Vers un nouveau modèle du monde Tous ces paradoxes indiquent qu’une nouvelle lumière, une nouvelle manière de penser est nécessaire. Des paradoxes dans la science même, ont nécessité de repenser et de développer un nouveau modèle du monde. En 1859, avec sa publication retentissante, Charles Darwin a déclenché une vraie révolution copernicienne dans la compréhension de l’homme, une césure dans la pensée, dont les ondes de choc sont toujours en train de se propager et sont encore loin d’avoir touché tous les domaines de la vie humaine. Darwin a rendu concevable l’idée que la vie ne soit pas un processus « top-down », sous la direction d’un grand architecte ou bureaucrate, mais un processus créatif, « bottom-up », non miraculeux, autonome et plutôt facile à comprendre. Il a démontré que la création s’est étalée sur des millions d’années, un pandémonium d’une croissance sauvage créative et une sélection impitoyable. Il s’agit d’un processus qui a évolué lentement et à petits pas, sans plan préétabli, sous l’influence d’évènements accidentels, comme une pyramide qui est construite sur ses fondations.27 Ce processus invraisemblable et époustouflant a été quelque fois comparé à un filet d’eau qui monterait une montagne ou avec un amalgame de pierres dont, au bout d’un certain temps, une maison naîtrait par auto-organisation. (autopoièse) Nous comprenons maintenant que la matière est en soi ni morte, ni vivante, mais que des organisations complexes de la matière peuvent présenter la caractéristique de la vie quand elles fonctionnent d’une certaine façon et celle de la mort si elles ne le font pas. La vie n’est pas une substance mais une forme d’organisation. Un raisonnement similaire est valable pour la conscience : la conscience peut naître dès qu’il y a un certain degré de complexité. Le nouveau modèle du monde est donc un modèle non-linéaire, systémique et créatif28. Un modèle du monde systémique signifie qu’il n’y a plus de simple causalité linéaire, mais un réseau de relations et de causalités. Tout est à la fois cause et conséquence. Ainsi il n’y a par exemple plus de luttes de classes linéaires entre les ouvriers exploités et les capitalistes qui exploitent car dans le système moderne les gens sont aussi bien ouvriers que capitalistes.
27
Dennett, Daniel. Darwin’s Dangerous Idea. Allen Lane, The Penguin Press. 1995
28
On pourrait aussi l’appeler une vision holistique-créative du monde, mais parce que le terme « holistique » peut
probablement évoquer des connotations moins souhaitables avec le mouvement New-Age, nous préférons le terme de vision du monde systémique-créative ou intégrale-créative.