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Photomontage Cédric Wachthausen

DOSSIER SPÉCIAL

Séné est une cité habituée à l'alternance politique.

TOUJOURS SÉNÉ

EN COURSE P Centre culturel, opération Cœur du Poulfanc… Depuis trois ans, la nouvelle municipalité de Séné multiplie les projets. Un rythme effréné parfois difficile à tenir dans une cité réputée complexe à diriger, habituée à l’alternance politique.

Par Donovan Potin donovan.potin@lemensuel.com

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Le Mensuel/mars 2011

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ar certains côtés, Séné rappelle le village d’Astérix le Gaulois et son syndrome « Mon poisson ? Pas frais ? ». L’ambiance est bonne. Le cadre de vie idéal. Les fêtes ne manquent pas. Pourtant les Sinagots n’hésitent pas à se dire les choses en face, en pleine place publique, quitte la plupart du temps à jouer de la voix et à taper du poing sur la table. Pas besoin de lettres ouvertes ni de communiqués. A Séné, les élus n’ont qu’à sortir de chez eux pour entendre reproches et réprimandes. Sanguin de réputation, le Sinagot sanctionne sans vergogne le politique. Depuis les années 80, seul un maire –Marcel Carteau (PS)– a effectué deux mandats. Pour les autres ? Impossible. « A chaque élection, on change tout et on recommence ! Un coup à droite, un coup à gauche ! », s’amuse un vieux de la vieille. Difficile dans ces

conditions d’établir un projet politique à long terme. Mieux vaut faire ses preuves rapidement.

Rythme effréné des projets C’est dans ce décor que Luc Foucault (MRC) a endossé son rôle de maire en 2008. L’ancien conseiller municipal d’opposition, réputé tenace voire agressif avec la majorité d’alors, a troqué son poing levé contre l’écharpe bleublanc-rouge. Après trois ans de mandat, cet homme de gauche « s’est assagi » (lire p.30), sans perdre son caractère « sinagot », ni son temps. Nouveau centre culturel, logements sociaux, travaux à la réserve naturelle… Luc Foucault et son équipe ont multiplié les projets. A un rythme « effréné », selon certains, loin de celui adopté par nombre de leurs voisins du Golfe qui prônent « un temps nécessaire de


réflexion avant l’action ». L’opération Cœur du Poulfanc (lire ci-contre) illustre parfaitement ce calendrier mené tambour battant. Le 9 février était prévue une réunion de quartier concernant ce dossier, une date arrêtée avant même la délibération du conseil municipal sur la création de la zone d’aménagement concertée dédiée… votée le 3 février. Avancer vite, discuter beaucoup serait le credo de la municipalité. « Durant sa campagne aux municipales, cette équipe a vendu aux électeurs le principe de démocratie participative. Ça se

« Une élection sur deux, on change tout et on recommence ! Un Sinagot

»

traduit par une somme de réunions », estime Fulup Le Foll, conseiller de l’opposition. « Cette municipalité bat des records de réunions, de comités, de sous-comités… C’est de la poudre aux yeux ! » Une rhétorique rejetée en bloc par le maire. N’empêche… A force de vouloir aller vite, le team Foucault n’évite parfois pas la collision. Courant 2009, le projet de Plan local d’urbanisme (Plu) a provoqué l’ire d’une partie de la population. Manifestations, banderoles sur les balcons… « On ne vous croit plus ! Vous êtes un dictateur ! », lançait même, avec ce « tact » et cette « mesure » typiquement du coin, une habitante à Luc Foucault, en juin 2010, place de la mairie. Les élus avaient dû faire marche arrière…

« Des mesquineries » La tempête du Plu rappelle à certains habitants le temps du précédent maire, Patrick Salic, aujourd’hui dans l’opposition. Notamment un épisode de 2006, concernant l’avenir d’un bâtiment du centre-bourg, projet largement décrié par les habitants. Ces derniers s’étaient même invités en conseil municipal soutenant à grands coups de brouhaha et de claquements de mains le discours houleux… du « jeune Foucault ». Quelques années plus tard, c’est à lui d’affronter une opposition qui ne mâche pas ses mots. Notamment en la personne de Fulup Le Foll. « Les choses sont dites, c’est vrai », reconnaît celui-ci. « Dans l’ensemble, on s’entend bien. Il y a moins de tension qu’il y a eu à une

époque. Mais il reste des mesquineries. » L’élu pointe notamment la nouvelle proposition de Plu (lire ci-contre). A en croire l’opposition, Luc Foucault n’atteindra pas la ligne d’arrivée dans sa course de fond. La faute « à un endettement élevé, hérité en partie de l’ancienne municipalité ». En 2008, il s’élevait à 11 millions d’euros. « Le maire s’est engagé à ce que la situation n’empire pas. C’est impossible, juge Fulup

Le Foll. Il va bien falloir faire tourner les nouveaux équipements, comme le nouveau centre culturel. » Le maire, lui, balaie ces reproches d’un revers de main. « Séné est une commune riche, avec de nouveaux habitants qui viennent s’installer chaque année. On a donc les moyens de jouer le jeu de la solidarité et des équipements ouverts à tous. » Qu’on se le dise : la course pour 2014 est lancée.

MI-MANDAT 2011, année charnière. Trois ans avant les prochaines municipales, Le Mensuel vous propose de faire le point sur la situation à mi-mandat dans les communes à enjeu du sud-Morbihan. Bilan, analyse, interviews des élus…. chaque mois, jusqu’à l’été prochain, retrouvez notre dossier spécial.

LE POULFANC

AU CŒUR DU MANDAT

«R

ecréer un véritable quartier. » Telle est l’ambition de la mairie dans l’opération Cœur du Poulfanc. Ce vaste projet d’aménagement du territoire sinagot, déjà engagé par les précédents maires, apparaît aujourd’hui comme une priorité pour Luc Foucault, l’édile actuel. Construction de logements, création d’une place publique, meilleur accès aux services, aux commerces… « Il s’agit d’un dossier complexe. Le Poulfanc compte 8 ha de friche industrielle, explique le maire. A un moment, on a pris la décision de reconstruire quelque chose. C’est facile à dire. Pas à faire. Pour les habitants, ça veut dire changer leur environnement. » Des

réunions publiques ont déjà eu lieu. D’autres vont être programmées. Du côté de l’opposition, le regard est critique. Elle ne veut pas d’un quartier « vitrine ». « C’est aberrant : on envisage de ne faire circuler le bus que dans un seul sens », vilipende Fulup Le Foll. « Je vis au cœur du Poulfanc. Il ne faut pas que des gens qui habitent au bord de l’eau nous donnent des leçons, rétorque le maire. Je ne le supporte pas. » La première phase des travaux doit débuter dès 2012, jusqu’en 2018. Elle comprend la construction de 213 logements, dont 30% de sociaux, et de 2 200 m² de commerces et de services. Le budget de l’opération sera arrêté en juin.

PLAN LOCAL D’URBANISME

LA FIN DU FEUILLETON ?

«C

e qui est dommage, c’est que j’étais le seul de l’opposition à vouloir voter pour ! », ironise Fulup Le Foll, conseiller d’opposition à Séné. Fin février, le conseil municipal de la ville inscrit à l’ordre du jour un bordereau capital et symbolique : l’approbation du Plan local d’urbanisme (Plu). Une toute nouvelle version refondue après la polémique que la précédente avait suscitée parmi les habitants (lire ci-contre). « Soyons clairs, tout ce qui posait problème a été retiré du nouveau document », admet l’opposition. Cela n’a pas empêché Fulup Le Foll de se fendre d’un long courrier adressé au maire trois jours avant le tant attendu conseil. Motif ? La minorité estime ne pas avoir reçu les documents suffisants pour

statuer en connaissance de cause. « On vous donne un document de 600 pages, une demi-heure avant d’en discuter… C’est un scandale, s’insurge le conseiller d’opposition. On ne peut pas prôner la démocratie participative et agir ainsi. C’est un sujet chaud. Le maire voulait faire profil bas… C’est raté. » Que dit Luc Foucault ? Lui s’annonce droit dans ses bottes. A la suite de la polémique sur la première version du Plu, le maire avance avoir fait tout le travail nécessaire de concertation. « J’ai bon espoir que ce nouveau Plan ne soit pas attaquable », expliquait l’édile sinagot dans Le Mensuel de février. Le Plan local d’urbanisme de Séné va-t-il à nouveau faire parler de lui ? A voir… Mercredi 23 février, seule l’opposition s’est abstenue de voter. Le Mensuel/mars 2011

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DOSSIER SPÉCIAL SÉNÉ

« JE N’AI JAMAIS LUC FOUCAULT Maire de Séné

«

CHANGÉ DE CONVICTION

Cédric Wachthausen

Luc Foucault aime batailler et défendre son action. En trois ans, le maire de Séné n’a pas lésiné sur les projets. Entre centre culturel et opération Cœur du Poulfanc, cet homme de gauche entend ne rien imposer… mais avec caractère.

Le Mensuel : Cœur du Poulfanc, centre culturel, logements sociaux… Vous avez lancé de nombreux projets depuis trois ans. Vous parvenez à tout gérer de front ? Luc Foucault : Nous avons de longues journées. Lors des municipales de 2008, on a été élus avec 22 engagements. 80% sont aujourd’hui réalisés. Avant d’être à la tête de la mairie, quand nous étions dans l’opposition, notre groupe a travaillé sept ans sur un projet. Et on connaissait aussi bien la ville que l’équipe en place. A l’époque où vous étiez dans l’opposition, on se souvient plus facilement de vos affrontements avec la majorité que de la construction d’un projet.

« Quand on est maire de Séné, il faut avoir du caractère »

Oui… Séné était réputée pour ses conseils municipaux houleux. Ça a changé, heureusement. Nous avions des contestations mais aussi des propositions. Si mon équipe était amenée à rendre les rênes en 2014, on pourra dire qu’on a mené notre programme. La dette de la commune serait de 11 millions d’euros. Un chiffre important qui risque de grever vos projets ?

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L’endettement de la commune est de 9 millions aujourd’hui. Et non de 11 millions, comme en 2008. On a désendetté la commune durant nos premières années de mandat. On a ainsi dégagé des capacités d’investissement. En 2011, oui, on va sans doute s’endetter avec l’arrivée du nouveau centre culturel. On sera revenu en fin d’année à la même situation que 2008 : 11 millions de dette. J’ai pris l’engagement que cela n’irait pas plus loin. Je le tiendrai. On n’a pas de leçon à recevoir sur le budget, comme sur la conduite financière, de la part de l’opposition. Faire vivre une commune passe par le développement de son économie. Vos opposants estiment que vous n’avez aucun projet en la matière ? C’est un procès d’intention. Comme nous nous situons à gauche, on pense que les affaires économiques, nous, on ne connaît pas. Je maîtrise mieux le monde de l’entreprise que n’importe quel conseiller d’opposition. Oui, Vannes se développe du côté de Plescop et non du côté de Séné. Mais nous, on poursuit les travaux au Poulfanc (lire p.29). Et cette opération ne constitue pas qu’un quartier d’habitation. Elle comprend des commerces, des services. La vie économique y aura toute sa place. S’il y a bien un reproche que je balaie d’un revers de main, c’est celui-là. Selon de nombreux Sinagots, vous vous êtes assagi. Le Luc Foucault maire n’est plus le Luc Foucault d’opposition, combatif voire agressif. Ah bon ? (sourire) On ne se voit pas évoluer. Je n’ai jamais changé de conviction. Je n’hésite pas à aller

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au devant de la situation. Quand on est maire de Séné, il faut avoir du caractère et gagner le respect de la population. Je ne suis pas toujours d’accord avec les gens et les gens ne sont pas toujours d’accord avec moi. Mais j’essaie de tenir compte au maximum de l’avis de chacun. En 2010, vous avez dû faire marche arrière sur votre Plan local d’urbanisme (Plu), fortement rejeté par une partie de la population. Cela nous a marqué. On a pris des coups de la part de gens proches qu’il nous a fallu affronter. Quand certains élus sortaient de chez eux et se faisaient insulter, cela a été dur. C’est ça Séné. Notre équipe en est néanmoins ressortie renforcée. Vous appartenez au MRC. C’est difficile d’être maire dans une région bretonnante quand on ne croit pas au modèle breton ? L’ouverture d’une filière bilingue est l’un de nos engagements de campagne. Nous sommes tous des républicains dans l’équipe. On combat les communautarismes et on défend la langue bretonne. Vous dire que c’est la priorité de mes priorités, non. Mais j’ai travaillé douze ans dans une PME bretonne. J’ai été acteur du modèle breton. Il ne faut pas qu’on vienne me chercher sur ce type de sujet ! Il y a beaucoup de sujets où il ne faut pas vous chercher… On me trouve. Les gens viennent me voir. Ils me posent une question. On réfléchit et je leur donne un oui ou un non. C’est comme ça que Séné avance.


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