Catalogue de la Biennale des Antiquaires 2012

Page 14

Henri MATISSE (1869 - 1954) Baigneuse allongée Aquarelle sur papier exécutée à Collioure en 1905 signée en bas à droite : Henri Matisse 21 x 27 cm.

PROVENANCE :

Galerie Thannhauser, Munich Justin K. Thannhauser, New York Christie’s, New York, 13 mai 1987, lot n°110 Collection privée, Paris

Watercolor on paper executed at Collioure in 1905 signed lower right: Henri Matisse 8 1/4 x 10 5/8 in. Certificat d’authenticité de Mme Wanda de Guébriant

L’ŒUVRE

Réalisée lors de son deuxième été passé à Collioure, en compagnie de Derain en 1905, cette aquarelle est un des premiers nus fauves de Matisse. Il annonce l’importance de ce sujet dans l’œuvre du génie de la peinture moderne. Cette femme nue, allongée sur une plage, est une illustration parfaite des contraintes auxquelles Matisse sera confronté tout au long de sa carrière : faire coexister au sein d’une même œuvre la ligne (dessin) et la touche (couleur) (Fig. I). Cette aquarelle est le témoin de l’évolution de la peinture de Matisse au début du XXe siècle. Ici nous pouvons avoir cette sensation d’inachevé, mais il s’agit bien d’une œuvre totalement aboutie, volontairement laissée libre à certains endroits, afin d’accentuer la douceur et afin de laisser place à l’essentiel : la couleur.

Fig. 1 : Henri Matisse, étude pour le Bonheur de vivre 1905-06. Huile sur toile, 40,6 x 54,6 cm. Prov. : S.F. MoMA. Succession H. Matisse et ARS New York.

Fig. I1 : Henri Matisse, La Plage rouge, été 1905. Huile sur toile, 33 x 40,6 cm. Prov. : Fondation Fridart.

22

Même si l’on ne distingue pas forcément plusieurs plans dans cette œuvre, mais plutôt une évolution dans l’intensité du sujet, partant du sable vers la roche d’une crique de Collioure, on découvre deux techniques bien distinctes : • La plage, bien que traitée selon la méthode du divisionnisme découverte un an auparavant en compagnie de Signac, ne suit pas les techniques traditionnelles du pointillisme, Matisse utilise sa propre méthode. La touche n’est pas très fine et organisée comme le préconise la doctrine divisionniste, mais elle est plus large et surtout plus vivante. Elle part dans le même sens (comme le reste de l’œuvre, de gauche à droite) nous dévoilant directement ce qu’elle représente, formant beaucoup plus de mouvement que de rigueur, et instaurant une grande modernité dans ce nu ensoleillé. • On perçoit la deuxième technique, plus représentative de son art futur, dans la représentation de la roche. Travaillée par des aplats colorés, elle nous dévoile ce que sera la future « touche Matissienne » tant aimée par le monde de l’art. Même si la priorité de l’artiste reste la couleur, cette harmonie colorée est appuyée par des lignes continues qui soulignent certains contours indispensables à la profondeur. Les couleurs utilisées par Matisse pour représenter cette roche sont exactement les mêmes que celles habituellement utilisées pour représenter ce que l’on ne voit pas dans cette aquarelle : le bleu ciel de la mer et le jaune du soleil…

« Ce que je rêve, c’est un art d’équilibre, de pureté, de tranquillité. » Henri Matisse.

… Le nu, sujet principal de l’œuvre, est ici traité avec beaucoup de douceur dans la couleur comme dans le modelage. Les touches inégales et colorées de la plage viennent effleurer le corps tout en provoquant l’impression de repos. Les quelques touches orange de cette aquarelle sont disposées le long du corps afin d’accentuer la symbiose entre le modèle et le paysage. Matisse utilise délicatement le crayon pour souligner avec beaucoup de finesse et en quelques lignes, le modelage de ce nu. Les quelques couleurs utilisées sur le corps de cette femme sont en totale harmonie avec le reste de la composition, le rose pâle pour les jambes et le visage ainsi que le bleu ciel délicatement positionné sur le buste, provoquent une immersion totale du modèle dans cette scène de plage. Malgré la douceur générale de cette œuvre, les couleurs sont franches et jaillissent avec force au bon endroit instaurant une harmonie basée sur l’équilibre des couleurs complémentaires. La volonté de Matisse, de peindre avec des tons purs afin de retranscrire un maximum d’expression et d’émotion, est parfaitement représentée dans cette très rare œuvre fauve. Seulement quelques œuvres ont été exécutées de cette manière en 1905 par Henri Matisse, dont les plus intéressantes sont l’étude pour « Le Bonheur de vivre » (Fig. I) et « La Plage rouge » (Fig. II). A.F.

23


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.