la première à en assumer le rôle de directrice. Elle fait publier un catalogue illustré avec des essais didactiques sur les principes et les buts de la non-figuration. Ses textes révèlent une obsession pour la métaphysique et une croyance implicite en

86 La baronne Hilldegard (Hilla) Rebay von Ehrenwiesen (1890-1967) était une artiste allemande, qui avait voyagé en France et Italie, pour se transférer en 1927 aux Étas-Unis, à New York. Ici elle rencontre Solomon Robert Guggenheim et il commence sa collaboration/amitié avec lui. 87 « peinture de la non-objectivité »

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l’évolution téléologique88 de l’histoire et de la culture.

p.69, (à partir de gauche) Solomon R. Guggenheim, Hilla Rebay, Frank Lloyd Wright, en 1943.

En juin 1943, Frank Lloyd Wright reçoit une lettre de Hilla Rebay qui lui demande de dessiner un nouveau bâtiment pour héberger «Le musée Guggenheim de la peinture non-objective». «Potrebbe venire a New York per discutere con me di un edificio per la nostra collezione di quadri non-oggettivi?»89 Hilla Rebay 1 juin 1943. L’objectif est de créer un espace capable de générer une relation entre art et architecture, comme le souligne Hilla Rebay dans un de ses courriers à Wright : « I feel each of these great masterpieces should be organized into space and only you so it seems to me would test the possibilities to do so »90 Ou encore: «…ognuno di questi grandi capolavori dovrebbe essere organizzato

nello spazio poiché (essi) sono ordine, creano ordine e sono sensibili allo spazio che li ospita »91

88 Téléologie: étude des fins, de la finalité dp. Larousse dictionnaire français. 89 « Pourriez-vous venir à New York pour discuter avec moi d’un bâtiment pour notre collection des peintures non-objetcives ? ». dp. Casabella, vol.783, novembre 2009, p.5; (tr. Giulia Falasca). 90 « Je sens que chacun de ces grands chefs-d’œuvre devraient être organisés dans l’espace et vous seul, il me semble, permettrait de tester les possibilités de le faire » GÖSSEL Peter et LEUTHÄUSER Gabriele, Frank Lloyd Wright, Bruces Brook Pfeiffer, Allemagne (1994), p. 151 (tr. Giulia Falasca). «…chacune de ces œuvres devrait être organisée dans l’espace puisque ils sont ordre, ils créent l’ordre et ils sont sensibles à l’espace qui les héberge», dp. - http://www.inexhibit.com/it/ case-studies/una-rivoluzione-americana-guggenheim-wright/ - «Il Guggenheim, una rivoluzione Americana » - consulté le 19/02/2016; (tr. Giulia Falasca). 91 «…chacune de ces œuvres devrait être organisée dans l’espace puisque ils sont ordre, ils créent l’ordre et ils sont sensibles à l’espace qui les héberge», dp. - http://www.inexhibit.com/it/ case-studies/una-rivoluzione-americana-guggenheim-wright/ - «Il Guggenheim, una rivoluzione Americana » - consulté le 19/02/2016; (tr. Giulia Falasca).

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Le musée doit héberger une grande quantité d’œuvres92 réalisées par les plus importants artistes contemporains : Vassilij, Kandinskij, Marc Chagall, Pablo Picasso, Paul Klee e Joan Miró.

La solution de Wright Le premier problème se pose avec le choix du site. Wright n’apprécie pas la ville de New York, et dans un de ses échanges épistolaires en 1949, Wright écrit à Arthur Holden, un des clients, on peut lire: «I can think of several more desirable places in the world to build his great museum, but we will have to try New York »93.

Selon Wright, la ville est sur-bâtie, surpeuplée, et manque de valeur archi-

92 Collection qui est devenue de plus en plus vaste grâce aussi à plusieurs donations et aux acquisitions de la famille Guggenheim, en particulier par Peggy. Un exemple de donation est 1976, quand Justin K. Tannhauser (lui sera intitulé la salle d’exposition au rez-de-chaussé, voir p. 80), donne à la fondation sa riche collection des peintures impressionnistes et postimpressionistes comme : Cézanne, Degas, Gauguin, Manet, Picasso, Toulouse-Lautrec, Van Gogh. Le musée compte aujourd’hui plus de 5000 œuvres. 93 « Je peux penser à plusieurs endroits les plus désirables du monde pour construire son grand musée, mais nous devrons essayer New York » dp.- http://www.guggenheim.org/thefrank-lloyd-wright-building - «The Frank Lloyd Wright building » - consulté le 19/02/2016; (tr. par Giulia Falasca).

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tecturale. Pourtant, il procède aux souhaits de son client, prenant en compte plusieurs adresses : 36th Street, 54th Street et Park Avenue (tous à Manhattan), ainsi que dans la section Riverdale du Bronx, avant de se fixer sur le site de la Cinquième Avenue, entre les 88e et 89e Street94. La proximité avec Central Park est fondamentale dans ce choix. Proche de la nature, élément essentiel pour ces projets, le parc permet de respirer face au bruit et à la congestion de la ville. La Nature amène l’architecte à son inspiration95. Pour Wright, le Guggenheim représente un grand défi : amener une architecture organique au centre d’une des plus grandes métropoles du monde, au milieu d’énormes gratteciels. Le concept du bâtiment est probablement la suite d’un ancien projet de Wright non réalisé ; le Gordon Strong Automobile Objetcive. On y retrouve le concept de la spirale, le projet est une structure panoramique où les visiteurs rejoignent le sommet au travers d’une énorme rampe à spirale. La conception du projet pour le Guggenheim n’est pas facile. Wright, au début, n’a pas une idée précise. Il réalise quatre versions initiales du bâtiment. Les quatre versions présentent un plan centré, mais trois sont circulaires et un hexagonal. Un doute persiste également concernant l’aspect volumétrique qui aurait dû être horizontal ou vertical. Les choix chromatiques non plus sont définis. Outre les incertitudes de l’architecte, ses clients96 au début ne sont pas enchantés par la conception muséographique de Wright. Ils veulent un musée qui se reprend plus les canons traditionnels et ils ne croient pas trop aux idées avant-gardistes de l’architecte. L’intention de Wright, est, en effet, de créer un musée différent des autres. Il renonce à l’approche classique de la conception des musées, qui conduit les visiteurs au travers une série de pièces commu-

p.70, Projet pour l’ «Automobile Objective and Planetarium», (Gordon Strong Automobile Objetcive). Sugar Loaf Mountain, Maryland, 1924.

94 L’adresse exacte est le n°1071 de la 5th avenue, New York. 95 dp.- http://www.guggenheim.org/the-frank-lloyd-wright-building - «The Frank Lloyd Wright building » - consulté le 23/02/2016; (tr.par Giulia Falasca). 96 Sauf Solomon Guggenheim qui serait un grand souteneur de l’idée de Wright jusqu’à sa mort.

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nicantes. Sa volonté est plutôt de réaliser une structure moderne où le visiteur peut avoir un accès immédiat aux œuvres. Ces raisons, outre quelques problèmes de permis de construire et de financement, à cause de l’inflation après la guerre, ont ralenti le début des travaux. Ils ne commencent que 13 ans après le premier échange épistolaire, en 194397. Le musée est ouvert au public le 21 octobre 1959, mais ni Wright ni Guggenheim n’en voient l’inauguration98. Le projet final dévoile un bâtiment de six étages composé de cercles concentriques, où les salles d’exposition sont disposées en rayon autour d’un espace central vide. À l’extérieur, il se présente sous forme d’une Ziggurat99 inversée, que Wright appelait souvent taruggiz (ziggurat lu à l’envers). Son bâtiment est aussi souvent comparé à un coquillage ou un ressort prêt à s’élancer vers le ciel100. L’aspect du bâtiment s’impose entre les gratte-ciels qui enveloppent le musée. Il se présente comme une construction qui ne se confond pas avec son environnement presque homogène : il est blanc et relativement bas. La courbe est sûrement un élément dominant. Néanmoins les diverses parties du musée sont le fruit d’une collaboration complexe de lignes et de formes géométriques multiples. On reconnait des triangles, des cercles, des arches et des carrés. Tout ce travail formel est voué à conduire l’observateur au travers d’un espace continue et harmonieux101. Structurellement le bâtiment fonctionne avec une rampe qui monte en spirale en suivant un plan circulaire. Dans la partie extérieure de la rampe, on retrouve l’espace d’exposition, qui est soutenu par des murs porteurs en béton armé. Ceux-ci sont positionnés à une distance qui correspond à un angle de

97 Le 16 août 1956, on ouvre le sol et les travaux de construction commencent. 98 Wright meure le 9 avril 1959, quelques mois avant le vernissage du musée ; Guggenheim le 3 novembre 1949 il lui succède Harry Guggenheim, qui portera à accomplissement l’œuvre. 99 Un temple pyramidal étagé ou enroulement, d’origine babylonienne. Wright c’était déjà inspiré à ce type d’architecture pendant les années 1920. 100 http://www.ovo.com/museo-guggenheim-new-york/ - « Museo Guggenheim di New York» - consulté le 27/02/2016. 101 http://www.archidiap.com/opera/guggenheim-museum/ - « Guggenheim Museum Frank Lloyd Wright» - consulté le 27/02/2016.

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30° de la circonférence principale de la spirale. Dans la partie intérieure, se situe la rampe de distribution. Sur le tous les murs porteurs sont prolongés pour former la structure du dôme102. Wright conçoit un parcours obligé : après avoir traversé le hall, le visiteur prend un ascenseur qui le monte au sommet du bâtiment à partir duquel il peut commencer sa visite en descente. « Quand on lui demande pourquoi il a choisi la rampe au lieu des plan-

chers plats traditionnels, Wright répond qu’il croit que le visiteur du musée trouverait bien plus pratique d’entrer dans le bâtiment, prendre l’ascenseur jusqu’à la rampe supérieure, de redescendre petit à petit la rampe qui domine une cour ouverte, d’avoir toujours la possibilité de prendre l’ascenseur, vu que la rampe conduit à celui-ci à chaque niveau, pour remonter ou pour descendre aux niveaux inférieurs, et de se trouver finalement, au terme de la visite, au rez-de-chaussée près de la sortie. Wright ajoute que dans de nombreux musées traditionnels, le public doit traverser de longues galeries et refaire le chemin parcouru simplement pour retrouver le point de départ et quitter le musée »103.

pp.72-73, Essaies pour le Guggenheim de New York, Frank Lloyd Wright. Ici c’est évident comment les choix formels et chromatiques sont évolués dans le temps.

Le parcours de circulation et de visite ne se différencient pas, comme dans la composition traditionnelle des musées mais ils s’unifient pour créer une narration homogène et linéaire. Avec ce choix, Wright souhaite que la proximité entre les œuvres et les visiteurs renforce l’échelle humaine et le sentiment de sécurité. Toute la visite se fait autour de la «Rotunda», ce concept permet au visiteur de ne jamais se perdre. L’architecture offre une vision globale de l’espace afin qu’il puisse savoir où il est et où il se dirige. L’éclairage naturel est la clé du projet de Wright. Au travers du grand dôme qui s’installe au centre de la spirale, Wright arrive à garantir une ambiance agréable grâce à la lumière naturelle diffuse. Des fenêtres en bandeau disposées tout au long de la spirale à chaque étage, garantissent l’éclairage de chaque œuvre. La collaboration entre la lumière

102 On y retrouve le même principe des voûtes avec nervures introduit par l’architecture gothique. 103 GÖSSEL Peter et LEUTHÄUSER Gabriele, op.cit., p. 151.

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diffuse qui vient du haut et la lumière transversale, est le résultat d’une minutieuse recherche de Wright sur l’éclairage du bâtiment. Son choix résulte de sa définition de l’éclairage artificiel comme « non-honnête ». Dans une lettre à Sweeney104 en 1955, il fait part de son opinion par rapport à l’éclairage artificiel: «Una persona ragionevole dovrebbe convenire che ogni immagine pre-

sentata con un’illuminazione immobile è solo un’immagine immobile! Se questa immobilità rappresenta una condizione ideale allora anche la morte è uno stato ideale per l’umanità. Un obitorio!»105. Cependant, un système d’illumination artificielle sera introduit pour éclairer les œuvres de façon appropriée contre tous les conditions.

Les critiques Le concept révolutionnaire voulu par Wright a engendré diverses critiques, positives et négatives, même avant sa construction. En 1946, lorsque la construction du bâtiment semble imminente, un modèle est présenté aux membres de la presse. Life Magazine publie un article intitulé : « New Art Museum will be New York’s strangest building ». Cet article rend la structure cylindrique du musée célèbre bien avant sa construction.

p.77, Plan, coupe, élévation, définitives du Guggenheim de New York.

En 1952, Philip Johnson, directeur du département d’architecture et design du MOMA, exprime son intérêt pour le musée Guggenheim à Wright. Il lui propose de mettre sur pied une exposition portant sur l’esthétique du musée, qui est d’un grand intérêt pour le public. Bien que Wright soit d’accord, l’exposition n’est jamais mise en place. Le public doit attendre sept ans de plus pour que la construction de l’édifice soit terminée.

104 James Sweeney devient le nouveau directeur du musée après la démission de Hilla Rebay en 1952. Sweeney a toujours un rapport tendu avec Wright. 105 « Une personne raisonnable devrait convenir sur le fait que chaque image présentée avec une illumination immobile est seulement une image immobile. Si cette immobilité représente une condition idéale, alors c’est aussi que la mort est un état idéal pour l’humanité. C’est une morgue!» dp. - http://www.inexhibit.com/it/case-studies/una-rivoluzione-americana-guggenheim-wright/ - «Il Guggenheim, una rivoluzione Americana » - consulté le 03/03/2016; (tr. Giulia Falasca).

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Dès lors, un problème ne tarde pas à se manifester, puisque le musée ne présente pas de sols plats, à l’exception de l’entrée principale. Les murs ne sont pas perpendiculaires au sol et la hauteur réduite au niveau des rampes ne permettent pas l’exposition de grandes œuvres. De plus, beaucoup des artistes de l’époque ont peur que l’architecture du musée soit trop présente et qu’elle puisse être un élément de distraction par rapport à leurs œuvres. Dans une lettre à Sweeney, 32 artistes parmi lesquels De Kooning et Motherwell, expriment leur point de vue négatif, puisqu’ils jugent l’espace d’exposition non adapté.

«L’idea di esporre dipinti e sculture in un ambiente curvilineo ed in pendenza indica un irrispettoso disprezzo per l’imprescindibile contesto lineare indispensabile ad una adeguata contemplazione visiva delle opere d’arte»106. Wright répondra : « Pourquoi croyez-vous que les murs du musée Solomon R. Guggen-

heim sont légèrement inclinés vers l’extérieur ? Parce que le fondateur et son architecte pensent que les tableaux accrochés à des murs s’inclinant légèrement vers l’arrière bénéficient d’une meilleure perspective et sont mieux éclairés que s’ils sont placés droits comme des piquets. Ceci est la caractéristique principale de notre bâtiment et c’est en se basant sur cette hypothèse que le musée est construit. Cette idée est nouvelle mais elle est juste. C’est une idée qui peut servir de précédent de grande valeur »107.

p.78, Vue du dôme. © Guggenheim New York

Le geste de Wright demande une approche muséographique innovante. Un exemple intéressant est lié à l’exposition de sculptures. Comme l’espace d’exposition est incliné et les murs qui le définissent ne sont pas perpendicu-

106 « L’idée d’exposer peintures et sculptures dans une ambiance curviligne et en pente est indice d’un mépris irrespectueux pour l’essentiel contexte linéaire indispensable à une contemplation visuel adéquate des œuvres d’art » dp. - http://www.inexhibit.com/it/case-studies/ una-rivoluzione-americana-guggenheim-wright/ - «Il Guggenheim, una rivoluzione Americana» - consulté le 03/03/2016; (tr. Giulia Falasca). 107 GÖSSEL Peter et LEUTHÄUSER Gabriele, op.cit., p. 151.

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p.81, Solomon R. Guggenheim of New York. © Guggenheim New York

laires, deux solutions sont possibles : suivre l’inclinaison de la rampe ou les exposer verticalement à l’aide des plateformes réglables. L’expérience démontre que l’architecture du lieu crée une illusion d’optique : les œuvres, résultent inclinées de manière fastidieuse pour l’observateur. Le directeur Thomas M. Messer108, trouve une solution au travers d’un support technique incliné qui corrige ce défaut d’optique109. En 1992, une extension du musée est réalisée. Le projet est confié au bureau Gwathmey Siegel & Associates. Le concept suit des anciens dessins de Wright. L’extension prévoit une tour de huit étages à base rectangulaire à côté du bâtiment originel, la Tower Gallery110. Cette extension permet d’élargir la surface d’exposition et d’avoir une présentation des salles d’exposition plus traditionnelles, pour permettre la mise en scène des peintures, des sculptures et des installations de plus grandes dimensions111. Cette solution avec des espaces plus traditionnels répond mieux aux exigences artistiques. Mais l’extension ne manque pas de déclencher des polémiques. Cette nouvelle construction semble en effet avoir altéré l’identité du bâtiment112.

108 Thomas M. Messer devient directeur à la démission de Sweeney, en 1959. 109 http://www.inexhibit.com/it/case-studies/una-rivoluzione-americana-guggenheim-wright/ - «Il Guggenheim, una rivoluzione Americana » - consulté le 03/03/2016. La plus part des œuvres doit être installé sur des murs du périmètre inclinés au travers des barres métalliques spéciales. 110 Elle a été dédié à Tannauser (Voir note 92). 111 En 1965, le deuxième étage de l’immeuble a été rénové pour afficher la croissance de la collection permanente du musée, et à la restauration du musée en 1990-92, il a été remis entièrement à l’espace d’exposition et rebaptise l’édifice Tannhauser en l’honneur de l’un des legs importants au musée. Dans le cadre de la restauration, en 1968 une tour bureau / art-stockage a été remplacé par la structure actuelle, conçue par Gwathmey Siegel and Associates Architects, LLC. Cette tour offre quatre salles d’exposition supplémentaires et, trentecinq ans après le début de la construction, elle achève le concept de Wright pour le musée. En 2001, le Centre Sackler pour l’éducation artistique ouvre au public. Situé juste au-dessous de la rotonde, cet établissement d’enseignement de 8,200 pieds carrés (761,8 mètres carrés) comprend Peter B. Lewis Theater, une partie de la conception architecturale originale de Frank Lloyd Wright pour le bâtiment. C’est la version dp. http://www.guggenheim.org/the-frank-lloydwright-building - «The Frank Lloyd Wright building » - consulté le 19/02/2016. 112 http://www.sapere.it/enciclopedia/Guggenheim.html Guggenheim - consulté le 05/03/2016.

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Conclusions intérmediaires

p.83, Photogramme dp. le film Manhattan, Woody Allen, scène à la minute 2:01.

Le bâtiment de Wright présente quelque chose de nouveau, d’audacieux, et comme tout changement, il n’est pas toute suite bien accueilli dans un monde fossilisé comme peut-être celui de l’art et de l’architecture.

Réflexions personelles

Certainement il est trop facile de parler et de critiquer maintenant quelque chose qui est loin d’être contemporain. En tout cas, personnellement je pense que la forme, l’élément le plus critiqué, est un choix audacieux et juste, où on reconnait tout de suite le caractère de l’architecte. Ce n’est pas un bâtiment qui correspond à une signature, mais plutôt à un style et un principe, celui d’une architecture organique, qui a accompagné Wright durant toute sa vie. Néanmoins, il reste unique dans son genre et c’est ça qui en fait un œuvre exceptionnelle. Cela peut paraître naïf de ma part, mais cette attitude est justifiée par mon statut d’étudiante, où je suis encore stupéfaite par l’architecture, la réalisation de formes extraordinaires comme celles-ci, surtout à une époque si loin de la mienne.

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Ce n’est pas une admiration stérile mais plutôt une appréciation de l’audace et de l’aisance de l’architecte d’aller à contre-courant, de s’imposer et de critiquer directement le monde de l’art, ses collègues ainsi que ses clients. C’est surtout ça et l’affirmation d’un nouveau système d’exposition, qui est loin de se définir comme idéal, comme le prétend le White Cube pour exemple, qui génère l’intérêt et l’admiration.

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Bilbao, GHERY « I have been fortunate to have had support from living painters and sculptors. I have never felt that what artists are doing is very different. I have always felt there is a moment of truth when you decide: what color, what size, what composition? How get to that moment of truth is different and the result is different.

p.84, Détail Guggenheim Bilbao, maquette.

Solving all the functional problems is an intellectual exercise. That is a different part of my brain. It’s not less important, it’s just different. And I make a value out of solving all those problems, dealing with the context and the client and finding my moment of truth after I understand the problem. »113 Frank O. Gehry

La collection en Europe Pour favoriser la reprise économique, après l’effondrement de leur secteur industriel pendant les années 1980, les institutions basques contactent la fondation Guggenheim pour construire un nouveau musée d’art contemporain. Ce projet doit améliorer la situation socio-économique du Pays Basque et lui donner la vitrine culturelle qu’il n’a pas encore. En février 1991 se tient la premier rencontre avec le directeur de la fondation, Thomas Krens114. Celui-ci se montre rapidement sensible et enthousiaste par rapport à ce nouveau projet et dès la première rencontre, il signe avec les institutions basques des contrats. Six mois plus tard, le site et l’architecte sont définis.

113 « J’ai eu la chance d’avoir le soutien de peintres et sculpteurs vivants. Je n’ai jamais ressenti ce que font les artistes comme quelque chose de très différent. J’ai toujours senti qu’il y a un moment de vérité où on décide : quel couleur, quelle taille, quelle composition ? Comment saisir ce moment de vérité différent où le résultat est diffèrent. Résoudre les problèmes de fonctionnalité est un exercice intellectuel. C’est une autre partie de mon cerveau. Ce n’est pas moins important, c’est différent. J’ai à cœur de résoudre tous ces problèmes, le traitement, le contexte et le client et de trouver mon moment de vérité, après, je comprends le problème. » dp. Futagawa, ed., GA Architect 10, p.174 (tr. Giulia Falasca). 114 Tom Krens succède à Thomas M. Messer et il a était le directeur de la fondation Solomon R. Guggenheim, depuis 1988 jusqu’au 2008. Le directeur, quelques années avant avait déjà essayé d’amener la fondation en Europe, à Salzburg, sans y arriver.

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Réflexions personelles

Il s’agit de la zone de la ria, un bras de mer qui pénètre dans l’estuaire du fleuve Nerviòn qui était auparavant principalement occupé par des infrastructures industrielles et logistiques. Les instituions basques veulent réinvestir cette zone sinistrée.

Personnellement, le fait de requalifier la zone industrielle, symbole de l’économie basque, et de la remplacer par une institution culturelle, une nouvelle économie, est une très bonne idée. Car elle cherche à réutiliser les sources existantes au lieu de choisir une nouvelle adresse et de laisser mourir ce côté de la ville. Le site est le fruit d’une recherche attentive de la part du directeur de la fondation Guggenheim et de Frank Gehry115. Pendant la visite à Bilbao, Krens trace un triangle géoculturel, ses sommets correspondent à l’université de Deusto, le musée des beaux-arts et le théâtre Arriaga. Le musée doit se trouver dans ce triangle et il constitue la liaison entre la ville et le fleuve. Le choix de l’architecte s’est fait en quelques semaines via un concours international fermé auquel participent Frank Gehry, Arata Isozaki et le bureau Coop Himmelb(I)au. Le projet de Gehry est retenu, car il correspond parfaitement aux objectifs préfixés pour la reprise de la ville. Le choix du site et de l’architecte se révèlent donc fondamentaux, et quelques années après sa construction, le musée Guggenheim provoque effectivement une reprise économique et culturelle, le « phénomène Bilbao ». Celle-ci a en effet stimulé d’autres architectes à travailler dans la ville par petites touches qui contribuent à faire de la ville une des capitales culturelles de l’Europe.

Le projet de Bilbao est un choix gagnant et très intelligent ; en agissant activement le gouvernement n’a pas augmenté la pression fiscale pour faire face aux problèmes économiques (solution souvent privilégiée). Au contraire, via des investissements réussis, il a su valoriser l’un des points faibles de

115 Au début Gehry n’est pas encore l’architecte choisi, il accompagne Thomas Krens à Bilbao comme consultant pour la fondation.

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la ville à l’époque : le tourisme. Le choix s’est révélé génial et visionnaire puisque le Pays Basque n’était pas l’une des destinations privilégiées par les voyageurs qui cherchaient un élément attractif. De plus, la finesse a été de ne pas créer de parcs d’attraction, pour attirer les gens et l’argent, mais l’investissement dans la culture, ceci permettant un retour très fort pour la société, à la fois pour celle liée au tourisme que l’autochtone.

Les choix de Gehry « Pour moi le vocabulaire de la sculpture est aussi le vocabulaire de la ville »116. C’est comme ça que Gehry justifie son travail par rapport à l’idée que le musée doit être partie intégrante de la ville. Le projet s’installe sur un site de 32 500 mètres carrés et une surface d’exposition d’environ 10 000 mètres carrés distribués sur 20 salles et trois étages. Juste après la première rencontre de Gehry avec les institutions basques, l’inspiration l’envahit. Rentré à son hôtel, il commence les premières esquisses sur un papier à lettres qui se trouve dans sa chambre. Le musée y apparait comme un flux continu, où les surfaces curvilignes se chevauchent entre elles. Tout cela résulte de la méthode de dessin de Gehry où sa main ne se lève pas de la feuille en cherchant à déconnecter son cerveau de ses mains :

« C’est ainsi que je dessine et je pense à mon projet et je laisse aller mon stylo, que je réfléchis à ce que je fais, mais pas à ce que font mes mains ; comme si je tâtonnais en cherchant mon chemin dans le noir, tout en sachant que je vais trouver quelque chose. Je deviens voyeur de mes projets tandis qu’ils prennent forme sous mes doigts et je m’interroge sur leur évolution. Parfois je me dis : voilà j’y suis, ça vient, c’est dans ce sens-là qu’il faut aller, et je suis tout excité. Je suis toujours fasciné de voir comment j’arrive à ces lignes sans presque le vouloir. »117 116 Frank O. Gehry, citation de la guide, lorsque la visite au Guggenheim de Bilbao, le 9/04/2016. 117 Frank O. Gehry, citation de la guide, lorsque la visite au Guggenheim de Bilbao, le 9/04/2016.

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Le musée se présente comme une sorte de fleur métallique, formée par l’interconnexion des éléments qui s’articulent autour d’un atrium, centre névralgique du projet. Son aspect est le résultat de la collaboration entre le titane, le calcaire poli et le verre. Chaque matériau est très recherché et a subi des traitements spéciaux. Le grand héros est sans doute le titane, qui recouvre le musée avec plus de 30 000 dalles, d’une épaisseur de trois millimètres. Ce matériau, pour sa grande résistance, à l’époque était préférablement utilisé pour concevoir du matériel sportif, comme des raquettes de tennis où des pièces de vélos, mais très rarement pour les constructions118. C’est pour sa solidité et sa flexibilité que Gehry fait ce choix. Il envisage un musée vivant et durable. Ce type spécifique de titane demande un traitement très particulier et très coûteux. En effet, il est extrait d’Australie, fondu en France, laminé aux États-Unis, à Pittsburgh, décapé en Grande Bretagne et assemblé à Milan. De plus pour assumer les formes audacieuses voulues par l’architecte, on utilise le software CATIA, normalement réservé à l’industrie aéronautique. Le calcaire, utilisé pour répondre aux formes plus classiques du bâtiment, est très rare et est extrait des carrières de Granada en Andalousie. Chaque dalle a une épaisseur de 50 millimètres et elle est polie au moment de l’installation. Le verre bénéficie aussi d’un traitement spécifique pour répondre aux exigences de formes et d’isolation thermique grâce à l’insertion de parties métalliques invisibles. Elles sont capables de créer un effet miroir de l’extérieur ainsi qu’une isolation thermique adéquate pour empêcher l’atrium de devenir une gigantesque serre. Le projet est conçu comme un organe, où l’atrium constitue le cœur ; et les passerelles, les ascenseurs et les escaliers qui constituent les artères qui gèrent le flux de visiteurs vers les salles d’exposition. L’atrium est le résultat de la collaboration entre l’enduit blanc, le verre et l’acier. Le choix des couleurs reste très sobre, le blanc est dominant, mais le chevauchement de surfaces curvilignes donne à l’ensemble une sensualité visuelle.

p.88, Premiers esquisses pour le Guggenheim réalisés par Frank O. Gehry, dans sa chambre d’hôtel à Bilbao.

118 Aujourd’hui le titane est u matériel plus connu mais son utilisation est encore limité à cause de son coût élévé.

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Le verre constitue un élément important pour le musée. Sa transparence inonde l’atrium d’une majestueuse lumière naturelle et elle permet ainsi une perméabilité des deux côtés du bâtiment. Ceci rappelle la liaison entre la ville et le fleuve. Vers le côté du fleuve, les matériaux externes en titane se prolongent à l’intérieur, comme s’il n’y avait pas de distinction entre l’intérieur et l’extérieur. Toutes les surfaces de l’atrium sont curvilignes, comme les piliers en calcaire poli et la tour de verre des ascenseurs qui offre une vue panoramique sur l’ensemble en créant une circulation dynamique. Sa forme reprend les arêtes des poissons. La forme du poisson est reprise plusieurs fois, puisque Gehry déclare que sa liberté de forme l’a inspiré. On le retrouve notamment à l’extérieur : la composition de la surface en titane reflète l’eau et la lumière en rappelant l’effet des écailles de poisson, ou encore, la Fish Gallery, (salle 104) avec sa forme très allongée qui se termine sur la tour qui lie le pont de La Salve et le musée, en donnant l’impression de l’embrasser et de l’inclure dans l’édifice. Il s’agit de la plus grande salle du musée, dotée d’une grande ouverture sur l’atrium où sont conservées les sculptures de Richard Serra, voulues spécifiquement pour cette pièce.

p.91, Détail dalles en titane.

Mais le travail de l’architecte est aussi suggéré par l’architecture baroque qui fait de la courbe et des formes sinueuses un élément essentiel. Un rôle important est joué par l’église San Carlo alle Quattro Fontane, à Rome réalisée par Le Borromini. L’objectif est de produire un bâtiment plastique qui échappe aux formes traditionnelles, qui serait plein de vie et de mouvements. Les salles d’exposition sont toutes différentes les unes des autres. Certaines ont des formes plus classiques qui se reconnaissent de l’extérieur, avec l’utilisation du calcaire poli ; d’autres ont des formes plus atypiques, qui comportent l’utilisation du titane. Il n’y a pas un ordre préconçu pour suivre les salles. Si dans l’atrium, la transparence et la lumière naturelle sont les éléments primordiaux, dans les zones d’exposition, une illumination zénithale et des spots sont préférés, à quelques rares exceptions où des petites lucarnes « aident » la lumière artificielle.

L’éclairage dans son ensemble ne parait pas froid, et au contraire il semble plutôt chaleureux. Chaque salle module un univers en soi qui favorise la

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Réflexions personelles

contemplation des œuvres. Dans l’ensemble, on ne s’aperçoit pas directement de la lumière, elle est bien diffuse et elle ne se reflète pas dans les vitres des peintures, à un point tel qu’on se demande s’il y a une protection ou pas sur les œuvres. L’intensité lumineuse change en fonction de la salle que l’on visite et des œuvres qu’on admire ; un travail sur la lumière est mené non seulement en fonction de la bidimensionnalité ou tridimensionnalité des œuvres, mais par rapport aux couleurs qui animent l’exposition.

Si les murs sont toujours blancs, on observe une alternance sur le sol. Dans les salles où des œuvres tridimensionnelles sont exposées le traitement est le même que dans les espaces de circulation, un béton lisse gris. Cella sera le choix privilégié aussi dans le cas d’expositions mixtes (peintures et installations par exemple) par contre, on retrouve un revêtement en parquet en chêne, plus chaleureux, au lieux voués à la seule exposition des peintures, des photographies, des dessins etc. La collection permanente du Guggenheim possède les plus grandes œuvres des artistes de la deuxième moitié du XXe siècle. On y trouve des œuvres De Kooning, Rothko, Pollock, Motherwell, Rauschenberg, Rosenquist, Still et Tapies. Il y a beaucoup d’espaces dédiés aux artistes occidentaux et un espace entièrement dédié aux peintres et artistes émergents basques et espagnols.119 Les expositions ne se limitent pas à l’espace intérieur. Il y a une sorte de passage nuancé, accentué par la présence des œuvres tels que le célèbre Maman de Louise Burgois, ou Puppy de Jeff Koons, ou encore des autres qui s’installent autour du bassin artificiel construit, lequel fait sembler terminer les fondations dans l’eau. Le bassin donne aussi lieu à diverses performances artistiques, parmis lesquelles Fire Fountain réalisé par Yves Klein . Les œuvres extérieurs peuvent être admirées par une passerelle curviligne construite autour du bassin artificiel.

p.93, Détail verre.

119 http://www.sapere.it/enciclopedia/Guggenheim.html - « Guggenheim» - consulté le 12/03/2016

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Art ou architecture ? Face au Guggenheim de Bilbao plus que nulle part ailleurs, on se demande s’il s’agit d’une œuvre architecturale ou artistique. pp.94-95, Plan et élévations Guggenheim Bilbao.

Difficile de répondre, mais probablement comme la terre et le ciel se fondent à l’horizon, ici art et architecture deviennent une seule chose. On a l’habitude de vouloir dissocier l’art de l’architecture, comme si les deux faisaient partie de domaines complètement différents et inconciliables. En réalité, l’art n’est pas quelque chose que l’on peut cataloguer, insérer dans des contextes et des schématisations souvent mentaux. Elle est essentiellement une expérience sensorielle, liée à celui qui l’observe, l’écoute, la vit.120

© Frank Gehry

Toutefois l’architecture et l’art ne sont pas indissociables, elles sont plutôt des d’expression différentes du même sujet : les Arts. La peinture, la sculpture, l’architecture, la littérature, la musique etc. font tous partie du même domaine, chacun d’eux induit une expérience différente. L’architecture est donc une forme d’art qui par rapport aux autres arts doit réaliser un grand défi : transposer l’imagination à la réalité. Gehry semble avoir compris ce principe et il fait de son architecture une gigantesque sculpture en travaillant comme un vrai sculpteur. Il ne travaille pas la matière, il la modèle121. C’est d’ailleurs une des autres raisons pour laquelle il décide d’utiliser le titane qui a un haut coefficient de flexibilité.

pp.97, (haut)Une salle d’exposition au Guggenheim de Bilbao. Ici il s’agit d’une salle d’exposition mixte donc oeuvres bidimensionnelles et tridimensionnelles, on vérifie donc le traitement du sol. (bas) dessin par Giulia Falasca, de la méthode d’exposition des oeuvres en deux dimensions sur murs curvilignes.

Avant de réaliser un projet aussi hardi, Gehry devient observateur et habitant de la ville pour en comprendre les exigences. Il en déduit que c’est le territoire idéal pour expérimenter une architecture organique qui va au-delà des imaginations, des formes connues. Sa sculpture tient compte du contexte et s’intègre dans le paysage, où le bâtiment posé sur le fleuve avec ses éléments en titane, ressemble à la fois aux arêtes d’un poisson, aux voiles d’un bateau gonflées par le vent et à une gigantesque fleur. Il pousse les formes à l’extrême, il reprend une idée développée par Wright qu’il n’arrive toutefois pas à exprimer complètement étant trop lié aux formes traditionnelles.

120 MANNA Tiziano et CIARAMBINO Roberto, « Guggeheim, arte o architettura? » - dp. https:// www.academia.edu/1203142/Guggenheim_di_Bilbao_Arte_o_Architettura - (2005). 121 Id.

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Gehry déclare : « On aurait pu dessiner Bilbao avec un crayon et une règle mais on aurait employé des siècles »122. Des références à l’œuvre de Boccioni sont présentes, dans La città che sale d’époque futuriste. La lumière explicite les formes et les rend dynamiques. C’est en effet la lumière qui est l’élément fondamental, capable de rendre l’œuvre de Gehry différente, dynamique et mouvante.123 Le Guggenheim devient le symbole de Bilbao. Son asymétrie participe avec le reste à stimuler le regard de l’observateur. Face à des formes symétriques, on est généralement calme et apaisé ; dans le cas présent, les formes perturbent l’âme humaine. Le travail de Gehry à Bilbao s’oppose au travail de Wright qui cherche avec des formes plus calmes à mettre le spectateur dans un état de tranquillité ; Gehry au contraire, cherche à perturber l’âme humaine. Le Guggenheim de Bilbao, est une horror vacui où l’ensemble paraît tout à la fois désordonné et ordonné à la fois. C’est la Ianua Diabouli !

p.99, Maquette présentation projet final. © Frank Gehry

Réflexions personelles

Gehry arrive à donner à son édifice une forme avec un grand impact visuel, d’une lecture facile et de compréhension immédiate.

Son langage est universel et concrétise la définition du génie Diderot124. Au-delà des jugements purement subjectifs, Gehry arrive à produire quelque chose qui parle à tous, que ce soit de manière négative ou positive, on ne peut pas être sans opinion devant une œuvre pareille.

Gehry déclare vouloir faire quelque chose de différent, de vivant ; impossible à réaliser avec des façades orthogonales, qui nous amènent à l’aliénation. C’est pour cela qu’il commence à imaginer le monde comme une im-

122 Ibid. 123 Ibid. 124 Voir p. 36.

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mense toile, à l’image de Matisse125 qui est l’une de ses sources d’inspiration. Il veut donner vie et liberté à ses pensées ; et la ligne comme le cercle et les formes géométriques sont des artifices qui ne symbolisent pas la liberté.

Personnellement je rangerai Gehry dans un mouvement à part et intemporel, plus que déconstructiviste ; je le vois comme un abstrait de l’architecture.

p.100, Détail structure pendant la mise en oeuvre.

125 Ibid.

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Conclusion intermédiaires

Maquette

Néanmoins, certains aspects restent pour moi énigmatiques, par exemple, le gigantisme de certains salles, comme la salle 104 (où s’y trouvent les installations de Richard Serra) où la salle 102, les deux au rez-de-chaussée, qui ses rendent difficiles à l’exploitation. Les œuvres, souvent, y apparent perdues er résultent dominé par l’immense architecture. Un autre point est d’avoir privilégié les endroits destinés aux spectateurs par rapport aux espaces pour les employés. Le personnel du centre de recherche et de restauration du Guggenheim de Bilbao est installé au sous-sol ou des petites baies aux points les plus hauts des salles offrent une faible lumière naturelle ; aucune vue ne s’ouvre sur l’extérieur. Il s’agit à mon avis d’un point fortement limitant, la lumière zénithale est un bon moyen lumineux pour les salles d’exposition mais pas forcément pour une zone de travail dans laquelle on passe souvent beaucoup d’heures. Sans oublier que le centre de restauration nécessite des lumières très délicates pour des nombreuses raisons de conservation. Je trouve que l’aménagement d’endroits de détente serait tout à fait souhaitable où ils pourraient bénéficier pleinement de la lumière naturelle et surtout d’une vue par-delà des murs. Je considère que ce manque est bien plus regrettable que l’excessif éclectisme des formes des salles dont nous venons de parler. Enfin, une des critiques les plus féroces qui ont commenté le Guggenheim de Bilbao a été le coût de construction du bâtiment et de son entretien. C’est vrai aussi que ces critiques se sont calmés peu des ans après la construction en vue de son énorme succès planétaire et son rentré dans le budget en si peu de temps.

Réflexions personelles

p.103, d’étude.

Je considère le Guggenheim de Bilbao comme le résultat d’un travail stupéfiant tant au niveau de sa conception architecturale qu’au niveau de sa faisabilité.

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Par la suite, on approfondira encore l’analyse de ce bâtiment ; mais je voulais introduire à ce point une première description en contre-courant de toutes les critiques qui ont commenté ce musée. En effet, cette œuvre apparaît à mes yeux comme un travail assez stupéfiant. Si d’un côté, nous pouvons critiquer les espaces d’exposition et la dialectique qui peut paraître trop complexe pour le monde de l’art ; je trouve qu’ici, comme c’est le cas pour Wright, Gehry fait des choix audacieux portés par une médiation culturelle réussie. Celle-ci se confirme jour après jour par la passion des visiteurs qui sont au final les vrais acteurs des institutions muséales.

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Abu Dhabi, GEHRY « Approaching the design of the museum for Abu Dhabi made it pos-

sible to consider options for design of a building that would not be possible in the United State or in Europe. It was clear from the beginning that this had to be a new invention. The landscape, the opportunity, the requirement, to build something that people all over the world would come to and the possible resource to accomplish it opened tracks that were not likely to be considered anywhere else. The site itself, virtually on the water or close to the water on all sides, in a desert landscape with the beautiful sea and the light quality of the place suggested some of the direction ».126 Frank Gehry

L’île des archistars ‫جزير ة سعدايت‬, (Jazīrat Sa’diyyāt)127 Saadiyat Island est une île qui se

trouve à 500 mètres de la côte d’Abu Dhabi. Le Cheick Khalifa Bin Zayed Al Nahyan, au travers d’un investissement d’environ 76 milliards de dollars, souhaite y voir se concrétiser un rêve ambitieux : le plus grand pôle culturel au monde, une véritable attraction pour le tourisme mondial128. Les travaux ont débuté en 2006 et doivent se terminer, après divers renvois, en 2018. Le projet prévoit la réalisation de cinq musées, de villas et d’hôtels luxueux, mais également d’un terrain de golf et diverses autres activités. Il

126 « Le concept du musée d’Abu Dhabi a permis d’exploiter des options pour le design qui n’étaient pas possible aux Etats-Unis ou en Europe. C’était clair depuis le début, qu’il s’agissait d’une nouvelle invention. Le paysage, l’opportunité et l’exigence, pour construire quelque chose, pour souhaiter attirer les gens du monde entier et la mise à disposition de ressources pour l’accomplir, a ouvert des pistes que ne pouvaient être considérées nulle part ailleurs. Le site en soi, pratiquement sur l’eau et entourée par elle, dans un paysage désertique, avec une mer merveilleuse et les qualités de la lumière, a suggéré cette direction » ; dp. http://www.guggenheim. org/Abu-Dhabi/ - consulté le 14/03/2016 - (tr. Giulia Falasca). 127 Littéralement « île du bonheur », est une île inhabitée achetée par le Cheick ; elle est actuellement en phase de construction et compte une surface de 27 kilomètres carrés. 128 http://www.deluxeblog.it/post/12385/guggenheim-abu-dhabi-museo-esclusivo-tra-arte-elussi - « Guggenheim Abu Dhabi, museo esclusivo tra arte e lussi » - consulté le 13/03/2016, http://www.thingsiliketoday.com/5-archistar-per-5-musei-ad-abu-dhabi/ - « 5 archistar per 5 musei ad Abu Dhabi » - consulté le 16/03/2016.

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p.104, Guggenheim of Abu Dhabi. © Frank Gehry

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p.107, Performing Art Center. arch. Zaha Hadid p.108, seum.

Maritime

est prévu aussi d’enrichir le parc, qui enveloppe les constructions en exposant une vingtaine de pavillons exposés à la biennale de Venise. Pour la réalisation de chaque musée, une archistar (chacune décernée du prix Pritzker) a été appelée129 . Les ouvres en cours de construction sur l’île sont toutes extraordinaires : •

Zaha Hadid: Performing Art Center. Le musée hébergera la maison des arts, qui organisera des spectacles ou des performances. Il sera caractérisé par une architecture organique futuriste.130

Tadao Ando : Maritime Museum. Le musée célèbrera le patrimoine maritime de la ville et son rapport à la mer. Le projet révèle une forme simple, un monolithe qui semble sculpté par le vent. Le bâtiment propose d’effacer la limite entre terre et mer. Il s’installera sur un bassin artificiel pour renforcer la liaison entre le musée et l’eau.131

Jean Nouvel : Le Louvre d’Abu Dhabi. Le premier musée universel du monde arabe. Il offrira une exposition d’art de différentes civilisations. Il accueillera des peintures, des sculptures, des arts décoratifs, des manuscrits et des objets historiques. Sa caractéristique est sa coupole de 180 mètres de diamètre avec un complexe design perforé.132

Norman Foster : Zayed National Museum. Il est dédié à l’histoire et la culture du pays. Le Cheik Zayed bin Sultan Al Nahyan, mort en 2004, est considéré comme le père fondateur des Emirats Arabes.

Mu-

arch. Tadao Ando p.109, Le Louvre d’Abu Dhabi. arch. Jean Nouvel

129http://www.domusweb.it/it/architettura/2007/03/08/un-nuovo-distretto-culturale-per-gliemirati.html - « Un nuovo distretto culturale per gli emirati ». 130http://www.eastonline.eu/it/cultura/arte-e-architettura/ad-abu-dhabi-il-museo-dei-musei - «Abu Dhabi il museo dei musei»; http://www.deluxeblog.it/post/12385/guggenheim-abu-dhabi-museo-esclusivo-tra-arte-e-lussi - « Guggenheim Abu Dhabi, museo esclusivo tra arte e lussi», http://www.thingsiliketoday.com/5-archistar-per-5-musei-ad-abu-dhabi/ - « 5 archistar per 5 musei ad Abu Dhabi ». 131 http://dubaitalia.net/musei_ad_abu_dhabi - « Musei ad Abu Dhabi »; http://www.eastonline. eu/it/cultura/arte-e-architettura/ad-abu-dhabi-il-museo-dei-musei - «Abu Dhabi il museo dei musei», http://www.thingsiliketoday.com/5-archistar-per-5-musei-ad-abu-dhabi/ - « 5 archistar per 5 musei ad Abu Dhabi ». 132 http://dubaitalia.net/musei_ad_abu_dhabi - « Musei ad Abu Dhabi »; http://www.eastonline. eu/it/cultura/arte-e-architettura/ad-abu-dhabi-il-museo-dei-musei - «Abu Dhabi il museo dei musei»; http://www.deluxeblog.it/post/12385/guggenheim-abu-dhabi-museo-esclusivo-traarte-e-lussi - « Guggenheim Abu Dhabi, museo esclusivo tra arte e lussi ».

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En tant que fondateur il a contribué au développement de son pays, le faisant devenir un des plus riches pays au monde. Le bâtiment se caractérise par cinq tours légères en acier qui montent jusqu’à 125 mètres de hauteur. Le concept du projet propose de combiner formes architecturales contemporaines et éléments traditionnels de l’architecture arabe. Il est étudié pour consommer le moins d’énergie possible, à l’aide de panneaux photovoltaïques, d’éclairage et d’une ventilation naturelle au travers de tours qui ont pour fonction d’être des médiateurs thermiques entre l’intérieur et l’extérieur.133

p.111, Zayed National Museum. arch. Norman Foster.

Réflexions personelles

Frank O. Gehry: Guggenheim of Abu Dhabi. Dans l’île du bonheur, il se devait d’y avoir un musée dédié à l’art contemporain. Cette tâche a été confiée à la fondation Guggenheim avec son architecte Gehry, déjà protagoniste de la reprise économique de la ville de Bilbao. Le projet consistera en un jeu de tubes, cônes et parallélépipèdes où 13 000 mètres carrés seront dédiés à l’exposition de l’art contemporain. Le musée occupera une surface de 30 000 mètres carrés sur un site de 41 800 mètres carrés. Son ouverture est prévue pour 2018. Le musée comprendra une section spéciale pour le Moyen-Orient. Dans cette partie seront exclues toutes les œuvres qui pourraient être jugées offensantes pour le monde islamique, comme des figures de nus ou des représentations religieuses d’autres genres, cela afin de concilier l’art contemporain et les valeurs du monde islamique.

Cette décision fait écho à l’actualité ; en effet, cette année, lors d’une visite du premier ministre iranien en Italie les « statue capitoline », chefs-d’œuvre de l’Antiquité classique, ont été couvertes avec des boîtes blanches pour ne pas aller à l’encontre de la culture musulmane : cela a provoqué un scandale. Aujourd’hui, on est dans un monde où rien n’est pour soi-même et l’art devient un instrument politique. Nous oublions trop souvent de juger l’art selon des critères esthétiques, de le considérer comme quelque chose qui

133 http://dubaitalia.net/musei_ad_abu_dhabi - « Musei ad Abu Dhabi »; http://www.eastonline.eu/it/cultura/arte-e-architettura/ad-abu-dhabi-il-museo-dei-musei - «Abu Dhabi il museo dei musei»; http://www.deluxeblog.it/post/12385/guggenheim-abu-dhabi-museo-esclusivotra-arte-e-lussi - « Guggenheim Abu Dhabi, museo esclusivo tra arte e lussi »;http://www.domusweb.it/it/architettura/2007/03/08/un-nuovo-distretto-culturale-per-gli-emirati.html - « Un nuovo distretto culturale per gli emirati » - consulté le 18/03/2016 .

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Réflexions personelles

a un fin en soi; la stratégie de faire de tout un prétexte pour critiquer des cultures différentes des nôtres ne doit pas être tolérée. En tant qu’Italienne, je suis née et j’ai grandi à Rome, et je sens que la culture italienne ainsi que l’européenne et l’occidentale sont aujourd’hui trop tolérantes. Mais, cette tolérance ne doit pas nous priver de notre raison, la peur ne doit pas être un motif pour dénigrer notre culture, notre architecture et notre art. Cela constitue ce que l’on est. Je n’en peux plus des gens qui viennent critiquer ma manière de vivre ou de penser. Si on commence à se plier à ce genre des choses, on perd la conception du bien et du réel. Je ne pense pas que des statues, qui ont été produites il y a 2000 ans, par une culture ouverte et tolérante qui connaissait ces pays d’Orient, puissent être considérées offensantes pour quelqu’un. C’est comme reconnaître son visage dans la Venere del Botticelli et se vexer parce qu’il nous a représentés gras. Botticelli ne nous connaissait pas, nous n’étions pas dans ses pensées. Il peint selon son idée et les canons de beauté de son époque. Si aujourd’hui, ces derniers ont évolués, cela ne signifie que nous avons le droit de nous vexer, ni de nous plier aux personnes qui pourraient se vexer. En tout cas, lors de cette visite, il aurait été plus correct d’agir en ne faisant pas passer le premier ministre iranien dans cette salle-là. Aussi, si l’on poursuit ce raisonnement absurde, c’est la ville de Rome dans son ensemble qui aurait dû le vexer.

p.112, Guggenheim Abu Dhabi. arch. Frank O. Gehry

Le musée sera propriété de la compagnie d’Abu Dhabi pour le développement touristique et l’investissement. La fondation Guggenheim sera la titulaire du programme et des collections du musée.

Le concept Le site a fortement influencé la conception du musée. Le travail est accompli en collaboration entre le bureau d’architecture de Frank Gehry et le directeur du Guggenheim Tomhas Krens. Depuis le début, le plan prévoit une organisation très simple en se développant selon une logique de « rings»134. Au centre (le premier anneau), des galeries sont aménagées pour former une cour. Ces galeries, de diverses hauteurs et de dimensions, sont placées l’une sur l’autre pour créer quatre étages. Elles sont pensées comme des gale-

134 Anneaux.

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ries d’expositions contemporaines classiques, complétées par des systèmes de climatisation, de lucarnes, où possible, et un système d’éclairage sophistiqué pour valoriser chaque œuvre. p.115, Guggenheim Abu Dhabi.

Au deuxième anneau, se trouve une autre série de galeries qui enveloppent le noyau central. Celles-ci, rayonnantes par rapport au centre, sont des galeries plus grandes qui ont des formes moins complexes.135 Le troisième anneau prévoit des galeries encore plus grandes, construites selon un principe industriel et d’un système d’éclairage et d’exposition appropriés. Dans ce cas-ci, les salles ont moins de finitions, ce style diffèrent est voulu par le directeur. Ces espaces constituent des salles d’exposition ainsi que des espaces de création136 considérés comme les plus attractifs selon une nouvelle échelle du monde contemporain de l’art : le but est de développer l’inspiration des artistes d’un art qui se fait in situ, au travers des importantes surfaces mises à disposition. L’expérience du directeur du Guggenheim a beaucoup aidé à la réussite de cette partie du projet. Monsieur Krens a visité divers laboratoires de créations d’artistes aménagés dans des anciens espaces industriels. C’est dans ces ateliers que les artistes trouvent le plus de créativité grâce à la mise en relation avec un espace diffèrent des espaces muséaux traditionnels. Au travers des différents anneaux, le Guggenheim d’Abu Dhabi offre une flexibilité d’exposition qui n’est encore expérimentée nulle part ailleurs. Le projet n’est pas né comme un produit fini, il est en constante évolution. Les formes, les hauteurs et le caractère de chaque galerie sont définis et s’adaptent au cours de la construction du projet. Dans un pays comme les Emirats Arabes, la climatisation est un sujet non négligeable, non seulement pour l’intérieur et les espaces de visite mais aussi pour les espaces extérieurs ou proches du musée. À ce sujet, il faut noter une collaboration entre le bureau d’architecture de Gehry et la société consultante TransSolar pour étudier une solution de refroidissement des extérieurs. L’idée

135 JODIODIO Philip, AE, Architecture in the emirates, Taschen, Koln, 2007, p.64. 136 « spawning homes » : maisons de reproduction.

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est venue des anciens tepees137, qui sont ouverts sur le sommet et permettent la sortie de l’air chaud. Ce concept a suggéré la forme conique des galeries, créant le design extérieur du Guggenheim. Ainsi que pour les galeries, les cylindres coniques constituent parfois l’entrée des pavillons. Pour le moment, il est prévu de travailler cette idée de ventilation naturelle suggérée par les peuples anciens, capable d’établir une connexion entre l’histoire et la modernité.138 L’utilisation de ce principe physique, des murs d’eau dans l’atrium ainsi que d’autres caractéristiques durables sont à la base d’une architecture économe en énergie. Enfin les extérieurs sont réalisés en pierre, avec une variété de couleurs et de textures, de façon à pouvoir mettre en évidence un pavillon plutôt qu’un autre. Comme on l’a déjà dit, l’intention est de faire un musée qui puisse accueillir l’art contemporain, provenant de tous les coins du monde, et pas seulement d’Occident. Dans ce but, le design architectural doit aller de pair avec l’art exposé. Dans le cadre général du projet, deux grandes galeries de la Biennale ont été ajoutées et ont été amenées plus près du bâtiment principal, comme future introduction aux nouveaux bâtiments de la Biennale le long du canal.139

Art, architecture ou business ? La création de cette île artificielle semble résumer parfaitement les pro-

137 Le tepee, est une construction très simple réalisée avec des peaux ou des toiles et une structure en bois. Elle se présente comme une tente de forme conique ouverte sur le sommet. Elle est connue pour avoir été utilisée surtout par les natives américaines et les tribus indiennes. 138 Selon l’article « 5 archistar per 5 musei ad Abu Dhabi » - http://www.thingsiliketoday. com/5-archistar-per-5-musei-ad-abu-dhabi/ - consulté le 16/03/2016, le design conique extérieur trouve son concept à partir des barjeel, anciennes tour du vent, typiques de l’architecture locale. 139 Les information pour le chapitre Abu Dhabi, GEHRY - Le concept, ont été repérées depuis une interview de Gehry sur le sujet, publié en langue originale (anglais), sur le site http:// architettura-italiana.com/projects/16990-frank-gehry-guggenheim-abu-dhabi - consulté le 21/03/2016.

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blématiques liées à l’architecture contemporaine. Les critiques ne se limitent pas aux valeurs esthétiques et fonctionnelles, mais elles font référence aussi à un esprit de globalisation et à une création compulsive qui semblent avoir affligé le monde de l’architecture contemporaine.

Réflexions personelles

Ce projet en fournit un exemple intéressant. Les émirats Arabes, qui ont vu le jour très récemment, manquent d’une histoire, d’une culture architecturale et ils essayent de la « construire en vitesse ». Pour cette raison, il n’est pas rare de voir dans ces pays des triomphes d’architecture présomptueux, spectaculaire et époustouflante. Saadiyat Island aspire à devenir un rassemblement d’ « archistar projets ». Ce type de politique, paradoxalement, empêche à chaque œuvre de devenir emblématique. Chacune, dans ses images, rendues, se montre toute seule, souvent décontextualisé avec un fond de ciel et une mer très artificiels. Chaque œuvre devient une sculpture, célébration d’elle-même. Selon moi, l’architecture devient telle, si inséré dans un contexte. Ici plutôt que à des bâtiments elle ressemble à des grands objets, prives de sens. De plus ils résultent hors échelle puisque on n’a pas d’éléments de comparaison pour en appréhender la grandeur. Tout au contraire, le Guggenheim, a une histoire, qui le caractérise, lié beaucoup à son rapport avec le contexte. On l’a vu à New York où le parc était la clé, pour Wright, où encore à Bilbao, où le contexte a suggéré la forme organique du musée, mais le Guggenheim d’Abu Dhabi, semble avoir perdu son sens et il n’est qu’un autre nan de jardin sur l’île. Le phénomène d’une transformation de l’art en produit, à cause d’une production en série illimitée, a déjà affligé le monde de l’art et de l’artisanat au tournant du XIXe et XXe siècle. À ce moment-là, pour contraster cette attitude, le mouvement de l’art nouveau140 se développe. La volonté est de se libérer de la production industrielle pour retourner à quelque chose de plus artisanal et originel. L’art nouveau n’est pas le seul phénomène qui cherche à contester cette posture. Dans la deuxième moitié du XXe siècle, à partir des années 1960, la transformation de l’art en produit ne résulte plus d’une reproduction, mais plutôt d’une signature dont la valeur devient plus grande que l’œuvre même. 140 Je me réfère au principe de l’Art and Crafts, selon lequel la libre création de l’artisan est l’unique alternative à une mécanisation de la production en série, d’objets de valeur esthétique douteuse.

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Notamment des artistes comme Marcel Duchamp141, Manzoni ou encore Rauchenberg font de leur production artistique une dénonciation de cette attitude. Piero Manzoni, en 1961 produit son œuvre « Merda d’artista », œuvre emblématique de protestation. Il s’agit de 90 boîtes de conserve, numéroté de 1 à 90. Sur l’étiquette : « Merda d’artista. Contenuto netto gr. 30. Conservata al naturale »142. Chaque boîte aurait le même prix que 30 g d’or. Avec ce geste, il fait allusion au fait que la valeur de l’artiste, en raison des mécanismes de négociation de la société de consommation, pourrait vendre à la valeur de l’or une partie de lui-même. Rauschenberg est un artiste connu dans les années 1970, il est souvent associé au pop art même si son style ne se reconnait pas tout à fait dans ce mouvement. Son travail se caractérise par des collages, des images qu’il recueille toutes ensembles et qu’il positionne dans des toiles peintes. Dans ses collages il critique son époque via des messages cachés, des sortes de rebus.

Je pense que Rauscherberg produit un art pour elle-même, il compose des œuvres pour s’amuser à voir la critique, s’employer à la recherche de la solution de ses rebus, alors qu’il n’y a pas forcément un sens. Je trouve son travail fortement intéressant et emblématique de la recherche forcée de la part de la critique d’un symbolisme dans les œuvres d’art qui parfois en réalité, n’existe pas.

Réflexions personelles

Le « produit » Guggenheim, ainsi que le Louvre par exemple, pourraient être associés non seulement à des signatures de mode, comme je le disais au début, mais aussi à des vraies industries de reproduction telles qu’IKEA. Le fait que chaque ville désire reproduire et avoir un œuvre architecturale signée par un grand architecte, une « archistar », qui reproduise des bâtiments du même style et où on en reconnait sa signature, est comparable au travail des créateurs de l’industrie de mode. Pour cette raison je me retrouve souvent à associer l’architecture contemporaine à l’usine IKEA. Souvent aujourd’hui, quand on va chez des amis en Espagne, en Italie ou en Belgique, on retrouve le même mobilier que l’on a chez nous. 141 Même si Duchamp ne fait pas partie de cette période (1887-1968), son œuvre artistique se concentre beaucoup plus tôt, il est considéré comme un précurseur de ce type de protestation qui caractérise l’art postmoderne. Un exemple parmi tous La Fontaine, élément fondateur du mouvement Dada. 142 « Merde d’artiste. Contenu net gr. 30. Conservée au naturel » (tr. Giulia Falasca).

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En parallèle, aujourd’hui, et plus tard que dans les autres domaines, l’architecture semble également être devenue un produit au service du business. La production se limite pour laisser la place à la reproduction.

Les stylistes cherchent à produire chaque fois quelque chose d’original en respectant les paramètres définis lors des signatures. Valentino, par exemple, a créé une couleur magnifique : le «Rouge Valentino», mais ça ne fait pas sa signature. Il n’utilise pas que cette couleur qui l’a rendu très célèbre. Sa signature semble plutôt être l’élégance qui caractérise tous ses vêtements. Cela ne fait que renouveler ses inspirations et les collections qui en résultent ont toujours quelque chose de novateur. En architecture, c’est différent. On fait appel à Frank O. Gehry, Santiago Calatrava, Zaha Hadid, Tadao Ando pour leur «Rouge Valentino», pas parce qu’on sait qu’ils sont capables de créations magnifiques, mais plutôt parce qu’au travers de l’une ou l’autre architecture, ils sont devenus célèbres.143 On fait appel à ces architectes parce qu’une production d’eux rendra la ville plus connue et donnera des opportunités pour une importante relance économique. Toutefois, ce phénomène limite la création originelle de l’architecte qui se trouve confronté à un défi insurmontable : produire quelque chose d’original en conservant toujours le même style. Si Valentino n’utilisait qu’une seule couleur dans ses collections, au bout d’un certain temps, même si les créations resteraient magnifiques, on ne les trouverait plus intéressantes puisque on serait fatigué de voir toujours la même chose. C’est la raison pour laquelle les modes passent et sont oubliées très vite. La nouveauté et la variété plaisent ! Outre la limitation à la création, un autre problème se pose : l’architecture n’est malheureusement pas quelque chose qui peut s’effacer facilement. Elle est durable et surtout elle implique tout le monde, personne ne peut l’éviter. Si les villes se ressemblaient toutes, chacune perdrait de son charme. Cela peut être catastrophique aussi en termes de business qui est la clé des projets contemporains. Imaginons que se concentrent dans toutes les villes les plus importantes les chefs d’œuvres des maîtres architectes, ceci 143 Le phénomène Bilbao fournit le meilleur exemple.

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annulerait le phénomène de voyage attiré par ces architectures stupéfiantes.

Si le Colisée n’était pas seulement à Rome ou le Machu Picchu au Pérou, et s’ils étaient aussiplus proches de chez moi, je n’irais plus à Rome ou au Pérou pour les voir, je n’en aurais pas besoin. Tout le charme lié à la ville de Rome perdrait son sens, parce qu’il y aurait des Colisée partout et ce ne serait pas un motif de surprise ni de tourisme. À ce sujet, Charles Fourier144 par exemple est en désaccord avec moi. Il soutient que les villes devraient devenir des phalanges145. Leur structuration prévoirait la reproduction des morceaux des diverses villes pour que la phalange résulte complet et idéale. La même réflexion pourrait s’appliquer aux architectures d’aujourd’hui ; si le Guggenheim Museum de Gehry se trouvait près de chez moi, pourquoi irais-je jusqu’à Abu Dhabi ou Bilbao ? Dans ce cas, probablement seuls les vrais amateurs d’arts, ceux qui veulent voir cette œuvre-ci à l’endroit original, se déplaceraient et les investissements de milliards de dollars ne seraient plus justifiés. Sans tomber dans la critique stérile du phénomène, je trouve qu’il faut travailler sur l’originalité de chaque ville toute en gardant son esprit et sa culture. Incrémenter le tourisme culturel via des nouveaux bâtiments phares est une bonne opportunité mais ces bâtiments doivent être le miroir de l’évolution de société locale (de la ville et du pays en question). Ainsi, le tourisme maintient son principe de découverte d’une culture différente et les gens se rapprocheraient davantage du concept de plus en plus élitiste de l’art. Nous avons toujours considéré le point de vue des touristes, mais il ne faut pas oublier que ces lieux sont gérés et vécus au quotidien par les autochtones. Ils doivent pouvoir se reconnaître dans le nouveau bâtiment, et non pas le considérer comme un « objet architectural » magnifiquement composé d’un chevauchement de formes plus bizarres les unes que les autres déposé sur

144 Charles Fourier 1772- 1837, était un philosophe français qui a beaucoup écrit au sujet des utopies urbanistiques. 145 Une phalange est une sorte d’habitat collectif basé sur des principes de participation, où les compétences et le travail de tous sont voués au profit commun.

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un terrain vierge sans y avoir posé ses racines. L’architecte gagne son pari si son œuvre est habitée par la population, dans le cas contraire la sculpture est seulement admirée par les touristes. C’est la clé du succès de Bilbao. Probablement il ne faut pas vouloir des reproductions mais des nouvelles productions. On appelle un architecte non pas parce qu’on veut le Guggenheim de Bilbao, mais parce qu’on veut un bâtiment fait pour les personnes qui le visitent. On appelle cet architecte parce qu’on connait son potentiel et qu’on veut quelque chose de nouveau et non pas parce qu’il est à la mode !

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Conclusions intermédiares

Réflexions personelles

p.123, L’île du bonheur. Abu Dhabi.

Cette réflexion, témoin de mon opposition au Guggenheim d’Abu Dhabi, résulte du fait qu’elle crée une rupture très forte avec le passé. Avant sa politique se basait sur l’audace de ses choix architecturaux et de son anticonformisme qui ont été beaucoup valorisés au cours de ces dernières années. Ici, la fondation Guggenheim semble plutôt abandonner tous ses principes et se référer seulement à l’ode « pecunia non olet ! »146. En tant que future architecte, cela me décourage fortement. Ce qui me gêne est de voir comment on est soumis à des principes qui n’ont rien à voir avec l’architecture et comment notre travail doit répondre au seul impératif d’être un « produit efficace ».

146 « L’argent ne put pas ! » (tr. Giulia Falasca).

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Helsinki, MOREAU KUSUNOKI ARCHITECTS

« I extend the Guggenheim’s warmest congratulations to Moreau Kusu-

noki for having achieved the design goals of this competition with such elegance, sensitivity, and clarity »147. Richard Armstrong148

Le concours La fondation Solomon R. Guggenheim en juin 2014 lance un concours international pour sélectionner la meilleure proposition pour le projet qui s’installera sur le territoire finlandais. C’est la toute première fois que la fondation fait appel à un concours d’architecture pour sélectionner l’architecte d’un de ses bâtiments. Le concours, divisé en deux phases, a pour objectif de donner un nouveau visage à l’architecture muséale du XXIe siècle. Il est organisé en collaboration avec la ville d’Helsinki, l’état finlandais et la Finnish Association of Architects (SAFA)149. Il est géré par la société Malcolm Reading Consultants, spécialisée en concours architecturaux. Le concours a généré un record de soumissions : 1715 depuis 77 pays.150 Le projet gagnant est révélé le 23 juin 2015.

Art in the city Art in the city, c’est comme ça que le bureau Moreau Kusonoki151 a décidé d’appeler son projet.

p.124, Art in the city, Guggenheim Helsinki, image dp. concours. arch. Moreau-Kusunoki

147 « Je tiens à faire mes plus chaleureuses félicitations au bureau Moreau Kunosoki pour avoir accompli les buts de cette compétition avec élégance, sensibilité et clarté » dp. http://www.guggenheim.org/new-york/press-room/releases/6491-moreau-kusunoki-architectes-wins-guggenheim-helsinki-design-competition - consulté le 25/03/2016 - (tr. Giulia Falasca). 148 Depuis le 2008, Richard Armstrong est le directeur de la fondation Solomon R. Guggenheim. 149 Le correspondant finlandais du RIBA anglais par exemple. 150http://www.guggenheim.org/new-york/press-room/releases/6491-moreau-kusunoki-architectes-wins-guggenheim-helsinki-design-competition 151 Le bureau a été fondé en 2011, par Nicolas Moreau et Hisoko Kusonoki. Deux jeunes architectes (les deux ont 35 ans), qui avant ont travaillé au Japon, Hisoko pour le bureau Shigeru Ban et Nicolas pour Kengo Kuma et Kazuyo Sejima. Le bureau actuellement s’installe à Paris.

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« The Guggenheim Helsinki must represent a new museum paradigm,

just like every Guggenheim museum has been before. Our proposal is an iconic lighthouse, but also a sustainable architecture that is more than a landmark. It is a lace which invites and draws together both the visitors and the community of Helsinki to meet with art and architecture. Tomorrow’s museum has to be thought of in terms of horizontality, openness, flexibility and public engagement »152. Avant de dessiner les premiers esquisses, les architectes ont fait un voyage en Finlande pour essayer de capturer la culture et les sensations de la ville ainsi que celles de ses habitants. L’idée d’Art in the City est celle de créer un musée qui puisse s’intégrer dans le paysage existant. Le site, actuellement occupé par des entrepôts portuaires, s’installe dans un quartier dynamique de la ville grâce aux diverses activités présentes, comme le marché, ouvert chaque jour qui constitue le cœur de la vie d’Helsinki. Le projet se trouve entre la mer et une grande avenue, que les architectes comparent aux Champs Elysées de Paris. L’avenue débouche sur la place du Sénat où l’on trouve la cathédrale de la ville. Dans l’aménagement du paysage, les bateaux, qui arrivent le matin et repartent le soir, constituent un élément important. Pour renforcer le concept d’intégration avec le territoire existant, le projet du Guggenheim, à la place d’une verticalité prononcée, préfère un développement horizontal. Ceci est rendu possible par des pavillons qui s’aménagent autour d’un espace public. Le choix de réaliser une toiture praticable à cinq mètres de hauteur permet la liaison avec la partie haute de la ville, au moyen d’une passerelle avec le marché. Enfin elle permet l’exploitation d’un ultérieur espace public qui se compose donc de deux niveaux et d’une double circulation. Les divers niveaux sont accessibles grâce à des escaliers installés à

152 « Le musée Guggenheim d’Helsinki doit représenter un nouveau paradigme, comme chaque projet l’a été avant. Notre proposition est un phare emblématique ainsi qu’une architecture durable, qui serait plus qu’un point de référence. C’est un lieu qui invite et attire les visiteurs et la communauté d’Helsinki à la rencontre avec l’art et l’architecture. Le musée de demain doit être conçu en termes de horizontalité, ouverture flexibilité et d’engagement public. » dp. https://issuu.com/srgf/docs/gh-04380895_a3_booklet_sanitised_-_/4?e=15988582/12215631 - Concept Narrative, du bureau lorsque la compétions internationale p.3 - (tr. Giulia Falasca).

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l’intérieur des pavillons. L’idée : « Not go to the museum but go through the museum »153, résume la volonté d’un musée dynamique à visiter et à vivre. Point de référence pour la ville, il s’agit d’un lieu où l’on peut rencontrer ses amis pour un café et pas seulement un lieu à visiter.

p.128, Masterplan Guggenheim Helsinki, image dp. concours.

Le port constitue une partie importante pour Helsinki et le projet a la volonté de continuer à dialoguer avec cette partie de la ville. Du côté du port, s’installe la tour, pièce phare de ce complexe muséal, qui comprend des activités complémentaires. Un des pavillons est un port terminal. L’architecture selon le principe de pavillons permet de définir des espaces qui facilitent l’organisation puisqu’il possible de rendre indépendant chaque bâtiment. Il devient donc plus facile gérer les différents accès nocturnes, les organisations durant les restaurations d’œuvres d’arts et d’architecture etc. Pour travailler le concept, différentes maquettes à diverses échelles, 50, 200, 500 sont étudiées. Tout cela a permis l’étude avec le contexte, la relation entre les pavillons et l’approfondissement des diverses techniques d’éclairage pour chaque salle d’exposition. Les matériaux utilisés sont le verre et le bois. Ce dernier est utilisé en façade ainsi que pour la structure. Pour l’extérieur un bois brûlé est privilégié, typique de ces régions (souvent utilisé aussi au Japon). Ce type de traitement rend le bois plus résistant et il s’adapte donc mieux à une installation face à la mer. Pendant la conférence, Nicolas Moreau explique que des tests du matériel ont été faits en maquette à l’aide de lasers. Cela a permis non seulement d’en comprendre les particularités, les textures mais aussi l’odeur, ceci aurait été impossible avec d’autres systèmes de reproduction, tels que les rendus par exemple.

p.129, Plans et coupe, Guggenheim Helsinki, image dp. concours.

Le projet se distribue à partir d’une entrée principale qui regroupe diverses fonctions : informations, tickets, une cafétéria, la boutique du musée et les activités accessibles sans ticket.

153 « Non aller au musée mais au travers du musée » - (tr. Giulia Falasca).

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Depuis cet espace public, on accède aux diverses salles d’expositions. Celles-ci sont organisées selon divers principes. On retrouve la Small gallery, qui est la galerie la plus petite et qui est dédiée aux artistes émergents. Elle dispose aussi d’une salle de rencontres informelles. La North Gallery est la vitrine du projet. Au rez-de-chaussée, elle est consacrée aux expositions des grandes signatures, avec comme but d’attirer les visiteurs. Les salles d’expositions prévoient une variété de formes pour mieux s’adapter aux exigences d’exposition. L’éclairage des salles est fait au travers de dispositifs lumineux qui permettent de filtrer et de régler la lumière zénithale pour avoir toujours une lumière homogène et diffuse. Dans la tour, on retrouve la High Gallery, une galerie qui se développe sur 20 mètres d’hauteur. Toujours dans la tour, on retrouve aussi des bureaux et le restaurant « formel »154. À côté de la tour et de l’auditorium, on retrouve le Glass House, qui est une salle dédiée aux cocktails et aux buffets « informels ». Une partie des espaces de logistique et de livraison est laissée visible aux visiteurs afin de les faire participer à l’activité muséale.

Retour aux origines

p.131, Vue toit public.

Le projet Art in the City affirme une rupture155 (positive cette fois) avec les postures architecturales précédentes et un retour à ses origines. La volonté d’une architecture simple, moins plastique qui veut s’intégrer au contexte local et qui cherche à surprendre grâce à des choix nouveaux. Parmi eux, on peut citer le fait d’organiser un musée en pavillons où les espaces publics sont les protagonistes, à la place d’un bâtiment unique. L’idée d’une participation à la vie muséale est de donner un avant-goût et d’inciter le visiteur à se faire toujours plus curieux et qu’il soit de plus en plus attiré. C’est un autre stratagème de médiation culturelle, qui ne se base pas sur la seule architecture mais sur la participation. Rien n’est caché, l’art révèle ses secrets, il fait participer les gens qui ne sont pas seulement des visiteurs

154 Un restaurant plus traditionnel, qui a des tables et chaises. 155 J’entends notamment le fait qu’ici il s’agit d’une architecture en pavillons ; néanmoins les principes d’une architecture audacieuse et anticonformiste sont en continuité avec l’histoire du Guggenheim.

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mais qui deviennent les vrais acteurs de la vie muséale afin d’illuminer les gens avec l’art156. C’est un choix qui prend totalement ses distances avec l’architecture business des bâtiments de Gehry. Cela est dû aussi au changement de directeur de la fondation, dirigée depuis 2008 par Richard Armstrong. Ce dernier, par rapport à son prédécesseur Tomhas Krens qui se concentrait plutôt sur les questions économiques dont il était spécialiste, cherche à reprendre les principes de la première directrice Hilla Rebay en faisant des musées des temples de la spiritualité. On le voit avec cette nouvelle décision de faire un concours d’architecture ouvert. Il est le premier dans la fondation à faire un tel choix. Il ne choisit pas une signature, il donne plutôt un espace à des nouveaux concurrents pour pouvoir participer à ce bâtiment.

« We need to expand on the original optimism and taste for the utopian that guided the museum in its beginnings [while making] sure the parts [of the foundation’s global collection] are conjoined and working in harmony with one another »157 p.133, L’une des salles d’exposition. C’est bien visible ici le dispositif lumineux choisi et la volonté d’avoire une lumière naturelle zénithale, pour l’éclairage des oeuvres.

156 Le but principal de la fondation Guggenheim, comme déjà énoncé dans le chapitre New York, WRIGHT - Le musée d’une collection, voir p. 65. 157 LANDI Ann, The Wall Street Journal, The Guggenheim’s Director Is a Portrait of Modesty, 26 freviér 2009; « Nous devons développer l’optimisme initial et le goût pour l’utopique qui ont guidé le musée depuis ses débuts [tout en] que les parties [de collection mondiale de la fondation] sont conjoints et travailler en harmonie avec l’autre » (tr. Giulia Falasca)

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Réflexions personelles

Conclusions intermédiares Le musée d’Helsinki arrive dans un moment où le Guggenheim est devenu un produit et il semble dire : « Attention on est encore là, on est capable de vous stupéfier en faisant quelque chose auquel vous ne vous attendez pas ! ». À mon avis, le choix de faire un concours ouvert a porté à tous des solutions inattendues. Le jury, conscient d’une répétition des Guggenheim, a décidé de jouer de nouveau la carte de la surprise en choisissant des architectes moins célèbres (par exemple, le bureau de Zaha Hadid a participé au concours) et de se détacher encore une fois en organisant leur musée comme un pavillon pour se dire probablement « Ad Maiora ! ».

p.135, (haut) Une autre vue des espaces publics, cette fois au rezde-chaussée devant l’entrée principale. (bas) Vue panoramique depuis la mer.

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DEUXIEME PARTIE : analyse critique


LA RÉCEPTION DU GUGGENHEIM DANS LE MONDE DE L’ART ET DE L’ARCHITECTURE Le « phénomène » Guggenheim a toujours suscité l’intérêt du monde de l’art et de l’architecture. Les concepts appliqués par Wright à New York, et par Gehry à Bilbao, ont été à la fois une source d’inspiration pour les artistes et à la fois un modèle pour les architectes travaillant en accord ou bien en opposition avec sa philosophie.

Est-ce que l’architecture des musées doit être conçue comme une boîte vide qu’on doit remplir ou doit-elle être porteuse du concept artistique dans sa conception architecturale ? Est-ce que la neutralité du White Cube valorise ou plutôt annihile l’aspect le plus intéressant de l’œuvre d’art, telle que l’interaction avec l’œuvre même ? Ou alors, est-ce que l’expression très forte d’une architecture-art, au détriment de la valorisation de l’œuvre de l’artiste, ne chercherait pas plutôt à voler la vedette à ce travail ?

Inspiration aux Guggenheim L’œuvre de Wright introduit des éléments dans l’architecture muséale jamais vues auparavant : un parcours d’exposition basé sur un principe de rampes, une forme atypique comme celle d’une grande ziggurat inversé, d’un coquillage, ainsi que l’utilisation de la lumière naturelle et d’un espace qui échappe aux règles des salles classiques. Ceci constitue un modèle pour le monde de l’architecture en même temps qu’une source d’inspiration et d’invention pour le monde des artistes. Selon Wright, l’architecture doit être porteuse de l’image de l’art. L’architecte ne peut pas réfléchir une habitation, un lieu de culte ou un centre commercial comme il conçoit un musée. Il doit être capable d’amener le spectateur dans un monde totalement nouveau, hors du temps et de l’espace, en constituant à lui tout seul, une œuvre d’art. C’est la seule manière pour inviter le visiteur non seulement à regarder un œuvre d’art, mais à la sentir, la respirer

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et la vivre. Ce principe de conception de Wright est devenu un vrai modèle et une source d’inspiration. On peut citer un deuxième principe, qui est celui de voir le musée comme un espace sans interruption et interconnecté, où toutes les parties du bâtiment sont mises en relation à travers un grand vide central. Les architectes des musées contemporains ont compris de plus en plus l’importance d’avoir un grand espace qui met en relation les œuvres avec leur contexte muséal. L’audace de Wright, concevoir des salles d’exposition ouvertes, est rarement reprise. Par contre, la liaison entre les salles et l’atrium ont tendance à influencer de plus en plus la façon dont les musées d’art sont conçus. Qu’il s’agisse de passerelles, d’escaliers, de doubles hauteurs, cette connexion est revisitée par plusieurs musées dont, par exemple les autres bâtiments de Gehry pour la fondation, le MAXXI à Rome cité précédemment ou encore la Tate Modern de Londres. Le projet des architectes Herzog&DeMeuron pour ce dernier bâtiment a fait de son entrée l’élément fondamental, une vrai plaza couverte, à la fois espace de rencontre, de vie muséale et d’exposition des plus grandes pièces du musée.

La rotonde de Wright La forme particulière du Guggenheim de New York a inspiré non seulement des architectes mais aussi des créations appartenant au monde de l’art même. Prenons comme exemple l’œuvre de Daniel Buren158, en 1971, l’unique français invité à l’exposition Guggenheim international et sa création Peinture/ sculpture, works in situ. Son œuvre, une toile rayée bleu et blanc qui faisait 20 mètres de hauteur est suspendue au centre de la rotonde et est fortement critiquée par les autres artistes. On lui reproche d’être trop présente, étant au centre on ne peut s’empêcher de la regarder, elle constitue un élément de distraction pour les visiteurs et occulte les oeuvres de ses confrères. Sur demande de ces derniers, parmi lesquels Dan Flavin et Donald Judd,

158 Buren est un artiste français, connu dans le monde entier pour ses œuvres in situ.

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l’œuvre est décroché quelques heures avant l’ouverture au public. Cet acte a fait l’objet d’un scandale, suivi de nombreuses protestations et pétitions en faveur de l’artiste français. Le 25 mars 2005, grâce au déjà cité Thomas Krens, l’audacieux directeur, Buren peut prendre sa revanche. Il lui dédie une exposition en solo titrée The Eye of Storm, où la pièce principale Around de corner, reprend en quelque sorte le dialogue avec la rotonde qu’il a entrepris 34 ans auparavant. Cette fois la relation avec le contexte se fait plus subtilement, elle occupe l’entièreté de l’espace mais elle arrive à s’en dessouder.159 « Les visiteurs entrant dans le musée traversent d’abord de sombres

Réflexions personelles

échafaudages enchevêtrés, avant de découvrir, de l’autre côté, que ceux-ci soutiennent une tour de miroirs haute de 30 mètres ; étrange édifice à deux faces, enchâssé dans la légendaire rotondité du musée que le public gravit pour se perdre dans le reflet de la spirale. À chaque étage, des zones d’obscurité renforcent l’effet de surprise : le bain de lumière tombant de la rosace du toit, les jeux optiques déroutants où l’architecture tantôt se confond avec son reflet, tantôt le contredit pour former un fascinant engrenage. »160 Ici on voit la provocation, et comment une œuvre pareille ne peut pas s’adapter à un autre endroit que le Guggenheim de New York, une œuvre provocatrice sûrement capable de stimuler le monde de l’art. Le problème n’est donc pas l’architecture de Wright comme espace d’exposition, mais plutôt le fait que parfois l’art doive s’adapter à l’architecture. Ici se pose la question suivante : qui est le protagoniste l’art ou l’architecture ? Un autre exemple, plus récent, d’exploitation de l’architecture de Wright, est celui de l’artiste James Turrell, artiste connu internationalement pour son art voué à la perception de la lumière et de l’espace. En 2013, il organise une installation Aten Reign pour le Guggenheim de New York. C’est la première fois que la rotonde de Wright n’est visible que par le bas, il n’y a aucun autre objet, seul la structure de l’artiste. Une masse suspendu par le haut enferme le volume et demande un éclairage artificiel à l’aide de LED colorées qui créent

p.140, Première performance Daniel Buren au Guggenheim de New York. 1971.

159 http://www.lexpress.fr/culture/art-plastique/la-revanche-de-buren_486206.html - « La-revanche de Buren » - consulté le 05/04/2016. 160 Id.

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un espace nouveau et dynamique. Cette œuvre est vouée à l’amplification de l’éclairage de la rotonde. Une installation expérimentale qui nous fait entrer à l’intérieur d’un espace déjà existant. Les sources lumineuses sont cachées pour donner la possibilité au spectateur de développer sa propre perception161.

La question des expositions temporaires Un autre grand défi des musées d’aujourd’hui est l’exposition temporaire. Ce phénomène affecte tous les musées, et pas seulement d’arts. Mais comment lui faire face ? Le Guggenheim de New York offre la possibilité de voir comment les deux parties du musée, celle conçu par Wright et son extension datant de 1992, ont permis d’adapter un espace à ce type d’exposition. Si d’un côté Wright est beaucoup critiqué sur l’exposition des pièces, de l’autre, il est aussi vrai que (comme dans le cas de Buren) les espaces mis en place sont une source d’inspiration pour créer de nouvelles expositions en lien avec l’espace muséal lui-même. Les lieux plus classiques souvent recherchés par le monde de l’art (mis en place dans l’extension du musée) sont au contraire des espaces trop rigides qui n’invitent pas à un dialogue et qui ne conduisent pas à de nouvelles expérimentations de l’art. Dans ce cas, les œuvres de différentes tailles apparaissent comme des objets comprimés, qui ne donnent pas la possibilité de respirer.

Réflexions personelles

Mais comment se préparer à recevoir des objets dont on ne connait ni l’origine, le support et la mesure ?

Je pense que la meilleure solution est la flexibilité, la disponibilité des espaces à l’aménagement sans que cela fasse appel à un « simple » travail de scénographie. Je trouve que l’application de l’artiste à des espaces différents, où les rapports entre les hauteurs, les largeurs et les profondeur changent constamment, où le corps ne perçoit pas l’espace de la même façon, est une richesse. À mon avis, le dialogue entre l’architecture et l’art se résume mieux dans le travail d’adaptation de l’artiste à ces espaces que dans un travail qui essaye d’éviter les démesures et désigne avec subtilité

p.142, Exposition The Eye of Storm, pièce Around the corner, Daniel Buren au Guggenheim de New York, 2013.

161 http://web.guggenheim.org/exhibitions/turrell/ - «James Turrel» - consulté le 07/05/2016.

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les rapports de forces. La démesure est associée à la Tate Modern, comment faire aussi grand qu’eux ? Le rapport de force, par contre, se manifeste lorsqu’un artiste ne se sent pas bien dans l’espace et qu’il demande de tout enlever parce que cela le gêne.

Bilbao dans le monde Comme New York, qui est né à un moment bien particulier du monde de l’art, les années soixante et la naissance du postmodernisme avec toutes ses conséquences, Bilbao constitue un élément emblématique de l’architecture de son temps. Grâce notamment à l’utilisation du titane, de formes hardies allant au-delà de l’imagination, complice aussi de remarquables avancées technologiques, Bilbao devient un point de référence pour l’architecture contemporaine du musée. C’est un travail autoréférentiel162 si l’on veut : on a compris que l’audace est non seulement bien acceptée, mais qu’elle est aussi la meilleure voie pour entreprendre. La tendance est donc à nouveau celle d’une architecture porteuse de notions d’art. Gehry, qui soutenait depuis longtemps cette stratégie qu’il avait déjà appliqué dans le Vitra Design Museum, réalise son chef d’œuvre à Bilbao où il consacre ses pensées. L’architecture organique de Gehry devient une sorte de manifeste de l’architecture déconstructiviste. Il contribue à faire de l’architecture une des méthodes de médiation culturelle préférée pour les musées d’art. Avec Bilbao, les canons esthétiques des musées d’art changent et l’architecture commence à s’imposer sur les œuvres. Formes et principes atypiques, qui trouvaient déjà leurs chemins dans d’autres contextes, commencent à être appliqués, non seulement à des musées, mais à des musées d’art. Le monde de l’architecture s’insère de plus en plus dans une tendance artistique, vouée à sublimer l’architecture par rapport aux autres arts plastiques telles que la sculpture ou la peinture grâce à sa capacité de transmettre des

162 Qui fait référence à Wright.

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canons esthétiques non seulement à grande échelle et de les rendre vivants. Le travail architectural prend forme dans une collaboration entre canons esthétiques et faisabilité, autrement dit, inspiration de l’architecte et capacité de l’ingénieur. Ce n’est pas un hasard si les grandes archistars ont une double formation ingénieur-architecte (Zaha Hadid ou Santiago Calatrava en sont un exemple).163 « [Un grande edificio] è capace di impressionarci esteticamente come

nessun’altra opera d’arte: ci seduce, ci circonda, dà forma alla nostra vita e ci protegge; (…) domina il paesaggio; (…) capta come nessun’altra forma lo spirito dei tempi »164 Commence alors une forte réévaluation de l’architecture, probablement présomptueuse, où ses canons esthétiques à l’époque moderniste se réduisent à des formes simples vouées à la fonctionnalité.

Réflexions personelles

« L’occhio non può comprendere la forma vera delle cose con il semplice sguardo (aspectus), ma sì con l’intuizione diligente (obtudus) »165

Quand on essaie, il y a parfois des réussites et parfois des exagérations. Je pense qu’on en est arrivé à un point où l’on oublie que l’architecture est certes un art plastique avec des canons esthétiques mais qu’elle est surtout une matière complète qui a des bases humanistes et scientifiques, définies comme : firmitas, utilitas, venustas.166 L’architecture est au service de sa fonction et l’utilisateur doit pouvoir la vivre au mieux. Elle peut s’exprimer par une écriture très marquée mais celle-ci ne doit pas faire obstacle à sa fonction. Si on conçoit des musées pour eux-mêmes, on ne parle plus d’architecture mais de sculpture. Beaucoup se sont inspirés du travail de Bilbao, je citerai deux travaux dont la référence au travail de Gehry m’a paru tout de suite évidente. Il s’agit de l’architecte Libenskind, avec son ROM (Royal Ontario Museum), et du bureau Rendall Stout Architectes avec la Galeria Alberta, les deux se trouvent au Canada. Libenskind, grand amateur de l’architecture sensorielle, semble vouloir re-

163 C’est bien aussi de rappeler qu’avant l’architecture et l’ingénierie étaient une seule matière et qu’elles ont été distinguées dans l’Encyclopédie de Diderot et D’Alambert en 1756. 164 Marvin Trachtenberg e Isabel Hyman, Arquitectura, Akal, Madrid, 1990 165 « L’œil ne peut pas comprendre la vrai forme des choses avec le simple régar (aspectus), mais avec l’intuition diligent (obdtudus) » (tr. Giulia Falasca) 166 Voir p. XV.

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prendre divers principes de Gehry. Le ROM, Royal Ontario Museum, par rapport à sa troisième expansion, réalisé par Daniel Libeskind est considéré comme la renaissance du musée. Son architecture a évolué grâce à la touche de l’architecte qui intervient en complément de l’existant en installant une structure vitrée (25%) et en aluminium (75%). L’utilisation des matériaux se justifie par son travail porté fortement sur le rapport intérieur-extérieur et sur la «légèreté» de la structure. Le musée s’installe dans le courant déconstructiviste qui, comme dans le musée juif de Berlin, se veut être une architecture sensorielle, qui accompagne le spectateur dans son expérience de découverte du musée. Au moyen de son travail architectural, Libeskind défend l’idée que l’expérience de l’œuvre d’art doit être accompagnée par l’architecture, qu’elle doit se faire porteuse du concept artistique et que cette position ne peut que valoriser l’expérience artistique même. Sur une logique similaire à celle de la collection Guggenheim, l’écriture architecturale attire davantage l’attention par rapport à son contenu (les œuvres d’art), l’objectif étant d’exercer une force attractive envers les visiteurs. Cette similitude d’approche se matérialise dans l’aluminium, un matériau léger et flexible, qui a subi un traitement très particulier et qui est produit d’ailleurs, par la même entreprise qui a fourni le titane pour le Guggenheim de Bilbao. Pour sa part la galerie Alberta, rappelle l’œuvre de Bilbao premièrement pour les matériaux utilisés, deuxièmement pour les formes atypiques mises en place par le bureau d’architecture. Le traitement des surfaces à l’extérieur est différent : vitre et acier sous forme de surfaces courbes et un matériau monolithique qui marque, aussi de l’extérieur, les salles d’exposition. Je trouve que la mise en relation de matériaux différents dans les mêmes tonalités de couleur rendant visible les espaces intérieurs, témoigne d’une forte inspiration au Guggenheim de Bilbao. De plus, la référence au travail de Gehry apparait non seulement dans l’extérieur très complexe, mais aussi dans l’atrium, qui au travers du même système reconduit les principes de Bilbao, la relation entre entre l’intérieur et l’extérieur et les surfaces curvilignes.

Je pense que plus que les éléments, ce qui influence vraiment l’architecture muséale d’aujourd’hui est l’audace et la volonté de rupture avec le passé. La capacité, en s’adaptant aux œuvres exposées, de créer des musées vivants,

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p.146, Royal Ontario Museum. arch. Daniel Libeskind Ici c’est très évident la signature de l’architecte. Le design nous reporte au musée juif de Berlin. Ici perd-il son sens?

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qui ne soient pas des mausolées de l’histoire167 mais plutôt des berceaux de la culture.

Réflexions personelles

L’influence des Guggenheim s’est matérialisée par une architecture organique et des formes sensuelles qui se chevauchent, mais ce n’est pas ça qui la représente. C’est plutôt l’audace dans son approche au monde de l’art au travers de l’architecture. Sa force réside plus dans sa philosophie que dans ses représentations matérielles. Prenons le centre Pompidou à Paris par exemple, on ne l’associerait pas toute de suite au « mouvement Guggenheim » ; pourtant il s’agit d’un travail basé sur la même audace et l’ambition, qui n’ont jamais été vus auparavant. Ici on voit un bâtiment atypique, voué à la conciliation de la technologie avec l’art. Est-ce que les architectes Renzo Piano et Richard Rogers auraient osé autant, s’ils n’y avait pas eu des Guggenheim avant ? Je crois que le succès des Guggenheim a motivé non seulement l’architecture des musées mais le monde de l’architecture en général à se repousser toujours plus loin les limites.

167 Comme les futuristes définissaient les musées. Voir p. 36.

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Refus du Guggenheim Le phénomène Guggenheim a provoqué non seulement un regard d’admiration et d’inspiration mais également diverses critiques féroces qui ont généré un refus net des éléments introduits par l’architecture de la fondation. Par exemple, parmi les nombreuses idées introduites par Wright, le parcours d’exposition incliné en suivant des rampes, est l’élément le moins repris par les architectures des musées d’art : jugé inadéquat lors d’une visite. La pente a été très contestée par les muséographes à la recherche des « références horizontales » pour l’exposition des œuvres.168 Par contre, dans les musées d’automobiles, cette idée a eu un certain succès, comme le musée de la BMW et celui de la Mercedes-Benz en Allemagne. Ici il y a une sorte de rappel au Gordon Strong Automobile Objective169 qui est probablement le point de départ de Wright. D’autres encore, comme le Macba de Barcelone, le musée de Denver de Libenskind ou encore le musée de Hanoi, présentent de grandes rampes mais qui, en réalité, sont rarement utilisées comme des espaces d’exposition. Le monde de l’art et les artistes, préfèrent en principe les chemins le plus confortables.170 Un musée qui reprend en particulier cet élément introduit par Wright est le musée du cinéma de Turin, hébergé dans la Mole Antonelliana. Le bâtiment, conçu au XIXe siècle par Alessandro Antonelli pour être une synagogue, est réaffecté comme musée via l’insertion d’une longue rampe hélicoïdale utilisée pour des expositions temporaires. 171

Le nouveau MoMa de New York Les critiques du monde de l’art sont les plus féroces, non seulement pour NY, mais aussi pour Bilbao et Gehry. Toutefois d’autres se montrent également virulents dans leurs critiques, à l’image de l’artiste Jorge Oteiza, qui

168 GOB André, DROGUET Noémie, op.cit., p.234 169 Voir p. 71. 170 http://www.inexhibit.com/it/case-studies/una-rivoluzione-americana-guggenheim-wright/ - «Il Guggenheim, una rivoluzione Americana » 171 Id.

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pendant la construction de Bilbao le définit comme une usine à fromages stupide et puante et jure de ne jamais concéder ses œuvres au musée. Pourtant, quelques années après la construction, il expose dans le musée en déclare qu’il faut faire avec172. Parfois le refus même du style hardi du Guggenheim, amène les architectes le plus minimalistes à croire que l’architecture des musées d’art doit totalement se mettre au service de l’art en évitant de s’imposer sur les objets exposés. C’est le cas par exemple du New Modern Museum of Contemporary Art de New York, conçu par Kazuyo Sejima. Son écriture est assez minimaliste, le travail de décalage volumétrique est mené par une expression de modernité et pour répondre aux exigences de lumière. Pourtant, l’intérieur apparait assez sobre et les salles comme le parcours sont classiques prônant un retour à la tradition. Aucune relation avec le contexte n’est particulièrement accentuée : c’est un bâtiment sans atout principal qui s’impose dans le quartier pour son échelle et sa couleur plutôt que pour ses formes. Un autre exemple pourrait-être la Tate Modern, conçue par les architectes Herzog & DeMeuron en collaboration avec l’artiste Remi Zaugg. Il s’agit d’un cas bien particulier de bâtiment réaffecté qui initialement hébergé une centrale électrique. Son espace de vie central, La Plaza, reprend les principes défendus par le Guggenheim, comme on l’a vu dans le paragraphe précédent, alors que les salles d’exposition prennent leurs distances et se veulent plus classiques.

Architecture versus arts plastiques Aujourd’hui nous avons non seulement des architectes-artistes mais nous voyons aussi des artistes-architectes ; et ces derniers se trouvent face au grande défi de la faisabilité, qui jusque là ne se posait pas dans l’art. Qu’est-ce qui distingue donc l’architecture des autres arts plastiques ?

172 Ça rappelle les déclarations de Wright par rapport à New York. Voir p. 69.

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L’architecte italien Bruno Zevi, dans son ouvrage « Saper Vedere L’Architettura », publié en 1948, explique de manière très radicale, que le principal critère de distinction entre les architectures et les sculptures, est l’espace interne : la présence d’une ambiance habitable et utilisable étant la conditio173 sine qua non, tout le reste doit se construire en fonction de cela. La rotunda du musée Newyorkais réponde-t-elle à ces critères ? Est-elle habitable et utilisable ? Si c’est la première dans son genre pour sa forme, celle-ci n’est pas seulement une rotunda mais aussi un projet qui s’impose dans une architecture verticaliste. Elle change tous les règles de l’exposition. Comme à New York, à Bilbao, à Helsinki ainsi qu’à la Tate Modern, la présence des salles gigantesques qui font peur aux artistes est très attaquée. C’est difficile d’y exposer, les œuvres risquent d’y être occultés au vu de l’échelle architecturale. elles résulteraient perdues en perdant la relation et leurs proportions. Néanmoins, comme c’est le cas de Richard Serra, Anish Kapoor, Buren etc., ces salles sont parfois courageusement exploitées avec des résultats inoubliables. Ce sont des oeuvres qui en réalité trouvent leur espace et qui ne peuvent être exposées ailleurs. Ce sont des œuvres faites sur mesure par rapport à l’architecture et qui installées autre part seraient dénaturées et privées de leur force. Par contre, il est vrai aussi qu’il ne faut rechercher la solution pratique à des problèmes que quand ils se posent, plutôt que de les imaginer, puisque ils risquent de ne jamais se poser.

173 Ou condicio.

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Le White Cube Le White Cube est mondialement connu comme l’antagoniste par excellence de l’audace et des valeurs introduites par le Guggenheim; guidé par des artistes qui parfois avec beaucoup d’aisance, visent à savoir quelle est la meilleure manière d’exposer dans le musée. La «neutralité» de l’ambiance intérieure est l’élément essentiel de cette mise en valeur, le spectateur peut vraiment apprécier l’œuvre d’art sans aucune autre distraction. Le tout doit être blanc, le tout doit être sans contexte, le tout doit être White Cube. Un exemple d’application de ce principe sont les galeries du White Cube de Londres, propriété de Jay Jopling. Les galeries s’installent dans des édifices préexistants en opérant un réaménagement des espaces intérieurs en suivant la logique du White Cube Bermondsey, à l’Est de la capitale anglaise. Il s’agit plus précisément de la réhabilitation d’un vieux hangar des années 1970 dont la nouvelle vie résulte du bureau d’architecture Casper Mueller Kneer Ltd Architects en 2011. Les principes à la base de l’architecture du White Cube sont totalement opposés à ceux des « projets Guggenheim » : l’architecture cède le pas de protagoniste à l’art exposé et se met à son service ; on assiste au refus de l’architecture-art et à l’emphatisation de l’architecture sensorielle.

p.153, Installation Marsyas, 2002, Anish Kapoor expose dans la Plaza de la Tate Modern de Londres.

La définition du White Cube selon Brian O’ Doherty « Espace sans ombre, blanc, propre, artificiel, dédié à la technologie de l’esthétique»174 qu’on retrouve dans son célèbre essai Inside The White Cube, publié en 1976. L’art contemporain selon lui ne peut pas être exposé dans un contexte qui ne soit pas aseptique, totalement blanc et inexpressive. Il faut laisser l’espace à l’œuvre pour qu’elle puisse s’exprimer en effaçant tout le contexte architectural qui peut distraire le visiteur ou lui faire percevoir l’œuvre d’une autre manière. Cela va de soi qu’il y a une interdiction à utiliser des parois colorées car les choix chromatiques peuvent changer notre perception de l’œuvre, ou bien de recourir à la lumière naturelle, trop variable. De plus, les fenêtres et tous les autres éléments architecturaux

174 O’DOHERTY Brian, White Cube: L’espace de la galerie et son idéologie, JRP Ringier, 2008, pp. 36-37

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trop présents doivent être éliminés afin de ne pas occulter l’œuvre. Les seuls admissions sont des murs blancs et une lumière artificielle175 zénithale176. Même si on tente de définir le White Cube comme un espace neutre sans influence sur le spectateur, ce n’est pas le cas. Bien qu’aseptique et sans expression, le White Cube est très loin d’être neutre, il exprime des intentions très fortes (où l’art est le principal et le seul protagoniste de la galerie) en abolissant la relation avec le contexte et toutes les formes de confrontation possibles pour le spectateur, seul dans une chambre d’hôpital perturbante. La radicale objectivité du White Cube a-t-elle donc échoué en détruisant les œuvres d’art ? Le White Cube, n’est pas seulement un ensemble de galeries, il est tout d’abord un concept, un espace artificiel sans forme ni couleur, voué à l’œuvre d’art. Ce concept est très en vogue sur la scène muséale dans les années 1970-1980 grâce à certains mouvements qui critiquent l’idée d’une architecture-art et qui voient dans le White Cube « l’espace d’exposition le plus approprié, idéal ». Cependant, le monde artistique n’adhèrera pas dans son entièreté au White Cube. Des artistiques critiques alors le musée. Ainsi le célèbre groupe d’artistes Stuckists177 abandonnent le siège de Hoxton Square en raison de sa stérilité et ouvrent leur propre galerie avec des murs colorés. p.155, Un exemple de White Cube. White Cube Mason’s Yard, Londres.

Charles Saatchi, en 2003, accuse la galerie pour son ambiance aseptique et déclare qu’elle est le fruit de la mode des musées. Nick Cohen de son côté intervient encore en 2006 et considère le White Cube comme la mort de l’avant-garde. Enfin, en 2015, des graffitis portant les inscriptions suivantes « Yuppies Out » et « Class War » apparaissent sur le mur d’un appartement à côté de la galerie. Lors de la conférence de M. Buren au Bozar, que j’ai eu l’occasion de ren-

175 À différence de Wright qui pense que la lumière artificielle n’est pas « honnête ». 176 http://www.spatialogie.net/category/perceptions/white-cube/ - «White Cube» - consulté le 05/05/2016. 177 Stuckism est le nom d’un mouvement des artistes fondé en 1999 en Angleterre. Ils promuvent la peinture figurative.

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contrer l’artiste personnellement et je lui ai posé cette question : « Est-ce que vous êtes d’accord avec l’idée du White cube comme lieu d’exposition idéal ? Est-ce que ça vous inspire ? » p.157, Les artistes en proteste dehors la galerie de Hoxton Square.

Sa réponse : « Non, je penses que le White Cube est un lieu d’exposition, absolument pas idéal. Il est même en train de disparaitre puisqu’il est le fruit d’un mode dépassé. Comme toutes les modes, il s’évanouit. Si demain il y a quelqu’un qui dit que la boule est la forme la plus adaptée pour exposer je ne doute pas que beaucoup le suivrait »

Réflexions personelles

Les mots de Buren témoignent du fait qu’aujourd’hui il y a plutôt une tendance à trouver un contexte à l’art contemporain, de préférence des lieux industriels qui sont les plus recherchés dans le monde de l’exposition. Le Guggenheim d’Abu Dhabi en est un exemple.

Personnellement, je suis assez d’accord avec les mots de monsieur Buren. Le problème est de vouloir chercher un lieu idéal où tout exposer. L’art ne demande pas un seul lieu, il est tellement variable qu’il serait impossible de trouver un module, un archétype qui s’adapte à toutes les situations. De plus, en ayant un seul mode d’exposition possible, on perdrait le changement de rapport entre l’œuvre et le spectateur. C’est bien aussi de visiter une même exposition et en avoir une perception différente en raison de la relation différente créée par l’ambiance.

Le White Cube et Le Guggenheim sont vraiment deux concepts antagonistes ? « La galerie est construite selon des lois aussi rigoureuses que celles

qui présidaient à l’édification des églises au Moyen Age. Le monde extérieur ne doit pas y pénétrer, aussi les fenêtres sont-elles généralement

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p.159, Installation Drawn, Antony Gormley au White Cube de Londres. Ici on voit une expression de son obsession pour les rapports du corps humain vers ceux de l’architecture.

condamnées. Les murs sont peints en blanc. Le plafond se fait source de lumière (…) l’art est libre de vivre sa vie. Peut-être un bureau discret pour seul élément de mobilier. Dans ce contexte, un cendrier à pied devient un objet sacré, tout comme un manche d’incendie dans un musée d’art moderne n’évoque pas tant un manche d’incendie qu’une énigme esthétique » 178 Mais les idées du White Cube, qui paraissent radicales, ne s’éloignent pas autant de celles exprimés par Wright lors d’un échange épistolaire en 1944 avec Hilla Rebay sur sa conception de l’espace muséale :

«…Per esempio non ho mai sottolineato come i soffitti alti tendano ad annullare la complementarietà tra i piani e i dipinti, immiserendone il significato e le dimensioni. Così come è ora, la pittura non-oggettiva può avere un grande futuro soltanto se è proporzionatamente in relazione con l’ambiente e non con soffitti alti. E con sfondi piani di diverse tonalità adatti ai quadri. Meno evidente è la grana dello sfondo meglio è. Un museo dovrebbe offrire una atmosfera limpida prodotta dalla luce e da superfici cordiali. Telai e pannelli sono sempre stati mezzi per mascherare i quadri e segregarli dall’ambiente annullando relazioni e proporzioni…Un museo dovrebbe essere un piano unico in espansione e ben proporzionato, ovvero uno spazio continuo da terra sino alla sommità…Nessun ostacolo…ovunque perseguite: una calma profonda e una ampiezza pervasiva…Nessuna aggiunta - neppure tende o tappeti…Ovunque nessun dettaglio che distragga. In breve una creazione

178 O’DOHERTY Brian, White Cube: L’espace de la galerie et son idéologie, JRP Ringier, 2008, p.7

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Réflexions personelles

che non esiste ancora»179

Les principes se ressemblent beaucoup, ce qui change vraiment est l’interprétation. Pour Wright, la calme de l’espace est donné par une lumière variable dans la salle, qui comprend les espaces plus sombres et ceux plus lumineux. Il croit aussi que la quiétude est amenée par la présence de verdure tout autour du bâtiment. Mais, le fait d’avoir une ambiance dans un ensemble uniforme, bien proportionné reprend les mêmes principes qui régissent la construction du White Cube. Alors sont-ils si différents ?

p.160, Il faut faire attention à ne confondre pas une exposition avec des murs blancs et un ambience sobre, avec le White Cube, qui est un concpet très radicale. Ici on est dans les anciennes galeries White Cube Bermondsey, à Londres.

179 « …Par exemple j’ai jamais souligné comment les plafonds si hauts ont tendance à annuler la complémentarité entre les étages et les peintures, en appauvrissant leur significat et leurs dimensions. Comment elle est maintenant, la peinture non-objective, peut avoir un futur seulement si elle est proportionnée en relation avec le contexte et non pas avec des plafonds de grandes hauteurs. Et avec des fonds plats, de différentes tonalités, qui s’adaptent aux peintures. Moins évident est la texture du fond mieux est. Un musée devrait offrir une atmosphère claire produite par la lumière et des surfaces agréables. Cadres et panneaux sont toujours des moyens pour masquer les peintures et les ségréguer de l’ambiance en annulant leurs relations et leurs proportions…Un musée devrait être un plan unique en expansion et bien proportionné, donc un espace continue du bas au sommet…pas d’obstacles…partout souhaités : une calme profond et une ampleur diffuse…Il ne faut rien ajouter, ni drapeaux ni tapis…Partout aucun détail qui ne distrait. En bref une création qui n’existe pas encore » dp. http://www.archimagazine.com/ adalcoguggenheim.htm - « Il Solomon R. Guggenheim Museum compie 50 anni» - consulté le 03/05/2016 (tr. Giulia Falasca)

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CONCLUSIONS Probablement nous nous sommes habitués à voir les Guggenheim comme quelque chose appartenant à l’histoire, au passé. En réalité, ses bâtiments nous regardent et s’imposent dans l’actualité contemporaine, les projets d’Abu Dhabi et Helsinki en sont la preuve. Ces projets sont en train de changer nos continents et nos villes, c’est pour cette raison d’ailleurs que j’ai voulu entreprendre une analyse de ce processus.

Une question me vient à l’esprit à la fin de ce parcours : pourquoi un stade de foot un hôpital etc. n’interpellent pas autant les critiques ?

La réponse réside probablement dans le fait que ces types de constructions doivent répondre à un grand nombre de contraintes qui limitent fortement la manière de construire ; ceci amène souvent à la création et aux recours à des archétypes.

Réflexions personelles

Pour les musées, le discours change, les architectes sont confrontés à la fonction muséale, ils n’ont pas un modèle retenu comme universel, à suivre ; ils doivent toujours faire face à l’art, qui est en continuel mouvement. L’architecture doit donc « le suivre », trouver un système d’adaptabilité. L’architecture doit être porteuse de sa fonctionnalité, elle doit accompagner le visiteur mais en même temps elle ne doit pas occulter les œuvres d’art. La bonne réponse de l’architecte à l’art réside probablement, dans une architecture présente mais mise à disposition de l’art, constituée d’éléments architecturaux qui ne se consacrent pas à eux-même mais à une meilleure exposition.

Mais au-delà des toutes les critiques faites par les artistes, les architectes etc., il ne faut pas oublier que le musée est d’abord une institution d’intérêt commun, fait pour le public, qui en est le vrai protagoniste. Le vrai but du musée ne doit donc jamais être perdu de vue au profit de l’arrogance de

CONCLUSIONS

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certains.

L’architecture, avec quelques années de retard par rapport à l’art, vit un moment où la signature devient plus importante que l’œuvre même. Toutefois, si l’art a parfois l’avantage de pouvoir être oublié et de disparaitre, ce n’est pas le cas de l’architecture. De plus, si l’art peut concéder le luxe d’intéresser une proportion limitée de la population, l’architecture par contre a une grande responsabilité : elle impacte l’espace public vécu en faisant partie du quotidien de chacun. La mauvaise architecture ne peut pas s’effacer sans une action dispendieuse économiquement et moralement par la société.

L’architecture est jugée souvent comme une peinture ou une installation, c’est-à-dire selon des canons purement esthétiques par la société d’aujourd’hui de plus en plus subjective et de plus en plus individualiste. Si on y ajoute la tendance à favoriser et à donner de l’importance aux grands architectes, aux archistars, on laisse peu de place aux architectes émergents.

Réflexions personelles

En tant que future architecte, pendant la rédaction de mon mémoire je me suis rendu compte que j’ai une vision désenchantée de cette matière. L’architecture, qui m’a entourée pendant mon enfance, celle que j’ai tant aimée au cours de mes voyages et qui m’a fait prendre la décision de vouloir faire ce métier, est en train de disparaître et elle n’a rien à voir avec la production d’aujourd’hui. Bien que stupéfiante, voire époustouflante d’un point de vue d’ingénierie et de conception, les architectes sont poussés tous les jours à produire l’inattendu (fortement voulu par les administrations) ; or, à mon avis, ceci ne fait que limiter l’originalité de notre travail.

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Depuis le début, je pose une question : l’architecte est-elle aussi un artiste ? Ma réponse est oui, non seulement parce que ce qu’il produit est un art à grand échelle mais parce que il est aussi un artisan. J’ai toujours voulu faire l’architecture parce que j’étais fascinée par le fait de pouvoir concrétiser mes idées : l’idée de voir bâti un jour quelque chose qui était dans ma tête, puis sur un papier, dans lequel les gens pourraient se sentir bien.

CONCLUSIONS


Je me rappelle de mon premier jour de cours à l’université (à Rome), où mon professeur de géométrie descriptive a débuté en disant que les architectes sont des dieux et que dieu était un architecte, parce qu’il crée, il fait de rien quelque chose de matériel et de concret. C’est sûrement une affirmation prétentieuse mais elle est vraie en quelque sorte et elle m’a touchée ; depuis je me contente d’être un petit dieu qui un jour aurait la possibilité de voir réalisé quelque chose que personne d’autre n’aurait réalisé.

Au cours de mes cinq années en architecture, j’ai finalement compris que l’architecture ne se limite pas à ça ; ce sont les utilisateurs et leurs sensations dans l’espace qui rendent une architecture apte. L’architecte perd son domaine le jour de l’inauguration. Il y a pas une formule précise, ni une réponse exacte, ce n’est pas comme lire un livre ou regarder un film. Le travail de l’architecte est jugé de manière intime, les gens rentrent dans les bâtiments et par conséquent dans la tête de l’architecte.

Mon mémoire. Suite à ce travail d’analyse je ne voulais pas donner de réponses que, probablement personne donnera jamais, je tenais à comprendre comment le Guggenheim avec son travail, son attitude à lui a donné ses réponses. Comment il a influencé le monde de l’art et de l’architecture et pourquoi il a parfois été refusé. Tout ceci dans le but de pouvoir, en tant que future architecte, me faire un premier bagage et comprendre quelles seront, indépendamment, mes réponses.

Sapere Aude !

CONCLUSIONS

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« L’architecture de musée n’est pas seulement un lieu servant à caser les œuvres d’art, ni une machine à exposer. C’est un instrument critique qui rend les œuvres d’art perceptibles et compréhensibles. » 180 Carlo Scarpa

180 LOS Sergio, Carlo Scarpa, Taschen, Cologne, 2002, p.83


Je tiens à exprimer mes sincères remerciements à tous ceux qui ont contribué à la réalisation de ce mémoire. Tout d’abord je tiens à exprimer ma plus grande reconnaissance à Madame Marianne PUTTEMANS, tutrice de ce mémoire, pour sa grande patience, pour le temps qu’elle a bien voulu me consacrer, pour ses conseils et surtout pour ses mots toujours encourageants et bienveillants. Merci à mon copain, Marco PANERO, qui a consacré beaucoup de son temps à la relecture de mon travail et il m’a soutenu pendant ces mois. Merci à mon amie Sabrina MONTORIO, qui s’est rendu disponible à la correction de ma rédaction malgré la distance qui nous sépare. Merci à tous ceux qui m’ont accompagné pendant ce parcours, même seulement avec un mot de confort. Enfin, un grand merci à mes parents qui m’ont permis d’être ici aujourd’hui et qui croient toujours en moi.



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FILMOGRAPHIE

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ICONOGRAPHIE


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ICONOGRAPHIE

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ABRÉVIATIONS Arch. : Architecte Ch. : Chaîne YouTube Dp. : Depuis Ibid. : Ibidem Id. : Idem Litt. : Littéralement Op. cit. : Opéra cité S.l. : sans lieu Tr. : Traduction

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